Sommaire

Présidence de M. Xavier Iacovelli

vice-président

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Discussion générale

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)

Question préalable

Loi de finances pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Culture

Organisation des travaux

Culture (suite)

(À suivre)

Présidence de M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)

1

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2026 (projet n° 193, rapport n° 205).

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, cette séance constitue une nouvelle étape de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous avez aujourd'hui la possibilité d'examiner ou de rejeter la copie issue du compromis entre les différents groupes politiques qui siègent à l'Assemblée nationale. Cette copie a été adoptée après un débat exigeant, sans recours à l'article 49.3 de la Constitution, sur la base du texte voté le 26 novembre 2026 par le Sénat.

Comme l'a rappelé le Premier ministre, « le compromis n'est pas un slogan : il permet d'avancer dans le sens de l'intérêt général. »

Pour avoir siégé à vos côtés, avec mes collègues, pendant des jours et des nuits, je connais la position de la majorité sénatoriale sur l'ensemble des mesures du texte qui vous est aujourd'hui soumis. J'ai conscience des divergences de points de vue qu'il peut susciter. Comme vous, nous pensons qu'il est nécessaire de réduire le déficit de la sécurité sociale. Nous étions d'ailleurs ouverts à des solutions autres que les mesures fortes qui figuraient dans la version initiale du texte, qu'il s'agisse de l'année blanche ou du gel total des pensions, pour réaliser des économies. Nous aurions souhaité réduire encore davantage le déficit.

Il faut aussi rappeler que ce budget imparfait permet d'éviter le dérapage incontrôlé des 30 milliards d'euros de déficit, qui aurait été bien pire pour les Français et les générations à venir que la copie qui vous est aujourd'hui proposée.

La suspension de la réforme des retraites, au-delà du compromis politique qu'elle permet, assure aussi la stabilité dont notre pays a besoin. Elle permet également d'ouvrir un temps utile au dialogue social dans le cadre de la conférence sur le travail, l'emploi et les retraites que nous avons lancée. L'instabilité a un coût économique, politique et social. Je pense que les Français et les entreprises ne la souhaitent pas.

J'en viens au contenu du texte. Ce projet de budget prévoit un certain nombre de mesures positives. Plusieurs d'entre elles ont été adoptées en première lecture au Sénat et figurent dans le texte qui vous est aujourd'hui présenté. Je pense notamment aux mesures qui concernent le monde agricole et les territoires ultramarins, à la simplification du cumul emploi-retraite et à la meilleure prise en compte des maladies professionnelles.

D'un point de vue financier, je pense au transfert de 15 milliards d'euros de déficit des branches maladie et vieillesse du régime général à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui permettra de sécuriser la capacité de financement de la sécurité sociale dans les années à venir. Cette proposition historique doit beaucoup au travail de Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, dont je tiens à saluer l'implication tout au long de l'examen de ce texte.

Vous avez également soutenu d'autres mesures attendues par les Françaises et les Français, comme l'amélioration de la retraite des femmes ayant eu des enfants, dans le secteur privé comme dans la fonction publique, ou le principe du congé de naissance pour aider les familles. Ces avancées ne sont pas négligeables ; elles ne doivent pas être balayées d'un revers de main. Au fond, je suis fier de les avoir défendues avec vous dans ce projet de budget.

Au-delà de nos différences d'appréciation sur ce texte, je souhaite que nous puissions continuer d'avancer ensemble sur d'autres politiques publiques. Je pense en particulier à la lutte contre la fraude sociale et fiscale, ainsi qu'au projet de loi relatif à l'allocation de solidarité unifiée, qui sera présenté au Sénat au début de l'année 2026.

D'autres chantiers devront également trouver leur place dans le débat public. Le financement de la sécurité sociale, qui a été évoqué ici au cours de nos débats, en fait partie. Je suis prêt à engager avec vous des réflexions et des travaux sur ce sujet, en particulier si les partenaires sociaux le demandent, comme sur la question du travail, chère au Sénat et à la commission des affaires sociales.

Merci pour ce travail en commun, que nous allons poursuivre. (Mme la rapporteure générale applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque nous nous sommes engagés dans ce travail inédit, dans une configuration politique elle-même inédite, nous avions trois boussoles : les Français, les comptes publics et la stabilité.

Au fond, ce texte de compromis, si on regarde ce qu'il s'est passé, a permis aux parlementaires que vous êtes de revenir à l'esprit de 1945 : la sécurité sociale avait alors été créée par des gaullistes, des centristes et des communistes. En permettant à l'Assemblée nationale de dépasser la dichotomie entre la majorité avec un grand M et l'opposition avec un grand O, les parlementaires ont fait montre de l'esprit de compromis qui, depuis quatre-vingts ans, a permis aux Français d'être solidaires entre eux et de faire face aux grands risques.

Pour les Français, comme l'a rappelé Jean-Pierre Farandou, le texte comporte de nombreuses avancées. Je pense notamment au réseau France Santé, au fait que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) soit désormais présenté comme étant sincère, afin d'éviter une sous-budgétisation, ou encore aux solutions pour le handicap.

Le déficit affiché s'élève à 19,4 milliards d'euros. Ce n'est pas seulement un affichage : c'est le montant qu'il faudra financer en sus des recettes estimées.

Je veux à présent tordre le cou à quelques contrevérités. Ce projet de budget n'est pas un « hold-up fiscal ». Le Gouvernement avait proposé dans son texte initial – un texte exigeant, comme vous le savez – 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale. Le texte sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer aujourd'hui prévoit lui aussi 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires, mais pas les mêmes que celles que nous avions proposées. Ainsi, la contribution sur les Tickets-restaurant a été supprimée, de même que les mesures relatives aux apprentis et un certain nombre de dispositions fiscales ou sociales n'ayant pas recueilli la majorité à l'Assemblée nationale ou au Sénat.

En revanche, une contribution financière additionnelle sur les dividendes est créée pour financer la branche autonomie, sur laquelle, nous le savons, il n'y a pas d'économies à faire.

Par ailleurs, j'entends beaucoup dire que nous aurions renoncé à faire des économies. Or le Gouvernement en a proposé un certain nombre ; certaines ont été adoptées ; d'autres non. En fin de compte, ce projet de loi de financement pour la sécurité sociale prévoit 4,6 milliards d'euros d'économies, soit plus que dans les trois derniers PLFSS : plus qu'en 2023, plus qu'en 2024, plus qu'en 2025.

Ensuite, le texte prévoit des transferts. Au fond, l'État ne fait que payer à la sécurité sociale ce qu'il lui doit au titre des exonérations de charges sur les heures supplémentaires, d'une part, et des allégements généraux, d'autre part. Sans ce budget, le déficit s'élèverait non pas à 19,4 milliards d'euros, mais à 29 milliards d'euros au moins, comme l'a indiqué la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Enfin, notre troisième boussole a été la recherche de la stabilité. Avec ce budget, tel qu'il a été adopté, nous permettons aux Français d'entamer l'année 2026, dans moins de trois semaines, avec un cadre clair, des hôpitaux financés, des infirmières qui pourront être revalorisées. Les Français concernés pourront prendre leur retraite dans un cadre clarifié.

Il nous reste évidemment beaucoup à faire ensemble pour poursuivre les réformes structurelles de notre système de santé et de retraite. Ce texte ne les prévoit pas, mais il les permet en créant en 2026 les conditions politiques pour les mener et, je l'espère, les faire adopter au plus tard lors du débat présidentiel de 2027. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, Stéphanie Rist, que je représente aujourd'hui.

À ce stade de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il nous semble important de revenir sur ce que nous sommes en droit d'attendre de ce texte et sur les avancées qu'il comporte.

Plusieurs mesures substantielles ont été inscrites dans le texte en deuxième lecture et méritent d'être mises en valeur : le parcours préventif avant l'entrée en affection de longue durée, la montée en puissance du numérique en santé, qu'il s'agisse des systèmes d'aide à la décision médicale ou du dossier médical partagé, la création de France Santé pour permettre un pilotage plus cohérent et plus lisible de notre système de santé, ou encore le congé supplémentaire de naissance, qui constitue une avancée sociale attendue.

Dans le champ de l'autonomie et des personnes en situation de handicap, ce projet de budget prévoit aussi de nombreuses mesures nouvelles : la création en 2026 de 7 000 nouvelles solutions pour les personnes en situation de handicap dans le cadre du plan de création de 50 000 solutions et de transformation de l'offre médico-sociale sur la période 2024-2030 ; le renforcement de l'accompagnement de nos aînés grâce au recrutement de 4 500 professionnels en Ehpad et à la création de 10 000 places de service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ; le soutien financier aux établissements sociaux et médico-sociaux ; l'investissement volontariste dans le développement de l'habitat partagé.

Ces mesures, prévues initialement dans le texte, ont été complétées par la création d'une contribution financière pour l'autonomie, qui permettra d'accroître significativement le financement de la branche autonomie, dont on sait que les besoins futurs iront croissants. Cette contribution permettra, dès 2026, la création d'un fonds consacré à la qualité des Ehpad.

Par ailleurs, plusieurs articles qui suscitaient des oppositions au Sénat ne figurent plus dans le texte : l'article 26 sur les cotisations des professionnels libéraux, l'article 24 sur les rentes, l'article 25 sur les mécanismes prix-volume ou encore l'article 18 sur le paiement au comptoir des franchises. Leur retrait clarifie le périmètre du débat et facilite la recherche d'un compromis.

Pour conclure, je remercie Mme la rapporteure générale, Mmes, MM. les rapporteurs, et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, du travail rigoureux et constructif qui a été effectué au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous est aujourd'hui soumis en nouvelle lecture, après un premier examen dans des conditions que je qualifierai d'acrobatiques.

Les médias parlent généralement de succès et saluent un compromis. Il est vrai qu'en l'absence de loi de financement de la sécurité sociale, nous aurions fait un saut dans l'inconnu : le déficit aurait alors pu atteindre 30 milliards d'euros. Le pire semble donc avoir été évité, mais ne nous voilons pas la face : ce PLFSS est pour nous un échec.

Le texte initial prévoyait un déficit de 17,5 milliards d'euros. Il a été porté à 19,4 milliards d'euros dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Si l'on neutralise les transferts supplémentaires à la sécurité sociale obtenus lors des débats à l'Assemblée nationale, il atteint même 24 milliards d'euros.d

On peut adopter une autre approche et comparer les déficits pour 2025 et 2026. Selon la prévision actualisée, le déficit en 2025 s'élèverait à 23 milliards d'euros – chacun le sait ici, on l'a beaucoup répété. Si, en 2025, l'État avait prélevé sur la sécurité sociale autant d'argent que le prévoyait la version initiale du PLFSS pour 2026, le déficit s'élèverait en fait à 25,3 milliards d'euros ; or 25,3 milliards moins 24 milliards, cela fait 1,3 milliard d'euros. C'est, à périmètre constant, le montant prévisionnel de la réduction du déficit entre 2025 et 2026. Autant dire que nous ne sommes parvenus qu'à une simple stabilisation du déficit.

Nous avons même aggravé le déficit à partir de 2027, puisque le décalage de la réforme des retraites entraînera pendant plusieurs années une augmentation du déficit d'environ 2 milliards d'euros, et ce sans même prendre en compte l'effet économique. Je rappelle que, jusqu'à présent, l'objectif était de ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029. Qui, dans cet hémicycle et ailleurs, peut encore y croire ?

Le PLFSS prévoit le transfert de 15 milliards d'euros de dette de la sécurité sociale vers la Cades. Toutefois, il ne s'agit là que d'une mesure d'urgence. Une loi organique sera nécessaire pour réaliser, probablement après l'élection présidentielle, un transfert de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Pour autant, nous ne serons pas dispensés, c'est un corollaire, de prévoir une trajectoire crédible de retour à l'équilibre.

La presse parle beaucoup de compromis. Pour ma part, je ne parlerai pas de compromission – ce terme a aussi été évoqué –, car personne, il me semble, ne s'est compromis. Chacun, en fait, est resté fidèle à ses convictions, sans faire suffisamment de pas vers l'autre, et c'est justement le problème.

Regardons concrètement ce qui s'est passé. Une année normale, nous n'avons besoin que de stabiliser, et non de réduire, le déficit de la sécurité sociale. Pour cela, nous nous contentons de plus ou moins neutraliser la tendance spontanée des dépenses de santé à croître plus vite que la richesse nationale, ce qui correspond à une augmentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie d'environ 3 % en valeur. Cela implique de réaliser une économie d'environ 4 milliards d'euros.

Il faut absolument nous astreindre à cette discipline, comme nous le faisons depuis vingt ans, parce que la branche maladie est la seule dont les dépenses sont à la fois très élevées et plus dynamiques que le PIB. Vous l'avez répété tout au long de l'examen du texte, madame la ministre. Sans cela, les dépenses de santé suffiraient à rendre nos finances publiques insoutenables. Remarquez, c'est exactement ce qui est en train de se produire…

Si l'on doit non pas stabiliser, mais réduire le déficit, il faut donc prendre des mesures supplémentaires et réaliser plus que les 4 milliards d'euros d'économies habituelles sur la branche maladie. Pour cela, trois approches sont possibles, qui ne sont pas exclusives les unes des autres, je l'ai souvent souligné.

La première consiste à maîtriser les dépenses : c'est la piste privilégiée de longue date par le Sénat. Pour maîtriser les dépenses, compte tenu des sommes en jeu, il faut nécessairement agir sur les retraites et éventuellement aller un peu plus loin que d'habitude sur les dépenses de santé.

La deuxième possibilité est d'augmenter les recettes. Nous l'avons vu, cette solution a été retenue par beaucoup.

Mme Annie Le Houerou. Bonne idée !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Enfin, la troisième possibilité, que l'on oublie souvent, est d'augmenter le PIB, soit, si l'on veut des résultats certains et rapides, la quantité de travail. Olivier Henno l'a utilement rappelé en déposant un amendement en ce sens, adopté par le Sénat.

Pour ma part, je ne vois pas comment l'on pourrait ramener la sécurité sociale à l'équilibre sans agir sur ces trois leviers à la fois.

Le texte initial reposait pour les deux tiers sur le levier des dépenses et pour un tiers sur le levier des recettes. Cette approche était cohérente avec les préconisations de la majorité sénatoriale, que nous avions d'ailleurs présentées le 8 juillet dernier au Premier ministre. Il agissait sur les retraites en prévoyant une mesure de gel, comme le proposait également la majorité sénatoriale. En matière de maîtrise des dépenses de santé, il allait un peu plus loin que d'habitude en doublant le montant des franchises et des participations forfaitaires.

En première lecture, l'Assemblée nationale a porté le déficit à 24 milliards d'euros, ou plutôt à une vingtaine de milliards d'euros si l'on excluait le transfert de 4 milliards d'euros de la sécurité sociale vers l'Unédic. Le gel des retraites était déjà totalement abandonné et l'Ondam était déjà majoré de 1 milliard d'euros.

Les nouvelles mesures d'amélioration du solde portaient exclusivement sur les recettes, soit sur de véritables recettes – c'est le cas de l'augmentation de la CSG sur le capital –, soit sur de simples transferts de l'État vers la sécurité sociale – je pense à la compensation du volet salarial du dispositif en faveur des heures supplémentaires.

Le Sénat a supprimé la hausse de la CSG sur le capital et rétabli l'essentiel des mesures sur les dépenses. Dans une logique de compromis, il a exclu du gel les retraites de moins de 1 400 euros et l'allocation aux adultes handicapés. Il a également adopté un amendement d'Annie Le Houerou visant à plafonner l'exemption de certains compléments de salaire, qui n'a malheureusement pas été conservé à l'Assemblée nationale.

En nouvelle lecture, celle-ci a décidé de supprimer la totalité des mesures de maîtrise de la dépense venant en plus des dispositifs habituels de simple stabilisation du solde. L'Ondam a été porté à 3 % et le texte ne prévoit plus aucune mesure de gel. Nous perdons donc plus de 7 milliards d'euros d'économies sur les dépenses…

Ce qui distingue ce projet de loi de financement de la sécurité sociale d'une année où l'on ne cherche pas à réduire le déficit, ce sont, au fond, les seules hausses de recettes.

Le volume réel de ces hausses est globalement conforme à celui qui figurait dans le texte initial. La différence par rapport à ce dernier tient au fait qu'y ont été ajoutés environ 4,5 milliards d'euros de transferts supplémentaires en faveur de la sécurité sociale.

Ces transferts ne compensent toutefois pas la totalité des plus de 7 milliards d'euros de mesures d'économies qui ont disparu : le déficit s'accroît donc à due concurrence, d'environ 2 milliards d'euros.

Le déficit passe ainsi de 17,5 milliards d'euros, dans la version initiale, à 19,4 milliards d'euros dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Le point d'arrivée, qu'on le déplore ou qu'on s'en réjouisse, correspond donc moins à un compromis qu'à l'expression d'un choix politique, celui de faire reposer l'effort de réduction du déficit, qui s'ajoute à l'action habituelle sur l'Ondam, sur les seules recettes. Cela résulte bien évidemment des rapports de force à l'Assemblée nationale et de la nécessité de parvenir à l'adoption d'un texte.

On dit parfois que la marque d'un bon compromis est qu'il ne satisfait personne, comme je l'ai entendu à l'Assemblée nationale et ailleurs. Si tel était le seul critère d'un bon compromis, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale serait donc un succès majeur. (Sourires.)

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue l'objectif, qui doit être de réduire le déficit public. Un bon compromis, un vrai compromis, plutôt que de ne rien faire, ou presque, aurait été d'agir à la fois, sinon sur la quantité de travail, tant le sujet est sensible, du moins sur les recettes – et non sur de simples transferts, madame la ministre –, ainsi que sur les dépenses. Or tel n'est pas le choix de l'Assemblée nationale.

Les rapports de force, dans cette dernière chambre, étant ce qu'ils sont, poursuivre la navette ne servirait à rien. Ainsi, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable sur ce PLFSS pour 2026.

Tout au long de l'examen du texte, je n'ai eu qu'une boussole, madame la ministre : celle de l'héritage que nous laisserons à nos enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Cukierman, Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, d'une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n° 193, 2025-2026).

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ont fait le choix de déposer la présente motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, examiné en nouvelle lecture.

Ce texte remet en cause les valeurs de solidarité et de protection qui fondent notre République. Le gouvernement Lecornu avait présenté un PLFSS s'apparentant à un budget des horreurs avec, entre autres, 7 milliards d'économies sur la santé au travers d'un sous-financement des hôpitaux, un doublement des franchises et des participations médicales, la limitation des arrêts de travail, la mise à contribution des titres-restaurant et des avantages sociaux des comités sociaux et économiques (CSE), la suppression des exonérations de cotisation des apprentis et, surtout, le gel en 2026 de l'ensemble des prestations sociales et des pensions de retraite.

Ce budget d'austérité suivait les injonctions de Bruxelles et les engagements du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029, négociés par le gouvernement Barnier, préparés par le gouvernement Bayrou et mis en œuvre par le gouvernement Lecornu.

Toutefois, les débats qui ont eu lieu au Sénat ont montré, une fois de plus, que la droite pouvait encore aller plus loin dans les mauvais coups. Ainsi, à chaque étape, mes chers collègues, vous avez choisi l'austérité contre la justice sociale, la rigueur contre la solidarité. Vous avez aggravé les mesures, déjà dures, du budget Lecornu. Vous êtes allés plus loin que le Gouvernement, dont la copie était fort mauvaise pour les familles, les jeunes, les retraités, les travailleurs.

Vous y avez ajouté de nombreuses raisons de s'épouvanter. Ainsi, vous avez souhaité augmenter la durée annuelle du travail, en la faisant passer de 1 607 heures à 1 619 heures, prétendument pour financer la solidarité.

Vous avez réintroduit l'article supprimant l'exonération des cotisations des apprentis, les privant, pour certains, de près de 200 euros par mois. Vous avez gelé les prestations sociales et les retraites jusqu'à 1 400 euros – certes en excluant l'allocation aux adultes handicapés (AAH), parce que, là, ça faisait beaucoup !

Vous avez rétabli la taxe exceptionnelle sur les complémentaires santé. Vous avez voté le retour des exonérations de cotisations offertes aux grandes entreprises sans contrepartie, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le crédit d'impôt recherche (CIR). Enfin, vous avez refusé de mettre les actionnaires à contribution financière pour financer l'autonomie.

L'Assemblée nationale a fort heureusement balayé quelques reculs gravissimes pour les Françaises et les Français, dont le gel des pensions et des prestations, ainsi que le doublement du montant des franchises.

Mais, alors qu'à chaque examen du PLFSS on nous promet qu'il n'y aura pas de hausse des franchises, le Gouvernement publie, quelques mois plus tard, un décret qui les augmente. C'est devenu une routine et, surtout, une véritable tromperie.

Soit dit entre nous, mesdames, monsieur les ministres, si vous pouviez publier aussi rapidement les décrets relatifs au remboursement des soins liés aux cancers du sein, prévus par un texte récemment voté à l'unanimité, ce serait une très bonne chose pour les femmes et les hommes concernés. Ce ne serait même que justice…

Si quelques horreurs ont disparu de ce budget de la sécurité sociale, il n'en reste pas moins que ce texte aggravera l'accès aux soins.

Certes, le PLFSS a été adopté par une – très courte –majorité de députés. Sébastien Lecornu et son gouvernement sont donc sauvés… pour l'instant. Mais 73 % des Français jugent ce budget injuste et inefficace pour réduire la dette. Et, oui, ce PLFSS sera inefficace pour réduire la dette, mais aussi pour préserver notre système par répartition, parce que vous avez refusé toutes les propositions de recettes nouvelles.

Injuste, ce texte l'est parce que ce sont, comme ils l'ont bien compris, les Français qui vont en payer la note.

Injuste, ce PLFSS va aggraver la situation de l'accès aux soins dans notre pays, en raison d'une hausse de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixée à 3 %. En d'autres termes, les dépenses de santé sont réduites de 4 milliards d'euros par rapport à leur évolution naturelle, estimée à 4,8 %.

Ainsi, les malades mettront plus de temps à trouver un médecin, ils seront plus nombreux à subir les pénuries de médicaments, ils passeront plus de temps sur les brancards dans les services des urgences, tandis que les personnels, au bord de l'épuisement généralisé, devront continuer de faire beaucoup plus avec moins.

Ce PLFSS remet donc en cause le droit à la protection de la santé, reconnu par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946.

La ministre des comptes publics peut se réjouir d'avoir prévu 8 milliards d'euros supplémentaires pour 2026 au titre des dépenses de santé, mais la progression naturelle des besoins, d'année en année, aurait justifié 12 milliards d'euros de plus, ne serait-ce que pour maintenir les moyens au niveau de 2025.

En effet, ces dépenses de santé sont tirées vers le haut par le vieillissement de la population et l'augmentation du nombre de malades chroniques. Face à cette réalité, deux réponses sont possibles.

La première consiste à réduire les remboursements des assurés sociaux et à favoriser des solutions privées, individuelles – c'est ce que le PLFSS prévoyait initialement.

La seconde est d'augmenter les recettes de la sécurité sociale, afin de financer les besoins à la hauteur des coûts. À cette fin, le gouvernement Bayrou envisageait d'instaurer une TVA sociale pour relever le défi des recettes nouvelles. Or cette solution, qui revient ces derniers jours dans le débat, accélérerait la disparition des cotisations sociales et ferait reposer le système sur l'impôt le plus inégalitaire qui soit : pour un même panier de courses, un salarié au Smic paierait autant qu'un médecin ou qu'un ministre, ce qui est profondément injuste.

Nous avons formulé des propositions de recettes nouvelles, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, pour mettre à contribution les 100 milliards d'euros de bénéfices des grandes entreprises et le produit des rachats d'action, pour conditionner le versement des 80 milliards d'exonérations de cotisations patronales, pour mettre immédiatement en œuvre l'égalité salariale et dégager 20 milliards d'euros. Nous avons également suggéré de renforcer la prévention en matière de santé au travail et de relever le taux de cotisation des entreprises.

Le Gouvernement a refusé toutes ces idées, ne retenant qu'une contribution de 2,05 % sur les contrats des complémentaires santé. Or il s'agit d'une mesure injuste, qui va augmenter le coût des contrats des adhérents et aggraver les dépenses de santé des retraités et des personnes privées d'emplois, qui ne bénéficient pas de la prise en charge obligatoire de l'employeur, contrairement aux salariés. Ainsi, cette mesure porte atteinte au principe d'égalité devant la loi, inscrit à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et solennellement réaffirmé par l'article 1er de la Constitution.

En conclusion, le Gouvernement a trouvé une solution pour faire passer son budget. À force de compromis et de reniements par rapport au texte initial, le PLFSS 2026 sera adopté mardi, à l'Assemblée nationale, par un bloc gouvernemental qui a avalé le décalage de la réforme des retraites, ainsi que par des membres du groupe de la Droite républicaine, qui renoncent à l'instauration d'une année blanche.

Pour notre part, nous refusons ce jeu de dupes, où chacun trouverait son intérêt sauf les principaux intéressés : notre sécurité sociale et, surtout, les citoyens. Ainsi, quatre-vingts ans plus tard, au nom des logiques de rentabilité et de réduction des dépenses, nous tournons le dos aux aspirations révolutionnaires de 1945.

Nous avons conscience que les débats profonds que nous avons eus, loin d'être enterrés, seront certainement au cœur de la campagne présidentielle de 2027.

Les tenants de l'augmentation de la durée de travail, les partisans de l'instauration de la capitalisation dans notre système de retraite et les disciples de l'austérité budgétaire défendront le triplement des tickets modérateurs et autres coups de rabot, le tout sur fond de montée d'un discours guerrier. Pour notre part, nous refuserons toujours de réduire notre niveau de protection sociale au profit du financement de l'industrie militaire et de l'armement.

Je vous le dis avec gravité : notre groupe a fait le choix de déposer cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, parce que nous refusons de participer à ce jeu de dupes. Cette pièce de théâtre s'est jouée en coulisses, et nous en connaissons déjà la fin.

En première lecture, nous l'avons rappelé : le décalage de la réforme des retraites, s'il constitue une fissure dans le bilan d'Emmanuel Macron, reste un succès tout relatif au regard du nombre de bénéficiaires potentiels. En effet, sur les 3,5 millions de Français des générations nées entre 1964 et 1968, seuls 250 000 partiront plus tôt, selon les estimations de l'assurance maladie.

Nous réaffirmons, pour notre part, que nous restons partisans de l'abrogation de cette réforme, toujours très impopulaire chez celles et ceux qui travaillent, et que les tâches difficiles usent. Au fond, ce décalage ne fait qu'entériner le recul de l'âge légal de départ à 64 ans.

Et, dans la scène finale de cette mauvaise pièce, ce seront encore les mêmes qui paieront la note : les malades, celles et ceux qui sont fragilisés et qui continuent de travailler malgré tout.

Ainsi, 1,5 million de personnes diabétiques paieront 315 euros de plus par an. Les allocations familiales seront gelées, les arrêts maladie plafonnés, entre autres exemples. N'oublions pas l'article 27 du texte, qui prévoit d'infliger un malus aux hôpitaux qui ne respecteront pas l'objectif de dépenses, alors que nos établissements s'effondrent de tous côtés.

En conclusion, je citerai Georges Clemenceau : ceux qui croient qu'on ne risque rien en ne faisant rien se trompent : on risque la chute aussi, et l'oubli en plus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, votre groupe avait déposé en première lecture une motion analogue ; la réponse de la commission ne vous surprendra donc pas.

Vous avez plusieurs fois affirmé qu'il fallait sauver notre modèle de protection sociale. Et, si nous devions voter sur ce seul point, nous serions unanimes : nous voulons tous le sauver !

Mais s'agit-il encore, aujourd'hui, d'un « modèle » ? On peut, au fond, remettre ce terme en cause, parce que ce modèle – tel qu'il avait été pensé – reposait sur des conditions bien particulières.

Or la situation a complètement changé. D'abord, les départs à la retraite étaient plus tardifs, et le temps passé à la retraite plus court. Ensuite, le taux de natalité a baissé au niveau que nous connaissons, si bien que la population active diminue encore. Quand, il y a quelques mois, nous parlions de 1,6 actif pour un retraité, nous sommes désormais à 1,4 – et ce taux continue de chuter.

En réalité, il faut parler non plus d'un « modèle » social français, mais d'un « système ». Et ce système, lui, doit être entièrement revu.

Si l'on devait mesurer notre système social au thermomètre de votre appréciation, c'est vrai : cela ne donnerait pas envie. Pourtant, de l'extérieur, beaucoup nous disent que le modèle français n'est tout de même pas si mauvais, j'en veux pour preuve que certains viennent se faire soigner en France. Il convient donc de tenir des propos mesurés et de se garder de la caricature.

Selon l'article 44 du règlement du Sénat, l'objet d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité est « de faire reconnaître que le texte en discussion […] est contraire à une disposition constitutionnelle ». Or les trois arguments à l'appui de votre thèse d'une inconstitutionnalité du PLFSS pour 2026 ne sont pas convaincants.

Le premier est le fait que la fixation du taux de croissance de l'Ondam à 3 % remettrait en cause le droit à la protection de la santé, reconnu par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946. Or ce taux de 3 % correspond peu ou prou à ce qui est observé depuis vingt ans, comme je l'ai rappelé. Cela équivaut, sur une longue période, à une augmentation de l'Ondam au même niveau que celle du PIB en valeur. Je rappelle, en outre, que la France est le quatrième pays où les dépenses de santé, en proportion du PIB, sont les plus élevées. On ne peut donc pas dire qu'il y ait la moindre remise en cause.

Le deuxième argument, qui concerne la contribution exceptionnelle de 1 milliard d'euros, reviendrait à fragiliser le principe même d'une prise en charge par l'employeur, ce qui ne paraît pas justifié.

Enfin, sur le troisième argument, qui porte sur le décalage d'une génération de la réforme des retraites, nous avons suffisamment exprimé, les uns et les autres, nos désaccords.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 116 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 263
Pour l'adoption 18
Contre 245

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a déposé une motion tendant à opposer la question préalable au présent texte.

Certains y verront une manière de clore rapidement un débat épuisé. Cependant, fidèles à leur tradition, les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ne la voteront pas, privilégiant le débat, comme à chaque fois, car c'est ainsi que le Parlement exerce pleinement sa mission.

Certes, des divergences, qualifiées d'insurmontables par Mme la rapporteure générale, subsisteraient : l'augmentation de la contribution sociale généralisée sur le capital, la suppression du gel des prestations ou encore la suspension de la réforme des retraites, caprice symbolique. Ces désaccords expliquent largement l'impasse dans laquelle nous nous trouvons.

Mais ce texte comporte aussi d'importants points d'accord et des avancées concrètes. Je pense, en particulier, au renforcement de la prévention en matière de vaccination, ainsi qu'aux mesures visant à encourager l'installation des médecins dans les zones sous-denses. C'est également le cas du maintien de l'exonération de cotisations salariales des revenus des apprentis et de la préservation des tickets-restaurant, chèques-vacances et autres avantages sociaux et culturels, qui n'ont pas été soumis à une hausse de la fiscalité.

Nous saluons, par ailleurs, l'instauration du congé supplémentaire de naissance, ainsi que les mesures destinées à mieux reconnaître les carrières des femmes dans le calcul des pensions. Voilà autant de dispositions qui, modestement, mais concrètement, amélioreront la vie de nos concitoyens.

L'Ondam, quant à lui, progresse de 3 %. Nous ignorons encore comment cet effort significatif sera financé, mais il faut reconnaître que ce soutien supplémentaire, notamment pour nos hôpitaux, est nécessaire pour faire face au coût élevé des progrès médicaux.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen n'ignore pas les limites du texte, qu'il s'agisse de la version issue de l'Assemblée nationale ou de celle du Sénat. Dans sa grande majorité, il ne cautionne ni l'une ni l'autre.

Nous regrettons, par exemple, le rétablissement du réseau France Santé, dont l'utilité reste incertaine, ou encore la suppression de la taxe sur les sucres ajoutés dans les produits destinés aux très jeunes enfants.

Cependant, nous sommes aussi conscients du fait que notre responsabilité est de permettre à la France de ne pas commencer l'année 2026 sans loi de financement de la sécurité sociale, sans visibilité et avec un déficit hors de contrôle.

Cet impératif prend une dimension particulière cette année, alors que nous célébrons les 80 ans de la sécurité sociale. Quatre-vingts ans d'un pacte républicain, qui a permis d'apaiser les fractures sociales, de protéger les familles, d'accompagner ceux qui vivent la maladie, le handicap, la vieillesse. Il s'agit d'un modèle né d'un esprit de reconstruction et d'un immense élan de solidarité nationale, qui doit continuer à nous inspirer.

Toutefois, ce modèle est aujourd'hui en danger. Comme le rappelait Aristide Briand, « la politique est l'art de concilier le désirable avec le possible ». Or cet exercice est, aujourd'hui, plus exigeant que jamais. Le déficit des comptes sociaux reste abyssal, mais une absence de texte nous conduirait vers une loi spéciale et un manque de 30 milliards d'euros.

Je le répète : ce budget n'est pas parfait, mais il garantit l'essentiel : la continuité des prestations, la capacité de notre système de santé à être financé et un déficit ramené à 19,4 milliards d'euros, ce qui est loin d'être satisfaisant, mais ce qui reste toujours mieux que l'incertitude et l'errance budgétaire.

Mes chers collègues, ce que nous défendons aujourd'hui, c'est la continuité de notre modèle social, dans un cadre budgétaire imparfait, mais nécessaire.

L'Assemblée nationale s'engage sur la voie de la sagesse ; voilà qui mérite d'être encouragé…

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Henno. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour saluer le travail de la commission des affaires sociales et de sa rapporteure générale, Élisabeth Doineau. Notre collègue a été à l'initiative d'un travail précis, didactique, pédagogique, animé par une pointe d'humour so british, sérieuse, sans se prendre au sérieux. Ainsi, chaque sénatrice et sénateur dispose d'un niveau d'information sur le PLFSS de nature à permettre un débat sérieux et argumenté. Merci, chère Élisabeth Doineau.

Mes chers collègues, mettons fin au suspense : le groupe Union Centriste votera la motion tendant à opposer la question préalable. En effet, pourquoi poursuivre un débat stérile, dont le scénario est écrit d'avance et qui aurait, au fond, un parfum d'obstruction ? Ce n'est pas conforme à l'esprit de responsabilité cher au Sénat, à sa majorité et au groupe Union Centriste, qui est notre marque de fabrique.

Cette question préalable n'est donc ni un renoncement ni une esquive ; elle est la condition d'une fin de parcours maîtrisée et lisible pour tous. Il s'agit, selon nous, d'un choix responsable, l'objet de cette discussion générale étant précisément de rendre publique la position de chaque groupe sur ce PLFSS.

C'est d'ailleurs dans cet esprit de responsabilité que nous avons travaillé, dès le premier trimestre 2025. Sous l'impulsion de notre président Gérard Larcher, le Sénat a ainsi élaboré des propositions, présentées au Premier ministre de l'époque, François Bayrou, en juillet dernier. C'est sur cette base responsable que le Sénat et sa majorité ont conduit les débats lors de la première lecture du PLFSS.

Quels étaient nos convictions, nos principes, nos boussoles, madame la ministre ? Il est bon de le rappeler.

Le premier principe est la nécessité de la régulation et de la maîtrise de la dépense sociale, notamment de santé et de retraite, car elle ne peut continuer de croître plus vite que notre produit intérieur brut, sous peine d'appauvrir le pays, mais aussi les Françaises et les Français. Il convient de garder à l'esprit que la France a le plus haut niveau de dépenses publiques et sociales de l'OCDE. Ce niveau excessif finit par étouffer le pays, par désespérer les entrepreneurs et les créateurs, par remettre en cause le consentement à l'impôt et aux taxes et, finalement, par fragiliser – c'est tout le paradoxe – la sécurité sociale. Cela est de nature à compromettre notre avenir et risque de nous rendre incapables de faire face aux menaces extérieures.

Le deuxième est de limiter les déficits du PLFSS à quelque 17 milliards d'euros, dont je rappelle qu'il s'agit de l'objectif initial du Gouvernement. Cela équivaut tout de même à plus de 500 euros de déficit pour chacun des 30 millions de foyers français.

Le troisième principe est de refuser, toujours au nom de l'esprit de responsabilité, l'augmentation de la dette, ou plutôt son utilisation comme variable d'ajustement.

Enfin, le quatrième principe est de considérer que la France ne peut s'en sortir que si nous créons plus de richesses, ce qui passe inéluctablement par l'investissement et l'augmentation de la quantité de travail, d'où la proposition de douze heures supplémentaires de travail par an, rémunérées et faisant l'objet de cotisations. Tels sont, en quelques mots, les piliers du PLFSS voté par le Sénat et transmis à l'Assemblée nationale.

Disons-le clairement : la version votée par cette dernière chambre, fruit du fameux compromis, surtout vanté par le Gouvernement et le parti socialiste, est de nature totalement différente. Sur ce sujet, nous avons mené, en commission des affaires sociales, un débat honorable et intéressant, où chacune et chacun s'est exprimé selon ses convictions.

Annie Le Houerou a vanté les mérites du PLFSS transmis au Sénat en nouvelle lecture, saluant la suspension de la réforme des retraites, l'augmentation de la CSG sur certains revenus du capital et l'abandon de l'année blanche. Bref, une forme d'appel à la dépense sur tous les tons, chaque prodigalité obtenue étant brandie par les socialistes comme une victoire, chaque largesse concédée par le Gouvernement étant revendiquée comme un progrès et une avancée décisive vers le compromis.

C'est sans doute ce même constat qui a fait dire à Raymonde Poncet Monge en commission, sans ambages, mais toujours avec sincérité, que si son camp avait gagné la bataille des dépenses, il avait perdu celle des recettes, justifiant ainsi l'abstention gênée du groupe Écologiste et Social à l'Assemblée nationale.

Ce constat étant terriblement juste, la conclusion à en tirer devient donc lumineuse : la vraie bataille perdue lors de l'examen de ce PLFSS, c'est celle du déficit et de la dette. Or le problème, et je le dis avec gravité, est qu'elle est perdue non par un groupe politique, mais par la France et les Français.

En réalité, la chanson socialiste que le Gouvernement met en musique, c'est celle-ci : « Dépensons, dépensons : nos enfants paieront ! » (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Oui, mes chers collègues, c'est bien de cela qu'il s'agit, de manière aussi crue : dépensons, dépensons, nos enfants paieront ! Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec ses 24 milliards d'euros de déficit, car c'est là le vrai montant, équivaut à plus de 700 euros de dette supplémentaire par foyer français sur une année.

Ce PLFSS, qui tend à faire croire aux Français qu'il ne faut pas produire plus pour faire face aux réalités démographiques et au vieillissement, est en réalité une victoire à la Pyrrhus qui annonce, je le crains, de lourdes défaites à venir et de gros nuages noirs : les questions budgétaires, une crise financière, qui se produira un jour ou l'autre, et la fragilisation de la sécurité sociale. (Mme Laurence Harribey s'exclame.)

Parce que nous refusons de chanter avec vous : « dépensons, dépensons, nos enfants paieront », nous n'irons pas plus loin dans le débat et voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis toujours, le groupe Les Indépendants – République et Territoires compte, parmi ses priorités, la préservation de notre système de protection sociale, unique au monde.

Malheureusement, au regard du budget voté mardi par l'Assemblée nationale, il est évident que c'est la survie même de ce système qui est en jeu. En effet, le déficit consenti par les députés n'offre aucune perspective de redressement : on se contente de ralentir la dégradation, sans jamais l'enrayer.

Certes, ce déficit est inférieur aux 24 milliards d'euros votés en première lecture. Mais cette amélioration n'est qu'une illusion : elle tient à un simple transfert budgétaire de 4,5 milliards d'euros vers l'État. Cela ne règle rien et, de toute façon, il faudra bien combler ce trou dans le cadre du projet de loi de finances.

Dans tous les cas, nous restons très loin des 14,6 milliards d'euros proposés par le Sénat.

Nous remercions Mme la rapporteure générale et l'ensemble des rapporteurs de branche pour leur travail considérable.

Les choix opérés par une majorité de députés se traduisent mécaniquement par plus de dépenses et plus de prélèvements, mais n'aboutissent pas à une réforme structurelle permettant d'améliorer durablement nos comptes sociaux. Ainsi, la solution miracle adoptée consiste à dépenser plus. Certains s'en réjouissent, d'autres s'en consolent. C'est navrant.

En ce qui nous concerne, nous avons de quoi être profondément désarçonnés. Ces dernières semaines, nous avons constaté : la suspension de la réforme des retraites, la création d'une surtaxe sur les plans d'épargne en actions (PEA), les comptes-titres et certains livrets bancaires, la suppression de l'augmentation du temps de travail rémunéré, la suppression du gel des minima sociaux et un quasi-doublement de l'Ondam, certes bienvenu, mais sans financement correspondant.

La question qui s'impose est simple : comment ces mesures seront-elles financées ? La réponse l'est tout autant : elles ne le seront pas.

Nous accumulons des dépenses nouvelles, alors que nos recettes stagnent. Le déficit cesse d'être un accident pour devenir un mode de fonctionnement. Espérons qu'il ne devienne pas une tradition.

L'approche que nous avions défendue était pragmatique et rationnelle : commencer par examiner quelles dépenses peuvent être réduites ou optimisées, avant de décider d'augmenter les prélèvements.

Mes chers collègues, interrogeons-nous. Pourquoi, en France, avons-nous ce réflexe pavlovien d'ajouter des taxes dès que les dépenses deviennent incontrôlables ?

Notre pays est déjà l'un des champions mondiaux des prélèvements obligatoires. Chacun sait que ces derniers finissent par asphyxier la croissance et, mécaniquement, les recettes mêmes que l'on cherche à augmenter.

Nous avons bien conscience que la réduction des dépenses, à elle seule, ne suffit pas : il est indispensable d'agir sur les recettes.

C'est la raison pour laquelle nous avions proposé une augmentation du temps de travail rémunéré. C'était une solution plus équilibrée : davantage de revenus pour les Français, davantage d'activité pour les entreprises, davantage de recettes pour la sécurité sociale. Cette logique est bien plus vertueuse que le recours obsessionnel à de nouveaux prélèvements.

Nous sommes également ouverts à un débat sur la TVA sociale.

Au-delà de ces propositions et de ces ajustements, il est temps de recouvrer la vue et de fixer un cap clair. Allez savoir pourquoi, tout cela me rappelle La Guerre des boutons. Désolée, c'est mon côté un peu décalé, mais loin de moi l'idée de dire « si j'aurais su, j'aurais pas venu ». (Sourires. – Mme Laure Darcos applaudit.)

Par principe, nous ne votons pas les motions tendant à opposer la question préalable, car nous privilégions toujours le débat parlementaire et refusons de réduire le rôle du Sénat dans le processus d'élaboration du budget. Cependant, au vu du contexte inédit dans lequel nous nous trouvons, la majorité des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires s'abstiendront.

Mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en disant ceci : nous serons dans une situation très aggravée l'année prochaine.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est une certitude !

Mme Marie-Claude Lermytte. Il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités, disait le général de Gaulle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, dans un contexte où notre système de protection sociale traverse des défis majeurs, le groupe Les Républicains du Sénat a pris ses responsabilités, en première lecture, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Avec rigueur, lucidité et sens de l'intérêt général, nous avons profondément amélioré le texte initial et je veux aujourd'hui rappeler clairement notre position.

Nous avons contribué à restaurer la crédibilité budgétaire de ce projet de loi. Alors que la version issue de l'Assemblée nationale creusait le déficit de la sécurité sociale à plus de 24 milliards d'euros, le Sénat l'a ramené à 17,6 milliards d'euros pour 2026, soit au plus près de l'objectif fixé initialement par le Gouvernement.

Ce geste n'est pas symbolique, c'est une condition indispensable pour préserver durablement notre modèle social, car un système social affaibli par les déficits est un système qui n'aide plus personne.

Nous avons rétabli l'équilibre entre justice sociale et responsabilité financière. Nous avons accepté de débattre de la question de l'indexation des prestations sociales. C'est une décision difficile, certes, mais elle est essentielle pour éviter que la dérive des dépenses ne compromette l'ensemble de la sécurité sociale.

Pour autant, nous avons agi avec discernement : les retraites les plus modestes et l'allocation aux adultes handicapés ont été protégées. C'est cela, notre méthode : la responsabilité sans renier la solidarité.

Nous avons également supprimé des mesures que nous jugions inadaptées ou injustes, comme l'élargissement du périmètre des franchises médicales, qui aurait pénalisé les patients sans apporter de garantie en termes d'accès aux soins.

Dans le même temps, nous avons rétabli la contribution sur les complémentaires santé, parce qu'il est normal que chacun contribue à l'équilibre du système et que les acteurs les mieux armés participent à l'effort collectif.

Nous avons aussi conservé une disposition importante : l'extension de la déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 250 salariés. Cette mesure pragmatique favorise l'activité et le travail sans créer de nouveaux déséquilibres.

Fidèles à nos convictions, nous nous sommes opposés à toute hausse de la pression fiscale pesant sur les entreprises comme sur nos concitoyens. Nous avons rejeté l'augmentation du taux de la CSG patrimoniale ou encore l'instauration d'un forfait social sur les compléments de salaire.

Nous avons également souhaité renforcer la lisibilité du texte en refusant des mesures qui relèvent davantage de l'organisation du système de santé. Je pense notamment à la création du label France Santé, qui se rapproche plus d'une opération de communication plutôt que d'une réelle amélioration de l'accès aux soins.

Nous avons, par ailleurs, fait le choix de soutenir les professionnels de santé plutôt que de les stigmatiser. Je songe notamment aux articles 24 et 24 bis qui donnent au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et au Gouvernement le pouvoir de réduire unilatéralement les tarifs dans les secteurs où serait constatée une rentabilité jugée excessive.

Permettez-moi de récuser fermement le terme de « rente » employé par le Gouvernement à l'égard des professionnels de santé. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. Alain Milon. Fonder une politique de baisse des prix uniquement sur un critère de rentabilité nous semble non seulement injuste, mais aussi contre-productif.

Nous le savons, les coups de rabot successifs fragilisent les structures indépendantes, déjà soumises à de fortes contraintes. Ils ouvrent la voie au rachat de cabinets par de grands groupes, qui sont les seuls capables d'absorber la pression tarifaire.

En voulant réguler à l'excès, on finit en réalité par accroître la financiarisation du secteur. Et ce sont les professionnels de proximité, ceux qui maintiennent un maillage indispensable dans nos territoires, qui en paieront le prix.

En matière de politique du médicament, nous avons défendu l'innovation thérapeutique pour les patients. Nous avons refusé le référencement de certains médicaments qui pourraient voir leur remboursement ou leur accès encadrés. Un tel dispositif fragiliserait le tissu de l'industrie pharmaceutique en France, accroîtrait les tensions d'approvisionnement et, à terme, conduirait à une augmentation des prix.

Plus généralement, la politique du médicament ne peut plus être enfermée dans une logique budgétaire annuelle.

Vous l'avez compris, en première lecture, nous avons cherché à corriger un projet que nous estimions fragile dans ses équilibres, trop imprécis dans ses objectifs et insuffisamment ambitieux dans sa capacité à relever les défis de notre système de santé.

Aujourd'hui, nous sommes réunis pour une nouvelle lecture du PLFSS après l'échec de la commission mixte paritaire. Cet échec, chacun doit le reconnaître, résulte de visions profondément divergentes entre les deux chambres.

Le Gouvernement a appelé les parlementaires à plus de responsabilité. Nous aurions aimé que le Gouvernement prenne aussi les siennes.

Force est de constater que ce PLFSS est synonyme de renoncement. Le Gouvernement propose de suspendre la réforme des retraites, qui devait rapporter 8 milliards d'euros d'ici à 2028. Pourquoi ? Pour accorder un ou deux trimestres supplémentaires à quelques générations.

Je le dis avec gravité, ce choix est une erreur profonde. Derrière un geste en apparence généreux se cache une réalité brutale : la mise en danger de l'équilibre d'un système qui repose sur la solidarité entre les générations.

Est-il juste de faire peser un tel coût sur nos enfants et nos petits-enfants ? Est-il responsable d'alourdir la dette publique, alors que notre pays est déjà lourdement endetté ?

La vérité, c'est que reculer aujourd'hui, c'est créer les injustices de demain. C'est envoyer un message dangereux : celui que les réformes difficiles peuvent toujours être abandonnées, au détriment de l'intérêt général.

Ce texte alourdira par ailleurs les charges qui pèsent sur nos entreprises et menacera directement l'emploi.

Il instaure un malus sur les cotisations sociales pour les entreprises jugées insuffisamment engagées en faveur de l'emploi des seniors et réduit les allégements de cotisations patronales dans les branches où les salaires sont inférieurs au Smic.

Il alourdit également les charges pesant sur les ménages. Après avoir laissé disparaître la quasi-totalité des mesures d'économies, le Gouvernement soutient une hausse de 1,5 milliard d'euros de la CSG sur les revenus du capital, instaurant ainsi une distinction pour le moins contestable entre les bons et les mauvais revenus du capital.

J'en viens à l'Ondam, dont vous affichez, mesdames, monsieur les ministres, une progression de 3 %. Vous promettez de « financer les priorités de notre système de santé, sans renoncer à la mise en place d'économies structurelles ». Mais lesquelles ?

Concrètement, que comptez-vous faire en 2026 ? J'ai parlé de « renoncement » au sujet de la réforme des retraites. J'emploierai le même terme pour votre gestion du déficit.

Les faits sont têtus : nous sommes passés d'un PLFSS à –17,6 milliards d'euros à un texte à –24 milliards d'euros. Et encore, ce chiffre est maquillé : vous affichez un déficit en trompe-l'œil, artificiellement ramené sous les 20 milliards d'euros en allant chercher 4,6 milliards d'euros dans le budget de l'État.

Soyons clairs : ces 4,6 milliards d'euros, vous ne les trouvez pas par magie. Il s'agit d'une dette, et donc d'impôts supplémentaires.

Le plus grave dans tout cela est votre incohérence. Quand nous vous proposions de tels transferts en première lecture, vous les refusiez au motif que cette politique relevait de l'État et que, de ce fait, son rendement devait revenir à l'État. Aujourd'hui, vous changez de discours.

Ce que vous faites ne relève ni de la réforme ni du courage, c'est un report. Et ce sont les générations futures qui en paieront le prix.

Mes chers collègues, nous sommes face à un choix de vérité et de responsabilité. Nous avons montré qu'il était possible d'être responsables sans être injustes, justes sans être imprudents.

C'est cette voie d'équilibre et de sérieux que nous continuerons de suivre et de défendre. C'est la raison pour laquelle nous refuserons ce PLFSS issu de l'Assemblée nationale en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, il est bien confortable, en première lecture, de bâtir au Sénat un PLFSS tellement marqué à droite qu'il ne laisse aucune place au compromis avec l'Assemblée nationale ; confortable de faire des propositions que l'on sait inapplicables quand on n'est pas aux responsabilités ; confortable de se laver les mains du débat en cherchant à l'interrompre avant son terme, plutôt que d'affronter la difficulté de la négociation et de la responsabilité budgétaire. Bref, il est confortable de faire peser sur les autres ce que l'on n'a pas eu le courage de tenter.

Qu'il y ait des divergences profondes est incontestable ; qu'elles justifient de fermer la porte au débat, aucunement. La responsabilité commande de débattre jusqu'au bout d'un texte aussi structurant pour les Français.

La motion présentée conteste notamment la trajectoire du déficit issue de la nouvelle lecture de l'Assemblée nationale et dénonce le rétablissement de dispositions comme la suspension de la réforme des retraites de 2023 ou la majoration de la CSG sur les revenus du capital.

Nous n'ignorons pas la réalité du déficit social, qui demeure préoccupant. Il relève d'un choix de lucidité et de transparence, mais il souligne aussi que, malgré les efforts consentis, ce PLFSS n'est pas encore à la hauteur des besoins des Français ni de l'ambition que nous devons donner à notre modèle social.

Il aurait fallu pour cela plus de travail commun et un Sénat prêt à élever le niveau de controverse et de consensus.

Nous aurions collectivement gagné à ce que la Haute Assemblée relève le défi, d'autant que le texte issu de l'Assemblée nationale reprend une part significative des apports sénatoriaux : confirmation du transfert de dette vers la Cades, retour sur certains transferts de CSG aux départements, meilleure sécurisation de l'équilibre général.

Ce texte ne correspond ni au projet initial du Gouvernement ni aux demandes complètes d'aucun groupe ; c'est en revanche un compromis, qui permet de continuer à avancer vers un déficit social soutenable.

Pour ma part, je me réjouis du maintien de l'exonération de charges sociales sur les salaires des apprentis, mesure qui maintient un accompagnement solide en faveur de ces derniers.

Je le dis et le redis, mettre fin à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale reviendrait à renoncer à améliorer encore ce compromis, alors même que les Français attendent de leur Parlement des solutions et non des postures. Ils veulent que nous décidions, que nous les protégions, que nous tenions le cap de l'intérêt général plutôt que nous cédions aux intérêts partisans.

Fidèle à la démarche de responsabilité promue par le Président de la République et le Gouvernement, le groupe RDPI estime que son devoir est de débattre du fond du PLFSS, non de se soustraire à sa responsabilité par une motion de procédure.

Le compromis est non pas un slogan, mais une méthode, celle de notre Premier ministre, que je salue. Notre groupe a pourtant bien essayé, en première lecture, d'appliquer cette méthode, qui marque enfin le début du commencement d'un réapprentissage collectif de la controverse et du compromis.

Appeler à gouverner par la discussion plutôt que par le réflexe de la contrainte est une démarche qui redonne sens au travail parlementaire, à la confrontation argumentée et à la recherche patiente de majorités de projets.

Ce fut le rôle du Sénat que de la mettre en œuvre, mais il semblerait que ce dernier s'égare sur d'autres chemins. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, le Sénat n'est pas une île. Nous fêtons les 80 ans de la sécurité sociale. Si nous restons enfermés dans nos couloirs confortables, nous nous approcherons – nous serons tous responsables de notre petite lâcheté – de la première année de sa commémoration.

Madame la rapporteure générale, j'ai bien écouté votre intervention. Je ne doute pas un instant que, comme notre groupe et afin de continuer à rechercher le meilleur compromis, vous voterez contre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Sourires au banc des commissions.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous rêvez !

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour une nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Cette nouvelle lecture fera long feu du fait d'une motion tendant à opposer la question préalable, présentée en commission et votée par la majorité sénatoriale. C'est un refus de discussion, une fin de non-recevoir !

La première lecture a révélé deux visions tranchées de notre société.

Dans la première, très individualiste, les plus forts sont préservés quoiqu'il en coûte, en espérant que, par charité ou ruissellement, soit assurée la protection de ceux et celles qui n'ont pas trouvé leur place dans une France qui, malgré ses richesses, est à la peine pour donner à chacun de ses enfants les conditions minimales d'un espoir de réussite, de progrès et d'épanouissement.

Dans la seconde, solidaire et partagée sur la gauche de cet hémicycle, on défend un système de sécurité sociale qui vise à « assurer, à tous les citoyens, des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail », selon les termes du contrat social voulu par le Conseil national de la Résistance.

Alors que la sécurité sociale fête son quatre-vingtième anniversaire, j'ai une pensée pour tous ceux et toutes celles pour qui cet idéal de justice et de réduction des inégalités a été le combat d'une vie, à l'image de Félix Leizour, sénateur des Côtes-d'Armor, qui m'a précédée sur ces travées. Il vient de nous quitter et un dernier hommage lui est rendu en ce moment même.

L'instabilité nationale et internationale actuelle l'inquiétait comme elle nous inquiète, et c'est pour apporter des améliorations concrètes aux Français que nous avons voulu agir pour trouver une voie vers l'adoption de ce budget.

Si le groupe socialiste a contribué, à l'Assemblée nationale, à l'adoption du projet de loi de finances, ce budget n'est pas le nôtre. Au prix de concessions de part et d'autre, toutefois, les débats ont pu avancer. Le texte a été enrichi et vidé de ses éléments inacceptables pour les Français et les Françaises.

Mes chers collègues de la droite de cet hémicycle, ce budget n'est pas le vôtre non plus, mais plutôt que de jouer le jeu du débat parlementaire, vous préférez opposer une question préalable et empêcher la discussion.

En première lecture non plus, vous n'avez pas eu la sagesse de travailler à la recherche d'un compromis entre les deux chambres parlementaires. Vous êtes restés idéologiquement bloqués sur des postures qui auraient conduit au chaos si l'Assemblée vous avait suivis.

Ce budget n'est pas non plus le nôtre, je le répète. Alors que la copie gouvernementale initiale proposait l'austérité, nous, parlementaires de gauche, soutenus par les organisations syndicales, avons obtenu des avancées importantes.

À l'issue des débats à l'Assemblée nationale, l'Ondam reste inférieur aux besoins de nos concitoyens, qui vieillissent et souffrent de plus en plus de maladies chroniques. Cette situation appelle une adaptation – ou plutôt une transformation – de notre offre de soins. Or cette transformation, justement, n'est pas au rendez-vous.

Pour autant, un Ondam en progression de 3,1 % constitue une respiration pour les professionnels de santé qui nous soignent, à l'hôpital comme en ville. Mais un objectif de dépenses plus réaliste exigera de la rigueur : il faudra veiller, en permanence, à la pertinence et à l'efficience des soins.

Les 950 millions d'euros obtenus pour l'hôpital sont une nécessité pour assurer un service minimum. Nous sommes plus réservés sur les 150 millions d'euros destinés aux maisons France Santé. Cet affichage ne nous donnera pas plus de médecins.

Les 150 millions d'euros consacrés à l'autonomie sont tout autant nécessaires, bien qu'inférieurs aux besoins réels des établissements.

En tant que chambre des collectivités, nous déplorons l'insuffisance des financements apportés aux départements, qui assurent les politiques de solidarité, notamment face à la perte d'autonomie et à l'augmentation de la pauvreté.

La hausse des cotisations à la CNRACL, tout comme les mesures du Ségur restent non compensées et partiellement non financées.

Nous, socialistes, nous réjouissons toutefois de la suppression des deux jours fériés travaillés et non payés.

Réforme de l'assurance chômage, gel des minima sociaux et des pensions de retraite, gel du barème de la CSG, augmentation des franchises médicales, taxation des tickets-restaurant, des chèques-vacances ou de la rémunération des apprentis, diminution des aides à l'embauche en outre-mer, augmentation du temps de travail hebdomadaire : autant de mesures auxquelles les plus vulnérables d'entre nous auront échappé et qui étaient destinées à financer les choix budgétaires des gouvernements macronistes successifs sur les allégements généraux appliqués aux plus aisés.

La majorité sénatoriale a rejeté toutes les recettes que nous avons proposées. Pourtant, nous pouvions réduire le déficit, en appliquant une CSG plus progressive ou en diminuant les allégements de cotisations, qui sont inefficaces pour l'emploi et la compétitivité de nos entreprises, comme l'ont démontré de nombreux économistes.

Nous saluons la hausse de la CSG sur les revenus du capital, même si nous regrettons le rejet de la taxe Zucman, voulue par 88 % des Français. Cette taxe aurait permis de financer les compensations dues par l'État à la sécurité sociale sans ponctionner l'Unédic.

Nous regrettons le maintien de la taxe sur les mutuelles. Le Gouvernement s'est engagé à ce qu'elle ne soit pas répercutée sur les adhérents, mais le risque d'un report tarifaire est réel. Nous serons vigilants sur ce point.

Je dénonce pour ma part la réforme du régime des affections de longue durée (ALD) et le déremboursement d'une partie des malades chroniques, particulièrement le diabète. À cet égard, je suis peu convaincue par les mesures de prévention qui sont prévues pour éviter la dégradation de la santé des personnes concernées.

En matière de maîtrise des dépenses, vous avez supprimé les mesures de lutte contre la rentabilité excessive et la financiarisation de certaines activités médicales, pourtant établies par plusieurs experts.

Le rejet de l'article imposant l'affichage du Nutri-score est par ailleurs un signal très préoccupant pour la santé publique. Cette mesure était neutre financièrement ; elle n'alourdissait nullement la fiscalité. Malgré cela, vous l'avez rejetée.

De la même façon, vous avez refusé d'adopter de nouvelles taxes comportementales ou certaines mesures de prévention contre les addictions, au moment même où la prévalence des affections chroniques explose.

Enfin, je salue le rétablissement à l'Assemblée nationale de la suspension de la réforme des retraites : le Premier ministre a tenu, à ce stade, son engagement. Tout travail mérite retraite, une retraite avant l'inaptitude, avant l'incapacité, avant l'épuisement.

Ce budget n'est pas le nôtre, car il ne fixe pas de cap ni de trajectoire de retour à l'équilibre. Une loi pluriannuelle de financement et d'investissement de la sécurité sociale s'imposerait.

Toutefois, face aux menaces de démantèlement et d'assèchement des ressources de la sécurité sociale, que la droite sénatoriale a défendues tout au long de ces dernières semaines et qui sont confirmées par le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable, nous voulons donner à la sécurité sociale un budget, nettoyé des horreurs présentées dans la première partie du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'année même des 80 ans de cette belle conquête sociale, fruit d'un compromis historique à côté duquel les petits arrangements d'aujourd'hui font pâle figure, ne traduit aucune vision et ne relève aucun des défis auxquels notre pays est confronté.

Le premier d'entre eux était de trouver de nouvelles ressources, pour financer la protection sociale de notre époque et le droit à une retraite digne – quand on peut encore en profiter – ou pour accompagner le grand âge, qui devient une réalité de notre vie.

Il fallait encore trouver de nouvelles ressources pour déployer les structures à même d'accueillir nos concitoyens en situation de handicap, pour mener des politiques de prévention permettant d'améliorer l'état de santé de chacun et pour réduire, à terme, des dépenses évitables. Il fallait rendre l'accès aux soins égal pour tous, quelles que soient la condition sociale ou la région d'origine.

Au lieu de cela, pas une exonération de cotisations sociales n'est remise en cause, ou si peu, en dépit de l'effet plus que discutable de la plupart d'entre elles sur l'emploi. Plus exactement, pas une exonération de cotisations sociales n'est remise en cause pour les employeurs privés.

En revanche, nos collectivités, nos hôpitaux, qui connaissent des déficits structurels ou encore les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) verront leurs cotisations à la CNRACL encore augmenter en 2026 et les années suivantes. Il paraît que les efforts doivent être partagés par tous…

Au-delà de l'injustice d'une telle situation, qui peut croire que l'on pourra réduire le déficit de la sécurité sociale si les exonérations sont maintenues au niveau d'aujourd'hui ? Elles représentent quatre fois le déficit prévu de la sécurité sociale et 35 milliards d'exonérations ne sont pas compensées par l'État à la sécurité sociale.

Par rapport à la proposition initiale, l'Ondam est relevé de 1,6 %, mais il reste en dessous des 3,6 % d'augmentation de 2025 et de la moyenne de ces dernières années.

La situation de nos hôpitaux ne peut guère s'améliorer ainsi, d'autant qu'un système de bonus-malus risque de percuter nos hôpitaux de proximité, qui peinent déjà à recruter et à fidéliser les professionnels de santé. Les conséquences, comme les fermetures de plus en plus régulières de nos services d'urgence, sont malheureusement bien connues.

Alors que la progression de l'Ondam avait été fixée à +3,6 % en 2025, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie avait déclenché l'alerte et le Gouvernement d'alors avait pris des mesures hors de tout contrôle parlementaire et démocratique pour diminuer les dépenses. Comment imaginer qu'il pourra en être autrement avec un Ondam qui ne progresse que de 3 % ?

Mme Céline Brulin. Mettre des panneaux « France Santé » sur des maisons de santé pluridisciplinaires, sur des centres de santé ou même sur des pharmacies ne changera malheureusement pas grand-chose à la désertification médicale qui est à l'œuvre.

Ces crédits seraient plus utiles pour soutenir les collectivités qui créent des centres de santé publics, pour accueillir des docteurs juniors dans de bonnes conditions ou encore pour financer des postes de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) ou de chef de clinique.

La taxe sur les complémentaires santé sera inévitablement répercutée sur nos concitoyens, en particulier sur les retraités ou les personnes privées d'emploi.

Quant à la limitation de la durée des arrêts de travail, est-ce vraiment le rôle d'un PLFSS de prévoir cela ? Bientôt, à ce rythme, on y trouvera peut-être des modèles d'ordonnances ou de prescriptions… tant il semble qu'on ne fasse plus confiance aux professionnels de santé !

Souhaitons enfin que l'augmentation des franchises médicales ne fasse pas son retour au printemps, comme nous l'avons vécu invariablement après chaque PLFSS.

Mme Céline Brulin. Bref, ce budget de la sécurité sociale fera mal, même débarrassé de ses pires horreurs. Il poursuit les politiques d'austérité contre lesquelles nous nous battons régulièrement et continuerons de nous battre.

Ces politiques ont déjà fait bien trop de mal à notre système de protection sociale sans parvenir à résorber les déficits.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. S'entêter dans cette voie est une folie que les Français condamneront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. À entendre la droite, le budget de la sécurité sociale nous tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé (Sourires.) : la sécurité sociale serait mise en danger par le texte issu de l'Assemblée nationale, lequel deviendrait « invotable ».

Il y a pourtant de quoi s'y perdre. Quelle est donc la droite à la manœuvre ? Celle de Laurent Wauquiez, qui permet l'adoption du texte, ou celle de Bruno Retailleau, qui le rejette ? Prenez donc le temps de vous asseoir autour d'une table et mettez-vous d'accord.

Monsieur Farandou, ne serait-ce pas là l'occasion d'un autre conclave ? (M. le ministre s'amuse.) Le concile des députés a su trouver quelques compromis, et ces compromis sont bien évidemment très éloignés de ceux que vous nous aviez proposés.

Bien que la copie qui a été remise ne soit pas la nôtre et qu'elle ne permette pas de résoudre le déficit de la sécurité sociale, le groupe écologiste de l'Assemblée a majoritairement décidé de la laisser passer. Cela traduit non pas une gêne, mes chers collègues, mais un constat : une partie des mesures antisociales ont été écartées du projet.

Nous estimons ainsi positif le rétablissement du décalage de la réforme des retraites, la suppression du gel des prestations sociales et celle de l'allongement de la durée du travail annuel, une mesure que vous avez soudainement ajoutée au détour d'un article, sans aucun dialogue social.

Je tiens tout de même à souligner les quelques petites victoires qui ont fait consensus dans nos deux chambres. Je songe notamment au congé supplémentaire de naissance, au refus de l'extension du domaine des forfaits et franchises, ainsi qu'à la prolongation de l'expérimentation des haltes soins addictions.

Enfin, l'Ondam a vu sa progression portée à 3 % : c'est, en quelque sorte, un sauvetage in extremis de l'hôpital. Mais avoir la tête hors de l'eau ne veut pas dire bénéficier d'un soutien pérenne. L'hôpital, n'en doutons pas, reste en danger.

Bien qu'il convienne de souligner l'effort proposé par le Gouvernement, les évolutions démographiques entraînent l'augmentation constante de nos besoins en santé. Nous sommes donc encore loin du compte.

L'Ondam 2025 affichait une progression de 3,6 %. L'augmentation de l'Ondame 2026 par rapport à la copie initiale cache, en vérité, une diminution des moyens alloués aux établissements de santé. Les conséquences attendues sont connues : fermeture de lits, personnels à flux tendu, centres de santé qui risquent de disparaître… À quand une politique de financement fondée sur les besoins des assurés et non sur des objectifs de dépense ?

D'autres mesures, qui apparaissaient pourtant essentielles, qui ne coûtaient rien, voire qui rapportaient de l'argent, ont été écartées : obligation de l'affichage du Nutri-score, taxation de l'hexane, fiscalité comportementale et même lutte contre la rentabilité excessive.

Alors que la droite n'a de cesse de rappeler l'importance de l'équilibre budgétaire et la nécessité de faire des économies, elle rejette en bloc les dispositifs qui proposent de lutter contre la financiarisation de la santé.

Par ailleurs, je n'observe toujours pas d'effort tangible en ce qui concerne la santé environnementale – vous prétendez pourtant vous soucier de cette question. La communauté scientifique dans sa totalité nous alerte, mais le Gouvernement, dans ce PLFSS, comme la majorité sénatoriale persistent à ignorer le sujet. C'est dommage pour les générations futures, dont vous revendiquez toujours défendre l'intérêt majeur, mes chers collègues…

Le déficit de la sécurité sociale devrait s'élever à 19,4 milliards d'euros en 2026. Et encore une fois, vous avez refusé de vous attaquer aux niches sociales ou de soutenir toutes les propositions visant à améliorer les recettes que nous avons formulées. Aucun des 20 milliards d'euros de recettes que nous vous avons proposés n'a trouvé grâce à vos yeux. Vous pouvez vous en féliciter, ce déficit, c'est donc le vôtre !

Nous apprenons aujourd'hui que la majorité sénatoriale ne souhaite pas débattre davantage de ce budget. C'est dommage.

Par principe, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est attaché au débat parlementaire.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Souyris. Toutefois, à l'aune de ce qui s'est passé au sein de cet hémicycle lors de la première lecture, vous avez sans doute raison de refuser le débat : nul besoin de poursuivre le calvaire que vous nous avez imposé ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme Doineau, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

Considérant que, malgré la reprise par l'Assemblée nationale de plusieurs dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, en particulier l'inscription par le Sénat à l'article 15 d'un transfert de 15 milliards d'euros de dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), des divergences demeurent entre les deux assemblées sur des éléments essentiels ;

Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale aggrave le déficit de 4,8 milliards d'euros (à périmètre constant) par rapport à la version adoptée par le Sénat et continue de creuser la dette sociale prise dans son ensemble ;

Considérant que l'Assemblée nationale a abandonné les principales mesures d'économies prévues au sein du texte adopté par le Sénat et a alourdi de manière significative la charge fiscale pesant sur les ménages et les entreprises ;

Considérant qu'ainsi, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 45 bis, décalant d'une génération la réforme des retraites de 2023, dont le coût en 2027 est estimé à 1,9 milliard d'euros par le Gouvernement ;

Considérant que l'Assemblée nationale a supprimé l'article 44, relatif au gel des prestations, dont le rendement s'établissait à 2,1 milliards d'euros ;

Considérant que l'Assemblée nationale a rétabli l'article 5 quater, instaurant un malus sur les cotisations sociales pour les entreprises insuffisamment engagées sur l'emploi des seniors, et l'article 8 sexies, réduisant les allégements généraux de cotisations patronales pour les branches dont les minima de salaire sont inférieurs au Smic ; que ces dispositions sont susceptibles de détruire de nombreux emplois et que la seconde pose un problème manifeste d'équité, voire de constitutionnalité ;

Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale majore la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital de 1,5 milliard d'euros ;

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n° 193, 2025-2026), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai entendu certains orateurs parler de « lâcheté » ou de « manque de courage »… Très honnêtement, mes chers collègues, déposer en deuxième lecture une motion tendant à opposer la question préalable n'est une question ni de lâcheté ni de courage.

Du courage, nous en avons eu, au contraire, pour défendre en première lecture les mesures qui nous semblaient être les meilleures pour réduire le déficit de la sécurité sociale. D'autres ont des idées différentes sur la question.

Comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire, il existe trois leviers d'action qui doivent être utilisés de manière équilibrée. Or nous voyons bien que ce n'est pas le cas dans le texte qui nous est soumis : l'effort porte davantage sur les recettes que sur les dépenses ou les transferts de l'État.

Le déficit issu du compromis de l'Assemblée nationale nous est présenté comme étant inférieur à 20 milliards d'euros, mais l'État y contribue beaucoup : ce qui n'est pas inscrit au titre du déficit de la sécurité sociale aujourd'hui sera comptabilisé dans celui des administrations publiques.

Nous verrons in fine quel sera le résultat. La France, je le rappelle, fait toujours l'objet d'une procédure de déficit excessif au niveau européen. Notre déficit public ne sera probablement pas inférieur à 5 % du PIB, ce qui était pourtant l'objectif.

Notre pays est l'un des plus mauvais élèves de la zone euro : nous empruntons à des taux d'intérêt qui sont parmi les plus élevés en Europe, parce que nous ne sommes pas capables de montrer collectivement, mais chacun a sa part de responsabilité, que nous pouvons parvenir à réduire le déficit.

C'est pour cette raison que nous avons choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Il ne s'agit aucunement d'un manque de courage. Au contraire, j'y insiste, la droite sénatoriale a eu le courage d'annoncer – certains la blâment d'ailleurs pour cela – des efforts importants, qui n'étaient d'ailleurs pas faciles à expliquer sur le terrain, croyez-moi.

Notre discours a toujours été le même : il faut absolument retrouver une trajectoire de réduction du déficit. Notre ambition est de sauver notre système de protection sociale. Or nous le constatons : les chemins que nous proposons pour y parvenir ne sont pas ceux que trace ce texte.

Le dépôt de cette motion n'est pas une manœuvre d'obstruction. Nous considérons qu'une nouvelle lecture au Sénat ne permettra pas de modifier l'accord qui a été obtenu à l'Assemblée nationale. Il nous semble donc inutile de perdre du temps en débattant de nouveau.

Si un compromis a été trouvé, si les Français sont soulagés et si le Gouvernement est, malgré tout, lui aussi rassuré, le déficit, en revanche, continue d'augmenter. Les problèmes demeurent, et les responsables politiques, mais aussi toute la population française, devront y faire face un jour.

Cette motion n'est donc pas un refus d'obstacle. Nous estimons simplement que nous avons fait tout ce que nous pouvions utilement faire pour améliorer la situation. Nous acceptons, d'une certaine manière, le compromis trouvé à l'Assemblée nationale. Dès lors, nous considérons qu'il n'est plus nécessaire que le Sénat en débatte.

Il vous arrive aussi, mes chers collègues, de déposer des motions tendant à opposer la question préalable…

Mme Laurence Rossignol. Certes, mais nous sommes minoritaires !

M. Martin Lévrier. Pas nos collègues du RDSE !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tous les groupes politiques le font, à l'exception, peut-être, j'en conviens, du groupe RDPI et du groupe RDSE.

C'est un outil parlementaire classique, ritualisé. Nous connaissons d'avance les questions comme les réponses. Ce n'est donc pas un jeu de dupes : c'est simplement une manière, dans le processus législatif, de dire : « C'est assez ! » (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Dès le début, le Gouvernement a annoncé qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 de la Constitution. Nous avons choisi de faire confiance au Parlement.

Vous voici parvenus à un moment, mesdames, messieurs les sénateurs, où vous avez le choix de poursuivre ou non l'examen de ce texte. Le Gouvernement sera prêt, je puis vous l'assurer, à continuer d'en débattre avec vous ici, nuit et jour, si vous le souhaitez.

Le Gouvernement s'en remet ainsi à la sagesse du Sénat.

Nous avons eu l'occasion d'expliquer pourquoi nous défendions ce texte de compromis. Il vous appartient maintenant de décider souverainement de la suite.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires estime également qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion, mais pas pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées par la rapporteure générale. C'est pourquoi il s'abstiendra.

Nous avions dénoncé l'insincérité du PLFSS initial et indiqué que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie risquait d'être saisi.

Vous avez, lors de l'examen du texte, aggravé la situation, en refusant toute nouvelle recette. Pour présenter un déficit en baisse, vous avez multiplié les mesures d'économie antisociales, ou plutôt les transferts de dépenses vers les malades, tout en vous opposant à des mesures d'efficience durable. Au-delà des beaux discours, rien n'a été fait pour lutter contre la financiarisation et la privatisation de la santé.

Heureusement, dans le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, certains transferts massifs de dépenses vers d'autres acteurs ont été supprimés : je songe, notamment, aux 2 milliards d'euros de franchise, qui seront bien pris en charge par l'assurance maladie, ce qui entraîne une hausse à due concurrence de l'Ondam.

Nous nous félicitons également que la désocialisation des heures supplémentaires soit enfin compensée. Nous continuerons de réclamer la fin de cette niche sociale.

Nous ne sommes pas dupes : dans l'ensemble, les compensations que vous prévoyez visent en fait à cantonner le déficit sous le chiffre magique de 20 milliards d'euros. La politique des caisses vides est celle de la droite, dans les deux chambres.

La majorité sénatoriale défend en effet la même politique de brutalisation des plus vulnérables. Nous ne voulons pas, pour notre part, récupérer 2 milliards d'euros sur les prestations de solidarité, par le biais de leur gel. Je note d'ailleurs que la suppression de ce dernier constitue l'un des considérants de votre motion.

Nous ne fantasmons pas sur un prétendu hold-up fiscal, alors que vous organisez un hold-up social !

Une nouvelle lecture serait donc vaine. La majorité sénatoriale ne propose pas une autre trajectoire de retour à l'équilibre. Il n'y a donc effectivement aucune raison de poursuivre la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Ce budget n'est le budget de personne : ce n'est pas le budget qu'avait déposé la Gouvernement, ce n'est pas non plus le budget des socialistes… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Olivier Paccaud. Un tout petit peu, quand même !

Mme Laurence Rossignol. Si c'était le cas, croyez-moi, la justice fiscale y figurerait ! Ce texte comporte, certes, quelques recettes supplémentaires, mais elles sont, à mon sens, insuffisantes pour restaurer la justice fiscale, à laquelle il a été renoncé depuis 2017.

Est-ce le budget des Républicains ? C'est difficile à apprécier. En effet, si ce n'est pas le budget des Républicains du Sénat, c'est un peu celui des Républicains de l'Assemblée nationale... On cherche donc à comprendre !

Mme Laurence Rossignol. Notre rapporteure générale, qui est, en raison de son positionnement politique, attachée au compromis et aussi, je crois, à la réussite de ce gouvernement, parce qu'elle est probablement l'une de celles qui participent le plus à la majorité présidentielle dans cet hémicycle, nous explique, comme l'a évidemment fait M. Lévrier, que cette question préalable vise à reconnaître et à accepter le compromis.

D'autres, toutefois, si j'en crois les propos qui viennent d'être tenus à cette tribune, voteront cette motion pour exprimer leur refus de ce budget.

Je ne sais pas ce que l'on retiendra de cette séquence pour le Sénat. Est-ce une parenthèse ou un basculement ? Le Sénat a renoncé, en première lecture, à être la chambre du compromis qu'il a longtemps été : le compromis s'est élaboré ailleurs et sans nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)

M. Olivier Paccaud. Dans des arrière-boutiques !

Mme Laurence Rossignol. Non ! Je n'ai jamais vu un processus aussi transparent que les discussions qui ont eu lieu entre les députés et le Gouvernement – Mme la ministre peut en témoigner. Tout le monde a pu suivre les débats, en temps réel.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Laurence Rossignol. J'ai été beaucoup interrompue, monsieur le président !

Je conclus en rappelant, quitte à susciter encore un petit plus d'animation dans cet hémicycle, que la majorité sénatoriale n'a cessé de prétendre que notre leitmotiv aurait été : « Dépensez, dépensez, nos enfants paieront ! »

Elle ne devrait pas oublier pourtant qu'elle a voté la loi Duplomb, visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, dont le leitmotiv était : « Polluons, polluons, nos enfants se débrouilleront ! »... (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s'abstiendra sur cette motion. Nous l'avons dit, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous semble mauvais et tous les moyens sont bons pour le contrecarrer.

Nous devrions tous, me semble-t-il, faire en sorte d'élever le débat. Nos concitoyens attendent en effet davantage que des petits compromis ou des petites astuces. Ils veulent un vrai débat de société.

Madame la rapporteure générale, vous nous parlez beaucoup des générations futures, mais je constate que vous n'offrez pour seul horizon à ces générations que des économies pour réduire la dette – encore et toujours des économies pour réduire la dette ! On a connu des projets de société plus enthousiasmants.

M. Olivier Paccaud. C'est mieux que des dettes !

Mme Céline Brulin. Le problème, surtout, c'est qu'en tenant ce raisonnement, vous renoncez à tout regard critique sur les causes : vous ne cherchez plus à comprendre pourquoi nous en sommes là.

Or, depuis plusieurs années, et particulièrement sous la présidence Macron, l'État comme la protection sociale se sont démunis de ressources. Je ne m'y attarderai pas aujourd'hui : le temps de parole qui m'est imparti ne me le permet pas.

Désormais, pour combler des déficits créés par des baisses d'impôts sur les plus hauts patrimoines, par des diminutions de cotisations sociales, et ainsi de suite, on demande aux Français de faire des efforts tout en refusant de mettre à contribution celles et ceux qui disposent des revenus et des patrimoines les plus élevés.

Ayons la lucidité et l'honnêteté de le dire : les dépenses de santé ne diminueront pas. L'allongement de l'espérance de vie est une bonne nouvelle, mais le vieillissement démographique entraîne nécessairement une hausse des dépenses.

Il convient donc de trouver de nouvelles ressources. Nous avons fait des propositions en ce sens, mais vous les avez systématiquement refusées. Et ce refus accélère la logique de privatisation et de financiarisation de notre système de protection sociale, déjà à l'œuvre.

Soyez-en certains : nous combattrons résolument cette évolution.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Madame la ministre, ce n'est pas parce que le Gouvernement a renoncé à l'article 49.3 que nous renoncerons à la motion tendant à opposer la question préalable.

Nous estimons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel qu'il est issu de l'Assemblée nationale, n'est pas un bon budget. Tout le monde, me semble-t-il, le reconnaît. Je ne comprendrais donc pas que, sur telle ou telle travée, on ne vote pas cette motion.

Le parti socialiste nous donne des leçons sur l'Ondam. Il était sous-estimé, nous en avons tous convenu. Pourtant, je me rappelle que, sous le mandat d'un certain président de la République, l'Ondam a été fixé, pendant des années, à 1,8 %, alors que l'on savait pertinemment que les dépenses augmentaient, dans les faits, de 3 % ou de 4 % par an...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Laurent Somon. Il me semble difficile de donner des leçons aujourd'hui, lorsque l'on n'a pas fait mieux hier ! (Protestations sur des travées du groupe SER.)

En outre, le Premier ministre avait annoncé que la discussion aurait lieu au Parlement et que nous voterions sur le texte qui en résulterait. Or, madame la ministre, vous n'avez pas discuté avec le Sénat. Vous n'avez discuté qu'avec le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, particulièrement avec M. Faure.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce n'est pas vrai !

M. Laurent Somon. Nous n'avons pas eu ici les discussions que le Sénat était en droit d'attendre.

Par conséquent, nous allons voter la motion tendant à opposer la question préalable. Les choix que vous avez faits ne sont pas les bons.

Il n'y a ni cap ni capitaine, or il appartient au Gouvernement de donner des orientations. Renoncer ou du moins reporter la réforme des retraites est un échec, car le Président de la République s'était justement engagé à maintenir cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Comme l'a souligné Olivier Henno, cette motion n'est ni un renoncement ni une esquive.

Manifestement, ce PLFSS ne convient à personne, pas même aux socialistes, puisque nous venons d'entendre Mme Rossignol nous expliquer qu'ils n'étaient pas satisfaits de ce texte non plus. C'est la nouvelle de la journée ! Voilà la preuve que ce budget ne plaît à personne, puisqu'il était pourtant censé convenir particulièrement aux socialistes. Tout le monde devrait donc être d'accord pour voter cette motion.

M. Patrick Kanner. Vous avez refusé le compromis !

Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la ministre, vous avez dit être prête à siéger avec nous nuit et jour, s'il le fallait, pour achever l'examen de ce texte. Nous l'avons fait : nous avons travaillé nuit et jour, pendant soixante-sept heures, pour que la commission mixte paritaire le rejette finalement en quinze minutes !

Ce n'est donc pas parce que nous ne voulons plus travailler que nous voterons cette motion : au Sénat, nous savons travailler avec sérieux. Mais nous le voyons bien : aujourd'hui, nous sommes dans une impasse. Il faut donc en tirer les leçons. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. La première marche que nous avons ratée, malheureusement, c'est la première lecture du PLFSS.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas eu de vraies discussions, de vrais compromis. Ces derniers n'étaient sans doute pas possibles : est-ce parce que les demandes de la gauche étaient trop fortes ? ou bien parce que la position de la droite était trop rigide ? Peut-être est-ce dû un petit peu aux deux…

Si nous avions su trouver un compromis, faire preuve d'un petit peu plus de souplesse, nous aurions donné une chance à la CMP d'être conclusive et nous aurions évité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale. Nous savions tous très bien ici – j'y insiste : tous – ce qui allait se passer. Dès lors pourquoi jouer maintenant les Calimero, en reprochant au Gouvernement, pour la droite, d'avoir parlé avec la gauche ou, pour la gauche, de ne pas l'avoir suffisamment écoutée ?

Mes chers collègues, en quoi est-ce choquant qu'un Gouvernement, particulièrement dans les conditions politiques actuelles, essaie de parler avec tout le monde ? Songez au contexte qui prévalait il y a quatre-vingts ans : les difficultés n'étaient pas moindres, mais nos prédécesseurs ont su les surmonter pour créer la sécurité sociale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Très bien !

M. Martin Lévrier. Compte tenu des difficultés que connaît le pays actuellement, sur le plan politique notamment, le débat aurait mérité de prendre un peu plus de hauteur.

Il est encore temps ; c'est pour cela que je vous invite à ne pas voter cette motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 288
Pour l'adoption 182
Contre 106

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 est rejeté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix-neuf, est reprise à onze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Loi de finances pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

SECONDE PARTIE (suite)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport n° 139, avis nos 140 à 145).

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Culture

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés pour la culture pour 2026 s'élève à 3,7 milliards d'euros, soit une diminution de 292 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 170 millions d'euros en crédits de paiement (CP) par rapport à 2025.

Les crédits de la mission ont été relativement stables entre la loi de finances initiale pour 2024 et celle pour 2025, grâce à l'adoption d'amendements au Sénat qui ont été conservés par la commission mixte paritaire. L'épisode de ce fameux amendement « patrimoine » ne devrait malheureusement pas se reproduire cette année…

Je rappelle que soixante-douze opérateurs sont rattachés à la mission « Culture ». Le total de leurs budgets s'élève à 2,5 milliards d'euros. Il s'agit aussi bien de grands établissements parisiens que de petits opérateurs implantés en région.

Les opérateurs du programme ont la particularité de bénéficier d'un taux élevé de ressources propres, dans la mesure où il s'agit bien souvent d'établissements accueillant un public qui paie son entrée.

Ainsi, le montant cumulé de leurs ressources propres atteignait 1,2 milliard d'euros en 2024, une somme à peu près équivalente à celle qu'a versée l'État, qui a financé ces établissements à hauteur de 1,3 milliard d'euros.

J'en viens aux crédits du programme 175, « Patrimoines ». Inspirés par l'actualité, de nombreux amendements portent sur le renforcement des moyens consacrés à la sécurité dans les musées.

D'autres amendements portent plus spécifiquement sur le musée du Louvre.

Je voudrais m'y arrêter quelques instants : au-delà des enjeux de sécurité, que nous avons tous été amenés à constater, le musée doit faire face à de très nombreux défis à court et à moyen terme.

Le budget du Louvre se caractérise par un poids assez faible des financements publics dans son budget : ils n'ont représenté que 28 % de ses recettes en 2025. Cette proportion est d'ailleurs en constante diminution. La part des recettes propres de l'établissement, qui doit s'élever à 68 % en 2026, est l'une des plus élevées parmi les opérateurs concernés.

En conséquence, le grand projet de refonte du musée, qui doit être mis en œuvre d'ici à 2034, dénommé Louvre - Nouvelle renaissance, devrait être en grande partie financé sur ses recettes propres. L'État ne devrait l'abonder qu'à hauteur de 10 millions d'euros par an.

Ce projet vise à accueillir les spectateurs dans de meilleures conditions et à mieux protéger les œuvres. La fréquentation du musée est en effet stable depuis une dizaine d'années : il accueille environ 9 millions de visiteurs par an. Ce nombre ne peut plus augmenter, en raison de l'instauration de quotas. En conséquence, l'augmentation de 8 millions d'euros des recettes liées à la billetterie, entre 2024 et 2025, découle en grande partie de la hausse des tarifs d'entrée.

J'en viens au sujet plus large de la mise en place de tarifs différenciés pour les visiteurs hors Union européenne, qui sera expérimentée à partir de janvier prochain dans les établissements patrimoniaux les plus fréquentés.

En 2023 et en 2024, le nombre de visiteurs accueillis par l'ensemble des opérateurs du programme 175 a atteint 44 millions. Depuis 2022, le nombre de visiteurs a crû de 13 %. Si ces chiffres constituent une bonne nouvelle et témoignent de la vitalité de l'intérêt du public pour notre patrimoine, une fréquentation élevée met également les établissements sous tension.

Les hausses tarifaires dans les quatre monuments les plus fréquentés devraient permettre de dégager plus de 23 millions d'euros de recettes supplémentaires dès 2026. Rien que pour le Louvre, cette augmentation devrait rapporter plus de 15 millions d'euros.

Un tel mécanisme existe déjà dans de nombreux pays. Devant le besoin criant d'investissements, nous ne devons pas nous priver de ce levier. De ce point de vue, il me semble, à titre personnel, que le budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Les crédits de l'action n° 01, « Monuments Historiques et patrimoine monumental », devraient diminuer de 34 % en AE et de 21 % en CP par rapport à 2025.

Ces diminutions sont souvent problématiques, parce que la plupart des travaux s'inscrivent dans la durée. Certains ne s'achèveront que bien plus tard et supposent la mobilisation de moyens considérables.

Je pense notamment au schéma directeur du château de Fontainebleau : les crédits qui y sont alloués baisseront de près de 4 millions d'euros l'année prochaine, alors que les besoins d'investissement sont continus. N'oublions pas, madame la ministre, que la problématique est d'améliorer la sécurité et la sûreté de ce monument.

Les réductions de crédits prévues pour 2026 devraient concerner les dépenses déconcentrées et les opérations prévues dans des monuments en région. Si les effets de la hausse consentie en 2025 devraient continuer de se faire sentir, grâce à l'engagement des moyens prévus en 2025, la diminution des AE en 2026 est susceptible d'avoir des conséquences sur les travaux prévus les années suivantes. Comme de nombreux amendements ont été déposés sur ce sujet, nous aurons, mes chers collègues, l'occasion d'en débattre dans quelques instants.

En conclusion, je rappelle que la commission des finances propose d'adopter les crédits de la mission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord revenir sur les moyens globalement accordés à la culture dans ce projet de loi de finances.

L'année 2026 devrait connaître la première baisse de crédits enregistrée depuis de nombreuses années.

La stabilité observée entre 2024 et 2025 s'inscrivait en effet dans une trajectoire de progression des crédits depuis plusieurs années. Je rappelle ainsi que, depuis 2022, les crédits de la mission ont augmenté de 105 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 136 millions d'euros en crédits de paiement.

Plus de 1 milliard d'euros sont prévus pour le patrimoine en 2026, et autant pour le spectacle vivant. En particulier, les crédits consacrés au spectacle vivant ne diminuent que de 0,7 % en AE et de 3,25 % en CP par rapport à 2025.

Plusieurs postes budgétaires bénéficient de l'ouverture de nouveaux crédits : 45 millions d'euros, par exemple, seront alloués à la rénovation du Palais de Tokyo. Les moyens du plan Mieux produire, mieux diffuser, dont l'objectif est d'inciter à davantage diffuser les spectacles, continuent eux aussi d'augmenter, pour la troisième année consécutive.

Je souhaite maintenant revenir plus précisément sur les moyens alloués, dans ce projet de loi de finances, à l'éducation artistique et culturelle (EAC) ainsi qu'à l'enseignement supérieur culturel.

Nous avions alerté l'année dernière sur la situation d'Universcience, connue également sous le nom de Cité des sciences et de l'industrie de la Villette. L'établissement devrait recevoir 120 millions d'euros de subventions de l'État en 2026, ce qui en fait le premier opérateur de la mission, loin devant l'Opéra de Paris et le musée du Louvre.

Les ressources propres de la Cité sont limitées : seulement 20 millions d'euros en 2024. Cette année-là, la fréquentation du site était encore largement inférieure à celle de 2019, contrairement à ce qui s'est produit pour les autres opérateurs de la mission.

En parallèle, l'établissement fait face à un lourd besoin en investissement. Une première estimation faisait état d'un besoin supérieur à 1 milliard d'euros pour les dix prochaines années. Ce chiffre ahurissant, qui donne le vertige, a entraîné le déclenchement d'une mission de trois inspections générales, encore en cours, qui devrait permettre de dégager un horizon de travaux plus réaliste.

Se pose également la question de la réimplantation d'Universcience au Grand Palais. L'établissement a déjà engagé 20 millions d'euros de travaux, alors que la situation est aujourd'hui gelée par la tutelle et que la réouverture du Palais de la découverte a été reportée sine die. Madame la ministre, la tutelle doit prendre une décision rapide concernant l'achèvement du chantier, sous peine de fragiliser encore plus Universcience.

J'en viens maintenant au pass Culture.

Le PLF prévoit une dotation de 127,5 millions d'euros pour le volet individuel du dispositif. Le montant prévu dans le projet de loi de finances pour 2025 était de 210,5 millions d'euros, mais la commission mixte paritaire avait réduit ces crédits. L'économie supplémentaire prévue en 2026 s'élève à 43 millions d'euros par rapport à ce qui avait finalement été adopté en loi de finances pour 2025.

Le pass Culture a été complètement réformé en février dernier. Il est désormais recentré sur les jeunes de 17 et 18 ans et son montant est ramené de 300 à 150 euros par personne. Le bénéfice n'est toujours pas accordé sous condition de ressources, même si une bonification est prévue pour les jeunes les plus en difficulté. Cette réforme n'atteindra son plein effet budgétaire qu'en différé, dès lors que les jeunes qui acquièrent des droits au pass Culture peuvent ensuite les mobiliser pendant les trois années suivantes.

Plusieurs amendements, dont celui de la commission des finances, portent sur ce sujet. Nous allons avoir un débat sur la pertinence de la part individuelle dans quelques minutes, je n'irai donc pas plus loin à ce stade.

J'en viens maintenant à l'éducation artistique et culturelle proprement dite.

Les moyens prévus au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont stables par rapport à 2025. De leur côté, les montants figurant au programme 131 « Création » doivent être mis en regard de l'effort global en faveur de l'éducation artistique et culturelle.

La Cour des comptes indique, dans un récent rapport, que l'effort public consacré à l'éducation artistique et culturelle s'est élevé en 2023 à 3,5 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros de la part de l'État et environ 600 millions d'euros des collectivités territoriales. Nous ne devons pas perdre cet aspect de vue lors des débats que nous allons avoir dans quelques instants.

Ce budget n'est pas parfait, mais il protège autant que possible les créateurs et les opérateurs du patrimoine et du spectacle vivant. La commission des finances propose par conséquent d'adopter les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2026 marquera une rupture dans le financement des patrimoines. Après une progression constante entre 2017 et 2025, le programme 175 prendra sa part de l'effort d'économies visant au redressement des comptes publics.

La baisse de crédits conduira au lissage des grands projets et au report de nouvelles opérations d'investissement ; elle touchera fortement les opérateurs. Devant ce tableau d'ensemble, la commission de la culture appelle l'attention du Sénat sur plusieurs points.

D'abord, l'effondrement des crédits des monuments historiques se traduira par un recul de l'enveloppe d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et du fonds incitatif et partenarial (FIP), entraînant un report des chantiers dans les territoires.

Cette situation sera subie, en premier lieu, par les petites communes, qui concentrent la majorité des monuments sans disposer des moyens nécessaires à leur conservation. Le ralentissement des chantiers aura également un impact sur les métiers du patrimoine, qui constituent un tissu de petites entreprises, dont les emplois contribuent à la vie économique et à l'attractivité des territoires.

Je regrette par ailleurs que, faute de convergence interministérielle et peut-être d'un volontarisme suffisant, l'adaptation du diagnostic de performance énergétique (DPE) aux spécificités du patrimoine bâti soit encore une fois reportée.

La commission considère plus largement qu'en matière patrimoniale l'effort budgétaire ne pourra en réalité jamais être à la hauteur des besoins, tant le mur d'investissement qui se profile est important. L'actualité récente nous en offre des exemples frappants, qu'il s'agisse du palais du Louvre ou de l'aile François Ier du château de Chambord.

Ce difficile constat appelle à engager une réflexion visant à changer de paradigme. Plusieurs pistes ont récemment émergé, que ce soit autour de l'usage partagé des édifices religieux, de la mise en place d'un National Trust ou de la péréquation assurée par le Centre des monuments nationaux.

À ce titre, nous avons été interpellés par la situation du domaine de Chambord, dont les recettes couvrent l'intégralité du fonctionnement mais ne le prémunissent pas contre de fortes difficultés en matière d'investissement, et par celle de l'établissement public du Mont-Saint-Michel, qui remet en question l'affectation des recettes de l'abbaye, alors que le site exige d'importants investissements.

En ce qui concerne les crédits de l'ingénierie patrimoniale, dont nous saluons la préservation, la commission de la culture s'inquiète de la situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et plaide pour la mise en œuvre des mesures d'urgence préconisées par la commission des finances.

Pour ce qui est des musées, le recul proposé ne nous paraît pas tenable, compte tenu de leur vulnérabilité face aux menaces pesant sur leur sûreté. Sur ma proposition, la commission a adopté un amendement visant à abonder à hauteur de 30 millions d'euros le fonds de sûreté annoncé par Mme la ministre.

Sur l'archéologie préventive, enfin, alors que l'année qui s'achève a été marquée par plusieurs mouvements sociaux dans la profession, je regrette que la concertation qui devait être menée sur les services des collectivités territoriales n'ait pas encore eu lieu.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. La commission de la culture a, en conséquence, émis un avis favorable, quoique très réservé, sur les crédits du patrimoine, afin de permettre l'adoption de l'amendement sur le fonds de sûreté des musées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances intervient à un moment charnière pour le secteur culturel, marqué par un repli inédit des budgets locaux.

Ce moindre engagement des collectivités, souvent contraint, parfois choisi, ouvre une brèche dans le pacte de coopération culturelle, dans sa dimension aussi bien financière qu'institutionnelle. La commission de la culture juge cette évolution préoccupante ; elle ne sera pas sans conséquence sur la diversité de l'offre artistique et sur l'équité d'accès à la culture dans les territoires.

C'est dans ce contexte de fragilisation du financement public de la culture que l'État décide, à son tour, d'infléchir son soutien. La baisse de 34 millions d'euros des moyens consacrés à la création en 2026 constitue un nouveau coup dur pour un secteur déjà éprouvé par des crises successives et dont le modèle économique est arrivé à un point de rupture.

Deux sujets nous inquiètent particulièrement.

Le premier est la diminution de 18 millions d'euros des crédits déconcentrés. Conjugué à la baisse des subventions des collectivités, cet affaiblissement de la capacité de soutien des Drac fait figure de double peine pour les acteurs culturels dans les territoires.

Le second est la sous-budgétisation chronique du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Certes, sa pérennisation pour trois années supplémentaires est une bonne nouvelle, mais la question de son réabondement à hauteur des besoins demeure sans réponse.

Alors que le budget de la création se voit ainsi affaibli, la commission déplore une action ministérielle fragmentée, qui empile des dispositifs et saupoudre des crédits. Or les défis du secteur ne sont pas seulement budgétaires : ils requièrent une politique publique structurante, offrant visibilité et lisibilité aux acteurs culturels.

La situation de l'enseignement supérieur public artistique nous préoccupe tout autant. Malgré la relative stabilité de leur dotation, les écoles d'art et les écoles d'architecture sont toujours confrontées à d'importantes difficultés structurelles. Nous ne voyons toujours pas venir le plan global de réforme des écoles territoriales annoncé en mars 2024. Si nous partageons l'objectif de hausse des effectifs des écoles d'architecture d'ici à 2030, nous n'en voyons aucune traduction budgétaire dans ce projet de budget.

Enfin, la politique d'éducation artistique et culturelle, dont notre commission déplore régulièrement les carences, ne profite même pas des économies dégagées sur la part individuelle du pass Culture. Le pass maigrit, mais il fait toujours figure de totem.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission se dit défavorable à l'adoption des crédits de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour la bonne information de tous, que 49 amendements sont à examiner sur cette mission.

La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures trente. Compte tenu de l'organisation de la journée, nous pourrions prévoir trente minutes de discussion supplémentaire pour terminer son examen aux alentours de quinze heures cinquante, afin de commencer l'examen de la mission « Justice ».

Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission serait reportée à la fin des missions de la semaine.

En outre, la conférence des présidents réunie mercredi 3 décembre dernier a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.

En ce qui concerne la présente mission, même avec les marges que nous avons dégagées, le nombre d'amendements à examiner rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui nous conduit à devoir observer un rythme de 35 amendements par heure, ce qui est élevé.

Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer aujourd'hui l'examen de cette mission et en application de la décision de la conférence des présidents, les durées d'intervention seront fixées à une minute.

Culture (suite)

M. le président. Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission est importante, car elle concerne les budgets des programmes « Création », « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », « Soutien aux politiques du ministère de la culture » et « Patrimoines ».

Au regard de l'importance du programme et de ses enjeux, qui ont pris de l'ampleur, le programme « Création » doit retenir notre attention. Les voyants sont au rouge et nous sommes profondément inquiets. Il y a quelques mois, lorsque nous discutions du budget de cette année, nous redoutions de devoir tirer la sonnette d'alarme ; malheureusement, nous devons aujourd'hui le faire.

La situation de nos festivals est déjà préoccupante : 10 % d'entre eux ont disparu. La question de la survie de ceux qui restent est posée. La commission de la culture a organisé une table ronde pour que des solutions soient trouvées sans porter préjudice à leur identité.

Madame la ministre, il y a plus qu'urgence, il y a péril en la demeure, pour reprendre une expression familière en matière de patrimoine. Comment, face à l'explosion des coûts de l'énergie et des cachets des artistes, aider nos festivals à repenser leur modèle économique sans se sacrifier ? Les festivals doivent se repenser, assurément, se réajuster, certainement, mais ni se renier ni disparaître.

Viennent ensuite les différents programmes récemment engagés dans la création. Nous sommes également inquiets à ce sujet, car la création est souvent mise à l'épreuve face à des formes de censure, comme nous l'avons vu récemment.

Concernant le plan Mieux produire, mieux diffuser, nous serons vigilants sur le dialogue qu'il implique avec les collectivités territoriales.

J'en viens au pass Culture, dont on dit tant de choses.

Concernant sa part individuelle, on pouvait déplorer la surreprésentation de certains achats, comme les mangas ou les plateformes de streaming. Je n'ai rien contre, mais l'accès à la culture ne doit pas être une entrée dans la monoactivité.

Cependant, des jeunes sont devenus des usagers réguliers des librairies. Or la lecture n'est pas un privilège, c'est un droit. Je sais aussi que le pass Culture a permis la diversification des usages et l'accès des milieux populaires à de nouvelles activités.

Même si je suis contre la politique du chéquier – je l'ai dit à plusieurs reprises –, il me paraît impossible d'arrêter net le pass Culture, ce qui est la volonté de certains, car des actions sont engagées. En outre, je suis convaincue que la lecture reste un magnifique outil pour détourner les jeunes des écrans. Dans ce contexte, faut-il abandonner net ce dispositif, qui a donné des résultats ?

En ce qui concerne sa part collective, il faut saluer les efforts de réorientation, même si les critiques subsistent, en particulier en raison de coupes brutales opérées dans certains fonds.

La question du patrimoine reste toujours au premier plan et, comme la rapporteure pour avis, je suis très inquiète à ce sujet.

Le volet concernant les monuments historiques est fragilisé, alors que les besoins sont considérables dans les territoires. Beaucoup d'opérations sont compromises, alors que les communes sont fortement sollicitées. Il n'y a aucune visibilité pour les années à venir. C'est un très mauvais signal envoyé aux territoires, notamment pour la restauration de notre patrimoine, dont nos églises. Il faut envoyer des signaux forts aux communes.

Les différents plans sont promis à être reconduits, mais ils portent sur plusieurs années, ce qui complique les choses.

Que dire des actions des Drac en province, qui sont compromises par la dégradation des crédits déconcentrés, avec, dans certains cas, des consignes de limitation des dépenses d'entretien ?

Je déplore, madame la ministre, que l'effondrement des crédits du patrimoine soit essentiellement absorbé par les monuments historiques. C'est un mauvais signal, une vraie rupture.

Évidemment, la ruralité est une préoccupation pour nous tous. L'objectif du plan Culture et ruralité est ambitieux, car il concerne le patrimoine immatériel, mais je regrette la faible communication dont il fait l'objet. Ce patrimoine est un atout pour le combat culturel français.

En ce qui concerne le plan en faveur du logement en ruralité, il ne bénéficie qu'à des propriétaires-bailleurs en zone peu dense. Il conviendrait de l'ouvrir aux centres-bourgs ruraux, qui sont en effet une priorité des pouvoirs publics.

Pour finir, madame la ministre, parlons du Fonpeps, qui représente de l'emploi et permet la consolidation d'une filière. Le montant qui lui est attribué n'est pas suffisant. Par conséquent, j'ai déposé un amendement, comme un grand nombre de mes collègues, pour le relever de 35 millions à 60 millions d'euros.

Ce budget n'est pas acceptable en l'état. Madame la ministre, je l'ai dit hier, je compte sur vous, je connais votre détermination à gagner des arbitrages. Nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke.

M. Mikaele Kulimoetoke. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours des huit dernières années, le secteur de la culture a bénéficié d'un soutien sans précédent, avec une hausse de son budget de près de 1 milliard d'euros.

Avec un montant global de 3,7 milliards d'euros de crédits pour 2026, la mission « Culture » subit la première baisse de son budget depuis un certain temps. Elle prend part de façon importante à l'effort de maîtrise des déficits.

Le programme 131 « Création » traduit des orientations stratégiques essentielles : le soutien à la diversité et au renouvellement de l'offre artistique, le renforcement de la place de la culture au cœur des territoires ruraux ou encore le soutien à l'emploi artistique.

Les crédits de ce programme connaissent une hausse de près de 1 % en autorisations d'engagement et une diminution d'environ 3 % en crédits de paiement. Je rappelle que la création a été l'un des principaux bénéficiaires de la hausse des crédits engagés au cours des dernières années, de l'ordre de 25 %.

Cette hausse a eu plusieurs effets, notamment l'accompagnement de l'essor du spectacle vivant que l'on observe depuis un certain temps. Pour la troisième année consécutive, la fréquentation des spectacles vivants poursuit sa progression. Deuxième secteur culturel après l'audiovisuel en poids économique, le spectacle vivant continue de rassembler un public toujours plus nombreux. Dans les festivals, d'année en année, le public est au rendez-vous.

Pour autant, les festivals sont encore trop nombreux à rencontrer des difficultés financières. Le baromètre élaboré par le ministère de la culture a montré que, sur l'année 2024, 46 % des festivals répondant à l'enquête étaient en déficit. Leur survie est parfois menacée, en particulier dans les territoires ruraux, où ils jouent pourtant un rôle majeur en matière d'accès à la culture. La concertation mise en place de janvier à juin derniers sur l'avenir des festivals devrait apporter de premières réponses, mais, à long terme, leur modèle économique devra probablement être repensé.

Enfin, le programme prévoit le financement du plan Mieux produire, mieux diffuser destiné au spectacle vivant et aux arts visuels, grâce à une dotation de près de 15 millions d'euros. Ce plan reçoit un accueil favorable du secteur et a bénéficié d'une augmentation de ses crédits depuis 2024 ; on ne peut que la saluer.

Pour ce qui est du patrimoine, des projets emblématiques ont pu voir le jour au cours des dernières années : la restauration de Notre-Dame de Paris, l'ouverture de la Cité internationale de la langue française ou encore la création des manufactures nationales. Toutefois, il reste beaucoup à faire. Les besoins pour la protection, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine sont immenses, et nous savons combien les Français y sont attachés.

Dans le projet de loi de finances pour 2026, les crédits alloués au patrimoine participent de façon importante à l'effort de redressement des comptes publics, avec une diminution de l'ordre de 20 % en autorisations d'engagement. En parallèle, les crédits d'investissement des opérateurs sont réduits de moitié. Au regard des enjeux qui entourent la protection du patrimoine, ces diminutions ne doivent pas nuire au financement des opérations de restauration et de réhabilitation.

Nous serons vigilants quant au financement du fonds de sûreté consacré à la sécurisation des sites patrimoniaux. Vous l'avez annoncé, madame la ministre, à la suite du cambriolage du musée du Louvre ; nous aurons l'occasion d'en débattre.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants défendra un amendement, adopté en commission à l'Assemblée nationale, visant à augmenter les crédits alloués au château de Chambord. L'aile François Ier du deuxième château le plus visité de France requiert des travaux urgents. Nous comptons sur votre mobilisation pour permettre d'engager rapidement ces travaux.

J'évoquerai enfin l'un des dispositifs phares du programme 361 : le pass Culture. Dans ce projet de loi de finances, les crédits pour le financement de son volet individuel s'élèvent à 127,5 millions d'euros. L'année 2025 est celle de l'entrée en vigueur de la réforme du dispositif, désormais recentré sur les jeunes de 17 et 18 ans et réduit à un montant de 150 euros par personne.

Quatre ans après sa création, le pass Culture s'est imposé comme un véritable outil d'émancipation culturelle et d'égal accès à la culture. Une réduction draconienne de ces crédits, comme l'a notamment proposé la commission des finances, menacerait gravement sa survie. De son côté, le groupe RDPI défendra au contraire un amendement visant à rehausser ses crédits.

Sous réserve des quelques mesures correctives que nous appelons de nos vœux, le groupe RDPI votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe UC.)

M. Adel Ziane. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la culture devrait traduire une ambition collective : garantir l'accès de tous aux œuvres, à la création et à l'émancipation culturelle.

Or le projet qui nous est présenté pour 2026 se lit d'abord comme une liste de retraits. C'est un budget que l'on doit décrire en soustractions : moins pour la création, moins pour la transmission, moins pour l'égalité d'accès.

En effet, les crédits de la mission accusent une baisse générale de 170 millions d'euros, passant de 3,918 milliards d'euros à 3,748 milliards, soit une baisse de 4,34 %, après une stagnation en 2025. J'insiste d'autant plus sur ce point que, selon la trajectoire pluriannuelle que l'on nous annonce, une nouvelle baisse est prévue pour 2027.

Cette contraction n'est pas marginale ; c'est une érosion structurelle de la présence de l'État dans les territoires, qui fragilise ceux qui en sont les acteurs.

J'en veux pour preuve le programme 131 « Création » : les crédits reculent cette année de 1,043 milliard à 1,009 milliard d'euros, soit une baisse de 3,25 % après une diminution en 2025 et avant une nouvelle diminution de 4,58 % prévue pour 2027.

L'action consacrée au spectacle vivant recule de 3,67 %, alors même qu'elle subit encore les effets de la crise sanitaire, de l'inflation et de la hausse continue des coûts de l'énergie.

Quant au soutien à l'emploi artistique, il chute de près de 7 %.

En l'état, ce budget affaiblit un écosystème déjà sous tension. Vous le savez tous, dans vos territoires, la situation de compagnies, de collectifs, de lieux intermédiaires, d'équipes techniques et d'artistes n'a jamais été aussi précaire. Leur dire aujourd'hui que l'État se retire davantage procède d'une forme d'irresponsabilité.

C'est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera plusieurs amendements pour réparer ce que ce budget fragilise.

Je pense notamment à notre proposition, portée par Karine Daniel, de réabonder le Fonpeps, afin que son financement corresponde aux besoins réels d'un secteur en tension. Sécuriser l'emploi artistique, c'est sécuriser la création elle-même.

Le deuxième pilier fragilisé concerne la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Ce programme 361 recule de 38 millions d'euros, passant de 760 millions à 722 millions, soit une baisse d'environ 5 %.

Cette baisse est principalement imputée sur l'action 02 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle », un levier majeur d'égalité qui, tombant de 102 millions en 2025 à 82 millions en 2026, perd 20 millions.

Madame la ministre, comment parler de démocratisation de l'offre culturelle lorsque l'un de ses principaux outils est ainsi amputé deux années de suite ?

Le groupe SER, via un amendement de Sylvie Robert, propose de rétablir les crédits de l'éducation artistique et culturelle à son niveau de 2024, afin de permettre à chaque enfant, dans tous les territoires, de mieux y accéder.

J'en viens maintenant à un point extrêmement important : le rôle des collectivités territoriales.

Madame la ministre, vous nous aviez annoncé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, un plan d'urgence de 40 millions d'euros pour soutenir les collectivités. À notre connaissance, il n'apparaît nulle part ; aucune action n'a été fléchée en ce sens dans ce PLF, alors que ce sont pourtant elles qui portent l'essentiel de l'action culturelle de proximité : les bibliothèques, les musées territoriaux, les conservatoires, les cinémas, les projets d'éducation artistique et culturelle, etc.

L'année dernière, nous avions souligné, en commission et dans cet hémicycle, les dangers des baisses de budgets pour les collectivités territoriales et les risques qu'elles entraînaient mécaniquement pour la culture.

Vous nous aviez répondu que, pour les collectivités, ce choix serait politique, qu'il leur appartenait de faire des arbitrages et d'en décider. Ce choix politique a été fait dans certaines régions ; ainsi, dans la région Pays de la Loire où, en 2025, une baisse de 60 % des crédits consacrés à la culture a été décidée par la présidente de région, soit environ 82 millions d'euros.

Chacun a pu ainsi constater combien cette manière de sabrer les dépenses de la culture affaiblissait fortement le tissu culturel de la région, mais également l'ensemble de son écosystème économique et touristique, puisque chaque festival, que ce soit dans une ville ou un village, participe à la dynamique économique locale à travers notamment les recettes d'hôtellerie et de restauration. Cela a, de fait, nui à l'attractivité de la région et de nombreux maires ont fait remonter ces difficultés.

C'est pourquoi nous vous aiderons, madame la ministre, à tenir vos engagements, puisque Sylvie Robert et les autres membres du groupe socialiste ont déposé un amendement visant à créer un véritable fonds d'urgence pour les collectivités, afin qu'elles puissent exercer pleinement leurs compétences culturelles. L'État tiendra ainsi sa parole.

Nous proposerons également de compléter les crédits du plan Culture et ruralité qui, pour l'instant, relève plutôt d'une annonce symbolique et ne correspond pas aux réalités de terrain.

Pour ce qui concerne les crédits du programme 175 « Patrimoines », Marie-Pierre Monier y reviendra en détail dans quelques instants. Je tiens d'ores et déjà à souligner que la stagnation des crédits consacrés aux musées n'est pas soutenable, alors que tous les responsables d'établissement nous alertent quant à la fragilité de leurs moyens, en particulier en matière de conservation, mais aussi, bien sûr, comme l'a rappelé le rapporteur spécial Vincent Éblé, en matière de sécurité face aux nouvelles menaces.

Madame la ministre, nous considérons que, en matière de culture, « moins » n'est pas un projet. Moins de moyens, c'est moins de créations, moins de pratiques, moins de droits culturels, moins de récits communs pour la Nation, alors que notre pays en a aujourd'hui énormément besoin.

En janvier 2024, lors de votre passation de pouvoir, vous aviez déclaré : « Chacun sait que j'aime me battre, et je serai donc toujours là pour défendre l'exception culturelle ». Madame la ministre, à la lecture de ce budget – et c'est un constat partagé par les orateurs qui m'ont précédé –, nous avons le sentiment que les armes ont été rendues. La volonté affichée doit trouver une concrétisation. J'espère que nous pourrons, à travers nos amendements, apporter des éléments de correction.

En l'état, le groupe SER votera contre les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias. (Vifs applaudissements sur l'ensemble des travées.)

M. Pierre Ouzoulias. Merci, mes chers collègues, il est difficile de résister à l'émotion. (Nouveaux applaudissements.)

Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, effondrement : ce mot, utilisé par notre rapporteure pour avis pour décrire l'évolution du budget du patrimoine, je l'utiliserai aussi pour caractériser l'ensemble des politiques publiques culturelles.

Cet effondrement ne survient pas avec cette proposition de budget ; il est le résultat d'un abandon progressif des ambitions que s'était données ce ministère à sa création et d'une externalisation de ses missions vers des opérateurs qui les mettent en œuvre de façon de plus en plus autonome et sous le contrôle d'une tutelle de plus en plus absente.

La juxtaposition de ces politiques culturelles ne saurait constituer une politique nationale.

Longtemps, les actions du ministère de la culture ont eu un bénéfique effet d'entraînement sur celles des collectivités. Ce levier est grippé.

Les directions régionales des affaires culturelles ont de moins en moins de moyens pour représenter l'État culturel en région, alors que les collectivités ont toujours plus de difficultés budgétaires pour soutenir seules leurs propres politiques. Leur désinvestissement accompagne aujourd'hui celui de l'État et menace un réseau d'institutions très fragilisées.

Pourtant, des sommes importantes ont été investies. Ainsi, le pass Culture aurait bénéficié d'environ 1 milliard d'euros de crédits depuis 2019. Sa part collective a sans doute été profitable, mais pourquoi ne pas avoir organisé ce soutien avec les Drac dans le cadre d'une politique cohérente et articulée avec celles des collectivités ?

Sur l'arbre des politiques culturelles nationales, ce greffon élyséen n'a jamais pris. Il est temps d'arrêter l'expérience et je voterai l'amendement de suppression de sa part individuelle, proposé par le rapporteur général de la commission des finances.

Plus fondamentalement, ce dispositif me semble symptomatique d'une évolution idéologique des politiques d'accès à la culture, qui rompt avec les missions historiques du ministère chargé de ce secteur. André Malraux avait conçu les maisons de la culture comme un instrument d'éducation accompagnant ses usagers vers des pratiques culturelles nouvelles pour eux. Il considérait la culture comme un instrument d'émancipation, une pratique qui bouleverse, dérange et émerveille. À rebours de cette conception, le pass Culture s'adresse, lui, à un consommateur qui, en fonction de son capital acquis et socialement déterminé, achète des productions aux « machines à rêves ».

Prophétiquement, André Malraux pensait que notre civilisation allait connaître un conflit majeur entre, « d'une part, les grands moyens de communication des masses, au service des instincts, avec leurs puissantes techniques d'assouvissement », qu'il décrivait comme des « machines à rêves », et, « de l'autre, des moyens d'expression aussi étendus, […] au service des images de l'homme que nous ont transmises les siècles, et de celle que nous devons léguer à nos successeurs ». Il estimait que le « grand combat intellectuel de notre siècle [avait] commencé » et que « la culture [était] devenue l'autodéfense de la collectivité, la base de la création, et l'héritage de la noblesse du monde ».

Ce dialogue constant entre le patrimoine continûment réinterprété et les œuvres de création constituait pour lui la spécificité de la culture, de son ministère et de ses missions.

Cet équilibre est rompu dans ce projet de budget. Le patrimoine subit une baisse draconienne de ses moyens, alors que les besoins des musées, des bibliothèques et des monuments historiques sont considérables. Les grandes institutions patrimoniales, comme le musée du Louvre ou la Bibliothèque nationale de France, sont victimes de leur gigantisme et doivent bénéficier en urgence d'investissements massifs pour leur permettre de continuer de recevoir des visiteurs, dont le nombre est bien supérieur à celui pour lequel ils ont été conçus.

À côté de ces grandes machines parisiennes, auxquelles sont de plus en plus consacrés les crédits du ministère, le chantier de la préservation du patrimoine non classé, et plus particulièrement des édifices religieux, est à l'arrêt. Laissé au bon vouloir de Bercy, le financement des CAUE a été amputé de 1,5 milliard d'euros. Alors qu'ils apportent une aide très précieuse aux maires, plusieurs d'entre eux vont ainsi disparaître.

Pour les collectivités, cette défaillance de l'État est le prodrome de son désengagement dans le patrimoine qui ne lui appartient pas. Les missions du ministère de la culture ont besoin d'être repensées et non pas uniformément amputées, comme le propose ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, Claude Monet écrivait à Georges Clemenceau : « Cher et grand ami, je suis à la veille de terminer deux panneaux décoratifs que je veux signer le jour de la Victoire et viens vous demander de les offrir à l'État, par votre intermédiaire ; c'est peu de choses, mais c'est la seule manière que j'ai de prendre part à la Victoire. » C'étaient Les Nymphéas, que le monde entier aujourd'hui peut contempler au musée de l'Orangerie à Paris. Il avait commencé à les peindre dès le début de la guerre, alors que son fils était mobilisé sur le front. Puis il les a offerts à la France, une fois la paix revenue.

À l'heure où le budget de la défense est devenu le premier budget de l'État, où le retour du service militaire est annoncé, je m'interroge : quels « Nymphéas » offrirons-nous aux générations futures ? Et je me désole de voir le ministère de la culture aujourd'hui relayé à l'arrière-plan de la politique gouvernementale, ce qui prive le pays d'un puissant facteur de paix et d'une catharsis en ces temps troublés.

Clairement, 2025 restera une année noire pour la culture, une année marquée par la diminution, voire la suppression totale des budgets culturels dans certaines collectivités, une augmentation des attaques contre la liberté d'expression artistique, une fragilisation des secteurs audiovisuels et du cinéma et la réduction des moyens alloués à la création originale.

C'est assez rare pour être souligné, la commission de la culture a voté contre les crédits de la culture prévus pour l'an prochain. Nous avons tous fait le constat que les moyens alloués au ministère de la culture ne lui permettraient pas de remplir correctement les missions que la loi lui confie, à savoir, d'abord, la préservation du patrimoine culturel.

Je pense bien sûr à la sécurité des musées, qui nous a beaucoup mobilisés ces derniers temps, après le cambriolage du Louvre, et, plus largement, à la préservation de notre remarquable patrimoine et de nos musées en région, qu'il faut rénover, sécuriser, mais aussi réveiller. Ces derniers sont souvent oubliés. Aussi, je me réjouis de la rénovation du musée Bonnat-Helleu à Bayonne, dit le petit Louvre, dans laquelle l'État a pris sa part.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Monique de Marco. Cela dit, c'est une exception, tant le déséquilibre entre, d'une part, les régions et, d'autre part, l'Île-de-France et Paris persiste. Selon une estimation de la Cour des comptes, l'État consacre en moyenne 200 euros par an et par habitant à la culture en Île-de-France contre 22 euros dans les régions. Un rééquilibrage serait nécessaire. Il s'agit d'une question d'équité. Malheureusement, nous craignons que la baisse des crédits du programme 175 « Patrimoines » ne concerne en premier lieu les dépenses d'investissement dans les territoires et les crédits d'intervention des Drac.

J'en viens à un constat récent : les augmentations des prix d'accès aux institutions culturelles, et cela ne concerne pas que les musées, constituent un obstacle à l'accès à la culture. Pour beaucoup de personnes ne pouvant bénéficier de réduction ou de gratuité, les prix d'accès au musée, au cinéma, au théâtre, au concert ou dans les festivals sont devenus dissuasifs.

Les prix d'accès aux fondations d'art me dérangent également. Comment expliquer que des institutions qui bénéficient de réduction d'impôt à hauteur de 66 % pratiquent des tarifications aussi élevées, sachant que les bénéfices sont privatisés ?

La politique de l'éducation artistique et culturelle est, elle aussi, sérieusement fragilisée par la diminution de la part collective du pass Culture. Nos travaux parlementaires ont permis de montrer les limites de sa part individuelle, dont les effets éducatifs sont à relativiser. Je regrette que sa mise en œuvre se traduise par une simple incitation à – j'assume ce terme – la consommation culturelle.

Il serait temps, à mon sens, de réinventer un nouveau modèle.

Les écoles d'art territoriales restent dans une situation difficile. Elles ne peuvent plus équilibrer leur budget et ont, pour certaines d'entre elles, épuisé leur fonds de roulement, ce qui contraint leur politique d'aide en direction des étudiants boursiers.

Dans ce tableau sombre, je souhaite toutefois saluer le plan pour le renforcement de la scène française d'art contemporain, qui deviendra peut-être à terme le prolongement de la loi Toubon pour les arts visuels. Ce plan a pour but de valoriser le travail des plasticiens vivant en France dans les institutions, notamment au travers de leurs politiques d'acquisition.

Madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux terminer cette intervention sans évoquer un sujet sur lequel je travaille depuis plusieurs mois : la continuité de revenus des artistes auteurs. À cet égard, j'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi qui sera discutée au Sénat la semaine prochaine.

Tous les artistes, tous les auteurs ont été un jour confrontés à des variations de revenus et certaines branches professionnelles sont touchées plus que d'autres par la précarité, en raison de l'absence de rémunération ou de la faible rémunération de leurs périodes de travail précédant la diffusion. Je pense notamment aux métiers des arts plastiques et aux auteurs. Madame la ministre, je vous demande de porter une attention toute particulière à ce problème de continuité des revenus des artistes auteurs avant cette discussion législative, la semaine prochaine.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la culture présenté par le Gouvernement pour l'année 2026 est incohérent et inadapté.

Madame la ministre, alors que vous étiez venue parader l'an dernier avec une augmentation inédite de votre budget, et notamment des crédits alloués à la restauration de notre patrimoine, vous voilà désormais dans une posture bien plus délicate, avec une baisse de vos crédits de 260 millions d'euros.

Ce budget est incohérent et inadapté, car, alors que nous avons assisté à une longue et insupportable suite de vols spectaculaires mettant en lumière l'absence d'investissements dans la sécurité de nos musées, vous ne réagissez pas à la hauteur de la menace.

La galerie du Muséum d'histoire naturelle, les musées de Langres, Limoges, Mialet, Sarran, sans oublier l'humiliation mondiale causée par le cambriolage du musée du Louvre, qui n'a entraîné ni limogeage ni démission de la présidente-directrice du premier musée du monde. Tous ces événements en seulement quelques mois démontrent que le Gouvernement est incapable de protéger nos collections et nos trésors nationaux. Voilà quelques jours encore, nous apprenions que des fuites d'eau avaient endommagé plusieurs centaines d'ouvrages, alors que la direction s'est aménagé de nouveaux cabinets de toilette. On pourrait en rire si cela n'était pas aussi pathétiquement dramatique, madame la ministre.

Le seul préjudice estimé du vol commis au Louvre s'élève à 88 millions d'euros : c'est exactement ce montant que je proposerai d'investir, par voie d'amendement, pour éviter que de tels actes ne se reproduisent. Un chiffre symbolique, mais qui dit tout : cet argent aurait dû être investi avant qu'il ne soit dérobé. Il s'agit donc de réparer par la prévention ce que votre inaction a coûté à la Nation.

En outre, les crédits alloués au patrimoine baissent dramatiquement de 58 millions d'euros. Cette contraction concerne principalement les dépenses d'investissement, divisées par près de deux, et traduit un recentrage de la politique patrimoniale sur la gestion courante, au détriment de la restauration.

Vous justifiez cette évolution par la fin du cycle de financement des grands chantiers liés à Notre-Dame de Paris, ce qui peut en partie expliquer le repli des crédits. Néanmoins, cette baisse généralisée dépasse largement l'ajustement ponctuel attendu et elle met en péril l'entretien d'un patrimoine national déjà très dégradé, notamment hors des grandes capitales régionales.

De nombreux édifices – églises rurales, châteaux communaux, fortifications ou bâtiments publics classés – se détériorent faute de moyens suffisants. Or leur restauration représente un enjeu culturel, économique et territorial majeur : elle soutient l'emploi artisanal local, dynamise le tourisme et entretient le lien entre les générations.

Ce sera l'objet de mon second amendement.

Enfin, le pass Culture est raboté, ce qui éloigne encore davantage les jeunes issus des classes populaires de la culture et creusant encore les inégalités entre les élèves.

Madame la ministre, ce budget étant hors sujet, il est impossible de le voter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a dans une œuvre d'art « quelque chose qui pense et qui pense sans mot », selon Daniel Arasse, quelque chose qui nous arrête, qui nous suspend, qui nous oblige à regarder autrement. Cette faculté silencieuse de l'art, cette pensée sans discours échappe aux catégories et ne se mesure jamais par des indicateurs.

En examinant ce budget, nous ne discutons pas seulement de subventions, de plafonds ou de trajectoires ; nous discutons de la capacité de notre pays à continuer de produire et de transmettre ces œuvres qui pensent autrement, ces œuvres qui élargissent ce que nous sommes, qui résistent à l'usure et parfois à la nuit, aurait dit Malraux.

En ces temps où le ciel budgétaire s'obscurcit, veillons à ne pas trop réduire la lumière.

Dans ce budget, les opérateurs nationaux et les scènes labellisées font face à une hausse structurelle de leurs charges. Les coûts de production artistique et technique augmentent, tandis que l'État leur demande de renforcer leurs ressources propres et de maintenir une offre exigeante et accessible. Les rapports budgétaires de la commission de la culture l'ont rappelé à plusieurs reprises, les scènes nationales et les centres dramatiques nationaux disposent de moyens importants, mais ces moyens varient fortement selon les labels et les territoires, ce qui affaiblit leur capacité de prendre des risques et de soutenir l'émergence.

Le patrimoine constitue un autre pilier sous tension. Une grande partie des monuments protégés appartient à des communes rurales ou de petite taille. Les travaux d'entretien et de restauration représentent pour elles une charge disproportionnée. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) nous a alertés sur le risque d'un affaiblissement durable de la place du patrimoine dans l'action publique, si l'État ne clarifie pas la répartition des responsabilités avec les collectivités et ne garantit pas une programmation pluriannuelle lisible. Le pacte patrimonial annoncé ne pourra être pleinement efficace que s'il répond à cette exigence de clarté et de visibilité.

La transmission et la démocratisation culturelle connaissent également une recomposition. Le pass Culture a fait l'objet d'évaluations convergentes. L'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) soulignent une forte concentration des usages et une difficulté persistante à toucher les publics les plus éloignés de la culture. La Cour des comptes juge quant à elle ce dispositif coûteux, insuffisamment piloté et peu efficace pour diversifier les pratiques. Nous plaidons, madame la ministre, pour un recentrage clair du dispositif sur ses objectifs de service public et pour un pilotage renforcé.

Les politiques d'éducation artistique et culturelle (EAC) connaissent les mêmes limites. Malgré l'engagement financier de l'État et des collectivités, les objectifs de généralisation et de réduction des inégalités territoriales ne sont pas totalement atteints.

Parallèlement, les contraintes pesant sur les collectivités locales s'accentuent. Selon les données du ministère de la culture et de l'Observatoire des politiques culturelles, les collectivités consacrent plus de 10 milliards d'euros par an à la culture, avec un effort particulièrement marqué du bloc communal. Cependant, les communes rurales et les intercommunalités doivent absorber l'augmentation des dépenses obligatoires, la hausse des coûts de l'énergie et l'entretien d'un patrimoine souvent lourd.

Les conséquences sont immédiates : reports de travaux, réduction des saisons, fragilisation des festivals, affaiblissement des structures indépendantes dans les territoires où les grands opérateurs ne sont pas implantés. Toutes les filières sont concernées, du spectacle vivant à la lecture publique. Mes chers collègues, le risque d'une fracture culturelle territoriale est bien réel.

L'État stabilise ses crédits sur certaines priorités, mais ne répond pas aux décalages structurels entre les besoins et les crédits disponibles. Depuis plusieurs années déjà, la commission de la culture, tout comme les professionnels du secteur, pointe le déficit d'une stratégie culturelle. Il est urgent de définir une visibilité pluriannuelle et de clarifier les responsabilités entre l'État et les collectivités, afin de redonner de la cohérence à l'ensemble de la politique culturelle.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE subordonne son vote aux résultats de la discussion en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également)

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté.

Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous dans cet hémicycle, la culture est l'un des fondements de notre pacte social. Aujourd'hui, alors que les fractures s'accentuent, elle est plus vitale que jamais. C'est pourquoi le débat budgétaire de cette année revêt une importance singulière. Au-delà des aspects financiers, c'est bien de feuille de route et de stratégie que nous parlons aujourd'hui.

Le contexte de 2026 est inédit. Le pacte culturel État-collectivités territoriales est fragilisé et se fissure. Ce message nous arrive des territoires et des acteurs concernés. Les budgets culturels des collectivités ont baissé de 7 % en 2025, alors qu'ils sont les principaux facilitateurs d'un large accès à la culture partout dans notre pays. Dans le même temps, les crédits déconcentrés des Drac baissent.

Ainsi, pendant que les collectivités se retirent, l'État ne compense pas et réduit son intervention. Faute d'orientation claire, le pacte d'une politique publique de la culture est abîmé par ce double désengagement. C'est donc une période à risque, dans laquelle la baisse d'accompagnement fragilise l'équité d'accès à la culture et la diversité de l'offre.

Dans ce contexte, le ministère doit plus que jamais jouer son rôle de capitaine de navire et proposer un cap.

Au lieu de cela, depuis des années, nous assistons à la multiplication des plans thématiques. Or une somme de dispositifs ne fait pas une politique : c'est un catalogue. La situation actuelle crée, au-delà de l'impact des mesures budgétaires, une insécurité intenable. Prenons quelques exemples.

Dans la création artistique, tous les maux que j'ai décrits se manifestent. Les contraintes pesant sur le secteur restreignent la proposition culturelle et mettent en péril la diversité des acteurs et de la création. Le risque est de laisser la porte ouverte à l'arbitraire ou aux choix trop convenus.

Si, pendant trois ans, nous avons connu une progression continue des crédits, cette année, c'est un coup d'arrêt net et brutal : – 3,9 % en 2026, une baisse touchant singulièrement le spectacle vivant. Les artistes individuels, déjà très vulnérables et qui sont historiquement les parents pauvres du budget de la culture, ne sont pas mieux accompagnés. Partout, on se demande, dans les lieux de création, comment on va finir l'année.

Les artistes le disent, l'optimisme n'est plus de mise. La situation des festivals est emblématique de cette déshérence. Nous savons pourtant à quel point ils contribuent à la vie de nos territoires. Ils font face à un paradoxe qui appelle une vraie réflexion sur leur modèle économique : alors qu'ils affichent des résultats exceptionnels, avec 90 % de jauges remplies pour un grand nombre d'entre eux, ils sont aussi en déficit pour la plupart. L'effet de ciseaux va en s'aggravant.

En matière d'EAC, l'absence de vision globale est tout aussi pathognomonique. Le pass Culture a fait office de politique publique, au détriment d'une vision. Il était censé être la clef ouvrant les portes de la culture à la jeunesse, promettant de donner le goût de la découverte et de l'imaginaire, incitant les jeunes à sortir, à aller vers l'œuvre, vers l'artiste, vers le monde et les autres. Voilà typiquement un dispositif ni bon ni mauvais, qui peut être amélioré, mais à condition qu'une feuille de route pour l'EAC soit préalablement écrite. Il ne faut pas faire les choses à l'envers…

Nous saluons le fait qu'un travail se soit engagé. Il devrait surtout être mené avec l'éducation nationale pour servir in fine un parcours d'émancipation culturelle. Or nous ne constatons aucun effet de vases communicants avec les actions en matière d'EAC à la main du ministère de la culture. Repensons ce dispositif comme étant l'un des éléments et non le socle de l'éducation artistique et culturelle.

J'en viens au fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), dont la sous-budgétisation chronique doit mener à une réflexion sur le soutien à l'emploi artistique. Pour 2026, 35 millions d'euros sont prévus, quand les besoins sont régulièrement estimés à près de 60 millions d'euros. Comment garantir un soutien à l'emploi artistique avec un tel écart ? Nous soutiendrons les amendements visant à abonder ce fonds. Un vrai travail doit s'engager avec les acteurs du secteur.

Venons-en au plan culture et ruralité. Il relève d'une très bonne intention, mais sa logique descendante, l'empilement de propositions et le sous-financement font de cette belle idée une liste à la Prévert. Certaines initiatives sont cependant excellentes, comme le plan artothèques. Depuis le Printemps de la ruralité, les territoires ruraux sont néanmoins peu associés à se déclinaison. Pour un plan dédié à la ruralité, il faut laisser au terrain l'initiative de proposer des actions ; il revient ensuite au ministère d'aider les collectivités porteuses des projets, même si ces actions ne rentrent pas dans les cases.

Les crédits déconcentrés des Drac étant en baisse, la part des projets ascendants pouvant être accompagnés est résiduelle. La culture dans la ruralité, c'est essentiel. La culture issue des acteurs de la ruralité, c'est vital.

Pour ce qui est des crédits alloués aux patrimoines, le mur d'investissements nécessaire devient une muraille. Mme la rapporteure pour avis de la commission de la culture constate l'effondrement du budget après l'embellie budgétaire des années précédentes. Au cours des dernières années, de grands et coûteux projets ont été choisis au détriment de l'entretien et de priorités vitales : le clos, le couvert, la sécurité et la sûreté, par exemple.

L'effet de ciseaux est toujours le même : augmentation des coûts et baisse de la contribution des collectivités et de l'État. Là encore, nous cherchons une feuille de route. Les schémas directeurs semblent être à la mode. Élaborons-les ! Y aura-t-il un schéma directeur national du patrimoine, des musées, pour l'entretien, pour la sûreté, pour la sécurité, par exemple ? Prévenir les désordres graves, c'est éviter les catastrophes, et cela coûte moins cher. Les cathédrales, qui, elles, ont bénéficié d'un plan, sont dans une meilleure situation. C'est la preuve par l'exemple : un plan financé, ça marche !

Faute d'inventaire complet et bien construit du patrimoine bâti, non bâti, paysager, et même des collections des musées, nous ne savons pas où nous en sommes. La situation est complexe, car le cadre de gestion l'est.

Entre ce qui est géré par le public, par le privé, par les deux, par des associations, par des établissements publics ou parapublics ; entre les musées gérés par un ministère, voire deux, les collectivités, le privé ; entre ce qui est accompagné par des fonds relevant du mécénat, d'autres du privé ou du public ; entre le classé, l'inscrit et le non-classé : tout contribue à l'absence de vision globale. Pourtant, le patrimoine est un tout et c'est notre mémoire collective. Il faut donc sortir de ces classifications et typologies qui se juxtaposent pour avoir un discours unique sur le patrimoine, quel que soit son statut.

Nous parlons beaucoup des outils : le loto, le grattage, l'entrée payante à Notre-Dame, le National Trust à la française – in trust we trust, affiché comme un mantra. Mais la question est : pour quoi faire ? Même les grands établissements et les édifices prestigieux pâtissent de ce manque de stratégie : le château de Chambord, le site du Mont-Saint-Michel, le Grand Palais, qui a dû absorber les agents du Centre Pompidou, le musée du Louvre. Ce n'est ni durable ni lisible.

Vous l'avez compris, madame la ministre, nous attendons de la discussion qui s'engage des améliorations budgétaires et des choix clairs. En effet, même avec des efforts, le budget doit rester au service d'objectifs stratégiques et lisibles.

Le groupe Union Centriste suivra, en l'état des discussions, l'avis de nos deux rapporteurs pour avis de la commission de la culture.

Un débat n'a lieu que si les portes ou, à défaut, les fenêtres restent entrouvertes. Parce que la culture occupe une place de premier rang, si singulière, dans nos politiques publiques, parce qu'elle est une évidence vitale dans le moment démocratique chahuté que nous traversons, nous comptons sur nos échanges, nos amendements et, surtout, vos propositions, madame la ministre, pour la doter d'un budget à la hauteur de ces enjeux. Que l'air et le bon oxygène entrent donc par les fenêtres pour que la culture respire de nouveau ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. C'est beau comme l'antique !

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les déficits publics sont abyssaux, nous le savons, et le sérieux budgétaire n'a pas été la qualité première des responsables politiques des dernières années. Pour autant, fallait-il faire de la culture la variable d'ajustement de la rigueur que nous impose la situation actuelle de nos finances ?

Derrière le mot « culture », nous avons des créateurs et des artistes passionnés, des producteurs engagés, des entreprises du patrimoine et des artisans d'art détenteurs de savoir-faire exceptionnels, des structures qui transmettent avec rigueur des connaissances et forment aux métiers artistiques. Nous avons enfin des collectivités locales convaincues du rôle qu'elles ont à jouer pour promouvoir et mettre en avant des projets rassembleurs.

Bref, la culture, c'est avant tout de l'humain et des œuvres.

Or le projet de budget pour 2026 va balayer tout cet écosystème comme une lame de fond, marquant une rupture sans précédent dans le financement de la culture.

Tous les programmes de la mission voient leurs crédits se rétracter. Les autorisations d'engagement sont en repli de 7 % et les crédits de paiement de 4 %.

Je suis très inquiète pour le secteur de la création. Il pâtit à la fois de mesures de régulation budgétaire des collectivités territoriales – comment leur en faire le reproche quand l'État fait peser sur elles une telle pression financière ? – et de la baisse drastique des crédits du ministère de la culture.

La création est exsangue après des années difficiles, au cours desquelles il a fallu s'extraire de la crise du covid-19 et faire face à l'inflation exponentielle du coût de l'énergie. Or la création artistique repose sur un modèle largement subventionné, faisant la part belle à des financements croisés entre collectivités territoriales et État.

Cette structuration du soutien à la culture est clairement en déclin, alors qu'elle garantissait jusqu'à présent la diversité de la production artistique et l'accès le plus large possible aux œuvres. Les structures labellisées sont contraintes de faire des choix cornéliens entre report des créations, suppression de représentations et programmations moins ambitieuses.

Le recul des moyens accordés par l'État au titre de ce projet de loi de finances est donc, à bien des égards, désastreux.

Le spectacle vivant est en grand danger. Nous en sommes tous convaincus, la diminution des crédits aura des conséquences néfastes sur les structures les plus fragiles, mais aussi sur l'emploi artistique et technique.

Comment ne pas évoquer la sous-budgétisation du Fonpeps, dont le rôle est de soutenir l'emploi pérenne dans le spectacle vivant ? Cette sous-budgétisation a de lourdes incidences pour les structures employeuses et donne lieu, malheureusement, à des retards trop fréquents de paiement des aides, alors que ces structures sont déjà confrontées à de sérieuses difficultés de trésorerie. Or le PLF pour 2026 ne tire aucune conséquence de cette situation, le montant de 35 millions d'euros inscrit étant très en deçà des prévisions d'exécution.

J'en viens à présent au pass Culture, pilier de l'EAC, dont la réforme a donné lieu à de fortes tensions.

Le redimensionnement de sa part individuelle a été mal pensé. Elle a en effet été concentrée sur les jeunes, dont les centres d'intérêt sont déjà très affirmés. Or le pass Culture a été massivement adopté par les jeunes, toutes classes d'âge confondues, ce qui a confirmé la pertinence de cette politique publique, dont la singularité résidait dans le libre choix qui leur était accordé pour acquérir des pratiques culturelles régulières.

Le livre ayant été largement plébiscité, ce succès a fait du pass Culture un instrument très utile pour le développement de la lecture. Dans tout le pays, ce même constat a été dressé sur le terrain par les libraires, qui s'étaient massivement investis dans le déploiement de l'offre.

La réforme mise en œuvre par le ministère de la culture a eu pour effet de vider le pass Culture de sa substance, et nous voyons aujourd'hui la part collective à son tour affectée par une mesure de régulation budgétaire tout aussi incompréhensible.

Enfin, l'EAC est à la dérive, avec des crédits qui n'évolueront pas par rapport à 2025 et se limiteront à un peu plus de 85 millions d'euros en crédits de paiement.

La pénurie de moyens se gère au détriment de l'objectif fondateur de l'EAC : encourager la participation des enfants et des adolescents à la vie artistique et culturelle par l'acquisition de connaissances, un rapport direct aux œuvres, la rencontre avec des artistes et professionnels de la culture, ainsi qu'une pratique artistique ou culturelle.

J'évoquerai à présent les enjeux liés au patrimoine.

Le programme 175, concentrant les crédits qui lui sont consacrés, est le plus affecté des programmes de la mission « Culture ». Une telle rupture est pour le moins paradoxale, alors que certains de nos monuments historiques les plus emblématiques – châteaux et églises – sont fortement dégradés et qu'ils auraient besoin d'un investissement massif.

Le plus symbolique d'entre eux, le château de Versailles, voit ses crédits de paiement amputés de 6 millions d'euros. Quant au Louvre, qui enchaîne les événements dramatiques depuis plusieurs semaines, sa dotation est réduite de 5 millions d'euros.

Globalement, les crédits alloués à la conservation du patrimoine sont en chute libre, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. Les crédits d'intervention des Drac vont se rétracter à due concurrence, mécontentant au premier chef les élus locaux, lesquels voient le patrimoine de leur commune se dégrader rapidement et, dans le pire des cas, atteindre un point de non-retour.

La concentration des crédits sur quelques grands projets interpelle à l'évidence, mais certains chantiers d'envergure se trouvent également affectés dans leur phasage et verront leur budget d'investissement lissé dans le temps. C'est le cas des travaux inscrits dans les schémas directeurs respectifs du château de Fontainebleau et du domaine national de Chambord.

Le défaut d'investissements continus fragilise la conservation du patrimoine. Il met aussi en péril l'activité de centaines d'entreprises hautement spécialisées dans la restauration des monuments historiques et, partant, les 40 000 emplois qualifiés du secteur.

Mes chers collègues, l'heure est grave.

La situation de la culture impose de changer de braquet. Sortons des schémas habituels de pensée, élaborés voilà des décennies. Mettons en place des politiques de soutien intelligentes, agiles, efficaces et correctement calibrées d'un point de vue budgétaire, dans le cadre d'une logique pluriannuelle.

Il est de notre devoir de législateur d'agir avec force pour que chacun puisse avoir accès à la culture, aux musées, aux joyaux de notre patrimoine, au spectacle vivant comme aux arts visuels, passés ou modernes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Sabine Drexler, rapporteur pour avis, et Sylvie Robert ainsi que M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2026 marquera, cela a déjà été rappelé, une rupture nette pour la politique patrimoniale de notre pays. Le freinage brutal des crédits du programme 175 « Patrimoines », conjugué à la disparition de toute visibilité pluriannuelle au-delà de 2027, fragilise directement les collectivités, les opérateurs et l'ensemble des acteurs concernés.

Derrière ces lignes budgétaires se trouve une réalité que chacun d'entre nous peut constater dans son département : un patrimoine qui se dégrade, des édifices vieillissants et des communes souvent seules face à des charges d'entretien et de restauration qu'elles ne peuvent plus assumer.

Les crédits octroyés en faveur de la rénovation du patrimoine au cours des dernières années laissaient entrevoir l'espoir d'avancer progressivement et sûrement. La baisse draconienne prévue en 2026, combinée à l'effet de ciseaux provoqué par l'inflation du coût des travaux et l'accélération du vieillissement des édifices, remet cet élan en cause. L'entretien courant, qui devrait constituer la première ligne de défense pour éviter les interventions d'urgence, toujours plus coûteuses, demeure très largement insuffisant.

Les crédits déconcentrés des Drac connaissent une baisse d'une ampleur inédite : ainsi, les autorisations d'engagement pour l'entretien et la restauration des monuments inscrits et classés diminuent de près de 40 %. Ce sont souvent encore les petites communes, au budget contraint, qui sont les plus directement touchées. La chute de moyens entraînera en outre le report d'un très grand nombre de chantiers dans les territoires.

De ce fait, l'écosystème des métiers du patrimoine, des PME spécialisées et des artisans hautement qualifiés sera touché de plein fouet par le ralentissement des chantiers.

La situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) est elle aussi très préoccupante. Dans plusieurs départements, ces organismes sont en grande difficulté financière, en raison de dysfonctionnements persistants dans la collecte de la taxe d'aménagement. Le CAUE de la Manche a même disparu après avoir été mis en liquidation. Les communes ne bénéficieront donc plus de cette ingénierie pourtant indispensable à la conduite de leurs projets architecturaux et patrimoniaux.

Je veux également rappeler une donnée particulièrement préoccupante : 67 000 monuments non protégés seraient aujourd'hui dans un état critique. Chaque euro investi dans un chantier de restauration engendre pourtant en moyenne 21 euros de retombées économiques.

Le patrimoine n'est pas seulement un héritage culturel ; c'est un moteur d'activité, de formation et d'emploi pour nos territoires.

Je tiens également à évoquer la situation financière particulièrement délicate d'un monument historique emblématique : le Mont-Saint-Michel.

Le site, qui fait face à des besoins d'investissement estimés à 38 millions d'euros d'ici à 2030, rencontre des difficultés de gestion liées à sa direction duale, assurée par un établissement public industriel et commercial (Épic) et le Centre des monuments nationaux (CMN).

Le modèle économique actuel, fondé sur un mécanisme de péréquation insuffisamment équilibré et propre au CMN, montre ses limites. Je propose à ce titre un amendement pour corriger cette situation. J'insiste sur l'importance d'y apporter un soutien large, car il y va de la pérennité de ce monument emblématique, deuxième site le plus fréquenté de France, classé au patrimoine mondial, ainsi que du dynamisme économique de toute la région.

J'aborderai enfin le sujet du pass Culture.

Il s'agit d'un outil précieux pour l'accès à la culture, particulièrement dans les départements ruraux, où la distance conditionne tout. Même si les ajustements annoncés touchent avant tout la part individuelle, la part collective, réduite à 2 ou 3 euros par élève, pourrait devenir plus difficilement utilisable. Nous serons attentifs à ce que ces ajustements ne pénalisent ni les acteurs culturels de terrain ni l'accès des jeunes aux pratiques artistiques sur l'ensemble du territoire.

Madame la ministre, la politique culturelle ne peut se réduire à des ajustements comptables. Elle incarne une vision de l'aménagement du territoire, de la transmission et du lien entre les citoyens et leur histoire.

Le budget de la mission « Culture » doit être voté pour assurer l'abondement du fonds de sûreté dédié à la sécurisation des sites patrimoniaux, dont la mise en place s'est révélée indispensable après la série de cambriolages survenue dans les musées. Cependant, la baisse des crédits alloués cette année est source de grande inquiétude pour la culture dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans sa lettre à Ludovic Vitet en 1834, Prosper Mérimée écrivait : « Les monuments sont la mémoire des peuples ; qu'on les détruise, et l'histoire s'efface. »

Voilà moins d'un an, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, nous avions dénoncé collectivement l'état très fragile de notre patrimoine bâti, à l'heure où près d'un quart des édifices protégés en tant que monuments historiques sont en mauvais état et que 5 % sont déclarés en état de péril.

Comment expliquer, dans ce contexte, la baisse de 106 millions d'euros, prévue par le présent budget, des crédits du programme 175 « Patrimoines » et la chute draconienne, à hauteur de 20,69 %, des moyens alloués à l'action n° 01 « Monuments historiques et patrimoine monumental » ?

Cette coupe brutale, qui s'inscrit par ailleurs dans un contexte de fortes tensions budgétaires pour nos collectivités, sera très lourde de conséquences pour l'ensemble du tissu d'entreprises et de professionnels mobilisés au quotidien, sur le terrain, dans la mise en œuvre des chantiers de sauvegarde du patrimoine.

Nous défendrons pour notre part, dans la suite de nos débats, l'obtention de moyens supplémentaires visant plusieurs objectifs.

Il s'agit, d'abord, de corriger la baisse des crédits affectés aux monuments historiques et aux patrimoines monumentaux prévue par ce budget pour 2026.

Il s'agit, ensuite, de revenir sur les 62 millions d'euros de baisse des subventions allouées à plusieurs musées et de doubler les crédits consacrés à l'action n° 08 « Acquisition et enrichissement des collections publiques », dont la trajectoire de baisse s'inscrit à rebours de la concurrence mondiale accrue sur le marché de l'art.

Il s'agit, en outre, d'améliorer l'attractivité de la profession d'architecte des Bâtiments de France (ABF) et de renforcer les effectifs des unités départementales de l'architecture et du patrimoine, actuellement insuffisants pour répondre à l'ensemble des demandes au plus près du terrain, et ce dans la lignée des conclusions de la mission d'information sur les ABF, que nous avons menée au Sénat en 2024.

Il s'agit, encore, d'augmenter la subvention attribuée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) pour lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions et, ainsi, améliorer les délais de réalisation.

Il s'agit, enfin, de rétablir les moyens alloués au fonds incitatif, ciblé et partenarial, qui apporte un appui précieux pour nos communes rurales. La baisse soudaine de moitié des crédits qui lui sont consacrés paraît en effet incompréhensible au regard du succès rencontré par ce fonds.

Nous espérons que ces propositions trouveront un écho favorable au sein de notre hémicycle.

Pour l'heure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera contre l'adoption des crédits la mission « Culture », dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis, applaudit.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés au titre de la mission « Culture » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 s'élève à 3,736 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 3,747 milliards d'euros en crédits de paiement.

Après plusieurs années de hausse, la mission « Culture » subira une baisse sensible de ses crédits en 2026. Malgré la diminution annoncée dans le projet de loi de finances pour 2025, les crédits de la mission ont été finalement relativement stables entre 2024 et 2025, et ce grâce à l'adoption d'amendements, ici, au Sénat : si les autorisations d'engagement ont ainsi diminué de 2,15 %, les crédits de paiement ont bénéficié d'une augmentation de 1,4 %. En conséquence, 2026 devrait être la première année de réelle baisse des crédits.

La mission « Culture » a la particularité de subventionner un nombre important d'opérateurs, 72, dont les budgets s'élèvent au total à 2,5 milliards d'euros.

Sont concernés aussi bien de grands établissements parisiens – l'Opéra de Paris, la Comédie-Française, le musée du Louvre – que de plus petits opérateurs implantés en région. Je pense aux écoles nationales supérieures d'art en région et aux monuments gérés par le Centre des monuments nationaux.

Les opérateurs du programme ont la particularité de bénéficier d'un taux élevé de ressources propres, dans la mesure où il s'agit bien souvent d'établissements ouverts au public, tellement ouverts, d'ailleurs, que certains visiteurs s'affranchissent du droit d'entrée en passant par la fenêtre…

Le montant cumulé des ressources propres des opérateurs du programme atteint, en 2025, 1,2 milliard d'euros, contre 1,3 milliard d'euros versés par l'État.

Les moyens accordés à la création artistique, qui m'est chère, continuent de dépasser le milliard d'euros, dans un contexte de dynamisme de la fréquentation du spectacle vivant. L'économie du spectacle vivant est ainsi relativement dynamique : en 2024, le ministère dénombrait, tous genres confondus, 65 millions de spectateurs, pour une recette de 2,4 milliards d'euros.

Pour ce qui est du patrimoine, la baisse des crédits réduira le lancement de nouvelles opérations, alors même que nous n'avons pas la capacité d'entretenir convenablement l'existant.

Ainsi, le programme 175 devrait être doté en 2026 de 1,279 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,047 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une diminution respective de 232 millions et de 106 millions d'euros. La chute des crédits aura inévitablement un impact sur l'ensemble des investissements prévus.

Alors que les crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle sont malheureusement relativement stables par rapport à 2025, et bien qu'elle ait montré toute sa pertinence dans le temps, l'argent public continue de ruisseler sur le fameux pass Culture. Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 127,5 millions d'euros. L'économie supplémentaire prévue en 2026 s'élève nominalement à 43 millions d'euros. Cette diminution découle de la réforme du pass Culture, mise en place par décret en février 2025, qui recentre le dispositif sur les jeunes adultes, tandis que les jeunes scolarisés bénéficient de la part collective du pass Culture.

Pourtant, force est de constater que les crédits consommés au titre du pass Culture sont chaque année supérieurs à ceux qui ont été prévus en loi de finances. Ainsi, les montants inscrits au projet de loi de finances risquent de nouveau de ne pas être suffisants pour 2025. Le ministère indique que, sous toute réserve, la situation devrait également se reproduire en 2026, les mêmes causes produisant inexorablement les mêmes effets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Éblé, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture – cher Laurent Lafon –, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames les rapporteures pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l'examen du projet de loi de finances pour 2026 intervient, comme je le disais déjà hier, dans un contexte particulièrement sensible, non seulement pour la culture mais aussi pour l'ensemble de notre pays.

Après avoir entamé l'année sans budget, nous l'achevons avec toujours la même nécessité de trouver des compromis au nom de l'intérêt supérieur de la Nation, sous le sceau de l'exigence de redressement de nos finances publiques.

La trajectoire de nos finances est en effet entrée dans une zone de grand danger, que personne ne peut ignorer et qui exige que nous prenions nos responsabilités. Le Premier ministre l'a dit et c'est la démarche suivie par le Gouvernement.

Dans ce contexte exigeant, l'année à venir est aussi une année de très grands défis pour la culture.

Au cours des cinq dernières années, l'État a toujours été au rendez-vous en augmentant continûment ses financements pour la culture, avec un accroissement de 1,4 milliard d'euros du budget du ministère. Cette augmentation, vous l'avez rappelé, monsieur Hugonet, était nécessaire.

Le projet de budget pour 2026 répond à une double nécessité. Il s'agit, d'une part, de redresser nos finances publiques. Le ministère de la culture y prend toute sa part, non seulement en consentant de véritables efforts, mais aussi en développant de nouvelles ressources. Il s'agit, d'autre part, dans le même temps, de ne rien céder sur la mise en œuvre de nos priorités et sur la réponse que nous apportons aux grandes questions de notre modèle culturel. C'est avec cette double perspective à l'esprit que je me présente devant vous aujourd'hui.

Les collectivités, de leur côté, vous le savez mieux que quiconque, supportent les deux tiers de la dépense culturelle de notre pays. Cette dernière constitue également le meilleur investissement pour l'avenir et l'attractivité de nos territoires.

La culture, singulièrement dans les territoires, façonne notre cadre de vie ; elle est vecteur d'attractivité touristique, facteur de croissance économique ; elle ouvre tous les Français, particulièrement notre jeunesse, à de nouveaux horizons. C'est le cœur battant de notre pays.

Dans un contexte où les budgets de nos collectivités sont si contraints, je veux saluer l'esprit de responsabilité de nos élus locaux, dont la très large majorité continue de faire le choix de la culture.

Depuis un an, je me suis pleinement engagée en faveur de la reprise culturelle partout où cela est possible, considérant que le contexte actuel constitue aussi une opportunité pour se réinventer.

Sauvegarder et consolider notre modèle culturel ; assumer de prendre une part légitime à l'effort collectif à faire sur nos finances publiques ; soutenir et accompagner nos acteurs culturels dans tous les défis qu'ils rencontrent ; être toujours à l'écoute de toutes les collectivités ; travailler à refonder le pacte culturel ; essayer d'accélérer et de porter les transformations nécessaires : voilà l'état d'esprit qui est le nôtre et qui a inspiré ce projet de budget.

Je considère que la culture est une politique, une mission régalienne dans toutes ses dimensions : elle incarne une dimension de cohésion, d'intégration, de réduction des inégalités, d'apprentissage tout au long de la vie des valeurs de la République. La culture française est une valeur républicaine.

Ce projet de budget en est évidemment la traduction.

Avec un total supérieur à 8,3 milliards d'euros en 2026, soit un niveau supérieur à celui de 2023, tous les secteurs disposeront des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux que je viens de vous décrire.

Après avoir examiné à vos côtés, hier, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », nous voici aujourd'hui réunis pour aborder ceux de la mission « Culture », pour un montant de 3,7 milliards d'euros tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.

Je commencerai en évoquant les moyens alloués pour l'année prochaine à la création artistique.

Ils demeureront à un niveau quasiment équivalent à celui de 2025, avec plus de 1 milliard d'euros de crédits prévus. La moitié de ces crédits, soit 450 millions d'euros, sera consacrée à nos territoires.

La création artistique est une priorité constante depuis que je suis arrivée au ministère de la culture, dans un contexte où les acteurs souffrent du désengagement réel de certaines collectivités. L'État se doit non seulement d'être exemplaire, mais aussi au rendez-vous, en particulier pour ceux qui sont les plus éloignés de la culture, notamment, donc, dans nos territoires ruraux.

Ces crédits renforceront, vous l'avez évoqué dans vos discours respectifs, le plan Culture et ruralité, que j'ai lancé dès mon arrivée au ministère de la culture : grâce aux 60 millions d'euros qui y ont déjà été consacrés au cours des deux dernières années, les résultats sont tangibles ; pour m'y rendre souvent, je sais comme vous combien ils ont une traduction concrète dans vos territoires.

Ce sont, par exemple, et cela me permet de répondre à votre préoccupation, madame Joseph, près de 70 festivals soutenus dans l'Hexagone et en outre-mer. Ce sont aussi 4 millions d'euros déployés pour soutenir des projets d'artothèques, dont vous avez rappelé l'importance, dans 43 départements, afin d'enrichir leurs collections et de faire entrer l'art dans le quotidien de millions de Français. Je mentionnerai également les 240 résidences d'artistes soutenues par nos Drac au cours des deux dernières années.

Par ailleurs, un tiers de la dotation du programme consacré à la création artistique contribuera au financement des 14 opérateurs nationaux de la création, qui bénéficieront donc de près de 363 millions d'euros.

Le soutien à l'emploi artistique se poursuivra en 2026. Madame Joseph, dans ce contexte où tout peut être remis en cause, j'ai obtenu la prorogation du Fonpeps, comme je m'y étais engagée lors de mon audition devant la commission de la culture. Il n'y aura pas de renoncement sur le soutien à l'emploi pérenne dans le spectacle : c'est clair et net !

Le dispositif est en cours de paramétrage dans le cadre d'échanges interministériels : les trois aides seront préservées et l'arbitrage définitif est attendu dans les tout prochains jours, ce qui permettra de conduire en urgence les consultations nécessaires et de viser une publication du décret de prorogation avant le 31 décembre prochain. Je me permets de préciser que, si le projet de loi de finances n'est pas adopté, tout cela sera remis en cause…

Mon ambition en matière de création artistique, en particulier dans les territoires, est donc intacte et mon engagement, inchangé : la culture doit être accessible à tous les Français dans tous les territoires.

J'aborderai maintenant les crédits concernant le patrimoine.

Conformément à un engagement constant du Président de la République, entre 2017 et 2025, le budget du patrimoine a augmenté de 40 %. C'est factuel. Ceux qui affirment que le patrimoine est une variable d'ajustement ne disent pas la vérité.

Dans le dernier budget, alors même que d'importantes contraintes budgétaires pesaient sur tout le monde, l'adoption d'un amendement gouvernemental a permis d'abonder le budget du patrimoine de près de 300 millions d'euros, grâce, vous l'avez rappelé, monsieur Hugonet, à votre soutien.

Au fond, ce que nous défendons sans relâche, c'est une conviction : celle que le patrimoine est la première porte d'entrée vers la culture.

Cette conviction se traduit très concrètement par l'importance des crédits consacrés au patrimoine, qui s'élèveront, en 2026, à plus de 1,15 milliard d'euros.

Ils serviront, en particulier, à la rénovation du centre Pompidou, qui a fermé ses portes voilà quelques semaines, et, en général, à la préservation, à la modernisation, à la restauration et à la consolidation de tant d'autres établissements, parmi lesquels je citerai : Fontainebleau, Versailles, les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, le palais de la Cité, la tour Saint-Nicolas à La Rochelle.

Ce sont autant de lieux auxquels nos concitoyens sont extrêmement attachés et qui font, évidemment, l'identité de notre pays.

J'évoquerai ensuite le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Investir dans le patrimoine, c'est investir aussi dans la création artistique. Pour un pays comme la France, cela n'a de sens que si chacun, peu importe d'où il vient, a vraiment accès à la culture et à ses métiers.

C'est ce que permet d'ailleurs le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Doté de 723 millions d'euros en 2026, il disposera des moyens permettant de poursuivre le déploiement des politiques publiques d'accès à la culture.

Dans cette enveloppe, j'ai fait le choix de la formation, de la médiation, de l'égalité des chances, de l'accompagnement et du soutien à nos équipements culturels comme à nos écoles.

En ce qui concerne le pass Culture, j'ai souligné dès ma prise de fonction combien il s'agissait d'un outil indispensable, mais qui devait être mieux ciblé, mieux géolocalisé, plus diversifié, pour éviter de devenir un outil de reproduction sociale ou, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur Ouzoulias, de consumérisme.

Pour cette raison, je l'ai recentré cette année sur les 17-21 ans, avec un bonus de 50 euros pour les jeunes dont les parents disposent de revenus modestes ou qui sont en difficulté ainsi que pour les jeunes en situation de handicap, afin d'en faire un outil plus équitable.

J'ai souhaité aussi mettre en place une médiation, ce qui n'existait pas auparavant. J'ai d'ailleurs renouvelé mes engagements auprès des acteurs de l'éducation populaire, qui œuvrent au développement de la médiation et de l'accès à la culture pour le plus grand nombre.

Le nouveau dispositif a permis de favoriser l'accès à la culture dans les territoires quand la médiation, justement, a contribué à donner accès à de nouvelles formes de culture. Au fond, plus de jeunes ont accès à la culture dans plus d'endroits et sous des formes plus diverses, tout en s'ouvrant également aux métiers de la culture.

Concrètement, le pass Culture représente près de 12 millions de réservations en 2024 pour sa part individuelle. Près de 45 % de ces réservations concernent d'ailleurs des offres Duo. C'est la preuve, je le redis, que le pass Culture est un outil au service du partage et du lien social, au service de la réduction des inégalités et de l'accès à la culture.

Je tiens à m'adresser à ceux qui veulent remettre en cause le pass Culture, en citant des données éclairantes, parfaitement établies.

Parmi les bénéficiaires, 66 % ont découvert en deux ans un nouveau lieu ou un lieu de culture ; ils n'avaient jamais mis les pieds dans un équipement culturel. Sur la part individuelle, plus de 10 % des bénéficiaires sont des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ce n'était pas le cas, rappelez-vous, lorsque je vous ai présenté ce dispositif ici même. Plus de 30 % des bénéficiaires habitent en zone rurale, quand ils n'étaient que 1 % au lancement du pass Culture.

Par conséquent, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, remettre en cause le pass Culture, c'est remettre en cause l'égalité des chances, pour ne pas dire la réduction des inégalités. Il est de notre responsabilité de pérenniser le pass Culture dans sa part individuelle et de favoriser ainsi l'accès à la culture. Avec la part collective, ce sont plus de 70 % des élèves du secondaire qui ont bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle.

Voilà le contexte dans lequel s'inscrit ce budget. Je terminerai mon propos en revenant sur certains points que vous avez soulevés.

Madame la rapporteure pour avis Sabine Drexler, monsieur Ouzoulias, vous avez eu raison de souligner l'importance des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, auxquels je porte une très grande attention. Ce sont des partenaires essentiels du ministère dans l'ensemble des territoires. C'est pourquoi j'ai demandé qu'une mission flash interministérielle, menée conjointement par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires culturelles et l'inspection générale de l'environnement et du développement durable, se penche sur la question afin de trouver les moyens de préserver les missions des CAUE et, surtout, de les réformer.

Monsieur le rapporteur spécial Rambaud, vous avez souligné à juste titre l'importance et la nécessité de réformer Universcience, compte tenu du montant de la subvention qui lui est versée, à savoir plus de 100 millions d'euros, alors même que ni le nombre de visiteurs ni le niveau des ressources propres n'ont véritablement augmenté. Il importe donc de revoir son fonctionnement et son organisation : tel est l'objectif assigné à la mission actuellement menée par les inspections générales des ministères de la recherche, de la culture et des finances. Une nouvelle présidence va être annoncée au début de la semaine prochaine. Tout cela doit permettre de répondre à une forte attente des Français, surtout à une époque où la culture scientifique est remise en cause.

Madame la rapporteure pour avis Sabine Drexler, une forte attention est accordée à Chambord.

M. Jean-François Husson. Et le château de Lunéville ? (Sourires.)

Mme Rachida Dati, ministre. J'ai débloqué, au titre d'un soutien exceptionnel, 2 millions d'euros pour la fin de gestion et je précise que 12 millions d'euros seront engagés pour les travaux dès 2026.

Monsieur le rapporteur spécial Vincent Éblé, madame Darcos, le ministère de la culture a consacré 117 millions d'euros à la mise en œuvre du schéma directeur bâtimentaire et technique du château de Fontainebleau, conformément à l'engagement pris par le ministère de la culture. En 2026, un million d'euros seront nécessaires pour poursuivre notamment le déploiement de ce schéma de sûreté. Les crédits seront pris sur le fonds de sûreté dédié à la sécurisation des sites patrimoniaux, dont la création a été annoncée et qui sera, je l'espère, abondé.

Madame Joseph, vous avez indiqué que 10 % des festivals avaient déjà disparu. Cela n'a rien d'anormal si nous considérons l'évolution sur plusieurs années. Chaque année, environ 10 % des festivals disparaissent, pour des raisons d'ailleurs variées. Certains ont une vocation éphémère, d'autres sont liés à un anniversaire ou à un événement très spécifique : leur disparition n'a alors pas véritablement de signification.

D'ailleurs, il disparaît autant de festivals qu'il s'en crée. Nous sommes le pays des festivals, l'un des rares au monde à en avoir autant sur l'ensemble du territoire. Le Baromètre des festivals, que j'ai créé, n'a d'ailleurs pas décelé d'augmentation du taux de disparition.

Tels sont, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les éléments d'information que je tenais à vous apporter sur les différents programmes de la mission « Culture ». Tel est le contexte dans lequel s'inscrivent ce budget et les grandes priorités que je vous ai annoncées, qui continueront de nous mobiliser en 2026 avec la même détermination. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures,

(À suivre)