Présidence de M. Loïc Hervé
vice-président
1
Loi de finances pour 2026
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport n° 139, avis nos 140 à 145).
Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Régimes sociaux et de retraite
Compte d'affectation spéciale : Pensions
Transformation et fonction publiques
Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Gestion des finances publiques
Crédits non répartis
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », du compte d'affectation spéciale « Pensions », de la mission « Transformation et fonction publiques », du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », de la mission « Gestion des finances publiques » et de la mission « Crédits non répartis ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter, en quelques minutes, la position de la commission des finances sur les missions « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques » et « Crédits non répartis », ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui relèvent du périmètre des ministères de Bercy.
Je vous indique d'emblée que, sous réserve de l'adoption de trois amendements, la commission des finances vous propose d'approuver l'ensemble de ces crédits.
Je commencerai par la mission « Gestion des finances publiques », qui concerne la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), administrations cruciales pour le fonctionnement budgétaire et fiscal de l'État.
Les autorisations d'engagement (AE) augmentent de 2,10 % et les crédits de paiement (CP) de 1,80 %. Cette progression modérée doit être appréciée au regard de la contribution très significative de la mission à l'effort de maîtrise des dépenses publiques ces dernières années : en effet, si ses crédits ont augmenté de 9 % en valeur, ils ont reculé de 7,3 % en volume, une fois l'inflation prise en compte.
Je salue par ailleurs la continuité des efforts engagés par les administrations de la mission : 558 équivalents temps plein (ETP) seront supprimés en 2026, ce qui porte à 5 672 le nombre total de postes supprimés depuis 2021 – c'est la preuve de la participation active de ces services à la rationalisation des effectifs de l'État.
Cette diminution des effectifs est essentiellement supportée par la DGFiP, pour laquelle une suppression de 550 ETP est prévue, comme en 2025.
J'en viens maintenant rapidement aux deux grands axes auxquels je me suis particulièrement intéressé dans mon rapport.
Le premier axe concerne la réforme de la facturation électronique interentreprises.
Cette réforme, qui entrera en vigueur progressivement à partir de 2026, repose sur deux obligations : l'une, relative à la réception, à l'émission et à la transmission électroniques des factures entre entreprises ; l'autre, relative à la transmission à l'administration de certaines données de facturation.
Notre commission y a toujours été favorable. Cette réforme simplifiera la vie des entreprises tout en améliorant les performances de l'État.
Pour les entreprises, les gains attendus sont significatifs. Le Gouvernement estimait ainsi en 2021 que la seule dématérialisation des factures pourrait générer 4,5 milliards d'euros de gains de productivité pour les entreprises, notamment pour les 1,5 million de petites et moyennes entreprises (PME) qui utilisent encore des factures papier.
Pour l'État, la réforme améliorera le rendement de la TVA par un double effet : la fiabilisation des déclarations entraînera un meilleur recouvrement spontané de l'impôt, tandis que l'administration disposera d'une capacité accrue de repérer les anomalies, grâce au croisement des données. Les gains pour les finances publiques devraient être de l'ordre de 2 milliards ou 3 milliards d'euros par an, à l'horizon 2028.
Toutefois, l'abandon du projet de développement d'un portail public de facturation a suscité des inquiétudes.
Certaines entreprises craignent que le recours obligatoire à une plateforme privée n'engendre des surcoûts. La DGFiP considère que la concurrence entre les opérateurs devrait limiter ces risques. Je souscris à cette analyse, tout en soulignant qu'il s'agit d'un point de vigilance important pour notre commission.
Le deuxième axe concerne la lutte contre la fraude fiscale et douanière.
La lutte contre la fraude demeure une priorité, en dépit d'un contexte budgétaire tendu. Les montants recouvrés au titre du contrôle fiscal ont progressé, s'élevant à 11,4 milliards d'euros,…
Mme Nathalie Goulet. Bien !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. … ce qui représente une hausse de 800 millions d'euros par rapport à 2023.
Je souhaite insister sur les défis croissants que suscite l'explosion du e-commerce pour la douane.
En 2024, les importations de biens de faible valeur, c'est-à-dire de moins de 150 euros, exonérés de droits de douane, ont doublé : elles représentent 775 millions d'articles. Ce flux massif favorise les schémas de fraude consistant à sous-évaluer les marchandises, afin d'éluder les droits de douane et la TVA.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit notamment un renforcement des effectifs de la douane de 18 ETP. Nous avons aussi reçu de bonnes nouvelles de la part de l'Union européenne : si des décisions étaient prises à ce niveau, cela permettrait de régler en partie le problème.
En ce qui concerne la mission « Crédits non répartis », le montant de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles est fixé à 123 millions d'euros, ce qui est raisonnable. En revanche, 350 millions d'euros sont inscrits au titre de la provision relative aux rémunérations publiques, sans aucune justification de la part du Gouvernement. La commission proposera donc de supprimer les crédits de ce programme.
J'en viens à la mission « Transformation et fonction publiques ».
Je constate tout d'abord que les moyens de la mission continuent de diminuer, ce qui est la conséquence de l'aboutissement du programme de rénovation des cités administratives, achevé depuis pratiquement 2025.
Les crédits de la mission affichent ainsi une diminution très importante, de l'ordre de 45 % en autorisations d'engagement par rapport à 2025, ce qui est normal, car ce qui est fait n'est plus à faire.
Comme je l'ai dit, cette baisse significative s'explique essentiellement par l'aboutissement du programme de rénovation des cités administratives porté par le programme 348, « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs ».
Je regrette ensuite les difficultés rencontrées dans l'avancement de la réforme de la foncière de l'État, que le Sénat avait soutenue lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.
Alors que la disposition législative visant à la mettre en œuvre a été censurée par le Conseil constitutionnel comme cavalier budgétaire, je déplore qu'aucun vecteur législatif n'ait été depuis utilisé par l'exécutif pour permettre la création de cette structure.
J'appelle donc le Gouvernement à présenter rapidement un support législatif, afin de permettre le déploiement du pilote de la foncière d'État.
Au regard de l'évolution logique des moyens de la mission inscrits dans le projet de loi, la commission des finances proposera d'en adopter les crédits sans modification.
Je conclurai par quelques mots sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État, ce compte d'affectation spéciale vise à financer les opérations de valorisation et de modernisation du parc immobilier de l'État, en recourant prioritairement à la cession d'actifs.
Pour 2026, le CAS affiche, de manière exceptionnelle, un solde négatif de 55 millions d'euros. Néanmoins, les crédits du compte sont placés sous une norme de dépense pilotable à hauteur de 210 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce qui devrait garantir son équilibre budgétaire à moyen terme.
De fait, le CAS constitue un instrument marginal pour la politique immobilière de l'État, puisqu'il a représenté seulement 11 % en moyenne, chaque année, de ses dépenses d'investissement immobilier entre 2015 et 2024. Ce dispositif budgétaire est appelé, à terme, à s'éteindre lorsque la foncière de l'État aura été pleinement déployée.
La commission proposera donc d'adopter les crédits de ce compte sans modification. (M. Marc Laménie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'élèveront, en 2026, à 75,3 milliards d'euros.
Le Gouvernement propose de geler le montant des pensions l'année prochaine, ce qui est nécessaire pour limiter l'effet que pourrait avoir la suspension de la réforme des retraites de 2023.
Selon le Premier ministre, le coût de cette dernière serait de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027. Ces sommes s'ajouteraient aux déficits déjà prévus de 5,3 milliards d'euros en 2026 et de 6,8 milliards d'euros en 2027.
Mais l'effet sur le solde des finances publiques sera plus important, car, en raison de la perte de cotisations pour les autres branches de la sécurité sociale et de moindres recettes fiscales, la facture totale d'une suspension de la réforme de 2023 s'élèvera plutôt à quelque 3 milliards. Je rappelle pourtant que cette réforme aurait eu des effets redistributifs sur les plus petites pensions, et notamment sur celles des femmes.
Dans un contexte où le vote solennel à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est prévu que mardi prochain, je me dois de rappeler que l'équilibre de notre système de retraites ne saurait être atteint par magie.
Au minimum, il est nécessaire d'accroître le taux d'emploi des seniors dans notre pays. Si les quelques 589 000 personnes qui ne sont ni en emploi, ni en retraite, ni au chômage et qui sont en bonne santé travaillaient, le gain net pour les finances publiques serait de 5,8 milliards d'euros.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions versées par le budget de l'État à onze régimes sociaux et de retraite structurellement déficitaires, en raison de l'existence d'un déséquilibre démographique, lequel est particulièrement important dans les régimes fermés depuis plusieurs années, ou de la nécessité de financer certaines règles dérogatoires au droit commun.
Les crédits proposés s'élèvent à 6 milliards d'euros et sont fléchés, pour près de 70 % d'entre eux, vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP : 3,3 milliards d'euros sont ainsi prévus pour le premier et 886 millions pour le second. De même, 830 millions sont fléchés vers le régime de retraite des mines, qui ne compte plus que 750 cotisants pour 17 300 pensionnés, 791 millions d'euros vers le régime de retraite des marins et 128 millions d'euros vers le régime de retraite la société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita).
Le CAS « Pensions » porte les pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité, ainsi que celles des ouvriers des établissements industriels de l'État. Les crédits prévus pour 2026 s'élèvent à 69,3 milliards d'euros.
Le CAS a connu en 2025 un solde déficitaire de 2,5 milliards d'euros, en raison de l'adoption de la loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de la hausse des pensions de 2,2 % intervenue en janvier 2025.
Afin de rééquilibrer les comptes du CAS, le Gouvernement propose d'augmenter de 4 points le taux de contribution de l'État employeur, afin de le porter, à partir du 1er janvier 2026, à 82,28 %.
Cette hausse du taux des cotisations employeur concernerait aussi la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Les deux régimes publics des fonctionnaires d'État et des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sont parfois pointés du doigt comme mauvais élèves du système de retraites. Cependant, le taux des cotisations employeur appliqué permet d'absorber le déficit provoqué par le déséquilibre démographique, ce qui n'est pas le cas dans d'autres régimes.
Le débat sur les retraites n'est jamais serein – cela apparaît clairement actuellement –, car les régimes sont très différents et il n'est pas possible de les comparer.
Je conclurai en rappelant l'importance de sanctuariser et d'abonder le fonds de réserve pour les retraites (FRR) : celui-ci doit retrouver sa mission originelle.
Notre système par répartition est le meilleur qui soit, car il est insensible aux chocs financiers, qui constituent le principal écueil de la capitalisation, mais encore faut-il provisionner les sommes permettant de faire face aux écarts démographiques.
J'indique d'ailleurs que ces provisions rapportent beaucoup d'intérêts. Le FRR doit cesser d'être ponctionné par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui rembourse essentiellement des dépenses de maladie.
Mme Monique Lubin. Très bien !
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Il conviendrait que chaque branche de la sécurité sociale étudie les moyens de parvenir à son propre équilibre financier. Cessons en tout cas de vider le FRR pour financer le déficit de l'assurance maladie, pour ensuite nous étonner du déficit des retraites.
Mue par l'espoir que cette question puisse être traitée par la conférence lancée par le Premier ministre et consciente de la nécessité de faire face aux déficits actuels, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », afin que les pensions puissent être versées comme il se doit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 148, « Fonction publique », de la mission « Transformation et fonction publiques », qui financent le volet interministériel de la politique de formation, d'action sociale et de ressources humaines de l'État, connaissent une diminution de 10 % par rapport à 2025.
Cette baisse traduit la volonté du Gouvernement de réduire le déficit public. Celle-ci est bien compréhensible dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
Je souhaite toutefois faire quatre remarques.
Tout d'abord, la trajectoire haussière des effectifs de l'État retenue pour 2026 ne semble guère compatible avec la stabilisation des emplois entre 2023 et 2027 prévue par la loi de programmation des finances publiques.
Ensuite, je souhaite souligner, cette année encore – mais je ne perds pas espoir d'être entendue –, la nécessité d'améliorer l'analyse et le suivi de la performance des crédits du programme 148, notamment en ce qui concerne les prestations d'action sociale et la plateforme « Choisir le service public ». Les indicateurs de performance utilisés depuis maintenant cinq ans, qui n'ont d'ailleurs d'indicateurs que le nom, mériteraient d'être revus.
En outre, si l'expérimentation des classes prépas Talents a pu être prolongée in extremis, grâce à une initiative parlementaire, il paraît nécessaire de renforcer les actions de communication, afin de mieux faire connaître le dispositif. Nous aurons à décider de son éventuelle pérennisation en 2028, et je compte sur le Gouvernement pour nous transmettre d'ici là un bilan complet.
Enfin et surtout, les crédits du programme 148 reflètent le désengagement de l'État du financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale : la contribution de l'État, qui était de 15 millions d'euros en 2025, sera nulle en 2026.
Je l'ai déjà souligné lors des débats budgétaires des années précédentes et je ne me lasserai pas de le répéter : le système de financement mis en place à la suite de l'adoption de la loi de finance pour 2023 fait peser un risque majeur sur l'avenir de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. C'est préjudiciable pour les employeurs territoriaux, les jeunes et, in fine, la fonction publique elle-même, qui perd un facteur clé d'attractivité.
En 2026, si le projet de loi de finances était adopté en l'état, seuls 5 000 nouveaux contrats d'apprentissage pourraient être pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), alors que les besoins de recrutement exprimés par les collectivités sont trois fois plus élevés. Rappelons aussi que 12 000 contrats avaient été signés en 2022.
Le manque de cohérence de l'État, qui demande aux employeurs territoriaux de soutenir l'apprentissage, et l'inégalité de traitement à cet égard, par rapport au secteur privé, ne sont pas acceptables.
C'est pourquoi la commission des lois vous propose d'adopter un amendement visant à inscrire dans le texte une contribution de l'État à hauteur de 15 millions d'euros en faveur du financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. Sous cette réserve, la commission s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits budgétaires qui sont dévolus à la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d'affectation spéciale « Pensions » évoluent peu cette année.
Les subventions d'équilibre versées par la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'élèvent à 6 milliards d'euros, soit une baisse de 0,13 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
De même, les recettes du CAS « Pensions » augmentent de 2,08 % et ses charges baissent de 0,01 % par rapport à l'an dernier.
Ces prévisions de dépenses sont fondées sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, dans sa version issue de la lettre rectificative du 23 octobre 2025, et plus particulièrement sur l'article 44, relatif au gel du montant des pensions de retraite au titre de l'année 2026 et à une minoration du coefficient de revalorisation de ces pensions de 0,4 point entre 2027 et 2030. En outre, l'article 45 bis prévoit une sous-indexation supplémentaire de 0,5 point en 2027, afin de financer la suspension de la réforme des retraites de 2023.
Ces prévisions devront être ajustées à l'issue de la navette parlementaire, dont le résultat apparaît particulièrement incertain cette année, dans la mesure où l'Assemblée nationale et le Sénat ont eu, en première lecture, des positions diamétralement opposées sur les articles 44 et 45 bis.
Je veux toutefois revenir sur un détail d'importance : la réforme attendue de la comptabilité du CAS « Pensions ».
Ce compte d'affectation spéciale retrace les opérations relatives aux pensions de retraite et aux avantages accessoires gérés par l'État. Quelque 95 % de ses dépenses sont destinées à financer les pensions de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires.
La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) a soumis le CAS « Pensions » à une obligation d'équilibre : son solde budgétaire cumulé doit être excédentaire en tout instant.
Afin de respecter la demande de la Cour des comptes de maintenir le solde cumulé du CAS « Pensions » supérieur à 1 milliard d'euros, le PLF prévoit d'augmenter le taux de contribution des employeurs publics de fonctionnaires civils de 4 points à partir du 1er janvier 2026, pour le porter à 82,28 %.
Or ce taux facialement très élevé masque le fait que le CAS « Pensions » est également abondé par une subvention de l'État visant à corriger les effets du déséquilibre du ratio démographique, qui n'est que de 0,9 cotisant pour un retraité.
Je m'inscris dans le sillage des études récentes publiées par l'Institut des politiques publiques (IPP) et du Conseil d'analyse économique (CAE) pour appeler à une réforme de la comptabilité du CAS « Pensions », afin que les contributions employeur ne servent à financer que les dépenses liées aux pensions de retraite.
En effet, le CAS « Pensions » finance également les avantages familiaux, les pensions d'invalidité ou encore les dispositifs de retraite anticipée des ministères régaliens, qui ne constituent pas, à proprement parler, des pensions de retraite.
Ce recentrage des dépenses permettrait de minorer le taux de cotisation employeur et de renforcer la transparence sur le coût réel d'un fonctionnaire.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Michel Canévet applaudissent également.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour la bonne information de tous, que vingt-neuf amendements sont à examiner sur ces missions.
La conférence des Présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures quinze.
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des Présidents, et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de ce bloc de missions sera reportée à demain, dimanche.
Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner les crédits de quatre missions et de deux comptes spéciaux.
Tout d'abord, rappelons que la situation de nos finances publiques nous oblige à réaliser un effort collectif inédit. La maîtrise de nos dépenses est devenue nécessaire pour garantir la soutenabilité de notre modèle social et la crédibilité de nos engagements européens.
Dans ce contexte exigeant, nous devons veiller, tout particulièrement lorsque nous examinons les missions budgétaires, à ce que chaque euro soit mobilisé avec discernement, au service de la modernisation de l'État et de la qualité du service rendu à nos concitoyens.
En ce sens, tout comme l'année dernière, les crédits de paiement de la mission « Transformation et fonction publiques » devraient baisser. Pour l'année 2026, un total de 524,7 millions d'euros sont demandés à ce titre, soit une diminution de 27 % par rapport à la loi de finances pour 2025.
En dépit de cette coupe budgétaire assez nette, ce budget permettra, s'il est adopté, de poursuivre le travail de l'État visant à renforcer l'efficacité de l'action publique et l'attractivité de la fonction publique.
Je pense notamment aux chantiers interministériels de modernisation des ressources humaines publiques et d'amélioration des conditions de travail, qui pourront continuer, ou à l'accélération de la transformation performante et durable du parc immobilier étatique.
Je n'oublie pas la simplification de l'action publique et l'amélioration de la qualité des services, dans l'Hexagone comme en outre-mer, qui constitue un chantier incontournable pour nos concitoyens.
La mission « Gestion des finances publiques » s'inscrit pleinement dans la dynamique de modernisation et de renforcement de la proximité de l'action publique engagée depuis 2017. L'année prochaine, son budget augmentera de 1,14 % par rapport à 2025, pour s'élever à 8,23 milliards d'euros.
Cette hausse s'explique notamment par le renforcement des moyens de lutte contre les fraudes ainsi que, plus globalement, par la modernisation interne des ministères économiques et financiers.
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'établiront à 5,9 milliards d'euros, soit une baisse de 0,13 % par rapport à 2025. Je rappelle que ces prévisions de dépenses reposent sur une hypothèse de gel des pensions de vieillesse en 2026.
Enfin, la mission « Crédits non répartis » est particulièrement importante en raison de l'imprévisibilité de la vie publique. Nous en voterons les crédits, qui seront rehaussés à hauteur de 475 millions d'euros en crédits de paiement.
Mes chers collègues, l'ensemble de ces missions composent un cadre budgétaire cohérent et responsable. Celui-ci témoigne de notre volonté de moderniser l'État, d'investir dans la performance de nos services publics et d'être à la hauteur de la confiance que nos concitoyens accordent aux institutions de notre pays.
C'est pourquoi le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera en faveur de l'adoption des crédits de ces missions.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin des missions budgétaires et un compte spécial qui relèvent du champ de la gestion des finances publiques et des fonctions publiques. Ces missions ont des effets sur la manière dont l'action publique est conduite.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) considère qu'il ne peut y avoir de cohésion, ni nationale ni sociale, si l'État n'assure pas correctement ses missions fondamentales au service de nos concitoyens. Pour cela, il a évidemment besoin de moyens opérationnels et humains.
Au travers de ce débat budgétaire, c'est en fait notre vision du service public, de l'organisation de l'État et de la fonction publique qui se dessine.
Or la stigmatisation incessante des dépenses publiques, qui seraient mal calibrées, mal évaluées, trop lourdes, et des fonctionnaires, qui seraient trop nombreux, trop coûteux, trop revendicatifs, pas assez productifs, constitue sans nul doute une arme puissante pour affaiblir l'image de notre État et le statut de nos agents. Elle érode peu à peu l'attractivité des emplois du secteur public, qui est déjà en tension.
De l'État aux collectivités, en passant par les hôpitaux, toutes les catégories de la fonction publique sont malheureusement touchées. Ce n'est sans doute pas une bonne nouvelle pour notre démocratie et la défense de l'intérêt général.
Nous souhaitons donc qu'il soit remédié à cette situation. Or, dans les missions que nous examinons ce matin, le compte n'y est pas vraiment. C'est particulièrement visible lorsque l'on étudie la mission « Transformation et fonction publiques ».
Dans le programme 148, spécifiquement consacré à la fonction publique, nous observons des évolutions contrastées : d'un côté, les crédits affectés à l'action n° 01, « Formation des fonctionnaires », et à l'action n° 02, « Action sociale interministérielle », qui sont les le plus importantes, subissent plutôt des baisses ; de l'autre, les crédits de l'action n° 03, « Appui et innovation des ressources humaines », sont en augmentation, mais ne représentent que 1 % du budget global du programme.
Il nous semble donc quelque peu contradictoire d'essayer d'améliorer le contenant, au travers d'actions de communication au profit de la plateforme Choisir le service public ou de la marque employeur, tout en fragilisant potentiellement le contenu, c'est-à-dire la manière dont le statut est appliqué dans les trois fonctions publiques, ce qui inclut notamment l'action sociale et la formation.
Nous regrettons à cet égard, une fois encore, les orientations prises sur l'apprentissage, que nous avions déjà eu l'occasion de dénoncer les années précédentes.
Nous déposerons donc de nouveau un amendement sur ce sujet, car il est incompréhensible que, dans ce pays, l'on fasse payer d'abord la jeunesse en procédant à des coupes budgétaires sur les postes d'apprentissage, dans le public comme dans le privé, ainsi que sur les salaires des apprentis eux-mêmes.
Il est indispensable de corriger le tir si l'on veut susciter des vocations et attirer les talents dans le service public à tous les échelons – dans les prépas bien sûr, mais pas seulement.
Monsieur le ministre, j'en profite pour vous demander des précisions : quel est l'état d'avancement du projet de fusion des instituts régionaux d'administration (IRA) en un établissement unique lillois ? Quelle sera la place accordée aux collectivités concernées dans cette nouvelle organisation ?
Les crédits du programme 368, « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques », sont stables.
En revanche, ceux qui sont fléchés directement sur la transformation publique semblent en voie d'extinction, malgré les grands discours sur France Services ou sur France Simplification…
Les crédits du programme 348, « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », enregistrent une forte baisse de 400 millions d'euros.
Pourtant, si le programme des cités administratives s'achève effectivement, chacun voit bien sur le terrain que les bureaux de l'État ont tout autant besoin d'être rénovés et mis aux normes de la transition écologique que le patrimoine de nos collectivités locales.
Au-delà des enjeux écologiques et économiques associés à ces travaux immobiliers, il y va des conditions de travail des fonctionnaires. Il convient de veiller à les soutenir tout au long de leur carrière et à garantir, au moment de la retraite, des pensions décentes.
En ce qui concerne la mission « Crédits non répartis », il est difficile, compte tenu de ce que j'indiquais précédemment, de s'opposer à la hausse des crédits d'une action qui s'intitule « Provision relative aux rémunérations publiques ».
Nous n'irons pas jusqu'à proposer de supprimer ces crédits, mais nous attendons néanmoins, monsieur le ministre, des explications précises sur les raisons de cette augmentation.
Je conclus par la mission « Gestion des finances publiques », qui regroupe les politiques publiques relatives au recouvrement des recettes, au paiement des dépenses de l'État ou encore aux activités douanières.
Les crédits de cette mission augmentent légèrement, même si l'on peut regretter la baisse, très sensible, des moyens affectés à l'Agence française anticorruption (AFA) et à Tracfin.
On peut surtout déplorer que les effectifs ne suivent pas la même tendance. L'objectif de recruter 1 500 contrôleurs fiscaux supplémentaires ne sera pas atteint dans les délais. Pis, plus de 550 postes seront à nouveau supprimés à la DGFiP : au total, plus de 5 600 postes auront ainsi disparu depuis 2021.


