Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte budgétaire de notre pays conduit, pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement à réduire les crédits de la mission « Aide publique au développement », alors qu'elle a déjà pleinement pris sa part dans l'effort collectif de redressement des finances publiques.
En deux ans, cette mission a ainsi perdu 3 milliards d'euros de crédits sur les 6,4 milliards d'euros dont elle disposait.
Pourtant, en 2021, en adoptant à l'unanimité la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités, le Parlement a souhaité que la France consacre à l'APD 0,7 % de son revenu national brut (RNB).
Face à cette situation, nous sommes nombreux à avoir cherché des solutions responsables pour trouver de nouvelles ressources, en proposant d'augmenter de manière mesurée le taux de la taxe sur les transactions financières, d'élargir son assiette, de confier son recouvrement à la direction générale des finances publiques (DGFiP) ou encore de réaffecter son produit ainsi que celui de la taxe de solidarité sur les billets d'avion au financement de la solidarité internationale et de la santé mondiale.
Tous ces amendements ont été rejetés, après que le dernier a été déclaré irrecevable – il avait pourtant été adopté à l'Assemblée nationale, allez comprendre !
Alors même que l'effort demandé au programme 209 était déjà excessif, voici que M. le rapporteur général de la commission des finances propose une coupe supplémentaire de 200 millions d'euros. Ayant eu l'honneur d'être, à vos côtés, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux dans un passé encore récent, je ne peux m'y résoudre, monsieur le ministre.
D'abord, une telle réduction placerait la France dans une position intenable : elle ne serait plus en mesure d'honorer ses engagements internationaux.
Pourtant, malgré les attaques récurrentes dont elle fait l'objet, notre politique de développement est l'un des outils les plus stratégiques de notre politique étrangère. Elle anticipe et limite les crises sanitaires, climatiques et sécuritaires. Elle soutient les populations les plus vulnérables. Elle sert directement les intérêts de la France, en consolidant des partenariats économiques, politiques et stratégiques. Elle contribue ainsi à la stabilité internationale, donc à la sécurité des Français, crée des opportunités pour nos entreprises et porte haut nos valeurs.
Nos concitoyens y sont attachés : 66 % d'entre eux soutiennent l'action de la France en matière de solidarité internationale. Leurs dons et leur engagement bénévole et associatif témoignent également de ce soutien profond.
De son côté, l'État – et j'y ai pris ma part – améliore en permanence l'efficacité et l'évaluation de cette aide pour l'adapter à un environnement international et budgétaire en pleine mutation. Ainsi, il prévoit de concentrer 60 % de notre appui vers les pays les plus vulnérables, de mobiliser plus de financements domestiques et privés ou encore d'améliorer la visibilité de nos projets, notamment avec un logo unique pour tous nos opérateurs.
La commission d'évaluation de l'APD, qui se réunira le 17 décembre prochain, est également une illustration de cette volonté. Des parlementaires y siégeront.
Ensuite, réduire encore ces crédits, c'est accepter des conséquences dramatiques : des projets vitaux interrompus, des milliers d'emplois supprimés, des droits fondamentaux fragilisés, des populations laissées pour compte.
Enfin, il est pour le moins incohérent d'accueillir sur les grilles du Sénat une exposition consacrée au remarquable travail de Handicap International, tout en envisageant simultanément la baisse des moyens qui permettent précisément à cette ONG et à tant d'autres d'accomplir leur mission.
M. Bernard Jomier. Très bien !
M. Thani Mohamed Soilihi. Si le redressement des finances publiques est nécessaire, il ne peut se faire ni au prix d'un affaiblissement profond de l'influence de la France ni au prix de l'abandon de nos engagements internationaux.
En conséquence, le groupe RDPI s'abstiendra sur les crédits tels que proposés par le Gouvernement et s'y opposera s'ils se trouvaient davantage sacrifiés, parce que la France ne peut pas se permettre d'abandonner ce qui fait sa parole, sa force et son honneur. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, SER, GEST et RDSE.)
M. Bernard Jomier. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Arlette Carlotti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis deux ans, l'aide publique au développement a connu une série de coupes budgétaires inédites. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une nouvelle baisse significative d'environ 700 millions d'euros.
En deux années, la mission « Aide publique au développement » aura perdu plus d'un tiers de ses crédits. C'est la mission qui aura été la plus touchée par la recherche d'économies budgétaires. Elle aura contribué à 12 % de l'effort national. Nous faisons donc payer notre déficit aux pays les plus pauvres, alors qu'il suffirait de chercher quelques moyens là où ils se trouvent.
Jamais, nous n'avons vécu une telle crise, avec une telle ampleur, une telle violence.
Le Congrès américain a entériné la disparition de l'Agence des États-Unis pour le développement international, décidée par Donald Trump dès son arrivée au pouvoir. Seul le programme Sida a été sauvé in extremis.
Partout, le trumpisme fait des ravages, particulièrement dans les rangs des conservateurs. En France, certains voudraient emprunter la même voie, alors que 68 % des Français soutiennent l'aide publique au développement. Tandis que certains pays européens, comme l'Espagne, le Portugal, la Belgique, mais aussi l'Italie, maintiennent leur engagement et parfois le renforcent, la France, elle, baisse ses financements au risque de s'inscrire dans une dynamique de repli sur soi.
L'APD n'est pas votre priorité, monsieur le ministre. Pourtant, la loi du 4 août 2021 l'a inscrite dans une trajectoire financière ascendante, visant à renforcer l'influence de la France par sa capacité d'action dans les pays les plus vulnérables.
L'APD est un outil de rayonnement, un levier d'influence diplomatique et de soft power. Elle met en valeur l'expertise française, crée des relations de confiance durables, promeut les valeurs de solidarité et contribue à accroître la présence économique et culturelle de notre pays.
En déstabilisant notre politique publique de solidarité, vous compromettez la capacité de la France à tenir ses engagements internationaux, vous affaiblissez son influence, son expertise et ses partenariats stratégiques, et ce sans compter les conséquences sur l'écosystème français : 8 milliards d'euros de retombées économiques pour les entreprises françaises de 2020 à 2024 ; 40 000 emplois dans l'expertise technique et les réseaux associatifs ; des centaines de collectivités territoriales engagées dans la coopération décentralisée et 200 millions d'euros de dividendes reversés à l'État par l'AFD en 2024. Ces coupes budgétaires fragiliseront certainement les retombées positives pour la France.
Surtout, l'APD a un impact direct ou indirect sur des dizaines de millions de personnes chaque année dans le monde, particulièrement dans les dix-neuf pays prioritaires et les pays les moins avancés.
Ces baisses de financement mettront inévitablement en péril des actions en faveur des populations les plus pauvres : 53 millions de personnes ne bénéficieront plus du soutien de l'AFD, dont 27 millions en Afrique, une Afrique avec laquelle nous avons besoin de renouer un lien solide – vous en conviendrez, monsieur le ministre. Ainsi, 2 millions de personnes ne bénéficieront plus de services de santé, 1 million de personnes n'auront plus accès à l'eau potable et près de 100 000 exploitations familiales agricoles ne seront plus soutenues. Jusqu'à 6 millions d'enfants pourraient être déscolarisés en 2026, selon l'Unicef.
Les décisions que nous prenons ici seront très lourdes de conséquences sur les populations en souffrance.
Le Gouvernement a-t-il au moins fait une étude d'impact sur les conséquences de ses choix budgétaires ? Je ne le pense pas, parce que les seules analyses disponibles viennent d'ONG ou d'organisations internationales comme l'OCDE. Ces organisations sont alarmistes : la solidarité internationale est à l'agonie.
Pour les associations françaises, la réduction sans précédent de leurs financements représente un choc systémique et historique. C'est un basculement vers un sous-financement chronique qui menace leur survie, particulièrement celle des plus petites. Ainsi, 94 % d'entre elles seraient touchées ; près de 1 300 projets sont réduits ou abandonnés ; entre 10 000 et 15 000 personnes sont en train de perdre leur travail. Handicap International a déjà dû se séparer d'une cinquantaine de personnes.
La loi du 4 août 2021 fixe pourtant une trajectoire : atteindre 0,7 % du RNB. Pourtant, depuis, les crédits ne cessent de fondre !
Aujourd'hui, vous nous proposez de nous délester de nos responsabilités, de renoncer à nos engagements, de voter une loi d'un côté, puis de faire tout l'inverse de ce que nous avons décidé de l'autre et, finalement, de porter préjudice à la parole politique et à celle de la France. Ce sera sans nous, monsieur le ministre.
Nous aurions préféré explorer des pistes permettant d'alimenter le fonds de solidarité pour le développement, comme l'augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d'avion ou d'autres sur les activités portuaires ou les infrastructures utilisées par les géants du numérique.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'est limité à proposer essentiellement l'augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières, pour le porter à 0,5 %, et la suppression du plafond de la part affectée à la solidarité internationale.
Monsieur le ministre, vous le voyez, les pistes existent. Ce qu'il nous manque, c'est la volonté politique. Il nous manque votre volonté politique.
Les coupes budgétaires qui frappent aujourd'hui l'aide publique au développement sont inacceptables. Nous ne pouvons pas nous y résoudre et nous les condamnons. Aussi ne voterons-nous pas ce budget.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne cessera jamais de défendre plus de coopération et plus de solidarité, parce qu'il aspire à la construction d'un monde plus juste. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'ordinaire, décembre est la saison des rues qui scintillent et de l'idée réconfortante que, malgré les tempêtes, le monde peut encore tenir ensemble.
Cette année, un autre froid s'est installé, celui qui traverse l'aide publique au développement, un froid budgétaire, un froid historique. L'État a perdu le sens de sa parole internationale.
Ce projet de loi de finances pour 2026 accentue le tournant amorcé en 2024 et 2025. Alors qu'elle atteignait 5,76 milliards d'euros en 2024, le volume de l'aide publique au développement a chuté à 5,1 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2025, pour finalement atteindre 3,6 milliards d'euros dans ce projet de loi de finances pour 2026. Cela représente 2 milliards d'euros de coupe, c'est-à-dire 25 % de crédits en moins par rapport à 2024.
Ce budget marque un renoncement, un renoncement à une certaine idée de la France, celle qui n'hésite pas à tendre la main. Au mois d'octobre dernier, nous avons vu les associations de solidarité internationale manifester : toutes sonnent l'alarme.
Je tiens à le dire et à alerter cet hémicycle : ce basculement répond aux injonctions de l'extrême droite,…
Mme Nathalie Goulet. Mais non !
Mme Michelle Gréaume. … des injonctions face auxquelles certains membres de cet exécutif courbent lâchement l'échine et auxquelles la droite sénatoriale se montre trop souvent disposée à souscrire. En témoigne la proposition du rapporteur général de la commission des finances, qui, à l'instar des amendements issus de l'extrême droite de cet hémicycle, prévoit de réaliser une coupe de centaines de millions d'euros sur l'APD.
Pourtant, derrière ces choix se cachent autant de vies : 700 millions d'euros, c'est par exemple 750 000 décès évités pour le seul Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La coupe de 2025 aurait pu financer la scolarisation de 17 millions d'enfants, la vaccination de 71 millions d'autres ou encore une aide alimentaire d'un an pour 4 millions de foyers.
Derrière cette baisse globale, nous assistons à une reconfiguration profonde. Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » chute de 45 % et les contributions aux institutions multilatérales s'effondrent de 60 %. Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », cœur de notre aide bilatérale, perd 37 % en deux ans. Seul le fonds de solidarité pour le développement est stabilisé, mais c'est pour mieux orienter ses crédits vers des instruments financiers, des prêts, des garanties.
Pis, cette aide se transforme en outil de diplomatie économique. Entre 2019 et 2023, 2,5 milliards d'euros de marchés financés par l'AFD sont revenus à des entreprises françaises. Le Gouvernement assume désormais le principe du double dividende : aider le Sud, oui, mais aider nos entreprises d'abord. Où est la solidarité dans cette logique de retour sur investissement ?
Plus grave encore, la migration devient la finalité centrale de l'aide. C'est écrit noir sur blanc dans le bleu budgétaire : l'un des objectifs stratégiques est désormais d'« aider nos partenaires à lutter contre l'immigration irrégulière ». L'APD n'est plus un droit, elle est devenue un instrument de contrôle ! Vous orientez les crédits du programme 209 vers la stabilisation des populations, non vers le développement humain.
Derrière cette orientation se dessine une conditionnalité implicite : les pays qui coopèrent aux réadmissions dans la gestion migratoire voient leurs crédits maintenus ; les autres sont pénalisés. Ce mécanisme est contraire au droit international et à la tradition universaliste de la France.
Mes mots seront donc fermes : aux yeux du groupe CRCE-K, ce budget constitue une honte pour la France.
Décembre est aussi le mois où les familles transmettent de vieux récits en rouvrant les recueils de contes. Un pays, lui aussi, raconte une histoire au travers de son budget. Nous avons eu la chance de naître dans une partie du monde encore épargnée, ce qui crée une responsabilité. L'APD, c'est la France qui soigne, qui construit des écoles et qui agit pour un monde plus stable et plus juste.
Nous voterons donc contre ce projet et continuerons à promouvoir une autre vision : celle d'une France fidèle à ses engagements, fidèle à l'exigence d'égalité entre les peuples, fidèle à ses valeurs de fraternité et à la hauteur de son rôle historique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Akli Mellouli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide publique au développement n'est pas une simple ligne technique au milieu d'un tableau comptable : c'est un choix politique qui engage notre part d'humanité et notre place dans le monde.
En 2021, la France s'est engagée à atteindre l'objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide au développement. Pour le projet de loi de finances pour 2024, notre budget s'inscrivait encore dans cette dynamique.
Depuis deux ans, ce cap a été abandonné.
Pis, nous assistons à des baisses drastiques. En 2025, votre budget a réduit l'APD de plus de 2 milliards d'euros, monsieur le ministre. Pour 2026, vous proposez une baisse de 700 millions d'euros, ce qui ramène l'aide française à peine au-dessus de son niveau de 2022.
Surtout, vous avez décidé en 2025 de reprendre dans le pot commun les recettes de la taxe sur les transactions financières et de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, pourtant créées et fléchées pour financer durablement la solidarité internationale. C'était un acquis précieux, un mécanisme exemplaire : faire contribuer la mondialisation pour réparer ses propres déséquilibres. Vous en avez fait une variable d'ajustement budgétaire.
Ce renoncement a des conséquences directes, humaines, parfois tragiques.
Sur la santé, d'abord.
Nous savons que, lorsque les financements baissent, les épidémies repartent. Moins de vaccination, moins de surveillance, moins de systèmes de santé renforcés, cela ouvre la porte à de nouvelles flambées de sida, de rougeole, de choléra, de polio, et j'en passe. Dans un monde où un virus traverse les frontières en quelques heures, affaiblir les systèmes de santé des pays vulnérables revient aussi à prendre un risque pour nous-mêmes : on ne protège jamais sa population en laissant les autres sans protection.
Sur le climat, ensuite.
Réduire notre contribution aujourd'hui, c'est renforcer l'inaction climatique. L'inaction climatique, c'est l'accélération de la dégradation : sécheresse, migrations forcées, conflits autour de l'eau, instabilité politique. Nous le savons, plus nous tardons à investir dans l'adaptation des pays les plus vulnérables, plus la facture humaine, environnementale et diplomatique sera lourde.
Sur la place de la France dans le monde, enfin.
L'APD n'est pas seulement un impératif moral, c'est un levier diplomatique majeur, un outil d'influence et de confiance.
J'ai reçu le mois dernier la directrice du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), qui m'a exprimé son inquiétude : elle n'avait toujours pas reçu la subvention française prévue pour 2025. Elle m'a rappelé un paradoxe tout de même assez saisissant : la France verse environ 25 millions de dollars par an au Pnud, lequel, de son côté, achète chaque année pour 30 millions à 40 millions d'euros de biens et services en France.
En d'autres termes, notre aide soutient les pays les plus vulnérables et contribue à l'activité économique de nos propres entreprises. Couper l'APD, c'est se priver d'un outil de solidarité, mais aussi d'un instrument économique et diplomatique essentiel dans la période actuelle.
Face à ces baisses sans précédent, les organisations de terrain, notamment représentées par Coordination SUD (coordination nationale des associations françaises de solidarité internationale), dont je salue le travail, nous rappellent l'essentiel : la solidarité est la réponse aux défis de notre monde.
Renforcer les sociétés civiles, soutenir les droits humains, promouvoir une aide ambitieuse, ce n'est pas un supplément d'âme : c'est la condition d'un monde plus juste, plus stable et plus vivable. C'est aussi la condition de notre propre sécurité. En effet, lorsque nous affaiblissons l'aide, nous laissons prospérer la pauvreté, les pandémies, l'instabilité et nous préparons les crises de demain.
Monsieur le ministre, la France a longtemps été une voix forte pour le multilatéralisme, le développement humain, la dignité. Elle ne peut pas rejoindre aujourd'hui le camp du repli. Elle ne peut pas considérer la solidarité internationale comme une simple réserve budgétaire dans laquelle on coupe en fonction des aléas. Nous devons restaurer notre crédibilité, retrouver notre part d'humanité. Nous devons assumer le fait que la solidarité n'est pas un coût, mais qu'elle est un investissement pour un monde plus pacifié, un avenir commun et une planète plus stable.
Je tiens à le dire avec force : l'aide au développement est un lien vital entre les peuples. La fragiliser, c'est nous fragiliser. La préserver, c'est construire des ponts, non des murs.
C'est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s'opposera à ces coupes et appellera à revenir au minimum au niveau de 2025, à rétablir les ressources consacrées à l'aide publique au développement et à retrouver cette trajectoire nécessaire vers l'objectif de 0,7 % du RNB. C'est notre responsabilité.
Il y va de notre humanité. Un pays qui renonce à la solidarité renonce à une part de lui-même. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide publique au développement déployée par la France reposait à l'origine sur des ambitions évidemment louables : accompagner les pays les plus pauvres, soutenir leurs transitions essentielles, favoriser leur croissance et contribuer ainsi à leur stabilité économique, démographique et politique.
C'était une idée belle, généreuse et forte. Aujourd'hui, il est clair que l'aide publique au développement n'est plus ni politiquement justifiée, ni financièrement soutenable, ni diplomatiquement maîtrisée, ni efficace pour les populations bénéficiaires.
Cette mission n'est plus politiquement justifiée.
Alors que l'état alarmant de nos finances publiques impose des efforts considérables, la mission « Aide publique au développement » doit participer pleinement à ces nécessaires ajustements. La France est déjà le cinquième financeur international, avec un engagement global avoisinant les 15,6 milliards d'euros. Dans un contexte où nos comptes publics se dégradent, où nos compatriotes affrontent des difficultés croissantes et où plane une crise économique et financière, nous devons opérer des choix responsables.
C'est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à réduire les crédits consacrés à l'APD. Je soutiendrai évidemment toute proposition allant dans le même sens.
Cette mission n'est plus financièrement soutenable.
Nous continuons d'allouer des fonds à des puissances économiques majeures comme la Chine, le Brésil ou le Mexique. Ces États ne sont plus des nations en retard de développement sollicitant l'appui de pays avancés ; ce sont désormais des puissances souveraines, dont les entreprises sont souvent concurrentes des nôtres.
Dans le cas de la Chine, notre principal adversaire politique et géostratégique, il est impensable de poursuivre de tels financements.
Que dire de l'Algérie, dont le régime enferme nos compatriotes et méprise nos gouvernements, profitant encore cyniquement de notre générosité ?
À cela s'ajoute le constat mis en lumière par l'excellent rapport d'information de nos collègues : aucune évaluation de l'APD n'a été réalisée depuis 2021. La représentation nationale ignore donc tout du retour sur investissement, de l'efficacité réelle et du contrôle de ces dépenses. Nous savons pourtant depuis longtemps que ces fonds alimentent des projets parfois inutiles ou incomplets, mais aussi, trop souvent, des structures internationales où les rémunérations sont particulièrement élevées.
Enfin, cette mission devrait être étroitement liée à nos intérêts diplomatiques. Nos aides devraient d'abord bénéficier aux pays amis de la France, à ceux qui coopèrent réellement avec elle, dans le cadre d'une politique extérieure cohérente associant partenariat économique, aide au développement et réciprocité en matière migratoire. Pourtant, nous continuons de disperser des crédits à l'échelle du globe sans ciblage, évaluation ni contrepartie.
Depuis 2017, l'aide publique au développement française a connu une forte augmentation, franchissant la barre symbolique des 10 milliards d'euros pour atteindre aujourd'hui plus de 15 milliards d'euros.
Nous entrons désormais dans une phase de redressement nécessaire de cette politique, qui doit consister non plus à verser une obole au monde entier, mais bien à soutenir nos intérêts stratégiques. C'est encore une politique qui, comme bien d'autres, s'est révélée coûteuse, inefficace et, pour tout dire, contraire aux intérêts de la France et des Français. Il faut désormais remédier à cette situation. (MM. Alain Cazabonne et Joshua Hochart applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » devrait être l'un des instruments les plus constants et les plus lisibles de notre politique étrangère.
Elle devrait se traduire par une stratégie : stabiliser les régions fragiles, renforcer les services publics essentiels, soutenir la transition climatique et consolider nos partenariats.
Pourtant, le budget proposé inscrit cette mission dans une trajectoire de retrait historique. Comme l'année dernière, cette contraction intervient au moment où le besoin de l'aide de la France n'a jamais été aussi fort. La crise humanitaire, climatique et sécuritaire s'intensifie. Le multilatéralisme est sous pression. Les pays les plus vulnérables encaissent des chocs successifs.
Dans un tel contexte, la France devrait jouer un rôle de stabilisateur. Au lieu de cela, notre empreinte se réduit, alors que d'autres étendent la leur.
Cette baisse de moyens se traduit immédiatement dans le jeu multilatéral : moins nous contribuons, moins nous pesons dans les instances financières. Les banques de développement ajustent leurs priorités en fonction des bailleurs les plus engagés. Les arbitrages qui en découlent se font désormais sans que la France puisse défendre pleinement ses positions.
Sur le terrain, les conséquences sont encore plus visibles. Les ONG, les réseaux humanitaires, les volontaires et les associations locales restent en première ligne, souvent dans des contextes d'une extrême dangerosité.
Ces dernières années, plusieurs travailleurs humanitaires ont perdu la vie dans l'exercice de leur mission. Leur engagement force le respect. Je tiens ici à leur rendre hommage et à rappeler que, face à de tels risques, affaiblir les capacités d'action de ces acteurs revient à les exposer davantage.
Cette situation budgétaire n'est pas une fatalité. Je rappelle que la taxe sur les transactions financières a été créée pour financer la solidarité internationale. Il suffirait d'en réaffecter une part aux programmes les plus fragilisés de cette mission pour absorber substantiellement la baisse actuelle des crédits. Les recettes de cette taxe progressent, son produit est dynamique ; la remettre au service de sa vocation permettrait de renforcer l'action humanitaire sans augmenter la dépense publique. Ce levier existe, encore faut-il avoir le courage politique de le mettre en œuvre.
En tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je note le travail engagé sur l'évaluation des crédits de l'APD. Le constat est très clair : un écart croissant sépare les objectifs fixés par la loi de programmation de 2021 et les moyens véritablement alloués.
Pourtant, les recommandations formulées restent pour l'essentiel sans traduction opérationnelle. Cette situation n'est plus tenable. Nous ne pouvons pas, d'un côté, afficher nos ambitions, de l'autre, ignorer les instruments permettant de les atteindre réellement.
S'appuyant sur cette analyse, le groupe RDSE a déposé plusieurs amendements de rétablissement de crédits.
Monsieur le ministre, nous souhaitons restaurer un minimum de cohérence entre les ambitions affichées par le Gouvernement et les moyens consentis pour les atteindre. Nous refusons que l'aide publique au développement devienne une variable d'ajustement budgétaire. C'est à la fois une erreur stratégique et une faute politique.
La défense globale de notre pays doit être mise en cohérence avec l'effort militaire inscrit au budget. L'APD n'est pas un supplément humanitaire ; c'est un instrument qui protège nos intérêts autant qu'il répond aux besoins des populations.
Notre position est claire : nous voulons une France capable de façonner l'ordre international. La solidarité n'est ni un supplément d'âme ni un geste symbolique ; c'est un héritage d'influence et de prévention qui ne peut s'accommoder d'une telle régression budgétaire.
Vous l'aurez compris, nous nous opposerons à cette baisse de crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)