Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Je souhaite effectuer un rappel au règlement fondé sur son article 32.
Cette prise de parole, avant les interventions des représentants des groupes politiques, me paraît absolument nécessaire. Il suffit d'observer la composition actuelle de l'hémicycle pour constater que l'opposition dispose d'une majorité parmi les membres présents de notre Haute Assemblée. Il est pourtant hors de question que nous reproduisions la mascarade d'hier soir.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Quelle mascarade ?
M. Patrick Kanner. Je tiens à rappeler quelques chiffres relatifs à la séance d'hier.
Dans l'après-midi, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », dix scrutins publics ont eu lieu ; il nous reste onze amendements à examiner dimanche. Ces scrutins publics ont été demandés parce que la gauche et ses partenaires potentiels étaient majoritaires dans l'hémicycle.
Dans la soirée, sur la mission « Outre-mer », douze scrutins publics ont été organisés en deux heures pour les mêmes motifs, ce qui a provoqué le départ, tout à fait justifié, d'une partie de nos collègues. En l'occurrence – permettez-moi de reprendre une expression que j'ai déjà employée –, le Parlement était bâillonné.
Mme Sophie Primas, rapporteur spécial. Mais non !
M. Patrick Kanner. Je m'adresse à la droite sénatoriale, que je respecte profondément : mes chers collègues, mobilisez vos troupes, faute de quoi nous serons confrontés au même problème, et nous assisterons à une nouvelle multiplication des scrutins publics. Bien que prévus par le règlement de la Haute Assemblée et tout à fait légaux, si je puis dire, ceux-ci ont pour conséquence de nous empêcher de tenir les délais. Voyez seulement le nombre d'amendements déposés sur cette mission « Cohésion des territoires » !
J'ai souhaité prendre la parole dès maintenant, avant les interventions des différents groupes, pour vous exhorter à la mobilisation. Pour notre part, nous sommes présents en nombre raisonnable afin que les débats puissent se dérouler normalement.
Vous ne souhaitez tout de même pas que nous quittions l'hémicycle pour vous permettre de redevenir majoritaires… Ce serait un comble !
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes et pour la bonne information de tous, je vous indique que 147 amendements sont à examiner sur cette mission.
La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à cinq heures. Compte tenu de l'organisation de la journée, nous pourrions prévoir une heure trente de discussion supplémentaire pour terminer l'examen de cette mission aux alentours de dix-huit heures trente, heure à laquelle il faudrait passer à l'examen de la mission « Enseignement scolaire ».
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents, et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission serait reportée à la fin des missions de la semaine.
En outre, la conférence des présidents, réunie le mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
S'agissant de la présente mission, même avec les marges que nous avons dégagées, le nombre d'amendements à examiner, rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui, nous impose d'observer le rythme élevé de trente amendements par heure.
Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer aujourd'hui l'examen de cette mission et en application de la décision de la conférence des présidents, les durées d'intervention seront fixées à une minute. J'y veillerai.
Cohésion des territoires (suite)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la cohésion est ce qui permet de maintenir unis les membres d'une même communauté. La cohésion territoriale vise à garantir un développement équilibré de nos territoires et à permettre à nos collectivités de mener à bien leurs projets, qu'il s'agisse de la politique du logement, de l'accessibilité des services publics ou de l'attractivité.
Nos territoires, divers et riches de leur singularité, des littoraux aux montagnes, des espaces épars aux centres denses, des îles aux campagnes, des villages aux villes, composent notre richesse collective. Nous devons partir du terrain pour apporter des réponses adaptées à leurs spécificités. De là découle l'importance particulière de l'examen de cette mission au Sénat : élus de ces territoires, nous en représentons toute la diversité.
Cette mission constitue un levier essentiel pour un aménagement harmonieux. Ses crédits sont des outils au service d'une performance collective ; ils sont nécessaires.
À ce titre, nous soulignons le maintien des crédits alloués au dispositif adultes-relais ou encore au programme de réussite éducative, ainsi que la hausse de la contribution de l'État au nouveau programme national de renouvellement urbain. Nous saluons également l'augmentation des crédits du réseau France Services, dispositif principalement porté par les collectivités et essentiel pour maintenir la proximité entre nos concitoyens et les services publics.
Toutefois, depuis plusieurs années déjà, nous devons, à tous les niveaux, consentir des efforts et réduire les dépenses de l'État ; la marge de manœuvre se réduit encore aujourd'hui. La ligne de notre groupe demeure claire : réaliser des économies chaque fois que cela est possible, sans compromettre la qualité du service rendu.
La mission « Cohésion des territoires » représente une part importante du budget de l'État, avec 22,2 milliards d'euros.
La baisse proposée, de 5,1 % par rapport à l'an dernier, constitue un effort substantiel. Nous devons distinguer, au sein de cette mission, les budgets sur lesquels des économies sont possibles de ceux qu'il ne faut pas toucher, voire qu'il convient d'augmenter.
Tel est le cas de l'hébergement d'urgence, qui ne saurait en aucun cas constituer une variable d'ajustement. S'il est un budget qui ne peut être restreint au sein de cette mission, c'est bien celui-ci. Il est inacceptable que des personnes meurent encore dans la rue, que des enfants et des femmes s'y retrouvent, ou que des hiérarchies soient établies entre les demandeurs.
Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement, en cette période de rigueur budgétaire, l'augmentation de 110 millions d'euros permettant le maintien des 203 000 places d'hébergement actuelles. Ne nous leurrons pas pour autant : ce montant reste très en deçà des besoins réels. Nous soutiendrons donc, unanimement, la hausse de crédits proposée par les rapporteurs de cette mission, car nous ne saurions réaliser des économies sur la vie des plus vulnérables.
Reste la question des économies possibles. Un recentrage des APL est prévu dans ce texte. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat, de même que sur la question de la hausse de la RLS.
Il deviendra difficile pour un bailleur d'investir si, dans le même temps, la RLS et la contribution au Fonds national des aides à la pierre augmentent. Plusieurs amendements tendent à remédier à cette situation ; nous en discuterons.
Nous abordons également dans cette mission le thème du logement. Nul besoin de rappeler la crise que traverse ce secteur. Il convient de mobiliser tous les leviers et d'inciter à l'investissement locatif. À cet égard, nous nous réjouissons de l'adoption, voilà quelques jours, du dispositif destiné aux bailleurs privés.
Toutefois, avant de construire de nouveaux logements, constatons que trop d'habitations demeurent vacantes. De nombreux propriétaires, y compris des collectivités territoriales, hésitent à les remettre sur le marché, craignant les loyers impayés, les procédures longues, ou encore des contraintes légales trop lourdes.
Il me paraît donc essentiel de repenser la relation entre locataires et propriétaires, en rééquilibrant plus nettement les droits et les responsabilités au bénéfice de ces derniers. En renforçant la protection des propriétaires, en simplifiant les démarches et en instaurant des garanties efficaces, nous pourrions libérer ces logements aujourd'hui bloqués et répondre plus rapidement aux besoins des locataires.
La politique du logement doit être protectrice des plus fragiles, incitative pour les particuliers bailleurs comme pour les bailleurs sociaux, et compatible avec nos objectifs de transition écologique. Comme l'a rappelé notre collègue Amel Gacquerre, il ne s'agit plus d'opposer le privé au public ou les particuliers propriétaires à l'État ; notre seul objectif est d'augmenter l'offre de logements. C'est cela aussi, la cohésion des territoires.
Enfin, je souhaite revenir sur le nouveau dispositif proposé à l'article 74 : le fonds d'investissement pour les territoires (FIT). Celui-ci vise à unifier le cadre et les procédures de trois dotations : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).
De prime abord, toute démarche allant dans le sens de la simplification est louable ; nos collectivités en ont besoin. Pour autant, l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Je veux rappeler ma conviction profonde : la ruralité aspire avant tout à la sérénité et à la stabilité ; elle n'a pas besoin que l'on bouleverse des dispositifs qui fonctionnent, dont elle maîtrise les démarches et les objectifs.
Tel qu'il est proposé, le FIT créerait une nouvelle définition de la ruralité qui exclurait 3 269 communes et 217 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du soutien auquel ils avaient droit jusqu'à présent.
Dès 2026, les communes éligibles seulement à la DSIL en seraient clairement exclues. Aucun mécanisme ne garantit le maintien des équilibres financiers entre dotations. Rien ne protège l'effort en faveur du monde rural et tout cela arrive sans étude d'impact, comme l'a souligné Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires.
Dans ces conditions, fusionner ces enveloppes risque de pénaliser les petites communes. Celles-ci se retrouveraient en concurrence avec des projets par nature plus coûteux, portés par de grandes municipalités et absorbant une part disproportionnée d'une enveloppe budgétaire fermée.
Une telle situation ne serait pas acceptable. Nous devons sécuriser les crédits et maintenir une distinction claire entre les dotations pour protéger nos territoires ruraux ; à défaut, on risquerait d'enfoncer un clou de plus dans le cercueil des petites communes.
Pour ces raisons, notre groupe restera particulièrement attentif à l'évolution des discussions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, à son arrivée au Sénat, ce budget pour 2026 ne présentait pas le même élan en faveur du logement que celui de 2025. Pour ce qui est du logement social, la copie initiale du Gouvernement lui était même franchement défavorable : elle conduisait à augmenter de 500 millions d'euros les prélèvements sur les bailleurs sociaux.
Heureusement, le Sénat a su ajuster cette proposition, en conciliant la rigueur budgétaire exigée par l'état de nos finances publiques et la lucidité commandée par la crise du logement.
Je salue l'adoption, dimanche dernier, d'amendements maintenant les prélèvements sur les bailleurs sociaux à leur niveau de l'an dernier, tout en fléchant 200 millions d'euros vers le Fnap. À l'inverse de la RLS, ce fonds permet de réinvestir les sommes prélevées dans le logement ; il ne constitue pas une ponction à perte pour les bailleurs sociaux.
Je salue également l'adoption par le Sénat d'un statut du bailleur privé, dont le principe a reçu un large soutien dans cet hémicycle. Il ne s'agit, certes, que d'une première étape vers la revalorisation de l'investissement locatif dans notre pays, où il est encore trop souvent assimilé à une rente. C'est en tout cas un signal adressé à ceux qui contribuent à la production de logements, en investissant tant dans le neuf que – c'est tout aussi important – dans l'ancien.
D'une manière générale, le logement est trop souvent appréhendé sous le seul prisme des dépenses, alors qu'il représente aussi une source de recettes pour l'État et les collectivités, au travers des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), de la taxe foncière, ou encore de la TVA.
Le budget de la mission « Cohésion des territoires » pour cette année démontre que le logement contribue aussi à la maîtrise des dépenses publiques. Les crédits qui lui sont consacrés au sein de la mission affichent une baisse de plus de 4 % par rapport à 2025. Notre commission soutient les mesures d'économie relatives aux APL. En période de contraintes budgétaires, nous devons opérer des choix et affirmer des priorités.
La rénovation urbaine figure au rang de celles-ci. Le Gouvernement prévoit cette année une hausse du financement qu'il octroie à l'Anru. Nous saluons cette mesure, mais l'essentiel du rattrapage du retard considérable accumulé par l'État dans le financement du NPNRU reste devant nous.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement en faveur de la rénovation urbaine et des quartiers. Aussi rappellerai-je combien il est indispensable d'engager rapidement les travaux préparatoires d'un troisième programme de renouvellement, afin d'éviter toute latence entre les dispositifs. Les élus de nos territoires nous le disent : l'Anru donne des résultats.
Cette année, l'effort budgétaire est aussi particulièrement marqué en matière de rénovation énergétique du parc privé, avec un recours accru aux certificats d'économies d'énergie. Il s'agit d'une solution pragmatique, au vu de notre contexte contraint ; elle permettra en tout cas à l'Anah de poursuivre son action en 2026, malgré une dotation réduite. Tel est bien l'essentiel.
La continuité, au même titre que la stabilité, constitue en effet un pilier fondamental pour assurer l'efficacité des aides à la rénovation. Les errements et les revirements de ces derniers mois ont montré, une fois de plus, à quel point le manque de boussole rejaillit sur les ménages, sur les acteurs économiques et sur les collectivités. Tous ont besoin d'un cap clair et stable.
C'est pourquoi j'ai déposé, voilà quelques jours, une proposition de loi visant à conforter l'habitat, l'offre de logement et la construction, dont l'objet est de rétablir une programmation de la politique du logement à moyen terme, assortie d'objectifs en matière de construction et de rénovation.
Poser un diagnostic partagé sur l'ampleur de la tâche à accomplir constitue un préalable indispensable pour créer les conditions d'une action collective, volontariste et cohérente dans le temps. J'ai aussi eu à cœur de proposer un texte campé sur les deux jambes de la politique du logement : le parc privé et le parc social. Nous ne pouvons résoudre la crise du logement en isolant l'un de l'autre.
Les apports du Sénat à ce budget en témoignent : nous avons adopté un statut du bailleur privé, mais nous avons aussi réduit les prélèvements pesant sur les bailleurs sociaux afin de favoriser leur capacité d'investissement, laquelle est essentielle si nous entendons préserver leur rôle contracyclique pour relancer le logement.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits ; le groupe Les Républicains suivra naturellement cet avis. (Mme le rapporteur spécial applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » est le ciment de la solidarité nationale. Elle permet à la collectivité de venir en aide à tous les citoyens afin de leur garantir l'accès à un logement digne.
Nous débattons de cette mission dans un contexte de crise aiguë, marqué par la hausse des loyers, la chute de la construction, la pression pesant sur les aides au logement, ou encore la saturation des dispositifs d'hébergement.
Pourtant, les crédits de la mission diminuent de près de 1 milliard d'euros, passant de 23,1 milliards à 22,2 milliards d'euros. Alors que les besoins augmentent, l'effort budgétaire recule ! La question se pose donc avec acuité : cette mission tient-elle encore sa promesse de cohésion, ou entérine-t-elle des renoncements ciblés sur les plus fragiles ?
Je souhaite d'abord revenir sur le programme 177, instrument budgétaire de la lutte contre le sans-abrisme, qui finance notamment les centres d'hébergement d'urgence, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et le 115.
L'on dénombre aujourd'hui quelque 200 000 places d'hébergement d'urgence dans notre pays. Les données disponibles attestent d'une tension et d'une insuffisance du nombre de places ; c'est la raison pour laquelle nous proposons d'allouer à ces centres des financements permettant de créer 10 000 places supplémentaires.
En outre, afin de protéger les victimes de violences conjugales et leurs enfants, nous proposons de créer 1 000 places supplémentaires en CHRS qui leur seraient allouées spécifiquement.
L'hébergement d'urgence à l'hôtel n'est en effet plus acceptable ; j'ai en mémoire les paroles d'Adrien Taquet et le texte dont il est à l'origine, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui l'interdisait pour les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance. C'est chose faite depuis la publication de trois décrets en ce sens, en février 2024. Reste à savoir si la loi est bel et bien appliquée partout et pour tous. Je ne doute pas de l'engagement dont fera montre l'ancienne ministre Sarah El Haïry pour s'en assurer depuis le Haut-Commissariat à l'enfance.
Par ailleurs, nous proposons une mesure d'accompagnement de la fusion des conventions collectives des centres d'hébergement, afin que celle-ci ne se traduise ni par des fermetures de places ni par une dégradation des conditions de travail.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la réalité est tout aussi brutale. On en compte environ 1 500, regroupant 5,4 millions d'habitants dont le revenu médian est inférieur à 11 250 euros par an ; c'est le cas dans les douze QPV que compte la Drôme. S'y cumulent souvent chômage, décrochage scolaire, difficultés de santé et sentiment d'insécurité.
La légère progression des crédits du programme 147 est un signal positif, mais insuffisant pour réduire l'écart avec le reste du pays. À nos yeux, il est nécessaire de proposer une meilleure articulation des moyens et une stabilité pluriannuelle des crédits.
Le groupe RDPI étant particulièrement tourné vers les outre-mer, nous soulignons le fait que les crédits du programme 162 sont en partie mobilisés pour la Guadeloupe et la Martinique, deux territoires confrontés aux échouages massifs de sargasses, qui engendrent des nuisances, des risques sanitaires et un effet négatif direct sur le tourisme et la pêche.
Nous proposons d'augmenter de 4,5 millions d'euros les crédits dédiés à la lutte contre les sargasses pour financer davantage de ramassage, de traitement et de protection des populations, et limiter ainsi l'impact économique de ce fléau.
Enfin, la sortie du dispositif Pinel, sans alternative pleinement opérationnelle, a entraîné une chute d'environ 85 % de l'investissement locatif privé. Cela représente près de 9 000 logements en 2025, contre 60 000 certaines années précédentes.
Puisqu'il est question de logement, je souhaite aussi que nous évoquions la rénovation des logements existants. Encore faut-il disposer des moyens financiers nécessaires pour la mener à bien !
À ce titre, monsieur le ministre, vous avez souligné lors de votre dernière audition devant la commission des affaires économiques que, en matière de rénovation urbaine, l'État tiendrait ses engagements et irait au bout des financements engagés par l'Anru. Nous saluons ces engagements, mais nous devons aller plus loin dans la mise en place d'une incitation fiscale pour encourager la rénovation. J'attends donc avec impatience les résultats de la mission de préfiguration en cours.
Monsieur le ministre, vous avez également annoncé en commission des affaires sociales allouer 200 millions d'euros supplémentaires aux bailleurs sociaux pour la rénovation et la mise en œuvre des mesures du comité interministériel des villes.
Là encore, nous partageons cet objectif, qui fait aussi tout l'esprit de la proposition de loi déposée récemment par Dominique Estrosi Sassone et Mathieu Darnaud, mon collègue ardéchois, sur la rénovation et l'offre de logement. J'espère que nous pourrons examiner ce texte dès janvier prochain.
Il n'en demeure pas moins qu'un cap clair est désormais nécessaire pour l'après-Pinel dans les zones tendues, les QPV et les outre-mer. Cette exigence est d'autant plus forte que les 200 millions d'euros destinés aux bailleurs sociaux proviennent d'une augmentation des C2E, supportée par les contribuables.
En définitive, la cohésion des territoires se mesure à notre capacité à protéger les plus vulnérables, à réduire les écarts de revenus ou de conditions de vie dans les quartiers prioritaires et à considérer les outre-mer comme des territoires français à part entière, faisant face à des crises environnementales spécifiques.
Nos propositions s'inscrivent dans cette logique ; elles représentent des soutiens modestes au regard des 22,2 milliards d'euros de crédits de la mission.
Notre objectif est de faire en sorte que l'intitulé de cette mission, « Cohésion des territoires », cesse d'être un slogan pour devenir une réalité tangible partout. C'est pourquoi, madame, monsieur les ministres, nous vous accorderons encore notre confiance en votant ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Bouad. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Denis Bouad. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, au moment où je vous parle, plus de 3 millions de ménages sont en attente d'un logement social. Ce chiffre constitue un record historique, qui marque une progression de plus de 30 % en dix ans. Tels sont, monsieur le ministre, les résultats de la politique menée depuis 2017 !
Au-delà du logement social, c'est l'ensemble de la construction de logements qui est en recul, faute d'ambition affirmée. Précisons que les bailleurs sociaux sont aujourd'hui fortement sollicités par les opérateurs privés pour mener à bien des opérations immobilières mixtes. Nous constatons donc que, lorsque le logement social s'enrhume, c'est tout le bâtiment qui tousse.
Nous faisons face à un premier paradoxe : d'un côté, les Français, confrontés à une pénurie de logements, éprouvent des difficultés croissantes à se loger ; de l'autre, les entreprises du bâtiment et de l'immobilier souffrent d'un manque d'activité. Les politiques du logement ont été totalement négligées sous les mandats d'Emmanuel Macron.
Monsieur le ministre, vous l'avez reconnu vous-même devant la commission des affaires économiques : une politique ambitieuse du logement rapporte des recettes au budget de l'État. Lorsque nous dépensons un euro pour le logement, le retour sur investissement est supérieur à cette somme. Nous souscrivons pleinement à ce raisonnement. Malheureusement, cette logique vaut dans les deux sens : l'analyse des politiques récentes, comme de ce budget, démontre bien que lorsque l'on retire un euro au logement, on perd bien davantage.
Oui, construire du logement, y compris du logement social, est sain pour nos finances publiques ! Investir dans le logement social conduit à faire sortir des bâtiments de terre, à en rénover d'autres ; des entreprises y travaillent et l'État collecte des recettes fiscales. Surtout, des Français peuvent ainsi accéder à un logement en économisant, en moyenne, 250 euros par mois de pouvoir d'achat. Quelle autre mesure permet de rendre autant de pouvoir d'achat aux Français qui en ont le plus besoin ?
Vous l'aurez compris : les marges de manœuvre budgétaires des bailleurs sociaux et, par conséquent, la RLS – eh oui, monsieur le ministre ! – constituent pour nous des enjeux majeurs.
Si nous sommes favorables à la création d'un statut du bailleur privé, afin d'inciter à l'investissement dans des logements abordables, cette mesure doit s'accompagner de véritables engagements pour conférer une plus grande capacité d'investissement aux bailleurs sociaux.
Second paradoxe : alors qu'il devient de plus en plus difficile pour nombre de nos compatriotes d'accéder à un logement social abordable, vous proposez le gel des APL.
Nous sommes opposés à cette mesure, tout comme nous nous opposons à la suppression de ces aides pour les étudiants étrangers. Il est inacceptable que, une fois de plus, les Français les plus modestes supportent les conséquences d'un dérapage budgétaire résultant de dispositions favorables aux plus aisés.
De la même manière, la baisse des crédits de l'Anah et le recentrage du dispositif MaPrimeRénov' apparaissent comme un mauvais signal quant à notre responsabilité envers les générations futures.
Enfin, si l'augmentation des crédits relatifs à l'hébergement d'urgence est une bonne nouvelle, elle ne fait en réalité que pallier une sous-dotation dans les budgets précédents. Elle demeure, de surcroît, insatisfaisante : nous comptons aujourd'hui plus de 350 000 personnes sans domicile en France, soit une hausse de 150 % depuis 2012.
Alors non, monsieur le ministre, à ce stade, le projet de budget ne nous semble pas satisfaisant. Il ne répond ni à l'urgence ni à la gravité de la situation.
Les problématiques du logement sont devenues des préoccupations majeures au sein de nos territoires. Dans le même temps, ces politiques auraient pu représenter un important levier de croissance si ce projet de loi de finances avait incarné une ambition radicalement différente. J'avais plaidé pour un plan Marshall dans ce domaine. Ce n'est pas le choix qui a été retenu.
Vous avez néanmoins l'occasion de faire un geste, notamment sur la RLS. Sur ce point, nous avons déposé un amendement qui nous semble être une proposition de compromis : il tend à ramener la charge de la RLS pour les bailleurs sociaux à 900 millions d'euros, sachant que la baisse de 1,3 milliard à 1,1 milliard d'euros était déjà considérable et qu'ils en ont bien profité.
Monsieur le ministre, il s'agit non pas de leur faire un cadeau, comme l'un de vos prédécesseurs semblait le déplorer, mais bien de contribuer à la relance de la construction de logements en France. Tout le monde y serait gagnant, y compris Bercy ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur des travées des groupes GEST et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, jamais deux budgets n'auront été aussi proches l'un de l'autre, dans le temps comme dans l'esprit : dans le temps, car c'est le 21 janvier dernier que nous étions la dernière fois réunis pour examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et déplorer la crise du logement ; dans l'esprit, car les orientations que vous défendez aujourd'hui ne résolvent aucun des problèmes d'hier et en ajoutent même parfois de nouveaux.
Alors que nous comptions alors déjà 2,7 millions de demandes de logements sociaux, ce chiffre s'est encore accru pour atteindre 3 millions de demandes en attente. Nous évoquions déjà les 4 millions de personnes mal logées, les 350 000 personnes sans abri.
Nous avons ce matin l'occasion de corriger ensemble, Gouvernement et parlementaires, ce qui, à l'évidence, ne fonctionne pas aujourd'hui et ne fonctionnera pas davantage demain.
À dix mois d'intervalle, nous examinons deux budgets quasi identiques. Il aurait pu en être autrement : par nos amendements, nous proposerons une autre voie, bien différente, afin de garantir véritablement et inconditionnellement le droit au logement.
Au lieu de vous donner cet objectif, vous organisez une insécurité permanente, alors que la première des sécurités serait de garantir à chacun un toit pour protéger les siens.
Lorsque les aides au logement sont gelées ou restreintes tandis que les loyers augmentent, la précarité et les expulsions progressent. Tout cela, alors que nous savons que nous manquons de places d'hébergement et de logements sociaux accessibles. En conséquence, vous condamnez des familles à l'insécurité et des enfants au mal-logement.
Le ministère du logement doit être le ministère qui loge. Pourtant, on n'a jamais été autant délogé dans notre pays. D'après l'Unicef, à la veille de la rentrée scolaire, nous comptions au moins 2 159 enfants à la rue, parmi lesquels 503 étaient âgés de moins de 3 ans. En 2024, 31 enfants y ont perdu la vie !
Toutes les issues ne sont pas si dramatiques, mais prenons ensemble la mesure de ce que cela signifie pour notre Nation. Évaluons le coût de cette politique du non-logement en termes démocratiques, humains, éducatifs, économiques, financiers, environnementaux et sanitaires.
Attardons-nous sur la santé. Le mal-logement augmente significativement la prévalence des maladies respiratoires, des troubles cardiovasculaires et des problèmes de santé mentale. Humidité, moisissures et froid favorisent les infections et accroissent le risque d'hospitalisation. La précarité énergétique et l'instabilité résidentielle sont associées à une hausse de la dépression et à un recours aux soins jusqu'à 20 % plus fréquent.
Alors que les factures d'énergie augmentent et que le montant alloué à MaPrimeRénov' continue de baisser, quelque 5,8 millions de personnes vivent dans une passoire thermique. Ce sont désormais ces factures d'énergie qui seront censées financer la rénovation des logements, via les certificats d'économie d'énergie. C'est en somme un circuit fermé : pour répondre au cercle vicieux du mal-logement, on fait tout de même payer la facture aux locataires !
Quelques-uns de nos concitoyens doivent cependant être satisfaits de votre politique, madame, monsieur les ministres : les 3,5 % de propriétaires qui possèdent plus de 50 % du parc locatif privé. Au cours des quinze prochaines années, quelque 9 000 milliards d'euros de patrimoine seront transmis d'une génération à une autre. Ces transmissions sont un vecteur de perpétuation des inégalités auquel votre gouvernement ne s'attaque pas.
« Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus », écrit Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro. Avec des prix qui atteignent en moyenne 13 000 euros du mètre carré, le boulevard Beaumarchais est du reste un bon exemple de la folie spéculative qui affecte le logement.
Nous ne traversons pas une crise du logement : vous installez un nouveau système où spéculation et richesse pour quelques-uns côtoient la négation d'un droit au logement digne pour les autres. Ce n'est pas un hasard, mais plutôt le reflet de votre vision, de votre choix de société, lequel transparaît également dans le reste des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Ainsi, les crédits pour la politique de la ville sont en baisse. Les programmes qui soutenaient nos territoires, comme Villages d'avenir, Petites Villes de demain ou Action cœur de ville, ne sont pas renforcés.
Le dispositif France Ruralités Revitalisation est présenté comme un souffle nouveau, mais aucune ligne budgétaire ne lui est réservée. Son financement repose sur des crédits existants, qui n'augmentent pas ; or un plan sans moyens est une promesse sans avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER et GEST.)