Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous rêvez !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour une nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Cette nouvelle lecture fera long feu du fait d'une motion tendant à opposer la question préalable, présentée en commission et votée par la majorité sénatoriale. C'est un refus de discussion, une fin de non-recevoir !
La première lecture a révélé deux visions tranchées de notre société.
Dans la première, très individualiste, les plus forts sont préservés quoiqu'il en coûte, en espérant que, par charité ou ruissellement, soit assurée la protection de ceux et celles qui n'ont pas trouvé leur place dans une France qui, malgré ses richesses, est à la peine pour donner à chacun de ses enfants les conditions minimales d'un espoir de réussite, de progrès et d'épanouissement.
Dans la seconde, solidaire et partagée sur la gauche de cet hémicycle, on défend un système de sécurité sociale qui vise à « assurer, à tous les citoyens, des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail », selon les termes du contrat social voulu par le Conseil national de la Résistance.
Alors que la sécurité sociale fête son quatre-vingtième anniversaire, j'ai une pensée pour tous ceux et toutes celles pour qui cet idéal de justice et de réduction des inégalités a été le combat d'une vie, à l'image de Félix Leizour, sénateur des Côtes-d'Armor, qui m'a précédée sur ces travées. Il vient de nous quitter et un dernier hommage lui est rendu en ce moment même.
L'instabilité nationale et internationale actuelle l'inquiétait comme elle nous inquiète, et c'est pour apporter des améliorations concrètes aux Français que nous avons voulu agir pour trouver une voie vers l'adoption de ce budget.
Si le groupe socialiste a contribué, à l'Assemblée nationale, à l'adoption du projet de loi de finances, ce budget n'est pas le nôtre. Au prix de concessions de part et d'autre, toutefois, les débats ont pu avancer. Le texte a été enrichi et vidé de ses éléments inacceptables pour les Français et les Françaises.
Mes chers collègues de la droite de cet hémicycle, ce budget n'est pas le vôtre non plus, mais plutôt que de jouer le jeu du débat parlementaire, vous préférez opposer une question préalable et empêcher la discussion.
En première lecture non plus, vous n'avez pas eu la sagesse de travailler à la recherche d'un compromis entre les deux chambres parlementaires. Vous êtes restés idéologiquement bloqués sur des postures qui auraient conduit au chaos si l'Assemblée vous avait suivis.
Ce budget n'est pas non plus le nôtre, je le répète. Alors que la copie gouvernementale initiale proposait l'austérité, nous, parlementaires de gauche, soutenus par les organisations syndicales, avons obtenu des avancées importantes.
À l'issue des débats à l'Assemblée nationale, l'Ondam reste inférieur aux besoins de nos concitoyens, qui vieillissent et souffrent de plus en plus de maladies chroniques. Cette situation appelle une adaptation – ou plutôt une transformation – de notre offre de soins. Or cette transformation, justement, n'est pas au rendez-vous.
Pour autant, un Ondam en progression de 3,1 % constitue une respiration pour les professionnels de santé qui nous soignent, à l'hôpital comme en ville. Mais un objectif de dépenses plus réaliste exigera de la rigueur : il faudra veiller, en permanence, à la pertinence et à l'efficience des soins.
Les 950 millions d'euros obtenus pour l'hôpital sont une nécessité pour assurer un service minimum. Nous sommes plus réservés sur les 150 millions d'euros destinés aux maisons France Santé. Cet affichage ne nous donnera pas plus de médecins.
Les 150 millions d'euros consacrés à l'autonomie sont tout autant nécessaires, bien qu'inférieurs aux besoins réels des établissements.
En tant que chambre des collectivités, nous déplorons l'insuffisance des financements apportés aux départements, qui assurent les politiques de solidarité, notamment face à la perte d'autonomie et à l'augmentation de la pauvreté.
La hausse des cotisations à la CNRACL, tout comme les mesures du Ségur restent non compensées et partiellement non financées.
Nous, socialistes, nous réjouissons toutefois de la suppression des deux jours fériés travaillés et non payés.
Réforme de l'assurance chômage, gel des minima sociaux et des pensions de retraite, gel du barème de la CSG, augmentation des franchises médicales, taxation des tickets-restaurant, des chèques-vacances ou de la rémunération des apprentis, diminution des aides à l'embauche en outre-mer, augmentation du temps de travail hebdomadaire : autant de mesures auxquelles les plus vulnérables d'entre nous auront échappé et qui étaient destinées à financer les choix budgétaires des gouvernements macronistes successifs sur les allégements généraux appliqués aux plus aisés.
La majorité sénatoriale a rejeté toutes les recettes que nous avons proposées. Pourtant, nous pouvions réduire le déficit, en appliquant une CSG plus progressive ou en diminuant les allégements de cotisations, qui sont inefficaces pour l'emploi et la compétitivité de nos entreprises, comme l'ont démontré de nombreux économistes.
Nous saluons la hausse de la CSG sur les revenus du capital, même si nous regrettons le rejet de la taxe Zucman, voulue par 88 % des Français. Cette taxe aurait permis de financer les compensations dues par l'État à la sécurité sociale sans ponctionner l'Unédic.
Nous regrettons le maintien de la taxe sur les mutuelles. Le Gouvernement s'est engagé à ce qu'elle ne soit pas répercutée sur les adhérents, mais le risque d'un report tarifaire est réel. Nous serons vigilants sur ce point.
Je dénonce pour ma part la réforme du régime des affections de longue durée (ALD) et le déremboursement d'une partie des malades chroniques, particulièrement le diabète. À cet égard, je suis peu convaincue par les mesures de prévention qui sont prévues pour éviter la dégradation de la santé des personnes concernées.
En matière de maîtrise des dépenses, vous avez supprimé les mesures de lutte contre la rentabilité excessive et la financiarisation de certaines activités médicales, pourtant établies par plusieurs experts.
Le rejet de l'article imposant l'affichage du Nutri-score est par ailleurs un signal très préoccupant pour la santé publique. Cette mesure était neutre financièrement ; elle n'alourdissait nullement la fiscalité. Malgré cela, vous l'avez rejetée.
De la même façon, vous avez refusé d'adopter de nouvelles taxes comportementales ou certaines mesures de prévention contre les addictions, au moment même où la prévalence des affections chroniques explose.
Enfin, je salue le rétablissement à l'Assemblée nationale de la suspension de la réforme des retraites : le Premier ministre a tenu, à ce stade, son engagement. Tout travail mérite retraite, une retraite avant l'inaptitude, avant l'incapacité, avant l'épuisement.
Ce budget n'est pas le nôtre, car il ne fixe pas de cap ni de trajectoire de retour à l'équilibre. Une loi pluriannuelle de financement et d'investissement de la sécurité sociale s'imposerait.
Toutefois, face aux menaces de démantèlement et d'assèchement des ressources de la sécurité sociale, que la droite sénatoriale a défendues tout au long de ces dernières semaines et qui sont confirmées par le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable, nous voulons donner à la sécurité sociale un budget, nettoyé des horreurs présentées dans la première partie du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'année même des 80 ans de cette belle conquête sociale, fruit d'un compromis historique à côté duquel les petits arrangements d'aujourd'hui font pâle figure, ne traduit aucune vision et ne relève aucun des défis auxquels notre pays est confronté.
Le premier d'entre eux était de trouver de nouvelles ressources, pour financer la protection sociale de notre époque et le droit à une retraite digne – quand on peut encore en profiter – ou pour accompagner le grand âge, qui devient une réalité de notre vie.
Il fallait encore trouver de nouvelles ressources pour déployer les structures à même d'accueillir nos concitoyens en situation de handicap, pour mener des politiques de prévention permettant d'améliorer l'état de santé de chacun et pour réduire, à terme, des dépenses évitables. Il fallait rendre l'accès aux soins égal pour tous, quelles que soient la condition sociale ou la région d'origine.
Au lieu de cela, pas une exonération de cotisations sociales n'est remise en cause, ou si peu, en dépit de l'effet plus que discutable de la plupart d'entre elles sur l'emploi. Plus exactement, pas une exonération de cotisations sociales n'est remise en cause pour les employeurs privés.
En revanche, nos collectivités, nos hôpitaux, qui connaissent des déficits structurels ou encore les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) verront leurs cotisations à la CNRACL encore augmenter en 2026 et les années suivantes. Il paraît que les efforts doivent être partagés par tous…
Au-delà de l'injustice d'une telle situation, qui peut croire que l'on pourra réduire le déficit de la sécurité sociale si les exonérations sont maintenues au niveau d'aujourd'hui ? Elles représentent quatre fois le déficit prévu de la sécurité sociale et 35 milliards d'exonérations ne sont pas compensées par l'État à la sécurité sociale.
Par rapport à la proposition initiale, l'Ondam est relevé de 1,6 %, mais il reste en dessous des 3,6 % d'augmentation de 2025 et de la moyenne de ces dernières années.
La situation de nos hôpitaux ne peut guère s'améliorer ainsi, d'autant qu'un système de bonus-malus risque de percuter nos hôpitaux de proximité, qui peinent déjà à recruter et à fidéliser les professionnels de santé. Les conséquences, comme les fermetures de plus en plus régulières de nos services d'urgence, sont malheureusement bien connues.
Alors que la progression de l'Ondam avait été fixée à +3,6 % en 2025, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie avait déclenché l'alerte et le Gouvernement d'alors avait pris des mesures hors de tout contrôle parlementaire et démocratique pour diminuer les dépenses. Comment imaginer qu'il pourra en être autrement avec un Ondam qui ne progresse que de 3 % ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Céline Brulin. Mettre des panneaux « France Santé » sur des maisons de santé pluridisciplinaires, sur des centres de santé ou même sur des pharmacies ne changera malheureusement pas grand-chose à la désertification médicale qui est à l'œuvre.
Ces crédits seraient plus utiles pour soutenir les collectivités qui créent des centres de santé publics, pour accueillir des docteurs juniors dans de bonnes conditions ou encore pour financer des postes de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) ou de chef de clinique.
La taxe sur les complémentaires santé sera inévitablement répercutée sur nos concitoyens, en particulier sur les retraités ou les personnes privées d'emploi.
Quant à la limitation de la durée des arrêts de travail, est-ce vraiment le rôle d'un PLFSS de prévoir cela ? Bientôt, à ce rythme, on y trouvera peut-être des modèles d'ordonnances ou de prescriptions… tant il semble qu'on ne fasse plus confiance aux professionnels de santé !
Souhaitons enfin que l'augmentation des franchises médicales ne fasse pas son retour au printemps, comme nous l'avons vécu invariablement après chaque PLFSS.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
Mme Céline Brulin. Bref, ce budget de la sécurité sociale fera mal, même débarrassé de ses pires horreurs. Il poursuit les politiques d'austérité contre lesquelles nous nous battons régulièrement et continuerons de nous battre.
Ces politiques ont déjà fait bien trop de mal à notre système de protection sociale sans parvenir à résorber les déficits.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. S'entêter dans cette voie est une folie que les Français condamneront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. À entendre la droite, le budget de la sécurité sociale nous tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé (Sourires.) : la sécurité sociale serait mise en danger par le texte issu de l'Assemblée nationale, lequel deviendrait « invotable ».
Il y a pourtant de quoi s'y perdre. Quelle est donc la droite à la manœuvre ? Celle de Laurent Wauquiez, qui permet l'adoption du texte, ou celle de Bruno Retailleau, qui le rejette ? Prenez donc le temps de vous asseoir autour d'une table et mettez-vous d'accord.
Monsieur Farandou, ne serait-ce pas là l'occasion d'un autre conclave ? (M. le ministre s'amuse.) Le concile des députés a su trouver quelques compromis, et ces compromis sont bien évidemment très éloignés de ceux que vous nous aviez proposés.
Bien que la copie qui a été remise ne soit pas la nôtre et qu'elle ne permette pas de résoudre le déficit de la sécurité sociale, le groupe écologiste de l'Assemblée a majoritairement décidé de la laisser passer. Cela traduit non pas une gêne, mes chers collègues, mais un constat : une partie des mesures antisociales ont été écartées du projet.
Nous estimons ainsi positif le rétablissement du décalage de la réforme des retraites, la suppression du gel des prestations sociales et celle de l'allongement de la durée du travail annuel, une mesure que vous avez soudainement ajoutée au détour d'un article, sans aucun dialogue social.
Je tiens tout de même à souligner les quelques petites victoires qui ont fait consensus dans nos deux chambres. Je songe notamment au congé supplémentaire de naissance, au refus de l'extension du domaine des forfaits et franchises, ainsi qu'à la prolongation de l'expérimentation des haltes soins addictions.
Enfin, l'Ondam a vu sa progression portée à 3 % : c'est, en quelque sorte, un sauvetage in extremis de l'hôpital. Mais avoir la tête hors de l'eau ne veut pas dire bénéficier d'un soutien pérenne. L'hôpital, n'en doutons pas, reste en danger.
Bien qu'il convienne de souligner l'effort proposé par le Gouvernement, les évolutions démographiques entraînent l'augmentation constante de nos besoins en santé. Nous sommes donc encore loin du compte.
L'Ondam 2025 affichait une progression de 3,6 %. L'augmentation de l'Ondame 2026 par rapport à la copie initiale cache, en vérité, une diminution des moyens alloués aux établissements de santé. Les conséquences attendues sont connues : fermeture de lits, personnels à flux tendu, centres de santé qui risquent de disparaître… À quand une politique de financement fondée sur les besoins des assurés et non sur des objectifs de dépense ?
D'autres mesures, qui apparaissaient pourtant essentielles, qui ne coûtaient rien, voire qui rapportaient de l'argent, ont été écartées : obligation de l'affichage du Nutri-score, taxation de l'hexane, fiscalité comportementale et même lutte contre la rentabilité excessive.
Alors que la droite n'a de cesse de rappeler l'importance de l'équilibre budgétaire et la nécessité de faire des économies, elle rejette en bloc les dispositifs qui proposent de lutter contre la financiarisation de la santé.
Par ailleurs, je n'observe toujours pas d'effort tangible en ce qui concerne la santé environnementale – vous prétendez pourtant vous soucier de cette question. La communauté scientifique dans sa totalité nous alerte, mais le Gouvernement, dans ce PLFSS, comme la majorité sénatoriale persistent à ignorer le sujet. C'est dommage pour les générations futures, dont vous revendiquez toujours défendre l'intérêt majeur, mes chers collègues…
Le déficit de la sécurité sociale devrait s'élever à 19,4 milliards d'euros en 2026. Et encore une fois, vous avez refusé de vous attaquer aux niches sociales ou de soutenir toutes les propositions visant à améliorer les recettes que nous avons formulées. Aucun des 20 milliards d'euros de recettes que nous vous avons proposés n'a trouvé grâce à vos yeux. Vous pouvez vous en féliciter, ce déficit, c'est donc le vôtre !
Nous apprenons aujourd'hui que la majorité sénatoriale ne souhaite pas débattre davantage de ce budget. C'est dommage.
Par principe, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est attaché au débat parlementaire.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Anne Souyris. Toutefois, à l'aune de ce qui s'est passé au sein de cet hémicycle lors de la première lecture, vous avez sans doute raison de refuser le débat : nul besoin de poursuivre le calvaire que vous nous avez imposé ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Doineau, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que, malgré la reprise par l'Assemblée nationale de plusieurs dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, en particulier l'inscription par le Sénat à l'article 15 d'un transfert de 15 milliards d'euros de dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), des divergences demeurent entre les deux assemblées sur des éléments essentiels ;
Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale aggrave le déficit de 4,8 milliards d'euros (à périmètre constant) par rapport à la version adoptée par le Sénat et continue de creuser la dette sociale prise dans son ensemble ;
Considérant que l'Assemblée nationale a abandonné les principales mesures d'économies prévues au sein du texte adopté par le Sénat et a alourdi de manière significative la charge fiscale pesant sur les ménages et les entreprises ;
Considérant qu'ainsi, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 45 bis, décalant d'une génération la réforme des retraites de 2023, dont le coût en 2027 est estimé à 1,9 milliard d'euros par le Gouvernement ;
Considérant que l'Assemblée nationale a supprimé l'article 44, relatif au gel des prestations, dont le rendement s'établissait à 2,1 milliards d'euros ;
Considérant que l'Assemblée nationale a rétabli l'article 5 quater, instaurant un malus sur les cotisations sociales pour les entreprises insuffisamment engagées sur l'emploi des seniors, et l'article 8 sexies, réduisant les allégements généraux de cotisations patronales pour les branches dont les minima de salaire sont inférieurs au Smic ; que ces dispositions sont susceptibles de détruire de nombreux emplois et que la seconde pose un problème manifeste d'équité, voire de constitutionnalité ;
Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale majore la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital de 1,5 milliard d'euros ;
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n° 193, 2025-2026), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai entendu certains orateurs parler de « lâcheté » ou de « manque de courage »… Très honnêtement, mes chers collègues, déposer en deuxième lecture une motion tendant à opposer la question préalable n'est une question ni de lâcheté ni de courage.
Du courage, nous en avons eu, au contraire, pour défendre en première lecture les mesures qui nous semblaient être les meilleures pour réduire le déficit de la sécurité sociale. D'autres ont des idées différentes sur la question.
Comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire, il existe trois leviers d'action qui doivent être utilisés de manière équilibrée. Or nous voyons bien que ce n'est pas le cas dans le texte qui nous est soumis : l'effort porte davantage sur les recettes que sur les dépenses ou les transferts de l'État.
Le déficit issu du compromis de l'Assemblée nationale nous est présenté comme étant inférieur à 20 milliards d'euros, mais l'État y contribue beaucoup : ce qui n'est pas inscrit au titre du déficit de la sécurité sociale aujourd'hui sera comptabilisé dans celui des administrations publiques.
Nous verrons in fine quel sera le résultat. La France, je le rappelle, fait toujours l'objet d'une procédure de déficit excessif au niveau européen. Notre déficit public ne sera probablement pas inférieur à 5 % du PIB, ce qui était pourtant l'objectif.
Notre pays est l'un des plus mauvais élèves de la zone euro : nous empruntons à des taux d'intérêt qui sont parmi les plus élevés en Europe, parce que nous ne sommes pas capables de montrer collectivement, mais chacun a sa part de responsabilité, que nous pouvons parvenir à réduire le déficit.
C'est pour cette raison que nous avons choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Il ne s'agit aucunement d'un manque de courage. Au contraire, j'y insiste, la droite sénatoriale a eu le courage d'annoncer – certains la blâment d'ailleurs pour cela – des efforts importants, qui n'étaient d'ailleurs pas faciles à expliquer sur le terrain, croyez-moi.
Notre discours a toujours été le même : il faut absolument retrouver une trajectoire de réduction du déficit. Notre ambition est de sauver notre système de protection sociale. Or nous le constatons : les chemins que nous proposons pour y parvenir ne sont pas ceux que trace ce texte.
Le dépôt de cette motion n'est pas une manœuvre d'obstruction. Nous considérons qu'une nouvelle lecture au Sénat ne permettra pas de modifier l'accord qui a été obtenu à l'Assemblée nationale. Il nous semble donc inutile de perdre du temps en débattant de nouveau.
Si un compromis a été trouvé, si les Français sont soulagés et si le Gouvernement est, malgré tout, lui aussi rassuré, le déficit, en revanche, continue d'augmenter. Les problèmes demeurent, et les responsables politiques, mais aussi toute la population française, devront y faire face un jour.
Cette motion n'est donc pas un refus d'obstacle. Nous estimons simplement que nous avons fait tout ce que nous pouvions utilement faire pour améliorer la situation. Nous acceptons, d'une certaine manière, le compromis trouvé à l'Assemblée nationale. Dès lors, nous considérons qu'il n'est plus nécessaire que le Sénat en débatte.
Il vous arrive aussi, mes chers collègues, de déposer des motions tendant à opposer la question préalable…
Mme Laurence Rossignol. Certes, mais nous sommes minoritaires !
M. Martin Lévrier. Pas nos collègues du RDSE !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tous les groupes politiques le font, à l'exception, peut-être, j'en conviens, du groupe RDPI et du groupe RDSE.
C'est un outil parlementaire classique, ritualisé. Nous connaissons d'avance les questions comme les réponses. Ce n'est donc pas un jeu de dupes : c'est simplement une manière, dans le processus législatif, de dire : « C'est assez ! » (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Dès le début, le Gouvernement a annoncé qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 de la Constitution. Nous avons choisi de faire confiance au Parlement.
Vous voici parvenus à un moment, mesdames, messieurs les sénateurs, où vous avez le choix de poursuivre ou non l'examen de ce texte. Le Gouvernement sera prêt, je puis vous l'assurer, à continuer d'en débattre avec vous ici, nuit et jour, si vous le souhaitez.
Le Gouvernement s'en remet ainsi à la sagesse du Sénat.
Nous avons eu l'occasion d'expliquer pourquoi nous défendions ce texte de compromis. Il vous appartient maintenant de décider souverainement de la suite.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires estime également qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion, mais pas pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées par la rapporteure générale. C'est pourquoi il s'abstiendra.
Nous avions dénoncé l'insincérité du PLFSS initial et indiqué que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie risquait d'être saisi.
Vous avez, lors de l'examen du texte, aggravé la situation, en refusant toute nouvelle recette. Pour présenter un déficit en baisse, vous avez multiplié les mesures d'économie antisociales, ou plutôt les transferts de dépenses vers les malades, tout en vous opposant à des mesures d'efficience durable. Au-delà des beaux discours, rien n'a été fait pour lutter contre la financiarisation et la privatisation de la santé.
Heureusement, dans le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, certains transferts massifs de dépenses vers d'autres acteurs ont été supprimés : je songe, notamment, aux 2 milliards d'euros de franchise, qui seront bien pris en charge par l'assurance maladie, ce qui entraîne une hausse à due concurrence de l'Ondam.
Nous nous félicitons également que la désocialisation des heures supplémentaires soit enfin compensée. Nous continuerons de réclamer la fin de cette niche sociale.
Nous ne sommes pas dupes : dans l'ensemble, les compensations que vous prévoyez visent en fait à cantonner le déficit sous le chiffre magique de 20 milliards d'euros. La politique des caisses vides est celle de la droite, dans les deux chambres.
La majorité sénatoriale défend en effet la même politique de brutalisation des plus vulnérables. Nous ne voulons pas, pour notre part, récupérer 2 milliards d'euros sur les prestations de solidarité, par le biais de leur gel. Je note d'ailleurs que la suppression de ce dernier constitue l'un des considérants de votre motion.
Nous ne fantasmons pas sur un prétendu hold-up fiscal, alors que vous organisez un hold-up social !
Une nouvelle lecture serait donc vaine. La majorité sénatoriale ne propose pas une autre trajectoire de retour à l'équilibre. Il n'y a donc effectivement aucune raison de poursuivre la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Ce budget n'est le budget de personne : ce n'est pas le budget qu'avait déposé la Gouvernement, ce n'est pas non plus le budget des socialistes… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Olivier Paccaud. Un tout petit peu, quand même !
Mme Laurence Rossignol. Si c'était le cas, croyez-moi, la justice fiscale y figurerait ! Ce texte comporte, certes, quelques recettes supplémentaires, mais elles sont, à mon sens, insuffisantes pour restaurer la justice fiscale, à laquelle il a été renoncé depuis 2017.
Est-ce le budget des Républicains ? C'est difficile à apprécier. En effet, si ce n'est pas le budget des Républicains du Sénat, c'est un peu celui des Républicains de l'Assemblée nationale... On cherche donc à comprendre !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. Notre rapporteure générale, qui est, en raison de son positionnement politique, attachée au compromis et aussi, je crois, à la réussite de ce gouvernement, parce qu'elle est probablement l'une de celles qui participent le plus à la majorité présidentielle dans cet hémicycle, nous explique, comme l'a évidemment fait M. Lévrier, que cette question préalable vise à reconnaître et à accepter le compromis.
D'autres, toutefois, si j'en crois les propos qui viennent d'être tenus à cette tribune, voteront cette motion pour exprimer leur refus de ce budget.
Je ne sais pas ce que l'on retiendra de cette séquence pour le Sénat. Est-ce une parenthèse ou un basculement ? Le Sénat a renoncé, en première lecture, à être la chambre du compromis qu'il a longtemps été : le compromis s'est élaboré ailleurs et sans nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)