La modernisation a bon dos. Après l'examen d'un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, durant lequel le volet social a bien souvent surpassé le volet fiscal, le doute est permis : y a-t-il une réelle volonté de lutter efficacement contre la fraude fiscale qui coûte pourtant très cher ?
Face à ces interrogations et parfois à ces incompréhensions, et sous réserve du sort des différents amendements présentés ce matin, notamment les nôtres, le groupe socialiste s'apprête à voter pour la mission « Crédits non répartis » et pour la mission « Régimes sociaux et de retraite », mais contre la répartition des crédits proposée pour les missions « Transformation et fonction publiques » et « Gestion des finances publiques ».
Nous ne voyons pas la cohérence entre des trajectoires budgétaires qui assument d'affaiblir les capacités à agir de l'État et des discours qui, eux, appellent à choisir le service public. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la reconduction de Sébastien Lecornu à Matignon, la fonction publique n'a plus de ministre de plein exercice. C'est le signe clair et assumé que, désormais, la fonction publique est mise sous la tutelle directe du budget.
Ce choix politique nous inquiète profondément. Sous couvert d'une modernisation, il vient marquer un recul pour les agents, pour les usagers, pour les collectivités, pour la République et pour la démocratie. Ce choix est en effet un choix d'austérité, guidé par le pacte budgétaire européen. Cette inquiétude est d'ailleurs confirmée par la forte baisse des crédits de cette mission : -46 % pour les autorisations d'engagement et -27 % pour les crédits de paiement.
En réalité, nous sommes face à une volonté politique d'affaiblir les services publics et de privatiser peu à peu ce qui relevait auparavant de l'intérêt général.
Pour confirmer ce propos, on nous explique même que les services publics fonctionnent mal et qu'ils sont inefficaces. On oublie cependant de nous dire que cette inefficacité a été organisée depuis trente ans par un manque de budget, par des réformes organisationnelles successives – je pense à la révision générale des politiques publiques (RGPP) ou à la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) – et par l'externalisation des compétences, l'« agencification » des grandes politiques publiques et l'usage déraisonné de cabinets de conseil – je vous invite d'ailleurs à lire les excellents rapports du Sénat sur ces deux derniers sujets.
Poursuivant ce discours d'efficacité et de modernisation, le Gouvernement entend par ailleurs mettre l'accent sur le tout-numérique dans nos services publics. Il omet de s'intéresser aux conséquences désastreuses de la disparition de l'accueil physique des usagers dans nos territoires.
De nombreuses études récentes, comme celle de la Défenseure des droits dans son rapport annuel 2024, paru en mars 2025, indiquent pourtant que la dématérialisation et le recul de l'accueil physique contribuent à exclure les plus vulnérables. Ainsi, 61 % des Français peinent à accomplir leurs démarches et une personne sur quatre renonce à faire valoir un droit.
Beaucoup dénoncent la dégradation silencieuse de l'accès aux droits et tout le monde s'accorde sur le nécessaire renforcement d'une présence physique du service public dans tous les territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains.
Vous vous évertuez pourtant à renforcer cette dématérialisation sans tenir compte des alertes. Tant pis pour l'humain, vous aggravez la fracture sociale.
C'est ainsi que les conditions de travail des agents dans les territoires se détériorent, que leurs droits sont affaiblis et que les moyens sont réduits.
La réforme des IRA, le développement des prépas Talents et le recours accru à la contractualisation vont dans le sens de la flexibilisation et de la précarisation de l'emploi public.
Même le dialogue social devient une vitrine où, malgré une communication importante, les décisions sont centralisées et verrouillées.
Face à cette austérité assumée, nous portons un autre choix pour notre pays : celui de réinvestir massivement dans les services publics, de redonner du sens au travail pour les agents, de garantir leurs droits et, surtout, de reconstruire une administration moderne, réellement sociale, écologique et proche des citoyens.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques ».
Soyez assurés, madame la ministre, monsieur le ministre, que nous continuerons de lutter aux côtés des agents et des usagers pour rendre nos services publics accessibles à toutes et à tous. Ce patrimoine commun et cette richesse des plus démunis qu'est le service public ne vous appartiennent pas ; vous en êtes seulement les dépositaires. Il vous appartient d'en prendre soin ou, tout du moins, de le respecter, comme il vous appartient de respecter les agents et le travail remarquable qu'ils réalisent au quotidien dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui dans un même bloc six ensembles budgétaires qui n'ont, pour beaucoup, qu'un rapport très limité entre eux : transformation publique, gestion immobilière, finances publiques, crédits non répartis, régimes sociaux et de retraite, pensions.
Regrouper autant de sujets aussi différents nous contraint à traiter en une seule discussion des enjeux qui vont de la lutte contre la fraude fiscale à la rénovation énergétique des bâtiments de l'État, en passant par le financement des retraites et l'attractivité de la fonction publique.
Pour la mission « Transformation et fonction publiques », le Gouvernement met en avant des ambitions de transition numérique, de qualité de service et d'égalité professionnelle, mais les crédits des programmes sont en nette baisse : -27 % en crédits de paiement.
Le fonds pour la transformation de l'action publique recule, les actions de modernisation interministérielle se contractent et la stratégie de performance et de résilience des bâtiments arrive à son terme sans véritable relais budgétaire.
Pendant ce temps, les défis sont énormes : accompagner les agents dans l'adaptation aux nouveaux outils, répondre aux injonctions de dématérialisation, porter les réformes RH, tout cela sans que les moyens suivent.
Le compte d'affectation spéciale consacré au patrimoine immobilier de l'État souffre lui aussi d'une autre faiblesse structurelle : sa dépendance croissante aux produits de cession. Les recettes sont volatiles, les prévisions incertaines, et cette instabilité fragilise les investissements indispensables à la rénovation, à la mise en sûreté et surtout à la rénovation énergétique du parc immobilier.
La réduction des surfaces, présentée comme une grande stratégie, est en fait une simple diminution comptable des mètres carrés de bureaux, sans prise en compte des besoins des futures administrations et de la qualité des conditions de travail des agents.
Pour ce qui concerne la gestion des finances publiques, nous retrouvons les mêmes contradictions. Des objectifs ambitieux sont affichés : renforcer la lutte contre la fraude fiscale, moderniser les systèmes d'information, absorber l'explosion des flux liés au commerce en ligne pour la douane, développer l'usage du renseignement financier, aller plus loin dans la détection des contrefaçons, sécuriser les frontières économiques.
Là encore, les marges de manœuvre restent limitées. Les effectifs progressent trop peu au regard de l'ampleur des missions, notamment pour la DGFiP, dont la charge croît plus vite que les renforts annoncés, ou pour la douane, confrontée à une montée en puissance inédite des trafics internationaux.
Enfin, les régimes sociaux et de retraite, tout comme le compte d'affectation spéciale « Pensions », sont, eux aussi, pilotés sous tension. Le Gouvernement utilise cette mission et ce CAS comme une variable d'ajustement pour atteindre des objectifs globaux d'équilibre, au lieu d'assumer une stratégie claire en matière de solidarité et de prise en charge des engagements de l'État envers ses agents.
Pendant que ces postes budgétaires sont déjà bien asséchés, la majorité sénatoriale propose des amendements qui relèvent davantage du couperet que de la stratégie : plusieurs centaines de millions d'euros de coupes – 50 millions ici, 350 millions là, parfois plus de 780 millions –, sans que soient présentés ni l'impact ni la cohérence de l'action publique.
S'y ajoutent les mesures les plus punitives envers les agents : trois jours de carence, gel du glissement vieillesse-technicité, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, voire sur quatre. Autant de propositions qui traduisent une défiance vis-à-vis de la fonction publique et une vision idéologique qui affaiblit l'État plus qu'elle ne le renforce.
Mes chers collègues, si nous voulons un État qui tienne debout face aux crises, il faut lui donner les moyens de ses missions, non regrouper des sujets sans lien, non compresser les crédits, non affaiblir les agents qui le font vivre.
Nous voterons mission par mission, compte par compte, pour ce qui renforce l'efficacité, la justice et la transparence de l'action publique et nous combattrons ce qui l'appauvrit.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'ensemble des missions que nous examinons ce matin, je me concentrerai sur celle de la transformation et de la fonction publiques, une mission modeste par son volume financier, mais qui touche à des secteurs fondamentaux pour l'action publique.
Le budget présenté par le Gouvernement est en forte baisse. Cette contraction est avant tout mécanique, puisque le plan de rénovation des cités administratives arrive à son terme et que le fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) va progressivement s'éteindre. Les crédits de la mission vont donc fortement baisser : -46 % en autorisations d'engagement et -27 % en crédits de paiement.
En particulier, la fin du fonds pour la transformation interroge, d'autant que le projet annuel de performances de cette année indique encore que « le FTAP est un puissant levier pour accélérer les projets à fort impact des administrations ».
De fait, le bilan de ce fonds est loin d'être négligeable, puisqu'il aura financé et accompagné plus de 149 projets depuis sa création, à l'instar de France Identité numérique, particulièrement utile pour les Français de l'étranger.
L'extinction de ce fonds représente une déception certaine pour notre groupe. Le RDSE considère en effet que les chantiers de modernisation sont encore nombreux et nécessitent d'être clairement soutenus.
J'en viens à la question de la fonction publique.
Tout d'abord, le Gouvernement acte la suppression de la subvention accordée au CNFPT pour le développement de l'apprentissage, avec des conséquences difficilement évaluables. Aussi, nous soutiendrons l'amendement de la rapporteure pour avis de la commission des lois visant à rétablir ces crédits.
Le budget pour l'action sociale interministérielle est également en net recul, avec un impact important pour les agents publics les plus modestes. Cette décision est difficilement compréhensible, alors que l'accès au logement est de plus en plus compliqué.
J'aimerais également aborder la question de la rémunération et de l'attractivité de la fonction publique.
Pendant près de vingt ans, le point d'indice n'a quasiment pas bougé. Il a connu deux revalorisations, en 2022 et 2023 ; elles étaient nécessaires, mais elles n'ont pas permis de couvrir l'inflation. Or, selon l'Insee, la rémunération moyenne dans le public est inférieure de 200 euros brut mensuels par rapport au privé.
Au-delà de la question salariale, il faut aussi rappeler que la fonction publique connaît des transformations structurelles profondes ces dernières années. Depuis 2011, la part des contractuels n'a cessé d'augmenter jusqu'à représenter aujourd'hui un quart des effectifs. Or ces agents exercent souvent dans des conditions plus précaires que les titulaires, avec des contrats courts et des rémunérations plus faibles, tout en exerçant exactement les mêmes missions que les titulaires.
Nous assistons donc à un phénomène de contractualisation de la fonction publique, qui ne dit pas vraiment son nom, au moment précis où les enjeux d'attractivité, de conditions de travail et de rémunération sont plus importants que jamais.
Pour le RDSE, un débat de fond sur l'avenir de la fonction publique est donc devenu indispensable. Aussi voterons-nous les crédits de cette mission, mais sans grand enthousiasme. La transformation de l'État et une fonction publique solide, qui fait aussi la force du modèle français, doivent demeurer une ambition. Or la trajectoire budgétaire de cette mission démontre que ce n'est plus le cas.
Enfin, un dernier point concerne le compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Nous souhaitons alerter le Gouvernement sur la façon dont les cotisations employeurs grèvent les budgets des opérateurs de l'État jusqu'à l'étranglement. Depuis 2006, les opérations budgétaires des pensions des fonctionnaires sont enregistrées dans ce compte. En théorie, la convention comptable retenue est neutre pour les administrations publiques, mais elle est loin de l'être pour les opérateurs et les agences de l'État.
Lorsque le taux de cotisation augmente, comme cela a été le cas cette année et comme ce sera encore le cas l'année prochaine, l'impact sur le budget est très lourd. Je songe à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), au CNRS ou à l'Inserm. Il faut non seulement compenser à hauteur des charges pesant sur ces organismes, mais il est également grand temps de revoir le mode de calcul et de financement de ces cotisations employeurs. J'invite le Gouvernement à se saisir de la note publiée par le Conseil d'analyse économique sur ce sujet en septembre dernier. (Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union Centriste tient d'abord à remercier les rapporteurs pour la qualité de l'éclairage qu'ils nous apportent sur ces multiples missions.
Je le dis dès à présent : nous soutiendrons les amendements des rapporteurs visant à réajuster les effectifs de l'État à l'occasion des départs à la retraite, à rendre les comptes plus sincères et, enfin, à modifier le délai de carence. Cela nous semble aller dans le bon sens, si nous voulons maîtriser les dépenses de l'État – un objectif que le groupe de l'Union Centriste estime absolument nécessaire. Nous souhaitons que des améliorations soient apportées en la matière.
Nous tenons d'ailleurs à saluer l'exemplarité des ministères financiers, madame la ministre, monsieur le ministre, qui ont accompli depuis de nombreuses années un effort significatif sur leurs propres effectifs, tout en améliorant de manière générale leurs performances.
On peut en tirer la conclusion qu'avec moins d'effectifs il est possible d'améliorer l'efficacité tout en modernisant l'action publique. C'est finalement le recours à de nouveaux outils qui permet d'accroître l'efficience de l'action de l'État. Cela est extrêmement important et nous tenons à encourager particulièrement ce processus.
Parmi les outils de l'efficience publique figure la facturation électronique, mais cette question reste encore pendante. En effet, ce dispositif avait été programmé en 2020, décidé en 2022, puis modifié en 2024… Notre groupe regrette ces atermoiements. En effet, nous estimons – je pense notamment à Nathalie Goulet, qui est la spécialiste au sein du groupe des questions de lutte contre les fraudes – que cette facturation électronique permettra d'être plus efficace de ce point de vue et singulièrement en ce qui concerne la fraude à la TVA.
Il est clair, quand on voit l'importance des dégrèvements, que certaines évolutions ont conduit à des détournements de TVA. Il faut que nous puissions mieux identifier ce phénomène et donner à l'administration les outils nécessaires pour l'enrayer. C'est un objectif que nous devons atteindre.
En ce qui concerne le contrôle fiscal, nous tenons également à féliciter les services. En dix ans, nous avons constaté une augmentation d'environ 20 % des recouvrements à ce titre. Cela signifie que les services accomplissent leur mission avec efficacité.
Il faut néanmoins qu'ils puissent s'adapter aux évolutions technologiques, par exemple la blockchain. Une acculturation est nécessaire, parce que ces nouveaux outils sont utilisés par ceux qui cherchent à contourner le paiement de l'impôt dont ils sont redevables.
Une mission que nous examinons ce matin porte sur le patrimoine immobilier de l'État. Il est vrai que nous avons connu, là aussi, une évolution tout à fait positive, mais il nous semble qu'il reste encore beaucoup d'efforts de rationalisation à accomplir. Des programmes ont permis d'améliorer l'efficience économique de l'ensemble du bâti, notamment en matière de transition énergétique ; c'est un objectif que nous partageons tous et il est nécessaire d'amplifier les mesures prises.
Cette optique de rationalisation, notamment au travers des cités administratives, qui regroupent l'ensemble des services de l'État dans les départements, nous paraît aller dans le bon sens. Le groupe Union Centriste estime qu'il faut continuer à investir de cette manière et à rationaliser l'immobilier de l'État, afin que celui-ci soit plus opérant dans les territoires et qu'il puisse se séparer du patrimoine dont il n'a pas véritablement l'utilité. Le secteur privé ou des acteurs publics locaux peuvent trouver d'autres usages à ce patrimoine.
Un mot, enfin, sur la question des retraites et des pensions.
Comme la rapporteure, je déplore que la suspension de la réforme des retraites conduise à des coûts qui vont peser sur nos finances publiques : 400 millions d'euros dès l'année prochaine, 1,8 milliard en 2027 et sans doute beaucoup plus les années suivantes, si nous ne prenons pas les mesures de redressement qui sont absolument nécessaires. Vous imaginez bien que nous sommes attachés à ce que l'âge de départ à la retraite soit, en France, compatible avec celui des autres pays européens.
Nous l'avons dit lors de la discussion sur la première partie du PLF et lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : nous devons travailler davantage en France si nous voulons améliorer la croissance et les finances publiques.
À cet égard, nous déplorons les ponctions qui ont été opérées sur le Fonds de réserve pour les retraites. C'est regrettable, car nous avons besoin de cet outil.
Une stratégie de redressement est possible ; il faut pouvoir continuer à œuvrer en ce sens. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, nous examinons conjointement plusieurs missions, ce qui rend l'exercice particulièrement complexe, car elles sont nombreuses et denses.
Il s'agit des missions « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques » – 11 milliards d'euros –, « Crédits non répartis » et « Régimes sociaux et de retraite » – plus de 75 milliards d'euros. Aussi, dans un souci de clarté, je concentrerai mon propos sur quelques sujets précis.
Je veux d'abord mentionner particulièrement la direction générale des finances publiques qui forme, avec les collectivités locales, le binôme ordonnateur-comptable. Nous sommes évidemment attachés à la présence des trésoreries sur le territoire, même si elles ont été regroupées. Il est important de noter que l'aide apportée aux élus pour le montage des dossiers est fondamentale.
Je n'oublie pas non plus de citer le centre d'appel téléphonique qui a été installé à Charleville-Mézières, dans mon département des Ardennes : c'est un point de contact important pour aider les personnes qui sollicitent la direction générale des finances publiques.
J'ai également une pensée particulière pour l'administration des douanes, puisque je représente un département frontalier. Cette administration joue un rôle important en lien avec l'ensemble des forces de sécurité.
M. Marc Laménie. J'en viens à l'examen de ces missions.
Il est important de rappeler que notre pays est celui qui a le plus haut taux de prélèvements obligatoires de l'OCDE et qu'il est le deuxième en matière de dépenses publiques. Il est donc nécessaire de commencer par baisser nos dépenses pour ensuite baisser nos impôts. C'est ce à quoi s'attachent les membres du groupe Les Indépendants dans le cadre de l'examen de ce PLF.
À cet égard, je souhaite attirer votre attention sur les amendements de mon groupe qui visent à baisser les crédits qui peuvent l'être.
Par ailleurs, mon collègue Pierre-Jean Rochette vous proposera, dans un amendement, de porter d'un jour à trois jours le délai de carence dans la fonction publique d'État. La masse salariale de l'État est en constante évolution, alors même que les Français réclament des économies durables. Les sénateurs de mon groupe estiment que le rapprochement des règles applicables aux agents publics de celles qui le sont aux salariés du privé est nécessaire : c'est une question à la fois d'équité et de coût budgétaire que certains actifs font peser sur les cotisations d'autres actifs.
La politique immobilière de l'État – un sujet très complexe – est également concernée par les crédits que nous examinons ce matin.
Notre collègue rapporteur spécial Claude Nougein indique fort à propos que d'importantes économies peuvent être réalisées sur ces crédits. En effet, nous estimons, au sein du groupe Les Indépendants, que les économies qui permettront le désendettement progressif de l'État proviendront principalement de sa réforme.
Il est vrai que nous posons chaque année la question des économies à réaliser lorsque le Parlement examine les textes budgétaires entre octobre et décembre. Ce n'est pas une bonne méthode ; c'est le reste de l'année qu'il faut réformer l'État, afin de constater, lors de l'examen budgétaire, les économies réalisées entre janvier et septembre. Certes, cette année, nous avons aussi examiné plusieurs textes relatifs aux fraudes fiscales et sociales.
Nous rejoignons les rapporteurs spéciaux dans leur souhait de voir se concrétiser prochainement une véritable réforme de la politique foncière et immobilière de l'État. Comme cela a été indiqué, la valeur comptable du patrimoine est estimée à plus de 73 milliards d'euros. La commission des finances appelle d'ailleurs l'exécutif à utiliser un nouveau véhicule législatif pour créer – enfin ! – une foncière d'État. Permettez-moi d'indiquer au Gouvernement que notre collègue Corinne Bourcier a justement déposé en juillet une proposition de loi qui va dans ce sens.
Au sein du groupe Les Indépendants, nous avons le souhait de proposer et de voter des économies dans le cadre de ce projet de loi de finances. Aussi nous associerons-nous à nos collègues pour voter les missions qui sont présentées ce matin, à condition que des dépenses nouvelles ne soient pas adoptées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, derrière les missions que nous examinons se joue un résumé assez juste de la situation globale : une architecture budgétaire complexe, parfois peu lisible, mais qui offre en même temps des pistes d'amélioration à systématiser. Finalement, c'est comme si le problème et la solution se trouvaient en même temps sous nos yeux.
L'examen de la mission « Gestion des finances publiques » montre que la nécessité de redresser la barre est bien comprise et que ce n'est pas « mission » impossible…
Outre une stabilisation des dépenses, on observe la mise en place en 2026 d'un schéma d'emploi négatif, avec pas moins de 558 équivalents temps plein supprimés. La DGFiP fait mentir l'adage selon lequel les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. C'est peut-être dans l'ADN même de cette direction, puisqu'elle résulte, rappelons-le, de la fusion de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts. Malgré quelque 100 000 agents et une redéfinition exigeante des métiers, il n'a fallu que trois ans pour bâtir une administration efficace, préalable indispensable au prélèvement à la source.
Cette dynamique de modernisation se retrouve également dans la réforme de la facturation électronique, qui sera effective au 1er septembre 2026 pour les plus grandes entreprises. Il faut y voir une simplification salutaire au bénéfice du secteur privé et de l'État, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, générant d'importants gains de productivité : 1 euro pour une facture électronique contre plus de 10 euros pour une facture papier.
L'exemple de l'Italie est ici éclairant : l'obligation de facturation électronique, en vigueur depuis près de sept ans, y aurait permis entre 7,5 euros et 11 euros d'économies par facture pour une entreprise qui en produit autour de 3 000 par an.
La facturation électronique renforcera également la lutte contre la fraude à la TVA.
Cette réforme constitue aussi une réponse au fiasco des 10 milliards d'euros de TVA évaporés, grâce à une fiabilisation accrue des données et à un meilleur recouvrement spontané. En Italie, l'écart entre la TVA théorique et la TVA effectivement payée a été réduit de 2 milliards d'euros.
Derrière la taxation des petits colis, dont nous avons débattu il y a quelques jours, se cache une réalité mal vécue par les douanes : la massification des flux en provenance des plateformes asiatiques de commerce en ligne. Cette massification est très forte : dans le rapport de Claude Nougein, on peut lire que le volume de produits importés a bondi de 141 % entre 2022 et 2023.
Les envois de faible valeur bénéficient d'une déclaration douanière simplifiée. Les plateformes font appel à des logisticiens basés en Chine qui minorent la valeur réelle des produits afin d'échapper aux droits de douane et à la TVA à l'importation.
La taxe sur les petits colis ne fera pas disparaître cette fraude ; en revanche, elle apportera des moyens financiers complémentaires aux douanes pour pouvoir lutter à armes égales.
Comme l'ont montré les travaux de notre délégation à la prospective menés par Sylvie Vermeillet, la DGFiP et les douanes ont su utiliser à bon escient les opportunités offertes par l'intelligence artificielle pour détecter les fraudes.
L'IA ne sert cependant pas qu'à cela : la DGFiP a automatisé la répartition et la préparation des argumentaires en réponse aux – trop nombreux… – amendements que nous déposons lors de l'examen des textes financiers. Je précise que le Sénat est en train de suivre le même chemin…
La mission « Crédits non répartis » révèle clairement ce qui cloche dans notre architecture budgétaire. Elle est composée de deux programmes dont les crédits sont surévalués par crainte de sous-budgétisation… La justification de ce phénomène est lacunaire : « conditions particulières de préparation des textes budgétaires » pour l'un ; « forte incertitude liée au contexte international et macroéconomique » pour l'autre.
Alors que le programme 551 n'a connu qu'une seule ouverture de crédits entre 2015 et 2018, pour 11 millions d'euros au total, il atteint désormais 350 millions d'euros dans ce seul projet de loi de finances, soit une augmentation de 250 % par rapport à la loi de finances pour 2025. Cela concerne des provisions pour rémunérations et permet de financer des dépenses de personnel réparties en cours de gestion, c'est-à-dire hors de tout débat parlementaire.
Le même constat s'impose pour le programme 552 : des ouvertures massives de crédits depuis le covid, malgré les mises en garde répétées de la commission des finances du Sénat, et une exécution famélique chaque année – 0 % en 2021, 2 % en 2022, 3,1 % en 2023. À quoi cela rime-t-il ?
Toujours sur la question de la sincérité des provisions, il convient d'examiner plus précisément la sincérité des provisions pour risques et, en particulier, celle des provisions pour litiges fiscaux inscrites chaque année au passif du compte général de l'État.
Ces provisions, censées couvrir les contentieux fiscaux susceptibles de survenir au cours de l'exercice, soulèvent en réalité deux interrogations majeures quant à leur sincérité.
Elles représentent près de 15 milliards d'euros, dont environ 5 milliards correspondent chaque année à une reprise de l'exercice précédent. Deux hypothèses se dégagent : soit ces provisions sont surévaluées et contribuent artificiellement à gonfler le passif du compte général ; soit elles sont correctement dimensionnées, auquel cas se pose la question de la capacité réelle de l'État à absorber un tel niveau de risque contentieux.
En effet, si 15 milliards d'euros devaient effectivement être mobilisés pour faire face aux litiges fiscaux anticipés, il serait nécessaire de recourir à un projet de loi de finances rectificative ou à des décrets d'avance d'une ampleur exceptionnelle, puisque ni les gels ministériels ni la provision de la mission « Crédits non répartis » ne permettraient de couvrir un tel niveau de risque.
Créée en 2018 et censée disparaître en 2022, nous discutons pourtant encore en 2026 de la mission « Transformation et fonction publiques ». Il y aurait beaucoup à dire. J'attends surtout de voir ce que fera la mission « État efficace ».
Le groupe Les Républicains, quant à lui, traduira en actes, dès le début de l'année prochaine, les préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. La réforme de l'État ne peut plus attendre et je ne doute pas de votre volonté à cet égard, madame la ministre et monsieur le ministre.
Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière, dans un hebdomadaire dominical, vouloir s'attaquer aux dépenses de communication pour dégager 300 millions d'euros d'économies. Il va falloir aller beaucoup plus loin.
Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier » de l'État illustre les limites de notre architecture budgétaire : le programme 721, pourtant louable dans son objectif de contribuer au désendettement, n'est plus abondé depuis 2018. S'il n'est pas supprimé, c'est uniquement parce que la Lolf impose qu'un CAS comporte au moins deux programmes. Visiblement, le fait que celui-ci soit désormais un programme fantôme ne pose pas problème.
La politique immobilière de l'État souffre d'une gestion obsolète, fragmentée et terriblement peu lisible – et c'est en tant qu'ancien membre du Conseil de l'immobilier de l'État que je vous le dis. La création rapide d'une foncière de l'État est une vraie nécessité, comme l'a souligné Claude Nougein.
Quant à la mission « Régimes sociaux et de retraite », à force de réformes successives et alors que le sujet occupe le débat public depuis cinq ans, nous savons collectivement ce qu'il faut faire, mais nous refusons de nous résoudre à agir. En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Pensions », malgré un effort réel de sincérité consistant à mieux faire apparaître les charges, des progrès substantiels doivent encore être accomplis pour en améliorer la lisibilité
Ainsi, pour 2024, la direction du budget présente un périmètre de 34 milliards d'euros pour le ministère de l'intérieur, quand la direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier (Depafi) ne retient que 26 milliards. Ce décalage, qui résulte ou non de la comptabilisation du CAS « Pensions », nous laisse interrogatifs sur la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires, d'autant que les trajectoires fixées par les lois de programmation sont elles aussi établies hors contributions au CAS « Pensions ».
Les écarts cumulés atteignent plusieurs milliards d'euros pour les principales missions, notamment « Défense » et « Enseignement scolaire ». Je n'aurai pas le temps d'aller plus loin, mais je pense pouvoir tenir de nouveau les mêmes propos l'année prochaine, ce qui montre qu'il y a beaucoup à faire. Il y a notamment lieu de s'interroger pour savoir si le CAS « Pensions » doit toujours être associé au périmètre des administrations publiques ou transféré vers la sphère sociale, compte tenu de son objet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)