Présidence de M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à respecter nos valeurs essentielles : le respect des uns et des autres, mais aussi, plus prosaïquement, celui du temps de parole.

dermatose nodulaire contagieuse

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, tout a été dit – ou presque – sur la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) : infos, infox et intox… Il n'en demeure pas moins que la DNC est l'une des maladies les plus graves en matière de santé animale.

La situation est explosive sur le terrain. Nos éleveurs du Sud-Ouest – et maintenant de toute la France – sont sur le pied de guerre. Les mesures sanitaires sont très difficiles à accepter.

L'épizootie qui a repris en Ariège et en Haute-Garonne s'étend en effet aux départements voisins. Nous avons été pris de vitesse par le virus et, faute d'une communication et d'une pédagogie suffisantes, nous avons perdu la bataille des médias : tout le monde s'insurge contre les abattages, en invoquant des arguments plus ou moins farfelus.

Le dépeuplement complet d'un troupeau est un choc terrible pour les éleveurs. Madame la ministre, vous n'êtes pas sans savoir que les revendications dépassent désormais la seule problématique de l'abattage de bovins. Ne pensez-vous pas que la communication de votre ministère a été insuffisante ? Face à cette situation, que vous ne maîtrisez plus, comment comptez-vous reprendre la main ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, merci de votre question sur ce sujet, qui, hélas ! occupe l'actualité depuis quelques jours.

Hier, sur l'initiative du Premier ministre, le Gouvernement a tenu deux réunions de crise exceptionnelles, parce que nous sommes dans un moment stratégique, où il importe d'ériger la vaccination de masse en priorité nationale.

Monsieur le sénateur, vous êtes, je crois, vétérinaire… (M. Pierre Médevielle fait un signe de dénégation.) Ou peut-être est-ce l'un de vos collègues qui doit m'interroger plus tard…

M. le président. Il est derrière vous ! (Rires et applaudissements.)

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le président du Sénat, je sais trouver en vous une oreille attentive. (Sourires.)

Monsieur le sénateur, nous devons procéder à une vaccination massive, rapide et départementalisée, sous l'autorité d'un préfet chargé de coordonner les campagnes de vaccination. Nous disposons de suffisamment de doses : nous pourrons compter sur 900 000 doses pour vacciner 750 000 bovins.

Dans le cas de l'Ariège, j'ai demandé que les bêtes des mille exploitations que compte le département soient vaccinées avant la fin du mois de décembre. Nous procéderons de même, avec la même rapidité, pour l'ensemble des départements qui sont concernés par la zone vaccinale et la zone réglementée.

Par ailleurs, nous avons mobilisé une force vétérinaire puissante, en faisant appel à des professionnels retraités, à des libéraux, ou encore à des vétérinaires d'État et de l'armée. Nous avons bien sûr besoin de vaccins, mais aussi de bras pour vacciner.

Nous avons également renforcé les contrôles. En effet, la propagation de la maladie ne s'explique pas par un manque d'information, monsieur le sénateur. Nous avons informé massivement. Elle est due à une absence de discipline individuelle et collective. Chacun doit respecter les consignes de limitation de mouvements.

Enfin, nous avons créé une aide pour les petits éleveurs de la zone réglementée, qui sont fragilisés par cette crise. Nous déploierons des allégements de charges sociales et fiscales, et un fonds de soutien de plus de 10 millions d'euros, pour ne laisser personne sur le bord du chemin.

J'en suis persuadée, nous surmonterons cette terrible crise sanitaire, comme nous avons su vaincre, par le passé, toutes les grandes épizooties qu'a connues le monde de l'élevage, dont il s'est toujours relevé avec courage.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Annie Genevard, ministre. Sachez-le, monsieur le sénateur, nous sommes totalement et prioritairement mobilisés pour faire reculer ce virus. L'objectif est clair : l'éradiquer ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Fabien Genet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Les éleveurs qui sont touchés par la crise ou qui vont l'être ont certes besoin d'attention, de compassion, et de mesures fiscales et financières comme celles que vous venez d'annoncer, ce dont je vous remercie en leur nom. Mais ce qu'ils veulent avant tout, c'est parler de l'avenir.

C'est pour cette raison que les agriculteurs d'Occitanie vous ont invitée à revenir à leur rencontre pour dialoguer et aborder des lendemains qui s'annoncent si difficiles.

La dimension humaine de la crise n'a pas été suffisamment bien appréhendée. C'est regrettable, et cela a entraîné quelques débordements. Nous devons aider les éleveurs à franchir ce cap difficile. Pour cela, ils ont besoin de clarté, d'attention, et, surtout, d'un accompagnement de tous les instants.

Voilà ce qu'ils attendent de nous. Madame la ministre, nous n'avons pas le droit de les décevoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

crise agricole (i)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre.

Une fois encore, le monde agricole est au cœur d'une crise très profonde. L'Occitanie est l'épicentre d'un vaste mouvement de colère : l'Ariège, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées et bien d'autres départements sont touchés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Des éleveurs crient leur détresse…

Cette crise sanitaire se déroule avec le Mercosur en toile de fond.

Les pouvoirs publics mettent en avant le principe de souveraineté alimentaire. Faut-il rappeler qu'il ne s'agit pas que d'un concept ? Sans exploitants, pas d'agriculture, pas de produits agricoles, et donc plus de souveraineté alimentaire !

Alors, je le dis avec gravité, les réponses apportées dans l'urgence ne sauraient faire office de stratégie durable. Il n'est plus possible d'attendre que les agriculteurs soient aux abois pour voler à leur secours !

Il n'est plus acceptable de laisser des exploitations disparaître et d'importer des produits agricoles labélisés « moins-disant » jusqu'à en déséquilibrer notre balance commerciale agroalimentaire.

Il est intolérable d'apprendre le suicide d'un exploitant parce qu'il est dans l'impasse morale et financière.

Et il n'est pas tenable de laisser les vétérinaires en première ligne au milieu d'une crise à la charge émotionnelle aussi forte.

La crise de la DNC, au regard de la faiblesse des signaux d'alerte, démontre un véritable échec en matière de gestion de crise. Faute d'anticipation, la décision de l'abattage systématique tombe comme un couperet. Nous voyons tous le résultat : des barrages et une révolte contagieuse !

Un travail doit être fait en amont. Il convient à la fois d'accentuer la recherche pour trouver d'autres voies que l'abattage total d'un cheptel, d'écouter les exploitants à l'échelle la plus fine possible, et de conduire une expérimentation territoriale de nouveaux protocoles.

Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement entend-il répondre à la nécessité de nous armer en amont pour anticiper et gérer les crises que nous ne manquerons pas de connaître encore et encore ? Face à l'ampleur de la crise, c'est à vous, monsieur le Premier ministre, d'adresser aux éleveurs un message fort. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Madame la présidente Carrère, je vais commencer par la fin de votre question. Pour mieux préparer les crises de demain, et je sais qu'il existe au Sénat un consensus sur le sujet, nous allons devoir mener un combat politique, intellectuel et culturel pour préserver la foi dans la science et dans les scientifiques.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. En effet, de nouvelles pathologies vont émerger à cause du réchauffement climatique. Elles toucheront les êtres humains, mais aussi les animaux, qu'il s'agisse de bétail ou d'animaux de compagnie. Dans les temps qui viendront, la place centrale de la recherche et de la science devra être réaffirmée.

Cela étant dit, votre question me donne l'occasion de faire le point, dans la continuité des propos d'Annie Genevard, sur les politiques que déploie le Gouvernement en Occitanie et, plus globalement, dans le Sud-Ouest. Notre action porte non seulement sur les zones où des foyers de contamination ont été mis au jour, mais aussi dans les zones voisines. L'objectif est de créer un cordon sanitaire pour protéger le bétail, mais aussi nos éleveurs.

Comme l'a dit la ministre de l'agriculture, notre priorité est la vaccination. Nous disposons déjà de 500 000 doses, et 400 000 autres ont été commandées. L'acheminement représente un défi logistique important. À cet égard, je tiens à remercier les armées françaises, qui concourent largement au conditionnement et à l'acheminement, par voie aérienne militaire et par voie terrestre, de ces vaccins.

Les doses doivent être rendues disponibles au plus près de chaque élevage. C'est déjà le cas dans plusieurs départements et, dès demain, un réassort important va permettre une montée en puissance significative du dispositif.

Au-delà des doses, nous devons répondre au défi des bras : le président du Sénat nous ayant rappelé qu'il était derrière nous, je tiens à dire que nous devons tous nous tenir derrière nos vétérinaires, qui subissent des menaces absolument inacceptables. (Applaudissements.)

Nous ne pouvons faire face à une épizootie sans faire confiance à la science, et en premier lieu à cette profession, qui se mobilise de manière admirable et remarquable. Non seulement les vétérinaires en activité, mais aussi, monsieur le président, les vétérinaires retraités, les élèves vétérinaires qui sont encore en école, ou même les vétérinaires des armées se mobilisent. Dès demain, vingt vétérinaires militaires et trois cent quarante-sept vétérinaires issus des corps de sapeurs-pompiers vont ainsi se déployer sur la zone.

Notre politique de vaccination doit être véritablement départementale : à la main des préfets, en lien avec les présidents de chambre d'agriculture, les groupements de défense sanitaire (GDS) et l'ensemble des représentations syndicales. De la sorte, nous pouvons déployer des actions sur-mesure et ne manquer de rien.

La montée en puissance du dispositif va se poursuivre jusqu'à la fin du week-end, conformément aux instructions que nous avons données aux préfets. Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, monsieur le sénateur de l'Ariège, la vaccination des bêtes des mille exploitations de l'Ariège d'ici au 31 décembre de l'année est un objectif clé et nous l'atteindrons. Le préfet coordinateur organisera notre réponse.

Par ailleurs, nous devons veiller, mesdames, messieurs les sénateurs – j'entre dans les détails, mais je sais que ces questions comptent pour vous – à ce que les interdictions de transport de bétail soient respectées. Si le virus se propage, c'est bel et bien qu'un certain nombre d'acteurs ont malheureusement contourné les interdictions.

Sans montrer personne du doigt, il me faut bien appeler chacun à faire preuve de responsabilité : il est inacceptable que des éleveurs qui respectent les règles subissent non pas des désagréments, mais de véritables drames parce qu'une infime minorité refuse d'appliquer la moindre de ces règles. Des instructions ont donc été données pour l'éviter.

Madame la présidente Carrère, vous nous invitez à poursuivre notre politique de gestion de crise et à répondre aux attentes du terrain. À cet égard, il est urgent de se pencher sur les effets de la vaccination. Je pense en particulier aux répercussions économiques pour certains éleveurs et certains territoires, notamment celles qui sont liées aux conséquences sur les exportations.

L'exemple de la Savoie est éloquent : les broutards font souvent un aller-retour en Italie ou en Espagne à des fins d'engraissement. Il est donc indispensable de discuter avec Rome, Madrid, mais aussi Bruxelles, pour donner de la visibilité sur le statut à l'export de ces bêtes, une fois qu'elles auront été vaccinées.

J'ai demandé au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, aux ministres délégués chargés du commerce extérieur et de l'Europe et, évidemment, à la ministre de l'agriculture, qui l'est déjà pleinement, de se mobiliser. Ce besoin de visibilité est une priorité, comme en témoignent les saisines qui nous ont été adressées encore ce matin depuis l'Aveyron et ailleurs.

Enfin, monsieur le sénateur Médevielle, vous avez interrogé la ministre de l'agriculture sur les mesures d'accompagnement. Nous avons instauré des exonérations de cotisations sociales, nous défiscalisons les aides, et nous accordons des aides à la trésorerie, mais cela ne suffit pas. Aussi avons-nous débloqué un premier fonds d'urgence de 10 millions d'euros.

Je souhaite que ce fonds soit le plus territorialisé possible : il sera à la main des préfets pour qu'ils mènent des actions sur-mesure, notamment à destination des tout petits élevages. Nous le voyons, les toutes petites structures familiales – n'entendez rien de péjoratif dans ce qualificatif, au contraire – sont les plus exposées. Nous devons donc disposer d'un outil adapté et, surtout, réactif.

La rapidité avec laquelle nous allons aider ces exploitations jouera un rôle clé dans notre réponse, que ce soit pour leur devenir, pour le moral et le respect des éleveurs, mais aussi pour la relation entre l'État et ces derniers. D'autres mesures sont à venir. Je pense notamment aux politiques qui permettront aux éleveurs de reconstituer leur cheptel.

En effet, ce que veut un éleveur, au-delà des aides, c'est avant tout de pouvoir redémarrer très vite son activité. À cet égard, nous devrons très vite appliquer sur le terrain ce qui a été prévu au sujet des génisses. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

crise agricole (ii)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Jacques Michau. Je veux, en préambule, affirmer mon soutien total et indéfectible aux éleveurs frappés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), comme l'ont fait les deux cents élus rassemblés lundi à Foix. Nous avons tous été profondément choqués de voir des scènes montrant les forces de l'ordre face à des agriculteurs éprouvés, inquiets et à bout.

Madame la ministre, vous êtes venue à Toulouse pour répondre à ce malaise, mais la réunion à laquelle vous avez participé n'a pas satisfait la profession et a entraîné de nouvelles mobilisations.

Vous avez annoncé la création d'une cellule de dialogue scientifique. Dans ce cadre, les propositions des chambres d'agriculture de Haute-Garonne et d'Ariège et celles des syndicats seront-elles étudiées, dès lors, bien sûr, qu'elles ne remettent pas en cause l'expertise scientifique ?

Vous avez répondu hier à une demande forte des éleveurs en intensifiant la vaccination. C'est en effet l'un des principaux leviers pour répondre à la crise. À cet égard, je veux saluer l'engagement des vétérinaires, qui sont pleinement mobilisés.

Madame la ministre, vous avez annoncé que des aides financières seraient attribuées aux éleveurs dont les troupeaux ont été abattus. Dans quels délais les versements seront-ils effectués ? Par ailleurs, à quelles aides pourront accéder tous les autres, ceux qui ne pourront ni commercialiser, ni exporter leur bétail, ni éviter des coûts supplémentaires de contention et d'alimentation ?

Madame la ministre, nous le savons, les crises sanitaires vont se multiplier. Quelle politique structurée comptez-vous mener pour soutenir tous nos éleveurs et leur permettre de poursuivre leur activité et de vivre dignement ?

Alors que la tension dans les territoires est nourrie par les inquiétudes autour du Mercosur et de l'avenir de la politique agricole commune (PAC), quelles réponses concrètes apporterez-vous à la détresse réelle et profonde du monde paysan ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Akli Mellouli applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire. Monsieur Jean-Jacques Michau, vous êtes le sénateur de l'Ariège, dont la terre est actuellement éprouvée par la survenue de la dermatose nodulaire contagieuse.

En ce qui concerne votre première question sur le délai de délivrance des indemnisations, les deux premiers éleveurs qui ont été touchés par la maladie ont déjà perçu un acompte. En effet, j'ai tenu à ce que les acomptes puissent être versés aux éleveurs dans les jours suivant la perte de leur troupeau. C'est important.

Bien sûr, cela n'enlève rien à la douleur d'avoir perdu son cheptel, qui est profonde. Venant d'une région d'élevage, je comprends le drame personnel que représente la perte de son cheptel pour l'éleveur et sa famille, mais aussi pour la communauté villageoise.

Pour autant, il nous faut indemniser la perte des bovins, les pertes d'exploitation et la désinfection des bâtiments d'élevage en mobilisant le fonds d'urgence que vient de mentionner M. le Premier ministre.

Quant à la proposition de créer une cellule de dialogue scientifique, que j'ai formulée à la suite de mon déplacement à Toulouse, il s'agit pour le Gouvernement de faire un pas de côté en mettant autour de la table des représentants du monde de l'élevage de la partie de l'Occitanie qui est touchée par la DNC, des personnalités représentatives choisies par la présidente de région et par le préfet de région, et des experts reconnus en matière de santé animale.

L'idée est d'examiner le protocole maison, si je puis dire – par exemple, le protocole ariégeois – avec ceux qui ont un avis autorisé pour le faire, en ayant toujours en perspective la sécurité sanitaire. Je vous remercie d'ailleurs des propos responsables que vous avez eus à cet égard. Ce qui est en jeu, c'est la protection de l'élevage contre cette maladie redoutablement contagieuse et mortelle.

Il s'agirait d'une instance de dialogue et d'échange…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Annie Genevard, ministre. … entre scientifiques et professionnels. J'en attends beaucoup. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation agricole en france

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, alors que, depuis des mois, le monde agricole exprime une colère profonde et légitime, une crise sanitaire majeure frappe désormais nos campagnes et menace directement la sécurité alimentaire du pays.

Partout sur le territoire, des agriculteurs voient leurs revenus s'effondrer, tandis que leurs élevages sont frappés par des crises sanitaires à répétition : grippe aviaire, dermatose nodulaire contagieuse, épizooties non maîtrisées… Les abattages massifs et les mises à l'arrêt des exploitations qui en découlent, et font souvent l'objet d'indemnisations tardives ou insuffisantes, engendrent de la détresse humaine.

Ces situations ne relèvent pas de la fatalité, mais résultent de choix politiques, qui ont affaibli les outils publics de prévention et de gestion des risques sanitaires. La situation est aggravée par une pénurie dramatique de vétérinaires, en particulier dans les zones agricoles. La prévention recule, les soins sont retardés, la surveillance sanitaire se dégrade. Les exploitations sont fragilisées, mais aussi la sécurité sanitaire des aliments, la santé animale et, in fine, la santé publique.

La politique agricole commune (PAC) est au cœur de cette impasse. Elle subventionne principalement en fonction de la surface de l'exploitation et du capital, favorisant ainsi la concentration des terres et l'élimination sociale des fermes paysannes, au lieu de garantir des revenus, de l'emploi et une agriculture vivante sur nos territoires.

La PAC post-2027 s'annonce encore plus inquiétante : budgets menacés, mise en concurrence accrue… Le projet de renationalisation risque de transformer définitivement l'agriculture en simple variable d'ajustement économique.

Dans ce contexte, la poursuite des accords de libre-échange et la signature de l'accord avec le Mercosur constitueraient une fuite en avant, qui aurait pour conséquence d'accélérer la disparition de l'élevage paysan et d'affaiblir notre souveraineté alimentaire.

Monsieur le Premier ministre, combien de crises sanitaires devrons-nous encore subir avant qu'il soit décidé d'effectuer un changement de cap réel dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, si vous le permettez, je ne répéterai pas ce que je viens de répondre à la présidente Carrère au sujet de la crise vétérinaire. J'apporterai simplement quelques précisions, avant de vous répondre sur le Mercosur et sur la PAC.

En ce qui concerne la crise vétérinaire, heureusement que nous avons augmenté le nombre de vétérinaires formés depuis huit ou neuf ans : par rapport à 2016, ils sont actuellement près de 50 % de plus à sortir d'école, et ils seront 75 % de plus à l'horizon de 2030.

Toutefois, vous avez raison, le sujet n'est pas seulement le nombre de vétérinaires ; c'est aussi leur répartition géographique. Vous le savez bien, vous qui êtes élue d'un département à la fois rural et urbain, la répartition entre les vétérinaires de ville, qui s'occupent principalement des animaux de compagnie, et les vétérinaires en milieu rural, qui s'occupent de l'élevage et travaillent avec nos éleveurs, est une question importante.

Nous allons avoir des discussions en matière de planification avec l'ordre des vétérinaires. Je crois pouvoir déjà tirer comme conclusion temporaire – je le dis en me tournant vers la ministre de l'agriculture – que nous avons besoin de vétérinaires mobiles, de façon à pouvoir nous adapter en fonction de la situation sanitaire. Nous voyons bien que l'avenir sera aux solutions que je qualifierais de « prêt-à-porter », c'est-à-dire taillées en fonction des situations territoriales.

Les questions économiques liées à l'agriculture dépassent le domaine de l'économie : elles posent une question de modèle de société, de relations entre l'agriculteur et le consommateur, d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement et, avant tout, de souveraineté. Nous avons beaucoup parlé de défense en début de semaine, mais la souveraineté alimentaire est également un élément clé de notre souveraineté nationale.

Sur le Mercosur, les choses sont claires : vous connaissez les positions du Gouvernement sur le fond ; elles ont largement été expliquées. Le Sénat s'est mobilisé, a discuté, a voté. Si la Commission européenne souhaite passer en force en cette fin de semaine et organiser un vote, la France votera contre le traité du Mercosur. (Applaudissements sur diverses travées.)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Cela étant dit, il convient également d'avancer sur la PAC. Je vous remercie de mentionner les négociations sur la réforme de la politique agricole commune, car elles commencent maintenant. Or, comme vous le savez, dans toutes les bonnes négociations, il vaut mieux réussir son entrée en matière. Cela aide à aboutir à un texte plus acceptable, ou, à défaut d'être consensuel, plus efficace.

Sur la politique agricole commune, la France doit dire deux choses dès son entrée dans les négociations, qui vaudront jusqu'à leur terme. Ainsi, il n'y aura pas de surprise, que ce soit pour les partenaires européens ou pour la Commission.

La première tient dans l'intitulé de la PAC : une politique « commune » exclut, par définition, la différenciation par pays. La manière avec laquelle la Commission introduit l'idée qu'une part de la politique agricole commune pourrait être adaptée par pays peut sembler sympathique au premier abord, mais nous savons ce que cela cache.

Ce serait le début d'une concurrence déloyale entre pays. Cela pourrait aussi nourrir la confusion entre les politiques d'accompagnement des ruralités et de l'agriculture, alors que nous savons bien que tout ce qui est agricole n'est pas forcément rural et inversement. La PAC doit rester un outil d'accompagnement de la production.

Voilà le premier point que nous avons rappelé au commissaire européen à l'agriculture, qui est crucial.

Le deuxième fera, j'en suis certain, l'objet d'un consensus au sein de cette assemblée : il ne doit pas manquer un centime sur le programme de la future PAC. Il y va de la relation entre la France et les institutions européennes. En effet, l'histoire de la construction européenne est émaillée de grands marqueurs, qui ne sont pas que symboliques : à l'instar du programme Ariane et de la monnaie unique, la politique agricole commune en est un.

La négociation commence maintenant, et nous aurons besoin de la mobilisation de l'ensemble des groupes politiques du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

incendie criminel au lycée champollion de dijon

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur l'incendie criminel qui a visé le collège Champollion vendredi dernier, dans le quartier des Grésilles, à Dijon.

Monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le ministre de l'éducation nationale, je tiens tout d'abord à saluer votre présence sur les lieux dès lundi et à vous remercier d'avoir pris des engagements fermes de soutien à ces établissements : une sécurisation renforcée et une reprise rapide de l'enseignement. Ils ont été très appréciés.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez qualifié cet incendie et le saccage des locaux d'actes d'intimidation, qui s'attaquent au symbole de la République et, plus encore, aux enfants. Les premiers éléments laissent en effet supposer un lien avec le narcobanditisme qui sévit dans ce quartier depuis plusieurs mois et contre lequel de nombreuses actions, dont deux démantèlements, ont été menées par les forces de l'ordre.

En effet, ce même collège a déjà subi des tirs de mortier il y a quelques mois. La médiathèque, qui se trouve à quelques pas du collège, a également été incendiée en mars dernier, et l'école primaire de ce quartier l'avait été lors des émeutes de 2023.

Les personnels éducatifs, les élus, les habitants et les enfants – surtout les élèves – restent soudés face à ces violences récurrentes et à ces atteintes aux services publics. Je sais que le Gouvernement fera son possible pour aider le conseil départemental et la municipalité et permettre à ces élèves de réintégrer l'établissement au plus vite une fois qu'il aura été sécurisé.

Nous le savons, le ressort du narcotrafic consiste à maintenir la population sous le joug de la peur. Hier, à Marseille, le Président de la République a redit que l'État serait le plus fort et gagnerait sa bataille contre le narcobanditisme, déclarant : « À mesure que l'on serre, ils réagiront. »

Monsieur le ministre, dans le combat de longue haleine qui est engagé par les forces de l'ordre et l'ensemble des services de l'État et des collectivités territoriales, quels sont les moyens mis en œuvre pour soutenir les populations de ces quartiers, qui sont les premières exposées aux pressions quotidiennes des réseaux mafieux, à Dijon comme ailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)