Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. J'émets un avis de sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 78.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Justice ».
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d'affectation spéciale :Développement agricole et rural
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque fois que nous examinons le projet de loi de finances, nous constatons que les difficultés traversées par le monde agricole ne cessent de s'amplifier, au point que l'on pourrait presque y voir un parallèle avec notre vie politique. Dans les deux cas, en effet, il y a toujours plus de tensions !
Ainsi, je ne m'étendrai pas sur les conséquences des tensions internationales sur les approvisionnements, nos exportations et le cours des matières. Entre la guerre en Ukraine, les difficultés au Proche-Orient, les tensions commerciales entre l'Europe et la Chine, le renforcement des droits de douane américains et l'entrée en vigueur, de plus en plus probable, de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, nous voyons bien que tout est réuni pour mener la vie dure aux agriculteurs.
Dans les deux cas, encore, nous sommes servis en matière d'aléas. C'est peu dire que les événements climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles au cours des dernières années, même s'il faut reconnaître une relative amélioration – après tout, il ne peut pas y avoir que de mauvaises nouvelles.
Ainsi, l'année 2025 est globalement moins marquée par les crises que les précédentes. Néanmoins, nous avons tout de même connu quelques foyers contagieux, avec, malheureusement, de nouveaux abattages imposés. Je pense, en particulier, à la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) bovine. Bien évidemment, ce qui se passe en Ariège ne peut que nous alerter…
Dans les deux cas, toujours, le Parlement fait ce qu'il peut. Nous avons adopté un certain nombre de dispositifs, bien au-delà des clivages partisans, pour aider les agriculteurs à traverser les turbulences. Je pense à la facilitation du recours à la déduction pour épargne de précaution (DEP) et à diverses mesures d'aide à l'installation.
Nous avons autorisé plus de 740 millions d'euros d'aides exceptionnelles pour 2025 et 2026 : le fonds d'urgence en vue de soutenir les exploitations viticoles en difficulté, l'aide nationale à la réduction définitive du potentiel viticole, les prêts bonifiés à l'attention du secteur vitivinicole, le fonds d'urgence en vue de soutenir les exploitations d'élevage affectées par la maladie hémorragique épizootique (MHE), les aides à la filière biologique et aux planteurs de banane, la prise en charge d'une partie des pertes de production des éleveurs de volaille, l'indemnisation pour la prise en charge de la surmortalité liée à la fièvre catarrhale ovine (FCO), les prêts garantis, le dispositif d'aide exceptionnel à destination des pépiniéristes viticoles pour l'arrachage de vignes mères de porte-greffes (VPMG), etc.
Il est indéniable que les pouvoirs publics se préoccupent de la question agricole, et c'est tant mieux. Dans ce contexte, j'exprime donc au moins un point de satisfaction.
Ainsi, ce qui me réjouit, outre le dépôt de 162 amendements, c'est le maintien du total des concours publics consacrés à l'agriculture en 2026.
En effet, si l'on additionne les crédits européens de la politique agricole commune (PAC), les dépenses sociales qui figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les mesures fiscales, les dépenses budgétaires et le compte d'affectation spéciale que nous sommes en train d'examiner, ou encore les crédits qui figurent sur d'autres missions, comme ceux du programme 143, « Enseignement technique agricole », au sein de la mission « Enseignement scolaire », en tout, en 2026, ce sont plus de 25 milliards d'euros que nous consacrerons à l'agriculture et à la forêt, soit à peu près l'équivalent de l'effort de 2025.
Au vu du contexte budgétaire, je considère que la stabilisation du total des dépenses publiques pour l'agriculture constitue un effort colossal. Je salue donc la détermination de Mme la ministre, qui survit à la fois aux changements de Premiers ministres et aux assauts de Bercy… (Sourires.)
J'aborde donc l'examen de ces crédits en me posant une seule et unique question : les crédits pour l'agriculture, dans leur ensemble, vont-ils permettre de répondre aux principales attentes des professionnels du secteur, sans dégrader notre souveraineté ? Je pense que la réponse est affirmative.
Ce verdict pourrait sembler paradoxal, alors que les autorisations d'engagement diminuent de 11,6 % et les crédits de paiement de 5 %, mais il nous faut prendre en compte l'ensemble de l'effort envers le monde agricole, et non les seuls crédits qui transitent par la présente mission.
Bien sûr, nous aimerions faire plus. Bien sûr, il subsiste un goût d'inachevé, et je souscris à certaines des pistes d'amélioration que nos collègues vont défendre. Cependant, je considère, au regard du contexte budgétaire et des attentes des professionnels, que ces crédits répondent à l'essentiel des besoins, dans un contexte objectivement très difficile.
Avec mon corapporteur Victorin Lurel, je n'émettrai donc un avis favorable que sur quelques amendements, choisis avec parcimonie en raison du contexte budgétaire. Je m'en remettrai à votre légendaire sagesse, mes chers collègues, pour ne pas déséquilibrer davantage les comptes publics.
Comme vous l'aurez compris, la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, année après année, j'ai comme un sentiment de déjà-vu.
Quel que soit le Premier ministre, nous retrouvons la même ministre, ce qui est un plaisir ! Mais le même contexte dégradé pour les agriculteurs est présent, les mêmes arguments sont toujours pour diminuer employés davantage les crédits budgétaires de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et, au bout du compte, le même mal-être demeure.
La nuit dernière encore, votre gouvernement en a même été réduit à envoyer les forces de gendarmerie mobile pour déloger nos éleveurs désespérés, madame la ministre. Cette fois-ci, c'était en Ariège, mais il n'est pas de département qui soit épargné par les drames agricoles.
Force est de constater que le courage politique, qui aurait supposé de trouver des financements massifs pour lutter contre les épidémies et le réchauffement climatique, pour soutenir réellement les différentes filières en crise et pour aller plus loin dans les dispositifs d'aide, a manqué. Hier, c'était en Savoie, en Ariège, dans les Hautes-Pyrénées ; demain, voire aujourd'hui, cela peut se reproduire à Mont-de-Marsan, dans les Landes, ou à Toulouse, en Haute-Garonne. Bref, ce que nous demandons, c'est une vaccination généralisée, ou élargie, comme le disent les socioprofessionnels.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il est difficile de faire abstraction de la forte diminution des crédits de la mission, dans la droite ligne de ce que nous avions déjà subi l'an dernier. Il existe donc, à mon sens, une véritable marge de progression, et c'est un euphémisme.
Les plus de 160 amendements déposés sur ces crédits traduisent d'ailleurs bien ces insuffisances. Sans mésestimer la difficulté de votre tâche, madame la ministre, je soulignerai deux de ces insuffisances, en vous rappelant, les yeux dans les yeux, qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Je commencerai par la plus criante : votre gouvernement a renoncé à toute ambition de rapprocher davantage l'agriculture et l'écologie. Ainsi, l'effort auparavant consenti sur le plan écologique, qui s'élevait à 1,4 milliard d'euros, n'est pas reconduit, et la fibre écologique que nous observions sous les précédents gouvernements, de la part de la même ministre, a apparemment disparu.
Le retrait des crédits pour la planification écologique se fait au détriment des générations futures, ce que je regrette amèrement. Comment les agriculteurs pourraient-ils prendre le virage environnemental si nous n'accompagnons pas leurs changements de pratique avec davantage de volontarisme ?
Je note pourtant, avec objectivité, l'effort consenti sur la recherche agricole, avec le rehaussement de 25 millions d'euros du plafond du Casdar. Cependant, ce montant est à mettre en regard de la suppression des 350 millions d'euros alloués à la planification écologique.
Quant à la seconde insuffisance, que dire de la baisse des crédits qui relèvent du programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » ? Ainsi, 80 millions d'euros ont été retirés à cette politique publique, alors que le contexte sanitaire, vous en conviendrez, est loin d'être optimal. Ce n'est vraiment pas rassurant sur ce qui nous attend dans les années à venir ; nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des amendements.
En revanche, très peu de ces amendements tendent à souligner les quelques points positifs de ce budget. Je vais donc relever quelques pistes d'espoir. Si l'on tient compte de la PAC, du PLFSS et de l'effort accompli au travers des différentes mesures adoptées en première partie du PLF, nous avons au moins la satisfaction de voir le total des concours publics à l'agriculture maintenu à environ 25 milliards d'euros en 2026.
Je vois un autre facteur positif dans ce budget : la consolidation de certains dispositifs favorables aux travailleurs. En effet, comme nous le savons bien, l'agriculture est un secteur très concurrentiel. Si nous n'adaptons pas nos règles, nous favoriserons donc une certaine précarisation.
L'exonération de certaines charges de cotisation assure le maintien du volume global des heures salariées dans le secteur agricole, tout en donnant lieu à une compensation au profit de la Mutualité sociale agricole (MSA). Pour moi, c'est là l'un des moyens de lutter contre le travail illégal et ses conséquences, en particulier pour des emplois à faible valeur ajoutée.
J'y porte, bien évidemment, une attention particulière, car dans les outre-mer le salariat agricole joue un rôle central. Je salue donc la légère hausse des crédits consacrés au programme 381, « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) », qui tire les conséquences de mesures comme la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des pensions de retraite et le rehaussement du seuil de dégressivité du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE).
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, malgré les insuffisances que nous relevons, voter contre ces crédits n'aurait pas de sens.
Le Gouvernement doit cependant revoir sa copie sur plusieurs points, notamment sur la prise en charge des frais de vaccination. Sur ce sujet, des amendements seront défendus et notre commission formulera plusieurs propositions. Il convient également d'agir sur les moyens des opérateurs forestiers, ou encore sur les mesures agro-environnementales et climatiques (Maec).
Comme l'a indiqué Christian Klinger, la commission des finances est favorable à l'adoption de ces crédits. Toutefois, à titre personnel, je réserve ma position en attendant l'issue de nos débats.
Madame la ministre, j'ai l'espoir que vous nous apportiez, au cours de la séance, des garanties. Je relève, d'ailleurs, que votre arrivée au Sénat coïncide avec le dépôt de quelques amendements du Gouvernement, dont le plus récent a pour objet une timide majoration de crédits, pour un montant de 10 millions d'euros. C'est un bon début.
J'ose ajouter, en conclusion, qu'un Sénat réaliste et bienveillant, que ce soit sur les crédits de cette mission ou sur le budget dans son ensemble, contribuera, pour reprendre les paroles de notre rapporteur général, à « trouver une voie de passage » vers un budget pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, conscient de l'effort auquel Mme la ministre de l'agriculture consent en maintenant une attention forte envers le domaine dont nous débattons, je souhaite résumer la situation en une phrase : la critique est aisée, mais l'art est difficile.
La commission des affaires économiques s'est prononcée en faveur des crédits de la mission, tout en adoptant huit amendements et sept recommandations.
Certes, l'agriculture doit prendre sa part à l'effort de redressement de nos finances. C'est d'ailleurs bien ce qu'elle fait, avec une baisse des crédits de 210 millions d'euros. Cependant, le secteur est aussi en attente, d'une part, du respect des engagements pris, et, d'autre part, d'un soutien fort en faveur des filières actuellement en grande difficulté.
À ce titre, la commission note en première partie du PLF des avancées qu'il convient, madame la ministre, de saluer. Je pense à l'article 10, qui tend à prolonger et à consolider des dispositifs indispensables à la compétitivité et à la résilience de notre agriculture.
Quant à d'autres avancées actées par le Sénat, parfois sans la bénédiction du Gouvernement, j'espère qu'elles prospéreront. Par exemple, l'élargissement de la déduction pour épargne de précaution aux aléas économiques, dans certaines limites et sous certaines conditions, constitue un progrès. Pour se convaincre de l'importance de ce dernier, il suffit d'observer les chocs subis par la viticulture ou la grande culture. J'appelle le Gouvernement à le conserver.
Je me réjouis, en outre, de l'adoption d'un certain nombre d'articles additionnels, notamment ceux qui concernent nos éleveurs touchés par l'indispensable, mais terrible, mesure de l'abattage sanitaire de leur cheptel.
Concernant plus spécifiquement la seconde partie du projet de loi de finances, la commission des affaires économiques, tout en soulignant que la baisse du budget de la mission ne saurait se poursuivre continuellement, a considéré que l'effort demandé au secteur demeurait acceptable, sous réserve d'ajustements visant essentiellement à soutenir plus fortement les exploitations en difficulté et les vétérinaires ruraux, mais aussi à poursuivre la politique forestière.
Ainsi, dans un contexte où certaines exploitations céréalières dégagent depuis maintenant trois années un revenu négatif et où la viticulture connaît une profonde crise, nous présenterons un amendement modeste, mais crucial, visant à instituer un fonds d'allègement de charges. De même, nous proposerons d'augmenter les crédits de l'aide à la restructuration des exploitations agricoles.
Je reconnais que certaines dispositions vont dans le bon sens, notamment en première partie du PLF, concernant, entre autres, le bio. Je me réjouis d'ailleurs de l'adoption d'un amendement visant à amplifier le crédit d'impôt concerné et vous appelle, madame la ministre, à veiller à ce que soit maintenu cet ajout du Sénat dans le texte final.
Je salue, enfin, comme chacun ici, des dispositifs pris en faveur de nos éleveurs, même si j'aurais souhaité, avec les membres de mon groupe, aller encore plus loin.
Telle est donc l'analyse que je fais de ce budget : quelques bons points, mais une copie globalement peu satisfaisante, qui n'est malheureusement pas à la hauteur des besoins urgents de notre agriculture. Mais nous allons en débattre, notamment au travers de l'examen des huit amendements déposés par la commission.
Pour conclure, madame la ministre, je tiens à vous féliciter pour votre courage. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce budget dans un contexte de très grande inquiétude pour nos agriculteurs, pour de nombreuses raisons : évolutions de la PAC, accord avec le Mercosur, conséquences du conflit en Ukraine, mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), balance commerciale en berne et succession de crises sanitaires, notamment dans l'élevage. Je tenais donc à saluer votre engagement, madame la ministre.
Avant d'aborder la politique forestière, sur laquelle j'interviendrai plus spécifiquement, je voudrais revenir sur le renouvellement des générations en agriculture. En effet, pour avoir été l'un des rapporteurs de la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (LOA), je suis particulièrement sensible à cette problématique.
Je rappelle que cette loi prévoit le déploiement du réseau France Services Agriculture en 2027, avec une première phase d'expérimentation dès 2026. Les chambres d'agriculture, en première ligne de ce dispositif, devront disposer des moyens nécessaires pour exercer correctement cette mission. Il s'agit là d'un enjeu majeur, pris en compte dans le cadre du présent projet de loi de finances.
En outre, nous recommandons la mise en œuvre de l'aide au passage de relais, telle que nous l'avons imaginée ici, au Sénat, ainsi que des diagnostics modulaires, autant d'outils qui favoriseront des installations et une transmission de qualité.
S'agissant du volet forestier, je déplore la baisse, de l'ordre des deux tiers en autorisations d'engagement et d'un tiers en crédits de paiement, des moyens affectés à la planification écologique, particulièrement dans sa dimension forestière.
Ainsi, les 97,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement programmés pour 2026 sont bien inférieurs aux 509 millions d'euros prévus par la loi de finances initiale pour 2024. Alors que la forêt a besoin d'un investissement de long terme, le stop and go permanent fragilise l'ensemble de la filière.
C'est pourquoi, par esprit de responsabilité, mes chers collègues, nous vous proposerons d'augmenter de manière limitée, à hauteur de 15 millions d'euros, l'enveloppe de la planification écologique consacrée à la forêt. Il s'agit d'adoucir l'effet d'une baisse budgétaire brutale sur le renouvellement forestier, pour 10 millions d'euros, et de soutenir l'investissement de l'aval, pour 5 millions d'euros.
Cela étant, la gestion de la forêt nécessite également des moyens humains et la diffusion de compétences sur le terrain. Comme l'année dernière, nous déplorons la tentation du Gouvernement de réduire les effectifs de l'Office national des forêts (ONF), qui a déjà subi une baisse sévère de 40 % de ses moyens humains en vingt ans. Nous souhaitons également revenir sur la diminution de l'évaluation des effectifs hors plafond du Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui suscite l'inquiétude.
Ces réductions de personnel sont d'autant plus incompréhensibles qu'elles ne susciteraient aucune économie pour l'État. En effet, ces emplois sont financés par les ressources propres des opérateurs. Nous vous proposerons donc, mes chers collègues, d'adopter des amendements tendant à remédier à ces difficultés.
Ces observations constructives et positives étant formulées, nous voterons les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si nos débats de ce soir portent sur le budget, je souhaite évoquer la crise de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et exprimer tout mon soutien aux agricultrices et agriculteurs concernés.
Pour ce qui concerne les crédits proposés par le Gouvernement sur cette mission, mon appréciation, comme vous pouvez l'imaginer, n'est pas tout à fait la même que celle de mes collègues rapporteurs pour avis.
Avec 600 millions d'euros de moins, les crédits de 2026 subissent une baisse de 11 % par rapport à 2025, portant le financement de la mission à un niveau proche de celui de 2023. Autrement dit, il nous est proposé de revenir trois ans en arrière, alors même que les crises agricoles n'ont jamais été aussi fortes. Ainsi, bien loin du « grand réveil alimentaire » que vous nous promettez, madame la ministre, il semblerait que, en matière d'agriculture, avec ce gouvernement, on n'avance pas : on recule.
Surtout, je déplore que ces coupes budgétaires aient lieu essentiellement au détriment de politiques relatives à la planification écologique.
Je rappelle que, en 2024, l'action n° 29, « Planification écologique », du programme 149, « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt », était dotée de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 750 millions d'euros en crédits de paiement. Ces fonds doivent financer le plan Haies, le plan Protéines végétales, le diagnostic carbone, la décarbonation en agriculture, etc. En un mot, cette action a pour objet d'assurer la transition, la compétitivité et la souveraineté agricoles.
Or pour 2026, il nous est proposé un montant de 118 millions d'euros en autorisations d'engagement et 178 millions d'euros en crédits de paiement. On passe donc en deux ans, de 1 milliard d'euros à 118 millions d'euros : quel effondrement ! Il s'agit d'un abandon complet, ce qui est inconcevable à mes yeux.
Quant à l'action n° 09, « Planification écologique – Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », le constat est le même : en autorisations d'engagement, nous passons de 250 millions d'euros en 2024 à 25 millions d'euros pour 2026, soit une division par dix. C'est inadmissible !
Par ailleurs, je souscris aux préoccupations de mes deux collègues rapporteurs pour avis et présenterai, au nom de notre commission, un amendement visant à créer une rémunération forfaitaire à destination des vétérinaires exerçant en milieu rural.
Il convient de leur rendre hommage, car, sans leur indispensable présence sur nos territoires, la détection de la DNC n'aurait pas été aussi précoce et efficace.
M. Laurent Somon. C'est vrai !
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. Je relève, enfin, quelques dispositions allant dans le bon sens, notamment dans la première partie du PLF, concernant le bio ou les indemnités liées à la DNC. Je vous appelle, madame la ministre, à maintenir ces ajouts du Sénat dans le texte final.
Au cours de l'examen des crédits de la mission, j'aurai l'occasion, avec les autres membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de défendre des amendements visant à renforcer le soutien aux filières en difficulté et à mieux accompagner les transitions.
En conclusion, telle est l'analyse que nous faisons, nous, socialistes, de ce budget : de très rares bons points, d'ailleurs issus d'amendements des groupes de gauche ; mais, dans l'ensemble, une copie qui n'est malheureusement pas à la hauteur des besoins urgents de notre agriculture.
Nous ne voterons donc pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, j'indique, pour la bonne information de tous, que 148 amendements sont à examiner sur cette mission.
Si nous voulons terminer l'examen de cette mission ce soir, nous devons tenir un rythme d'examen soutenu. En effet, en respectant un rythme de 31 amendements par heure, nous terminerions aux alentours de deux heures.
En conséquence, conformément à la décision de la conférence des présidents réunie mercredi 3 décembre, les temps de parole sont fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (suite)
Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a plus de dix ans, le législateur français engageait l'agriculture française dans le sens de l'agro-écologie. C'était alors une orientation stratégique fondamentale pour l'efficience sur la longue durée de notre agriculture à l'ère des grandes transitions, lesquelles devraient être désormais le cadre de toutes nos politiques publiques.
Aujourd'hui, ces crédits, tels qu'ils nous sont soumis, ne permettent pas de répondre aux maux de l'agriculture française.
Les diminutions des fonds alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », de près de 12 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement, en attestent. Cette baisse, tout comme celles qui ont précédé, procède d'une volonté politique qui va à contre-courant des intérêts de l'agriculture française et de notre société dans son ensemble. Voilà le sens de la chute de 600 millions d'euros inscrite dans le PLF, soit 1,4 milliard d'euros de moins en deux ans.
Comme un révélateur significatif de votre politique, la planification écologique est à l'abandon : 118 millions d'euros proposés aujourd'hui, contre 1 milliard d'euros en 2024. De même, vous délaissez résolument la stratégie de lutte contre les pesticides, avec une baisse de 84 % des crédits alloués au plan Ecophyto, soit une réduction de 135 millions d'euros.
Alors que la DNC met en péril l'élevage bovin français, votre anticipation des crises sanitaires reste très superficielle. Ainsi, aux épizooties diverses, qui mettent les exploitants en souffrance, vous répondez par une baisse de près de 10 % des crédits.
La loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur n'aura, comme seule suite donnée aux États généraux de l'alimentation, que peu d'effets pour les agriculteurs en difficulté des zones intermédiaires ou défavorisées, comme le Gers. Au-delà, vous devez donc en revenir à l'objectif de triple performance.
Ainsi de la performance économique. Sans volonté politique de sanctuariser les prix de production à leur juste valeur, de s'affranchir de certaines règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de rejeter les accords de libre-échange mortifères, comme celui qui concerne le Mercosur, des pans entiers de filières disparaîtront ou s'affaibliront et nos territoires continueront à se paupériser.
La réponse aux enjeux sociaux de l'agriculture française, ensuite, résulte largement de la prise en compte du premier point, mais pas seulement.
Votre politique valorise insuffisamment la contribution environnementale et climatique des agriculteurs. Avec des paiements pour services environnementaux (PSE) adaptés aux enjeux systémiques, notre société devrait reconnaître leur contribution positive à l'environnement et au climat. Or il n'y a rien de cela dans votre budget, ce qui est, selon moi, un contresens majeur, dommageable à bien des égards.
En résumé, le sens de l'histoire et la responsabilité de notre humanité contemporaine n'est pas de déconstruire méthodiquement, d'exercice en exercice, les fondements et les acquis précieux, mais aussi partiels et fragiles, de l'agro-écologie, telle qu'elle est développée depuis dix ans.
Madame la ministre, comme pour les exercices précédents, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ne sont à la hauteur ni des crises agricoles actuelles ni des enjeux structurels de la triple performance. En l'état, nous ne pourrons les approuver. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)