M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Toutefois, dans le contexte actuel, cette progression est loin d'être négligeable.
C'est pourquoi la commission des lois émet un avis favorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mmes Laurence Harribey et Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis l'adoption de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, la situation budgétaire du ministère est préservée, voire privilégiée. C'est en effet l'une des rares missions dont les crédits augmentent année après année, et nous devons nous en féliciter.
Nous considérons donc favorablement les premières conséquences de cette loi de programmation, qu'il s'agisse du déploiement d'un nombre important de magistrats et de greffiers dans les juridictions, ou de la poursuite de certaines politiques vertueuses.
Nous saluons en premier lieu la meilleure maîtrise des dépenses dynamiques. Je songe particulièrement aux frais de justice, qui connaissaient une hausse significative et comprimaient les autres dépenses du ministère.
Les différentes actions entreprises par le ministère portent leurs fruits. Par exemple, la plateforme nationale des interceptions judiciaires permet désormais au ministère d'internaliser presque toutes les mesures d'écoutes téléphoniques et de géolocalisation, ce qui représente une économie dont nous pouvons nous réjouir.
Je tiens à insister sur la question du numérique, car elle constitue l'une des préoccupations majeures des agents du ministère.
Pour la première fois depuis plusieurs années, nous avons le sentiment que la situation s'améliore, notamment en ce qui concerne les outils informatiques. La Chancellerie a enfin apporté des réponses rassurantes à nos questions et nous nous assurerons qu'elle poursuivra dans cette voie dans les années à venir.
Enfin, une disposition est rattachée à la mission « Justice ». Il s'agit de l'article 78, qui modifie le périmètre de l'obligation de recours à certaines expertises judiciaires. Si la commission regrette que cette disposition ait été introduite au sein d'un projet de loi de finances, une telle mesure lui paraît toutefois opportune, dans la mesure où elle améliore la liberté d'appréciation du juge.
Cela répond à une remarque que nous avons entendue dans le cadre des travaux de la mission conjointe de contrôle sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles : il n'est pas nécessaire de tout psychiatriser ; l'important est de pouvoir compter sur des psychiatres lorsque nous en avons réellement besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Louis Vogel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons en effet constaté avec satisfaction les progrès effectués par le ministère au cours de l'année écoulée, qui tiennent assez largement aux retombées de la LOPJ.
Toutefois, certains problèmes demeurent. Ils découlent souvent des pesanteurs de l'organisation ministérielle, en particulier dans la conduite de ses politiques numérique et immobilière.
Monsieur le garde des sceaux, lors de votre audition devant la commission des lois, vous avez annoncé la refonte prochaine de l'organisation de la Chancellerie. C'est désormais chose faite : deux directions générales seront créées, l'une pour l'administration pénitentiaire, et l'autre pour les affaires judiciaires. Le secrétariat général sera quant à lui réformé.
Par ailleurs, nous nous réjouissons de la création d'une direction de programme consacrée à l'intelligence artificielle générative. La Chancellerie ayant tardé à s'engager dans cette technologie, il est bienvenu qu'elle progresse en la matière.
La commission suivra avec attention les conséquences de ces évolutions, dont nous attendons beaucoup, car, en dépit des progrès réalisés, des insatisfactions demeurent, tant chez les agents du ministère que chez nos concitoyens confrontés à l'institution judiciaire.
Nous serons à ce titre particulièrement attentifs à l'immobilier judiciaire, qui demeure la grande variable d'ajustement du budget de la justice. Cette économie a un prix important : les conditions de travail des agents sont dégradées et le coût des chantiers est renchéri par une mauvaise gestion de projets, qui entraîne des aménagements, voire des ajournements, des travaux.
Enfin, la proximité de l'échéance de la LOPJ doit nous conduire à engager dès à présent des réflexions sur les perspectives suivantes. Ces débats doivent être anticipés et se tenir dans un cadre favorable. C'est la raison pour laquelle la commission appelle le ministère de la justice à développer un outil d'évaluation de la charge de travail des magistrats.
En dépit de ces réserves, qui sont surtout des exigences pour l'avenir, la commission a émis un avis favorable sur les crédits de ces programmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Harribey, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois a qualifié le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » de parent pauvre de la mission « Justice », du fait de la quasi-stabilité de ses crédits depuis 2024, la dernière augmentation remontant à 2023. Seuls 70 postes seront créés en 2026. Vous l'avez d'ailleurs vous-même pointé, monsieur le garde des sceaux, devant la commission des lois : les moyens stagnent.
En outre, la commission a relevé trois sujets inquiétants.
Le premier est le climat social préoccupant au sein de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : manque de transparence de l'administration ; tendance délétère de la gestion des ressources humaines, avec moins de moyens déployés sur le terrain au détriment des missions au contact des mineurs ; et absence d'association du secteur associatif habilité aux réformes, alors qu'il joue un rôle essentiel.
Cet état des lieux semble être pris au sérieux. Le directeur de la PJJ s'est engagé à flécher les 70 créations de postes de 2026 vers l'action de proximité et à examiner la possibilité de redéployer des postes de conseillers techniques sur le terrain.
Le deuxième sujet posant problème concerne l'insuffisante diversification des parcours offerts aux mineurs délinquants. Nous nous sommes inquiétés du fait que les placements en centre éducatif fermé entraînent un effet d'éviction au détriment des autres formes de placement.
Cette alerte semble également avoir été entendue, puisque, le jour où notre commission examinait cette mission, vous annonciez, monsieur le garde des sceaux, une transformation radicale des CEF, ouvrant la voie à la nécessaire diversification à laquelle nous appelons pour mieux répondre aux différents profils des mineurs délinquants.
Notre troisième sujet d'inquiétude est le manque de fiabilité des indicateurs d'évaluation de la PJJ.
Du point de vue qualitatif, certaines rédactions sont imprécises et même trompeuses. Par exemple, le partenariat PJJ-Armée a été largement vanté, alors qu'il ne concerne que 100 jeunes sur 150 000 mineurs suivis.
Du point de vue quantitatif, le déploiement du logiciel Parcours se heurte à des difficultés persistantes : nous l'avions qualifié l'an dernier de naufrage, les coûts étant exorbitants pour une faible efficacité.
Vous l'aurez compris, la PJJ n'est pas l'enfant gâtée de la justice et les alertes sont nombreuses. Toutefois, la commission souligne une prise de conscience certaine et, ce qui est encore plus important, un frémissement plutôt encourageant vers un changement de paradigme.
En conséquence, elle a émis un avis favorable sur les crédits de ce programme, tout en appelant à la vigilance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE, INDEP et UC.)
Organisation des travaux
Mme la présidente. Avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour la bonne information de tous, que quarante-cinq amendements sont à examiner sur cette mission.
La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures. Nous devrons donc terminer l'examen des crédits de cette mission à dix-neuf heures, pour commencer celui de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents, et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission sera reportée à la fin des missions de la semaine.
En outre, la conférence des présidents réunie mercredi 3 décembre a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
En ce qui concerne la présente mission, le nombre d'amendements à examiner, rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui, nous conduit à devoir observer un rythme de trente et un amendements examinés par heure, ce qui est élevé.
Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer aujourd'hui l'examen de cette mission et en application de la décision de la conférence des présidents, les durées d'intervention seront fixées à une minute.
Justice (suite)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2026.
Alors que le pays traverse une période de fortes contraintes budgétaires, cette mission a été préservée. Certes, elle suit une trajectoire moins dynamique que les années précédentes, mais ses crédits demeurent en hausse, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement de soutenir durablement notre justice et de doter l'autorité judiciaire de moyens à la hauteur de la noblesse de sa mission.
Toutefois, cette réalité ne doit pas masquer un constat : malgré les efforts engagés depuis plusieurs années, notre pays reste en deçà des standards européens. Reste que la volonté d'en finir avec une logique de rattrapage permanent est bien réelle, et nous devons collectivement nous en féliciter.
Le budget que vous présentez, monsieur le garde des sceaux, nous permettra de renforcer les effectifs de l'administration judiciaire de manière significative.
Alors que d'autres administrations connaissent des suppressions d'emplois, la justice bénéficiera de 1 600 postes supplémentaires, afin de renforcer les tribunaux, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.
Ces renforts sont essentiels : ils contribueront à réduire les délais de jugement, à mieux accompagner les mineurs et à améliorer les conditions de détention, même si les besoins restent considérables.
Les moyens de l'administration pénitentiaire, qui représente à elle seule 40 % des crédits de la mission, demeurent très élevés. La création d'une direction générale de l'administration pénitentiaire marque une véritable évolution structurelle. Elle vise à moderniser durablement le pilotage du ministère, en donnant toute sa place au personnel d'insertion et de probation, aux côtés des surveillants.
Les priorités sont claires : renforcer la sécurité, notamment en poursuivant la mise en œuvre du protocole dit d'Incarville, et diversifier les réponses pénales en développant les alternatives à la détention : surveillance électronique, bracelets antirapprochement (BAR), placements extérieurs, travaux d'intérêt général (TIG).
La construction de nouvelles places de prison reste évidemment indispensable, notamment pour répondre à des situations critiques, comme celle de Mayotte. Néanmoins, chacun voit bien que la seule réponse immobilière ne suffira pas à contenir durablement la pression carcérale. À ce titre, les 855 emplois qui seront créés au sein de l'administration pénitentiaire constitueront un appui précieux.
Dans mon département, la situation de la prison de Majicavo est devenue alarmante : près de 680 personnes y sont écrouées pour 278 places, soit un taux d'occupation de 245 % !
La surpopulation, combinée au sous-effectif des agents pénitentiaires, met les agents en grande difficulté. L'agression violente de deux d'entre eux et la tentative de mutinerie de début septembre en sont une démonstration particulièrement préoccupante.
Un projet de second établissement pénitentiaire a été annoncé en 2022. Calibré pour 400 places, il est jugé sous-dimensionné par les organisations syndicales. Surtout, il semble actuellement bloqué. Monsieur le garde des sceaux, où en est ce projet ? Quel calendrier réaliste est-il proposé pour le lancement du chantier ?
À Majicavo, chaque mois perdu se traduit par une dégradation supplémentaire tant des conditions de détention que des conditions de travail des agents.
Je souhaite également vous interroger sur la situation de la justice des mineurs dans mon département. Le 26 novembre dernier, vous avez annoncé la fin des centres éducatifs fermés. Si je comprends les raisons de ce choix, à Mayotte, où la délinquance des mineurs progresse fortement et où les structures adaptées manquent cruellement, les attentes sont très fortes depuis 2022. Dans ce contexte, pourriez-vous nous indiquer si l'ouverture d'une unité judiciaire à priorité éducative, dispositif qui doit remplacer les CEF, est envisagée à Mayotte et, le cas échéant, selon quel calendrier ?
Les professionnels comme les élus locaux s'accordent sur un point : l'absence d'alternatives crédibles fragilise la réponse de l'État face à des situations souvent très préoccupantes.
Enfin, vous le savez, le tribunal judiciaire de Mamoudzou, déjà fragile, a été sévèrement touché par le cyclone Chido. La justice continue d'y être rendue, mais dans des conditions extrêmement difficiles pour tous, comme le relève le rapport que Davy Rimane et Frantz Gumbs ont publié le 27 novembre dernier au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les dysfonctionnements obstruant l'accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins. Où en est la construction de la nouvelle cité judiciaire, annoncée par votre prédécesseur en mars 2022 ?
Au-delà de Mayotte, monsieur le garde des sceaux, je souhaite appeler votre attention sur une réalité plus large : dans l'ensemble des outre-mer, les difficultés rencontrées par la justice sont souvent plus aiguës qu'en métropole. Les juridictions sont confrontées à des effectifs sous tension, à une activité très soutenue, à des infrastructures vétustes et à des contraintes sociales, géographiques et démographiques spécifiques.
Dans ce contexte, pourriez-vous nous préciser comment les moyens annoncés seront déclinés dans ces territoires, et selon quelles priorités ?
Monsieur le garde des sceaux, la progression des crédits de la mission « Justice » va indéniablement dans le bon sens. Le groupe RDPI, que je représente, votera en leur faveur.
Toutefois, dans les outre-mer, qui sont confrontés à des défis judiciaires et pénitentiaires particulièrement aigus, il est désormais urgent que les annonces se traduisent en réalisations concrètes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un budget qui progresse. Dans la période actuelle, c'est suffisamment rare pour être souligné, même s'il avait davantage progressé au cours des années précédentes.
Au-delà de la progression des crédits, nous nous sommes penchés sur leur répartition. Ce faisant, nous avons constaté qu'elle était, comme toujours, plutôt favorable à l'administration pénitentiaire. Vous ne vous départez pas de votre logique du tout-carcéral, monsieur le garde des sceaux. Ma collègue Corinne Narassiguin y reviendra.
Attardons-nous quelques instants sur la justice judiciaire, dont les crédits progressent de 3 %. Chacun le sait, les alertes des professionnels sont unanimes sur ce point, nos tribunaux frôlent l'embolie, qu'il s'agisse de la justice criminelle ou de la justice civile : problèmes d'effectifs, surcharge de travail, délais d'audiencement qui explosent… Dans ce contexte, certaines situations frisent le déni de justice.
Vous tentez d'y répondre avec le projet de décret visant à réguler les instances en voie d'appel pour en garantir l'effectivité, dit Rivage, qui fait beaucoup parler de lui et sur lequel nous aurons peut-être l'occasion de revenir dans d'autres circonstances, mais qui pourrait contribuer à diminuer le volume de procédures civiles.
Nous ne pourrons pas parler davantage du volet justice pénale, votre avant-projet de loi sur le sujet étant devant le Conseil d'État. Vous égrenez parfois dans la presse certaines de vos propositions, mais nous n'avons pas encore eu l'occasion d'en débattre au fond.
Face à cette situation, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que nous proposions un amendement pour tenter de résorber cette embolie. Au-delà, un certain nombre de lignes rouges – on parle beaucoup de lignes rouges en période budgétaire – ont d'ores et déjà été franchies.
Il s'agit d'abord de l'instauration du droit de timbre à 50 euros, dont nous avons débattu précédemment. Il s'agit également de l'article 46 du présent PLF, qui met à la charge de la personne condamnée les frais de justice au détriment de l'indemnisation la partie civile ; nous en avons déjà débattu dans la première partie du texte. Aujourd'hui, nous parlerons de son article 78, qui a vocation à restreindre, selon nous de manière périlleuse, les expertises obligatoires en matière d'infractions sexuelles, notamment sur mineurs. Nous présenterons un amendement visant à le modifier.
Un sujet peu évoqué dans ce budget – sans doute parce qu'il ne s'y prête pas vraiment –, mais sur lequel il serait nécessaire de vous entendre, monsieur le ministre, est la question de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Vous le savez, chaque jour, plus de trois femmes sont victimes de féminicides ou de tentatives de féminicide. Toutes les sept heures, une femme est victime d'une tentative de meurtre de la part de son conjoint ou de son ex-conjoint, se suicide ou tente de se suicider. Les remèdes sont connus ou plutôt expérimentés, en tout cas dans d'autres pays comme l'Espagne. En France, nous avons déjà beaucoup fait, mais le résultat n'est toujours pas satisfaisant, puisque le nombre de féminicides, après avoir diminué, stagne désormais. Vous avez reçu le rapport de Mme Joly-Coz et de M. Corbaux, et peut-être aurez-vous l'occasion de revenir sur ce sujet.
Je veux enfin dire un mot de la lutte contre la criminalité organisée. Vous savez que le Sénat a été à l'origine de la loi Narcotrafic. Il faut bien constater que les décrets ne sont pas au rendez-vous, puisque – peut-être me détromperez-vous – sur trente-sept décrets qui doivent être publiés, ne le relevant pas nécessairement tous par votre ministère, seuls cinq l'ont été et sept sont attendus pour décembre. Nous avons tous travaillé ensemble sur ce sujet, mais si nous ne produisons pas les décrets nécessaires, cela ne sera pas suffisant.
Vous l'aurez donc compris, notre satisfaction n'est pas nulle mais elle n'est pas totale. Nous nous sommes abstenus en commission sur ce budget. Nous présenterons des amendements sur les centres éducatifs fermés, sur l'article 78 que j'évoquais précédemment, sur les moyens de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et sur les unités médico-judiciaires, avec un ciblage pour lutter contre l'embolie des juridictions et répondre aux besoins de la justice, y compris outre-mer – notre collègue Thani Mohamed Soilihi l'a évoqué –, qu'il s'agisse de Mayotte ou de la Nouvelle-Calédonie ; notre collègue Corinne Narassiguin y reviendra également.
Ainsi, vous l'aurez compris, nous continuons de nous battre pour que le service public de la justice soit à la hauteur des enjeux, ce qui n'est toujours pas le cas, indépendamment des efforts budgétaires qui ont pu être consentis au cours des années précédentes ; ils ne sont toujours pas suffisants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme chaque année, l'étude des crédits de la mission « Justice » met en évidence nos désaccords profonds. Cette année ne fera pas exception, car, derrière les effets d'annonce, notre justice demeure sous-financée. Ce sous-investissement chronique fragilise, année après année, notre État de droit.
Certes, le budget pour 2026 progresse légèrement, mais cette hausse, largement absorbée par l'inflation, ne nous hisse malheureusement pas à la hauteur des enjeux. La France reste l'un des pays européens qui investit le moins dans sa justice : 77 euros par habitant, contre 97 euros en Espagne, 100 euros en Italie et 136 euros en Allemagne. Ce retard se retrouve dans tous les indicateurs. Nous comptons onze magistrats pour 100 000 habitants, quand la Belgique en compte quatorze et l'Allemagne plus de vingt-quatre, plus du double !
Derrière ces chiffres, ce sont des femmes et des hommes qui tiennent notre État de droit à bout de bras : magistrats, greffiers, personnel administratif, éducateurs, travailleurs sociaux. Tous s'épuisent, alertent et constatent que les moyens ne suivent pas. Les États généraux de la justice ont dressé un constat accablant : trente années d'abandon, de juridictions délabrées, d'institutions en souffrance.
Pourtant, dans ce budget, il manque encore 60 millions d'euros pour atteindre les objectifs fixés par votre propre loi de programmation pour les années 2023 à 2027. À peine votée, cette loi était déjà obsolète. Les grandes annonces du quinquennat Macron sont enterrées. La justice française reste donc sous-dotée et peine à remplir ses missions essentielles. Les délais continuent d'augmenter, les conditions de travail se dégradent et les plus fragiles sont les premiers pénalisés.
Depuis quelques années, nous dénonçons l'accumulation de réformes conçues dans l'urgence. Le Gouvernement met en avant la création de 1 600 emplois, mais, quand on entre dans le détail, nous sommes encore loin du compte. En 2026, un magistrat devra encore traiter plus de 1 100 affaires pénales par an. Les frais de justice demeurent sous-budgétisés. Quant à la contribution de 50 euros imposée aux justiciables pour financer l'aide juridictionnelle, elle constitue un frein réel à l'accès au droit pour les plus modestes.
La situation dans nos prisons est, elle aussi, inquiétante – d'autres l'ont dit avant moi. Il manque aujourd'hui près de 4 000 surveillants. Vos 850 créations d'emplois ne combleront pas ce déficit. C'est dire que la surpopulation carcérale atteint des sommets.
Au 1er novembre 2025, plus de 85 000 personnes étaient détenues dans notre pays, avec un taux d'occupation des maisons d'arrêt s'élevant à 166 %. Pourtant, vous persistez dans la même impasse : allonger les peines, multiplier les sanctions, incarcérer toujours davantage.
Vous continuez d'affirmer qu'ouvrir 15 000 places supplémentaires suffira à résoudre la crise. Toutes les études le démontrent pourtant : construire plus ne réduit ni la surpopulation ni la récidive.
D'autres politiques sont possibles. Il suffit pour cela de regarder nos voisins. La Grande-Bretagne a fait le choix de libérations anticipées afin d'éviter l'asphyxie complète de son système carcéral. Les Pays-Bas et la Norvège ont quant à eux développé massivement les solutions de substitution à l'incarcération. Ces pays ont non seulement réduit durablement leur population carcérale, mais aussi – c'est sans doute le plus important – fait reculer significativement la récidive, à des niveaux bien inférieurs à ceux que l'on constate en France.
Notre pays aurait tout intérêt à s'inspirer de ces exemples. Nous avons besoin d'un changement de cap, de développer les solutions de substitution, l'accompagnement, les placements extérieurs, les aménagements de peines. Cette politique est plus efficace et moins coûteuse. Or les crédits de la réinsertion stagnent, les unités de vie familiale sont sous-utilisées. Les détenus indigents sont trop nombreux et moins de 12 % d'entre eux accèdent à une formation professionnelle.
Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, elle traverse une crise profonde. Les éducateurs, psychologues, assistants sociaux et agents administratifs sont surchargés, au point de ne plus pouvoir mener leur mission convenablement. Les jeunes suivis peinent toujours à retrouver le chemin de la scolarisation ou de l'emploi. Pourtant, vous persistez à vouloir punir toujours davantage les mineurs, alors même que les services qui doivent les accompagner sont exsangues.
En définitive, ce budget 2026 ne permet pas de redresser la justice de notre pays. Les moyens restent trop faibles, les investissements manquent, les réformes structurelles ne viennent pas, la vision d'ensemble fait défaut. Nous avons besoin d'une justice accessible, humaine, dotée de moyens réels, afin qu'elle nous protège, qu'elle prévienne et qu'elle accompagne.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parlons aujourd'hui du budget de la justice, mais, en réalité, nous parlons de bien plus que de cela. Nous parlons de ce qui protège les plus vulnérables, de ce qui garantit à chacun d'entre nous, riche ou modeste, puissant ou invisible, un même droit à la dignité et à l'égalité. L'égalité n'existe pas sans une justice forte, accessible, profondément humaine. Or ce projet de budget ne donne toujours pas à la justice les moyens de jouer pleinement ce rôle de rempart indispensable.
Certes, ses crédits augmentent, mais cette hausse ne compense ni l'inflation ni les décennies de sous-investissement. Le budget de 2026 reste même inférieur de près de 60 millions d'euros à la trajectoire prévue par la loi de programmation. Sur le terrain, dans nos tribunaux, nos greffes, nos services pénitentiaires, nos unités éducatives, les professionnels ne peuvent plus tenir. Nous comptons deux fois moins de magistrats que la moyenne européenne. Les greffes sont en crise : attractivité en chute libre, postes vacants, requalification faute de mieux. La protection judiciaire de la jeunesse, elle, est épuisée. Les éducateurs sont maintenus dans la précarité, les délais d'enquête explosent, les jeunes les plus vulnérables subissent des ruptures de parcours. On ne soigne pas les fractures sociales avec des contrats temporaires.
Pendant que les moyens humains manquent, l'article 30 du PLF instaure un droit de timbre de 50 euros pour saisir un tribunal civil ou prud'homal. Faire payer pour accéder à un juge, c'est créer une justice à deux vitesses. C'est dissuader les salariés modestes de contester un licenciement abusif, les familles fragiles de défendre leurs droits. La justice n'est pas un service dont on achète l'entrée ; elle est un droit fondamental financé par la solidarité nationale.
Je souhaite également rappeler une évidence. Nous devons être fermes face à ceux qui portent atteinte à notre sécurité, à notre cohésion sociale et à la dignité humaine. La République ne doit pas transiger avec la violence, ni avec les agressions, ni avec toutes les formes d'atteinte à la personne.
Mais pour être ferme, il faut être juste. Pour être juste, il faut traiter tout le monde de la même manière. On ne peut pas laisser se banaliser les propos racistes, antisémites, islamophobes, xénophobes ou excluants. On ne peut pas accepter que l'on s'habitue à entendre des mots qui divisent, déshumanisent et ostracisent. Une justice forte, c'est aussi une justice qui rappelle que la dignité humaine n'a pas de couleur, pas de religion, pas d'origine.
Dans le même temps, ce budget poursuit la fuite en avant du tout-carcéral. Plus de 375 millions d'euros sont consacrés à de nouveaux établissements, alors qu'il manque déjà 4 000 agents pour faire fonctionner les prisons existantes. Les maisons d'arrêt sont surpeuplées, parfois à plus de 200 %. Les détenus s'entassent dans 9 mètres carrés, dorment sur des matelas posés sur le sol, vivent dans des cellules vétustes, insalubres, infestées de nuisibles. Les personnels pénitentiaires subissent cette situation autant que les personnes qu'ils encadrent.
Je souhaite rappeler ici une statistique que l'on oublie trop souvent : 65 % des personnes incarcérées qui sortent sans accompagnement récidivent dans les cinq ans. Quand on banalise le recours à l'emprisonnement, sans réinsertion, sans suivi, sans travail sociojudiciaire, on fabrique de la récidive. On se croit ferme ; on est court-termiste. Robert Badinter disait qu'une société se juge à l'état de ses prisons ; j'ajouterais qu'elle se juge aussi à ce qu'elle fait des personnes à leur sortie.
Dans la prise en charge des mineurs aussi, l'incarcération devient trop souvent la réponse par défaut, alors qu'elle devrait rester la dernière des solutions. Nous devons renforcer le milieu ouvert, l'accompagnement éducatif, les dispositifs d'insertion, tout ce qui permet à un jeune de retrouver une place dans la société plutôt qu'une place en cellule.
Nous avons besoin d'une autre justice, une justice qui donne du temps aux magistrats, des effectifs aux greffes, des moyens aux Spip, une stabilité aux éducateurs ; une justice qui ne sacrifie pas les expertises sociales et médicales indispensables ; une justice qui ne recourt pas par défaut aux procédures accélérées, faute de moyens humains ; une justice qui est non pas une chaîne de production, mais un service public exigeant, qui nécessite du temps, de l'écoute et des moyens.
Mes chers collègues, la justice est la colonne vertébrale de notre démocratie. Elle garantit que la loi que nous écrivons ici puisse être appliquée avec humanité et discernement. Elle protège les plus fragiles contre l'arbitraire. Elle maintient la cohésion de notre nation. Elle dit qui nous sommes.
Si nous voulons une République forte, nous devons lui donner une justice forte : une justice avec des moyens, une justice respectueuse de ses agents, une justice respectueuse aussi de ceux qu'elle condamne, parce que la dignité humaine n'est pas négociable, parce que l'égalité de traitement n'est pas négociable, parce que la République ne s'abîme jamais autant que lorsqu'elle accepte que certains valent moins que d'autres.
Pour toutes ces raisons, et parce que notre devoir est d'être à la hauteur de l'idéal républicain, notre groupe votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la justice, une mission longtemps négligée dans le budget de l'État, alors même que les Français y accordent une immense importance. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen se réjouit de voir ses crédits rehaussés d'environ 3 % en 2026, pour atteindre 13 milliards d'euros.