M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Il est toujours difficile de mettre en place une règle de non-cumul pour une certaine catégorie et pas pour toutes les autres. Il y a un risque d'inconstitutionnalité évident.

Pour autant, il y a bien là un sujet. Mes services ont commencé à y travailler, en collaboration avec les conseils départementaux, qui gèrent le RSA. Nous souhaiterions mettre en place un mécanisme de suivi régulier qui permettrait d'évaluer les situations et de traiter les abus ou de les anticiper. Ce processus de surveillance nous paraît tout aussi efficace ; nous serons plutôt dans ce registre-là.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Il s'agit d'une disposition que nous avions déposée, avec mon collègue Olivier Henno, dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Par conséquent, je voterai cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-240 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 79.

L'amendement n° II-1243 rectifié bis, présenté par MM. Rochette, Malhuret et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Verzelen, Mme Bourcier, MM. Grand, Brault, Chatillon, Ravier, Maurey et Menonville et Mmes Romagny et Herzog, est ainsi libellé :

Après l'article 79

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le montant annuel total des prestations perçues par les membres d'un foyer fiscal en application de l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, à l'exclusion des 5°, 8° et 9° du même article, de l'article L. 523-1 du même code et de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, ne peut excéder un multiple de 70 % du montant net du salaire minimum de croissance. Le plafonnement peut être ajusté en fonction de la composition du ménage, dans des conditions déterminées par décret.

L'écrêtement du montant total ne porte pas sur la part correspondant aux prestations prévues aux 2° et 3° de l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale.

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement bien connu a fait couler beaucoup d'encre. Il vise à plafonner toutes les aides sociales cumulées pouvant être perçues à hauteur de 70 % du Smic.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Il nous semble que ce débat mérite une plus grande place que celle que nous pourrions lui accorder ici ce soir. En effet, il s'agit tout de même d'un sujet de première importance, et nous ne pouvons pas l'envisager de cette manière, au détour d'un amendement, en fin d'examen d'une mission, sans avoir recueilli les nombreux avis nécessaires.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Effectivement, le sujet est important et, comme l'a dit M. le rapporteur, nous y travaillons. Vous le savez, nous préparons un projet de loi visant à instituer une allocation de solidarité unique. Le projet est presque prêt, et vous le recevrez bientôt. Nous espérons pouvoir le présenter en conseil des ministres à la fin de l'année ou au tout début de l'année prochaine, pour qu'il arrive ensuite très vite au Sénat et que commence le processus d'élaboration de la loi.

Oui, c'est un sujet important, qui demande certainement une instruction plus poussée.

Par conséquent, compte tenu des informations que je viens de vous donner, je vous propose de retirer votre amendement ; sinon, je serais obligé de donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Je vous propose que nous votions cet amendement, ce qui permettra de faire passer le message. Ensuite, cette disposition vivra sa vie et deviendra peut-être même obsolète.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Nous avons très bien entendu le message que vous voulez faire passer en parlant d'un plafonnement, mon cher collègue !

Vous laissez ainsi entendre qu'un certain nombre de nos concitoyens vivent très grassement en additionnant les prestations. Nous n'avions pas entendu beaucoup d'horreurs jusque-là, à part des refus d'aménagement.

De plus, compte tenu de la teneur votre intervention générale tout à l'heure, nous avons bien compris que vous ne croyez absolument pas que les décisions prises ici régleront quoi que ce soit sur le plan financier. J'ai donc hâte d'entendre vos propositions l'année prochaine.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis élue de la région Auvergne-Rhône-Alpes, donc je connais cette proposition. Elle ne recoupe pas celle de M. le ministre, qui, pour ce que j'en sais, ne concerne que le RSA, la prime d'activité et l'aide personnalisée au logement (APL). Elle ne concerne ni les allocations familiales ni l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Nous avons bien compris votre obsession à combattre toute forme de solidarité. Malheureusement, vous partez d'un postulat erroné, à savoir que le travail ne paierait pas. (M. Pierre Jean Rochette s'exclame.)

Eh bien si, il vaut toujours mieux travailler que de bénéficier exclusivement de prestations ! Je ne dis pas que le travail paie bien, mais il est toujours plus rentable de travailler que de ne pas travailler. Il faudra donc affiner vos arguments, mon cher collègue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1243 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1269 rectifié ter, présenté par M. L. Vogel, Mme Ciuntu, M. Grand, Mme Aeschlimann, MM. Chasseing, Wattebled, Laménie, Brault et Menonville, Mme Bourcier et MM. Chevalier, Rochette, Naturel et Lefèvre, est ainsi libellé :

Après l'article 79

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la fin de la deuxième phrase de l'article L. 821-6 du code de la sécurité sociale sont ajoutés les mots : « , ou supprimé en cas d'incarcération ».

II. – Le présent article est applicable dans des conditions et à compter d'une date fixées par décret et au plus tard à compter des droits du mois de décembre 2026.

La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Cet amendement de notre collègue Louis Vogel vise à prévoir la suppression totale de l'allocation aux adultes handicapés au-delà d'une certaine durée d'incarcération.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Nous allons écouter avec beaucoup d'intérêt ce que va nous dire M. le ministre.

Si nous ne votions pas cet amendement, les crédits de la mission augmenteraient, apparemment, de 10 millions d'euros. En effet, il semblerait que cette hausse ait été anticipée et que l'adoption de cet amendement ait déjà été prise en compte, si nous avons bien lu les textes budgétaires. Vous allez donc nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.

Considérant cette difficulté, la commission des finances s'en est remise à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. L'adoption de cet amendement permettrait en effet d'augmenter les crédits de la mission. Il tend à soulever une question proche de celle dont nous avons débattu précédemment concernant le maintien de l'aide aux personnes incarcérées.

Cet amendement viserait uniquement les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés vivant seules, et non celles qui ont un conjoint ou un enfant à charge. En outre, la mesure ne s'appliquerait qu'au bout de deux mois d'incarcération.

Le sens de cet amendement est évident : la personne incarcérée étant à la charge de l'État pour ses besoins courants d'hébergement ou de nourriture, elle n'a pas besoin que la solidarité nationale finance en plus ses besoins du quotidien.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement de M. Vogel.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. J'aimerais comprendre : avant d'être discuté ici et éventuellement voté, cet amendement a déjà été intégré dans le texte que vous nous présentez, madame la ministre ? Vous n'avez pas osé présenter vous-même cette mesure ? Vous avez demandé à quelqu'un de le faire ?

Il est tout de même incroyable que vous nous disiez que cette disposition est déjà intégrée dans le projet de loi de finances et que nous aurons un problème s'il n'est pas adopté. C'est du chantage ! C'est incroyable ! Je n'ai jamais entendu une chose pareille.

Il est bien dommage que, de la même façon, vous n'ayez pas intégré par anticipation nos amendements à ce texte : nous aurions été obligés de les voter !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1269, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 79.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq,

est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Travail, emploi et administration des ministères sociaux

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux (et articles 80 et 81).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la huitième année que je présente ce rapport au nom de la commission des finances.

Cette année, les crédits de la mission demandés pour 2026 s'élèvent à 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 17,7 milliards d'euros en crédits de paiement.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, les crédits connaissent une diminution de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 15,1 %, et de 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une réduction de 11,8 %. Cette mission est donc sans conteste l'une de celles qui contribuent le plus à la réduction des dépenses publiques.

La diminution proposée en 2026 fait d'ailleurs suite à une très forte baisse des crédits de la mission en 2025. En effet, entre le dépôt du projet de loi de finances et l'adoption de la loi de finances initiale pour 2025, le Parlement avait adopté, sur l'initiative du Gouvernement et du Sénat, d'importantes mesures d'économie, dont l'impact cumulé se chiffrait à 1,6 milliard d'euros.

Comme les années précédentes, l'évolution des dépenses de la mission dépend largement de celle des crédits du programme 103, parce qu'il participe pour une grande part au financement de l'apprentissage et en constitue en quelque sorte la politique phare.

La baisse des crédits de ce programme, de 21,1 % en autorisations d'engagement et de 19,4 % en crédits de paiement, explique ainsi largement la baisse globale des crédits de la mission.

Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses en faveur de la formation en alternance, les crédits consacrés à cette politique sur le budget de l'État s'élèvent à environ 4,6 milliards d'euros. Il s'agit d'une baisse très sensible par rapport à 2025, puisque le coût de l'alternance pour la mission était alors de 6,2 milliards d'euros.

Cette baisse est principalement imputable à la diminution des crédits consacrés à l'aide aux employeurs d'apprentis. En effet, pour couvrir les économies prévues sur ce poste de dépenses en 2025, le Gouvernement a revu à la baisse le barème de l'aide à l'embauche : de 6 000 euros pour tous les contrats, elle est passée à 5 000 euros pour les contrats signés par les PME et à 2 000 euros pour les contrats signés par des entreprises de plus de 250 salariés.

Le Gouvernement envisage une diminution du nombre d'entrées en apprentissage. Les prévisions de baisse pour 2026 reposent sur l'hypothèse d'une diminution de 10 % des entrées en apprentissage en 2025.

Pour résumer, la situation requiert aujourd'hui de la stabilité. Il est toutefois à craindre que cette stabilité, que le secteur appelle de ses vœux et que nous estimons souhaitable, n'advienne pas. En effet, les entrées en apprentissage en septembre 2025 seront sans doute plus importantes qu'anticipées par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous nous donner plus de précisions à cet égard ? Nous ne disposions pas des chiffres de septembre 2025 lorsque nous avons déposé notre rapport. Les économies proposées seraient dans ce cas en partie fictives. Si cette hypothèse se révélait fausse, les crédits de la mission augmenteraient en effet mécaniquement. Il faudrait alors réfléchir à la manière de revoir la copie.

Avant de céder la parole à ma collègue Ghislaine Senée, je souhaite indiquer la position de la commission des finances sur cette mission.

La commission a pris acte de la forte baisse des crédits consacrés aux politiques de l'emploi et de la formation professionnelle. Elle souhaite, en responsabilité, compte tenu des contraintes budgétaires et de la nécessaire baisse des dépenses publiques, accepter ces économies, tout en reconnaissant les points sur lesquels celles-ci paraissent trop importantes.

La commission a donc émis une majorité d'avis défavorables ou de demandes de retrait sur les amendements que nous allons examiner.

En revanche, elle a jugé nécessaire de réduire certaines coupes budgétaires, en particulier sur les entreprises adaptées. Nous avons déposé un amendement, afin de rétablir les crédits de ces structures à leur niveau de 2025.

De même, elle a émis un avis favorable sur des amendements visant à préserver les missions locales et s'en remettra à la sagesse du Sénat sur l'insertion par l'activité économique.

J'en viens aux articles rattachés à la mission.

La commission n'a pas souhaité supprimer l'article 80, qui met fin à l'aide forfaitaire de 500 euros pour le financement du permis de conduire. Il existe en effet d'autres dispositifs, qui ne sont, au demeurant, pas réservés aux apprentis. Compte tenu cependant des nombreux amendements tendant à proposer cette suppression, nous nous en remettrons à la sagesse du Sénat sur ce point.

De même, la commission n'a pas non plus souhaité modifier l'article 81 sur la régulation du compte personnel de formation (CPF). Nous constatons néanmoins, là encore, que de nombreux collègues souhaitent maintenir l'éligibilité des bilans de compétences au CPF. La commission s'en remettra également à la sagesse du Sénat, à condition que soient adoptées d'autres mesures pour maîtriser le coût du financement des bilans de compétences.

Finalement, la commission des finances propose d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » est, cette année encore, celle qui contribue le plus massivement à la réduction de la dépense publique.

Après plusieurs exercices de forte hausse concentrée sur l'apprentissage, nous sommes désormais dans une phase de contraction budgétaire, qui produit des effets sur différents dispositifs d'insertion et d'accès à l'emploi, en particulier pour les publics qui en sont les plus éloignés.

Le choix budgétaire proposé peut d'ailleurs rendre incertaine la réalisation des objectifs que nous avons fixés dans la loi pour le plein emploi.

Je commencerai par évoquer France Travail. L'opérateur voit sa subvention pour charge de service public baisser de 12 % par rapport à 2025 et son plafond d'emplois diminuer de 515 ETP. Le Gouvernement affirme que cela ne représenterait que 1 % des effectifs, mais cette présentation est somme toute trompeuse.

France Travail fait face à une montée en charge continue, alors même que ses partenaires – missions locales, Cap emploi et collectivités locales – sont déjà sous tension. À effectif constant, l'opérateur doit en effet assumer une expansion inédite de ses missions : renforcement de l'accompagnement intensif, prospection accrue auprès des employeurs, augmentation des contrôles de la recherche d'emploi.

S'y ajoutent des réformes lourdes : la généralisation d'Avenir pro dans les lycées professionnels, le plan Seniors 50 et plus, mais aussi la lutte contre les trop-perçus, les contrôles renforcés des frontaliers, les mesures issues de la Conférence nationale du handicap, ainsi qu'une mission que nous avons nous-mêmes créée, à savoir la gestion du fonds d'allocation de fin de mandat. Ainsi, dès mars prochain, après les municipales, France Travail devra encore absorber un afflux de bénéficiaires supplémentaires.

Dans ce contexte, exiger davantage tout en retirant des moyens fragilise l'opérateur, pourtant engagé dans une trajectoire d'efficience. Je me réjouis donc que la commission des affaires sociales demande une hausse du plafond d'ETP.

Je reviens à présent à l'Unédic. Je tiens à redire ma profonde inquiétude face au prélèvement opéré par l'État sur ses ressources, alors même que l'assurance chômage fait face à un retour durable au déficit.

Après une année 2025 proche de l'équilibre, le régime enregistrerait un déficit de 1,3 milliard d'euros en 2026. Dans ces conditions, le prélèvement prévu par l'État revient à créer artificiellement du déficit et à affaiblir la capacité de l'Unédic à jouer son rôle de stabilisateur, alors qu'une remontée prochaine du chômage est annoncée.

Cette ponction est d'autant moins justifiée que cette dette résulte en partie des décisions de l'État durant la crise sanitaire, qu'il n'a jamais compensées.

J'évoquerai maintenant un autre point de vigilance, concernant les missions locales. Leur situation au sein du service public de l'emploi est particulièrement préoccupante. Leurs autorisations d'engagement diminueraient de 77,65 millions d'euros pour 2026. Cette baisse pèserait directement sur leur capacité à accompagner les jeunes, d'autant plus que le nombre de contrats d'engagement jeune devrait diminuer de 10 000 pour l'année prochaine.

Chacun le constate, partout sur les territoires, les besoins pour notre jeunesse augmentent, et cette baisse suscite une inquiétude largement partagée, notamment chez les élus locaux, qui doivent une fois encore compenser les désengagements de l'État.

Notre assemblée se saisit massivement du sujet : 22 amendements visant à augmenter les crédits des missions locales ont été déposés par l'ensemble des groupes et, une nouvelle fois, de la commission des affaires sociales. Je m'en félicite. J'indique que la commission des finances émettra un avis favorable sur les amendements visant à rétablir les crédits au niveau de 2025.

Je souhaite attirer l'attention sur le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), dont la situation est également préoccupante.

Les crédits qui lui sont consacrés connaîtraient une baisse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Comme nous le soulignons dans notre rapport, il s'agirait de la plus forte contraction jamais enregistrée, alors même que les structures d'insertion jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi. Une telle réduction fragiliserait la capacité des structures d'insertion par l'activité économique à maintenir leur mission et compromettrait les parcours qu'elles accompagnent.

Cette inquiétude, là encore, est largement partagée : 28 amendements ont été déposés pour renforcer les crédits de l'IAE. Les propositions vont de 139 millions à 244 millions d'euros, ce qui correspond au maintien de 30 000 à 60 000 postes d'insertion.

La commission des finances émettra donc un avis de sagesse sur la proposition de la commission des affaires sociales visant à atténuer la baisse prévue. Cette mobilisation transpartisane montre que le secteur ne peut faire l'objet d'un ajustement budgétaire aussi brutal.

Je terminerai en disant quelques mots des articles rattachés de la mission. Comme Emmanuel Capus l'a rappelé, la commission n'avait pas souhaité modifier ces articles, car il lui semblait que les besoins étaient ailleurs, sur les missions locales ou l'IAE principalement.

Toutefois, la commission s'en est remise à la sagesse du Sénat sur les amendements visant à supprimer l'article 80 et sur ceux qui tendent à maintenir l'éligibilité au CPF des bilans de compétences.

Ce maintien a un coût. La commission a ainsi émis des avis favorables sur d'autres amendements qui pourraient le compenser en restreignant l'éligibilité au CPF de la préparation des examens du permis de conduire pour les véhicules légers et en plafonnant les droits mobilisables pour les actions de formation inscrites au répertoire spécifique.

Mes chers collègues, je vous indique d'ores et déjà que j'ai à titre personnel des réserves sur le plafonnement appliqué aux formations du répertoire spécifique. Bien que leur coût par heure soit important, elles concernent notamment des certifications de métiers artisanaux dont notre pays a fortement besoin. Nous pourrons en débattre.

Nous aurons également à débattre de la suppression des crédits de la plateforme de l'inclusion ou du groupement d'intérêt public Les entreprises s'engagent, deux dispositifs récents et particulièrement innovants qui permettent d'agir pour la simplification, la mutualisation et l'amélioration de l'efficience des politiques publiques de l'emploi.

En conclusion, mes chers collègues, alors que selon les prévisions, le taux de chômage pourrait atteindre 8,2 % à la fin de l'année 2026, nous savons que l'environnement économique sera de fait plus dégradé. Que ces perspectives éclairent notre discussion et nos arbitrages sur cette mission ! (M. le rapporteur spécial applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de la mission s'élèvent à 17,7 milliards d'euros, soit une diminution de 2,4 milliards d'euros par rapport à 2025.

Voilà donc deux ans que les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » diminuent de 11 %, pour revenir à des ordres de grandeur plus acceptables. Rappelons tout de même que ce budget avait enflé de 60 % entre 2019 et 2024.

La commission des affaires sociales souscrit donc à cette baisse, avec toutefois la conviction qu'il convient de ne pas reproduire les erreurs commises. Cette décroissance doit désormais être pilotée et s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle, au risque de saper les politiques mises en place.

S'agissant des diminutions de crédits en faveur des acteurs de l'insertion professionnelle, certaines nous ont paru trop brutales sur un seul et même exercice budgétaire. La commission a donc adopté des amendements afin de les atténuer.

Tel est ainsi le cas des moyens de fonctionnement des missions locales, de l'enveloppe à destination des structures d'insertion par l'activité économique et de celle qui est destinée aux entreprises adaptées. J'ai toutefois appelé les acteurs à ne pas être passifs face aux diminutions des crédits qui se poursuivront. Les missions locales, comme les structures de l'IAE, devront s'engager dans un effort pluriannuel, ce dont leurs représentants sont convenus.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. La mise en œuvre de la loi pour le plein emploi, qui se poursuivra en 2026 et 2027, devra aussi produire des gains d'efficience. Pour que les ambitions de la loi se réalisent, encore faut-il que les acteurs chargés de l'appliquer en aient les moyens. Je songe bien sûr à France Travail, dont les missions ont été accrues et dont les effectifs sont pourtant réduits de 515 ETP en 2026.

La commission a déposé un amendement visant à stabiliser le plafond d'emplois de l'opérateur pour éviter ces injonctions paradoxales.

En ce qui concerne la formation professionnelle, la commission met en garde contre les conséquences néfastes d'une nouvelle diminution, arrêtée à la dernière minute, des aides aux employeurs d'apprentis. Il nous semble que la politique d'apprentissage a besoin de stabilité et que ses crédits doivent être préservés.

Pour cela, le Gouvernement pourra s'appuyer sur les pistes d'économies que nous formulons, à hauteur de 614 millions d'euros, sur la dotation à France Compétences et sur le plan d'investissement dans les compétences (PIC). Les dépenses cumulées de ce plan dépassent les 15 milliards d'euros depuis 2018, alors que les objectifs ne sont pas atteints ; j'y reviendrai.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission. Elle s'est aussi prononcée en faveur de l'article 81, sous réserve de l'adoption d'un amendement visant à ne pas exclure les bilans de compétences de l'éligibilité au compte personnel de formation.

En revanche, la commission des affaires sociales a proposé la suppression de l'article 80, qui met fin à une aide au permis de conduire pour les apprentis et qui pénaliserait spécifiquement les jeunes des territoires ruraux, mais pas uniquement eux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour la bonne information de tous, que 163 amendements sont à examiner sur cette mission.

La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures, ce qui nous mènerait aux alentours d'une heure ou une heure trente, dans la mesure où nous entamerions l'examen des amendements à partir de vingt-deux heures trente. Si, toutefois, nous n'avions pas terminé à l'heure indiquée, nous poursuivrions l'examen de cette mission demain à partir de quatorze heures.

En outre, la conférence des présidents, réunie mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.

En application de cette décision, les durées d'intervention seront donc fixées à une minute.

Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote. Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Travail, emploi et administration des ministères sociaux (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les exercices se suivent et l'austérité s'accroît.

L'an dernier, les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » étaient en baisse de près de 7 %. Cette année, le projet de loi de finances amplifie cette trajectoire austéritaire, la baisse étant de près de 13 %, soit 3 milliards d'euros de dépenses publiques en moins, presque le double de l'année précédente.

La trajectoire de dépenses est ainsi portée à 17,7 milliards d'euros, bien en dessous du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui situait cette trajectoire à 21,6 milliards d'euros en 2026. Le Gouvernement impose donc un plan d'ajustement structurel plus sévère que ce qui était annoncé.

Certes, une partie non négligeable des efforts sont concentrés sur l'apprentissage. Toutefois, outre que ce repli atteste en réalité du semi-échec du dispositif, dont les effets d'aubaine étaient prévisibles et sont en partie responsables de la baisse de la productivité ces dernières années, il ne saurait masquer les coupes budgétaires imposées à l'ensemble des dispositifs de retour à l'emploi.

Il en est ainsi de la chute des dotations aux missions locales – de 20 % en deux ans –, alors que trois ministères prétendent avoir fait de la jeunesse leur priorité et que les jeunes font face à de nombreux freins à l'emploi et restent la classe d'âge la plus pauvre.

Il en est de même de la baisse du plafond d'emploi de France Travail, difficilement compatible avec les nombreuses missions nouvelles et promesses de moyens de la loi pour le plein emploi.

Il en est de même enfin pour les structures d'insertion par l'activité économique, qui subissent une diminution de leurs autorisations d'engagement de près d'un tiers, ce qui met en péril 3 000 salariés permanents, 20 000 ETP conventionnés et 60 000 parcours d'insertion.

L'ampleur de ces coups de rabot suscite des interrogations. Ce sont des mesures procycliques, alors que la conjoncture se retourne et que l'OFCE prévoit une hausse du chômage, lequel pourrait atteindre 8,2 % à la fin de l'année 2026. Cela a d'ailleurs conduit les rapporteurs de la commission des finances à conclure que la capacité des politiques de l'emploi à inverser cette tendance sera amoindrie par les diminutions de crédits prévues dans le présent projet de loi de finances.

De fait, dans un tel contexte, la baisse des crédits, que la Fédération des entreprises d'insertion considère comme « la plus forte de son histoire », aura obligatoirement des externalités négatives et un impact démultiplié dans les territoires les plus en difficulté.

Ces baisses n'ont fait l'objet d'aucune étude d'impact par le Gouvernement, qui n'a pris en compte ni leurs effets dans les territoires ni les fragilités des modèles économiques selon le type de structure. Seule la logique comptable à court terme prime !

Après huit ans d'une politique de l'offre qui a vidé les caisses de l'État sans résultat macro-économique autre que conjoncturel, la facture est de fait présentée aux missions, à toutes les missions de service public.

En 2024, la Cour des comptes soulignait que la période 2018-2023 avait été marquée par d'importantes baisses d'impôts, dont l'impact est estimé à 62 milliards d'euros, soit 2,2 points de PIB. Ces baisses sont à l'origine de déficits budgétaires structurels et de l'explosion de la dette, puisque rien, en fait, n'a vraiment ruisselé. La mission paie aujourd'hui le prix fort de ces cadeaux non financés et inefficients.

Comme ceux de la mission « Enseignement scolaire » hier, les crédits de cette mission ne permettent plus d'investir dans l'élévation des compétences et des qualifications, dans l'effort de formation requis par les transitions numérique et écologique, ni dans la qualité des emplois et la levée des freins à l'emploi.

Le Gouvernement agit de façon désordonnée, aveugle, sans évaluer les effets récessifs et contre-productifs d'une politique menée par à-coups, en freinant brutalement le développement du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique qu'il a lui-même engagé hier, mais que son obstination déraisonnable à mettre en œuvre une politique de l'offre – celle qu'il conduit depuis huit ans – entrave désormais.

Le plein emploi ne sera donc pas au rendez-vous. La hausse du chômage, que le Gouvernement masque par des emplois de piètre qualité, ne sera pas enrayée. Elle viendra s'ajouter à la hausse désormais historique, depuis trente ans, du taux de pauvreté.

Aussi, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront contre la dégradation des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)