
Dans le cadre d’un contrôle annuel, ce rapport effectue le bilan des actions de contrôle de la commission des affaires européennes du Sénat sur les actions de l’Union européenne pour l’année parlementaire 2023-2024. En effet, cette commission est la « sentinelle » du Sénat qui effectue une mission de veille sur tous les projets européens. En 2023-2024, elle a ainsi été saisie de 943 projets de textes européens et en a traité 328 directement, par une procédure écrite ou l’adoption d’une position politique (résolution ou avis). Elle a adopté 11 résolutions européennes, 9 avis politiques et 2 avis motivés.
Pourquoi ce contrôle ?
La France a accepté de partager un certain nombre de compétences avec l’Union européenne. Cette dernière, sur proposition de la Commission européenne présidée par Mme Ursula von der Leyen, peut donc adopter des textes européens (appelés règlements ou directives) qui vont s’appliquer aux 27 États membres de l’Union européenne, dont la France.
C’est pourquoi la Constitution française prévoit que le Sénat et l’Assemblée nationale sont saisis de tous ces projets de textes européens pour pouvoir les examiner et indiquer, dans des résolutions européennes adressées au Gouvernement et des avis politiques adressés à la Commission européenne, si ces projets sont, ou pas, dans l’intérêt des citoyens français.
Le Sénat peut alors proposer des modifications, des compléments et rappeler ses priorités sur le sujet… En 2023-2024, le Sénat a adopté 11 résolutions européennes, par exemple, pour remédier aux pénuries de médicaments dans les États membres, mieux lutter contre la corruption dans l’Union européenne ou soutenir la simplification de la politique agricole commune (PAC). 54,5 % des propositions du Sénat ont été majoritairement reprises par les règles européennes qui vont s’appliquer à tous les citoyens.
Le Sénat peut aussi adopter des avis motivés, adressés à la Commission européenne, quand il considère que l’Union européenne n’a pas respecté les compétences de la France. En 2023-2024, le Sénat a émis 2 avis motivés, sur la proposition de directive européenne relative à la lutte contre les abus sexuels sur les enfants et sur la proposition de règlement relatif à l’établissement d’un programme pour l’industrie européenne de la défense (EDIP).
Quels constats et recommandations ?
Quelques exemples de constats et propositions du Sénat et leurs suites :
- Adaptation aux pénuries de médicaments : le Sénat a souligné l’urgence d’une action européenne pour remédier aux pénuries constatées dans les États membres et soutenu l’économie générale du « paquet pharmaceutique » européen (institution d’une liste européenne de médicaments critiques ; renforcement des obligations de notification et d’information pour les titulaires d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ; établissement de plans de prévention de pénuries et possibilités de stockage…) (résolution européenne n° 129 du 17 mai 2024) ;
- Réorientation de la politique agricole commune (PAC) : soutien du Sénat, conformément aux travaux de son « groupe de travail PAC », aux mesures annoncées de simplification de cette politique (flexibilisation des objectifs de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) ; rationalisation des contrôles), aux dispositifs de renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur, et à sa consolidation en tant que priorité politique européenne (demande de sanctuarisation de son budget autonome…) (résolution européenne n° 58 du 26 janvier 2024) ;
- Renforcement de la lutte contre la corruption dans l’Union européenne : face à l’augmentation préoccupante des faits de corruption dans l’Union européenne et à leur lien avéré avec la grande criminalité, appui du Sénat à l’actualisation des infractions et des sanctions pénales applicables. Mais regrets formulés sur le manque d’ambition des institutions européennes en matière déontologique et proposition par le Sénat d’un comité éthique de l’Union européenne indépendant et doté de pouvoirs d’enquête (résolution européenne n° 90 du 18 mars 2024) ;
- Amélioration de l’organisation des secours dans les États membres face aux catastrophes naturelles et technologiques : comme le demandait le Sénat, la Commission européenne a annoncé, pour 2026, un renforcement du Mécanisme européen de protection civile, qui est l’outil de coopération européenne des États membres en matière de secours, et qui peut intervenir à leur demande pour leur envoyer des moyens supplémentaires (hôpitaux de campagne ; bombardiers d’eau ; pompes en cas d’inondations…) (résolution européenne n° 147 du 26 juillet 2024) ;
- Instauration d’un dispositif européen de surveillance et de résilience des sols : la nouvelle directive européenne, adoptée en trilogue en avril 2025, partage la vision du Sénat sur ce dossier (objectif de sols sains à horizon 2050 ; approche fondée sur le risque ; établissement de critères communs et d’une méthodologie commune mais appui sur les outils nationaux existants ; absence de contraintes supplémentaires pour les agriculteurs, sylviculteurs et gestionnaires de terres…) (résolution européenne n° 146 du 5 juillet 2024) ;
- Sollicitation de la Facilité européenne pour la paix afin de soutenir l’Arménie : en conformité avec la position du Sénat, le Conseil de l’Union européenne a octroyé, le 10 juillet 2024, 10 millions d’euros à l’Arménie au titre de la Facilité européenne pour la paix, afin de renforcer les capacités logistiques des forces armées arméniennes et de renforcer la protection des civils, dans un contexte de tensions persistantes avec l’Azerbaïdjan (résolution européenne n° 130 du 21 mai 2024) ;
- Révision des règles du pacte de stabilité et de croissance afin de trouver un équilibre entre soutenabilité budgétaire et préservation des investissements publics dans les États membres : comme recommandé par le Sénat, les objectifs fondamentaux du pacte (déficit public limité à 3 % du PIB ; dette publique limitée à 60 % du PIB…) ont été préservés mais les États membres se voient reconnaître un délai de 4 à 7 ans pour réduire leur déficit et leur dette et des trajectoires individualisées sont prévues pour chacun d’entre eux (résolution européenne n° 58 du 26 janvier 2024).