M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice Féret, rien qu’au cours de la dernière semaine du mois de septembre, 28 000 personnes ont sollicité le 115 pour une mise à l’abri, dont 8 000 mineurs et 3 700 personnes jusqu’alors inconnues du dispositif. Vous avez raison de rappeler la gravité de la situation.
En effet, la situation sociale et économique est très préoccupante. Face à l’urgence, l’État mobilise cette année plus de 3 milliards d’euros pour ouvrir, chaque soir, près de 203 000 places d’hébergement sur l’ensemble du territoire. Ce parc est stable depuis quatre ans, mais les tensions restent très fortes, y compris en Normandie. La situation du Calvados fait à ce titre l’objet d’un suivi tout particulier.
En février 2024, le contrôle du centre de la Feuilleraie, à Mondeville, a révélé des dysfonctionnements majeurs, notamment en matière de sécurité. C’est pourquoi le ministère avait alors relogé les 150 personnes présentes et fermé l’établissement, ce qui a entraîné la fermeture progressive de 500 places à l’été 2024.
Un plan de reconstitution de l’offre a été immédiatement lancé afin de pallier ces difficultés. Conduit à l’échelle régionale en lien étroit avec les préfets, ce plan a déjà permis de recréer en 2025 près de 300 places dans les trois départements de l’ancienne Basse-Normandie – le Calvados, la Manche et l’Orne.
D’autres mesures sont engagées pour 2026 afin de consolider durablement l’hébergement d’urgence dans la région. Ce travail mobilise l’ensemble des acteurs – services de l’État, associations et opérateurs – pour identifier des sites adaptés, bâtir des projets sociaux solides et financer des solutions réellement adaptées aux bénéficiaires.
L’objectif reste constant : répondre à l’urgence, tout en garantissant des conditions d’accueil dignes et sûres. Depuis 2018, plus de 710 000 personnes ont eu accès à un logement grâce au plan Logement d’abord, ce qui a libéré des places d’hébergement d’urgence et a permis d’améliorer l’accueil.
Le Gouvernement poursuivra évidemment ses efforts et je porterai une attention toute particulière à la reconstitution des places d’hébergement d’urgence dans le Calvados.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Merci de votre réponse, monsieur le ministre.
Comme vous le savez, le Sénat examine en ce moment le projet de loi de finances pour 2026. À cette occasion, le groupe socialiste défendra un amendement visant à augmenter l’enveloppe budgétaire du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Nous comptons sur votre soutien pour le faire prospérer.
situation du quartier des lozaits à villejuif et gestion du bailleur social batigère
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, auteur de la question n° 795, adressée à M. le ministre de la ville et du logement.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur la situation du quartier des Lozaits à Villejuif, dans le Val-de-Marne, situation que vous connaissez déjà. Le bailleur Batigère y est propriétaire de 1 500 logements, de la voirie et des espaces partagés.
Or, depuis plusieurs mois, les habitants dénoncent un désengagement total de ce bailleur. Une délégation est d’ailleurs présente en tribunes, ainsi que le maire de Villejuif, mon ami Pierre Garzon. Le constat qu’ils font est le suivant : une dégradation avancée du bâti, un manque d’entretien, une absence de gestion de proximité et des travaux du quotidien non assurés. Des projets de réhabilitation lourde, pourtant nécessaires, sont repoussés à des échéances lointaines.
La situation est intenable ! Et le dialogue est rompu. Le maire vous a proposé la constitution d’un comité de pilotage pour faire face à l’urgence, mais aussi pour faire respecter les engagements pris en matière de rénovation urbaine.
Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que ce quartier fait l’objet d’une convention avec l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine). L’État y a donc une responsabilité.
La dignité des habitants est en question. Qu’avez-vous à leur répondre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Savoldelli, permettez-moi de saluer à mon tour M. le maire de Villejuif et la délégation d’habitants ici présente.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : comme vous-même, je connais bien le quartier des Lozaits. L’Anru a justement financé une étude visant à concevoir le désenclavement et la rénovation urbaine de ce quartier, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), qui labellise les deux communes de Villejuif et L’Haÿ-les-Roses.
Les résultats de l’étude urbaine consacrée aux Lozaits permettront, je l’espère, au bailleur de présenter prochainement un véritable programme de travaux ambitieux afin d’assurer la rénovation, tant attendue par les habitants, de ce quartier.
Toutefois, vous avez raison de rappeler que la perspective d’un projet de rénovation urbaine globale ne saurait exonérer un bailleur social de ses obligations d’entretien, pour ce qui concerne le quotidien et les infrastructures.
Le bailleur a lancé une première réhabilitation de la tour Jean-Mermoz. C’est une bonne chose, même si je sais que la municipalité considère que le compte n’y est pas et qu’il faut aller encore plus loin. L’ambition est de faire de même pour la place Auguste-Rodin, ce qui est absolument nécessaire.
Disons-nous les choses clairement : je m’engage devant vous à veiller personnellement à ce que le bailleur engage un dialogue efficace avec la commune, de manière à ce que ses obligations en matière de gestion urbaine de proximité et d’amélioration de la vie quotidienne des habitants soient tenues.
Cela passe par des choses simples, à commencer par la gestion de l’espace extérieur, le retrait des encombrants, ou encore l’entretien des ascenseurs et des boîtes aux lettres.
Monsieur le sénateur, à Villejuif comme ailleurs, le Gouvernement veillera à ce qu’aucun bailleur ne se soustraie à ses obligations de sécurité et de salubrité des logements et des parties communes.
C’est bien pourquoi j’ai annoncé que, dans le cadre du plan logement que je souhaite lancer, nous élargirons la capacité des maires à déclencher le gel des aides personnelles au logement (APL) qui sont directement versées aux bailleurs, afin de mieux protéger les habitants. Concrètement, un maire constatant l’insalubrité d’un parc social doit pouvoir immédiatement déclencher le gel des APL, qui ne seront plus versées au bailleur social tant qu’il n’aura pas réglé le problème.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Vincent Jeanbrun, ministre. En ce qui concerne le cas particulier des Lozaits, si le bailleur n’est pas en mesure d’assumer ses responsabilités, peut-être ferait-il mieux de vendre à des bailleurs plus compétents.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Les habitants de ce quartier et le maire de Villejuif seront attentifs à la concrétisation de l’engagement que vous venez de prendre devant eux dans cet hémicycle.
Puisque vous évoquez un plan logement, permettez-moi de vous dire que la situation des Lozaits ne vient pas de nulle part. On ne peut nier que plusieurs gouvernements ont affaibli le logement public. Vous avez mentionné les APL : elles ont été réduites. Les bailleurs sociaux ont été ponctionnés par le biais de la réduction de loyer de solidarité (RLS). J’ai fait le calcul : le cumul du manque à gagner pour les bailleurs sociaux ces dernières années s’élève à 13 milliards d’euros.
Ajoutez à cela les fusions-absorptions à marche forcée, les ventes massives du patrimoine et un abandon du financement de l’État, et vous obtenez une situation catastrophique !
Comme vous le savez, les sociétés HLM dénoncent un prélèvement record dans le projet de loi de finances pour 2026.
Voilà les conséquences des politiques des dernières années pour les habitants de Villejuif. Monsieur le ministre, vous avez pris un engagement, il faut le tenir ! Il faut aussi fixer un calendrier vis-à-vis du bailleur et lui imposer des obligations de résultat dans un temps imparti.
C’est une question de dignité pour les habitants de la ville de Villejuif.
renforcement du contrôle public face aux fraudes aux aides à la rénovation énergétique dans les landes
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la question n° 798, transmise à M. le ministre de la ville et du logement.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, dans certains secteurs de mon département des Landes, notamment la Haute Lande, on assiste à une recrudescence inquiétante des fraudes aux aides à la rénovation énergétique. Sur seulement quatre mois de 2025, le montant de ces fraudes a été évalué à 5,7 millions d’euros !
Ces fraudes concernent principalement des interventions réalisées par certains mandataires privés ayant obtenu l’agrément Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR), dont l’encadrement demeure largement insuffisant.
Concrètement, de nombreux dossiers sont déposés auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), sans qu’aucune vérification préalable soit effectuée, ni sur les devis, ni sur les travaux, ni sur l’identité et la légitimité des accompagnateurs. Ces dérives nuisent à la crédibilité du dispositif, pénalisent les usagers de bonne foi et surchargent l’Anah qui, faute de moyens, se retrouve contrainte de valider des dossiers sans analyse approfondie.
Pour y remédier, je vous propose un moyen simple et peu coûteux : systématiser un contrôle public en amont, comprenant une visite physique chez l’usager, la vérification des devis et un contrôle rigoureux des MAR. Un seul agent public suffirait à traiter les 340 dossiers annuels recensés, pour un coût estimé à 50 000 euros par an, soit moins de 0,3 % du montant des fraudes identifiées.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il instaurer un dispositif de contrôle public en amont qui permettrait à la fois de protéger les usagers, de soulager les services de l’Anah et de garantir la probité des aides publiques à la rénovation énergétique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Depuis 2020, MaPrimeRénov’ a bénéficié à 2,8 millions de ménages, ce qui est considérable, pour un montant de 15 milliards d’euros de subventions versées. Le dispositif a engendré des travaux estimés à 45 milliards d’euros, qui ont profité à nos entreprises et nos artisans locaux.
Au début de l’année 2024, le Gouvernement a renforcé le dispositif afin d’accompagner davantage encore les rénovations d’ampleur et la réalisation de travaux complets dans les logements.
La croissance rapide du dispositif, victime de son succès, a mis en lumière des risques accrus de fraude. Vous avez eu raison de le rappeler.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris la décision de suspendre, à l’été 2025, le dépôt de nouveaux dossiers après une refonte de la procédure. Je suis aujourd’hui en mesure de vous annoncer que les dépôts ont repris dans de très bonnes conditions, y compris en matière de sécurité et de lutte contre la fraude.
Grâce aux travaux menés en parallèle par l’Anah, la direction générale des finances publiques (DGFiP), Tracfin et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) la solidité du dispositif face aux fraudes est désormais garantie.
Par ailleurs, je rappelle que la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques, dite loi Cazenave, renforce les moyens de lutte contre la fraude : les pouvoirs des opérateurs ont été renforcés et les entreprises qui auraient fauté s’exposent désormais à une démarche de name and shame.
Des initiatives sont également prises à l’échelle locale. Ainsi, dans les Landes, les ménages sont obligés de passer par le service public France Rénov’ avant toute mobilisation des aides de l’Anah.
Sur le fond, votre proposition est extrêmement intéressante. Elle mérite de faire l’objet d’une discussion avec les collectivités locales. À cet égard, le nouvel acte de clarification et de décentralisation aura vocation à décentraliser certaines compétences, ou tout du moins à les ramener au plus près de l’échelon local. En effet, celui-ci est à mon sens le bon échelon pour mener des opérations de contrôle, compte tenu des contraintes géographiques évidentes qu’implique en particulier la visite systématique du logement que vous proposez.
En tout état de cause, nous souhaitons continuer d’investir dans la rénovation des logements au travers des dispositifs de l’Anah et de MaPrimeRénov’, mais en évitant tout risque de fraude. Je peux vous dire que l’attribution des aides est désormais très contrôlée et que les problèmes de fraude sont derrière nous.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.
M. Éric Kerrouche. Merci de votre réponse, monsieur le ministre.
Vous y avez insisté, MaPrimeRénov’ est un levier essentiel pour la transition énergétique. Nous devons collectivement faire en sorte qu’il soit le plus efficace possible.
manque de logements abordables à destination des classes moyennes à paris
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 160, transmise à M. le ministre de la ville et du logement.
Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, ma question porte sur le manque de logements abordables à destination des classes moyennes à Paris.
Nous le savons désormais, Paris se vide de ses classes moyennes, qui fuient la capitale : 120 000 habitants ont quitté la capitale en dix ans. Le coût du logement est le premier motif de départ, puisque, en cinquante ans, le montant moyen des loyers a été multiplié par dix-huit.
Ces classes moyennes sont prises en étau entre un parc locatif privé de plus en plus cher et l’augmentation de la part des logements sociaux, auxquels elles n’ont pas accès. Elles partent donc s’installer en banlieue ou dans les métropoles de province, ce qui conduit par ailleurs à une inflation du prix du mètre carré dans ces villes. Les conséquences de la crise du logement à Paris sont donc nationales.
La politique idéologique du tout-social menée par la maire de Paris conduit à une impasse. Entre 2006 et 2020, la moitié des 95 000 logements sociaux qui ont été créés sont des acquisitions – parfois à prix d’or, comme sur l’avenue George-V – dans le parc existant.
Comptant actuellement 25 % de logements sociaux au sens de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU), et ayant inscrit dans son plan local d’urbanisme (PLU) un objectif de 40 % d’ici à 2025, la ville de Paris assèche l’offre de logements privés et bloque la mobilité résidentielle. C’est le tonneau des Danaïdes : le taux d’attribution des logements sociaux est de 2,3 % à Paris, contre 9,4 % à l’échelle nationale.
L’encadrement des loyers achève de tarir le parc locatif privé. Faute d’une rentabilité suffisante, certains propriétaires transforment leurs biens immobiliers en locations meublées touristiques ou les retirent du marché de la location. Paris dénombre ainsi 130 000 logements inoccupés.
Monsieur le ministre, ma question est double.
D’une part, alors que le poids du logement dans le budget des classes moyennes ne cesse d’augmenter, quelle est votre feuille de route pour améliorer leur accès au logement ?
D’autre part, envisagez-vous de mettre un terme à l’expérimentation très dogmatique et contre-productive de l’encadrement des loyers, crée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan) et prolongée par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) jusqu’au 25 novembre 2026 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice Agnès Evren, je vous remercie de cette question illustrant la tension qui existe non seulement à Paris, mais également dans la plupart des métropoles et des grandes villes de notre pays.
Il est fondamental de permettre des parcours résidentiels : du logement partout, et pour tous ! Telle est bien ma feuille de route. Cela implique de créer des logements sociaux là où c’est efficace. Je parle d’efficacité, car en créer avenue George-V n’était peut-être pas la priorité budgétaire d’une collectivité comme Paris… Il faut en somme construire des logements adaptés, de la manière la plus logique possible.
En parallèle, si nous voulons qu’il y ait de la rotation dans le parc social, il faut à l’évidence proposer tous types de logements, y compris de l’accession sociale à la propriété ou de l’accession à la propriété tout court, c’est-à-dire du logement libre. C’est fondamental : sans cette rotation, le système reste grippé, comme vous l’avez très bien rappelé.
Cela fait partie des outils dont le Parlement peut débattre dans le cadre du projet de budget pour 2026. Ainsi, le Gouvernement, ainsi que plusieurs parlementaires, comme le sénateur Marc-Philippe Daubresse, défendent la création d’un statut du bailleur privé. Ce statut doit permettre aux Français d’investir dans le parc locatif privé afin de recréer de l’offre.
Nous devons faire en sorte, comme vous y appelez très justement, de favoriser les locations de longue durée pour les familles plutôt que les meublés touristiques de type Airbnb. C’est notre ambition, car ce dernier type de location affaiblit l’offre de logement pour les familles au profit d’investisseurs privés, ce qui pose de nombreux problèmes. Sur ce sujet, notre feuille de route est très claire.
Enfin, en ce qui concerne l’encadrement des loyers, un texte sera examiné prochainement à l’Assemblée nationale. Pour ma part, j’essaye d’avancer sans idéologie, ma logique étant de mettre à la disposition des maires une boîte à outils. En effet, il existe des cas particuliers, par exemple dans les zones transfrontalières. Ainsi, les territoires proches de la Suisse font face à des difficultés spécifiques et ont besoin d’outils pour mieux maîtriser le foncier et le prix des loyers. Dans ces territoires en particulier, nous devons nous tenir au côté des maires et de leurs administrés. Le débat parlementaire sera l’occasion de mettre les choses au clair sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.
Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, nous vous faisons entièrement confiance pour mener à bien cette mission.
autorisation de découvert bancaire pour les entreprises ultramarines
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 804, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Georges Patient. Monsieur le ministre, il est des décisions administratives qui sont non seulement maladroites, mais aussi tout bonnement inacceptables. Ce qui se passe en Guyane avec la Banque postale en fait partie.
Alors que, dans l’Hexagone, les entreprises peuvent accéder à des autorisations de découvert ou à des facilités de caisse, nos entreprises ultramarines, et singulièrement celles de Guyane, en sont privées.
Dans ce territoire où la Banque postale est parfois le seul établissement bancaire accessible, ce refus prive d’un outil de trésorerie essentiel nos entrepreneurs et professionnels, qui sont déjà fragilisés par l’éloignement, les surcoûts et les retards structurels. Faut-il qu’ils se battent aussi contre leur propre banque publique ?
La Banque postale, établissement public contrôlé par l’État et opérant avec des fonds publics, est soumise à l’obligation d’assurer la continuité territoriale du service bancaire. Dès lors, comment l’État peut-il tolérer qu’elle crée une telle inégalité territoriale ?
Monsieur le ministre, l’État se doit de jouer son rôle de régulateur et de garantir une égalité de traitement entre tous ses territoires. Il ne peut laisser perdurer une discrimination si flagrante, si humiliante, qu’elle donne à nos entreprises le sentiment d’être des citoyens économiques de seconde zone.
Quand mettrez-vous fin à cette discrimination ? Quand garantirez-vous l’accès au découvert professionnel aux entreprises et aux professionnels de Guyane, comme c’est le cas dans l’Hexagone ?
M. le président. La parole est à M. le ministre
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Patient, je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue Amélie de Montchalin, au nom de laquelle j’ai le plaisir de vous répondre.
Nous partageons votre constat d’une situation économique différenciée des entreprises ultramarines par rapport à celles de l’Hexagone.
Les départements et régions d’outre-mer présentent des spécificités structurelles, comme l’éloignement de l’Hexagone, parfois l’insularité, les risques naturels, ou encore des économies d’échelle impossibles ou très réduites. Tout cela crée un cadre d’exploitation plus coûteux et risqué, qui limite leur potentiel productif. Le coût du risque y est ainsi supérieur et se répercute sur le prix du crédit, les établissements bancaires n’étant pas épargnés par des coûts d’exploitation plus lourds – frais de personnel, coûts de structure, etc.
La question de la cherté des services et de la vie en général est une priorité du Gouvernement. À cette fin, l’État a chargé l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) de publier régulièrement des données concernant les coûts du crédit outre-mer. Celles-ci montrent un recul des taux moyens depuis le milieu de l’année 2023, cohérente avec la politique monétaire de la BCE, ainsi qu’une réduction progressive de l’écart avec l’Hexagone, à l’exception des découverts. Les signaux de convergence sont réels et reflètent un objectif plus global de convergence de nos économies, fortement soutenu par ce ministère.
J’en viens maintenant à la bonne nouvelle : je suis heureux de vous annoncer qu’à partir de janvier 2026 la Banque Postale étendra l’ensemble de ses solutions de financement – facilités de caisse, découverts, crédits à moyen et long terme, crédit-bail, affacturage, etc. – aux entreprises ultramarines après un an de relation, avec un accompagnement renforcé par ses conseillers.
La direction régionale outre-mer de la Banque postale, qui est active depuis cinq ans, consolide progressivement sa présence et ses parts de marché. Cette évolution devrait rapidement améliorer l’accès au financement pour les entreprises locales. Dès lors, toute mesure contraignante envers la Banque postale serait prématurée.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.
M. Georges Patient. Merci de cette réponse, monsieur le ministre. J’apprécierais une confirmation écrite de cette annonce, car nous avons souvent entendu des promesses de ce genre de la part de la Banque postale.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)