Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadine Bellurot et M. Laurent Somon applaudissent également.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, si, comme je l'espère, le Sénat vote en faveur de cette mission, le ministère de la justice verra ses crédits s'élever à 10,7 milliards d'euros, soit 266 millions d'euros de plus qu'en 2025, une année déjà marquée par une progression importante.

À l'heure où le projet de loi de finances supprime 3 000 postes dans la fonction publique d'État, nous en créons 1 600 de plus au ministère de la justice, ce dernier étant sans doute le ministère ayant le moins de fonctionnaires.

Le Gouvernement réalise donc un effort très important, conforme à la loi de programmation de la justice que vous avez adoptée, alors qu'un certain nombre d'événements exceptionnels d'un point économique se sont produits entretemps : covid, difficultés liées à la guerre en Ukraine, crise de l'énergie, situation budgétaire de notre pays, etc.

Avec le ministère des armées, le ministère de la justice est ainsi le seul ministère dont les crédits se maintiennent, voire – je vais le démontrer – augmentent.

C'est d'ailleurs la première fois depuis plus de quarante ans que ce ministère ne connaît aucune annulation de crédit. Les votes budgétaires de l'année dernière ont été intégralement respectés, à l'euro près.

En outre, 29 millions d'euros supplémentaires ont été ajoutés en faveur de la politique pénitentiaire et de la sécurisation des prisons. Il s'agit donc d'une base tout à fait sincère, qui correspond exactement à la programmation de la justice, contrairement aux affirmations de M. Brossat et d'autres intervenants.

J'avoue d'ailleurs que j'ai du mal à comprendre le vote négatif des groupes communiste et écologiste, qui vont, en l'espèce, se prononcer contre la création de 1 600 postes budgétaires de magistrats, agents de la PJJ et autres agents pénitentiaires, quand, en 2016, M. Urvoas, ministre du gouvernement qu'ils soutenaient, dénonçait ici même la « clochardisation » de la justice.

Nous sommes tout à fait d'accord sur le fait que la justice manque cruellement de moyens, qu'il s'agisse de ses personnels – magistrats, agents pénitentiaires, agents de la PJJ, etc. –, de son parc immobilier ou des structures d'insertion ou d'accompagnement des victimes.

Néanmoins, lorsque, sous les différents gouvernements du Président de la République, les crédits de la justice ont augmenté de 35 % en sept ans, il faut s'en réjouir, même s'il reste encore des efforts à faire. Je suis très heureux de pouvoir vous confirmer ces hausses budgétaires, malgré les difficultés que nous connaissons et qui touchent tous les ministères.

Le ministère de la justice, qui obtient ainsi plus de crédits et qui continuera d'en recevoir davantage dans les années à venir, doit aussi savoir les gérer ; il ne suffit pas de les demander au Parlement !

À ce titre, je souhaite apporter une précision. Pour l'autorité judiciaire, l'indépendance ne s'applique pas à l'utilisation des crédits, ni des ramettes de papier, ni des frais de justice, ni des stocks de véhicules que l'on garde lorsque l'on fait des confiscations. L'indépendance, c'est l'indépendance juridictionnelle.

Le garde des sceaux a le droit, et même le devoir, en tant que chef de l'administration du ministère de la justice, de demander des comptes et d'accepter des motivations de réforme à l'ensemble des cours.

Aussi, et pour la première fois, j'ai adressé une circulaire de bonne gestion aux chefs de cour, avec des objectifs chiffrés. Le dialogue de gestion avec la direction des services judiciaires a lieu en ce moment. Et nous constatons un renforcement de notre efficacité face à ce que le Parlement avait qualifié de « scandale » et que la Cour des comptes avait dénoncé dans de récents rapports. Je vous en donne deux exemples.

Premièrement, un rapport ayant fait date montrait que les frais de justice augmentaient chaque année de 10 %, notamment pour la géolocalisation ou les écoutes téléphoniques réclamées par les services enquêteurs. Cette année, la hausse n'est, selon les travaux de M. le rapporteur spécial Antoine Lefèvre, que de 0,3 %. C'est le signe à la fois d'une maîtrise de nos frais de justice et d'une bonne gestion de la part des magistrats, ce dont je les remercie grandement.

Deuxièmement, le ministère accumule des véhicules saisis par les procureurs de la République avec le concours des forces de l'ordre – il y en avait 32 500 à mon arrivée place Vendôme –, et, comme il ne les revend pas ni ne les détruit, il doit payer la fourrière. Chaque année, cela représente un coût de plus de 60 millions d'euros pour la fourrière, parce que nous ne savons pas bien gérer notre parc de véhicules.

Or, à la suite de l'instruction que j'ai adressée aux chefs de cour, ce montant a baissé de 10 %. Et je souhaite qu'il diminue encore de 10 % à 15 % l'année prochaine, notamment en affectant systématiquement des greffiers à la gestion de ce stock.

Voilà des exemples concrets de diminutions de crédits du ministère de la justice : moins de stocks de fourrières à gérer, plus de magistrats. Cela correspond, je pense, à ce que vous attendez aussi du ministre : qu'il gère son administration.

Je veux également saluer l'action de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Nous aurons l'occasion, monsieur le rapporteur spécial Antoine Lefèvre, de discuter d'une proposition de loi visant à améliorer le travail de cette agence, qui a saisi plus de 1,9 milliard d'euros d'avoirs criminels cette année – et l'année n'est pas finie –, soit une hausse de plus de 40 %. Ces saisies-confiscations démontrent, me semble-t-il, que la justice peut aussi rapporter.

La justice doit également bien dépenser dans les projets numériques – vous êtes plusieurs à y avoir fait référence –, notamment pour régler les problèmes constatés. Je pense ainsi au logiciel Portalis, qui a du mal à arriver dans les juridictions, mais aussi à la procédure pénale numérique.

De même que j'avais mis en place le prélèvement à la source en tant que ministre des comptes publics, j'ai décidé d'organiser les choses différemment – je remercie M. le rapporteur spécial d'avoir souligné les améliorations des projets numériques de la justice –, en créant un portail unique du justiciable, une forme d'« impôt à la source » du ministère de la justice, où chacun pourra suivre l'avancée de sa plainte ou de sa démarche auprès des juridictions, sur le modèle de Télérecours pour la juridiction administrative.

Nous devons cette information aux victimes, parfois aux accusés, et encore plus aux avocats, pour qu'ils puissent suivre les procédures et pour que nous puissions diminuer nos charges de papier. J'aurai l'occasion de préciser un certain nombre d'autres économies dans le projet de loi visant à assurer une sanction utile, rapide et effective (Sure).

Vous avez toutes et tous dénoncé à juste titre l'indignité d'une partie de nos prisons, ainsi que les difficultés de vie des agents pénitentiaires et des détenus. C'est pour cela que nous devons continuer à construire des prisons. Cette année, il y a eu une accélération, et 1 600 places ont été ouvertes.

Mardi prochain, j'aurai l'occasion d'inaugurer avec le Président de la République la troisième partie des Baumettes, qui réduira en partie la surpopulation carcérale de Marseille. Et 3 000 places de prison modulaires en béton seront construites dans les deux ans qui viennent.

Le premier établissement concerné, madame la sénatrice, sera inauguré à Troyes au mois d'octobre prochain. Nous construisons désormais des prisons en un an et demi, contre sept ans en général, et pour deux fois moins cher ! Nous étions auparavant à 400 000 euros la place de prison ; nous sommes désormais à 200 000 euros la place. Vos crédits sont bien utilisés.

Je comprends que M. Brossat a fait référence au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Cela tombe bien : le texte législatif que je présenterai reprendra exactement le principe qu'il a évoqué. Ces deux pays sont en effet les seuls en Europe à prévoir de courtes peines. J'espère que M. Brossat nous soutiendra : avec les courtes peines, nous pourrions en effet construire un modèle carcéral et d'insertion qui soit différent.

Je ne suis pas tout à fait d'accord sur les statistiques de la récidive que M. Brossat évoque. Partout en Europe, nous avons les mêmes chiffres – 70 % de récidive –, et cela pour une raison assez simple : les gens qui entrent en prison sont déjà eux-mêmes très récidivistes ; il est donc difficile de les inscrire dans un parcours de désistance. En outre, ils ont des addictions très importantes, liées à l'alcool ou à la drogue.

Je me dois d'évoquer aussi les maladies psychiatriques, qui me paraissent la grande indignité de nos prisons : nous enfermons les fous. En effet, 25 % des détenus en France ont une maladie psychiatrique reconnue médicalement avant leur entrée en prison. Et l'on demande au ministère au ministère de la Justice, notamment à l'administration pénitentiaire, de gérer des personnes qui devraient être non pas dans des prisons, mais dans des hôpitaux spécialisés.

À mon sens, le jour où nous aurons une grande discussion sur nos politiques carcérales, il faudra aussi que le ministère de la santé soit au rendez-vous pour ouvrir des établissements spécialisés où enfermer des personnes qui, certes, ont commis des délits et des crimes, mais qui ne doivent pas être gérées par les agents pénitentiaires. (Mme Nadine Bellurot et M. Laurent Duplomb applaudissent.)

Je veux d'ailleurs saluer le grand courage des agents pénitentiaires, qui, malgré leur absence de formation et de sécurité, continuent à gérer des personnes dont personne ne veut dans le système médical.

Les hôpitaux psychiatriques constituent l'une des réponses au problème de la surpopulation carcérale. De même, les 25 % d'étrangers dans nos prisons doivent également quitter le territoire national lorsqu'ils ont été condamnés. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

L'aide juridictionnelle a aussi été abordée. Contrairement à ce que j'ai entendu, les plus pauvres d'entre nous ne seront pas empêchés d'accéder à la justice. En effet, l'aide juridictionnelle est augmentée du fait du droit de timbre.

Je le rappelle, sans le droit de timbre, nous avons déjà augmenté de 400 millions d'euros l'aide juridictionnelle en six ans. Cela pose la question de la manière dont les avocats peuvent vivre dans un modèle économique particulier, mais je pense qu'ils y réfléchissent. Je connais des barreaux où, à plus de 60 %, les avocats vivent de l'aide juridictionnelle, ce qui ne me paraît pas extrêmement sain pour la profession. J'ai l'occasion d'en discuter avec ses représentants.

Je suis favorable aux unités supplémentaires pour les victimes, pour les comparutions immédiates et pour les enfants. J'ai apporté mon soutien à la proposition de loi socialiste qui a été votée voilà quelques heures à l'Assemblée nationale, pour que les enfants aient un avocat.

L'aide juridictionnelle augmente, non pas forcément en montant, mais en unité de valeur. Elle sera payée par ce droit de timbre. Cela ne signifie nullement que les gens qui sont à l'aide juridictionnelle devront acquitter ce droit. Celui-ci sera payé par ceux qui en ont les moyens, et les plus pauvres d'entre nous auront toujours un accès absolument gratuit à la justice. Je pense que c'est une bonne mesure.

Je rappelle que les droits de timbre précédents n'étaient pas affectés directement au budget de l'aide juridictionnelle. Aujourd'hui, c'est le cas. La justice paye ainsi la justice.

En ce qui concerne la PJJ, je ne puis qu'être d'accord avec les propos de l'ensemble des orateurs. J'aimerais même tirer des conclusions assez radicales – vous l'avez compris –, notamment en mettant fin aux centres éducatifs fermés et en recréant pour la première fois depuis plus de quinze ans des postes en net à la PJJ ; je le dis à l'intention des sénateurs de tous les bords politiques.

Vous avez raison, mesdames, messieurs les sénateurs, le fait qu'ils soient souvent contractuels est un problème. Pour ma part, je crois au statut de la fonction publique, y compris évidemment pour les agents de la PJJ, qui font un travail difficile. Le métier d'éducateur est métier exigeant. Il suppose d'avoir reçu une formation importante. Le statut de la fonction publique est utile pour respecter la laïcité, lutter contre la corruption, mais aussi, tout simplement, appliquer le droit républicain.

Nous n'avons pas recréé seulement 70 postes. Avec la transformation des centres éducatifs fermés, il y a désormais plus de 150 postes supplémentaires en milieu ouvert.

Dès l'année prochaine – j'en fais l'annonce aujourd'hui –, nous pourrons doubler le nombre des agents de la PJJ à Marseille, qui a baissé depuis plus de quinze ans, alors qu'il y avait plus de mineurs délinquants et plus de dossiers de victimes ou d'auteurs de faits à traiter dans les tribunaux pour enfants.

Nous savons tous qu'une partie des mineurs concernés sont concernés par le narcotrafic. Cela demande une grande présence des éducateurs. Nous porterons le nombre d'agents de la PJJ de 70 à 140 l'an prochain à Marseille. Nous nous y sommes engagés avec le nouveau directeur, que je viens de nommer.

Nous réaffecterons sur le terrain et en milieu ouvert des agents de la PJJ qui, jusqu'à présent, travaillaient dans des conditions extrêmement difficiles et ne pouvaient pas remplir leur office.

C'est d'ailleurs pour cela que j'ai décidé la présence de 50 juges des enfants supplémentaires parmi les magistrats qu'il nous restait après les annonces d'Annecy. L'objectif est de faire baisser le nombre, qui restera toujours trop élevé, de dossiers par juge pour enfant, afin de continuer à soutenir notre jeunesse.

Nous sommes loin du « tout-carcéral » que certains ont évoqué. Je le rappelle, pour 86 000 détenus, il y a plus de 200 000 personnes en milieu ouvert. Il y a donc trois fois plus de personnes condamnées en milieu ouvert qu'en milieu fermé. Il y a peu de pays qui présentent des statistiques comparables.

En outre, dans la moitié des cas, quand une peine est prononcée, personne ne fait un jour de prison. Nous sommes donc bien loin du « tout-carcéral ». C'est d'ailleurs ce qui rend sans doute les peines non effectives. Oui, l'exécution des peines est l'énorme problème de notre système pénal.

C'est la raison pour laquelle, m'inspirant des travaux du Sénat, je vais présenter le projet de loi Sure, qui sera soumis à la consultation sociale dès ce lundi, où je recevrai l'ensemble des syndicats du ministère. Au mois de janvier, nous aurons présenté le texte en comité social d'administration (CSA) ministériel. Il sera ensuite transmis, madame de La Gontrie, au Conseil d'État au mois de février prochain, pour un passage en conseil des ministres sans doute au mois de mars et une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en avril prochain, après la pause liée aux élections municipales.

Je vais entreprendre de nouvelles discussions politiques. J'ai d'ailleurs reçu chaque groupe voilà deux mois pour évoquer ce texte, que j'espère le plus consensuel possible. Il est fondé sur la rapidité de l'ajustement criminel et l'exécution des peines, notamment avec la fin des aménagements de peine obligatoires. Ce sont ces derniers qui ont fait augmenter le quantum des peines.

Quand je suis né, en 1982 – c'est, je crois, le cas de l'immense majorité des sénateurs ici présents (Sourires.) –, le taux moyen de présence en maison d'arrêt quand on était condamné était de quatre mois. Aujourd'hui, il est de douze mois. En effet, même si cela peut sembler contre-intuitif, l'aménagement de peine obligatoire a forcé les magistrats – tout le monde l'a fait ; ce n'est pas une question politique – à augmenter le quantum des peines prononcées.

En effet, comme vous l'avez souligné, monsieur Vogel – je vous remercie de votre intervention –, et contrairement à ce que certains prétendent, les magistrats ne sont pas laxistes. En revanche, ils sont contraints par le nombre de places de prison, par les aménagements obligatoires et par un code pénal parfois mal écrit.

Je voudrais remercier l'ensemble des parlementaires de leur soutien à la mission « Justice ». Je serai favorable à certains des amendements dont le Sénat est saisi.

Bien entendu, il manquera toujours des crédits à la justice. Sans doute faudra-t-il demain une nouvelle loi de programmation de la justice. Il nous manque 4 000 agents pénitentiaires et sans doute quelques milliers de magistrats ; nous avons trois fois moins de magistrats du siège et quatre fois moins de procureurs de la République que nos voisins allemands. Et il nous faut aussi pouvoir continuer à accompagner les associations.

Cher Thani Mohamed Soilihi, je me rendrai à Mayotte au cours de la première semaine de février 2026. Nous aurons l'occasion de travailler sur les dossiers spécifiques du nouveau foyer, de la prison de Majicavo et du tribunal judiciaire.

En ce qui concerne les violences faites aux femmes, je suivrai les recommandations du rapport que j'avais demandé à Mme Joly-Coz et à M. Corbaux. Il y en a deux qui me paraissent particulièrement urgentes à mettre en œuvre sans texte législatif.

D'une part, le contrôle coercitif doit désormais s'appliquer partout dans les jurisprudences des tribunaux.

D'autre part, l'organisation le même jour de l'audience unique pénale et civile permettra de gagner du temps et de l'énergie et de ne pas exposer les victimes à des contraintes et vexations supplémentaires.

Je prendrai une circulaire d'organisation pour que se tiennent le même jour, autant que faire se peut – ce sera déjà le cas à Bordeaux dès l'année prochaine –, des audiences uniques pénales et civiles. Cela permettra que les femmes soient durablement protégées. Tel est le sens du rapport qui m'a été remis. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Justice

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Justice

12 677 796 907

13 054 866 088

Justice judiciaire

4 699 736 966

4 764 293 600

dont titre 2

3 225 994 681

3 225 994 681

Administration pénitentiaire

5 202 016 490

5 548 908 621

dont titre 2

3 577 268 990

3 577 268 990

Protection judiciaire de la jeunesse

1 167 369 035

1 159 590 897

dont titre 2

709 749 261

709 749 261

Accès au droit et à la justice

808 493 251

808 493 251

Conduite et pilotage de la politique de la justice

794 682 623

767 090 572

dont titre 2

260 250 459

260 250 459

Conseil supérieur de la magistrature

5 498 542

6 489 147

dont titre 2

3 978 491

3 978 491

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-2217, présenté par M. G. Blanc, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

Administration pénitentiaire

dont titre 2

130 000 000

90 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

130 000 000

90 000 000

SOLDE

- 130 000 000

- 90 000 000

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, la représentation nationale, devant laquelle vous vous exprimez, a besoin de clarté et de transparence. Le plan 15 000 places pour la période 2023-2027, devenu entretemps le plan 18 000 places, a été présenté. Son coût s'élèverait à 5 milliards d'euros.

On a évoqué la surpopulation carcérale qui augmente, en raison d'une politique pénale faite quelquefois de coups de menton et vise toujours à durcir les peines. L'administration pénitentiaire, elle, ne parvient pas à construire les places annoncées : à ce jour, le plan n'a été réalisé qu'à hauteur de 35 %.

Derrière ces places il y a des vies humaines, celles des professionnels pénitentiaires et des prisonniers, mais aussi des budgets, ceux de l'État et des collectivités territoriales. Ces dernières accompagnent les projets de création, notamment dans le cadre de leur plan pluriannuel d'investissement (PPI), qui est consacré à la construction de routes ou à des réaménagements.

J'y insiste, monsieur le ministre, nous avons besoin de transparence et de réponses claires. Le plan 18 000 places a-t-il été réorienté ou a-t-il été arrêté ? La politique pénitentiaire a-t-elle été reconfigurée ? Si oui, comment, et à quel rythme ? Enfin, de quels moyens avez-vous besoin ?

Mme la présidente. L'amendement n° II-667, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

Administration pénitentiaire

dont titre 2

40 000 000

40 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

40 000 000

40 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Cet amendement vise à rétablir la trajectoire budgétaire de la justice, telle qu'elle a été votée dans la LOPJ, promulguée le 20 novembre 2023, et à rattraper la baisse drastique de près de la moitié des autorisations d'engagement prévues dans le présent PLF.

Le Gouvernement avait acté un très net recul du budget de l'immobilier pénitentiaire, alors que celui-ci avait déjà subi le coup de rabot décidé à la hâte en janvier 2025.

Il est impératif de rétablir le budget de l'immobilier pénitentiaire, pour, enfin, réaliser le plan 15 000 places. C'est ainsi que nous pourrons conduire les politiques de lutte contre la délinquance de plus en plus violente qui accompagne la cartellisation de nos quartiers et de nos prisons.

Pour atteindre cet objectif, nous proposons, dans la limite fixée par la LOPJ, une reventilation globale des crédits, ce qui permettra d'augmenter de façon prioritaire les moyens de l'administration pénitentiaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. L'amendement n° II-2217 vise à réduire de 130 millions d'euros les crédits de l'administration pénitentiaire, au motif que la construction de nouvelles prisons est moins rapide que prévu.

Or ces crédits sont destinés non seulement aux projets livrés dans l'année, mais aussi aux projets en construction, ainsi qu'à l'entretien et à la maintenance.

En outre, un certain nombre de projets sont en cours de reconfiguration, par exemple avec la construction de modulaires, dont une livraison plus rapide peut requérir des crédits disponibles.

Le programme 107, notamment son action n° 01, qui couvre les crédits immobiliers, n'est pas caractérisé par une sous-exécution importante des crédits de paiement. En effet, en 2024, l'action n° 01 a consommé 97 % des crédits de paiement prévus par la loi de finances initiale.

En 2025, ce programme a été le seul de la mission « Justice » qui n'a pas subi d'annulation de crédits en vertu du décret du 25 avril. En outre, il n'a été concerné que par des annulations limitées dans la loi de finances de fin de gestion.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui pourrait mettre en difficulté l'exécution du budget.

Quant à l'amendement n° II-667, il vise à augmenter de 40 millions d'euros les crédits du seul programme 107, afin, selon ses auteurs, de respecter la trajectoire de la LOPJ.

Or cette trajectoire a été suivie quasiment dans son intégralité, comme en témoignent les crédits de la présente mission. Nous pouvons nous en réjouir, compte tenu de la forte contrainte budgétaire qui pèse sur la gestion de nos finances publiques.

Pour ces raisons, la commission émet également un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je note que ces deux amendements ont des objets différents.

Il est quelque peu paradoxal, monsieur Blanc, de demander de construire plus de places de prison et de proposer, en même temps, une diminution de crédits du ministère de la justice. J'imagine que vous défendez un amendement d'appel, afin que nous puissions discuter de ce sujet.

Concernant le plan 15 000 places, 480 millions d'euros étaient inscrits en 2024 et 625 millions d'euros sont prévus en 2026 : il n'y a donc ni orientation ni arrêt.

Des prisons sont construites en ce moment même. Pour rappel, 1 600 places dans les prisons de Nîmes, de Villenauxe-la-Grande et de Marseille auront été ouvertes cette année.

D'autres prisons ouvriront l'année prochaine. Certaines d'entre elles attendent d'ailleurs le logo de Bercy, si j'ose dire. Je pense notamment aux prisons d'Angers et de Nîmes.

Notez que, dans certains territoires, les élus s'opposent parfois à la construction d'un centre pénitentiaire : c'est le cas dans le Val-de-Marne, dans les Yvelines et en Occitanie. Les permis de construire ne sont donc pas délivrés.

Des réorientations ont été décidées pour le fonctionnement et l'organisation de prisons modulaires en béton de plus petite taille. Nous avons augmenté de 1 500 à 3 000 le nombre de places dans les quartiers de semi-liberté.

Enfin, nous avons différencié les prisons de haute sécurité des maisons d'arrêt, qui accueillent les détenus devant purger une courte peine, par exemple pour des faits de violences intrafamiliales. Pour ces établissements, j'ai ordonné la création de 3 000 places.

Bref, il n'y a pas de réorientation, monsieur le sénateur. Il est vrai que la construction de nouvelles places a pris du retard en raison du covid et de permis de construire qui ne sont pas délivrés. Il faut dire aussi que leur coût a augmenté de 30 %.

Les crédits du ministère n'ont absolument pas baissé. Ils profitent même d'une augmentation importante depuis que j'ai été nommé garde des sceaux.

Je sais que, avant mon arrivée au Gouvernement, des crédits importants ont été annulés, notamment en matière d'investissement, mais je les ai fait immédiatement rétablir, dans la suite du débat qui avait été mené avec M. Bayrou. D'ailleurs, le Sénat avait voté un amendement visant à augmenter le budget de la justice de 300 millions d'euros.

C'est la première fois depuis quarante-cinq ans qu'aucune annulation de crédits n'est envisagée. Cette année, les promesses ont été tenues avec l'administration pénitentiaire.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Je vous remercie de vos propos, monsieur le ministre, même si nous ne saurions dire s'ils apportent de la clarté ou s'ils entretiennent le flou.

Je vais retirer cet amendement d'appel, qui visait seulement à rappeler la réalité des chiffres. Sur ce point, votre réponse ne me rassure pas : vous dites qu'il n'y a pas de réorientation du plan 18 000 places, alors que celui-ci contient des prisons modulaires et des structures d'accompagnement vers la sortie.

Dans tous les cas, on note une redéfinition de la trajectoire des établissements.

Nous avons besoin d'argent pour développer d'autres formes de politique carcérale et assurer une prise en charge des détenus plus différenciée. Je crois en cette orientation – vous l'avez évoquée vous-même, monsieur le ministre –, surtout si elle s'inscrit dans le plan 18 000 places, car elle nous permettra de tenir compte de la situation réelle des prisonniers.

Or j'entends dans votre réponse que les crédits sont disproportionnés par rapport à la réalité à un moment où l'État doit faire des économies. Encore une fois, nous avons besoin de clarté, monsieur le ministre !

Je retire donc l'amendement n° II-2217, madame la présidente.