Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » subit une baisse de crédits significative, de 11,6 % en autorisations d'engagement et de 5 % crédits de paiement.
L'agriculture paye le prix fort de huit années de cadeaux fiscaux aux plus aisés et aux grands groupes. Pourtant, elle doit faire face à une multitude de défis : ceux du climat, de la biodiversité, du revenu des agriculteurs ou encore du renouvellement des générations exigent des politiques volontaristes.
Plus précisément, nous constatons cette année encore une offensive on ne peut plus claire, et qui confine à l'aveuglement dogmatique, contre toutes les actions dédiées à la transition agro-écologique.
Sur deux ans, le soutien à cette transition connaît une diminution de 90 % de crédits en autorisations d'engagement et de 70 % en crédits de paiement. Une baisse dans de telles proportions n'est pas tolérable !
Alors que la loi de finances pour 2025 avait déjà supprimé une grande partie des sous-actions du volet agricole de la planification écologique, comme le plan Protéines et le diagnostic carbone, le budget 2026 réduit quasiment à néant les crédits qui y étaient consacrés.
Rappelons que les agriculteurs comptent parmi les premières victimes du changement climatique. Madame la ministre, l'adaptation à ce dernier et la préservation de la biodiversité ne sont pas des lubies d'écologistes ; elles répondent à des impératifs scientifiques qui nous éclairent. Elles sont l'assurance vie des agriculteurs.
La productivité agricole, donc la souveraineté alimentaire, dépend d'un environnement et d'un climat fonctionnels. Gardons en tête cette donnée : un euro investi dans la prévention en économise sept en indemnisation et en gestion de crise. Voilà les économies !
Dans ces coupes massives, les Maec perdent la moitié de leurs financements, soit 45 millions d'euros, ce qui compromet de nombreux contrats engagés cette année, donc la crédibilité de l'État auprès des agriculteurs.
Madame la ministre, par ces choix budgétaires, vous alimentez la défiance.
Vous renoncez également à toute stratégie de diminution de l'usage des pesticides – les crédits dédiés diminuent de 84 % en autorisations d'engagement –, au moment où le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides enregistre un nombre record de signalements et où plus de 2 millions de Français se mobilisent contre une proposition de loi pro-pesticides. C'est purement inacceptable !
Nous sommes également très inquiets pour l'agriculture biologique. En effet, le projet de loi de finances pour 2026 ne contient aucune mesure nouvelle visant à la soutenir. Ce n'est pas avec des incantations que nous atteindrons l'objectif de 21 % de surface agricole utile en bio en 2030, pourtant inscrit dans la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
Le budget de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence Bio) est quant à lui divisé par deux, alors que les éleveurs et les agriculteurs en bio ont plus que jamais besoin de conforter la fragile reprise de la consommation.
Vous actez également l'abandon du soutien de l'État aux projets alimentaires territoriaux (PAT), alors que les collectivités ont su se saisir – en témoignent les 450 PAT recensés en juillet 2025 – de ce dispositif au cours des dernières années.
Vous stoppez ainsi une dynamique vertueuse, qui profite aussi bien aux agriculteurs qu'aux collectivités et aux habitants. En un mot, votre politique vise à créer des territoires dépendants aux circuits longs.
Face à ce marasme, nous aurions pu espérer la sanctuarisation de quelques lignes budgétaires essentielles pour l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles. Je pense en particulier aux aides du programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA). Mais, même là, le compte n'y est pas.
L'objectif de 500 000 exploitants agricoles à l'horizon de 2035 a tout d'un simple affichage, juste pour faire semblant.
Quant à certains opérateurs essentiels – je pense notamment à l'ONF et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) –, nous proposerons de revenir sur le gel de leurs financements, synonyme de suppressions d'emplois.
Ce gel démontre encore davantage, s'il le fallait, que le Gouvernement ne prend en considération ni les alertes des scientifiques sur l'augmentation des risques liés au changement climatique et aux pollutions diffuses ni les retours de terrain des salariés, qui s'inquiètent de ne plus pouvoir remplir leur mission.
Enfin, nous pourrions nous réjouir que la ligne budgétaire consacrée à l'urgence sanitaire pour l'élevage – c'est la seule dans ce cas – connaisse une légère augmentation, d'un montant de 40 millions d'euros. Cela reste toutefois largement insuffisant face aux drames que vivent les éleveurs, à qui j'apporte également mon soutien.
Si nous saluons le dispositif d'exonération fiscale des indemnités d'abattage, il faut en parallèle des réponses structurelles et un véritable programme de recherche sur l'origine profonde de ces maladies. Les nouvelles épizooties qui sont à nos portes sont le symptôme du réchauffement climatique et de la mondialisation des échanges.
En définitive, nous ne pouvons évidemment pas voter un budget agricole et forestier qui est d'abord la traduction d'une vision toujours plus industrielle de l'agriculture, un modèle qui nous a fait perdre 100 000 paysans en dix ans.
Les contraintes budgétaires ne justifient pas l'abandon complet des agriculteurs engagés dans des pratiques vertueuses. Un autre chemin est possible : celui de la transition agro-écologique, celui des gens et du vivant. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je voudrais exprimer mon soutien envers les agriculteurs réunis depuis hier en Ariège, qui luttent pour leur survie.
Ils luttent pour que notre pays demeure une puissance agricole et nous rappellent que « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ».
Alors que les gouvernements successifs de droite, de gauche et du centre ont creusé notre dette depuis cinquante ans pour la porter à un montant record de 3 500 milliards d'euros, voici, madame la ministre, que vous décidez d'abandonner notre agriculture au moment où elle a le plus besoin de l'État.
En effet, la baisse de crédits de 200 millions d'euros que vous proposez s'inscrit dans une logique de désengagement du Gouvernement, d'alignement sur les exigences bureaucratiques bruxelloises et de fragilisation de notre souveraineté alimentaire.
Vous êtes incapable de protéger nos filières et le pouvoir d'achat de nos agriculteurs. Vous supprimez leurs avantages fiscaux sur les biocarburants et vous les rendez, par conséquent, dépendants aux normes européennes, sans proposer pour autant de stratégie de relocalisation ou de production ni de correction des distorsions de concurrence.
Vous poursuivez les mêmes politiques punitives qui condamnent notre agriculture, avec le Pacte vert aujourd'hui et, demain, l'accord commercial avec le Mercosur, qui sacrifie les intérêts de la France et la santé de nos compatriotes.
Vous persistez à refuser de lutter contre les importations non conformes à nos règles. Vous refusez de défendre « l'exception agriculturelle » ou tout élément qui permettrait de conditionner l'accès des produits étrangers à nos marchés européens.
Alors que la Chine et les États-Unis adoptent des stratégies de protectionnisme économique, vous demeurez les idiots utiles d'un système ultralibéral ouvert aux quatre vents et à bout de souffle.
Les résultats des dernières élections européennes ont pourtant montré que les Français n'étaient plus dupes et qu'ils ne voulaient plus ni de votre gouvernement ni de la technocratie bruxelloise que vous tentez, tant bien que mal, de faire survivre.
On peut les comprendre. Madame la ministre, comment pouvez-vous accepter que 20 % de la consommation alimentaire en France soit importée ? Comment tolérer que 60 % de la viande servie dans nos cantines provienne de l'étranger ? Voilà votre bilan catastrophique, qui a fait passer nos exploitations agricoles de 1,6 million à 400 000 de 1970 à 2020. Voilà ce que vous avez fait du grenier de l'Europe !
En attendant, votre budget ne propose rien pour supprimer des agences, des opérateurs ou des dispositifs de contrôle en doublon.
Pour notre part, nous voulons en finir avec votre modèle de décroissance et avec l'écologie punitive. Nous voulons une souveraineté alimentaire totale et un droit de vivre dignement de leur travail pour nos agriculteurs, cultivateurs et éleveurs. Ces derniers ont compris que seul le Rassemblement national était capable de les protéger.
Madame la ministre, vous n'avez rien fait pour endiguer la chute des revenus agricoles : adieu les grandes promesses des lois Égalim, chantier abandonné en rase campagne.
Il y a peu, vous lanciez votre opération de communication « Le Grand Réveil alimentaire ». Il serait bon que vous et le Gouvernement vous réveilliez enfin pour nous protéger contre la concurrence déloyale et les normes qui nous étouffent, pour sauver notre profession agricole.
Nos agriculteurs, tout comme le Rassemblement national, sont réveillés depuis bien longtemps et alertent les pouvoirs publics pour mettre un terme à ce cauchemar que constitue la déliquescence d'une filière française d'excellence.
En conséquence, nous ne pourrons pas voter, évidemment, pour ce budget d'abandon.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne puis commencer mon intervention sans apporter ma solidarité aux éleveurs touchés par la DNC.
En Ariège et dans d'autres départements, le monde paysan montre sa solidarité et son inquiétude. Pour l'heure, l'abattage et la vaccination sont peut-être les seules solutions, mais les éleveurs ont besoin d'être écoutés, et surtout rassurés pour éviter le pire.
Si je vous parle ainsi, c'est parce qu'avec mon ancienne collègue Françoise Férat, nous avons rencontré des dizaines de familles endeuillées par le suicide d'un mari, d'un père, d'une mère, d'un frère, d'un salarié. La majorité d'entre eux étaient des éleveurs.
Responsabilité, franchise et émotion seront les maîtres mots de mon intervention sur ce budget agricole. Responsabilité d'abord, en posant les enjeux, comme je l'ai toujours fait. Ces derniers sont nombreux : environnementaux, sanitaires, économiques, fonciers, auxquels s'ajoute le renouvellement des générations corrélé à la souveraineté alimentaire.
On use et on abuse du mot souveraineté, mais il s'affirme en ces temps anxiogènes comme un réel défi : alors que les annonces d'une guerre prochaine enflent, nourrir les populations est tout de même fondamental.
Madame la ministre, vous partagez cette analyse, puisque, dans votre discours de Rungis, vous avez évoqué une « guerre des champs ». Vous disiez : « Le meilleur kit de survie pour les Français n'est ni une pile ni une clef de voiture, c'est une assiette. »
Quand on voit le niveau d'engagement de l'Europe pour son agriculture – elle représente 0,39 % de son PIB, contre 1,5 % pour les États-Unis et 2 % pour la Chine » –, on peut penser que nous sommes bien isolés.
Pourtant, la stratégie est aussi européenne. À cet égard, les négociations sur la future PAC sont très inquiétantes, car les autres pays membres ne partagent pas votre vision. Est-ce le signe d'un recul de la crédibilité de la France ?
Madame la ministre, je vous remercie du lancement des conférences de la souveraineté alimentaire. Elles permettront, je l'espère, de coconstruire des stratégies.
À ces inquiétudes s'ajoute le contexte peu réjouissant d'un accord avec le Mercosur qui s'approche à grands pas et d'une balance commerciale alimentaire française qui pourrait se solder en 2025 par un déficit, pour la première fois depuis 1978.
Aussi, la question qui me semble incontournable avant d'aborder le contenu de ce budget est la suivante : quelle vision de long terme avons-nous pour notre agriculture ?
Les textes de loi agricoles se sont succédé, examinant de petits ou de grands bouts de la lorgnette, mais aucun d'entre eux n'a véritablement abouti à un diagnostic et à des solutions transversales et génériques face à une colère grandissante. Le problème fondamental demeure l'absence de revenu rémunérateur et d'un partage de la valeur. Vous avez indiqué vouloir remettre en question la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Nous sommes nombreux ici à l'avoir suggéré depuis longtemps.
Le deuxième maître mot est franchise. Madame la ministre, quelle vision se cache derrière ce budget contraint ? Vous arguez de diminutions de crédits par esprit de responsabilité. Si nous les comprenons, elles sont tout de même très contradictoires avec votre discours de Rungis.
Le Gouvernement a fait le choix du court terme avec deux baisses principales.
Il réduit tout d'abord les dépenses liées aux crises et aux aléas. Les deniers publics ainsi économisés seront redéployés à grands coups de projecteurs médiatiques dès que les paysans en colère sortiront leurs tracteurs des champs. Ces crédits sont certes indispensables face à la détresse des agriculteurs, mais ils doivent être corrélés à une véritable stratégie pensée avec tous les acteurs. Aucun euro ne devrait être dépensé sans compensation.
Concernant la viticulture, je vous remercie, madame la ministre, de l'effort concédé pour l'arrachage des vignes. Il faut maintenant convaincre vos homologues européens d'autoriser la distillation de crise.
L'autre diminution a déjà été évoquée : il s'agit de celle des crédits alloués à la planification écologique, qui sont réduits de plus de moitié, alors qu'ils avaient déjà subi une baisse l'année passée. Or selon la Cour des comptes, un euro investi dans la prévention et l'adaptation, c'est jusqu'à trois euros économisés dans la gestion de crise.
Une telle baisse de crédits nuit à la visibilité, notamment pour les acteurs de la filière fruits et légumes, engagés dans un plan de souveraineté dont les moyens ont été divisés par deux, un an seulement après son lancement. Pourtant, cette filière traverse une crise profonde : en 2023, le taux d'auto-approvisionnement était de 54,5 %, contre 65,5 % en 2003.
Par ailleurs, le projet annuel de performance ne fait mention ni du plan Protéines ni du diagnostic carbone, pourtant au cœur de l'article 1er de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
Émotion, enfin, est mon dernier maître mot. J'avoue ma lassitude à écouter et réécouter les mêmes constats, les mêmes alertes de mes collègues, qui témoignent de la détresse des agriculteurs dans leur territoire.
Je suis triste de dire et redire toujours les mêmes mots pour répondre aux mêmes maux : lourdeur et complexité administrative, iniquité des règles et concurrence déloyale.
Madame la ministre, la France a certainement perdu la culture de la politique prospective. C'est pourquoi je conclurai mon intervention par cette citation d'Antoine de Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. »
Avec ce budget, nous n'avons pas, me semble-t-il, les moyens de le rendre possible. Pour autant, le RDSE ne votera pas contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous sommes réparti les rôles avec mes collègues centristes, et je concentrerai donc essentiellement mon intervention sur la forêt.
Je tiens tout d'abord à remercier notre rapporteur pour avis, Franck Menonville, de son amendement qui vise à abonder le budget forestier de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5 millions d'euros en crédits de paiement.
Ce budget, il faut bien le dire, est en chute libre : de 500 millions d'euros en 2024, il est passé à 130 millions d'euros en 2025. Dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, nous avons récupéré in extremis 70 millions d'euros qui avaient été gelés. Et en 2026, nous arrivons à 97 millions d'euros.
L'heure est grave pour une filière qui représente un tiers du territoire français, soit 18 millions d'hectares, 440 000 emplois et 60 000 entreprises.
Intimement liée à des secteurs stratégiques transversaux comme l'énergie, le logement, la construction, les emballages, le papier-carton, le meuble ou encore le transport au travers des palettes, la filière forestière est confrontée à des contraintes malheureusement trop souvent franco-françaises.
Citons ainsi des coûts de récolte plus élevés que chez nos voisins, des réglementations environnementales inadaptées et surtransposées, une responsabilité élargie du producteur (REP) des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment au profit des produits du bois unique au monde, un usage insignifiant du matériau bois, alors que nos voisins allemands sont à plus de 30 %, et, demain, l'application d'un règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) visant à lutter contre la déforestation importée, alors même que, en France, la déforestation est inexistante et que nos forêts gagnent du terrain année après année.
Je tiens également à saluer les efforts du rapporteur pour avis pour stabiliser les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF) et de l'ONF. Ces deux acteurs décisifs luttent pour la résilience de nos forêts, préparent l'avenir face aux changements climatiques, préviennent le risque incendie ou les glissements de terrain et préservent les capacités de production de notre forêt de demain.
Ces enjeux sont considérables, madame la ministre. Ils emportent des conséquences économiques graves et lourdes.
Pour compléter cette opération de sauvetage de la filière, nous avons réussi à préserver le taux de TVA à 10 % pour les travaux forestiers. Madame la ministre, nous espérons que cette mesure, adoptée dans la première partie du présent projet de loi de finances, sera conservée dans sa version définitive.
J'ai également tenté de consolider le relèvement du plafond d'emplois de l'ONF – 19 ETPT supplémentaires obtenus grâce à l'adoption de l'amendement n° II-135 – dans l'article 55 relatif au schéma d'emplois.
Mon amendement a été déclaré irrecevable – à ma grande surprise, puisqu'il n'a pas d'incidence financière. Madame la ministre, il est important que vous procédiez au relèvement du schéma d'emplois de l'ONF à l'article 55, sans quoi l'adoption de l'amendement de M. le rapporteur pour avis restera sans effet.
Un autre point de vigilance que vous connaissez, madame la ministre, concerne la facturation numérique, qui sera imposée pour les ventes de bois à compter de septembre prochain. C'est un défi majeur, que nos collectivités sont incapables de relever. Là encore, j'ai déposé un amendement visant à permettre à l'ONF d'assurer un certain nombre de ses missions, qui sont déterminantes pour l'approvisionnement des industries de la filière dans les mois à venir.
On le voit, la filière bois participe lourdement à l'effort d'économie demandé, mais le risque est aujourd'hui réel de précipiter l'effondrement d'un modèle économique déjà fragilisé par une concurrence européenne, des crises sanitaires à répétition, dont celle dernièrement du nématode du pin, un déséquilibre sylvocynégétique inédit, la fermeture des marchés américains ou encore des politiques publiques de stop and go.
Tout cela bloque l'investissement et la réindustrialisation d'une filière qui a pourtant mobilisé 2 milliards d'euros de crédits privés en 2024, grâce aux 500 millions d'euros investis, et créé plus de 3 000 emplois en quelques mois.
Madame la ministre, nous ne voterons pas contre le budget de cette mission, mais nous espérons ne pas participer à la destruction de la belle filière forestière, qui est un fleuron de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un gouvernement qui gouverne, c'est un gouvernement dont la volonté est retranscrite dans des lignes budgétaires et qui, au bout du compte, parvient à faire voter un budget.
Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » sont en baisse. Notre groupe l'a suffisamment répété : nous devons réduire les dépenses à tous les niveaux, en priorisant les dispositifs qui apportent des résultats concrets, qui favorisent les investissements et qui permettent de renforcer notre souveraineté.
Toutefois, nous constatons que, une fois encore, l'agriculture n'est pas une priorité ; elle est une variable d'ajustement.
Au niveau européen, comme vous l'avez souligné voilà quelques jours, madame la ministre, les financements issus de la politique agricole commune ont reculé de 19 % en dix ans et de 23 % en vingt ans. Ils diminueront encore dans les prochaines années.
Il en va de même en France, alors que la tension y est maximale. Nous l'avons tous constaté ces dernières quarante-huit heures dans le Sud-Ouest, nos agriculteurs n'ont plus rien à perdre. Ils se sentent abandonnés et sont en colère. Même si parfois ils sont manipulés, nous ne sommes pas dupes.
Vous l'avez rappelé ce midi sur France 2, l'abattage entier d'un cheptel est un drame dans la vie d'un agriculteur, madame la ministre. Vous en avez conscience. J'entends bien que ce n'est pas de gaieté de cœur que vous ordonnez ces abattages, que la réglementation européenne a classé la DNC en catégorie A et qu'une stratégie de lutte contre la maladie a été établie par le Parlement de l'élevage.
Toutefois, nous entrons dans l'hiver. La pression des mouches, vecteurs de transmission, devrait de ce fait diminuer. Or, force est de le constater, de nouveaux foyers apparaissent.
Les mesures mises en place au début du développement de la maladie ont été très efficaces, en effet, mais elles affichent aujourd'hui leurs limites. Et ce n'est pas en envoyant des chars que nous rétablirons le dialogue.
Nous devons accentuer la prévention, la vaccination, la surveillance et contrôler davantage les mouvements de bovins, ainsi que les déplacements entre les territoires. Empêchons les mouvements illégaux et, surtout, renforçons la désinsectisation. Il est évidemment plus facile de voir et d'abattre une vache qu'une mouche. Or ce n'est pas la vache qu'il faut abattre, mais bien la mouche !
Je sais, madame la ministre, combien vous êtes impliquée sur ce dossier. Nous essayons de trouver des solutions intermédiaires et non violentes, pour que le dialogue perdure.
Nous nous réjouissons donc des 40 millions d'euros qui seront consacrés à la lutte contre les maladies animales et de la prise en charge partielle ou totale des vaccins par l'État.
De même, nous saluons le soutien apporté aux vétérinaires, qui sont exemplaires : abattre autant d'animaux dans la même journée n'est pas chose facile, je puis vous l'assurer. Nous devons encore accentuer notre effort en la matière.
Comme je le disais en introduction, les choix d'un gouvernement transparaissent dans les lignes budgétaires. Comment comprendre – je le dis avec mon cœur – que, d'un côté, le budget dédié à l'éolien et au photovoltaïque augmente sèchement de 5 milliards ou 6 milliards d'euros cette année, quand, de l'autre côté, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » baissent de 210 millions d'euros ? Nos agriculteurs n'en peuvent plus d'être la variable d'ajustement.
D'autres filières souffrent. C'est le cas de la viticulture, nous l'avons rappelé à de nombreuses reprises. Certes, un fonds d'urgence est prévu, mais nous avons besoin d'un plan très ambitieux pour lutter contre le dépérissement du vignoble et relancer la filière.
Il en va de même pour la filière noisette, qui a besoin de 30 millions d'euros immédiatement.
Nous nous félicitons de l'augmentation du plafond des dépenses du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar). Il permet de financer le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada).
Il faut en effet trouver des solutions de substitution durables et efficaces économiquement. C'est essentiel pour la noisette, mais aussi pour la betterave ou les vergers de pommes et de poires.
Nous attendons déjà avec impatience la mise en œuvre de la loi d'orientation agricole, le renouvellement du foncier et la mise en œuvre de l'aide au passage de relais, aide qui n'est pas prévue dans le projet de loi de finances pour 2026.
Madame la ministre, je sais combien votre ministère est difficile. Encore une fois, je veux saluer vos efforts au quotidien. Toutefois, lors du lancement des conférences de la souveraineté alimentaire, vous déclariez : « Si nous sommes réunis ici, c'est que la guerre agricole se prépare. » Or que fait-on lorsque l'on prépare une guerre ? On fabrique des cartouches et des obus. (M. Daniel Salmon s'exclame.)
Des cartouches, il en faudra un peu contre les mouches, beaucoup contre la concurrence déloyale, encore plus contre la surtransposition…
Je suis désolé de vous le dire, madame la ministre, mais dans ce budget, où sont les cartouches ? Les agriculteurs et l'agriculteur que je suis ont bien compris qu'il n'y en avait pas ! (Mme la ministre proteste.)
Ils savent tous, comme je le sais moi-même, que le Gouvernement préférera toujours les éoliennes aux agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Tout en finesse !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bacci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bacci. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux appeler votre attention sur l'enjeu du financement de la protection des forêts.
Consécutivement à notre mission sénatoriale et au rapport d'information rédigée par cette dernière, le Président de la République a annoncé le 28 octobre 2022 sa volonté de faire de la défense de la forêt « un combat de la Nation ».
Cette prise de conscience collective transpartisane a abouti à la promulgation de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.
Son article 1er prévoit l'élaboration d'une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies. Je vous alerte aujourd'hui sur le déficit d'« interministérialité » dans la conception du budget. Une politique publique n'est pas une déclaration d'intention !
Nous déplorons l'absence dans ce projet de loi de finances d'une stratégie, d'un plan d'action et d'une préparation des futurs contrats de plan État-région (CPER), autant d'éléments structurants et fondateurs.
Le budget est la traduction opérationnelle d'un projet. Questionnons le nôtre pour la forêt.
Je ne puis que regretter l'approche segmentée du financement de la défense de la forêt. Chaque programme, chaque action est renvoyée au périmètre exclusif des compétences de chaque ministère : à l'agriculture l'économie de la forêt, à l'environnement la préservation de la biodiversité, à l'intérieur sa défense.
Pour être honnête, nos travaux parlementaires le sont tout autant : malgré sept rapports remarquables sur la sécurité civile, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat, l'information géographique et météorologique, l'agriculture, l'écologie ou encore la prévention des risques, chacun d'entre nous n'a traité qu'une partie du sujet, un bout de la forêt et du risque. Peut-être y a-t-il là un axe d'amélioration du fonctionnement du groupe d'études Forêt et filière bois.
Ce budget aurait dû être le reflet d'une approche globale et intégrée des trois piliers que sont la prévention, la lutte et la reconstitution, qui constituent la pierre angulaire du dispositif. Quand le feu est passé, il n'y a plus d'économie forestière ni de biodiversité.
Je salue les efforts de l'État concernant la programmation des investissements et le renforcement des moyens de lutte opérationnels.
Concernant la prévention, il est établi que le risque inondation est le risque le plus occurrent. Rien dans le programme 181, « Prévention des risques », n'est consacré au risque majeur que représente l'aléa incendie. Peut-être parce qu'il ne concerne pas l'ensemble du territoire pour le moment ? Cela serait cynique…
Nous devons convenir de l'impérieuse nécessité de la prévention du risque incendie de forêt, car plus de 90 % des éclosions de feux sont d'origine humaine.
Mes chers collègues, je ne vous rappellerai pas l'importance du concept de la « valeur du sauvé », un ratio qui établit que, pour un euro investi dans les politiques de prévention, 29 euros sont préservés. Ce montant intègre les dépenses liées aux risques sanitaires, à la lutte contre le feu et à la reconstitution du patrimoine perdu, bâti et forestier.
Le fonds Barnier est le principal vecteur de financement de la prévention des risques majeurs de l'État. Le principe est simple : diminuer les dépenses du régime d'indemnisation par le développement de mesures de prévention.
Puisqu'il a vocation à financer des mesures de prévention mises en place par les collectivités territoriales et à soutenir les mesures de réduction de la vulnérabilité, acceptons, sur ce principe, de mobiliser le fonds Barnier pour les mesures de prévention ciblées sur le risque incendie.
Enfin, la prévision est le parent pauvre de la stratégie nationale de défense des forêts contre les incendies. Le dispositif « météo des forêts », particulièrement précieux en termes de cartographie du risque incendie, doit être soutenu, dans un contexte de déficit budgétaire et malgré un niveau de trésorerie qui fragilise toujours le fonctionnement de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et l'existence du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
Toute action de prévision et de prévention a comme vertu la diminution de la sinistralité. Ces dispositions font l'objet de travaux parlementaires politiquement convergents, mais aussi de rapports de nos directions centrales et des inspections générales, gages de leur efficience et de leur acceptabilité par le plus grand nombre.
Ma tentative vise donc à rassembler ce qui est épars, ce que nous n'avons pas su faire dans ce budget. J'aimerais vous faire comprendre que, en la matière, mieux vaut prévenir que guérir. Nous avons trop tendance l'oublier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Organisation des travaux