M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’adoption de votre amendement, mon cher collègue, constituerait une sorte de big-bang, car vous indiquez, dans l’exposé des motifs, que la mesure proposée serait gagée sur un relèvement du taux intermédiaire de TVA – ce gage n’est certes pas repris dans le dispositif, ce qui est, me semble-t-il, préférable : il faut être raisonnable.

J’imagine que Mme la ministre nous fournira des éléments d’éclairage sur cette mesure, comme elle l’a fait lorsque nous avons évoqué la situation des arbitres tout à l’heure. En tout état de cause, et eu égard à la situation de nos finances publiques, il vaut mieux éviter d’adopter une telle disposition : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Notre système social et notre système fiscal sont imbriqués de façon très complexe. Il y aura là matière, du reste, à faire de très belles propositions de simplification dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Notre cadre fiscal et social pourrait être entièrement repensé ; je pense par exemple au nombre de tranches de l’impôt sur le revenu, qui pourrait être augmenté. Il y a beaucoup de choses à faire – nous avons parlé tout à l’heure, par exemple, du revenu fiscal de référence.

En l’occurrence, voilà un amendement dont l’adoption coûterait plusieurs milliards d’euros, et peut-être même une petite dizaine de milliards. Les masses financières en jeu sont considérables. Il faudrait aussi examiner les abattements applicables aux autres niveaux de CSG – pensions de retraite, revenus de remplacement, etc.

Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Oui, tous les Français y gagneraient si notre système fiscal et social était plus lisible, si le financement de l’État et celui de la sécurité sociale étaient mieux articulés. Sur le principe, je n’ai pas d’opposition à ce que nous y réfléchissions.

Quant au vote dans l’immédiat d’un tel amendement au milieu de ce projet de budget, je ne vois pas comment il serait possible d’en compenser le coût pour les finances publiques.

Comme le dit le rapporteur général, l’idée d’une hausse de la TVA peut être avancée dans le débat, mais, à ce stade, telle n’est pas la proposition du Gouvernement, et je ne crois pas que les esprits de nos concitoyens aient été préparés, politiquement, à ce type de décision.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-602 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-756 rectifié bis, présenté par M. Fargeot, Mme Billon, MM. Delcros et Longeot, Mmes Jacques et Loisier et M. Courtial, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article 194 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le tableau du deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« 

SITUATION DE FAMILLE

NOMBRE DE PARTS

Célibataire, divorcé ou veuf sans enfant à charge

1

Marié sans enfant à charge

2

Célibataire ou divorcé ayant un enfant à charge

2

Marié ou veuf ayant un enfant à charge

3

Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge

3

Marié ou veuf ayant deux enfants à charge

4

Célibataire ou divorcé ayant trois enfants à charge

3,5

Marié ou veuf ayant trois enfants à charge

4 ,5

Célibataire ou divorcé ayant quatre enfants à charge

4

Marié ou veuf ayant quatre enfants à charge

5,5

Célibataire ou divorcé ayant cinq enfants à charge

5

Marié ou veuf ayant cinq enfants à charge

6

Célibataire ou divorcé ayant six enfants à charge

5,5

 » ;

2° Au troisième alinéa, le mot : « part » est remplacé par le mot : « demi-part » ;

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Fargeot.

M. Daniel Fargeot. Quelque 36 % des familles françaises ont un enfant ; 42 % d’entre elles en ont deux.

Pourtant, les modalités d’attribution des parts de quotient familial sont plus favorables à partir du troisième enfant, c’est-à-dire pour 21 % des familles. Une large majorité des familles n’est donc pas pleinement soutenue par le mécanisme du quotient familial.

Cet amendement vise à envoyer un signal fort auprès de ces dernières, en leur attribuant une part entière dès le premier enfant et jusqu’au deuxième. Ce faisant, nous encouragerions également les familles qui ont un enfant à en avoir un deuxième.

Il s’agit donc de renforcer immédiatement le gain fiscal pour les familles actives, dans un contexte de natalité historiquement basse.

M. le président. L’amendement n° I-890, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article 194 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° La seconde colonne du tableau du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

a) À la sixième ligne, le nombre : « 2 » est remplacé par le nombre : « 2,5 » ;

b) À la septième ligne, le nombre : « 3 » est remplacé par le nombre : « 3,5 » ;

c) À la huitième ligne, le nombre : « 3 » est remplacé par le nombre : « 3,5 » ;

d) À la neuvième ligne, le nombre : « 4 » est remplacé par le nombre : « 4,5 » ;

e) À la dixième ligne, le nombre : « 4 » est remplacé par le nombre : « 4,5 » ;

f) À la onzième ligne, le nombre : « 5 » est remplacé par le nombre : « 5,5 » ;

g) À la douzième ligne, le nombre : « 5 » est remplacé par le nombre : « 5,5 » ;

h) À l’avant dernière ligne, le nombre : « 6 » est remplacé par le nombre : « 6,5 » ;

i) À la dernière ligne, le nombre : « 6 » est remplacé par le nombre : « 6,5 ».

2° Le a est ainsi modifié :

a) Les mots : « chacun des deux premiers » sont remplacés par les mots : « le premier » ;

b) Le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Notre pays traverse une grave crise démographique : le taux de natalité y est au plus bas depuis 1945. Il s’agit donc, en réalité, d’une crise existentielle.

Actuellement, chacun des deux premiers enfants permet de bénéficier d’une demi-part fiscale. Ce dispositif n’est plus en adéquation avec la situation du pays.

Cet amendement vise à accorder une part fiscale pleine dès le deuxième enfant, ce qui permettrait à la fois de soutenir la natalité et de rendre du pouvoir d’achat aux Français.

En effet, une politique de natalité forte est nécessaire pour assurer le renouvellement des générations. Accueillir un nouvel enfant engendre des dépenses supplémentaires obligatoires, telles que celles qui sont liées à un changement de logement ou de véhicule. L’adoption de cette mesure permettrait aux parents d’envisager sereinement un projet familial.

Par ailleurs, l’octroi d’une part fiscale pleine dès le deuxième enfant représenterait un véritable gain pour le budget des familles. On peut évaluer que, pour un ménage de la classe moyenne ayant deux enfants, le gain annuel serait d’environ 560 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Prenons garde aux amendements que nous déposons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. À la volée, le coût de ce dernier amendement serait de 3 milliards d’euros.

Comme beaucoup d’entre vous, je regrette que la natalité baisse. Elle a longtemps été plus forte en France que dans de nombreux pays. Mon petit doigt me dit que, sur ce terrain comme sur d’autres, ce n’est pas la fiscalité qui règle les problèmes.

Attention également à ne pas faire des propositions qui soient en contradiction avec les discours que nous tenons par ailleurs. On ne peut, d’un côté, appeler nos concitoyens à faire des efforts et plaider pour la baisse de la dépense fiscale et, d’un autre côté, déposer des amendements dont l’adoption aurait pour effet d’augmenter cette dépense de 3 milliards d’euros, pour ce qui est de l’amendement n° I-890, et d’au moins une dizaine de milliards d’euros, pour ce qui est de l’amendement n° I-756 rectifié bis : c’est beaucoup !

La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’adoption de l’amendement de M. Durox coûterait en effet 3,5 milliards d’euros. Quant à la mesure proposée par M. Fargeot, même si nous n’avons pu la chiffrer exactement, elle coûterait au moins le double, soit plus de 7 milliards d’euros.

Ces amendements soulèvent un débat de fond intéressant : faut-il attribuer des allocations familiales dès le premier enfant ? est-il possible de simplifier fortement notre système ? Les mécanismes actuels sont, en effet, très nombreux et disparates, ce qui est une source d’illisibilité.

On sait que l’un des freins les plus cités par les familles est le logement. Nous aurons l’occasion de débattre, après l’article 12, de dispositions en faveur de la construction, de l’accession à la propriété et de la location, qui me semblent beaucoup plus efficaces pour accompagner les jeunes parents, et ce pour des coûts bien moindres.

Je rappelle que par ailleurs nous créons, dans le cadre du PLFSS, un congé de naissance élargi, afin d’aider les jeunes parents à accueillir de jeunes enfants. L’effort est donc déjà substantiel.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président. Monsieur Fargeot, l’amendement n° I-756 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Fargeot. Je le maintiens, monsieur le président.

J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, madame la ministre. Je suis néanmoins pour une réforme de la redistribution. Ces milliards d’euros, qui sont contraints, pourraient être repris sur d’autres lignes budgétaires, au profit de la politique familiale.

M. le président. Monsieur Durox, l’amendement n° I-890 est-il maintenu ?

M. Aymeric Durox. Je le maintiens également, monsieur le président.

Je vais vous répondre « à la volée », selon vos propres termes, monsieur le rapporteur général : il s’agit de 3 milliards d’euros, certes, mais l’enjeu n’est rien de moins que de relancer la natalité, même si la fiscalité n’est pas, j’en conviens, le seul élément à prendre en compte en la matière.

Par ailleurs, en ce qui concerne le logement, madame la ministre, trois pays du sud de l’Europe – l’Italie, l’Espagne et le Portugal – connaissent une situation bien moins tendue que celle qui prévaut en France. (Mme la ministre le conteste.) Cela a été prouvé par des études ! Pourtant, le taux de natalité y est encore plus faible qu’en France.

Si vous êtes satisfaits, tous, collectivement, de voir notre pays s’effondrer dans une crise que l’on peut qualifier d’existentielle, si 3 milliards d’euros vous paraissent trop pour résoudre ce problème crucial, c’est que nous n’avons pas la même notion de la manière dont l’argent doit être dépensé.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-756 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-890.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° I-856 est présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek.

L’amendement n° I-1011 est présenté par M. Cozic, Mme Lubin, MM. Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° I-1428 est présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° I-1496 est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 1 de l’article 195 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la fin du a, les mots : « dont ces contribuables ont supporté à titre exclusif ou principal la charge pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls » sont supprimés ;

2° À la fin du b, les mots : « et que les contribuables aient supporté à titre exclusif ou principal la charge de l’un au moins de ces enfants pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls » sont supprimés ;

3° À la fin de la seconde phrase du e, les mots : « ou si l’enfant adopté n’a pas été à la charge exclusive ou principale des contribuables pendant au moins cinq années au cours desquelles ceux-ci vivaient seuls ; » sont supprimés.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Aymeric Durox, pour présenter l’amendement n° I-856.

M. Aymeric Durox. La suppression de la demi-part fiscale des veuves et des veufs, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui fut confirmée sous la présidence de François Hollande, est vécue à juste titre comme une injustice par nos aînés.

Cette mesure a provoqué une augmentation brutale de leur revenu fiscal de référence, certains d’entre eux devenant ainsi éligibles à certains impôts.

Certes, un pas a été fait avec le rétablissement de la demi-part pour les veuves d’anciens combattants, mais cet aménagement reste bien insuffisant et ne concerne qu’un nombre restreint de personnes.

Cet amendement vise par conséquent à rétablir la demi-part fiscale pour tous les veufs et toutes les veuves.

Dans le contexte actuel, il est crucial de protéger davantage ceux que la vie n’a pas épargnés. Cette avancée en matière de justice fiscale permettrait à nos aînés de vivre dans de bonnes conditions, sans être assujettis à des impôts supplémentaires.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-1011.

M. Thierry Cozic. Cet amendement est commun aux groupes SER, CRCE-K et GEST…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Et au Rassemblement national…

M. Thierry Cozic. Nous proposons de rétablir la demi-part fiscale des veufs et des veuves.

Nous connaissons aujourd’hui les effets négatifs de la suppression progressive de la demi-part des veufs et veuves, qui a été décidée en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Le revenu fiscal de référence des veufs et des veuves a alors connu une hausse brutale, au point que de nombreux retraités se sont retrouvés imposables ou privés d’exonérations et d’aides auxquelles ils étaient éligibles. À la douleur du deuil, l’État a donc ajouté une peine fiscale !

Le présent amendement vise à rétablir pleinement la demi-part fiscale pour l’ensemble des veufs et des veuves, et non pour une minorité seulement d’entre eux.

En effet, si les veuves d’anciens combattants ont bénéficié du rétablissement de leur demi-part, chacun peut faire le constat que ce correctif partiel reste insuffisant et laisse de côté la grande majorité des personnes concernées, notamment celles qui vivent de petites pensions et qui voient leur pouvoir d’achat s’éroder année après année.

Cet amendement n’est pas un geste comptable, c’est un rappel de notre devoir républicain envers les plus fragiles : il s’agit de refuser que le deuil devienne un impôt et de réaffirmer que notre modèle social ne doit pas abandonner ceux qui ont tant perdu.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° I-1428.

M. Pierre Ouzoulias. J’ajouterai deux arguments à ceux qui viennent d’être avancés.

Tout d’abord, contrairement à une fiction qui est parfois entretenue, y compris dans cette enceinte, le coût de la vie n’est pas divisé par deux lorsqu’un couple cesse d’exister. En effet, des frais fixes, qui sont importants, reposent sur le dernier survivant.

Ensuite, point important, les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à la mort, comme vous le savez. Aujourd’hui, ce sont les femmes qui se retrouvent le plus souvent dans la situation du veuvage. Or, en moyenne, leurs pensions sont plus faibles et certaines d’entre elles connaissent de grandes difficultés matérielles.

En supprimant cette demi-part, on a ajouté encore à leur malheur et à leurs difficultés financières. Le rétablissement de ce mécanisme constituerait une mesure forte accordée à ces femmes.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° I-1496.

M. Thomas Dossus. Cet amendement a été très bien défendu par mes deux précédents collègues.

L’objectif est triple : neutraliser les effets fiscaux induits par la suppression de la demi-part fiscale ; assurer une meilleure prise en compte des situations particulières ; prévenir toute dégradation supplémentaire du niveau de vie des personnes isolées.

Il s’agit donc d’un amendement de justice fiscale envers nos aînés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission est le même chaque année, puisque ces amendements sont déposés régulièrement, projet de loi de finances après projet de loi de finances.

La mesure proposée s’appliquerait de manière indiscriminée sans cibler les contribuables ayant des revenus modestes.

Le droit existant comporte déjà, par ailleurs, des dispositions destinées à aider les veufs et les veuves qui vivent seuls et se retrouvent dans des situations particulières nécessitant un accompagnement. Je pense par exemple à l’attribution d’une demi-part fiscale pour les personnes vivant seules ayant supporté pendant cinq ans la charge principale d’un enfant ; je pourrais également mentionner la pension de réversion.

Des dispositifs ciblés existent donc déjà, quand la mesure ici proposée s’appliquerait sans aucune distinction de ressources.

Mes chers collègues, si vous souhaitiez procéder à un ciblage plus juste, il conviendrait de rédiger ces amendements de manière différente : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je partage l’avis du rapporteur général.

Nous débattrons à l’article 6 de la réforme de l’abattement de 10 % pour les retraités, système déjà assez favorable aux veufs.

En effet, le plafond de cet abattement, qui est fixé actuellement à 4 400 euros, est calculé par foyer, que celui-ci soit composé d’une seule personne ou d’un couple. Voilà qui constitue d’ailleurs une très grande différence avec l’abattement pour frais professionnels de 10 % dont bénéficient les actifs, car ce dernier est individualisé : dans ce cas, le montant de l’abattement est différent selon que l’on est célibataire ou que l’on vit en couple, tandis que, pour les retraités, j’y insiste, l’abattement s’applique pour le foyer dans sa globalité, que l’on soit un ou deux.

La niche fiscale que constitue la demi-part octroyée aux personnes qui ont élevé un enfant pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls coûte 650 millions d’euros.

L’existence de cette niche est ailleurs assez contestée : elle est constitutive d’une situation dans laquelle certains contribuables bénéficient d’un avantage fiscal, dont ne disposent pas les autres personnes vivant seules, au seul motif qu’ils ont élevé seuls un enfant il y a de cela trente ou quarante ans. Les nombreuses évaluations qui ont été faites de ce mécanisme sont donc plutôt critiques. Mon propos n’est pas du tout de le remettre en cause, mais j’indique simplement que nous sommes parvenus à un point d’équilibre.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Ces amendements procèdent d’une volonté d’équité. Il est vrai que, pour les veuves et les veufs, il s’agit d’un problème bien réel.

Néanmoins, il y a quelques années – je parle sous l’autorité du rapporteur général et du président de la commission des finances –, nous avions adopté un amendement pour rétablir la demi-part fiscale des veuves du monde combattant âgées de plus de 74 ans. Il s’agissait d’un geste de solidarité et d’équité à l’égard de ces personnes isolées. Il est vrai que, comme cela a été dit, cette mesure ne concerne malheureusement qu’une partie des veuves et des veufs.

L’état de nos finances publiques est ce qu’il est. Chacun doit en tenir compte, même si nous sommes toutes et tous favorables à la solidarité et à l’équité. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants se ralliera à la position du rapporteur général et de la ministre.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Depuis trois semaines, on entend un certain nombre de propos publics, ici et là – ils font d’ailleurs les gros titres dans la presse –, autour du mantra de la « folie fiscale ».

J’ai entendu les propos du rapporteur général et de Mme la ministre : ils nous expliquent qu’à la suite de l’adoption de différentes dispositions techniques, ces dernières années, des corrections ont été apportées. En vérité, il reste des trous dans la raquette.

Dans mon département, le Maine-et-Loire, des veuves de mineurs décédés précocement, alors qu’ils ont contribué à redresser le pays autrefois, sont victimes de la suppression de la demi-part fiscale. Elles sont non seulement touchées par les conséquences de cette réforme sur leur impôt sur le revenu, mais aussi par ses effets de bord, « en cascade », sur le quotient familial.

Nous devons apporter des réponses claires et compréhensibles à tous ceux qui, devenus veufs ou veuves, n’ont pas les moyens de se faire accompagner de fiscalistes et voient leurs revenus, quoique modestes, passer juste au-dessus du seuil, se retrouvant imposables.

Il est impératif que nous ayons un discours cohérent à ce sujet. Par ces amendements, nous vous proposons de baisser la fiscalité pour ceux qui en ont besoin : ce n’est pas un tabou !

Nous devrons par ailleurs, en adoptant par la suite d’autres amendements, appeler ceux qui ont des revenus plus élevés à contribuer à la solidarité nationale.

En l’espèce, s’il est vrai que des dispositifs ont permis de corriger à la marge la situation, nous devons néanmoins aller encore plus loin, notamment pour répondre au problème que je viens de soulever. Il est absolument scandaleux que des veuves de mineurs continuent d’être pénalisées, comme l’ont été les veuves d’anciens combattants, par une disposition qui a été adoptée il y a plus d’une quinzaine d’années !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je ne ferai qu’une observation.

Le niveau de vie moyen des veuves de plus de 75 ans est inférieur en moyenne de 11 % à celui des femmes en couple, lui-même inférieur à celui des hommes. Il ne s’agit que d’une moyenne : l’écart peut s’aggraver pour certaines d’entre elles, en fonction de leur condition sociale – et je ne parle pas de la pénibilité du travail qu’elles ont exercé.

Voilà une observation qui devrait vous inciter, mes chers collègues, à voter ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-856, I-1011, I-1428 et I-1496.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 122
Contre 221

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° I-2345 est présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. Ruelle et Mme Briante Guillemont.

L’amendement n° I-2416 rectifié est présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Ros, Lurel, Bourgi, Omar Oili et Temal, Mmes Blatrix Contat, Matray et Narassiguin, M. Mérillou, Mme Bélim, MM. Uzenat, Stanzione, Ziane et Tissot et Mmes Brossel et Monier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 197 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« … Par dérogation à l’article 164 A, pour le calcul du taux de l’impôt français sur l’ensemble des revenus mondiaux prévu au a du présent article, les prestations compensatoires prévues au I de l’article 199 octodecies sont admises en déduction sous les mêmes conditions et limites, lorsque ces prestations sont imposables entre les mains de leur bénéficiaire en France et que leur prise en compte n’est pas de nature à minorer l’impôt dû par le contribuable dans son État de résidence. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour présenter l’amendement n° I-2345.