Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, jamais deux budgets n’auront été aussi proches l’un de l’autre, dans le temps comme dans l’esprit : dans le temps, car c’est le 21 janvier dernier que nous étions la dernière fois réunis pour examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et déplorer la crise du logement ; dans l’esprit, car les orientations que vous défendez aujourd’hui ne résolvent aucun des problèmes d’hier et en ajoutent même parfois de nouveaux.
Alors que nous comptions alors déjà 2,7 millions de demandes de logements sociaux, ce chiffre s’est encore accru pour atteindre 3 millions de demandes en attente. Nous évoquions déjà les 4 millions de personnes mal logées, les 350 000 personnes sans abri.
Nous avons ce matin l’occasion de corriger ensemble, Gouvernement et parlementaires, ce qui, à l’évidence, ne fonctionne pas aujourd’hui et ne fonctionnera pas davantage demain.
À dix mois d’intervalle, nous examinons deux budgets quasi identiques. Il aurait pu en être autrement : par nos amendements, nous proposerons une autre voie, bien différente, afin de garantir véritablement et inconditionnellement le droit au logement.
Au lieu de vous donner cet objectif, vous organisez une insécurité permanente, alors que la première des sécurités serait de garantir à chacun un toit pour protéger les siens.
Lorsque les aides au logement sont gelées ou restreintes tandis que les loyers augmentent, la précarité et les expulsions progressent. Tout cela, alors que nous savons que nous manquons de places d’hébergement et de logements sociaux accessibles. En conséquence, vous condamnez des familles à l’insécurité et des enfants au mal-logement.
Le ministère du logement doit être le ministère qui loge. Pourtant, on n’a jamais été autant délogé dans notre pays. D’après l’Unicef, à la veille de la rentrée scolaire, nous comptions au moins 2 159 enfants à la rue, parmi lesquels 503 étaient âgés de moins de 3 ans. En 2024, 31 enfants y ont perdu la vie !
Toutes les issues ne sont pas si dramatiques, mais prenons ensemble la mesure de ce que cela signifie pour notre Nation. Évaluons le coût de cette politique du non-logement en termes démocratiques, humains, éducatifs, économiques, financiers, environnementaux et sanitaires.
Attardons-nous sur la santé. Le mal-logement augmente significativement la prévalence des maladies respiratoires, des troubles cardiovasculaires et des problèmes de santé mentale. Humidité, moisissures et froid favorisent les infections et accroissent le risque d’hospitalisation. La précarité énergétique et l’instabilité résidentielle sont associées à une hausse de la dépression et à un recours aux soins jusqu’à 20 % plus fréquent.
Alors que les factures d’énergie augmentent et que le montant alloué à MaPrimeRénov’ continue de baisser, quelque 5,8 millions de personnes vivent dans une passoire thermique. Ce sont désormais ces factures d’énergie qui seront censées financer la rénovation des logements, via les certificats d’économie d’énergie. C’est en somme un circuit fermé : pour répondre au cercle vicieux du mal-logement, on fait tout de même payer la facture aux locataires !
Quelques-uns de nos concitoyens doivent cependant être satisfaits de votre politique, madame, monsieur les ministres : les 3,5 % de propriétaires qui possèdent plus de 50 % du parc locatif privé. Au cours des quinze prochaines années, quelque 9 000 milliards d’euros de patrimoine seront transmis d’une génération à une autre. Ces transmissions sont un vecteur de perpétuation des inégalités auquel votre gouvernement ne s’attaque pas.
« Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus », écrit Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro. Avec des prix qui atteignent en moyenne 13 000 euros du mètre carré, le boulevard Beaumarchais est du reste un bon exemple de la folie spéculative qui affecte le logement.
Nous ne traversons pas une crise du logement : vous installez un nouveau système où spéculation et richesse pour quelques-uns côtoient la négation d’un droit au logement digne pour les autres. Ce n’est pas un hasard, mais plutôt le reflet de votre vision, de votre choix de société, lequel transparaît également dans le reste des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Ainsi, les crédits pour la politique de la ville sont en baisse. Les programmes qui soutenaient nos territoires, comme Villages d’avenir, Petites Villes de demain ou Action cœur de ville, ne sont pas renforcés.
Le dispositif France Ruralités Revitalisation est présenté comme un souffle nouveau, mais aucune ligne budgétaire ne lui est réservée. Son financement repose sur des crédits existants, qui n’augmentent pas ; or un plan sans moyens est une promesse sans avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, que dire de la présente mission, intitulée « Cohésion des territoires » ? Les coupes budgétaires dont elle fait les frais sont telles qu’il aurait peut-être mieux valu l’intituler : « Mission impossible pour la cohésion des territoires et pour la transition écologique », une part des crédits destinés à cette dernière étant inscrits dans cette mission.
Avec des crédits de paiement dont le recul, significatif, s’établit à 5,1 %, cette mission compte parmi les plus fortement amoindries par la recherche d’économies ; elle passe d’ailleurs du cinquième au sixième rang des missions selon le montant des crédits. Bien sûr, il s’agit de questions aussi secondaires pour la cohésion de notre société que le logement et la facture énergétique…
L’effondrement de la construction de logements neufs restera parmi les points les plus saillants du bilan des années Macron. En 2019, 410 300 logements étaient mis en chantier, contre seulement 286 600 en 2024. C’est le chiffre le plus bas depuis quinze ans, en recul de 43 % par rapport au pic de 2017 !
Il faut dire que l’œuvre de siphonnage de la trésorerie des organismes HLM a été menée avec beaucoup de constance.
Ainsi, en 2018, la baisse de 2 milliards d’euros des crédits alloués aux APL a été compensée, à la demande de l’État, par les organismes HLM, ce qui a eu pour conséquence évidente, comme nous l’annoncions à l’époque, la baisse de leurs capacités d’investissement. Je note la constance de l’effort gouvernemental pour ce qui est de baisser les APL : désormais, les étudiants étrangers non boursiers seraient exclus de leur bénéfice, de manière tout à fait scandaleuse – nous y reviendrons.
Le désengagement de l’État du fonds national des aides à la pierre a parachevé l’effondrement de la production de logements sociaux. Afin de préserver la continuité de la trajectoire de production, les groupes de travail menés cette année sous l’égide de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) recommandent pourtant le maintien d’un abondement de 500 millions d’euros du Fnap par l’État.
L’État a toutefois poursuivi son désengagement, ce qui est de mauvaise politique. Il lui faut au contraire se ressaisir et comprendre qu’au regard de l’insuffisance de l’offre de logements dans notre pays, son intervention est essentielle. En juillet dernier, dans son rapport intitulé Quel bilan pour le Fnap ?, Jean-Baptiste Blanc insistait également sur ce nécessaire réengagement de l’État. Nous ne pouvons pas nous résoudre à perdre cette bataille, madame la rapporteure spéciale.
Je souhaite par ailleurs insister sur les errements dont, après le « patouillage » de l’été dernier, le dispositif MaPrimeRénov’ a fait l’objet.
Il s’agit probablement de l’un des dispositifs les plus instables jamais pilotés par l’État. Les conditions changent tout le temps, non seulement d’une année à l’autre, mais même en cours d’année. Le dispositif lui-même est, en quelque sorte, en rénovation permanente, non pas pour tendre vers sa rénovation globale et efficiente, mais pour accumuler autant de modifications isolées, de « monogestes », pourrait-on dire, qui contribuent à le transformer en une passoire de plus en plus perméable, fragilisant l’architecture générale de l’édifice.
MaPrimeRénov’ est pourtant la clef de voûte des trois actions qu’il nous faut absolument mener pour l’avenir de notre pays : tenir nos engagements climatiques internationaux – en clair, faire notre part de l’effort collectif, sachant que la trajectoire que nous nous étions fixée n’est plus tenue ; réduire notre dépendance aux énergies fossiles, en particulier – soyons clairs ! – pour arrêter de financer l’armée russe ; enfin, réduire la facture énergétique des ménages. Autant dire que chaque euro investi dans ce dispositif contribue à nous rendre plus forts et participe d’une véritable politique de cohésion.
Le budget alloué à ce dispositif étant en baisse de 500 millions d’euros, le désengagement de l’État se confirme pourtant. La filière qui s’était constituée, laquelle avait connu de véritables succès l’année dernière, notamment pour les rénovations d’ampleur, se trouve donc fragilisée.
Un tel calcul à courte vue, nous le savons, emporte un effet récessif pour la filière, en particulier les artisans du bâtiment, madame, monsieur les ministres.
Nous tenterons donc de rétablir des crédits plus raisonnables au cours du débat. Nous en profiterons aussi, madame la ministre, pour rediscuter de l’articulation, qui me paraît peu claire, entre le budget de l’Anah et les C2E.
En 2023, le Gouvernement avait promis que le fonds de rénovation énergétique du parc social serait doté de 400 millions par an. Cette promesse est, elle aussi, démentie par le budget alloué à ce fonds.
Alors qu’il est bien connu que ce sont souvent les Français les plus précaires qui vivent dans des passoires thermiques, seuls 18 000 logements locatifs sociaux ont bénéficié d’une rénovation en 2024, alors que l’État s’était fixé pour objectif la rénovation de 120 000 logements sociaux. Nous en sommes loin !
Je pourrais également évoquer le FNADT ou l’ANCT, mais la liste des coupes est trop longue pour que je puisse toutes les aborder dans les cinq minutes qui me sont imparties, limite que j’ai respectée, madame la présidente ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Je vous en félicite, mon cher collègue !
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » concentre, cette année encore, des moyens budgétaires considérables. Elle devrait incarner l’action publique dans ce qu’elle a de plus essentiel : garantir la solidarité nationale, permettre à chacun de vivre dignement, assurer la cohérence de notre politique d’aménagement. Pourtant, elle illustre surtout, et de manière criante, l’incapacité des gouvernements successifs à améliorer la situation.
Commençons par le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » qui a pour vocation première de lutter contre le sans-abrisme et de proposer un parcours d’insertion à ceux qui en sont privés. Alors même que près de 3 milliards d’euros sont consacrés à ce programme, la Fondation Abbé-Pierre estime que la France compte aujourd’hui 350 000 personnes sans domicile fixe. Ce chiffre, qui devrait tous nous alerter, fait plutôt l’objet d’une forme de résignation.
Dans le même temps, nous observons une autre dynamique, beaucoup plus efficace celle-ci : le développement constant des dispositifs d’hébergement pour les migrants.
M. Patrick Kanner. Cela nous manquait !
M. Christopher Szczurek. Je sais que vous auriez été déçus que je n’en parle pas, mes chers collègues !
La France compte désormais environ 2 000 centres d’hébergement pour migrants répartis sur l’ensemble du territoire, y compris dans des villages jusqu’ici préservés de cette pression. L’on peut y voir l’expression d’une politique qui, elle, avance sans difficulté : celle d’une extension continue de l’immigration de peuplement, financée par nos compatriotes.
Mme Audrey Linkenheld. Mais bien sûr, le grand remplacement !
M. Christopher Szczurek. Là encore, ce ne sont pas les immigrés qu’il faut blâmer, mais ceux qui promettent un eldorado alors que nous sommes à l’os.
Mme Audrey Linkenheld. On n’est jamais déçu avec vous !
M. Christopher Szczurek. J’en viens aux aides personnelles au logement. Celles-ci ont longtemps été perçues comme un outil indispensable d’accompagnement des ménages modestes. Alors qu’il connaissait des tensions structurelles, le secteur immobilier traverse désormais une véritable crise généralisée, si bien que 5,7 millions de ménages bénéficient aujourd’hui de ces aides. Autrement dit, les Français n’ont jamais été aussi dépendants de la solidarité nationale pour se loger.
Le Gouvernement propose de limiter le versement des APL aux étudiants étrangers non communautaires. S’il s’agit d’une modeste victoire, il faut aller beaucoup plus loin. J’ai donc déposé, avec mes collègues, un amendement visant à conditionner le versement de ces aides aux étrangers à une durée minimale de cinq années de résidence ou de trois années d’exercice d’une activité professionnelle soumise à cotisations. Il est en effet profondément anormal que les Français ne soient pas prioritaires dans l’accès à des dispositifs qu’ils financent largement par leurs impôts et leurs contributions sociales.
Mme Audrey Linkenheld. Il n’y a pas que les Français qui travaillent !
M. Christopher Szczurek. La mission « Cohésion des territoires » englobe enfin les politiques de la ville et l’aménagement du territoire. En la matière, les inégalités persistent également. Les ghettos urbains se renforcent, si bien que certains territoires demeurent durablement perdus pour la République.
Jamais autant de gens dans la rue, jamais autant de misère dans nos rues, une crise du logement aggravée, plus d’immigration, plus de dépenses publiques : dans ce domaine comme dans d’autres, le conformisme, les tabous idéologiques et moraux entravent ce gouvernement. Incapable de se remettre en question, et encore moins capable de décider d’une rupture, il cuisine toujours les mêmes recettes, qui ont failli.
N’oubliez jamais que l’enfer est pavé de bonnes intentions et que, s’il est flatteur de porter son cœur en bandoulière, cela n’a jamais rendu personne heureux, mes chers collègues !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la France – ce n’est un secret pour personne – est engluée dans une crise du logement sans précédent, tant structurelle que conjoncturelle, à laquelle il n’a pas été remédié efficacement.
Relance de la construction et de l’accession à la propriété, financement du logement social, traitement des copropriétés en difficulté, hébergement d’urgence : les problématiques sont nombreuses et concernent l’ensemble de la chaîne résidentielle.
Le blocage du parcours résidentiel se traduit par une assignation à résidence et un sentiment de déclassement au regard des générations précédentes, qui, elles, pouvaient accéder à la propriété. En 1975, il fallait en moyenne dix ans pour rembourser l’emprunt immobilier contracté lors de l’acquisition d’un logement, contre vingt-trois ans en 2025.
Cette situation est vécue comme une injustice d’autant plus grande que, dans certaines zones tendues, le nombre de résidences secondaires et de meublés de tourisme va croissant. Elle entrave des projets de vie, met à mal le pacte social et menace la solidarité et la cohésion nationales.
L’écart entre les détenteurs d’un patrimoine immobilier et ceux qui en sont dépourvus s’est fortement accentué depuis l’an 2000. Aujourd’hui, 24 % des ménages détiennent 68 % des logements possédés par des particuliers. Le nombre de résidences secondaires croît plus vite que celui des résidences principales ; entre 2005 et 2023, le nombre de logements vacants a par ailleurs augmenté environ 2,3 fois plus vite que le nombre total de logements.
Face à ces constats, la réponse budgétaire du Gouvernement est attendue, quand bien même le redressement des comptes publics nous oblige et qu’il faut veiller aux effets d’aubaine de certains dispositifs.
Le constat est morose : maintien à 1,1 milliard d’euros de la RLS, ce qui limite d’autant la capacité d’investissement des bailleurs sociaux ; absence de crédits abondant le Fnap, ce qui rend improbable la relance de la construction de logements sociaux ; énième sous-budgétisation des crédits dédiés à l’hébergement d’urgence ; participation encore timide de l’État au nouveau programme de renouvellement urbain piloté par l’Anru ; gel des APL et recentrage de celles-ci au détriment des étudiants étrangers non boursiers ; réduction de la participation de l’État à la rénovation énergétique par une baisse de la subvention octroyée à l’Anah, etc.
Alors même que la rénovation énergétique décroche, l’État s’en désengage progressivement, via un recours accru aux certificats d’économie d’énergie.
Les émissions du secteur du bâtiment ont de plus légèrement augmenté au premier semestre 2025, alors qu’elles devaient chuter de 7,1 %, selon le rythme annuel moyen prévu jusqu’à 2030 dans la stratégie nationale bas-carbone.
Dans le contexte contraint que connaissent nos finances publiques, le Gouvernement mise sur ce dispositif dit « extrabudgétaire » des C2E pour garder le cap de la transition écologique, mais celui-ci n’est pas sans conséquence sur le consommateur, puisque les primes générées sont en partie répercutées sur les factures d’énergie.
Le coût de la rénovation énergétique est ainsi supporté non plus par le contribuable, mais par le consommateur. Or, dans la mesure où le coût de l’énergie représente une part plus importante du budget des plus modestes, une telle évolution n’est pas neutre socialement.
Autre conséquence de cette débudgétisation de la rénovation énergétique : elle réduit le contrôle parlementaire et le périmètre de l’action publique quant au soutien à la rénovation énergétique.
Je ne saurais passer sous silence le gel des aides personnelles au logement, dont 5,7 millions de ménages sont bénéficiaires. Alors que le pouvoir d’achat des Français recule, ce gel aura des effets néfastes sur la cohésion sociale.
Par ailleurs, quel message envoyons-nous en excluant des étudiants extracommunautaires non boursiers du bénéfice des APL, mes chers collègues ? Après la multiplication par seize des frais d’inscription des étudiants ne provenant pas de l’Union européenne, une telle exclusion est indiscutablement contraire aux valeurs comme aux intérêts de l’université française, de la recherche et, partant, de notre futur économique. Elle rompt avec les principes d’humanisme, d’accueil, d’échange et d’universalité qui sont au fondement de la vie universitaire et dont le respect ménage nos intérêts futurs.
Si le redressement des comptes publics doit être une priorité, la cohérence, l’efficacité et la pertinence de la dépense publique doivent l’être aussi. Par conséquent, le vote des membres du RDSE dépendra du sort réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Bleunven. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la baisse de 900 millions d’euros des crédits de la mission « Cohésion des territoires » ne saurait passer inaperçue.
Derrière la diminution des crédits de cette mission structurante, il y a des dynamiques territoriales qui s’essoufflent, des collectivités qui s’inquiètent et des bailleurs sociaux qui craignent la détérioration d’un modèle économique qu’ils peinent déjà à équilibrer.
Dans le contexte budgétaire très contraint qui est le nôtre, il nous faut pourtant aborder l’examen de ces crédits avec pragmatisme. La clarté et la prévisibilité doivent primer. Si nous voulons relancer l’offre, fluidifier les parcours résidentiels et redonner confiance aux acteurs, il faut faire cesser les à-coups et stabiliser les crédits de cette mission. C’est dans cet esprit que le groupe Union Centriste votera ces crédits, tout en veillant à leur indispensable rééquilibrage.
L’accession à la propriété, qui compte parmi les leviers sous-utilisés, mérite de faire l’objet d’un débat stratégique. La part des dépenses qui lui sont consacrées demeure marginale, alors que des outils existent : le prêt à taux zéro (PTZ), le bail réel solidaire (BRS), ou encore le prêt social location-accession (PSLA).
Mme Audrey Linkenheld. Pour ce qu’il en reste…
M. Yves Bleunven. Cette politique publique est menée à coups d’interventions ponctuelles, sans vision affirmée. Si nous voulons encourager la primo-accession, notamment des jeunes ménages, et relancer la production, il faut assumer une stratégie lisible dans le temps.
En ce qui concerne les APL, des économies importantes sont prévues, mais la prudence doit être de mise. Chaque réduction doit être évaluée à l’aune de ses effets sur l’ensemble du système. Derrière l’économie affichée pour l’État, c’est principalement sur les bailleurs sociaux que l’effort pèsera. L’action contracyclique de ces acteurs a permis au secteur du logement de tenir bon au cours des dernières périodes difficiles, mais ils ne disposent plus des mêmes marges. Ils subissent de plus la hausse durable des coûts de construction, des charges d’exploitation et des impayés.
Dans ce contexte, le financement du Fnap appelle aussi notre vigilance. L’augmentation des cotisations demandées aux bailleurs, couplée au désengagement progressif de l’État, fragilise encore un secteur déjà sous pression – nous y reviendrons prochainement.
Réduire les aides sans repenser globalement l’équilibre du modèle revient à prendre le risque d’aggraver les tensions. C’est la raison pour laquelle un travail de fond, transversal et dépassionné, sur l’ensemble des aides est devenu indispensable.
Enfin, au-delà des lignes budgétaires, c’est notre capacité collective à relancer la production qui est en jeu. L’État doit assumer une trajectoire budgétaire pluriannuelle crédible. Les collectivités doivent être davantage associées et incitées à innover. Le modèle économique des bailleurs sociaux doit être sécurisé pour leur permettre d’investir, et les bailleurs privés doivent pouvoir se mobiliser dans un cadre lisible et incitatif.
Sans stabilité financière pour les bailleurs, sans outils d’accession cohérents, sans aide lisible, sans confiance des collectivités, nous ne redresserons pas la dynamique du logement. Cette mission n’est pas un simple volet budgétaire ; c’est un pilier de notre pacte social, indispensable à la viabilité de nos communes et à la dignité de millions de familles. Notre responsabilité est de bâtir une politique du logement qui sécurise les bailleurs, soutienne l’accession comme la rénovation et redonne de la fluidité au parcours résidentiel.
La crise de l’offre n’est pas une fatalité. Elle exige de la constance et des choix assumés. C’est une exigence que nous devons porter dans le débat budgétaire et c’est, je l’espère, l’ambition collective que nous choisirons de défendre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ma collègue Dominique Estrosi Sassone ayant centré son intervention sur le logement, la mienne portera sur la politique des territoires.
Même si les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l’État » de la mission « Cohésion des territoires » ne mobilisent que 362,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 348,4 millions d’euros en crédits de paiement, ils financent de nombreux projets et services essentiels dans le quotidien de nos concitoyens. Ces deux programmes, auxquels s’ajoutent près de 800 millions d’euros de dépenses fiscales en faveur des entreprises, adossées à différents zonages, ont en effet une incidence non négligeable sur les dynamiques territoriales.
En ce qui concerne le programme 112, alors qu’une menace sérieuse pesait sur l’avenir même du FNADT, financé par ce programme, les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2026 permettront de tenir les engagements pris, notamment au titre du plan France Ruralités.
Je rappelle par ailleurs que nous avons voté une enveloppe de 16 millions d’euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, afin d’honorer le financement des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plans interrégionaux États-région (CPIER) terminés ou en cours. Il était en effet essentiel d’assurer la pérennité du volet territorial de ces contrats.
Les autres dispositifs contractuels financés par le programme 112 sont, quant à eux, globalement préservés.
C’est notamment le cas des contrats de convergence conclus entre l’État et les cinq départements et régions d’outre-mer, qui définissent, pour dix à vingt ans, une stratégie de convergence adaptée à chaque territoire afin de réduire les écarts de développement avec la métropole.
De même, les pactes territoriaux, réservés aux territoires confrontés à d’importantes difficultés socio-économiques structurelles, voient leurs crédits globalement préservés, même si l’on constate une légère diminution par rapport à 2025.
En ce qui concerne les opérateurs rattachés à la mission, Business France voit les crédits qui lui sont affectés diminuer largement, ce qui soulève des interrogations pour l’avenir.
L’ANCT, principal opérateur rattaché à la mission, voit ses crédits diminuer de seulement 1 million d’euros. Cette agence assure la coordination de plusieurs programmes nationaux territorialisés, tels qu’Action cœur de ville, entré dans sa deuxième phase, Petites Villes de demain, Villages d’avenir ou encore Territoires d’industrie. Ces missions pourraient très bien être gérées directement par les services déconcentrés de l’État ou confiées aux collectivités territoriales.
Au regard des travaux conduits par le Sénat sur les agences de l’État, mais aussi pour tenir compte des offres locales existantes en matière d’ingénierie publique, je défendrai deux amendements visant à réduire le coût de fonctionnement de l’ANCT sans remettre en cause les crédits alloués aux programmes.
Nous irons très prochainement plus loin, en demandant, dans le cadre d’une proposition de loi, la suppression de l’agence et la réaffectation de ses missions à l’administration d’État ou, dans le cadre du prochain acte de décentralisation, aux collectivités locales.
J’en viens au réseau des maisons France Services (MFS). Ce dispositif, qui relève de la section générale du FNADT, permet aux usagers d’accéder, à proximité de chez eux, à un panier de services regroupant onze opérateurs, voire plus dans certains départements. Le réseau dessert désormais largement le territoire et a, me semble-t-il, atteint son niveau d’équilibre.
La contribution annuelle de l’État au fonctionnement des maisons France Services est un sujet sensible dans les territoires. En effet, même si elles contribuent à renforcer l’offre de services, il s’agit de fait du transfert aux collectivités locales d’une compétence de l’État. Cette contribution devrait progressivement atteindre l’objectif que nous avions fixé : 50 000 euros par structure en 2027. Je rappelle que nous sommes partis d’une participation de 30 000 euros – une moitié au titre du FNADT, l’autre par le biais des opérateurs. En 2026, cette contribution s’élèvera à 47 500 euros par MFS, avant, je l’espère, d’atteindre la dernière marche l’année suivante, quand, je l’espère aussi, la barre des 3 000 MFS sera atteinte.
Nous avons de plus décidé d’attribuer une dotation complémentaire de 10 000 euros à chacune des MFS implantées dans les zones relevant du dispositif France Ruralités Revitalisation et portées par des collectivités territoriales. Je tiens du reste à souligner la pertinence du dispositif FRR, qui, à l’exception de son volet éducation – j’y reviendrai lors de l’examen d’une autre mission –, donne de bons résultats.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État » n’appelle pas de commentaires particuliers. Ses sept actions répondent à des enjeux locaux très spécifiques et transversaux. Nous attendons toutefois la création d’une huitième action, consacrée à Mayotte, pour la période 2026-2031. Au regard de l’ampleur des crédits qu’il conviendrait de lui allouer, la création de cette action pourrait profondément modifier l’architecture budgétaire du programme.
En conclusion, sous réserve de l’adoption des amendements que nous présenterons, le groupe Les Républicains se prononcera pour l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)