Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt de rapports

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Rappel au Règlement

Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels

Article 2

Article additionnel

Article 3

Article 3 bis

Mise au point au sujet d'un vote

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Hommage à une délégation bulgare

Rappel au règlement

Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 13

Article 3 bis (Suite)

Article additionnel

Article 3 ter

Article 3 quater

Articles additionnels

Article 4

Mise au point au sujet d'un vote

Organisation des débats

OGM (Décision du Conseil constitutionnel)

Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels après l'article 14

Article 11




SÉANCE

du jeudi 19 juin 2008

95e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance est ouverte à 10 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de la loi organique du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, le rapport faisant état pour 2007 des actions en responsabilité engagées contre l'État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice.

M. le Président du Sénat a également reçu de M. Michel Bouvard, président du comité de surveillance de la Caisse des dépôts, le rapport sur les opérations de cet établissement en 2007, établi en application de la loi du 28 avril 1816.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein de la commission nationale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux. (On s'en félicite sur les bancs socialistes) Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter deux candidatures.

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Jacques Jégou pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Rappel au Règlement

M. Michel Charasse.  - La Constitution et notre Règlement garantissent que les délibérations du Sénat se déroulent dans le calme et la sérénité. Je pose la question : notre assiduité ne gêne-t-elle pas trop les entreprises qui font des travaux dans l'enceinte du Sénat ? A l'étage de la commission des finances, le bruit du marteau-piqueur empêche de téléphoner ! Dans la cour du Sénat, on monte des tribunes -car c'est avant tout une salle de spectacle, où le Sénat siège accessoirement quand les saltimbanques ne sont pas là !

Si l'on dérange, il faut changer l'ordre du jour et nous faire revenir quand on ne dérangera plus ! Si le Sénat est d'abord une assemblée parlementaire, qu'on prie tous ces gens d'attendre les vacances pour faire des travaux. Dans la cour de la commission des finances, cela dure depuis un an. Pour ma part, je suis prêt à permuter avec un fonctionnaire peinard et qui est mieux logé !

M. le président.  - Ces travaux visent au ravalement du Sénat. (Éclats de rire et exclamations à gauche)

M. Bernard Frimat.  - Il y a du boulot ! C'est mission impossible ! (Sourires)

M. Michel Charasse.  - Même chez l'esthéticienne, on endort parfois ! Il y en a ras-le-bol !

M. le président.  - Je vais comme vous en subir les conséquences, avec M. Mercier : des travaux seront entamés dans nos bureaux à compter du 7 juillet, en pleine session extraordinaire.

M. Michel Charasse.  - Jamais dans l'histoire de la République, on n'a autant angarié les parlementaires !

M. le président.  - Vous avez été entendu, mais je doute que les travaux s'interrompent. Il faut ravaler !

M. Michel Charasse.  - Et les spectacles ? Ce n'est pas une réponse !

M. le président.  - Vous avez été questeur, monsieur Charasse...

M. Michel Charasse.  - Justement ! A l'époque, les travaux avaient lieu l'été ! Je n'ai jamais été aux ordres de l'administration.

M. le président.  - Ces travaux ont fait l'objet de négociations et d'investissements importants.

Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République. Nous reprenons la discussion des articles.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°423 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et la libre communication des pensées et des opinions. La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l'État. »

M. David Assouline.  - Une Constitution doit évoluer pour garantir l'effectivité des principes et règles qu'elle énonce. Le rôle des médias n'est plus ce qu'il était il y a cinquante ans. La société de l'information est une réalité.

Selon une étude récente, les Français de plus de 13 ans ont, en moyenne, quarante-et-un contacts par jour avec un support média ou multimédia ; les 15-24 ans, plus de quarante-cinq. Neuf Français sur dix regardent la télévision tous les jours, huit sur dix écoutent la radio ou lisent la presse, plus du tiers « surfent » sur Internet.

Le législateur constitutionnel doit considérer ces médias de masse comme un véritable pouvoir, dont il faut encadrer l'exercice pour éviter les abus.

Dans sa décision du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a reconnu le pluralisme comme objectif de valeur constitutionnel, considérant qu'il s'agit de l'« une des conditions de la démocratie ».

Or, l'évolution de l'économie du secteur et les liaisons dangereuses qu'entretient le Président de la République avec la plupart des patrons de presse, de radio et de télévision nous font penser que cette garantie ne suffit plus. A l'heure de la dématérialisation de l'information, le marché est dominé par des groupes qui multiplient les supports, mariant contenants et contenus. En France, cette concentration va au-delà du secteur de la communication : Bolloré, Dassault, Lagardère, ou LVMH, aucun n'a pour métier premier l'information. A l'exception de LVMH, tous tirent une part substantielle de leurs revenus de commandes publiques...

Ce phénomène de concentration unique au monde est d'autant plus inquiétant que l'actuel chef de l'État ne se prive pas d'user et d'abuser de sa proximité avec les patrons de ces groupes pour influencer la ligne éditoriale des principaux médias. (Soupirs de lassitude à droite)

Les journalistes s'inquiètent : certaines voix, dans la majorité, relaient déjà le souhait de ces industriels de voir assouplies les règles de déontologie d'une profession dont l'indépendance est pourtant indispensable au pluralisme.

La reconnaissance, dans notre loi fondamentale, du quatrième pouvoir que sont les médias et l'affirmation des principes d'indépendance et de pluralisme nous semblent donc indispensables.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - Ces principes sont garantis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par la loi, et il n'est pas possible d'énumérer dans la Constitution toutes les composantes des libertés publiques. Cependant la commission a donné un avis favorable à l'amendement socialiste déposé à l'article 11 et visant à garantir, à l'article 34 de notre loi fondamentale, ces principes de pluralisme et d'indépendance.

M. Michel Charasse.  - C'est quoi le pluralisme ?

M. Michel Mercier.  - Justement ! C'est ce que tu ne connais pas ! Mais il est loisible de suivre un cours.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la justice.  - L'objectif est louable mais le Conseil constitutionnel reconnaît déjà à ces principes une valeur constitutionnelle et il est préférable d'attendre les conclusions du comité Veil, chargé d'une réflexion sur ce sujet. Avis défavorable.

M. Bernard Frimat.  - Ce type de réponse est insupportable !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement est extrêmement important car il s'agit d'écrire les premières lignes de notre Constitution. Il est essentiel de garantir à cet endroit la liberté et le pluralisme des médias. D'autant qu'on ne peut méconnaître, à moins d'être aveugle et sourd, les actuelles connivences et collusions. Qui prétendra que la télévision et la presse sont indépendantes du pouvoir économique ? Qui prétendra que ce pouvoir économique est indépendant du pouvoir politique en place ? Il n'est que de voir les décisions annoncées et la manière dont elles le sont. La presse, devenue quatrième pouvoir, doit être indépendante des autres pouvoirs, qu'ils soient politique, économique, judiciaire ou autre. Ce n'est pas le cas.

Quant aux objections du rapporteur et de la Garde des sceaux, elles ne tiennent pas. Suffit-il qu'un thème soit traité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou dans une loi pour exclure à tout jamais ce thème de notre loi fondamentale ? A ce compte-là, il n'y aurait plus rien dans notre Constitution. Enfin, c'est le Parlement qui a été chargé de réformer cette Constitution, ce n'est pas un comité, fût-il composé des plus éminentes personnalités.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Bien entendu, nous voterons cet amendement. Moderniser nos institutions, c'est se préoccuper des manques de notre loi fondamentale ou des problèmes qui sont devenus aigus. Celui du pluralisme des moyens d'information est grave, l'audiovisuel public est menacé et les moyens d'information sont sous la coupe des pouvoirs financiers. Nous ferions donc acte de modernité en défendant le pluralisme et l'indépendance des moyens d'information.

La Garde des sceaux évoque le comité Veil : pourquoi n'avoir pas attendu ses conclusions avant de nous faire discuter le présent texte, au risque de nous obliger, au vu de ces conclusions, à légiférer à nouveau ? Nous serions fondés à nous regimber.

M. David Assouline.  - La Garde des sceaux juge l'objectif de notre amendement louable mais elle réserve son approbation à Mme Veil. Pour moderniser notre Constitution, comme vous prétendez le faire, il faut y intégrer ce qui n'était pas un problème majeur il y a cinquante ans mais qui l'est devenu. Nous sommes désormais dans une société où l'information a tout envahi. Mais parce que cet amendement vient d'un socialiste, vous vous réfugiez derrière Mme Veil ! Les principes de pluralisme et d'indépendance devraient nous rassembler et figurer dans notre Constitution sous peine de décrédibiliser votre entreprise de modernisation.

Mme Jacqueline Gourault.  - Je voterai cet amendement et rappellerai que François Bayrou a été le premier à soulever ce problème. Il faut couper les liens entre les propriétaires des médias et ceux qui sont liés à la commande publique : c'est une condition sine qua non de la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Hugues Portelli.  - Le seul problème est de savoir si c'est, ou non, pertinent d'inscrire cela noir sur blanc dans la Constitution. Nous croulons aujourd'hui sous une multitude de documents fondamentaux -notamment européens- qui entrent peu à peu dans notre droit et le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'État les ont intégrés dans leurs jurisprudences. Ces textes divers sont si nombreux que nous ne parviendrons jamais à actualiser notre Constitution en permanence. Ce serait une course sans fin et nous ne rattraperons jamais notre retard. Ce n'est pas à nous de le faire : c'est au juge constitutionnel lui-même. Ou alors, faisons-le sous forme législative, pas sous forme constituante. Dans de nombreux pays voisins, le constituant a renoncé à courir en permanence derrière les évolutions techniques et il laisse faire le juge constitutionnel ou les autres juges. (M. Alain Gournac applaudit)

M. Michel Charasse.  - Cet amendement a le mérite de traduire le malaise qui règne sur cette question. Cela ne va pas très bien, mais on ne sait pas comment faire pour que ça aille mieux... Nos collègues posent les bonnes questions, mais n'apportent pas de réponse tangible. Sur le pluralisme, le Conseil constitutionnel a tout dit en examinant la loi de 1984 ; et les règles ainsi posées ont été respectées dans les textes ultérieurs, statut de l'audiovisuel, Haute autorité, etc. Il n'est pas essentiel d'inscrire dans la Constitution un principe qui figure déjà dans la jurisprudence du Conseil.

Le texte le plus sacré en la matière est l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme : finie, la dictature de l'Ancien régime, on peut désormais penser et écrire librement. L'effet fut immédiat : foisonnement de journaux, parole libérée, réunions publiques. Au cas présent, quel serait l'effet ? Obligera-t-on les lecteurs à lire des journaux dont ils ne veulent pas ? L'État devra-t-il créer des gazettes pour « boucher les trous » ? Nous avons un service public dont le rôle est précisément de garantir le pluralisme, hélas les journalistes pensent moins à remplir cette mission qu'à se faire plaisir à eux-mêmes. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Frimat.  - Je suggère à M. Portelli d'engager au sein de son parti une course-poursuite pour rattraper la démocratie.

Dans la loi fondamentale, il ne s'agit pas de faire des adaptations techniques mais d'affirmer des principes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas faux.

M. Bernard Frimat.  - Allons-nous participer au même jeu de rôle qu'hier, avec une ministre qui juge les idées présentées presque bonnes, intéressantes, mais qui finalement les rejette, tout en assurant cependant qu'une commission y réfléchit ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si une commission réfléchit, il n'y a plus rien à dire.

M. Bernard Frimat.  - Dès lors qu'une commission a été nommée par qui nous savons, le Parlement doit cesser d'évoquer le sujet en cause, devenu tabou. Vous êtes pour le pluralisme tant qu'il ne se réalise pas -il en va de même pour le vote des étrangers... Telle est votre ligne de conduite ! Je songe à cette célèbre phrase du Bossu de Paul Féval : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi. » (Rires)

M. Robert Badinter.  - Il n'y a pas de démocratie sans liberté d'opinion. Et la situation n'est plus celle de 1789. L'indépendance des médias est une chose, celle des journalistes au sein des rédactions en est une autre. Je ne m'attarderai pas sur les nominations influencées par le pouvoir politique -le phénomène n'est pas nouveau.

En revanche, comment admettre que des groupes industriels extrêmement puissants et qui entretiennent des rapports privilégiés avec l'État et les collectivités parce qu'ils vivent de la commande publique -matériel de guerre, travaux publics- soient propriétaires de grands médias et puissent influer sur la vie politique ? Ce cumul, au sein de la démocratie, n'est pas acceptable. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)

M. Ladislas Poniatowski.  - Mais l'amendement ne résout pas ce problème !

M. Robert Badinter.  - Si vous vous engagiez à porter remède à ce problème avant la fin de la législature, j'en serais satisfait. Mais si vous laissez perdurer cette situation incestueuse, ne nous parlez plus de démocratie ou de pluralisme.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nos collègues oublient que nous avons accepté un amendement qu'ils présentent à l'article 11 et qui y a tout à fait sa place.

Certes, nous pouvons avoir un débat complet sur tous les problèmes de notre société...

M. Jean-Pierre Bel.  - C'est important !

M. Robert Bret.  - Nous sommes dans le cadre du débat sur la révision.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cadrer : c'est le mot qui s'impose ! Au lieu d'explications de vote, nous entendons des conférences. J'invite chacun à la sobriété !

M. le président.  - J'ai le souci de laisser la liberté de parole aux orateurs qui la demandent. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Votre présidence n'est pas en cause, monsieur le président !

M. le président.  - Je souhaite exercer une présidence apaisée et ne pas heurter M. Peyronnet ou M. Mercier qui souhaitent s'exprimer.

M. Alain Gournac.  - Avançons !

M. le président.  - Certains ont plus d'expérience que moi de ces grands débats, mais je crois qu'au fil des jours la situation se décantera.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - M. Charasse nous dit que le principe du pluralisme est déjà dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789, mais les choses ont bien changé depuis lors : elle énonce des libertés formelles, il nous faut les organiser. M. Poniatowski pense que l'amendement ne règlera pas le problème, mais la démonstration de M. Badinter est sans appel !

Quand le Président de la République passe ses vacances sur un yacht puis dans une vaste maison prêtée par un chef d'entreprise, on nous dit que c'est autant d'économies pour la République : est-ce si sûr ? Comment ne pas imaginer qu'il y a un retour, en remerciement ? Tout élu local qui accepte une invitation à déjeuner d'un entrepreneur lié à un marché public, attire les foudres de la chambre régionale des comptes, mais le Président de la République, en acceptant de tels cadeaux, montre qu'il est au-dessus de tout ça : ce n'est guère acceptable ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier.  - Le principe du pluralisme est acquis depuis longtemps, reste à l'appliquer de manière satisfaisante. Je demande une suspension de séance, pour réunir mon groupe.

M. le président.  - D'accord, cinq minutes !

La séance, suspendue à 10 h 50, reprend à 10 h 55.

M. Michel Mercier.  - Le groupe UC-UDF estime que ce débat est l'occasion de lancer des signaux forts. Nous devons aujourd'hui rebâtir le droit de la presse et de l'audiovisuel !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Très bien !

M. Michel Mercier.  - Cet amendement est imparfait, mais il concourra, peut-être, à une réflexion sur l'ensemble des médias, et à une refonte du droit de la presse, encore largement réglé par l'ordonnance de 1945, laquelle fut en bonne partie rédigée par Pierre-Henri Teitgen, ministre d'un gouvernement présidé par le général de Gaulle. Nous voterons l'amendement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°423 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants.................................327

Nombre de suffrages exprimés.................326

Majorité absolue des suffrages exprimés...164

Pour...................................................156

Contre................................................170

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La majorité est de plus en plus courte. Encore un effort, camarades ! (Rires à droite)

M. le président.  - Amendement n°424 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Afin d'assurer l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps.

« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le Gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »

M. David Assouline.  - La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication confie au CSA la mission d'assurer le pluralisme de l'expression dans les médias audiovisuels. Cette instance de régulation a repris et adapté la règle des trois tiers énoncée en son temps par une directive du conseil d'administration de l'ORTF pour assurer un équilibre dans l'expression des points de vue entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent. Le CSA s'en est inspiré pour équilibrer l'expression audiovisuelle du Gouvernement, de la majorité parlementaire et de l'opposition parlementaire, qui disposent chacun d'un tiers du temps de parole.

L'article 13 de la loi de 1986, complétée par celle du 1er février 1994, accorde au Parlement et aux partis politiques un droit de regard sur le décompte mensuel effectué par le CSA. Or, celui-ci a toujours refusé de comptabiliser le temps de parole du Président de la République avec celui du Gouvernement, au motif que la Constitution de la Ve République place le chef de l'État dans une position d'arbitre au-dessus des contingences partisanes. Cette position a été confirmée le 13 mai 2005 par le conseil d'État, ce dernier estimant qu'en vertu de la tradition républicaine et de la Constitution en vigueur, le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique.

Cependant, le CSA s'est engagé depuis juillet 2006 dans une réflexion portant sur la règle des trois tiers. Jusqu'à présent, la démarche n'a pas abouti, alors que l'évolution institutionnelle est marquée par une présidentialisation accentuée. La multiplication des interventions du chef de l'État dans les médias a rompu l'équilibre de l'expression politique. Ce point est d'autant plus inquiétant que la presse écrite est largement possédée par des groupes industriels et financiers proches du pouvoir et dont certains entretiennent des relations économiques importantes avec la puissance publique.

S'étant penché sur cette dérive qu'il a qualifiée d'anomalie, le comité Balladur a proposé que les interventions du Président de la République soient comptabilisées avec celles du Gouvernement.

La réforme dont nous débattons conforte encore le pouvoir du chef de l'État. Si elle entre en vigueur, celui-ci ne pourra prétendre être considéré comme un arbitre. L'actuel locataire de l'Elysée ne se contente d'ailleurs pas de ce rôle, à tel point que certains, sur les bancs de la majorité, estiment qu'il ne leur laisse guère de place.

C'est pourquoi nous proposons de redéfinir la règle des trois tiers pour que le Président de la République et le Gouvernement disposent d'un tiers du temps, la majorité parlementaire aussi et l'opposition idem. En cas de cohabitation, le temps de parole du Président de la République serait décompté avec celui de l'opposition.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est difficile de trier les interventions du Président de la République selon qu'elles relèvent ou non du dialogue politique entre majorité et opposition. Certes, le comité Balladur a évoqué cette question, mais pas au titre de la réforme constitutionnelle.

La commission est défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - En effet, cette disposition n'est pas de nature constitutionnelle. Le pluralisme relève de la loi fondamentale, le décompte du temps d'expression devant être traité par une loi, éventuellement organique.

Par ailleurs, le chef de l'État se trouve dans une position différente de celle des autres acteurs politiques. Comment décompter l'hommage rendu à d'anciens combattants ?

M. Jean-Pierre Bel.  - Ce sujet, notoirement essentiel pour nous, influencera notre appréciation finale sur ce projet de loi.

Nos institutions évoluent vers une présidentialisation marquée récemment par l'hypermédiatisation du chef de l'État.

Vos réponses sont parfois déconcertantes. Ainsi vous dites que le sujet n'est pas de nature constitutionnelle, alors qu'il fait l'objet d'une proposition formulée par le comité Balladur, précisément chargé d'une réflexion constitutionnelle. En janvier, nous avons déposé une proposition de loi sur ce sujet, mais elle n'a jamais été inscrite à notre ordre du jour. Maintenant, nous voulons intervenir au niveau constitutionnel et vous dites que ce n'est pas le moment !

Alors que la domination des médias par de grands groupes industriels menace la démocratie, quand ferez-vous des propositions pour modifier le système des trois tiers ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ne nous trompons pas, mes chers collègues, nous sommes là, derrière un habile habillage parlementaire, pour constitutionnaliser la pratique politique du Président de la République. Cette évolution de nos institutions est très inquiétante.

J'ai été choquée d'entendre la ministre de la culture qualifier la proposition de mes collègues de ridicule. Il est ridicule qu'un ministre de la République traite ainsi les attentes de groupes politiques qui se préoccupent du pluralisme dans les médias et du caractère excessif des interventions du chef de l'État alors que celui-ci intervient sur tout, à tout moment et qu'il veut régler dans les moindres détails le fonctionnement des pouvoirs politiques, législatifs et judiciaires.

Je regrette qu'à l'occasion de l'examen de notre loi fondamentale qui concerne tous nos concitoyens, on ne tente pas d'enrayer l'évolution inquiétante d'absence de pluralisme dans les médias.

Comme je ne suis pas une adepte du bipartisme, je préfèrerais que l'amendement fasse référence aux groupes parlementaires d'opposition : je déposerai donc un sous-amendement en ce sens.

M. David Assouline.  - Ce sous-amendement est opportun et je le voterai. Tout à l'heure, M. Hyest a dit que le Président de la République parlait au nom de la France et que notre amendement n'était donc pas recevable. Mais vous ne pouvez pas échapper à ce débat : à partir du moment où le Président dit qu'il est le chef de l'exécutif et qu'il veut s'exprimer devant le Congrès, il n'est pas possible de refuser de décompter ses temps d'interventions ou alors ce serait d'une mauvaise foi évidente. D'ailleurs, le comité Balladur l'avait proposé et M. le rapporteur ne peut prétendre qu'il s'agit là d'une disposition qui n'a pas vocation à figurer dans la Constitution. Le comité était chargé de réformer la Constitution, et de rien d'autre ! (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame)

Comme l'a dit M. Bel, le sort de cet amendement pèsera lourd dans la décision que nous prendrons sur l'équilibre de cette réforme. Si, au lieu de nous répondre : « Circulez, il n'y a rien à voir », Mme la Garde des sceaux reconnaissait l'importance du problème, les choses pourraient être différentes. Hélas, le Gouvernement nous répond que cette question n'a rien à voir avec la réforme des institutions et qu'il a l'intention de continuer comme par le passé.

M. Dominique Braye.  - Le Président de la République a été élu par les Français !

M. David Assouline.  - Vous traitez le pluralisme avec désinvolture et vos réponses ne sont pas satisfaisantes.

M. Bernard Frimat.  - Il n'est pas possible de balayer d'un revers de main les arguments de M. Hyest. Il est vrai que certaines prises de parole du Président de la République sont inhérentes à sa fonction, lors de commémorations ou de rencontres internationales. Il ne vient à l'idée de personne de décompter ces temps de parole puisqu'il dépasse de très loin son appartenance politique pour représenter la France.

Mais nous savons tous aussi que la pratique du pouvoir a considérablement évolué depuis la dernière élection présidentielle : si nous posons la question du temps de parole -et nous n'avons pas la cruauté de la poser en termes de temps d'image- ce n'est pas parce que nous voulons inventer un problème mais parce qu'il existe bel et bien, à tel point que le comité Balladur, qui n'a pas été installé par nous, en a fait la remarque.

Si nous entendons les arguments du président de la commission des lois, ceux du Gouvernement s'apparentent, comme souvent, à une non-réponse. Il nous répond que cet amendement n'est pas constitutionnel. Mais le pouvoir constituant n'est pas là pour respecter une quelconque jurisprudence, madame la Garde des sceaux, mais pour dire ce que veut le peuple souverain par l'intermédiaire de ses représentants : il n'y a pas de limite à ses pouvoirs !

En ce qui concerne le CSA, on touche au ridicule, au grotesque ! Certaines périodes sont scrupuleusement surveillées et d'autres, riches en déviances, pas du tout.

Vous nous dites, madame la ministre, que notre proposition relève de la loi. Donnez-nous alors des principes, des idées, des précisions. Mais à chaque fois, vous faites un renvoi muet à la loi, comme si vous aviez honte de ce qui y figurera. Pourquoi ne pas entrouvrir les portes pour que nous puissions au minimum apercevoir ce que vous avez l'intention de nous proposer ? C'est un peu comme si vous nous opposiez le secret défense !

Lorsque nous déposons nos amendements, nous savons bien qu'ils ne seront pas tous adoptés, mais nous espérons avoir des réponses sur les questions que nous abordons. Comme vous refusez de répondre, nous vous interrogeons encore et encore afin de démontrer la permanence de ce non-dialogue.

M. Robert Bret.  - La Constitution traite des grands principes, comme la liberté d'expression et d'opinion, le pluralisme politique et médiatique. Il en va d'ailleurs de même pour la représentativité des syndicats : il n'y a pas de démocratie sans pluralisme syndical. Nous en reparlerons à l'occasion de l'examen d'une prochaine loi.

Pourquoi passer sous silence l'influence des grands groupes financiers sur les médias ? Nous sommes bien loin de 1946, époque à laquelle la presse démocratique a connu un essor spectaculaire. Avec l'omniprésence du Président de la République dans les médias, le pluralisme est déséquilibré. Bien sûr, il faut distinguer les moments selon que le Président parle au nom de la France ou en tant que chef de parti. Mais cet amendement est tout à fait fondé et il permettra de mieux garantir l'indépendance des médias. Je le voterai donc.

M. Jean-Pierre Sueur.  - A l'heure actuelle, le CSA s'appuie sur la théorie des trois tiers, mais il s'agit en fait d'un faux quatre quarts. (Sourires) Il y a en effet un quart de temps pour l'opposition, un quart pour la majorité, un quart pour le Gouvernement et le dernier quart est réservé au Président de la République. Mais il ne s'agit pas d'un véritable quart, car il est beaucoup plus important. C'est pour cela que je parle de faux quatre quarts ! (On s'amuse)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le quart de temps présidentiel étant tellement important, celui de l'opposition correspond en fait à un cinquième, voire moins... Nous sommes donc dans l'injustice. Et comme nous avons le plaisir d'avoir au banc des ministres Mme la Garde des sceaux, ministre de la justice, je ne doute pas qu'elle sera très attachée à réparer cette inégalité de traitement en acceptant notre amendement, somme toute très modéré.

Il y a deux conceptions de la charge de Président de la République : il y a celle illustrée par un ancien sénateur, René Coty, qui se voulait neutre, ce qui n'entachait en rien ses mérites, et celle illustrée par Nicolas Sarkozy, bien plus engagée que pour ses prédécesseurs.

Il voyage en province et la tradition républicaine veut que nous l'y allions accueillir et accompagner mais voilà que, tout soudain, il nous quitte pour se rendre à une réunion de l'UMP. Comment alors dire qu'il serait au-dessus des partis ? D'autant qu'il organise à l'Élysée des réunions de l'UMP.

M. Michel Charasse.  - Cela s'est toujours fait.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est vrai que François Mitterrand faisait lire des messages aux congrès du PS -merci, cher collègue, de ne pas entrer dans les questions internes à un parti que vous connaissez bien et qui vous connaît bien !

Bref, tout cela montre combien il serait faux de se représenter le Président de la République comme planant dans les limbes de la neutralité.

M. Michel Charasse.  - Même si je considère que cette précision n'a pas sa place dans la Constitution, je serais prêt à voter cet amendement, pourvu qu'il soit rectifié. Il faudrait préciser qu'il s'agit des services « publics » et, surtout, que cette restriction ne s'applique pas en temps de crise. J'ai vécu la guerre du Golfe auprès de l'exécutif, il peut y avoir un besoin impératif de s'exprimer sans demander la permission au CSA. Il ne s'agit quand même pas du président d'une amicale bouliste ! L'État, ça existe aussi ! Je propose donc un sous-amendement ainsi rédigé : « Une loi organique adoptée par les deux Assemblées à la majorité des trois cinquièmes... (Exclamations sur divers bancs)

M. le Président.  - Là, c'est un véritable amendement !

M. Michel Charasse.  - Un sous-amendement.

M. le président.  - Plutôt un sur-amendement ! (Sourires approbateurs)

M. Michel Charasse.  - Bon, je me contente de dire :

Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement 424 rect pour l'article 4 de la Constitution, après les mots :

les services

insérer le mot :

publics

et après les mots :

leurs programmes

insérer les mots :

, sauf en temps de crise

M. le Président.  - Nous voici donc saisis de deux sous-amendements, n°512 de Mme Borvo-Cohen-Seat et n°513 de M. Charasse.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - La Constitution n'est pas un fourre-tout ni un bric-à-brac ! Ne faisons pas comme les Suisses qui avaient mis tellement de choses dans la leur -jusqu'au règlementaire !- qu'ils ont dû la récrire entièrement. Gardons présente à l'esprit la hiérarchie des normes ! Le Conseil constitutionnel a précisé que les principes fondamentaux avaient valeur constitutionnelle ; ils n'ont donc pas à être ajoutés à la Constitution. Il y a aussi, au-dessus de la Constitution, les conventions internationales que nous avons ratifiées. Pour le reste, on peut utiliser d'autres textes : la loi organique, la loi ordinaire, laquelle a toute sa valeur pour un certain nombre des problèmes dont nous discutons en ce moment. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bernard Frimat.  - Certes, mais qu'y mettrez-vous ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission des lois n'a évidemment pas examiné ces sous-amendements. Je trouve très intéressant celui de Mme Mme Borvo Cohen-Seat ; nous aurons l'occasion d'y revenir. Celui de M. Charasse aurait pu nous agréer mais les deux portent sur un amendement auquel nous sommes défavorables.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Même avis. (Protestations à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - C'est un peu court !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Faut-il que je répète ce qu'a fort bien dit M. Gélard ? Cet amendement n'a pas sa place dans la Constitution. Pour la question de principe, attendons le travail de Mme Veil sur le Préambule. Le reste ne peut pas être considéré comme relevant de la « modernisation de nos institutions ».

M. Jean-Pierre Bel.  - Donc, M. Balladur a dit n'importe quoi !

M. Michel Mercier.  - Nous avons souhaité émettre un signal clair sur une question de principe, le pluralisme. Restons-en là. Ces amendements et sous-amendements n'ont pas leur place dans la Constitution, nous ne les voterons pas, même si Mme Borvo Cohen-Seat a posé beaucoup de questions sur lesquelles nous pouvons nous retrouver.

M. René Garrec.  - Très bien !

M. David Assouline.  - Quand ça a valeur constitutionnelle, on nous renvoie à Mme Veil au prétexte que les grands principes sont en jeu, quand nous proposons de concrétiser un droit formel qui doit être précisé au regard des évolutions récentes -sinon, on pourrait s'en tenir à la Déclaration de 1789 !- on nous dit que cela relève de la loi ordinaire. Cela, nous pouvons l'entendre si l'on nous dit que telle sera bien la direction dans laquelle ira la prochaine loi, mais vous refusez de nous donner la moindre indication en ce sens !

Je ne comprends pas le sous-amendement de M. Charasse : le CSA ne régit pas seulement le service public.

M. Michel Charasse.  - Il n'est pas compétent pour les radios privées !

M. David Assouline.  - Nous voulons que la règle des trois tiers s'applique à tous les moyens de communication audiovisuelle en période électorale. Avec la précision de M. Charasse, TF1, Europe1, RTL y échapperaient ! Quant à la situation de crise, cela va tellement de soi que la précision est inutile.

Bref, nous ne voterons pas ce sous-amendement, à la différence de celui de Mme Borvo Cohen-Seat qui apporte une précision utile.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'amendement de Mme Borvo Cohen-Seat exprime bien la diversité de l'opposition ; très bien, nous le voterons.

Quant à celui de M. Charasse... Que veut dire « crise » ? Nous sommes dans un État de droit ! Il y a toutes sortes de crises, sociale, économique.

M. Ladislas Poniatowski.  - Une crise, c'est quand le PS exclut M. Charasse. (Sourires)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Par certains aspects, la crise est permanente.

Je suis étonnée des arguments qui nous sont opposés un peu facilement.

On nous renvoie sans cesse à une convention internationale, à une charte, à une loi ; à quoi servons-nous ?

M. Michel Charasse.  - Avec le sous-amendement de Mme Borvo Cohen-Seat, qui ne vise que les groupes, les parlementaires de l'opposition non inscrits n'auraient aucun droit.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En effet.

M. Michel Charasse.  - Quant au temps de crise, il suffit d'avoir exercé un tant soit peu de responsabilités pour savoir ce que cela veut dire. Ce n'est pas la guerre des boutons qui peut conduire à bouleverser l'équilibre des temps de parole. Mai 68, c'était bien un temps de crise et c'est la continuité des services publics qui a évité des morts...

Le sous-amendement n°513 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°512.

L'amendement n°424 rectifié est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 126
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°166, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 6. - Le Président de la République est élu pour cinq ans par le Parlement réuni en Congrès.

« Il ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Notre choix est constant d'un régime parlementaire. Nous nous étions résignés depuis 1962 à l'élection du Président de la République au suffrage universel mais malheureusement, les choses étant ce qu'elles sont, (marques d'étonnement à droite) nous pensons qu'il faut y revenir et que notre proposition est la seule qui puisse véritablement restaurer la primauté du Parlement dans nos institutions.

L'existence de deux légitimités provoque une concurrence dont pâtissent les deux pouvoirs ; et l'instauration du quinquennat, conjuguée à l'inversion du calendrier, a encore renforcé la domination du Président de la République. Les pères de notre démocratie seraient bien étonnés de la voir dériver vers une monarchie présidentielle. (On s'esclaffe à droite) On me dira que le peuple est très attaché à l'élection du Président de la République au suffrage universel...

M. Ladislas Poniatowski.  - Vous avez peur du peuple !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ... et que la participation à l'élection présidentielle le prouve. Nos concitoyens savent bien que le Parlement n'a plus qu'un pouvoir exécutant. J'ai été choquée et triste de constater dans une récente enquête d'opinion -cette opinion dont vous êtes si friands que vous légiférez aussitôt qu'elle s'émeut- qu'une majorité de Français pensaient que les parlementaires ne servent pas à grand-chose.

Aujourd'hui, l'élection présidentielle détermine tout le reste. Le Président de la République est le chef de l'exécutif, le chef de la majorité, le chef du parti majoritaire. La pratique de l'actuel titulaire du mandat ne peut que nous faire réfléchir. L'opinion s'agace de le voir partout courir pour faire passer auprès d'elle ses propositions. Et sa présence devant le Congrès va encore accentuer cette dérive. Nous sommes très inquiets de voir nos institutions ainsi hyperprésidentialisées.

Il n'y a pas de mystère : la revalorisation du Parlement passe par une réduction des pouvoirs du chef de l'État, surtout au regard des traditions bonapartistes et autoritaires de notre pays.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le groupe CRC est cohérent, nous le sommes tout autant. Les Français sont très attachés à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Mme Isabelle Debré.  - Bien sûr !

M. Henri de Raincourt.  - Faisons un référendum !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'avis de la commission est évidemment défavorable, étant entendu que les deux parties de l'amendement sont bien différentes...

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Je renvoie Mme Borvo Cohen-Seat à l'allocution du général de Gaulle du 20 septembre 1962 : pour remplir son mandat, le Président a besoin de la « confiance directe de la Nation ». L'élection du Président de la République au suffrage universel est un élément fondamental de la Ve République et confère au chef de l'État une légitimité incontestable. Les Français y sont très attachés. Il est inconcevable de revenir sur cette avancée majeure.

Ce que propose l'amendement dans sa seconde partie sera discuté ultérieurement.

M. Robert del Picchia.  - Mme Borvo Cohen-Seat, qui nous a habitués à mieux, remet en question la souveraineté du peuple !

Je ne comprends pas que l'on veuille interdire au peuple de s'exprimer. Peut-être est-ce que les chances pour votre parti de voir son candidat élu vous paraissent assez minces ? (Sourires à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous ne nous avez pas habitués à autre chose, monsieur del Picchia, et vos attaques sont bien faciles... Nous sommes opposés au bipartisme et au régime présidentiel...

M. Alain Gournac.  - ... mais pour le parti unique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ... mais profondément attachés au suffrage universel. Vous, quand le peuple dit non, vous passez outre ! (Exclamations à droite) Après le référendum de 2005 et le référendum irlandais, vous n'avez vraiment pas de leçons à donner ! « Le peuple a tort, changeons le peuple ! »

M. Gérard Longuet.  - Ah, Brecht !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes résignés à l'élection du Président de la République au suffrage universel, mais l'évolution de nos institutions ne va pas dans le sens de la démocratie, loin s'en faut ! Le sujet mérite réflexion.

M. Alain Gournac.  - Ça suffit ! Pas de leçon des communistes !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - A nos yeux, cet amendement est le plus important. (Éclats de rire à droite) Nous revendiquons le parlementarisme. Certes, nous nous sommes engagés dans des campagnes présidentielles...

M. Gérard Longuet.  - Avec bonheur...

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - ... pour défendre une République sociale. Giscard d'Estaing... (« Monsieur » ! à droite)... proposait bien que le Président de l'Union européenne soit élu au suffrage indirect, et vous le souteniez !

Mme Isabelle Debré.  - Ça n'a rien à voir.

L'amendement n°166 n'est pas adopté.

M. Alain Gournac. - Voilà la réponse !

Article 2

Après le premier alinéa de l'article 6 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement. »

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le texte initial du Gouvernement prévoyait que « nul ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs ». A l'initiative de M. Gérard Charasse...

M. Michel Charasse.  - C'est mon cousin.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ... les députés ont voulu lever une ambiguïté, craignant que la limitation puisse être contournée si le dernier mandat était écourté. Nous proposons de revenir au texte du Gouvernement, en remplaçant toutefois « accomplir » par « exercer », terme qui ne soulève pas les mêmes objections.

M. le président.  - Sous-amendement n°350 à l'amendement n°97 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

A la fin du second alinéa de l'amendement n°97, supprimer le mot :

consécutifs

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'amendement de la commission des lois rétablit une ambiguïté. Nous proposons de supprimer la possibilité pour un ancien Président de se présenter une troisième fois, même après un laps de temps de cinq ans ou plus.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne vois pas au nom de quoi. (Marques d'approbation à droite)

Mme Isabelle Debré.  - Laissez les Français décider !

M. Henri de Raincourt.  - C'est anti-démocratique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable. L'histoire a vu nombre d'hommes politiques revenir aux plus hautes responsabilités après un certain laps de temps.

M. Michel Charasse.  - Poincaré ou Doumergue !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Votre amendement en ferait des morts civils.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Votre amendement est certes meilleur que le texte initial, mais le Gouvernement était favorable à la rédaction de l'Assemblée nationale, qui lève toute ambiguïté : nul ne peut se faire élire une troisième fois consécutive. C'est bien la participation à l'élection qui est interdite, non l'exercice du mandat. Nous sommes d'accord sur l'objectif, mais avec une nuance.

Défavorable au sous-amendement n°350 : dès lors que l'on prévoit une respiration démocratique au bout de dix ans, il est inutile d'interdire absolument un troisième mandat. C'est au peuple souverain de trancher. Je partage les arguments du rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Être élu deux fois consécutives n'interdit pas de se présenter une troisième fois ! C'est l'exercice du troisième mandat immédiat qui est interdit : dès lors, le Conseil constitutionnel ne permettrait pas au Président sortant de se représenter. Je préfère notre rédaction. La navette est une très bonne chose, surtout quand elle est égalitaire ! Je maintiens l'amendement.

M. Henri de Raincourt.  - Très bien !

Mme Jacqueline Gourault.  - Je croyais que l'esprit de cette mesure était de limiter le nombre de mandats à deux, quoi qu'il arrive. Manifestement, j'ai dû mal comprendre...

M. Michel Charasse.  - Je ne peux pas imaginer que certains membres du comité Balladur aient pu faire cette proposition par dépit de n'avoir pu se faire élire eux-mêmes... (Sourires)

Je n'aime pas ces règles. Dans la République, depuis toujours, quand on est électeur, on a le droit d'être élu. Les électeurs ne sont pas benêts au point de ne pas savoir choisir librement. Sur le fond, je conteste donc cet article.

Sur la forme, la rédaction de l'Assemblée nationale ne va pas : nul ne peut être élu, mais il peut se présenter ? Nul ne peut exercer un troisième mandat, mais il peut être élu ? Si l'on démissionne un mois avant le terme du deuxième mandat, on n'a pas exercé deux mandats !

Voilà qui est bien compliqué, pour faire outrage aux électeurs et à la démocratie française !

M. Robert Badinter.  - Cette discussion terminologique est intéressante. Sur la forme, la rédaction de la commission me paraît la plus claire.

Cette question a été évoquée en 2000 lorsque la durée du mandat a été ramenée de sept à cinq ans.

Finalement, à cette époque, on n'a pas voulu de limitation. Et, en effet, il peut y avoir des circonstances exceptionnelles, en cas de guerre par exemple, où cette limitation serait malvenue. Laissons donc aux candidats le choix de se représenter ou non. D'autant que la situation de pays qui ont inscrit cette limitation dans leur Constitution ne nous y encourage pas. Je pense à la Russie par exemple, où l'ancien président Poutine a trouvé une solution singulière en devenant Premier ministre pour continuer à exercer le pouvoir, ou encore à l'Algérie où il est justement question de modifier la Constitution après les deux mandats de l'actuel Président.

Est-ce donc bien à la Constitution de limiter le nombre des mandats ? C'est plutôt au peuple souverain de décider. Je ne suis pas convaincu de la nécessité de cet amendement.

Le sous-amendement n°350 n'est pas adopté.

M. Michel Charasse.  - Je n'ai pas eu de réponse sur le mandat interrompu. Un Président qui démissionne un mois avant la fin de son deuxième mandat pourra-t-il se représenter ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - S'il démissionne ainsi, il n'en aura pas moins exercé deux mandats. C'est pourquoi nous préférons « exercer » à « accomplir ».

M. Michel Charasse.  - En cas de nécessité, on trouvera toujours une solution...

L'amendement n°97 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La situation des anciens Présidents de la République est déterminée par une loi organique. »

M. Patrice Gélard.  - Amendement personnel. J'ai souvent appelé l'attention sur la situation anormale des anciens Présidents de la République et j'ai même déposé à ce sujet trois propositions de loi, visant notamment à ce qu'ils puissent être sénateurs à vie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cela, c'est le summum de la démocratie !

M. Patrice Gélard.  - Les anciens présidents sont membres à vie du Conseil constitutionnel et, grâce à Michel Charasse lorsqu'il était au budget, ils bénéficient d'un statut mais qui n'est pas transparent. Il est normal qu'ils disposent de gardes du corps, d'une voiture, d'un cabinet, ou d'un logement de fonction mais cela doit être public et non occulte. Cela dit, je suis ouvert à la discussion.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le doyen Gélard nous dit souvent qu'il ne faut pas mettre n'importe quoi dans notre loi fondamentale. Ce genre de choses n'est vraiment pas de niveau constitutionnel. Et puis que signifie « statut » ? Il s'agit de moyens normaux pour un ancien chef de l'État. Et je ne suis même pas sûr que cela relève de la loi. Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Cet amendement doit être mis en cohérence avec le n°73 qui vise à supprimer l'appartenance au Conseil constitutionnel. Actuellement, l'article 56 de la loi fondamentale énonce cette appartenance -que le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause- et l'article 67 traite du statut pénal des anciens Présidents. En outre ceux-ci bénéficient de certains moyens matériels mais cela ne relève pas du niveau constitutionnel : il s'agit d'usages républicains élémentaires qui sont dans l'intérêt même de notre pays que l'expertise de nos anciens Présidents peut faire rayonner à l'étranger. C'est donc un simple usage que nous souhaitons maintenir. Retrait ou rejet.

M. Patrice Gélard.  - Je voulais seulement appeler l'attention du Sénat et du Gouvernement sur certaines anomalies. Nous y reviendrons au sujet du Conseil constitutionnel. Je retire mon amendement

M. Michel Charasse.  - Je le reprends pour apporter des précisions que le doyen Gélard n'a pas fournies. Lorsque François Mitterrand a été élu en 1981, nous étions face à un ancien Président, Valéry Giscard d'Estaing, encore jeune et déterminé à mener encore de nombreuses activités et à beaucoup voyager. Or, en dehors de son traitement du Conseil constitutionnel et de sa dotation retraite, un ancien Président de la République ne disposait alors d'aucun autre revenu.

François Mitterrand m'a alors chargé de contacter M. Giscard d'Estaing pour élaborer avec lui certaines règles de bon fonctionnement, sachant que sous la IVe République, les anciens Présidents Coty et Auriol avaient bénéficié d'un logement attribué par le président du Conseil, au Palais de Chaillot.

M. Ladislas Poniatowski.  - Pas désagréable...

M. Michel Charasse.  - François Mitterrand m'a alors dit qu'il fallait à l'ancien Président un local, un secrétariat, une ligne téléphonique, de quoi voyager et assurer sa sécurité. J'ai donc élaboré une note d'instruction et tout devait être pris en charge par Matignon. Depuis lors, tout fonctionne encore comme cela. Je vous épargne les détails : la note précisait combien de fonctionnaires de catégorie A étaient mis à disposition, les ordres donnés aux compagnies de transport d'assurer la gratuité des voyages et, même, était prévue, sur instruction de François Mitterrand, que, dans l'ordre protocolaire républicain, l'ancien chef de l'État venait immédiatement après les présidents des deux assemblées. Tout cela n'a posé aucun problème ni avec M. Giscard d'Estaing, ni avec M. Chirac. François Mitterrand avait prévu de donner aux anciens Présidents le choix entre un logement de fonction, un local pour leur secrétariat, ou un local mixte.

Si on veut règlementer ce genre de choses, alors il faudra aller jusqu'à se préoccuper de la situation des veuves. Je précise que François Mitterrand a toujours porté grande attention, sur sa cassette personnelle, au sort de Mme Pompidou.

Et il faudrait règlementer tout le reste ! Cet amendement n'a vraiment pas sa place dans la Constitution : je le retire. (Applaudissements à droite et au centre)

L'amendement n°78 est retiré.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°168, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 7 de la Constitution est ainsi rédigée :

« Seuls peuvent s'y présenter les candidats ayant recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous nous plaçons cette fois dans le cadre des institutions actuelles : il s'agit de renforcer le pluralisme dans l'élection présidentielle. Pour nous, la diversité n'est pas un risque mais une source d'enrichissement et de progrès. Le bipartisme sclérose la vie politique et la crise politique que connaissent de nombreux pays européens est liée au choix de ce système. Revivifions la démocratie ! Avec ce que nous proposons, nous aurions évité le désastre de 2002...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'admets votre cohérence mais je préfère le système actuel qui permet un choix clair. Défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Gardons-nous de brouiller le second tour. Le Président de la République doit avoir une forte légitimité grâce à sa majorité absolue. Une majorité relative affaiblirait son autorité, notamment au plan international. (M. Michel Charasse renchérit) Défavorable. (M. Jean-Pierre Raffarin approuve)

L'amendement n°168 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°169, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l'article 8 de la Constitution est ainsi rédigée :

« Le Président de la République soumet à l'approbation de l'Assemblée Nationale la nomination du Premier ministre. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est exposé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce serait un retour à un régime parlementaire, au moins ! Défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Même avis. L'exécutif sous la Ve République comprend le Président et le Premier ministre. Votre amendement tend à modifier l'esprit même de la Ve République et l'équilibre des institutions !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Absolument.

L'amendement n°169 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°167, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article 9 de la Constitution, les mots : « Président de la République » sont remplacés par les mots : « Premier Ministre ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes favorables à un régime parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le conseil des ministres présidé par le Président de la République exprime l'unité du pouvoir exécutif. Et cela peut exister même en régime parlementaire ! L'usage en remonte à 1875. Défavorable.

L'amendement n°167, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 3

L'amendement n°382 rectifié est retiré et le n°308 rectifié n'est pas soutenu.

L'article 3 est adopté.

Article 3 bis

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le référendum d'initiative populaire est cher au coeur des Verts ; nous devrions donc être satisfaits. En réalité, hélas, nous sommes loin d'une véritable initiative populaire : ce moyen sera la propriété exclusive de la majorité parlementaire. Encadrer la procédure, oui, mais l'initiative, non !

Un mot du champ du référendum, celui-ci ne devant pas conduire à remettre en cause les droits et libertés. Nous ne pouvons exclure un coup réactionnaire contre les droits sociaux, l'entrée et le séjour des étrangers, etc. Il faut aussi distinguer entre l'échelle locale et le plan national. Le référendum peut devenir un outil dangereux, démagogique. Donnons plus de place au citoyen dans l'initiative et empêchons toute velléité liberticide.

M. le président.  - Amendement n°255 rectifié, présenté par MM. Gouteyron et Gournac.

Supprimer cet article.

M. Alain Gournac.  - Nos sommes hostiles à l'article introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Le dispositif est complexe et comporte des risques de dérive démagogique. L'idée circule depuis plus de deux siècles, Rousseau en parlait déjà mais un canton suisse n'est pas la République. Les pétitions se multiplieraient, car, à l'époque d'Internet il n'y a aucune difficulté à réunir quatre millions de signatures -et ce en un temps record !

Or il pourrait s'agir de graves sujets, comme le rétablissement de la peine de mort ou l'immigration zéro. Il faut supprimer cet article 3 bis.

M. Gérard Longuet.  - Parfaitement.

M. le président.  - Amendement identique de suppression n°263 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Merceron, Nogrix, Badré et Biwer, Mmes Férat et Gourault et MM. Dubois, C. Gaudin, Jégou et Zocchetto.

M. Yves Détraigne.  - Je partage totalement les arguments de M. Gournac. Il est tout à fait possible de réunir un dixième des électeurs grâce à l'électronique. C'est alors la porte ouverte à la contestation systématique des décisions prises par les représentants de la Nation. Une loi votée par la majorité pourra être contestée par une minorité de parlementaires. Bienvenue à la démagogie !

M. le président.  - Amendement n°68 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf et Béteille.

Rédiger comme suit cet article :

Après le deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un million d'électeurs inscrits sur les listes électorales. La régularité de l'initiative, qui prend la forme d'une proposition de loi, est contrôlée par le Conseil constitutionnel dans des conditions fixées par une loi organique. Si la proposition n'a pas fait l'objet d'un projet ou une proposition de loi adopté par les deux assemblées dans les six mois qui suivent sa validation par le Conseil constitutionnel, elle est soumise au référendum par le Président de la République. La proposition soumise au référendum est approuvée si la majorité des électeurs inscrits a participé au scrutin et si la majorité des suffrages exprimés a été atteinte. »

M. Jean-René Lecerf.  - L'utilisation du référendum a été très limitée sous la Ve République : une fois seulement en matière constitutionnelle, en vertu de l'article 89, une fois tous les six ans en matière législative.

La procédure référendaire est strictement encadrée par l'intervention du chef de l'État, et l'usage en est biaisé aussitôt que le Président de la République engage son avenir sur le résultat référendaire. Avec la dérive plébiscitaire, le référendum place le constituant en porte-à-faux, comme cela s'est produit en 1992 et 2005, ou encore lorsque la consultation populaire a précisément pour objet d'aller contre la jurisprudence constitutionnelle, comme ce fut le cas pour la Nouvelle-Calédonie en 1988. Enfin, l'objet même du référendum peut être élargi, malgré tous les défauts de la procédure, ce qui en rend l'usage très susceptible de populisme.

La réforme proposée est donc un trompe-l'oeil : le prétendu référendum d'initiative populaire sera entre les mains des grands partis et on ne voit pas bien quel y sera le rôle du Parlement. Les deux assemblées sont censées « examiner » le projet de référendaire : en séance publique, ou en commission ?

Nous préférons un véritable référendum d'initiative populaire. Il est conforme à l'article 3 de la Constitution, qui fait le lien explicite entre la souveraineté et le référendum, et il sera plus à l'abri des dérives populistes et plébiscitaires, puisque la question sera posée directement aux citoyens, sans que le chef de l'État n'engage son avenir sur le résultat.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;

2° Après le deuxième alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.

« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. »

3° Au dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission accepte le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, pour un référendum d'initiative parlementaire soutenu par des pétitionnaires, ce qui est très différent du référendum d'initiative populaire « à l'italienne » que nous propose M. Portelli et qu'il connaît bien. Cependant, nous apportons des précisions au dispositif, par exemple le fait qu'un tel référendum ne peut être organisé l'année précédant l'élection présidentielle.

J'entends dire que des sujets tels que le rétablissement de la peine de mort, pourraient faire l'objet d'un référendum, mais tel n'est pas le cas : le référendum ne peut sortir du champ de l'article 11 de la Constitution. Qui plus est, plusieurs conventions internationales et articles de la Constitution, nous protègent, par exemple, contre le rétablissement de la peine de mort !

La commission accepte également les modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'article 11 de la Constitution, pour inclure au champ référendaire les questions relatives à la politique environnementale de la Nation. Nous proposerons encore, par coordination, de supprimer deux articles du projet de loi, ce qui nous ferait gagner du temps !

M. le président.  - Je vais suspendre, nous reprendrons à l'article 13, appelé en priorité.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Bernard Frimat.  - J'indique que M. Collombat a voulu voter contre et non pour l'amendement n°420, relatif au droit de vote des étrangers aux élections locales.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - La commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Jégou membre du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale.

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 15 h 5.

Hommage à une délégation bulgare

M. le président.  - J'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de parlementaires bulgares, membres du groupe d'amitié Bulgarie-France, reçue conjointement en France par le groupe interparlementaire d'amitié de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, présidé par notre collègue M. Jean-François Picheral. (Applaudissements)

Je forme le voeu que cette visite, qui confirme les excellentes relations qui existent entre nos deux Parlements et, en particulier, avec le Sénat français, contribue au renforcement des liens d'amitié qui unissent notre pays et notre peuple à un pays membre de l'Union européenne et de la francophonie. Soyez les bienvenus. (Applaudissements)

Rappel au règlement

M. Bernard Frimat.  - M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a demandé hier la priorité sur l'article 13, et pour ce soir, un agencement de nos travaux destiné à permettre au ministre des comptes publics de représenter le Gouvernement lors de notre discussion sur les amendements financiers, à l'article 11. S'il nous paraît sain de faciliter ainsi l'organisation du travail des ministres, je rappelle néanmoins que le président de la commission des lois, eu égard au nombre important d'amendements déposés à l'article 11, avait demandé que celui-ci soit traité par divisions, proposition qui avait recueilli l'assentiment de tous les groupes. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le président, car je ne doute pas que le service de la séance a fait, comme toujours, un travail remarquable... (M. le Président remercie l'orateur)

M. Michel Charasse.  - Les socialistes ont toujours défendu les travailleurs !

M. Bernard Frimat.  - ... que seuls les aspects financiers, intéressant M. Woerth, seront traités ce soir en priorité, et que nous reprendrons ensuite le déroulement normal de nos travaux ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Le Gouvernement, pour répondre à vos préoccupations légitimes, a bien prévu que seuls seront examinés en priorité les amendements à l'article 11 portant sur les questions financières, soit les amendements n°s301 rectifié, 447, 388 rectifié bis, 18 rectifié bis, 190, 449, 108 rectifié, 85, 309 rectifié, 277 rectifié, 401, 19 rectifié bis, 380 rectifié bis.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est bien ce dont nous étions convenus, mais il n'est pas mauvais que le ministre l'ait à nouveau précisé.

Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation des institutions de la Ve République par l'examen, en priorité, de l'article 13.

Article 13

L'article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l'étranger dans les trois jours. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.

« Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l'intervention.

« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante. »

M. Didier Boulaud.  - Je souhaite vivement que cet article 13 contribue à figer dans le marbre de notre Constitution une avancée des droits du Parlement.

Les parlementaires socialistes se sont depuis longtemps élevés contre l'ostracisme dans lequel une certaine pratique de la Constitution de la Ve République place le Parlement dès qu'il s'agit de politique étrangère et de politique de défense. J'ai en tête les propositions de loi, déposées depuis 1999, notamment à l'Assemblée nationale, et destinées à instaurer un contrôle parlementaire sur les opérations extérieures et sur les accords de défense : elles ont malheureusement été abandonnées en chemin.

Aujourd'hui, il semble que la donne change. Un consensus se dessine pour briser un coin du « domaine réservé ». Nous n'entendons pas nous arrêter en si bon chemin : d'autres débats sur ces sujets nous donneront l'occasion de vous proposer de nouvelles avancées législatives pour en finir avec ce « domaine réservé » si néfaste à la vie politique nationale.

Nous voulons que ce projet de loi constitutionnelle apporte des changements significatifs. Nous appelons à un aggiornamento de nos politiques et de nos institutions, trop marquées par les conséquences de la guerre froide, par les fantômes des confrontations disparues ainsi que par une méfiance qui n'a pas lieu d'être à l'égard du Parlement et des parlementaires.

Nous avons été agréablement surpris d'entendre le Président de la République, le 17 juin 2008, déclarer proposer, dans la révision constitutionnelle qui est en cours d'examen, « d'associer de façon transparente le Parlement aux décisions sur les opérations extérieures ». Nous disons : chiche ! Car cela va au-delà de la simple communication, des messages au Parlement. Oui, nous devons être associés aux décisions. Nos amendements vont dans ce sens et je ne doute pas que, répondant au voeu du Président, vous n'y souscriviez.

L'article 13 est perfectible. Il tend à assurer un droit à « l'information » du Parlement. C'est bien, mais c'est peu. Nous demandons que l'on revienne, là aussi, au « droit naturel » du parlementaire de voter après que l'information et le débat sur l'intervention des forces armées à l'extérieur aura eu lieu. Il est également nécessaire, si les circonstances l'exigent, de réunir le Parlement en session extraordinaire : il serait inenvisageable qu'en cas de crise grave, nécessitant l'envoi des troupes, le Parlement ne puisse s'exprimer au motif que la session serait close. Lors de la guerre du Golfe, en 1991, le Parlement n'avait-il pas été convoqué en session extraordinaire et après lecture du message du Président de la République, ne s'était-il pas prononcé par un vote, selon les modalités propres appliquées à chaque Chambre, sur une déclaration de politique générale relative à la participation de la France à ce conflit ?

L'article prévoit en outre, que « lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement ». C'est bien, mais nous souhaitons qu'il soit précisé que la poursuite des opérations au-delà des quatre premiers mois doit aussi être régulièrement autorisée par le Parlement.

J'en viens aux accords de défense et de coopération militaire. S'exprimant le 28 février devant le Parlement sud-africain, le Président de la République a déclaré que les accords entre la France et les pays africains seraient intégralement publiés. Lorsqu'il a présenté le Livre blanc sur la défense, le chef de l'État est allé plus loin en promettant de publier tous ces accords. Nous prenons acte de cette promesse, que nous voulons inscrire dans la Constitution, ce qui n'empêchera pas l'information de respecter la nécessaire confidentialité.

M. le président.  - Amendement n°193 rectifié, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 35. - Toute intervention des forces armées à l'extérieur du territoire de la République est autorisée par le Parlement, au besoin après convocation d'une session extraordinaire. »

M. Robert Bret.  - Pour des raisons qui datent de la guerre froide, la Constitution actuelle ne prévoit l'intervention du Parlement que pour la déclaration de guerre. Cette disposition obsolète conduit à ce que l'envoi de troupes à l'étranger ne relève que du Président de la République, chef des armées.

La coutume veut que les affaires étrangères et la défense constituent le domaine réservé du Président de la République, mais cela ne correspond ni aux réalités ni aux exigences de notre époque. Le Parlement doit donc autoriser une éventuelle intervention à l'étranger.

Pourquoi ne lui demander son autorisation que quatre mois après le début de l'intervention ? Les officiers généraux des trois armées qui critiquent, dans Le Figaro d'aujourd'hui, le Livre blanc de la défense dénoncent notamment l'opacité des choix d'intervention « ne donnant lieu à aucun débat parlementaire ». La décision doit être prise au nom de la France, avec l'adhésion des représentants du peuple.

Bien sûr, il n'est pas nécessaire d'obtenir l'aval du Parlement pour des opérations humanitaires, ni pour celles extrêmement urgentes -comme la protection de nos ressortissants- ni pour les simples exercices à l'étranger. Nous excluons aussi les interventions d'urgence effectuées dans le cadre de l'article 51 de la charte des Nations Unies, relatif à l'invasion d'un pays. En revanche, les élus du peuple doivent se prononcer sur l'envoi d'unités combattantes.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa de cet article :

Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La rédaction actuelle de l'article laisse planer un doute sur le point de départ du délai de trois jours.

Est-ce la date de la décision ? Le chef d'état-major des armées, le général Georgelin, a observé qu'il n'était pas toujours possible de la déterminer clairement.

Il faut donc retenir la date du début de l'intervention.

M. le président.  - Amendement identique n°139, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - L'information du Parlement apporte une considérable nouveauté, bien que notre regretté collègue Jean Lecanuet ait déposé dès 1991 une proposition de loi constitutionnelle en ce sens.

La rédaction de l'Assemblée nationale assure un équilibre entre le rôle du Parlement et les prérogatives de l'exécutif. Toutefois, des interrogations demeurent.

Ainsi, la notion d'intervention des forces armées à l'étranger reste à préciser. Inclut-elle l'affectation d'officiers dans les états-majors étrangers ? Faut-il tenir compte des effectifs en cause, sachant que certaines opérations supposent le départ de quelques dizaines d'hommes, alors que d'autres en exigent des milliers ? Un groupe de travail constitué par les commissions compétentes des deux assemblées pourrait se pencher sur la question.

De même, où se situe le début du délai de trois jours ? Il se passe parfois beaucoup de temps entre la prise de décision et l'envoi effectif des troupes, nous l'avons constaté récemment avec la mission Eufor au Tchad. En sens inverse, la complexité de la chaîne de décision peut rendre incertaine la date de la décision.

M. le président.  - Amendement n°257 rectifié, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat suivi d'un vote, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans les deux semaines suivant le début de l'intervention.

M. Robert Bret.  - Notre Parlement est l'un des rares en Europe à n'être ni informé, ni consulté avant une intervention armée hors des frontières, alors que ces décisions de grande importance sont conduites au nom de la France et engagent souvent la vie des troupes.

En définitive, le Président de la République décide seul.

Il n'est plus possible de tenir la représentation nationale à l'écart, a fortiori depuis que les opérations extérieures se sont multipliées. Nous avons perdu plusieurs dizaines d'hommes et déplorons plusieurs centaines de blessés au cours de ces actions, de plus en plus longues et toujours plus coûteuses. La dépense devrait avoisiner 880 millions d'euros en 2008 et près d'un milliard en 2009. Un contrôle parlementaire est donc logique.

En ce domaine, vous restez bien timides. Vous voulez vraiment renforcer les pouvoirs du Parlement ? Passez à l'acte ! L'information rapide sur les conditions et objectifs des opérations extérieures est la moindre des choses. Le débat s'impose pour que le pays connaisse les tenants et aboutissants de chaque situation. Mais une simple information ne suffit pas : inscrire dans la Constitution l'autorisation parlementaire marquerait du respect pour le peuple français. Au demeurant, pour être légitime, les interventions de troupes à étranger supposent le soutien de la Nation. Si l'opération est clairement exposée, pourquoi mettre en doute l'adhésion du pays ?

Un délai de quinze jours après le début de l'intervention paraît raisonnable.

M. le président.  - Amendement n°457, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d'un vote.

M. Didier Boulaud.  - L'information des parlementaires doit déboucher sur un débat, lui-même suivi d'un vote.

Jusqu'à présent, le Parlement ne s'est exprimé qu'une fois sur l'engagement de la France dans des opérations militaires d'importance : c'était en janvier 1991, avant l'intervention en Irak.

Bien sûr, le contrôle parlementaire doit prendre en compte les aspects tactiques des interventions, il doit préserver l'équilibre entre la participation parlementaire à la décision et le respect des prérogatives de l'exécutif, sans introduire de domaine réservé et il ne doit pas nuire à l'efficacité des interventions militaires.

L'information du Parlement peut donner lieu à un vote dès l'engagement des troupes. Concernant la guerre et la paix, la représentation nationale saura prendre ses responsabilités.

Plutôt que de solliciter après quelques mois l'autorisation d'un Parlement mis devant le fait accompli, il vaut mieux l'associer à la décision initiale. De quoi a-t-on peur ? Cela renforcerait la légitimité politique des interventions qui mettent en jeu les intérêts fondamentaux du pays et la vie de nos soldats. J'ajoute que le coût des opérations extérieures devrait avoisiner un milliard d'euros en 2008 et que 300 millions seulement ont été programmés !

M. Michel Charasse.  - C'est toujours pareil !

M. Didier Boulaud.  - Compétent pour définir les sujétions imposées aux citoyens par la défense nationale, le Parlement ne doit pas être réduit au silence lorsqu'il s'agit d'exposer des militaires au risque suprême.

A l'Assemblée nationale, le ministre de la défense a déclaré : « il importe que le Parlement soit informé au moyen de formules souples adaptées à la nature de l'opération. Il peut s'agir d'un courrier adressé aux parlementaires ou aux présidents des commissions compétentes, d'une déclaration devant ces commissions ou en séance publique ». Manifestement, on a oublié les SMS et les pigeons voyageurs ! Informer, c'est bien, débattre et voter, c'est mieux ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et A. Boyer.

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information peut donner lieu à la convocation du Parlement en session extraordinaire, dans les conditions prévues à l'article 29, et à un débat qui n'est suivi d'aucun vote sauf application de l'article 49.

M. Michel Charasse.  - Nous sommes dans un domaine qui touche au régalien le plus sacré. Dans ce type de situation, rien n'est facile pour personne. Cet article traite de la défense de notre territoire et de l'application de nos engagements internationaux, que ce soit la Charte de l'ONU ou les accords particuliers de défense dont M. Boulaud vient de parler. D'ailleurs, tous ceux qui ont été signés au lendemain des indépendances des pays africains n'ont pas été ratifiés par le Parlement, tant s'en faut. C'est ainsi qu'une nuit à l'Élysée, à quatre heures du matin, je fus réveillé par le Président Mitterrand pour trouver un accord de défense avec le Tchad. Je lui répondis qu'il était difficile de l'appliquer vu qu'il n'avait jamais été ratifié. Peut-être serait-il opportun, monsieur le ministre, de faire le point sur les accords signés par le général de Gaulle afin de ne pas nous retrouver un jour dans une situation baroque.

Bien entendu, les représentants du peuple doivent être informés dans la mesure où ils doivent pouvoir contrôler l'exécutif. Tout ne peut cependant pas toujours être dit même si, en 1991, François Mitterrand avait tenu, contre l'avis des états-major, à aller le plus loin possible dans sa communication parlementaire sur l'Irak, en plein accord avec le Premier ministre Michel Rocard. Pourquoi d'ailleurs ne pas envisager la réunion des chambres en comité secret ?

M. Alain Gournac.  - Le secret sera bien gardé !

M. Michel Charasse.  - Je rappelle qu'en fonction d'une décision Daladier de mars 1940, confirmée depuis, les autorités parlementaires peuvent contrôler les opérations sur place, hormis leur préparation. Ce point a d'ailleurs été rappelé par M. Marini lorsque nous avons adopté l'article relatif au contrôle des fonds spéciaux par une commission spéciale instituée entre les deux assemblées avec des magistrats de la Cour des comptes.

Il ne faut pas que l'exécutif soit sans contrôle mais le Parlement ne peut se substituer à l'autorité chargée de la conduite des opérations. Cependant, selon le mot de Clémenceau : « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires ».

Mon amendement rappelle aussi que le Parlement peut être convoqué en session extraordinaire et que la déclaration du Gouvernement ne peut faire l'objet d'un vote, à moins que l'Assemblée nationale ou le Gouvernement décide d'avoir recours à l'article 49 de la Constitution. Les droits du Parlement en matière de contrôle et de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement ne peuvent pas être prescrits dans ces circonstances.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa de cet article :

« La prolongation de l'intervention au-delà de quatre mois est autorisée en vertu d'une loi. Aucun amendement n'est recevable. 

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement sera défendu par M. de Rohan.

M. le président.  - Amendement identique n°140, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - La formulation selon laquelle : « En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l'intervention » n'est pas la plus heureuse. Il convient donc de prévoir que l'autorisation parlementaire sera donnée en vertu d'une loi. Cette rédaction est plus élégante et plus respectueuse de la Haute assemblée. Toutefois, s'agissant d'un vote d'autorisation, le droit d'amendement ne saurait s'appliquer : le Parlement autorisera ou non l'intervention mais il ne pourra pas la soumettre à des conditions tenant aux objectifs assignés, à l'ampleur des effectifs engagés ou à la durée de l'intervention.

M. le président.  - Amendement n°258 rectifié, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'autorisation de cette prolongation est renouvelée de quatre mois en quatre mois.

M. Robert Bret.  - Il convient d'éviter les dangers d'enlisement d'une opération extérieure et de combler un vide juridique. Quand une opération dure trop longtemps et que les raisons qui l'ont motivée ont évoluées, comme en Afghanistan ou en Côte-d'Ivoire, il faut s'interroger sur le maintien de la présence de nos troupes. Qui mieux que le Parlement est à même de trancher cette question ?

L'Assemblée nationale propose d'autoriser la prolongation d'une intervention à l'étranger si celle-ci excède quatre mois, ce délai correspondant à la durée moyenne de séjour des unités envoyées à l'étranger. Mais que se passera-t-il si l'opération se poursuit au-delà de cette période ? Comment les assemblées seront-elles informées de l'évolution de la situation, et pourquoi ne pourraient-elles pas se prononcer à nouveau sur le maintien ou le retrait de nos troupes ? Nous proposons donc qu'un vote ait lieu tous les quatre mois.

M. le président.  - Amendement n°459, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Au-delà de ce délai de quatre mois, la poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées tous les six mois.

M. Didier Boulaud.  - La prolongation d'une intervention des forces armées à l'étranger au-delà de quatre mois doit être soumise à l'autorisation du Parlement tous les six mois car la première autorisation donnée par le Parlement ne vaut pas pour une durée illimitée.

Si des opérations de quelques semaines ou de quelques mois peuvent avoir lieu, certaines interventions, comme en Afghanistan peuvent durer des années. Il est donc souhaitable que la poursuite de ces opérations soit soumise régulièrement au vote des assemblées. Nous ne pourrions pas nous contenter de simples auditions menées par la commission des affaires étrangères ou du débat lors de la loi des finances.

M. le président.  - Amendement n°279 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe UC-UDF.

Supprimer la seconde phrase du troisième alinéa de cet article.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Cet article propose un rééquilibrage institutionnel en faveur du Parlement sur un sujet loin d'être anodin, puisqu'il s'agit de la guerre et de la paix, de la vie d'hommes et de femmes. Il est donc naturel que, dans une République moderne, le Parlement partage avec l'exécutif le pouvoir de décision.

Il convient en revanche de revenir sur un archaïsme injustifiable : le droit donné à l'Assemblée nationale de statuer en dernier ressort sur la prolongation d'une intervention des forces armées françaises à l'étranger. Pourquoi une telle primauté serait-elle accordée à la représentation nationale sur la représentation territoriale ?

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Nous sommes aussi la représentation nationale !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Rien ne le justifie.

Rééquilibrer les pouvoirs du Parlement, c'est renforcer le bicamérisme, et non soumettre l'une des deux chambres à l'autre. Sur des questions aussi graves que celles de la prolongation d'une intervention armée, il convient de rechercher le consensus des deux assemblées.

M. le président.  - Amendement n°341, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I - Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« A l'expiration d'un délai de six mois après la première autorisation de prolongation de l'intervention, le Gouvernement soumet toute nouvelle prolongation à l'autorisation du Parlement, dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. Cette autorisation devra intervenir, pour toute prolongation ultérieure, tous les six mois dans les mêmes conditions.   

II - Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

du délai de quatre mois

par les mots :

des délais mentionnés aux alinéas précédents

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Si nous décidons de mieux contrôler l'envoi de forces françaises à l'étranger, il faut alors les contrôler du début à la fin. Le contrôle doit d'abord porter sur la légalité de notre intervention et ce que vient de dire M. Charasse, va dans mon sens.

L'article 13 donne un blanc seing au Gouvernement, une fois la prolongation de l'intervention votée par le Parlement.

Or le véritable risque concernant les interventions à l'étranger n'est pas l'envoi des troupes, mais leur enlisement dans des opérations qui peuvent être aussi coûteuses qu'inutiles. L'intervention américaine en Irak et française en Afghanistan en témoignent. Il convient donc d'instaurer un contrôle d'opportunité et d'efficacité qui permettra au Gouvernement de justifier devant la représentation nationale, à intervalles réguliers, l'utilité stratégique et politique de ladite intervention.

En outre, cela permettrait à nos concitoyens de mieux comprendre le bien-fondé de certaines de nos interventions à l'étranger, dont ils doutent parfois.

M. le président.  - Amendement n°458, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Si besoin est, le Parlement est réuni en session extraordinaire.

M. Didier Boulaud.   - Dès lors qu'il s'agit pour le Parlement de donner son autorisation, on ne peut attendre. Comment imaginer qu'en cas de crise grave conduisant à l'envoi de troupes, il ne puisse pas s'exprimer parce qu'il n'est pas en session ? Je rappelle le précédent de la guerre du Golfe en 1991 : François Mitterrand avait convoqué le Parlement en session extraordinaire -et celui-ci s'était prononcé par un vote.

M. le président.  - Amendement n°362, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après les mots :

délai de quatre mois,

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de cet article :

il se réunit en session extraordinaire à cet effet. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement a le même objet que le précédent. Si la fin du délai de quatre mois tombe en juillet, faudrait-il attendre octobre ? Le contrôle du Parlement doit être effectif.

M. le président.  - Amendement n°259 rectifié, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées. »

M. Robert Bret.  - Nos interventions militaires à l'étranger, sauf celles sous mandat international, sont décidées en vertu d'accords de défense signés avec des pays tiers ; la plupart l'ont été dans les années 1960 avec des pays africains, dans le contexte que l'on connaît. Ce sont ces accords qui légitiment juridiquement et politiquement l'engagement de nos troupes. On se souvient de notre intervention brutale au Gabon il y a quelques décennies ; de celle, il y a peu, en Côte-d'Ivoire, d'abord pour protéger nos ressortissants, puis pour préparer l'intervention de la communauté internationale ; de notre engagement récent au Tchad qui a finalement permis au président Déby de rester au pouvoir.

Ces accords n'ont jamais été soumis au Parlement ; ils sont restés secrets.

M. Michel Charasse.  - Pas tous !

M. Robert Bret.  - Pour que la représentation nationale soit pleinement informée du contexte et des objectifs d'une intervention, elle doit disposer de tous les éléments nécessaires. Nous demandons que tous les documents pertinents lui soient communiqués, sous une forme encore à définir, étant entendu qu'une certaine confidentialité devra être respectée. C'est affaire de transparence démocratique et un engagement pris par le Président de la République devant le Parlement sud-africain.

M. le président.  - Amendement identique n°460, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Didier Boulaud.  - En la matière, la bonne volonté du Gouvernement ne saurait suffire. C'est le plus souvent en vertu de ces accords que nos troupes sont engagées, au Rwanda, au Tchad ou en Côte-d'Ivoire. La plupart de ces accords ont plus de quarante ans, l'un d'entre eux mentionne même toujours le Dahomey... Alors qu'ils fondent juridiquement et politiquement l'intervention de la France, ils sont encore secrets et ne sont pas publiés au Journal officiel. Nous souhaitons que le Parlement soit destinataire de ces accords, dans leur intégralité.

La commission du Livre blanc sur la défense a été unanime pour considérer que ces accords de défense devraient être transparents et connus du Parlement. Le Président de la République a d'ailleurs pris l'engagement, le 28 février dernier, devant le Parlement sud-africain, que « ces accords seraient intégralement publiés », ajoutant : « J'associerai le Parlement aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique ».

M. Yves Pozzo di Borgo.  - J'ai eu tout à l'heure une phrase malheureuse ; le Sénat, c'est bien la représentation nationale territoriale. (« Ah ! » à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'amendement 193 rectifié ne distingue pas le temps de l'information et celui de l'autorisation ; et il ne fixe pas de délai. Le texte de l'Assemblée nationale n'interdit pas en outre la convocation du Parlement en session extraordinaire. Avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement 139, identique au nôtre. Défavorable à l'amendement 257 rectifié, moins favorable que le 110. L'amendement 457 permettrait au Parlement d'anticiper sur l'autorisation requise pour permettre la prolongation de l'intervention : défavorable. L'amendement 20 rectifié bis n'est pas indispensable. Dès lors qu'il ne prévoit qu'une simple faculté et non l'obligation de convoquer le Parlement en session extraordinaire, les dispositions actuelles de l'article 30 de la Constitution sont suffisantes ; en outre, l'information pourra être donnée sous une forme souple, par exemple par la voie d'une audition devant les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

M. Michel Charasse.  - Le dépôt d'une motion de censure sera-t-il possible ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Enfin, aux termes de l'amendement 110, le Gouvernement disposera d'une certaine marge pour informer le Parlement. S'il sait par exemple que le Parlement ne siègera pas lorsque débutera l'intervention, il pourra informer les assemblées pendant les sessions ordinaires, avant que cette intervention ne commence.

Le débat sans vote sera la procédure de droit commun ; ce qui n'interdit pas au Gouvernement, s'il le souhaite, d'engager sa responsabilité ou aux députés de déposer une motion de censure. L'article 49 de la Constitution peut donc s'appliquer. Je souhaite le retrait.

M. Michel Charasse.  - Dès lors que le dépôt d'une motion de censure est possible, je retire l'amendement.

L'amendement n°20 rectifié bis est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis favorable au 140 identique au nôtre. Défavorable aux 258 rectifié et 459, relatifs au renouvellement de l'autorisation.

M. Didier Boulaud.  - Une autorisation à perpétuité ? Et si la guerre dure cent ans ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Un différend entre les assemblées ne devrait pas bloquer une intervention à l'étranger ; l'amendement 110 de la commission peut satisfaire en partie les auteurs de l'amendement 259 rectifié. Retrait.

Avis défavorable au 341. Demande de retrait des 458 et 362. Les amendements 259 rectifié et 460 ne relèvent pas de la Constitution. Le Président de la République a dit devant le Parlement sud-africain que les accords de défense conclus par la France avec les pays africains seraient intégralement publiés. Le président de la commission du Livre blanc sur la défense recommande leur communication au Parlement. Il importera au Règlement des deux assemblées d'en définir les modalités. Retrait.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Le dispositif proposé par le Gouvernement représente une avancée importante. Jusqu'ici, le Parlement n'avait pas à connaître des interventions sur les théâtres d'opérations extérieures, et ne pouvait débattre de leur opportunité. Il faut saluer cette novation.

Une information dans les trois jours qui suivent l'engagement des troupes ou la déclaration me semble parfaitement satisfaisante. Avec un débat préalable obligatoire, nous n'aurions jamais pu monter une opération comme celle de Kolwezi, qui exigeait rapidité et discrétion. Nous ne voulons pas que nos troupes soient accueillies par un comité de réception ! (Marques d'approbation à droite)

Un vote préalable du Parlement est bien entendu indispensable avant de s'engager dans une guerre, mais les temps ont changé, et la plupart des conflits sont d'une autre nature. Les interventions doivent être rapides -ce qui n'exclut pas que le Gouvernement doive rendre des comptes !

M. Michel Bécot.  - Très bien !

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Nous sommes hostiles à toute autre formulation. Le Gouvernement informe le Parlement dans les trois jours ; au-delà de quatre mois, il est normal que le Parlement fasse le bilan et, le cas échéant, se prononce sur l'opportunité de poursuivre l'opération.

M. Michel Charasse.  - C'est un délai maximum !

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Quatre mois, c'est le délai qui correspond à la relève des troupes. Aller au-delà serait excessif.

Je ne vois pas la nécessité d'ajouter d'autres conditions. Si un évènement grave nécessitant l'engagement de troupes intervient pendant l'intersession, le Parlement sera bien entendu convoqué en session extraordinaire.

La publicité des accords de coopération conclus avec les pays de l'ancienne communauté doit absolument être améliorée ; certains sont obsolètes. Le Parlement sera informé sur tous ces points. Le dispositif prévu me paraît convenable.

Le fondement de l'autorisation est la loi : si nos deux assemblées divergent, l'Assemblée nationale aura le dernier mot. Je ne prétends pas que les deux chambres ont le même pouvoir. Mais je trouve peu élégant, monsieur le ministre, de souligner à chaque fois que l'Assemblée aura la priorité sur le Sénat -on doit pouvoir le dire sans être par trop lourdaud ! (Sourires et applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - C'est ce qu'on appelle la classe !

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Ce dispositif, qui reprend des propositions émanant tant de la majorité -on a rappelé le souvenir de Jean Lecanuet- que de l'opposition, doit pouvoir faire consensus. C'est une avancée démocratique majeure. L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni ont des dispositifs équivalents, qui permettent au Parlement d'être informé et de contrôler les opérations ; le Royaume-Uni s'apprête à les imiter. Nous avons trouvé un équilibre entre l'efficacité de l'opération militaire, la protection des hommes et des femmes sur le terrain et le contrôle par le Parlement sur les opérations qui engagent le pays.

Avis défavorable à l'amendement n°193 rectifié, contraire à l'économie générale et à l'esprit du dispositif. Un vote systématique du Parlement dès le début de l'opération lierait la capacité d'initiative du Gouvernement et serait contraire au principe de séparation des pouvoirs. J'imagine le succès qu'aurait un débat dans l'hémicycle sur les opérations en cours au Libéria, où nous avons un seul homme, en Géorgie -trois hommes, ou en Haïti -trente gendarmes !

La notion d'intervention de forces armées à l'étranger doit être précisée : il s'agit de l'envoi de corps constitués à des fins opérationnelles. Sont exclus : les échanges de militaires, les exercices, les opérations confidentielles des services de renseignement, les troupes pré-positionnées en vertu des accords de défense, qui sont soumis aux mêmes règles que les traités internationaux. Ces accords seront connus du Parlement, comme l'a voulu le Président de la République : c'est une novation majeure. Nous avons signé des accords de défense extrêmement contraignants sous un président de gauche, notamment avec les Émirats arabes unis. Jusqu'ici, vous n'en réclamiez pas franchement la publicité... (Protestations à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Polémique inutile !

M. Didier Boulaud.  - Sans ces accords vous n'auriez pu décider d'installer une base à Abou Dhabi !

M. Hervé Morin, ministre.  - Sont également exclues : les opérations spéciales, comme en Mauritanie...

M. Robert Bret.  - Personne ne le demande !

M. Hervé Morin, ministre.  - ... les opérations humanitaires sans fins militaires, les déplacements d'aéronefs ou de bâtiments de la marine nationale dans les espaces internationaux. En revanche, toutes les opérations menées au titre de l'ONU, de l'Union européenne, d'accords internationaux ou de décisions nationales sont concernées par cet article.

L'acte déclencheur est pour nous le lancement effectif de l'opération, non les discussions internationales ou la résolution de l'ONU. Le point de déclenchement : l'envoi des forces constituées, non la présence de forces spéciales qui viennent baliser le terrain.

Sous réserve de ces explications, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques de vos commissions. J'ai répondu aux amendements n°s257 rectifié et 457. Monsieur Charasse, l'article 49 de la Constitution s'applique : l'Assemblée nationale peut bien entendu déposer une motion de censure, et le Gouvernement engager sa responsabilité.

J'ajoute que les opérations d'Irak en 1991 avaient fait l'objet d'un vote du Parlement en vertu de l'article 49.

M. Michel Charasse.  - Il y a plusieurs catégories d'accords de défense et on appelle souvent « accords » ce qui n'en est pas. Il y a des accords qui entrent dans le cadre de l'article 53 et d'autres qui n'y entrent pas. Souvent on qualifie d' « accords » de simples échanges de lettres. Il faut clarifier les choses, avec les commissions de la défense des deux assemblées, sur ce qui est ou n'est pas accord.

M. Hervé Morin, ministre.  - A propos des amendements identiques 111 et 140, j'ai bien entendu le plaidoyer de M. de Rohan sur la nécessité de la navette mais c'est une procédure longue qui risque de compliquer la situation.

J'ai répondu aux autres amendements. Voter sur les opérations où nous sommes engagés, c'est augmenter l'ordre du jour parlementaire, déjà chargé, de quinze à vingt débats sur les quinze à vingt opérations auxquelles nous participons. En revanche, lors de l'examen des lois de finances initiales ou de règlement, le Gouvernement pourrait présenter l'ensemble des opérations extérieures et leur coût, afin que le Parlement, exerçant son légitime contrôle, les approuve par son vote.

M. Didier Boulaud.  - Vous aurez un vote bloqué !

M. Robert Bret.  - Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Nous ne demandons pas que le Parlement se prononce sur tous les types d'intervention, nous ne demandons pas qu'il se prononce sur les opérations d'urgence, de protection de nos ressortissants ni sur les missions confidentielles des forces spéciales. De même nous ne visons pas les interventions d'urgence décidées en vertu de l'article 21 de la Charte des Nations Unies. En revanche, sur les combats intervenant dans une situation politique complexe, les élus du peuple doivent se prononcer par un vote, dans un délai qui reste à déterminer entre nous.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Je ferai moi aussi référence à mon expérience personnelle : je me souviens d'interventions militaires décidées en petit comité par le Président de la République avec le Premier ministre et le chef d'état-major des armées dans un sous-sol de l'Elysée pour n'être ni écouté, ni repéré. Nous sommes dans le monde du secret et, désormais, la guerre est d'abord celle du renseignement. Ne nous paralysons donc pas avec un débat parlementaire ! Je suis d'accord avec M. de Rohan. La guerre d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celle d'autrefois. C'est dans le renseignement que se situent les enjeux de l'avenir. (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - J'étais membre du Gouvernement lors de l'intervention de Kolwezi : la protection de nos ressortissants ne se prête vraiment pas au débat parlementaire. Je voterai contre l'amendement n°193 rectifié.

La proposition du ministre de présenter un tableau des opérations extérieures lors des lois de finances est intéressante mais je propose d'y ajouter le coût des opérations liées à nos accords de défense.

Les amendements identiques des deux commissions sur le délai de trois jours sont excellents. Seul le Gouvernement peut décider du moment d'informer le Parlement. Ne diminuons pas trop les prérogatives de l'exécutif ! Le texte est équilibré votons-le sans regret. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°193 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°110, identique à l'amendement n°139, est adopté.

L'amendement n°257 rectifié n'est pas adopté.

M. Bernard Frimat.  - Sur de nombreux points nous ne sommes pas en désaccord car le sens des responsabilités n'est l'apanage de personne. Donc, nul ne demande qu'on prévienne l'adversaire de l'arrivée de nos troupes.

Monsieur le ministre, vous approuvez un amendement des deux commissions : vous êtes donc d'accord avec votre majorité et c'est un évènement... Nous, nous avons évoqué l'éventualité d'un débat, suivi d'un vote. Votre réponse, c'est : non ! Bel esprit d'ouverture...

Nous sommes d'accord pour confirmer notre engagement au bout de quatre mois, mais nous demandons qu'on renouvelle cette autorisation d'engagement au-delà. Sinon que se passera-t-il en cas de guerre de cent ans ?

Quant à votre souci du travail parlementaire, nous savons trop comment le Gouvernement en use pour ne pas l'apprécier. (Sourires à gauche)

La confirmation que nous demandons n'a rien d'exorbitant. Pourtant, là encore, refus ! Quant aux accords de défense, « le Président de la République a promis » ! Une telle promesse, dans la hiérarchie des normes, est-elle supérieure à la Constitution ? Un autre président a souligné que « les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent »... Nous avons plus confiance dans la Constitution.

Dans un domaine où nous sommes d'accord sur l'essentiel, nous voyons ce qu'il en est de votre ouverture : vous avez refusé tous nos amendements.

M. Hervé Morin, ministre.  - Confusion des genres ! Il existe un pouvoir exécutif, un autre, législatif, un troisième, judiciaire. Un pouvoir en contrôle un autre et c'est ce jeu de check and balance qui fait la démocratie. Rien n'empêche cependant un gouvernement qui le souhaiterait d'informer le Parlement et de le faire voter -comme l'a fait François Mitterrand en accord avec son premier ministre en 1991.

Le Parlement a plusieurs procédures à sa disposition : ordre du jour, proposition de loi, réduction des crédits budgétaires,...

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Renouveler régulièrement l'autorisation, c'est inciter l'adversaire à mener des offensives meurtrières pour intimider et influencer le Parlement. Il faut au contraire garder la maîtrise du temps.

M. Didier Boulaud.  - Ce sera la même chose au moment de l'autorisation de prolongation, après quatre mois !

M. Robert Bret.  - En 2008, trente opérations extérieures environ auront été menées, pour un coût de 880 millions d'euros. Or la dépense autorisée dans le budget en cours d'exécution est de 470 millions environ. Quelle est la portée du contrôle par le Parlement ? Il est mis devant le fait accompli, tenu à l'écart !

M. Didier Boulaud.  - Les opérations ne sont pas toutes de même nature. Nous sommes en Afghanistan : pour combien de temps encore ? Des années sans doute, puisque la France a envoyé là-bas 700 hommes supplémentaires, contre l'avis de l'opinion.

Réduction des crédits : ce serait faire porter au Parlement une drôle de responsabilité ! Imagine-t-on dire aux soldats sur le terrain « on arrête tout, les parlementaires vous coupent les vivres » ?

Une dernière chose : l'accord d'Abou Dhabi a été signé en 1995 : M. Balladur était le Premier ministre.

M. Michel Charasse.  - Il est donc entendu que le Parlement a toujours la possibilité de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement au sens de l'article 49, alinéas 2 et 3 ? (« Oui ! » au banc des commissions) Le Gouvernement pourra-t-il toujours solliciter la confiance par le recours à l'article 49 alinéas 1 ou 4 ? (Même mouvement) Fort bien. Seul, le Sénat ne peut à son initiative obtenir un vote.

M. Michel Mercier.  - Il y a les résolutions.

M. Michel Charasse.  - Soit ! Mais une résolution est sans vote. Or dans des opérations militaires difficiles, le Gouvernement a toujours intérêt à s'appuyer sur la représentation nationale.

L'amendement n°457 n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - S'agissant de l'amendement n°111, je précise à l'intention des conseillers de M. le ministre que nous avons repris la formulation de l'article 53 de la Constitution. Tout traité est autorisé par une loi -ou bien faut-il changer l'article 53 ? Si le Sénat ne veut pas ratifier un traité, l'Assemblée nationale a le dernier mot. Faut-il présenter pour autant le Sénat comme une assemblée de second rang ? J'ajoute qu'il y a plus d'élégance à être bref dans la Constitution.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - La formulation initiale me gênait et je tenais à rappeler le principe du bicaméralisme.

M. Michel Charasse.  - Soyons précis. Le Parlement, parce qu'il n'a pas capacité de négocier au plan international, ne peut déposer d'amendements sur le contenu même des traités mais il peut amender la loi d'autorisation. Il l'a fait sur les modalités de l'élection des parlementaires européens au suffrage universel. L'interdiction d'amender est relative puisqu'elle peut porter sur l'accessoire.

Les amendements identiques n°111 et 140 sont adoptés.

Les amendements n°s258 rectifié, 459 et 279 rectifié deviennent sans objet. Les amendements n°s341, 458, 362, 259 rectifié et 460 ne sont pas adoptés.

L'article 13, modifié, est adopté.

(Applaudissements à droite)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen des amendements à l'article 3 bis.

Article 3 bis (Suite)

Sous-amendement n°264 rectifié à l'amendement n°98 rectifié de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par MM. Détraigne, Zocchetto, Dubois, Amoudry, Badré, Biwer et Fauchon, Mmes Férat et Payet et MM. Soulage, Merceron, Deneux et Nogrix.

Dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° de l'amendement n°98, après les mots :

premier alinéa

insérer les mots :

, à l'exception de l'organisation des pouvoirs publics,

M. Yves Détraigne.  - Nous avions prévu ce sous-amendement de repli, mais pour bien montrer notre détermination contre le référendum d'initiative parlementaire dit populaire, nous nous ravisons, en retirant.

Le sous-amendement n°264 rectifié est retiré.

Le sous-amendement n°79 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je le reprends en l'intégrant dans l'amendement.

M. le président.  - Je donne donc lecture de l'amendement n°98 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;

2° Après le deuxième alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.

« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. 

"La proposition de loi soumise à référendum est adoptée si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au vote."

3° Au dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Prévoir que la moitié au moins des électeurs inscrits doit avoir pris part au vote, c'est un gage d'effectivité du référendum, d'autres États ont prévu un tel seuil pour leur procédure référendaire.

M. le président.  - Sous-amendement n°502 à l'amendement n°98 rectifié de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte et Marsin.

Compléter le 2° de l'amendement n° 98 par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le Peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. »

M. Michel Charasse.  - Quand le peuple a refusé un texte par référendum, il ne faut pas qu'on le lui représente avant deux ans, ou bien cela revient à multiplier les consultations jusqu'à ce que le peuple cède !

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

I. - Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer le mot :

un cinquième des membres du Parlement

par les mots :

un groupe parlementaire

et les mots :

un dixième des

par les mots :

un million d'

II. - Dans la deuxième phrase du même alinéa, supprimer les mots :

et qui

et les mots :

, est contrôlée par le Conseil Constitutionnel dans des conditions fixées par une loi organique

III. - Dans la dernière phrase du même alinéa, remplacer les mots :

fixé par la loi organique

par les mots :

d'un mois à compter de son dépôt

M. Robert Bret.  - Ce référendum d'initiative populaire aurait plus sa place au titre V, relatif à la procédure législative, nous y reviendrons par un article additionnel à l'article 22. Il représente une avancée qui est bien timide, tant nos collègues députés ont craint une concurrence pour le Parlement : pas moins de 180 députés et 4,5 millions de citoyens devront demander le référendum pour qu'il ait lieu, autant dire qu'on veut le rendre impossible ! Pour vous, la démocratie participative est celle d'une participation sans risque ! Dans notre société hyper médiatisée, où les petites phrases remplacent le débat, la démocratie d'opinion valorise les lobbies et les communautés, et d'abord tout ce qui a les moyens de se faire entendre ! Notre rôle de législateur, c'est de faire progresser la démocratie, en trouvant les voies par lesquelles le peuple se rapprochera des institutions ! C'est dans cet esprit que nous abaissons les seuils de l'initiative référendaire, et que nous rendons le référendum plus contraignant pour le Parlement.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer.

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le Peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin.

M. Michel Charasse.  - Je l'ai défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements de suppression n°s255 rectifié et 263 rectifié.

La proposition d'un référendum d'initiative populaire plus ouvert est intéressante, mais nous ne l'avons pas retenue : Avis défavorable à l'amendement n°68 rectifié.

Le délai de deux ans après un référendum négatif est intéressant : avis favorable au sous-amendement n°502.

L'amendement n°170 propose des seuils très en dessous à ce que nos collègues députés ont choisi : avis défavorable.

Je suppose que M. Charasse renonce à son amendement n°6 rectifié bis.

L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - La crainte d'une dérive du débat public n'est guère fondée, puisque le référendum sera d'initiative d'au moins un cinquième des membres du Parlement, soutenue par environ 4,4 millions d'électeurs. Les propositions de l'opposition auront leur place, mais pas les idées isolées ni très minoritaires. Ensuite, c'est seulement si les deux assemblées n'examinent pas la proposition de loi dans un certain délai, par exemple un an, que le texte est soumis à référendum : cette perspective est une sorte d'obligation faite au Parlement de se saisir de la proposition. Enfin, le Conseil constitutionnel exercera son contrôle dès le recueil des signatures.

Le référendum d'initiative populaire représente donc un peu plus de démocratie directe, c'est une avancée : avis défavorable aux amendements de suppression n°s255 rectifié et 263 rectifié.

L'amendement n°68 rectifié allège trop l'encadrement de la nouvelle procédure, que nous devons garantir contre le risque de dérive démagogique : avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°98 rectifié.

Je veux dire à M. Bret que le Gouvernement n'est pas favorable à la modification proposée, qui confèrerait un caractère trop partisan au référendum d'initiative populaire. Le seuil retenu doit rester raisonnable. Supprimer le contrôle du Conseil constitutionnel serait dangereux, eu égard à la complexité de l'organisation de la procédure référendaire. Vous prévoyez, enfin, que la proposition de loi est soumise au référendum si elle n'a pas été examinée dans le délai d'un mois : cela serait non seulement impossible à satisfaire mais contraire à l'esprit du projet, qui entend rendre au Parlement des délais d'examen suffisants.

M. Hyest a su améliorer la rédaction de l'Assemblée nationale. Je précise que le champ de la loi organique devra être élargi. Défavorable au sous-amendement n°264 rectifié : rien ne justifie d'exclure l'organisation des pouvoirs publics du champ du référendum d'initiative populaire. Je rappelle que le Gouvernement est en revanche favorable à un contrôle accru de la constitutionnalité des propositions de loi soumises à référendum. Favorable au sous-amendement n°52 de M. Charasse, bien que sa proposition relève plutôt de la loi organique. Défavorable, enfin, au sous-amendement n°79 rectifié de M. Gélard. La condition qu'il entend poser existe pour les référendums locaux mais pas pour les référendums nationaux. Souvenons-nous que le référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, avec 37 % de votants, a recueilli 80 % de « oui »  et qu'au référendum sur le quinquennat, si la participation n'a été que de 30 %, le « oui » a recueilli 73 % des voix. Il paraît difficile d'ignorer un tel taux d'assentiment. La solution passe peut-être par une pondération des deux critères : une majorité de « oui » représentant au moins telle part du corps électoral. En tout état de cause, ces dispositions doivent être renvoyées à la loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je suis embarrassé, puisque j'avais rectifié mon amendement pour y intégrer le sous-amendement de M. Gélard. Si l'on retient un seuil, il faut le faire dans la Constitution, et pas seulement dans la loi organique.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - C'est pourtant le cas pour le référendum d'initiative locale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela n'a rien à voir. Un référendum d'initiative populaire n'est pas un référendum local. Ceci étant dit, puisque la ministre s'est déclarée défavorable au sous-amendement Gélard, peut-être est-il préférable de ne pas compliquer les choses et de supprimer cette rectification à notre amendement...

M. Christian Cointat.  - C'était la condition pour que je vote le texte !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Alors je la maintiens. (Rires)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix les amendements de suppression.

M. Michel Mercier.  - Les députés ont pris l'initiative d'inscrire dans notre droit une forme nouvelle de référendum, d'initiative parlementaire avec soutien populaire. Il me semble qu'il serait malvenu au Sénat de voter sa suppression. La Constitution est faite aussi pour reconnaître des droits nouveaux aux citoyens. Je ne dis pas que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale soit parfait, mais gardons-nous de repousser systématiquement toute nouveauté, par simple frilosité à l'égard des électeurs. Je ne confonds pas, pour ma part, peuple et populisme. Le référendum a joué un grand rôle dans notre histoire.

M. Gérard Longuet.  - Je crois me souvenir que vous n'en avez pas toujours été partisan...

M. Michel Mercier.  - Il a permis de faire avancer bien des choses. Suffisamment de garanties y sont posées : 185 parlementaires, 1/10ème du corps électoral, la transformation de l'initiative en proposition de loi...

M. Robert Bret.  - Ce n'est pas une bonne chose !

M. Michel Mercier.  - ...Les précautions sont prises. Et c'est pourquoi je voterai, sur cet article, l'amendement du rapporteur.

M. Alain Gournac.  - Nous allons retirer notre amendement, sans pourtant regretter de l'avoir déposé : il était important d'attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés de mise en place d'un tel référendum. Je ne vous donnerai qu'un exemple : j'ai reçu deux pétitions locales, dont l'une avait recueilli 80 signatures, l'autres, 52. Vérification faite, il est apparu que seules 17 personnes avaient signé pour toutes les autres ! Et il faudra vérifier 4 millions de signatures ? Bon courage !

M. Yves Détraigne.  - Je remercie M. Mercier de me permettre de montrer que les membres de l'Union centriste restent parfaitement libres de leurs opinions. Eh bien, sans me dédire, je maintiens l'amendement.

M. Michel Charasse.  - Je ne suis pas loin de partager l'opinion de M. Mercier et celle qu'en filigrane, je vois transparaître dans les deux amendements de suppression...

Je souhaite surtout, madame le Garde des sceaux, que vous nous éclairiez sur deux points. D'abord, je relève que si l'article dispose d'abord que le référendum « peut être organisé », ce qui signifie qu'il n'est pas obligatoire,...

M. Gérard Longuet.  - Absolument ! « Peut » n'est pas « doit ».

M. Michel Charasse.  - ... sa dernière phrase précise que le président « soumet » la proposition au référendum, ce qui signifie, à l'inverse, qu'il a compétence liée. Comment concilier ces deux phrases ?

Ensuite, dans cette même phrase finale, que signifie le terme « examinée » ?

M. Gérard Longuet.  - Cela ne veut rien dire !

M. Michel Charasse.  - En tout cas, cela ne veut pas dire votée. Ce qui signifie que la proposition, soumise à examen, pourrait être d'emblée rejetée par le vote de la question préalable, et que l'on pourrait ainsi considérer qu'elle a été « examinée ». Vous comprendrez que nous avons besoin de réponses précises. Si l'on déclenche un jour cette procédure, ce sera à n'en pas douter sur un sujet sensible : il ne serait pas opportun de provoquer une déchirure dans l'opinion en ergotant sur les textes.

Une dernière remarque, à l'intention de M. Hyest : son amendement pourrait être utilement rectifié s'il supprimait la proposition « si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au vote » par cette autre : « sous réserve d'un seuil de participation des électeurs fixé par la loi organique ».

Rappelez-vous : c'est le Sénat qui a exigé une participation supérieure à la moitié des électeurs inscrits, comme le lui avait suggéré son rapporteur, M. Hoeffel.

M. Christian Cointat.  - Dans le monde moderne, il est parfois dangereux de s'en remettre à une démocratie directe non organisée, mais il ne faut pas écarter tout instrument nouveau. Il est donc utile de lier une forme de démocratie directe et la démocratie représentative.

Je comprends les réticences de certains collègues devant les risques de dérive, mais la commission des lois a verrouillé le dispositif grâce à l'intervention du Parlement et du Conseil constitutionnel, outre l'exigence d'une participation majoritaire des électeurs. La suggestion rédactionnelle de M. Charasse est justifiée. Faisons confiance à notre commission ! (Applaudissements sur certains bancs à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je m'abstiendrai, car il ne s'agit pas en réalité d'un référendum d'initiative populaire, mais d'une initiative parlementaire appuyée par de nombreux citoyens. A ce titre, il ne s'agira pas d'un référendum plébiscitaire.

La procédure est analogue à celle de la motion référendaire, mais avec un nombre accru de députés. S'ajoute le barrage du dixième des électeurs inscrits. Vous ne faites donc pas preuve d'une audace exceptionnelle.

Néanmoins, il serait inconcevable de refuser ce progrès.

M. Gérard Longuet.  - M. Mercier a rappelé que l'article 3 bis avait été introduit par l'Assemblée nationale. Son intervention m'a convaincu de ne pas être désobligeant envers nos collègues, bien que leur texte soit au mieux inapplicable. Au pire, il réintroduirait une forme de cohabitation, cette fois entre la légitimité législative et la légitimité référendaire, elle-même rendue possible par une faiblesse parlementaire.

La réaction logique consiste à supprimer cette disposition, mais nous ne voulons pas humilier les députés, qui ont passé beaucoup d'heures pour exprimer une volonté... sans vraiment l'assumer.

Si le Gouvernement s'engage à obtenir de l'Assemblée nationale des éclaircissements sur la mise en oeuvre de l'article, nous lui faisons confiance. S'il estime la rédaction parfaite, de nombreux sénateurs seront étreints par l'inquiétude constitutionnaliste !

M. Gérard Delfau.  - Je ne souhaite pas que l'amendement de suppression soit voté, car je suis d'accord avec M. Mercier pour que le Sénat réponde au besoin de changement. Mais cela ne signifie pas qu'il ne faille pas prendre de garanties.

En réalité, on nous propose une procédure semi-parlementaire et semi-populaire, comme l'a observé M. Détraigne. Cela rassure certains parlementaires et en étonne d'autres, car nous examinons un objet de nature non identifiée.

La première impression est que l'on veut donner un gage, mais en l'assortissant de conditions rendant inapplicable cette procédure de démocratie directe ou la verrouillant. Or, donner et retenir ne vaut : ou bien on fait un pas réel, ou bien le dispositif ne sera jamais expérimenté.

Très attentif à ne laisser passer aucune chance, je voterai l'amendement de la commission, mais il faudra beaucoup d'efforts pendant la navette pour enrichir la Ve République sans l'affaiblir.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En effet, il s'agit d'un référendum d'initiative parlementaire soutenu par une pétition.

Je remercie les orateurs qui ont rappelé que la commission avait amélioré les choses avec le contrôle de constitutionnalité.

Que signifie ici le mot « examinée » ? Le rapport de l'Assemblée nationale nous éclaire parfaitement. En effet, la proposition de loi peut être repoussée, modifiée ou adoptée conforme.

C'est pourquoi l'Assemblée nationale a utilisé ce terme Nous ne pouvons aller au-delà, sinon il serait possible de soumettre à référendum un texte qui aurait été refusé par l'une des deux assemblées.

M. Michel Charasse.  - Ou adopté par les deux assemblées, ce qui serait encore pire !

M. Gérard Longuet.  - Et l'opinion publique désavouerait le Parlement ce qui serait extrêmement confortable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non, parce que dans ce cas-là, il n'y aurait plus besoin de référendum. Il s'agit, je le rappelle, d'une proposition de loi. C'est beaucoup plus clair qu'on ne le dit. (M. Charasse ironise)

Après avoir entendu M. Charasse, le principe du seuil me semble devoir figurer dans la Constitution. En revanche, le seuil sera fixé par une loi organique. Je vous propose donc de rectifier mon amendement qui se lirait ainsi :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;

2° Après le deuxième alinéa, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.

« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.

« La proposition de loi soumise à référendum est adoptée sous réserve d'un seuil de participation des électeurs fixé par la loi organique »

3° Au dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».

M. Roger Romani.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je tiens enfin à remercier M. Charasse pour sa contribution.

M. le président.  - Il s'agit donc de l'amendement n°98 rectifié bis.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Gouvernement est favorable à cette rectification et je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir tenu compte des remarques de M. Charasse.

Je précise que le Président de la République à l'obligation de soumettre la proposition de loi à référendum si le Parlement n'a pas procédé à au moins une lecture dans un délai d'un an.

La rédaction de l'Assemblée nationale nous paraissait suffisante, monsieur Longuet, mais il y aura une deuxième lecture et si le besoin s'en faisait sentir, le Gouvernement s'engage à clarifier le texte.

M. Bernard Frimat.  - Ce débat n'est pas d'une grande clarté d'autant que certains cachent leurs convictions derrière des faux semblants. A la quasi unanimité, l'Assemblée nationale était parvenue à un accord sur le référendum d'initiative populaire. M. le Premier ministre a estimé, ici même, qu'il s'agissait d'un nouveau droit donné aux citoyens, et il s'en est réjoui. Certains sénateurs, comme MM. Gouteyron, Gournac, Détraigne, voudraient bien renouveler l'opération d'hier sur les langues régionales, mais ils n'osent pas car le Sénat apparaîtrait encore comme une assemblée rétrograde. Alors, ils se tournent tout naturellement vers le président de la commission des lois qui a déjà montré ses talents de multiples fois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et ce n'est peut-être pas fini ! (Sourires)

M. Bernard Frimat.  - Je n'en doute pas. Et l'on arrive à une solution qui consiste à instaurer un seuil. Mais comme ce seuil ne peut pas figurer dans la Constitution, il disparaît pour mieux réapparaître dans une loi organique, sans que nous sachions s'il sera véritablement fixé à 50 %. Il s'agit donc d'un verrou supplémentaire.

Alors, mes chers collègues, il n'est pas interdit d'être contre ce référendum, libérez-vous ! Il est bon que vous soyez soucieux de l'image du Sénat mais soyez avant tout sincères !

Pour notre part, nous n'allons pas nous associer à ce petit jeu : le texte voté à l'Assemblée nationale nous convenait, en dépit de ses imperfections.

La façon dont vous le tordez ne nous convient pas. (M. Karoutchi s'exclame)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais nous n'avons rien changé !

M. Bernard Frimat.  - Nous ne nous prêterons pas aux faux-semblants, aux enfumages...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je vous répète que nous n'avons rien changé !

M. Bernard Frimat.  - Eh bien, vous vous êtes donné beaucoup de mal pour rien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous étiez d'accord en commission ! (Exclamations et rires à droite)

M. Bernard Frimat.  - C'est faux ! Montrez-moi dans le procès-verbal de la commission une seule indication qui fasse état de mon accord !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est vrai que vous n'avez rien dit.

M. Bernard Frimat.  - Cela me semble plus exact. Permettez-moi donc de vous faire part des méandres de ma pensée (Rires)

Nous allons voter contre l'amendement de suppression de M. Détraigne et nous nous abstiendrons sur l'amendement de M. le rapporteur car nous sommes favorables, malgré ses imperfections, au compromis élaboré par l'Assemblée nationale.

M. Robert Badinter.  - Le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale me parait inutilisable : nous nageons dans la confusion juridique la plus complète. Avant tout, il ne s'agit pas d'un référendum d'initiative populaire, mais d'initiative de parlementaires...

M. Gérard Longuet.  - De parlementaires minoritaires !

M. Robert Badinter.  - ... et nullement d'un nouveau droit donné aux citoyens. En outre, ces parlementaires devront être nombreux : ils ne pourront donc être issus que des principaux groupes de la majorité ou de l'opposition. Ces parlementaires, innovation extraordinaire dans notre droit, susciteront une campagne de signatures pour soutenir leur proposition de loi, et non pas un quelconque texte voulu par nos concitoyens. Lorsque les signatures auront été recueillies, le texte ira devant le Conseil constitutionnel qui statuera non pas sur un texte passé au filtre du travail parlementaire, mais sur sa conformité avec l'article 11 de la Constitution. Cette proposition de loi reviendra ensuite devant le Parlement.

Autant je suis favorable au référendum d'initiative populaire, dans les communes, dans les départements ou même dans les régions, autant j'y suis hostile au niveau national car il deviendrait l'instrument préféré des démagogues les plus extrêmes qui utilisent les passions pour énerver la démocratie. Au premier crime atroce, je sais très bien quel type de sujet sera mis en débat, sans parler de la démagogie anti-immigrés.

Or donc, l'opposition parlementaire, s'appuyant sur de nombreuses signatures, reprend cette fameuse proposition de loi pour la soumettre à un débat parlementaire. Que l'on ne vienne pas me dire qu'il s'agit là d'un immense progrès : à côté des propositions de loi traditionnelles, il en existerait de nouvelles, renforcées par une campagne de signatures.

Au regard des droits du Parlement, c'est tout à fait biscornu ! Les parlementaires peuvent déjà déposer des propositions de loi, qu'ils peuvent espérer voir examinées et adoptées grâce aux améliorations de procédure dont nous débattons. Giraudoux avait raison, l'imagination est la première forme du talent juridique ; ici, elle a pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer en définissant le chameau : un cheval dessiné par une commission parlementaire. L'innovation qu'on nous présente comme un grand progrès pour la démocratie n'est rien d'autre qu'une de ces coquecigrues ! On ne peut raisonnablement la voter. On verra certes ce que donnera la navette, mais le Parlement ne peut s'infliger à lui-même cette extraordinaire procédure. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

L'amendement n°263 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-René Lecerf.  - Nous vivons des instants rares, intéressants, surprenants. Je me suis même senti à un moment plus proche de Mme Borvo Cohen-Seat que de M. Longuet... (Sourires) Je reconnais la légitimité présidentielle, je reconnais la légitimité parlementaire, mais la première de toutes, c'est la légitimité populaire. C'est l'article 3 de la Constitution. Je suis heureux que plusieurs d'entre nous, sans doute de dangereux aventuriers, ayant approuvé l'initiative des députés, aient estimé qu'il fallait aller plus loin et créer un véritable référendum d'initiative populaire. L'opinion saura ainsi que les clivages au sein de notre Assemblée ne sont pas aussi stéréotypés qu'on le dit.

Mais on peut être aventurier et pragmatique tout à la fois. Je retire mon amendement, considérant que celui de la commission des lois, qui a encore été amélioré, marque déjà un progrès considérable. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°68 rectifié est retiré.

Le sous-amendement n°502 est adopté.

L'amendement n°98 rectifié bis, sous-amendé, est adopté et devient l'article 3 bis.

L'amendement n°170 devient sans objet.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°171, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le référendum a conclu au rejet d'un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l'objet de la consultation, doit être soumis au référendum. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement fera certainement penser à des événements récents. Si le peuple a clairement signifié son refus par référendum, on ne peut accepter qu'un projet de loi contenant des dispositions similaires puisse être adopté par la voie parlementaire. Le parallélisme des formes comme le respect de l'expression directe de la souveraineté nationale l'exigent.

Ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire, c'est l'élection par le peuple au suffrage universel. Si les citoyens délèguent leur souveraineté à leurs représentants, c'est avant tout pour des raisons pratiques. On ne peut ainsi opposer légitimité parlementaire et légitimité populaire, la première n'existant que par délégation de la seconde.

Vous aurez noté que notre amendement rend obligatoire l'organisation d'un référendum pour autoriser la ratification d'un traité contenant des dispositions d'un autre traité précédemment rejeté par référendum. L'expérience de 2005 mérite que les parlementaires fassent leur mea culpa. On ne peut revenir sur le vote du peuple.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On ne peut revenir sur le vote du peuple que si on lui soumet la même chose ! La procédure proposée est bien plus rigide que celle de l'article 11. Laissons un peu de souplesse au Président de la République.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Sénat a débattu de cette question en janvier lors de la ratification du traité de Lisbonne. La position du Gouvernement n'a pas changé. La voie référendaire n'est pas supérieure à la voie parlementaire et le Parlement a la même légitimité que le peuple. Avec cet amendement, le Parlement n'aurait pas pu adopter les lois de décentralisation de 1982, le projet de révision constitutionnelle de 1969 conférant aux régions le statut de collectivité territoriale ayant été rejeté par référendum.

M. Michel Charasse.  - C'est la suppression du Sénat que le peuple a rejetée en 1969 !

L'amendement n°171 n'est pas adopté.

Article 3 ter

Dans le premier alinéa de l'article 11 de la Constitution, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale ».

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Amendement de coordination avec le vote de l'article précédent.

L'amendement n°99, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3 ter est supprimé.

Article 3 quater

Dans le dernier alinéa de l'article 11 de la Constitution, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».

M. le président.  - Amendement n°100, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Même situation.

L'amendement n°100, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3 quater est supprimé.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°383 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin et Vendasi.

Après l'article 3 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 12 de la Constitution est abrogé.

M. Gérard Delfau.  - Cet amendement rappelle notre insatisfaction devant l'équilibre institutionnel proposé par le texte. Je ne le soumettrai pas au vote, car je sens que l'affaire n'est pas mûre. Mais nous souhaitons qu'une vraie réflexion s'engage sur l'idée d'un régime présidentiel à la française, que proposent les députés et sénateurs radicaux de gauche.

M. le président.  - Amendement n°265 rectifié bis, présenté par MM. Fauchon, Zocchetto, Amoudry, J.L. Dupont, Biwer et Détraigne, Mmes Férat et Payet et MM. Deneux, Nogrix et C. Gaudin.

Après l'article 3 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 12 de la Constitution est ainsi rédigé:

« Art. 12 - Dans les quinze jours suivant l'adoption ou le rejet d'un projet de loi par l'Assemblée nationale, le Président de la République peut demander à l'Assemblée nationale de statuer par une seconde délibération sur le texte du projet de loi modifié, le cas échéant, par les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. En cas de rejet de ce texte, le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale.

« Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.

« L'Assemblée Nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.

« Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. »

II. - En conséquence, les trois premiers alinéas de l'article 49 sont supprimés et les articles 50 et 51 de la Constitution sont abrogés.

M. Pierre Fauchon.   - Nous avons le même souci d'élever le regard, même si les questions dont nous débattons sont évidemment toutes d'importance majeure. Au point où nous en sommes, ne serait-ce pas un progrès, une simplification, peut-être un choc dans notre vie politique de passer franchement à un régime présidentiel comme celui que connaissent les Américains, vivant et démocratique ?

Une raison juridique et une raison pratique, la seconde me motivant davantage que la première, plaident pour une telle évolution. « Le régime présidentiel peut être la voie qui concilie l'existence d'un Président élu au suffrage universel, doté d'importantes prérogatives, et un Parlement puissant. Il est aussi le chemin le plus sûr pour allier les deux traditions qui se sont toujours affrontées dans notre histoire, la tradition d'un exécutif fort, monarchique, parfois plébiscitaire, et la tradition révolutionnaire. Il est ainsi le compromis le plus démocratique, le plus à même de briser les cercles vicieux qui ont vu alterner pendant deux siècles, tantôt la domination sans partage des assemblées, tantôt l'hyperpuissance de l'exécutif. »

Qui donc a écrit cela ? Jack Lang !

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai, dans son livre.

M. Pierre Fauchon.  - M. Balladur a dit la même chose, tout comme le Premier ministre, à titre personnel. Je ne suis donc pas isolé !

Mon approche est plus concrète : il faut certes redonner du pouvoir au Parlement -et je suis enchanté de la démarche inespérée qui est en cours- mais je doute que cela suffise à réanimer la vie parlementaire, dès lors que l'on n'ose pas toucher au cumul des mandats. Notre débat est exemplaire mais nous ne délibérons qu'en réaction aux textes qui nous sont soumis alors que le Parlement devrait être créatif. Pour clarifier les choses, il faut un choc : le passage à un régime présidentiel. Le Président n'ayant plus besoin de dégager une majorité, le Parlement pourrait dès lors être élu à la proportionnelle, ce qui entraînerait un renouvellement du personnel politique.

On ne peut imiter purement et simplement le système américain. Nous n'avons pas l'habitude anglo-saxonne du compromis et exécutif et législatif risqueraient un jour de se regarder en chiens de faïence. Comment résoudre un blocage ? Je ne vois qu'une solution, inspirée d'une déclaration de Jules Ferry : en cas d'opposition insurmontable entre l'exécutif et le législatif, il faut retourner à la source du pouvoir, c'est-à-dire au peuple souverain. Il faut rouvrir la possibilité de la dissolution, qui reste une arme à deux tranchants : le Président peut perdre la partie...

M. Balladur proposait que le texte objet du litige soit voté aux trois cinquièmes -mais je ne vois pas comment cela se pourrait pour une loi sur laquelle il n'y a pas de majorité simple ! Le référendum ne me paraît pas davantage être une bonne solution.

Bref, sommes-nous décidés à franchir ce pas pour clarifier et réanimer la vie politique ? Et quelles solutions apporter aux risques de blocage ? J'espère que ces questions seront l'occasion d'un débat ; je verrai ensuite ce qu'il me restera à faire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Devant l'ampleur de ces propositions, je reste sans voix. (Exclamations amusées à droite)

Ce serait un véritable bouleversement de nos institutions.

M. Michel Charasse.  - Rétablissons la monarchie, tant qu'on y est !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je connais la réflexion de M. Fauchon, de M. Balladur et du Premier ministre. Nous nous sommes tous interrogés un jour : pourquoi pas un régime présidentiel, dès lors que le Président de la République est élu au suffrage universel direct ? J'admire les analyses de M. Fauchon, mais ce serait une République extrêmement brutale : désaccord ? Dissolvons !

M. Pierre Fauchon.  - Après une seconde lecture !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le Président serait désavoué...

M. Michel Charasse.  - C'est génial !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Dans notre histoire constitutionnelle, nous avons essayé presque tous les systèmes. Notre stabilité politique nous a permis de traverser des crises graves. La place de la France dans le monde, la politique étrangère et la politique de défense ont toujours fait consensus. Je souhaite que nous poursuivions dans cette voie.

A mon grand regret, je ne puis donner d'avis favorable à ces amendements. Continuons à réfléchir à ces grands sujets. Il serait dommage que l'alacrité d'esprit de M. Fauchon ne puisse se développer encore dans ce domaine, comme dans bien d'autres ! (Sourires)

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Il nous est proposé de changer de régime ! Le droit de dissolution participe de l'équilibre de la Ve République : il évite le blocage des institutions lorsque la majorité de l'Assemblée nationale ne correspond pas à celle exprimée lors de l'élection du Président de la République, comme en 1981, et permet de sortir d'une période de crise, comme en 1962 et 1968. L'inversion du calendrier électoral et le quinquennat ont réduit le risque de discordance sans le supprimer. Le droit de dissolution ne dévalorise pas le Parlement, au contraire ! Défavorable à l'amendement n°383 rectifié.

L'amendement n°265 rectifié bis limite tellement le recours à la dissolution qu'il revient à le supprimer, d'autant qu'il ne couvre pas toutes les hypothèses de blocage. Supprimer la possibilité pour l'Assemblée nationale de censurer le Gouvernement, c'est encore changer de régime ! Avis défavorable.

L'amendement n°383 rectifié est retiré.

M. Michel Mercier.  - La proposition de M. Fauchon est d'actualité. Cherchant en vain une définition de la démocratie, j'eus l'idée lumineuse de solliciter Mme de Romilly, qui me répondit : la démocratie athénienne, c'est le régime de la loi écrite. Les règles du jeu sont établies : chacun sait ce qu'il a le droit de faire ou non.

Aujourd'hui, la loi écrite tient-elle compte du vrai fonctionnement de notre régime républicain ? Sommes-nous dans la réalité des choses ? Ne sommes-nous pas avant tout sous l'autorité particulière du Président de la République, comme le disait le Général de Gaulle le 31 janvier 1964 ?

Nous ne serions pas, nous dit-on, dans un régime « présidentiel » mais dans un régime « présidentialiste ». La distinction est ténue... Dès lors que le pouvoir exécutif est tout entier confié au Président de la République, il faut l'équilibrer par des contrepoids. Ne serait-il pas plus clair de reconnaître le pouvoir du Président et de construire, en face, un pouvoir parlementaire aussi fort ? Un tel régime nous éviterait de nous disputer sur des lois électorales ! Plus le Président pourrait négocier pour trouver sa majorité, plus le Parlement serait représentatif, plus il pourrait gouverner correctement. Le régime présidentiel n'est-il pas le plus adapté à nos moeurs, quand on veut un Président élu, qui gouverne et un Parlement représentatif et fort ? Je crois que si.

Sommes-nous prêts à franchir le pas ? Il y a longtemps que nos compatriotes l'ont fait. Demandez-leur qui gouverne, la réponse sera claire.

M. Michel Charasse.  - Les journalistes de la télé !

Mme Éliane Assassi.  - L'argent !

M. Michel Mercier.  - Pour les gens, c'est le Président de la République. Il faut en tirer les conséquences et Pierre Fauchon n'a pas eu peur de poser la question. Bien sûr, on va lui objecter une fois de plus, pour ne pas s'engager, que ce n'est pas le moment. Or, cela fait deux jours qu'on recherche un équilibre

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Sur de tout autres sujets !

M. Michel Mercier.  - Nous serions fondés à y réfléchir. Peut-être cette solution ne serait-elle pas possible, mais elle serait vraiment nécessaire pour avoir une vraie démocratie. (Applaudissements au centre ; M. Gérard Longuet applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette succession de dissertations donne l'impression surréaliste d'être dans un colloque scientifique traitant du régime politique idéal.

Or, de deux choses l'une. Ou bien le Gouvernement propose de réformer la Constitution pour instaurer un régime présidentiel. Cela aurait au moins l'avantage de la clarté. C'est un régime où le Parlement -comme c'est le cas aux Etats-Unis- a beaucoup plus de pouvoir que n'en a aujourd'hui le Parlement français. Mais dans ce cas, il n'y a plus ni dissolution, ni censure. Ce choix, vous ne l'avez pas fait. Dès lors, à quoi servent tous ces discours maintenant ? Il eût été possible de faire une réforme profonde mais il eût fallu pour cela qu'elle fût claire. C'est du conditionnel passé et vous cumulez ainsi les inconvénients du conditionnel et ceux du passé...

Ou alors, il était possible de conserver notre système mais en le rééquilibrant fortement en faveur du Parlement : or, depuis le début du débat, on ne constate que des faux-semblants et des mesures formelles de rééquilibrage.

Vous n'avez pas voulu d'un régime présidentiel clair, vous ne voulez pas non plus donner au Parlement la plénitude de ses pouvoirs. C'est pourquoi, dans ce colloque, on nous délivre des considérations intéressantes, certes, mais abstraites.

M. Pierre Fauchon.  - On a le droit de réfléchir !

M. Jean-René Lecerf.  - Je suis d'accord sur bien des points avec M. Fauchon. Je suis d'accord sur le diagnostic : l'actuel déséquilibre des pouvoirs est dû à l'élection présidentielle au suffrage universel, à l'avènement du fait majoritaire et à l'inversion du calendrier électoral. Tout cela a « satellisé » l'Assemblée nationale autour du Président de la République et favorisé l'esprit d'indépendance du Sénat. (Exclamations incrédules à gauche)

Je suis d'accord avec M. Fauchon quant à l'importance du rééquilibrage nécessaire et j'admire « l'imagination créatrice » dont il a fait preuve dans son amendement pour permettre une dissolution portant remède à certaines situations de blocage entre exécutif et législatif comme notre Histoire en a connu, sous le Directoire par exemple ou sous la Deuxième République, blocage dont on n'est sorti que par les coups d'État du 18 Brumaire et du 2 décembre...

Mais, contrairement à M. Fauchon, je ne pense pas qu'il faille choisir entre régimes parlementaire et présidentiel « à la française ». On ne pourra pas revenir sur l'élection du Président au suffrage universel et c'est pourquoi seul un régime présidentiel lui paraît efficace et envisageable. Avec cette réforme, nous serions au milieu du gué.

Or, on ne pourra avoir ni régime parlementaire, ni régime présidentiel à la française, mais un compromis comme celui qui nous a garanti la stabilité pendant cinquante ans, au prix, certes, d'un déséquilibre des pouvoirs. Cette réforme propose un rééquilibrage. Je parie pour un Président élu au suffrage universel, pour un gouvernement responsable et pour un Parlement bicaméral. Le Gouvernement nous offre la possibilité d'un régime spécifique, efficace et démocratique.

M. Nicolas Alfonsi.  - S'il y a eu crise depuis trente ans et si depuis quinze ans la société française est déconnectée de la société politique, c'est dû à la cohabitation. Un régime bon est un régime qui fonctionne bien et personne ne peut me garantir que le système actuel dégagera toujours une majorité. Une crise est donc possible. Si le président est élu de justesse, avec une majorité parlementaire qui lui est opposée, -c'est aujourd'hui une hypothèse d'école mais cela pourra arriver- ou bien il y aura crise, ou bien il y aura cohabitation et cette dernière sera ingérable. Notre culture ne nous permet pas d'adopter un régime présidentiel à l'américaine. M Lecerf tente de concilier l'inconciliable mais, pour l'instant, notre système ne permet pas un fonctionnement sain des pouvoirs publics et il pourra y avoir demain des situations de crise.

M. Robert Badinter.  - Il est délicieux de se retrouver dans l'atmosphère d'un colloque scientifique.

M. Lecerf donne à cette réforme une portée qui n'est pas la sienne. Nous sommes dans un régime singulier qui, à la faveur de l'élection présidentielle au suffrage universel et à l'inversion du calendrier électoral, a conduit à une monocratie. Pour cinq ans, nous avons, non pas une majorité parlementaire, mais une « majorité présidentielle » qui ne peut en aucun cas respecter les exigences de la séparation des pouvoirs.

L'exposé des motifs de M. Fauchon est plus prometteur que le dispositif proposé. L'exercice du droit de dissolution après seconde délibération renforce encore le pouvoir du président sur l'Assemblée nationale. Si, après dissolution, le Président se retrouve avec une majorité qui lui est opposée, il aura le choix entre démissionner ou cohabiter et je ne suis pas sûr que ce soit ce que nous devons souhaiter.

Aux États-Unis, pour le deux-centième anniversaire de la Constitution, les présidents de cours constitutionnelles de toutes les démocraties avaient été conviés. Comme j'étais le plus jeune, mes confrères m'ont dit : c'est vous qui parlerez. J'ai travaillé d'arrache-pied -et emprunté la tenue du doyen Vedel qui me paraissait plus belle que la mienne. J'ai assisté à l'exaltation inouïe des Américains pour leur texte fondamental. Le tempérament national finit pourtant par ressurgir chez moi et je ne pus m'empêcher de rappeler les contributions de l'Europe en matière constitutionnelle. « Vous avez connu durant deux siècles la même Constitution et vingt-six amendements », leur dis-je. « Nous avons dans le même temps épuisé trois royautés, deux empires et en sommes à notre cinquième République. Comme la cuisine, le constitutionnalisme est chez nous un art national. »

M. Pierre Fauchon.  - Je suis désespéré par le spectacle de notre vie politique et persuadé que notre régime politique n'est pas pour rien dans l'évolution inquiétante de notre pays, dans ses ankyloses et ses routines. Pour réanimer le système, il faut un choc profond. Mon pessimisme a été apaisé depuis un an par le nouveau chef de l'État, qui bouscule nos modes de pensée et nos habitudes, qui provoque notre réflexion, et qui nous offre avec cette réforme -tout de même un beau geste !- une nouvelle chance. Nous éprouvons certes un peu d'inquiétude, mais comme le disait le cardinal de Retz, on est plus souvent le dupe de sa défiance que de sa confiance.

L'amendement n°265 rectifié bis est retiré.

Article 4

L'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la réunion des deux commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque la réunion des commissions permanentes compétentes a émis un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ainsi que les modalités selon lesquelles les avis sont rendus. »

M. le président.  - Amendement n°384 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin et Vendasi.

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'avant-dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution est complété par les mots et trois phrases ainsi rédigées :

« après avis conformes des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les règlements des assemblées parlementaires précisent les commissions permanentes qui ont compétence pour chacune des nominations mentionnées ci-dessus. Elles statuent à la majorité des trois cinquièmes, et si au moins l'une d'entre elles se prononce contre une nomination alors celle-ci ne peut avoir lieu. Leurs avis sont publics. »

M. Gérard Delfau.  - Il s'agit de la nomination aux postes de haute responsabilité. Il n'est pas opportun de créer une commission ad hoc, mieux vaut confier aux commissions permanentes le soin de vérifier la pertinence des choix. A la commission des lois d'apprécier les nominations de conseillers d'État, par exemple.

Ce serait là un renforcement incontestable des pouvoirs du Parlement. Nous nous inspirons librement du système américain, mais avec un autre état d'esprit.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce serait un grand plaisir que de donner notre avis sur toutes ces nominations, depuis les ambassadeurs et le grand chancelier de la Légion d'honneur jusqu'aux officiers généraux et recteurs d'académie. Mais tous les intéressés, contrairement aux dirigeants d'entreprises nationales ou d'autorités indépendantes, relèvent du pouvoir exécutif. Il n'y aurait plus de séparation des pouvoirs ! Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - La transparence et la démocratie irréprochable nous dictent d'associer le Parlement à certaines nominations, présidents d'autorités telles que le CSA ou la Cnil, dirigeants de grandes entreprises publiques ou établissements qui influencent la vie économique, je songe à la CDC, à la SNCF...

Vous voulez étendre la procédure à toutes les nominations en conseil des ministres. Mais, c'est l'article 20 de la Constitution, le Gouvernement dispose de l'administration et la force armée et les nominations en leur sein ne peuvent donc dépendre que de l'exécutif ! Cette codécision aux trois cinquièmes n'est pas acceptable. Défavorable.

M. Gérard Delfau.  - Je voulais rappeler qu'un autre type de fonctionnement démocratique était possible, auquel la France empruntera certainement des éléments au fil des ans.

L'amendement n°384 rectifié est retiré, ainsi que le n°385 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°417, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

« L'ensemble des emplois auxquels nomme le Président de la République est soumis à avis conforme d'une commission constituée des membres des deux assemblées du Parlement désignés à la proportionnelle des groupes parlementaires. Elle statue à la majorité des trois cinquièmes. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ce pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires, les Présidents successifs en ont usé et abusé, attendant des postulants plutôt allégeance que sens du service public. Le népotisme gangrène la vie politique. Le projet de loi reconnaît ces limites.

Les députés ont déjà modifié la rédaction pour que la commission ad hoc soit en fait la réunion des deux commissions permanentes concernées.

Cette procédure est donc peu satisfaisante, au regard du pouvoir du Parlement.

Nous lui préférons un autre mécanisme, plus complet et valorisant mieux le Parlement. D'abord, l'intervention parlementaire viserait tous les emplois nommés par le Président de la République, ce qui n'est pas, comme l'a estimé le comité Balladur, méconnaître l'article 20 de la Constitution. Nous proposons que la nomination dépende de l'avis conforme d'une seule commission, réunissant les membres des deux assemblées et représentative de toutes les tendances politiques des assemblées.

La procédure d'un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes, rend le contrôle parlementaire impossible dans les faits ; nous préférons qu'un avis positif conditionne les nominations.

L'amendement n°80 est retiré, de même que le sous-amendement n°316.

M. le président.  - Amendement n°425, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

avis public

rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :

d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes. »

M. Jean-Pierre Bel.  - L'article 4, qui s'inspire vaguement de la procédure américaine, montre parfaitement comment le Gouvernement, affichant de bonnes intentions, fabrique une série de leurres et propose, finalement, un véritable marché de dupes avec cette réforme des institutions. L'intention, avec laquelle nous sommes d'accord, est d'instituer un contrôle parlementaire sur les nominations par le Président de la République. Mais quand le contrôle est réduit à un veto de la majorité des trois cinquièmes de chacune des commissions compétentes dans chacune des deux assemblées, autant dire que le Parlement ne pourra s'opposer à rien !

Et que se passera-t-il lorsque les deux commissions n'auront pas le même avis ? Le droit de veto jouera dans un cas seulement : en cas de cohabitation, lorsque la majorité inamovible du Sénat s'opposera aux nominations d'un président de gauche !

Nous proposons plutôt qu'une seule commission, composée des membres des deux assemblées désignés à la proportionnelle des groupes politiques, se prononce à la majorité des trois cinquièmes.

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Après les mots :

avis public

rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :

d'une commission mixte paritaire issue des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque cette commission a rendu un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Monsieur Bel, vos objections portent sur la rédaction initiale de l'amendement de la commission que nous avons fait évoluer depuis de telle sorte qu'il n'y a plus de veto du Sénat. Cet article que nous approuvons renforce le pouvoir du Parlement et les personnalités seront nommées en fonction de leurs compétences, sans complaisance aucune. Cependant, la commission n'a pas été convaincue par la procédure retenue par l'Assemblée nationale. D'abord, les commissions des deux assemblées n'ont pas toujours le même format : celles du Sénat peuvent être jusqu'à trois fois moins nombreuses que celles de l'Assemblée nationale, il faut en tenir compte. Nous proposons une représentation paritaire.

Il ne faut pas négliger, ensuite, les difficultés pratiques qu'il y aurait à exiger la réunion des deux commissions des assemblées. La procédure d'un avis séparé a des avantages, on l'a vu pour la nomination du contrôleur général des lieux de privation de liberté, où l'intervention du Parlement a anticipé la réforme constitutionnelle. Toutefois nous proposons une commission mixte paritaire, qui soit suffisamment souple, avec pouvoir de délégation, parité des deux assemblées, et représentation en fonction de l'importance numérique des groupes. Il appartiendrait aux deux assemblées, dans leur Règlement, de définir leur participation à cette CMP, selon des règles communes.

Nous avons donc tenu compte des amendements, y compris de ceux de l'opposition, c'est ce qui fait la richesse de notre débat !

M. le président.  - Sous-amendement n°346 rectifié à l'amendement n 101 rectifié de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°101 rectifié, après le mot :

rendu

insérer les mots :

, après audition publique de la personne envisagée pour l'emploi ou la fonction, 

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les débats de l'Assemblée nationale ne disent pas clairement que le candidat sera auditionné, nous le précisons : c'est une garantie de transparence.

M. le président.  - Sous-amendement n°147 rectifié à l'amendement n°101 rectifié de M. Hyest , au nom de la commission des lois, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann.

A la fin du dernier alinéa de l'amendement n°101, supprimer les mots :

à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés

M. Christian Cointat.  - Notre sous-amendement perd de son intérêt dès lors qu'on choisit une commission mixte paritaire. Je ne crois pas qu'un Président de la République nommerait une personnalité à laquelle les parlementaires s'opposeraient sans toutefois atteindre le seuil des trois cinquièmes, mais je m'en remets à la sagesse du rapporteur, pour retirer ou pas mon amendement.

M. le président.  - Sous-amendement n°344 à l'amendement n 101 rectifié de M. Hyest , au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°101, supprimer les mots :

des trois cinquièmes

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le contrôle parlementaire des nominations est utile si l'on prend en compte l'avis de l'opposition, ce qui n'est pas le cas avec l'exigence d'une majorité des trois cinquièmes.

Ce droit de veto est, de fait, inapplicable. Il aurait été préférable, au mieux, d'émettre un vote positif à la majorité des trois cinquièmes, au pire, d'émettre un vote négatif à la majorité des suffrages exprimés, fût-elle des trois cinquièmes, comme cela est proposé dans un autre amendement. Le dispositif que vous nous proposez ici est purement cosmétique.

M. le président.  - Amendement n°172, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après les mots :

avis public

insérer le mot :

impératif

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - On sait l'étendue du pouvoir de nomination du Président de la République. Celles dont l'« importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique de la Nation » vont des autorités administratives indépendantes aux grands établissements publics -ou ce qu'il en reste... La qualité des personnalités qui y sont nommées exige la plus grande transparence dans la procédure. Mais cet article 4 illustre la conception singulière que M. Sarkozy se fait de ce qu'il appelle le « partage ». En prévoyant une simple consultation des commissions compétentes, il n'institue qu'un droit abstrait. Nous considérons que l'avis rendu par ces commissions doit être impératif.

M. le président.  - Amendement n°174, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit la deuxième phrase du second alinéa de cet article :

Le Président de la République procède à une nomination lorsque la réunion des deux commissions permanentes compétentes l'a approuvée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Je l'ai dit, que l'avis ne s'impose pas fait de ce prétendu droit un leurre. Et c'est dès lors sur l'ensemble des dispositions par lesquelles on prétend reconnaître de nouveaux droits à l'opposition que peut porter la suspicion.

Dans un système où le fait majoritaire se retrouve nécessairement dans les commissions, ce droit de veto ne pourra jamais s'exercer.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer.

A la fin de la deuxième phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

des suffrages exprimés

par les mots :

de ses membres

M. Michel Charasse.  - Je transforme cet amendement en sous-amendement à l'amendement n°101 rectifié de M. Hyest, pour remplacer, à la fin du dernier alinéa, « des suffrages exprimés » par « de ses membres ». Il n'y a pas, dans les commissions, de quorum. Il suffirait donc de cinq présents, trois pour, deux contre, pour que les trois cinquièmes soient atteints. Si l'on a une raison de s'opposer à une nomination, on se dérange ! Le Règlement des assemblées pourrait d'ailleurs y pourvoir : il suffirait d'y introduire la règle du quorum pour les commissions. (M. Adrien Gouteyron s'exclame)

J'estime également, dès lors que l'on émet un vote sur des personnalités nommément désignées, qu'il serait normal que le scrutin ait lieu à bulletin secret.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°417. Faudra-t--il donc recueillir un avis sur tous les emplois civils et militaires de l'État ? Bref, sur tous les emplois auxquels nomme le Président, comme vous le préconisez ? Non seulement les préfets, mais tous les membres du corps préfectoral, non seulement les généraux, mais les officiers...

M. Michel Charasse.  - Et les ambassadeurs...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous pourriez être favorable à la deuxième partie de l'amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Votre amendement constitue un ensemble. Sur l'amendement n°425, la commission approuve le principe de parité et la composition à la proportionnelle, qu'elle propose dans son amendement, mais elle est hostile au principe d'une commission permanente. Retrait.

Défavorable au sous-amendement n°346 rectifié. S'il est souhaitable que l'avis de la commission soit rendu après audition des personnalités pressenties, cette précision n'a pas à figurer dans la Constitution. Il n'est pas non plus souhaitable d'envisager une publicité systématique. Retrait ou rejet.

La commission estime nécessaire, monsieur Cointat, de maintenir une majorité des trois cinquièmes. Retrait ?

Le sous-amendement n°147 rectifié est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Même avis sur l'amendement n°344 : retrait ou rejet. Je souhaiterais également, monsieur Charasse, le retrait de votre sous-amendement n°7 rectifié ter. Le système proposé par la commission répond à vos préoccupations quant à la représentativité de l'avis qui sera rendu. On peut d'ailleurs imaginer un système de suppléance, comme pour les CMP.

M. Michel Charasse.  - Ce n'est pas un problème de suppléance mais de quorum. Si vous me dites que l'on peut inscrire une telle disposition dans notre Règlement, je n'insisterai pas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On peut.

M. Gérard Cornu.  - Mais on ne le fera pas.

Le sous-amendement n°7 rectifié ter est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°172.

M. Michel Charasse.  - Il crée un mandat impératif !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. -  Même avis, enfin, sur le n°174.

M. Bernard Frimat.  - Nous maintenons notre amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Comprenez, voyons, qu'une commission publique ne permettrait pas un débat serein ! Elle donnerait lieu à un formalisme préjudiciable. Pour avoir participé à de nombreuses commissions d'enquête, je puis vous dire que nous recueillons beaucoup plus d'informations quand les auditions ne sont pas publiques. Quand on les rend publiques, elles se transforment...

M. Michel Charasse.  - En cinéma !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ... en spectacle.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Gouvernement est défavorable à tous les amendements qui vont plus loin que la définition retenue par l'Assemblée nationale. C'est le cas de ceux qui prévoient un avis conforme ou impératif, soit les amendements n°172 et n°385 rectifié. Certains exigent même un vote favorable à la majorité des trois cinquièmes. C'est le cas des amendements n°s425, 174 et 417.

Le Gouvernement n'est pas favorable à ces exigences, qui aboutiraient à donner au Parlement un pouvoir de codécision. Nous voulons la transparence, non le partage des responsabilités, avec la seule réserve d'un veto à la majorité des trois cinquièmes. Ce système du veto paraît raisonnable.

J'en viens à la composition de la commission. J'ai pris note de la position de la commission et je souhaite voir se dégager une solution de compromis au cours de la prochaine lecture.

M. Michel Charasse.  - Une assemblée ne doit pas écraser l'autre en raison de son effectif.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Quant au caractère public ou non des auditions, cette précision n'est pas de nature constitutionnelle, même si je ne suis pas hostile à ces modalités.

Le groupe CRC souhaite que la nouvelle procédure s'applique à l'ensemble des emplois pourvus par le Président de la République. Or, elle est inadaptée aux nominations exprimant le lien entre le Gouvernement et l'administration. Il vaut donc mieux se concentrer sur les personnalités importantes pour les libertés et la vie économique de la Nation.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements et aux sous-amendements, et exprime des réserves sur celui de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mon explication de vote sur l'amendement n°417 vaudra pour l'ensemble des amendements.

Si le Gouvernement acceptait de temps en temps une proposition émanant de l'opposition, cela introduirait un peu d'inattendu dans le débat.

Que reproche-t-on au Président de la République lorsqu'il nomme des membres du Conseil constitutionnel ou du CSA ? De privilégier ses amis politiques. L'intérêt de l'avis parlementaire consiste à faire en sorte que la personnalité nommée suscite l'assentiment général en raison de son impartialité, de ses qualités et de sa compétence. Pour cette raison, nous proposons une procédure positive. Au demeurant, il est peu probable que la majorité sollicite l'opposition pour s'opposer au Président de la République à la majorité des trois cinquièmes...

Un avis positif aurait une force morale considérable ; l'accord indispensable entre majorité et opposition conférerait à l'intéressé une grande autorité dès sa nomination.

Monsieur Charasse, si l'on veut changer les choses, il ne faut pas procéder d'une façon partisane. D'où l'intérêt de l'avis rendu à la majorité des trois cinquièmes. Ce serait un pas en avant pour la démocratie.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Je réponds aux amendements de manière circonstanciée. En outre, l'Assemblée nationale a voté de nombreux amendements proposés par l'opposition.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est plus dur au Sénat.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Vous proposez souvent des dispositions qui relèvent de la loi organique. Au demeurant, je n'y suis pas défavorable sur le fond.

Le pouvoir de nomination du chef de l'État ne doit pas être transféré au Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne l'avons pas demandé !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Président de la République veut une démocratie irréprochable. Il a donc souhaité que les nominations aient lieu dans la transparence. A votre initiative, vous avez expérimenté cette façon de faire avec M. Delarue. Ce fut extrêmement positif.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous l'avons auditionné.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Une nomination effectuée par le Président de la République suscite-t-elle la suspicion ? Je ne crois pas que quiconque ait protesté contre la désignation de M. Badinter au Conseil constitutionnel par M. Mitterrand.

M. Michel Charasse.  - Elle n'a soulevé aucune objection !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Nous voulons simplement encadrer le pouvoir du Président de la République.

M. Bernard Frimat.  - La rectification apportée à l'amendement n°101 de la commission est loin d'être négligeable, si bien que le seul point de divergence porte sur le veto des trois cinquièmes et l'avis favorable.

Je ne demande pas au Gouvernement qu'il modifie sa position, seulement qu'il ne travestisse pas la nôtre : nous n'avons jamais demandé un transfert du pouvoir dont dispose le Président de la République. M. Bel a rappelé que nos concitoyens veulent simplement des nominations ne relevant pas du fait du prince. Nous ne demandons pas que le vote parlementaire soit conforme, nous souhaitons seulement un avis. Or, celui-ci aura plus de force si l'approbation dépasse le champ de la majorité.

Le Président de la République pourrait passer outre, en assumant sa responsabilité, mais celle-ci s'exercera en premier lieu dans le choix de la personne sur laquelle un avis sera demandé. Nous voulons seulement que l'opinion de la commission ne soit pas fixée par 40 % de ses membres.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous avez prononcé le mot transparence trois fois, madame la ministre. Pourquoi vous opposer aux auditions ? Comment se forger un avis si l'on n'entend pas les candidats ? Vous nous dites qu'une loi suffira : soit. Mais nous aimerions que le principe de l'audition publique soit inscrit dans la Constitution.

M. Michel Charasse.  - Un avis public, ce n'est pas une audition publique. Il faudra en outre que le Règlement précise si ces avis publics sont motivés ou non. La commission adoptera-t-elle une délibération dans laquelle elle donnera un avis ou pas ? La nuance est d'importance car nous avons à l'heure actuelle une procédure d'avis à peu près analogue : lorsque Pierre Mauroy a fait voter en 1984 une loi instaurant un tour extérieur dans les inspections générales et complétant le tour extérieur dans les grands corps, cette loi a été remise en cause par Édouard Balladur au moment de la première cohabitation. La loi de 1986 a alors instauré une procédure d'avis et ce texte prévoit que l'on rend public le sens de l'avis et non pas le contenu. Nous devrons donc sans doute préciser les choses.

François Mitterrand n'a essuyé qu'un avis négatif à l'occasion d'une nomination au Conseil d'État. Il a estimé qu'il s'agissait d'un avis politique et insolent et il est passé outre. Pendant quatorze ans, il n'y a jamais eu, à ma connaissance, de protestation, sauf une fois : lorsque le Conseil supérieur de la magistrature a été nommé, la Cour de cassation a présenté trois noms. Celui qui était en numéro trois s'appelait M. Didier. Son père avait été le seul à ne pas avoir prêté serment à Pétain. Le Président Mitterrand l'a nommé et c'est la seule fois qu'il a reçu des protestations venant du corps judiciaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec cet article, j'ai le sentiment que l'on donne un droit qui n'en est pas un au Parlement. Pourquoi ne pas retenir ce que nous vous proposons, à savoir un avis positif ?

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Il y a une différence très importante entre l'avis donné au Président de la République sur la nomination d'un haut fonctionnaire et l'avis négatif qui, d'après la commission, empêche le Président de la République de le nommer. Depuis hier, nous n'avons qu'une idée : corriger le texte de l'Assemblée nationale. Pourtant, le texte voté par les députés retient l'avis négatif qui empêche le Président de la République de nommer. A gauche, on voudrait que la commission donne un avis positif aux trois cinquièmes, ce qui ferait encore une différence avec l'Assemblée. Mais il faudra bien un jour parvenir à un texte commun entre nos deux assemblées. C'est pourquoi je soutiens l'amendement de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La majorité des trois cinquièmes a été prévue dans certains pays : on appelle cela la partitocratie : les partis doivent se mettre d'accord sur les nominations, sinon ils n'aboutissent pas.

Il est évident que si la commission donne un avis négatif, la candidature est plombée. Mais il faut parvenir à un consensus souple pour trouver une personne qui ne soit pas nommée en fonction de son appartenance politique et en fonction de ses qualités et de sa personnalité. Le Président de la République propose plus de transparence dans les nominations alors que, à une époque, il s'agissait du fait du prince. Aujourd'hui, vous nous dites que ce n'est pas assez et que vous voudriez décider aux trois cinquièmes. Ce n'est pas ce qui avait été prévu au départ. L'Assemblée est parvenue à un bon résultat et nous ne demandons qu'une chose, c'est que la commission prévue soit composée à parité entre les deux assemblées.

Pour sortir de ce débat, je demande la priorité sur l'amendement de la commission des lois.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. Christian Cointat.  - Il faut être réaliste : ce qui nous est proposé est une avancée considérable par rapport à la situation actuelle. C'est pourquoi je voterai l'amendement de la commission des lois.

La condition de majorité requise est un peu forte, mais je peux m'y résoudre. En revanche, je ne puis suivre M. Charasse lorsqu'il réclame une majorité des trois cinquièmes de la commission car les décisions seront quasiment impossibles à prendre.

Lorsque nous modifierons notre Règlement, nous devrons faire attention à ne pas verrouiller ce droit de veto. Comme l'a dit M. Charasse, l'avis devra être motivé.

Le sous-amendement n°346 rectifié n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°344.

L'amendement n°101 rectifié est adopté.

Les amendements n°s 417, 425, 172 et 174 deviennent sans objet.

L'amendement n°173 est retiré.

L'article 4, modifié, est adopté.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Bernard Frimat.  - Je souhaite faire une mise au point concernant le vote de M. Godefroy sur les langues régionales : il a voulu voter pour l'amendement de suppression.

Organisation des débats

M. le président. - En accord avec le Gouvernement et la commission, voici une communication sur la suite de notre discussion. Conformément à ce qui a été décidé en début d'après-midi, à la reprise de ce soir, nous examinerons les dispositions financières. Nous commencerons d'abord par les amendements portant article additionnel après l'article 14, puis, au sein de l'article 11, par l'amendement de rédaction globale n°187 rectifié bis, de Mme Borvo Cohen-Seat, et l'ensemble des amendements allant de l'amendement n°302 rectifié à l'amendement n°380 rectifié bis. Puis, pour répondre à la demande de M. Frimat, nous reprendrons le cours normal de l'examen des articles, là où nous l'avons arrêté avant la suspension.

Il n'y a pas d'opposition ? Nous examinerons donc le reste de l'article 11 à sa place dans le texte.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

OGM (Décision du Conseil constitutionnel)

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu par lettre en date de ce jour le texte d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés.

Acte est donné de cette décision qui sera publiée au Journal officiel.

Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Je rappelle que nous allons examiner par priorité les articles additionnels après l'article 14 et les amendements à l'article 11 relatifs aux charges financières.

Articles additionnels après l'article 14

M. le président.  - Amendement n°146, présenté par M. Arthuis.

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 40 de la Constitution est abrogé.

M. Jean Arthuis.  - Cet amendement s'efforce de tirer les conséquences de la philosophie du projet de modernisation des institutions. Son objet est en effet de responsabiliser le Parlement, de lui donner les moyens d'assumer pleinement ses prérogatives. Or l'article 40 est souvent vécu par les auteurs d'amendements comme une contrainte parfois difficile à supporter. Depuis le 1er juillet 2007, nous l'appliquons dans la rigueur de sa rédaction.

M. Michel Charasse.  - Comme à l'Assemblée.

M. Jean Arthuis.  - Nous y avons été invités par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Avec une grande fermeté, il avait déclaré que si le Sénat n'assumait pas ses responsabilités, il se substituerait à lui pour y mettre bon ordre. Nous l'appliquons depuis avec rigueur et j'ai présenté il y a deux semaines à la Conférence des Présidents, un bilan de la pratique nouvelle, qui vous sera bientôt communiqué.

Nous avons rempli nos obligations et la commission des finances déclare irrecevables les amendements qui ont pour effet de diminuer les ressources publiques ou d'augmenter une charge publique. Sur un total de 4 000 amendements, 3 % ont été déclarés irrecevables. La commission des finances s'est efforcée d'être le conseil des auteurs d'amendements pour leur permettre d'échapper à l'irrecevabilité.

L'article 40 est présenté comme un garde-fou contre la tentation de laisser filer les dépenses publiques mais, du vote bloqué ou de l'article 49-3 à la seconde délibération, le Gouvernement dispose d'une large palette de procédures pour prévenir les dérives. J'observe d'ailleurs que l'article 40 n'a pas empêché les dépenses d'augmenter et la dette publique d'atteindre 1 200 milliards. Certaines dispositions restent virtuelles : il suffit de gager une dépense par une augmentation des droits sur le tabac. Des gages...

M. Michel Charasse.  - Bidons !

M. Jean Arthuis.  - En effet, des gages virtuels : c'est une véritable fiction.

Les parlementaires sont des sages de la rigueur budgétaire, nous en faisons la démonstration depuis le 1er juillet 2007. Or la réforme constitutionnelle va apporter deux novations importantes. D'abord, le texte sur lequel nous débattrons ne sera plus celui qui aura été adopté en conseil des ministres ou à l'Assemblée nationale mais, comme pour les propositions de loi, celui de la commission saisie au fond. Il sera difficile d'appliquer l'article 40 dans ces conditions.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean Arthuis.  - Nous ne l'appliquons pas sur les propositions de loi. Or, comme l'ordre du jour sera plus largement à notre disposition, nous pourrons en examiner davantage.

Dans ces conditions, l'application de l'article 40 sera particulièrement malaisée.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jean Arthuis.  - Voilà donc ce qui motive mon amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°200, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 40 est une des armes laissées à la libre disposition du Gouvernement et de la majorité parlementaire...

M. Michel Charasse.  - Et de tout sénateur !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ... pour mettre en question le droit d'amendement. Comme l'a rappelé le président de la commission des finances, qui en a pourtant usé et abusé depuis juillet 2007, il est devenu un outil de procédure sans doute exorbitant. A l'entendre, moins de 4 % des amendements ont été déclarés irrecevables au titre de cet article. Les statistiques sont un peu différentes.

Sur la loi relative au pouvoir d'achat, 141 amendements ont été déposés, et douze, tous issus de la minorité, ont été déclarés irrecevables avant même leur diffusion ; 474 ont été déposés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, et 74 déclarés irrecevables, soit quatre du rapporteur du texte, seize de parlementaires de la majorité et 54 de parlementaires de la minorité ; 591 amendements ont été déposés sur le projet de loi de finances pour 2008, dix ont été déclarés irrecevables en première partie et dix en seconde. On le voit, l'irrecevabilité financière varie au gré des circonstances. La palme revient au texte sur les retraites de 2003, lors de l'examen duquel toutes les armes de la procédure ont été utilisées. Plus de 20 % des 1 153 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 et 247 rejetés par application de règles diverses à l'initiative du Gouvernement et de la commission des affaires sociales. Au total, un débat tronqué et plus de 40 % des amendements passés à la trappe. Je n'aurai garde d'oublier les motions d'ordre qui ont conduit à rejeter en fin de discussion une grande partie des articles additionnels. Il n'est pas anodin de noter que seule la partie relative aux fonds de pension et à l'épargne retraite a été épargnée...

La suppression de l'article 40 serait une grande avancée pour le Parlement et éviterait toutes ces dérives.

M. le président.  - Amendement identique n°467, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Mme Nicole Bricq.  - L'objet de cette réforme constitutionnelle est, nous dit-on, de revaloriser le Parlement ; le moment est venu de le vérifier.

La suppression de l'article 40 lèverait une hypocrisie qui dure depuis cinquante ans. Loin d'être un garde-fou, comme l'a dit M. Karoutchi à l'Assemblée nationale, cet article peine à masquer l'inflation des dépenses ; c'est particulièrement vrai ces cinq dernières années avec l'explosion de la dépense fiscale -dont nous parlerons tout à l'heure à l'occasion d'un amendement Lambert-Marini. La suppression de l'article 40 accroîtrait la responsabilité déjà offerte aux parlementaires par la possibilité qu'ils ont de déplacer d'un programme à l'autre les crédits d'une même mission.

M. Arthuis a fait dans un rapport le bilan de l'application de l'article 40 depuis le 1er juillet 2007. Si on ne peut pas dire que celle-ci a contraint le droit d'amendement, elle est mal vécue par les auteurs des amendements concernés. Ne vaudrait-il pas mieux faire confiance aux parlementaires ? Cela nous éviterait bien des faux débats, alors qu'il en existe suffisamment de vrais entre majorité et opposition. Le moment est venu de supprimer l'article 40.

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par M. Cointat, Mme Kammermann et M. Duvernois.

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article 40 de la Constitution, les mots : « d'une charge publique » sont remplacés par les mots : « des charges publiques ».

M. Christian Cointat.  - Dans le contexte d'un accroissement des pouvoirs du Parlement, l'existence de l'article 40 pose à l'évidence un problème. Je ne suis pas favorable à sa suppression, j'en accepte l'esprit qui évite bien des dérapages. Mais l'interprétation qui est faite de sa lettre est contestable ; son application est de plus en plus drastique, au point qu'on peut se demander si nous pourrons un jour déposer un seul amendement concernant nos concitoyens -il ya presque toujours une dépense à la clé. L'article 40 devient dangereux ; et je ne parle pas de la dérive inquiétante du Conseil constitutionnel quant au rôle du Parlement.

J'ai été frappé par la brillante démonstration du président Arthuis sur la nécessité pour le Sénat de se montrer très strict dans l'application de l'article 40. Si je l'ai bien compris, « un singulier n'est pas un pluriel ; c'est pourquoi ce pluriel est singulier. » Mon amendement apporte la souplesse nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann.

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article 40 de la Constitution, après le mot : « aggravation » est inséré le mot : « directes ».

M. Christian Cointat.  - L'aggravation des charges publiques doit être directe et non indirecte.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par M. Cointat et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann.

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 40 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi de cette irrecevabilité ou s'en saisir d'office que si cette question a été soulevée devant la première assemblée ayant adopté le texte en cause. »

M. Christian Cointat.  - Lorsqu'aucune irrecevabilité n'a été soulevée dans une assemblée, elle ne peut être invoquée dans l'autre.

Accroître les pouvoirs du Parlement, c'est reconnaître ses responsabilités. En France -ce n'est pas le cas dans d'autres pays- le budget n'est pas exécutoire, il est une simple autorisation de dépenses. Dès lors que le Gouvernement peut ne pas dépenser les crédits, une souplesse similaire doit valoir pour les parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Lorsqu'on sait quelles fonctions le président Arthuis a exercé il n'y a pas si longtemps et celles qu'il exerce aujourd'hui...

M. Jean Arthuis.  - Je respecte la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ... on ne peut s'empêcher de penser qu'il a le goût du paradoxe... Faisons un peu d'histoire. L'article 40 est né...

M. Michel Charasse.  - En juin 1956 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ... d'un décret du 19 juin 1956. Chacun sait qui était alors Président du Conseil...

M. Gérard Longuet.  - Guy Mollet !

Mme Nicole Bricq.  - Nous savons tout cela !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Selon la révision de 1958, était frappé d'irrecevabilité tout amendement ayant pour conséquence une diminution des recettes ou l'augmentation d'une charge publique -au singulier.

Tout parlementaire est un jour confronté à cet article. Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006, la procédure de contrôle du Sénat s'est alignée sur celle de l'Assemblée nationale : des amendements qui étaient jusqu'alors discutés en séance ne le sont plus. Plutôt que de supprimer l'article 40, mieux vaut l'appliquer de façon à préserver le droit d'amendement des parlementaires. Je sais que le président Arthuis y veille.

Seuls 3,8 % des amendements au Sénat et 8 % à l'Assemblée nationale sont déclarés irrecevables. La suppression de cet outil de régulation risquerait d'entraîner une multiplication préjudiciable des amendements de portée financière. La commission des lois y est donc défavorable, d'autant que la Lolf permet désormais de transférer des crédits entre programmes d'une même mission.

L'amendement n°46 rectifié, qui reprend une proposition du comité Balladur, entraînerait une extension du droit d'amendement en matière financière dont l'effet ne peut être mesuré : avis défavorable.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'amendement n°47 rectifié, qui rend recevables les amendements ayant pour effet indirect l'aggravation d'une charge publique, résoudrait-il les difficultés rencontrées sur certains sujets, comme l'application à l'outre-mer de dispositions pénales ? Quel est l'avis du Gouvernement ?

L'amendement n°48 rectifié revient à la règle du préalable parlementaire, qu'appliquait le Sénat avant juillet 2007. Un tel système se heurterait peut-être à l'hostilité de l'Assemblée nationale, qui pourrait toutefois maintenir son système propre. Sagesse.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.  - Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements de suppression. La situation de nos finances publiques exige une maîtrise sans faille des dépenses publiques. Nous voulons un État plus rigoureux : il serait paradoxal de relâcher cette discipline lors du débat budgétaire ! Nous voulons mieux contrôler les dépenses fiscales. Supprimer l'article 40, c'est ouvrir la porte au moment où l'on ferme les fenêtres !

La multiplication d'amendements de portée financière nuirait à la qualité des débats. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision de 1975, l'article 40 vise à éviter que des dispositions particulières ayant une incidence financière directe puissent être votées sans qu'il soit tenu compte des conséquences sur les finances publiques. Il permet également d'éviter l'encombrement de la discussion. Le faible nombre d'amendements déclarés irrecevables montre par ailleurs que cet article induit une nécessaire autodiscipline. Je demande donc le retrait des trois amendements de suppression ; à défaut, rejet.

L'amendement n°46 rectifié revient à permettre de gager une augmentation de charge. La Lolf a introduit une souplesse bienvenue dans le débat budgétaire : aller au-delà risquerait d'aggraver la charge publique. Avis défavorable, comme à l'amendement n°47 rectifié : les commissions des finances des deux chambres interprètent avec sagesse l'article 40 en acceptant des amendements qui contribuent parfois à la création de charges indirectes...

Enfin, l'amendement n°48 rectifié, qui restaure la règle du préalable parlementaire, revient à interdire au Conseil constitutionnel de se prononcer sur un amendement anticonstitutionnel. Avis défavorable.

M. Philippe Marini.  - Je demande la parole contre les amendements de suppression.

M. Bernard Frimat.  - Ce n'est pas une motion !

M. Philippe Marini.  - Le président Arthuis a raison de rappeler que la Constitution n'est pas tout. Il est des constitutions parfaites qui ne garantissent ni la gouvernance optimale, ni le bonheur des peuples. La constitution la plus parfaite, que l'on commentait au temps où j'étais étudiant, était celle de l'Union soviétique. (Mme Nicole Bricq s'exclame) Rédigée par d'admirables juristes, elle prévoyait tout, mais était très loin de la réalité de la société !

L'essentiel en matière de prévision et de gestion des finances publiques, c'est la volonté partagée d'un gouvernement et d'une majorité parlementaire.

M. Gérard Delfau.  - D'un gouvernement, oui !

M. Philippe Marini.  - L'article 40 peut être vécu comme une discipline artificielle, comme un rideau de bambou que l'on déploie selon sa convenance ; M. Arthuis a le mérite de le rappeler.

Cependant, même si l'article 40 n'a pas garanti la vertu budgétaire, il n'en reste pas moins positif, d'un point de vue pédagogique, de demander aux parlementaires d'être vertueux, de faire travailler leur imagination dans tous les domaines, sauf pour détériorer le solde des finances publiques ! C'était vrai en 1958, c'est toujours une évidence. Nous sommes aujourd'hui en mesure d'appliquer l'article 40 de façon plus transparente qu'autrefois. Notre commission des finances a élaboré un document définissant les règles du jeu et les conditions d'interprétation de cette discipline.

Vu les défis auxquels nous sommes confrontés et la difficulté que nous aurons à respecter les critères de convergence vers 2012, de grâce, conservons les procédures qui, dans le droit fil de la volonté des fondateurs de la Ve République, incitent le législateur à faire preuve du sens de la responsabilité ! Les marges d'amélioration budgétaires sont considérables dans tous les domaines, si bien qu'il faut bien peu d'imagination pour demander des dépenses supplémentaires. Quant à la vertu du Gouvernement lui-même, l'article 40 ne la garantit pas, mais les débats sur les projets de loi dépensiers qui nous seront présentés nous permettront, monsieur le ministre, de dialoguer avec vous pour trouver les bonnes règles obligeant le Gouvernement à s'appliquer à lui-même l'autodiscipline demandée au Parlement. (M. Roger Romani applaudit)

M. le président.  - Je rappelle qu'en vertu de l'article 49, alinéa 6 de notre Règlement, sur chaque amendement, sous réserve des explications de vote, ne peuvent être entendus que le signataire, le Gouvernement, le rapporteur et un sénateur d'opinion contraire. Nous allons entendre maintenant les explications de vote.

M. Bernard Frimat.  - Je n'ai pas d'affection particulière pour les professeurs de vertu et je suis frappé par l'inanité des arguments en faveur du maintien de cet article 40. Premier argument vain : on peut le garder puisqu'il n'est pas beaucoup utilisé. Deuxième argument : il serait efficace pour maîtriser les dépenses. Cet article 40, brandi comme un bouclier par les professeurs de vertu, nous a tellement protégés contre tout déficit que l'Europe entière nous l'envie ! J'ai lu dans la presse une tribune de deux personnes de qualité indiscutable, les présidents des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, qui éprouvaient le besoin d'écrire ensemble pour demander qu'on permette aux parlementaires d'être responsables et qu'on arrête de les traiter comme des enfants sur les doigts desquels vient s'abattre la règle de bois de l'article 40. Pourquoi ne pas supprimer un article inefficace, inutile et qui ne sert qu'à se donner les apparences de la vertu ? Entre la contrainte et la responsabilité, je préfère la responsabilité, pour les parlementaires comme pour le Gouvernement.

M. Michel Charasse.  - L'article 40 paraît anachronique et même insupportable à certains car nous avons tous en mémoire la première assemblée de 1789 pour laquelle le vote de l'impôt, des ressources et des dépenses était vécu comme une formidable liberté conquise par le peuple et ses représentants. Cette discipline de l'article 40, introduite par décret par Guy Mollet en 1956 a été reprise dans la Constitution de 1958 mais sa rigueur était tellement absolue qu'il a fallu lui apporter quelques assouplissements sans lesquels, par exemple, il aurait été impossible de diminuer les amendes pénales. Il a rendu obligatoire la pratique du gage. En recettes, il s'agit souvent de faux gages et, en dépense, les gages inventés ont été des plus fantaisistes.

M. Arthuis nous dit que le Gouvernement dispose des moyens d'écarter les amendements dépensiers. Quels moyens, en dehors du vote bloqué et de l'examen des amendements avant la séance ? Lâcher sur cet article 40 ce serait donner un mauvais signal au moment où la France doit déployer de colossaux efforts pour entrer dans les clous des critères de Maastrich. D'autant que, pour la première fois de leur histoire, les Français devront payer leurs dettes au lieu de compter sur l'inflation ou sur l'épargne des grands-mères. J'ajoute que l'habitude récemment prise par les parlementaires -surtout de l'autre assemblée, il est vrai- de suivre systématiquement les cortèges de rue, ne me rend pas optimiste.

A mon grand regret, je ne voterai pas cette mesure apparemment séduisante de suppression de l'article 40 : il n'a pas empêché d'accumuler les déficits, c'est vrai, mais c'est un article de discipline. Le vrai problème, c'est le monopole exclusif du pouvoir exécutif dans l'initiative des dépenses, mais c'est un autre débat.

M. Richard Yung.  - Moi aussi j'ai subi le couperet de l'article 40. Cela m'a fait penser à la Sublime Porte qui vous couvrait de bonnes paroles et de décorations avant de vous étrangler avec un lacet. Le lacet, c'est le courriel qui vous annonce la décision de la commission des finances. L'autre aspect, c'est la courtoisie du président Arthuis qui vous explique longuement les méandres du raisonnement qui a conduit à cette décision.

J'ai toujours pensé que les critères d'application de cet article 40 étaient à géométrie variable. On a dit aussi qu'il était peu efficace. Son contournement par les gages affaiblit le dispositif, d'autant que les gages, le tabac par exemple, ne sont pas très sérieux.

Si les parlementaires ne peuvent rien proposer qui ait des conséquences financières, ils sont privés de toute possibilité d'élaborer des politiques alternatives...

M. Philippe Marini.  - Proposez des recettes !

M. Richard Yung.  - Comment sauter en hauteur avec une jambe attachée ? L'article 40 nous interdit ce qui fait pourtant le coeur de notre travail. Ne demeurent que nos fonctions de gestionnaires et de contrôleurs. Il faut rendre au Parlement ses responsabilités pleines et entières.

Mme Nicole Bricq.  - Nous préférons tous, au terme de « vertueux », celui de « responsable ». Les parlementaires ne le sont pas moins que les ministres ! Et s'il n'y a pas de prime à donner à tel gouvernement plutôt qu'à tel autre, (M. Michel Charasse renchérit) tout récemment, vous avez procédé à des baisses d'impôts ciblées et avez comprimé la dépense publique, créant finalement de nouvelles niches fiscales. Fin mai encore, le Président de la République a promis un crédit d'impôt aux entreprises qui développent l'intéressement ; or, le lendemain même, son Premier ministre présidait la conférence nationale des finances publiques, qui a pour but de promouvoir la vertu budgétaire.

Alors de grâce, n'accusez pas les parlementaires de manquer de sens des responsabilités ! M. Arthuis vient de montrer que c'est tout le contraire.

M. Karoutchi et Mme Dati clament à l'envi qu'ils veulent revaloriser le Parlement. C'est ce soir et sur cette question qu'il faut le faire, ou bien on ne le fera jamais. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)

M. Jean-François Voguet.  - Personne n'est dupe : l'article 40 n'a aucune efficacité, sinon pour brider l'initiative parlementaire. Sur les 900 amendements au projet de loi sur l'égalité des chances, 160 ont été déclarés irrecevables -dont 151 issus de l'opposition. La réforme de l'école a suscité 663 amendements, 21 ont été déclarés irrecevables. L'article 40 est utilisé pour couper court à la controverse parlementaire. On peut pourtant s'en passer : dans l'examen du texte sur le développement des territoires ruraux, seuls 4 amendements sur 967 ont été écartés au moyen de l'article 40 -et aucun des 450, en seconde lecture, n'a subi ce sort.

L'article 40, c'est le bâton, l'arme pour bâillonner l'opposition tandis que les autres groupes s'expriment sans contrainte. Détourné de son sens, il est utilisé de façon tactique et circonstancielle.

M. Christian Cointat.  - Je ne suis guère étonné de la réponse du ministre. Dès que l'on touche aux questions financières, les financiers font bloc. C'est dommage, car la souplesse en souffrira.

Moins l'article 40 servira, plus il sera un bon garde-fou : je suis attaché à un article 40 employé avec discernement. M. Arthuis a fait une proposition reprise par le comité Balladur : tous deux furent ministres des finances, mais ils ne le sont plus et voient à présent les choses autrement... Quant aux propos de M. Marini, ils sont intéressants mais ils montrent aussi que certains sont maîtres de la connaissance financière, au contraire des autres.

M. Philippe Marini.  - Les maîtres de l'international sont beaucoup plus puissants !

M. Christian Cointat.  - Je retire l'amendement n°46 rectifié puisque l'on me dit qu'il est facteur de dépense -de compensation, en réalité. Le n°47 rectifié est une aggravation indirecte de la dépense, soit, je le retire. Je maintiens en revanche le n°48 rectifié qui ne touche pas au domaine financier. Pendant quarante-huit ans, jusqu'au 14 décembre 2006, on a appliqué une jurisprudence relative à l'article 40 qui n'a mis personne en péril. Mais voilà que le Conseil constitutionnel change de cap ! Faut-il s'incliner ? Je ne le crois pas. Votons cet amendement de bon sens, raisonnable. Du reste, la commission s'en remet à la sagesse...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Effectivement, le Conseil constitutionnel a mis le feu aux poudres -au Sénat, puisque l'Assemblée nationale avait déjà changé les modalités de mise en oeuvre. La révision tend, dites-vous, à donner plus de responsabilités aux parlementaires : c'est l'occasion ou jamais de leur donner plus de latitude en matière de dépenses et de recettes publiques ! Le refus opposé aux amendements montre bien que la réforme n'a pas ce but.

M. Arthuis a expliqué de quelle large palette le Gouvernement dispose pour s'opposer à une initiative inopportune -je mentionnerai également la Lolf ! Il a montré que l'article 40 n'a pas empêché une hausse des déficits publics.

Nous n'avons pas de leçons à recevoir à cet égard de ceux dont la seule préoccupation, sitôt aux affaires, a été de baisser les impôts des plus riches, puis de baisser la dépense publique, celle qui est utile à la population. Pas de leçons à recevoir de ceux qui bradent le patrimoine immobilier de l'État, telle l'Imprimerie nationale vendue pour quatre sous à des fonds de pension américain et rachetée ensuite au prix fort !

Le Gouvernement est mal placé pour donner des leçons de gestion au Parlement ! Faites confiance aux élus, y compris à la majorité, et faites ce que vous prétendez faire : renforcez les pouvoirs du Parlement !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Dans ce débat que j'entends depuis déjà trente ans, deux idées erronées reviennent sans cesse. D'abord, celle que la réforme passerait nécessairement par moins de recettes ou plus de dépenses ; on peut aussi gagner en productivité, réaménager les moyens, modifier les procédures ! Ensuite, l'idée que l'article 40 serait inutile, parce qu'on ne s'en sert pas ; mais si l'on ne s'en sert pas, c'est parce qu'il existe ! Qu'il disparaisse et nous subirons une marée d'amendements destinés à réduire les recettes ou à aggraver les dépenses ! (Approbations à droite, protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Parlement votera, c'est son rôle !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Certes, mais ne revenons pas aux travers du passé !

Enfin, à l'heure où nos partenaires européens critiquent notre déficit budgétaire, il ne serait pas du meilleur effet de leur annoncer que, pour réduire le déficit, nous supprimons l'un des outils de la discipline budgétaire ! Je voterai contre la suppression de l'article 40.

M. Michel Mercier.  - Plutôt que d'en rester à la technique financière, dont je ne suis pas un spécialiste (rires à droite), je crois qu'il faut replacer cet amendement dans le cadre de la réforme constitutionnelle.

L'article 40, rêvé par André Tardieu et mis en place par Guy Mollet, est un des éléments les plus raffinés du parlementarisme rationalisé, parfaitement légitime à une époque où régnaient l'indiscipline budgétaire et le laxisme. On l'a oublié, mais les parlementaires avaient toute liberté d'agir sur les recettes et les dépenses, il n'y avait aucun délai pour l'examen du budget, on arrêtait la pendule.

M. Michel Charasse.  - Les douzièmes provisoires !

M. Michel Mercier.  - Il fallait des règles : l'interdiction de diminuer les recettes ou d'augmenter les dépenses était un progrès en 1956, que le constituant a consacré en 1958.

Cet article est-il encore pertinent ? Du point de vue financier, certains nous expliquent que l'article 40 est indispensable, puisqu'on ne s'en sert pas : c'est un peu facile. On nous dit que les Européens verraient d'un mauvais oeil qu'on supprime un article qui n'empêche en rien notre déficit de se creuser. Ce sera difficile à leur faire avaler !

Du point de vue constitutionnel, maintenant, toute cette réforme tend à « sortir du parlementarisme rationalisé », c'est ce qu'écrit le rapport Balladur dans ses toutes premières pages. Le processus législatif va changer, on ne débattra plus que du texte adopté en commission, sauf pour les lois de finances et de financement, où c'est le texte du Gouvernement qui continuera à être encadré : la discipline essentielle est maintenue ! Qui plus est, le Gouvernement disposera toujours de l'article 44, de l'article 49, il continuera de maîtriser les dépenses et les recettes.

L'article 40 est donc inutile, il n'est plus que le symbole d'un temps révolu. Si le Gouvernement veut sortir du parlementarisme rationalisé, il faut qu'il aille jusqu'au bout, en supprimant l'article 40 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce serait le retour du parlementarisme irrationnel !

M. Michel Mercier.  - Je vous connais suffisamment pour savoir que vous pensez comme moi !

M. Jean Arthuis.  - Mon amendement exprime une conviction, je me réjouis qu'il ait provoqué ce débat. Il faut cesser de regarder le Parlement comme une source d'augmentation systématique des dépenses publiques. Je parie plutôt sur la responsabilité des parlementaires. Ce qui nous a égarés longtemps, c'est le manque de sincérité des comptes publics, ce sont toutes ces astuces de présentation, qui ont fait la réputation du budget ! Il faut des comptes sincères, qui ne cachent rien de la situation réelle des finances publiques : la Lolf est l'outil de cette sincérité, de cette responsabilité, je me réjouis qu'elle soit venue du Parlement !

Monsieur Cointat, si le Conseil constitutionnel a pris une telle décision sur la loi de financement pour 2007, c'est parce qu'une étrange pratique s'était développée : des ministres qui n'avaient pas obtenu d'arbitrage favorable trouvaient la complicité de parlementaires pour déposer des amendements auxquels ils n'opposaient pas d'irrecevabilité ; une fois votés, ces amendements augmentaient la dépense publique. Mais ce n'est plus possible depuis le 1er juillet 2007, et je m'efforce d'appliquer l'esprit et la lettre de l'article 40 à la recevabilité des amendements !

L'équilibre des finances publiques n'est pas l'affaire de l'article 40, mais une affaire de responsabilité politique ! (Approbation au centre et sur divers autres bancs)

M. Eric Woerth, ministre.  - Ce débat est intéressant, plusieurs voix très autorisées se sont prononcées dans un sens contraire. Pour le Gouvernement, l'article 40 est sage, utile à la qualité du débat, à l'équilibre des finances publiques, au respect de nos engagements internationaux. Sur un sujet d'une telle importance, je souhaite un scrutin public.

A la demande du Gouvernement, les amendements identiques n°s146, 200 et 467 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 155
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Michel Charasse.  - L'amendement de M. Cointat n'est pas si hérétique qu'on pourrait le penser, puisqu'il reprend une jurisprudence ancienne du Conseil constitutionnel. Jusque dans les années 1985-1990, le Conseil constitutionnel considérait que quand l'article 40 n'avait pas été soulevé en séance, il ne pouvait plus être invoqué. Il n'a changé de jurisprudence qu'il y a quelques années. Au Gouvernement et à l'Assemblée de faire respecter la discipline. Je voterai cet amendement.

M. Christian Cointat.  - J'ai été invité au retrait. Je ne veux pas, en contraignant à aller au scrutin public, créer un problème quand il n'y en a pas. Nous nous sommes tous élevés contre la décision du Conseil constitutionnel, parce qu'en 48 ans, aucun problème ne s'était posé. Mais puisqu'il semble que mon amendement crée des problèmes collatéraux, je le retire. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Gérard Delfau.  - Je le reprends.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°48 rectifié bis.

M. Eric Woerth, ministre.  - Je remercie M. Cointat de la qualité de sa contribution. Il est vrai que cet amendement est très délicat. Il reviendrait à considérer que le Conseil constitutionnel ne peut pas porter un avis sur la constitutionnalité d'un texte au regard de l'article 40. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Je demande un scrutin public.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je rappelle à M. le ministre que nous sommes en train de réviser la Constitution : nous sommes le constituant ! Nous pouvons donc aller contre l'avis du Conseil constitutionnel.

M. Gérard Delfau.  - Ce débat n'est pas ordinaire. Il a été voulu au plus haut sommet de l'État comme un acte fondateur du quinquennat. Nous sommes un certain nombre à avoir pris cette proposition au mot et à souhaiter que l'issue de cette discussion soit une réappropriation par le Parlement de son rôle souverain, dans une Ve République qui a tout fait pour l'abaisser. Ce serait une bonne chose pour lui, pour les pouvoirs publics, pour la démocratie. Si nous y parvenions, ce serait un signe de vitalité : le parlementarisme retrouverait ses marques.

Les parlementaires respectent infiniment le rôle du Conseil constitutionnel. Mais nous sommes un certain nombre, j'espère une majorité, pour penser que le juge constitutionnel tend à prendre le pas sur les représentants du peuple. L'amendement de M. Cointat est, finalement, symbolique, et il est justifié puisqu'il reprend, comme l'a rappelé M. Charasse, une jurisprudence ancienne. Il offre à l'ensemble du Sénat l'occasion de mettre en pratique la philosophie de ce texte : rééquilibrer les pouvoirs du Parlement et, en lui redonnant confiance, rendre confiance à nos concitoyens.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°48 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 134
Contre 189

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°310 rectifié, présenté par MM. Lambert et Marini.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 40 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les dispositions fiscales dérogatoires qui ont pour conséquence une diminution des ressources publiques ou l'aggravation d'une charge publique sont abrogées dans un délai de trois ans à compter de leur entrée en application, à défaut de la présentation par le gouvernement au Parlement d'une évaluation de leur coût et de leur efficacité. »

M. Philippe Marini.  - Puisque l'article 40 est maintenu, il faut le compléter.

M. Gérard Delfau.  - Vous allez le durcir un peu. (Sourires)

M. Philippe Marini.  - Il convient en effet d'obliger le Gouvernement à présenter au Parlement une étude d'impact sur toutes les dispositions fiscales dérogatoires, faute de quoi ces dispositions seraient caduques à l'issue d'un délai de trois ans. Nous souhaitons moderniser notre législation fiscale pour éviter la multiplication des incitations, imputations et dégrèvements de toute nature à laquelle nous assistons depuis quelques années. Pour encadrer, pour réduire, pour supprimer un grand nombre de niches fiscales, la meilleure solution serait d'évaluer leur efficacité et de veiller à ce qu'elles ne s'appliquent qu'un temps donné. C'est pourquoi nous souhaitons qu'elles soient automatiquement abrogées, sauf si le Gouvernement apporte la preuve que leur maintien est justifié.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous avez bien raison de souligner que la prolifération des niches fiscales pose un problème aux finances publiques. Pour autant, il n'est pas conforme à notre tradition juridique d'abroger automatiquement des mesures à l'issue d'un délai déterminé. Votre commission sollicite donc l'avis du Gouvernement.

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous avons souvent eu ce débat ici et nous sommes favorables à l'encadrement des niches fiscales et hostiles à leur prolifération. Il s'agit là d'un sujet d'actualité dont la presse se fait l'écho. Le Gouvernement est donc favorable à votre amendement sous réserve de quelques rectifications. La durée de trois ans est trop brève pour évaluer l'efficacité d'une mesure : cinq ans seraient préférables. En outre, plutôt que de définir les modalités d'application de cette mesure dans le texte constitutionnel, il serait préférable de prévoir qu'une loi organique en fixera les modalités d'application.

Je vous propose donc la rédaction suivante :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 40 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les dispositions fiscales dérogatoires qui ont pour conséquence une diminution des ressources publiques cessent de s'appliquer le 31 décembre de la cinquième année suivant leur entrée en vigueur, dans les conditions et sous les réserves fixées par une loi organique. »

M. Philippe Marini.  - J'accepte cette rectification.

M. le président.  - Il s'agit donc de l'amendement n°310 rectifié bis.

M. Alain Vasselle.  - Nos collègues Lambert et Marini auraient été bien inspirés d'associer aux mesures fiscales celles qui sont prises au plan social car les problèmes sont les mêmes. Les gouvernements successifs ont eu la plus grande difficulté à honorer les compensations d'exonérations de cotisations sociales qu'ils décidaient et si des études d'impact avaient été présentées, le Parlement aurait été mieux éclairé sur les incidences de ces allègements sur le budget de la sécurité sociale. Puisque le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Marini, pourquoi ne pas profiter de la navette parlementaire pour introduire dans cette rédaction les dispositions sociales ? La commission des finances ne peut pas se désintéresser des mesures sociales qui auront des incidences sur la loi de financement de la sécurité sociale.

D'ailleurs, nous examinerons tout à l'heure un amendement n°301 rectifié déposé par les commissions des finances et des affaires sociales sur les exonérations qui sont décidées au fil de l'eau dans les différents textes : les études d'impact valent autant pour les dépenses sociales que pour les dépenses fiscales.

M. Philippe Marini.  - Tout à fait !

M. Michel Charasse.  - Je comprends la démarche de MM. Lambert et Marini mais je ne suis pas convaincu que la disposition qu'ils proposent ait sa place dans la Constitution.

En outre, que faut-il entendre par mesures dérogatoires ? Qui va les énumérer ? Est-ce le Conseil constitutionnel qui va interpréter cet article ou bien la loi organique va-t-elle dresser une liste exhaustive ? Si toutes les mesures dérogatoires sont concernées, est-ce à dire par exemple que le quotient familial risque de disparaître ?

M. Gérard Longuet.  - Eh oui, c'est dérogatoire !

M. Michel Charasse.  - Je ne crois pas que cet amendement ait toute sa place dans un texte aussi noble que la Constitution. A mon grand regret, je ne le voterai donc pas mais je le ferais avec plaisir s'il nous était soumis dans quinze jours dans la loi de règlement.

M. Philippe Marini.  - J'ai le regret de vous dire, mon cher collègue, que vos propos sont contradictoires. Nous sommes dans la Constitution et c'est pourquoi nous en restons aux formulations de principe. Une disposition dérogatoire contrevient à la législation de droit commun et nous renvoyons à la loi organique le soin de définir exactement quelles sont les mesures dérogatoires : nous aurons ce débat à ce moment-là. Ainsi, il me paraît évident que lorsqu'un matériel déterminé pour une profession précise bénéficie d'un amortissement qui n'est pas de droit commun, il s'agit là d'une dérogation. Quand une profession bénéficie pour le calcul de son impôt sur le revenu d'un coefficient de réfaction, il s'agit, là encore, d'une dérogation. A l'inverse, le crédit d'impôt recherche n'est en rien dérogatoire car il s'applique à tous les sujets fiscaux de manière horizontale. De même, les modalités de calcul du quotient familial ne s'apparentent pas à un régime dérogatoire. Mais la Constitution n'a pas à entrer dans ces détails qui sont du ressort de la loi organique. En revanche, inscrivons dans notre texte fondamental le principe de l'égalité de tous devant l'impôt, principe cher au Conseil constitutionnel. Ainsi, toute dérogation devra être mesurée au trébuchet de l'équité et de l'efficacité.

Mme Nicole Bricq.  - Je suis très étonnée de la rapidité avec laquelle cette question est traitée. Nous avons débattu pendant deux heures de l'article 40 et le Gouvernement a dû résister à de fortes pressions d'une bonne partie du Sénat quand, soudainement, en dix minutes, l'amendement de M. Marini est présenté, modifié par le Gouvernement, et en passe d'être adopté. L'amendement rectifié vient de nous être distribué et je constate d'ailleurs que son objet ne correspond plus au texte même de l'amendement.

Sur le fond, je suppose qu'il y a eu des discussions entre le Gouvernement et les auteurs pour parvenir à cette rédaction, mais la question des niches fiscales, que M. Marini évoque régulièrement à l'occasion des lois de finances, vient d'être examinée par nos collègues députés qui ont rendu un rapport sur le sujet. Ils ont fait des propositions pour les plafonner, et je ne parle pas seulement des trois mesures prévues dans le rapport de Mme Lagarde. Le débat vient donc d'être ouvert. Or, en votant cet amendement, nous le refermerions.

Il veut fixer une norme de dépense fiscale. Et en dix minutes, on interromprait un débat qui ne fait que commencer ? Quel piège ! Nous ne sommes pas d'accord : ce serait trop facile.

M. Christian Cointat.  - La question est loin d'être anodine. Sur la forme, ce n'est pas le lieu pour une telle disposition. Elle a des conséquences que nous ne mesurons pas. Il serait dangereux de l'adopter ainsi et tout Gouvernement pourrait se retrouver dans une situation très difficile. Il y a des dérogations pour plusieurs professions, des accords professionnels. Attention, ne mettons pas le doigt dans l'engrenage d'une opération que nous ne maîtriserions plus. Mettons cela dans la loi, et pas dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je suis de plus en plus inquiet. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition du Gouvernement, mais si la Constitution devient que sais-je ?...

M. Michel Charasse.  - Un arrêté municipal ! (Rires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il faut respecter la hiérarchie des normes : on peut inscrire cette disposition dans la loi organique sur les lois de finances. La Constitution va devenir un tissu incompréhensible.

M. Christian Cointat.  - Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il faut énoncer à ce stade des principes que l'on déclinera ensuite. J'aurais envie de dire la même chose sur plusieurs des amendements suivants qui n'ont pas leur place dans la Constitution même si nous aurons à revisiter les lois organiques.

M. Eric Woerth, ministre.  - Je ne suis pas juriste et je m'interroge : la loi organique peut-elle fixer ces délais, ou le principe doit-il en être affirmé par un texte plus élevé dans la hiérarchie des normes ?

M. Nicolas Alfonsi.  - Malgré toute l'amitié que je porte habituellement à M. Marini, je ne peux pas voter cet amendement. Si, demain, un constitutionnaliste se demandait pourquoi nous avons fait entrer cette disposition dans la Constitution, il serait atterré. Les niches fiscales ? Le Gouvernement peut s'y attaquer autrement ! La loi fondamentale pose des principes généraux, elle ne fixe pas des délais pour des dérogations.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est trop beau pour être honnête -l'amendement est d'ailleurs devenu tout d'un coup très général. On vise les niches mais on ne traite pas de la politique fiscale. Pourra-t-on remettre en cause l'exonération de redevance télévisuelle pour les vieux ? Débattons plutôt de l'efficacité de la politique fiscale !

M. Philippe Marini.  - Les choses ne sont pas mûres car nous sommes attachés à notre clientélisme, à nos dérogations, à nos dégrèvements, aux cas particuliers et que l'on crée sans aucun complexe des trous dans les assiettes fiscales. Continuons de faire des cadeaux...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'arroseur arrosé !

M. Philippe Marini.  - ... et refusons ce minimum de discipline, de méthode !

Alain Lambert a fort opportunément rédigé cet amendement et je m'y suis associé, parce qu'il est utile et vertueux. Vous pouvez rire parce qu'un parlementaire arrive de temps en temps à faire passer un amendement, mais ne venez pas me dire dans d'autres débats que vous respectez les finances publiques (mouvements divers sur plusieurs bancs), car l'on se bornait ici à une règle de péremption en cinq ans -c'est long, cinq ans !- des règles dérogatoires, en se contraignant à les réexaminer. C'est un principe général et un principe d'égalité. Mais le jeu conjugué de tous les conservatismes, de tous les clientélismes, de toutes les provinces, de toutes les professions est tel qu'on ne peut faire voter un tel amendement : il est retiré. (M. Laurent Béteille applaudit ; rires sur les bancs CRC)

L'amendement n°310 rectifié bis est retiré.

Article 11

L'article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir. » ;

3° Dans le cinquième alinéa, après les mots : « l'amnistie ; », sont insérés les mots : « la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l'article 66 ; »

4° Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. » ;

5° L'avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.

« Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

M. le président.  - Amendement n°302 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Marini, Badré, de Montesquiou, Gaillard et Bourdin, Mme Keller et MM. Charasse, Dallier, Dassault, Doligé, Ferrand, Fréville, Girod, C. Gaudin, Gouteyron, Jégou, Longuet et Guené.

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Avant l'antépénultième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions relatives aux recettes des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale font l'objet d'un projet de loi de finances publiques. Une loi organique précise l'allocation de ces ressources. » ;

M. Jean Arthuis.  - Cet amendement vise à aider le Parlement en allant jusqu'au bout de la démarche de MM. Migaud et Lambert, qui ont souligné l'opportunité d'apprécier globalement les prélèvements obligatoires : nous voulons regrouper en un document unique les ressources du budget de l'État, celles de la sécurité sociale, celles qui sont affectées à l'Europe et celles des collectivités territoriales. Les ressources de la protection sociale sont aujourd'hui de plus en plus de nature fiscale et de moins en moins composées de cotisations ; les ressources fiscales représentent le tiers du budget du régime général et je prédis qu'à échéance rapprochée il faudra aller bien au-delà pour retrouver la compétitivité.

Je ne suis pas sûr que le texte de l'amendement soit totalement achevé mais, sans prendre le risque d'ouvrir un large débat, je souhaiterais connaître l'avis du rapporteur et du ministre.

M. le président.  - Amendement n°312 rectifié, présenté par MM. Lambert et Charasse.

Avant le 5° de cet article, insérer les cinq alinéas suivants :

...° Les dix-neuvième et vingtième alinéas de l'article 34 de la Constitution sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances :

« - déterminent les ressources et les charges de l'État ;

« - déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global de ses dépenses.

« Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l'équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

M. Michel Charasse.  - J'ai cosigné cet amendement parce que M. Lambert ne pouvait être là ce soir et parce qu'il reprend celui que M. Migaud avait déposé à l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq.  - Pas tout à fait.

M. Michel Charasse.  - L'article 34 de la Constitution n'a pas tiré toutes les conséquences de la création des lois de financement de la sécurité sociale. Alain Lambert et Didier Migaud, co-auteurs de la nouvelle loi organique, proposent simplement de préciser que les lois de finances fixent les conditions générales de l'équilibre financier. Elles envisageront ainsi l'ensemble des ressources de l'État et du régime général.

M. le président.  - Amendement identique n°451, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Nicole Bricq.  - La lecture distincte du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale empêche le Parlement de jouer pleinement son rôle de contrôle. Elle permet au Gouvernement, de changements de périmètre en créations de niches fiscales non compensées, de donner toute la mesure de son inventivité. D'où notre amendement, qui ne modifie pas les compétences respectives du Gouvernement, du Parlement et de ses commissions des affaires sociales.

Reste la question des dépenses et de leur adéquation aux recettes ; c'est là que notre amendement diffère du précédent. Nous préférons faire mention d'objectifs de dépenses plutôt que de plafond de dépenses. On peut considérer que les dépenses d'assurance maladie sont de la pure consommation médicale, qu'on ne peut reporter sur les générations futures ; mais interdire tout déficit revient à les bloquer à un niveau dont l'optimum est très difficile à estimer. Tant que la question n'est pas posée clairement aux Français, nous considérons que l'augmentation des dépenses de santé relève de leur choix collectif.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La fusion des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale peut apparaître comme une clarification. Mais les deux textes répondent à des logiques différentes d'affectation des dépenses. La commission s'en remettra à l'avis du Gouvernement sur cette question importante pour nos finances publiques.

M. Eric Woerth, ministre.  - Le format actuel des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale est récent. S'il faut coordonner, il m'apparaît opportun de conserver deux textes séparés.

Ces derniers sont élaborés en pleine cohérence, par des équipes coordonnées ; ils sont défendus par le même ministre, bâtis sur les mêmes hypothèses macroéconomiques ; le débat d'orientation budgétaire en traite simultanément. En dépenses, la cohérence est assurée par les annexes, qui retracent notamment les mécanismes de compensation des exonérations de charges sociales. Fusionner leurs parties « recettes » remettrait en cause la saisine obligatoire des partenaires sociaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J'ajoute que le cadrage annuel des finances publiques est réalisé de manière globale et qu'un prochain texte prévoira une programmation pluriannuelle des finances publiques, qui assurera la cohérence entre budget de l'État et budgets sociaux. Il importe de conserver à chacun des deux textes sa spécificité.

M. Alain Vasselle.  - Très bien !

M. Jean Arthuis.  - C'est vous, monsieur le ministre des comptes publics, qui nous avez encouragés ! Mais je peux comprendre que les dispositions pratiques ne soient pas encore tout à fait au point. Sans doute une loi pluriannuelle des finances publiques permettra-t-elle de procéder à la nécessaire consolidation. S'agissant des recettes, l'exercice est à portée de main. Je retire mon amendement.

L'amendement n°302 rectifié est retiré.

M. Eric Woerth, ministre.  - Cette consolidation apparaîtra si la future loi de programmation pluriannuelle des finances publiques est votée par le Parlement.

M. Michel Charasse.  - Vous avez la chance, monsieur le ministre -c'est une conquête importante mais au devenir aléatoire- d'être en charge des comptes publics et d'avoir, grâce à cela, une vision globale. Tel n'est pas notre cas. Or le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, surtout au moment où la France doit faire des efforts considérables de gestion de ses finances publiques, doit être cohérent. Je me crois autorisé à retirer l'amendement de M. Lambert.

L'amendement n°312 rectifié est retiré.

Mme Nicole Bricq.  - Je constate que les efforts que j'ai déployés pour rassurer M. Vasselle ont été vains. Je constate aussi, je le dis sans colère, que l'affaire n'est pas mûre. Après avoir entendu le Gouvernement et l'annonce d'une loi de programmation pluriannuelle, je retire mon amendement.

L'amendement n°451 est retiré.

M. Alain Vasselle.  - Grande sagesse !

M. le président.  - Amendement n°301 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, About, Marini, Vasselle, Badré, de Montesquiou, Gaillard, Bourdin, Charasse, Dallier, Dassault, Doligé, Ferrand, Fréville, Girod, C. Gaudin, Jégou, Lambert, Longuet, du Luart et Guené.

Après le 4° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'antépénultième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures entrent en vigueur lorsqu'elles sont validées par une loi de finances.

« Les mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions concourant au financement de la protection sociale ainsi que les mesures de réduction ou d'abattement de l'assiette de ces cotisations et contributions entrent en vigueur lorsqu'elles sont validées par une loi de financement de la sécurité sociale. » ;

M. Jean Arthuis.  - Le moment de la pleine lucidité en matière fiscale et sociale, ce sont le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, votre rigueur, monsieur le ministre, qui prive les autres membres du Gouvernement des moyens qu'ils estiment nécessaires pour assurer l'application des lois qu'ils soumettent au Parlement, les fait souvent céder à la tentation de consentir des dépenses fiscales ou sociales, sous la forme d'exonérations, d'abattements, de déductions.

L'idéal eût été de prohiber toute mesure fiscale ou sociale en dehors des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. A défaut, nous demandons que les mesures adoptées ne deviennent effectives qu'après avoir été validées en loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Cette initiative conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des finances vise à ce que le Parlement exerce son vote en pleine connaissance de cause.

M. le président.  - Amendement n°447, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le vingtième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ainsi que celles relatives à l'assiette des cotisations sociales ne peuvent figurer dans d'autres lois que les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, sauf dérogations prévues par une loi organique. » ;

Mme Nicole Bricq.  - Il s'agit de permettre au Parlement de prendre la mesure de toute disposition visant les impositions de toute nature et l'assiette des cotisations sociales dans les véhicules prévus à cet effet, loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. Nous sommes trop souvent mis devant le fait accompli : ainsi, le plan de cohésion sociale de M. Borloo a augmenté la dotation de solidarité urbaine jusqu'en 2009, mesure certes louable, mais nous avons appris dans le projet de loi de finances ultérieur que c'était au détriment de la dotation globale de fonctionnement ! La pratique n'est pas occasionnelle : le projet de loi de modernisation économique en offre un nouvel exemple...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cette méthode serait cohérente en effet, mais il est parfois souhaitable de prévoir tout le dispositif dans la loi initiale, a fortiori les dispositifs fiscaux ! Que vaudrait une loi sur les successions sans mesures fiscales ? La rédaction, selon laquelle les règles entrent en vigueur une fois « approuvées » par la loi de finances, peut cependant être améliorée. Enfin, un tel dispositif a-t-il sa place à l'article 34 de la Constitution ? Ne relève-t-il pas plutôt des articles 47 et 47-1 relatifs aux lois de finances et de financement ? Sagesse, en attendant l'avis du Gouvernement.

M. Eric Woerth, ministre.  - L'amendement n°301 rectifié est important. Il y a longtemps que l'on songe à rapatrier en loi de finances les mesures financières votées dans des textes divers. La rédaction du président Arthuis a ma préférence. Nous préférerions toutefois que la validation n'empêche pas la mesure de s'exécuter, ce qui éviterait au Gouvernement de déposer collectif sur collectif... Faute de validation en loi de finances ou de financement, la mesure tomberait. Si vous ne souhaitez pas modifier la rédaction, avis de sagesse.

M. Jean Arthuis.  - Je substitue « valider » à « approuver » dans les deux alinéas. La navette permettra de lever les ambiguïtés éventuelles. Mais le souhait du ministre me laisse perplexe : il sera difficile de remettre en cause en loi de finances une disposition qui aura déjà produit ses premiers effets ! Le Gouvernement, comme le Parlement, a besoin d'autodiscipline. Pourquoi ne pas présenter autant que de besoin des lois de finances rectificatives, qui seront l'occasion de remettre les compteurs à jour et de valider les choix sociaux et fiscaux du législateur ?

M. le président.  - C'est l'amendement n°301 rectifié bis.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Sagesse, comme le Gouvernement...

Mme Nicole Bricq.  - Je me rallie à l'amendement du président Arthuis, et je fais confiance à la navette...

L'amendement n°447 est retiré.

M. Alain Vasselle.  - Je me réjouis de voter cet amendement, dont je suis cosignataire, avec le président About. La commission des affaires sociales n'a jamais été opposée à une approche globale des comptes publics. Désormais, un seul ministre a la responsabilité des comptes de l'État et de la sécurité sociale : c'est un précédent heureux, dont les futurs gouvernements devront s'inspirer. Je regrette toutefois que l'amendement précédent n'ait pas fait l'objet d'une concertation avec la commission des affaires sociales...

J'ai suffisamment dénoncé la non-compensation d'exonérations de cotisations sociales décidées au fil de l'eau, au détriment des comptes sociaux -même si le déficit tend à se résorber dans certaines branches. Cet amendement reprend une initiative adoptée par la Haute assemblée dans la loi organique. A l'époque, le Gouvernement nous avait opposé le risque d'inconstitutionnalité et émis un avis de sagesse... Je rappelle que les exonérations représentent 30 milliards d'euros, et les assiettes, 40 milliards ! La commission des affaires sociales s'est donc associée à la commission des finances sur cet amendement ; j'espère que le Sénat nous suivra.

M. Philippe Marini.  - C'est une avancée importante. La loi de finances comme la loi de financement sont privées d'une partie significative de leur substance si des décisions ayant un impact sur le solde des finances publiques sont prises dans des textes sectoriels ; il faut en apprécier les conséquences en fonction d'une analyse globale des ressources et des charges de l'État et de la sécurité sociale.

Certains auraient voulu aller plus loin. Malgré les propos désagréables qu'ont tenus ses membres à l'égard de mon amendement, je salue l'amendement n°447 du groupe socialiste, qui affirmait encore plus clairement le domaine exclusif de la loi de finances et de la loi de financement. On peut siéger sur des bancs opposés et partager une même vision de l'État !

L'amendement n°301 rectifié bis est un réel progrès. Il clarifie la hiérarchie des textes. Sans rien retirer à l'initiative législative, gouvernementale ou parlementaire, il précise que les grands équilibres sont appréciés lors des rendez-vous annuels que sont la loi de finances et la loi de financement.

On ne devrait valider que ce qui entre dans des buts macroéconomiques.

Je me réjouis, dans mon combat parfois un peu solitaire, de l'accueil fait à cet amendement, de l'avis de sagesse exprimé, avec modération, par le président de la commission des lois et du soutien que le Gouvernement, lui, apporte à cette disposition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si je comprends bien, cet amendement rend virtuel tout débat parlementaire en attendant ceux de novembre et décembre. Nous ne le voterons pas.

L'amendement n°301 rectifié bis est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'en appelle à l'esprit de concision de nos collègues. Il nous reste encore beaucoup d'amendements à examiner et nous n'avons voté que 5 des 35 articles de ce texte constitutionnel. Nous ne sommes pas des imbéciles, nous comprenons vite, il est donc inutile de développer à l'excès. (M. Bernard Frimat approuve)

L'amendement n°388 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et A. Boyer.

I. - Au début du deuxième alinéa du 5° de cet article, ajouter les mots :

Sous réserve des lois organiques prévues aux articles 47 et 47-1

II. - Au début du dernier alinéa du même 5°, ajouter les mots :

Sous les mêmes réserves,

M. Michel Charasse.  - Amendement de pure forme qui précise que les lois de programmation doivent respecter le domaine et le contenu des lois organiques sur les lois de finances et sur les lois de financement de la sécurité sociale.

M. le président.  - Amendement n°190, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'équilibre budgétaire pose la question essentielle des niches fiscales, c'est-à-dire de la politique de défiscalisation compétitive menée depuis des années et jamais évaluée. Les lois de finances successives ont adopté beaucoup de dispositions fiscales dérogatoires qui ont asséché les finances de l'État. Le rapport de l'Assemblée nationale estime cette moins-value fiscale à 23 milliards d'euros, chiffre à comparer au déficit budgétaire de 2007. Dérogations et exonérations fiscales ont été accordées à fonds perdus, sans effet sur la croissance ni sur l''emploi.

Au chapitre des dépenses, on a substitué la contribution de l'État à celle des entreprises exonérées de cotisations sociales, pour un montant de 31 milliards. Ce ne sont pas les 35 heures qui ont coûté cher...Nous rejetons l'article 34 de la Constitution tel que modifié par les députés.

M. le président.  - Amendement identique n°449, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Nicole Bricq.  - L'Assemblée nationale a ajouté un alinéa qui présente trois défauts. Il arrive inopinément dans la loi fondamentale, alors que le comité Balladur n'avait pas traité ce sujet. Sa rédaction est confuse. L'interprétation qui peut en être faite est dangereuse. En revanche, cet alinéa appelle un vrai débat. Pourquoi notre pays est-il plus affecté que les autres par les déséquilibres budgétaires ? Des règles contraignantes sont-elles efficaces et souhaitables alors que la succession des cycles économiques peut faire varier la politique budgétaire selon les circonstances ? Ce débat nécessaire n'est pas abordé.

M. le président.  - Amendement n°108 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit le dernier alinéa du 5° de cet article :

« Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Rédactionnel et je demande la priorité pour cet amendement.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

L'amendement n°85 n'est pas défendu, non plus que les amendements n°s309 rectifié, 277 rectifié et 401.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte et A. Boyer.

Dans la dernière phrase du dernier alinéa du 5° de cet article, remplacer les mots :

des administrations publiques

par les mots :

des recettes et des dépenses publiques et sociales

M. Michel Charasse.  - La rédaction était trop restrictive pour couvrir l'ensemble des dépenses publiques et sociales.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable à tous ces amendements.

M. Eric Woerth, ministre.  - Avis défavorable à tous ces amendements sauf à celui de la commission.

L'amendement n°108 rectifié est adopté.

En conséquence, les amendements n°s18 rectifié bis, 190, 449 et 19 rectifié bis deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°380 rectifié bis, présenté par MM. Lambert, du Luart et Charasse.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A compter de l'exercice de l'année 2012, les comptes publics de la France sont exécutés en équilibre, conformément aux engagements pris par la France auprès de ses partenaires de l'Union Européenne. L'application de cette règle tient compte du cycle économique. »

M. Michel Charasse.  - Tout à l'heure, j'ai accepté de suppléer ce soir notre collègue Lambert pour défendre cet amendement. Du point de vue rédactionnel, je pense qu'on aurait pu se dispenser d'écrire « en équilibre » parce que, si un jour le comité Juncker décidait d'apporter quelques assouplissements à la politique budgétaire des États, nous serions alors plus royalistes que le roi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - S'il faut aller vers l'équilibre des finances publiques, faut-il, pour autant, inscrire dans la Constitution une règle aussi contraignante ? Ce serait dangereux en cas de déficit imposé par un grave retournement de conjoncture. Le budget devrait-il alors être annulé par le Conseil constitutionnel ? Le Parlement serait dessaisi de ses prérogatives. Mieux vaut retenir un cadre pluriannuel des finances publiques, ce que nous venons de faire, et c'est un progrès. Avis défavorable.

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Or, le cadre pluriannuel trace des perspectives qui intègrent cet objectif. Par conséquent, avis défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis : l'objectif est là, c'est déjà bien !

M. Jean Arthuis.  - Pourquoi ne pas préciser que l'emprunt peut contribuer à l'équilibre ?

M. Michel Charasse.  - Plusieurs amendements ont fait allusion à la notion d'équilibre. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la Constitution. Cette notion figure déjà à l'article qui approuve le traité de Maastricht et qui autorise la ratification des traités européens. (Marques d'approbation)

L'amendement n°380 rectifié bis est retiré.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 20 juin 2008, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 20 juin 2008

Séance publique

À 9 HEURES 45, À 15 HEURES ET LE SOIR,

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 365, 2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Vème République.

Rapport (n° 387, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Avis (n° 388, 2007-2008) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Philippe Richert un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 389, 2007-2008) (urgence déclarée).

- M. Serge Dassault un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et du réseau de l'assurance chômage (Unédic).

- Mme Jacqueline Alquier et M. Claude Biwer un rapport d'information fait au nom de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur le niveau d'équipement de la France en infrastructures de transports et ses conséquences sur le désenclavement des régions françaises.