EXAMEN EN COMMISSION

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MARDI 13 FÉVRIER 2024

M. François-Noël Buffet, président. - Nous sommes réunis ce matin pour examiner le rapport pour avis de Françoise Dumont sur le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement porte une ambition à laquelle je vous propose de souscrire pleinement, à savoir moderniser les outils aux mains des collectivités territoriales et des opérateurs, pour leur permettre d'intervenir le plus en amont possible et, ainsi, prévenir la dégradation des copropriétés. L'enjeu est de taille : 40 % des Français vivent dans une copropriété et le Gouvernement évalue à plus de 114 000 le nombre de copropriétés « particulièrement fragiles ».

La rénovation de ces dernières peut en effet être freinée par des difficultés inhérentes à l'habitat collectif, telles que le coût élevé des travaux, la nécessité de parvenir à une majorité lors de l'assemblée générale de la copropriété, la concentration d'une population défavorisée ou encore le blocage des résolutions par des « marchands de sommeil ». Or l'intervention des pouvoirs publics lorsque le bâtiment est irrémédiablement dégradé peut parfois s'étaler sur une vingtaine d'années, en raison tant de blocages locaux que de la complexité à mobiliser les outils existants. Il était donc nécessaire de légiférer.

Tel que transmis au Sénat par l'Assemblée nationale, le projet de loi comporte quarante-six articles, dont dix-neuf sur lesquels notre commission s'est saisie pour avis, la commission des affaires économiques étant saisie au fond. Ces dix-neuf articles traitent principalement du droit de l'expropriation pour cause d'utilité publique, du droit des copropriétés et du droit pénal.

Lors de mes travaux, j'ai veillé tout particulièrement à la proportionnalité des mesures proposées, notamment au regard du respect du droit de propriété, garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Je vous propose de considérer, dans l'ensemble, que le texte atteint un équilibre satisfaisant entre la facilitation des opérations de rénovation, qui constitue un motif sérieux d'intérêt général, et l'accompagnement des copropriétaires en difficulté, y compris ceux qui seraient récalcitrants. Suivant cette démarche constructive, je vous propose d'émettre un avis favorable à quinze des dix-neuf articles dont nous sommes saisis et d'adopter vingt-deux amendements, qui visent principalement à rendre plus opérationnels les outils prévus par le texte.

Compte tenu de l'ampleur du texte, je vous épargnerai une présentation détaillée de ces dix-neuf articles et de l'ensemble des amendements, sur lesquels je reviendrai lors de leur examen.

Trois grands thèmes se dégagent des articles dont nous étions saisis.

Une dizaine d'articles visent tous à faciliter la résorption de l'habitat dégradé, en donnant de nouveaux outils aux acteurs de terrain ou en réformant les outils existants. Ces outils seront particulièrement utiles aux autorités chargées de la police de la sécurité et de la salubrité, c'est-à-dire le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d'habitat et le préfet.

J'insisterai plus spécifiquement sur trois nouvelles mesures qui me semblent de nature à renforcer la capacité d'action des autorités publiques dans leur lutte contre l'habitat dégradé.

La première, à l'article 3, consiste à créer une procédure spéciale d'expropriation pour cause d'utilité publique des bâtiments dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est remédiable, sur le modèle de la procédure dite « Vivien » qui permet déjà une expropriation sans enquête publique pour les bâtiments dont l'état de dégradation ou d'insalubrité est irrémédiable. L'objectif est ainsi d'intervenir tant qu'une rénovation est possible.

La deuxième, à l'article 10, est la possibilité de scission ou de subdivision judiciaire du syndicat d'un immeuble situé dans le périmètre d'une opération de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) ou faisant l'objet d'un plan de sauvegarde.

La troisième, aux articles 11 et 14, est l'extension de la possibilité de prise de possession anticipée à toutes les Orcod et à toutes les opérations d'intérêt national.

Il s'agit, à chaque fois, de dérogations au cadre général du droit de l'expropriation pour cause d'utilité publique ou du droit des copropriétés. Je considère cependant que ces mesures dérogatoires, qui font l'unanimité parmi les personnes et les entités que j'ai auditionnées, sont justifiées par un motif d'intérêt général sérieux, à savoir la lutte contre l'habitat dégradé. Leur objet me semble suffisamment circonscrit pour éviter un usage disproportionné, et de solides garanties des droits des propriétaires et des occupants sont prévues, en particulier le droit à l'indemnisation et au relogement. Je ne vous proposerai donc, sur ces quatre articles, que six amendements visant à améliorer les dispositifs prévus sans remettre en question les objectifs qu'ils portent. Ces amendements permettront notamment de renforcer le contrôle du juge sur ces procédures ou encore de préciser que la nouvelle procédure d'expropriation inclura les locaux à usage professionnel ou commercial, afin d'éviter toute ambiguïté quant au droit à indemnisation de leur propriétaire.

En parallèle, deux autres articles ajoutés par l'Assemblée nationale complètent plus marginalement les moyens juridiques dont disposent le maire, le président de l'EPCI ou le préfet pour exercer leurs prérogatives de police de la sécurité et de la salubrité.

L'article 9 bis B permet à ces trois autorités ou à leurs représentants d'assister aux assemblées générales des copropriétés ayant fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité. Il permet également au maire de recevoir les procès-verbaux de ces assemblées générales. L'article 12 bis permet au maire ou au président de l'EPCI de s'appuyer sur un rapport du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) ou de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA) pour fonder ses arrêtés de mise en sécurité.

Ces deux articles m'ont paru intéressants en ce qu'ils permettent au maire et au préfet de se tenir informés de la situation locale. Il semblerait cependant que, dans la pratique, ces mesures soient déjà appliquées. Je prends le parti de considérer qu'ils permettront donc de leur donner un fondement juridique et je vous proposerai deux amendements : le premier a pour objet d'étendre au préfet la possibilité de recevoir les procès-verbaux des assemblées générales des copropriétés en difficulté lorsqu'il a signé un arrêté de traitement de l'insalubrité ; le second tend à recentrer le dispositif de l'article 12 bis sur le seul risque incendie et sur les seuls Sdis.

Le second volet vise à prévenir et à gérer les difficultés d'administration et d'entretien des copropriétés. En effet, la dégradation des copropriétés résulte parfois de blocages internes aux conseils syndicaux de copropriétés ou de difficultés liées aux rapports avec le syndic. Afin de constituer un vivier de syndics expérimentés en matière d'accompagnement des copropriétés en difficulté, l'article 5 bis crée un agrément de « syndic d'intérêt collectif », qui serait délivré par le préfet à certains syndics ayant fait leurs preuves dans ce domaine. Il s'agit d'une demande très attendue sur le terrain, mais qui suscite de nombreuses incompréhensions quant à ses modalités. C'est pourquoi je vous proposerai de préciser que cet agrément ne donne pas compétence exclusive à ses bénéficiaires pour travailler sur les copropriétés en difficulté, mais qu'il s'agit uniquement d'un label attestant de compétences utiles au traitement des difficultés financières.

L'article 9 bis modifie le cadre des interactions entre le syndic et les copropriétaires, dans un double mouvement de renforcement des obligations reposant sur le premier et de simplification des modalités de communication des notifications. Sur le premier point, cet article impose notamment au syndic de donner « sans délai » au président du conseil syndical accès aux comptes et aux opérations bancaires de la copropriété. Il uniformise également les procédures applicables pour résilier le contrat de syndic, le droit en vigueur prévoyant des délais différents selon que la résiliation est demandée par le syndic ou le conseil syndical. Enfin, il systématise la dématérialisation des communications des notifications et des mises en demeure, la voie postale devenant, à l'inverse de la situation actuelle, l'exception.

Sur cet article, je vous proposerai d'adopter deux amendements. Le premier tend à supprimer l'accès « sans délai » aux comptes et aux opérations bancaires, d'une part parce qu'il est en partie satisfait par le droit en vigueur, qui prévoit l'accès numérique aux relevés périodiques des comptes bancaires de la copropriété, et, d'autre part, parce qu'il s'agit d'une contrainte de gestion disproportionnée à la charge du syndic. Le second amendement vise à supprimer la dématérialisation systématique des communications entre le syndic et les copropriétaires. L'état actuel du droit me semble, en effet, préférable : les notifications par voie électronique sont valables, mais le copropriétaire doit faire connaître son accord exprès pour ce mode de communication. Cette façon de procéder est plus protectrice des copropriétaires, en particulier compte tenu de la part encore élevée d'illectronisme parmi la population.

Enfin, toujours sur ce deuxième volet, l'article 9 ter vise à abaisser les seuils de majorité pour la réalisation de travaux d'économie d'énergie et à élargir les possibilités pour un copropriétaire de faire des travaux à ses frais sur des parties communes, sauf opposition d'une majorité des copropriétaires en assemblée générale, le vote n'étant cependant pas exigé pour les travaux sur la toiture. Je considère que cet assouplissement est démesuré et pourrait entraîner le passage en force de travaux, souvent coûteux, malgré le désaccord d'une part significative, voire majoritaire, des copropriétaires. C'est pourquoi je vous proposerai de supprimer cet article.

J'en viens désormais au troisième et dernier volet sur lequel notre commission s'est saisie pour avis, à savoir les dispositions pénales visant à mieux lutter contre les marchands de sommeil. L'article 8 bis A inscrit dans le code de procédure pénale la possibilité pour les notaires de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire de tout acquéreur personne morale, les notaires étant tenus de surveiller le respect des interdictions d'acquisition susceptibles d'être prononcées contre un marchand de sommeil. Cependant, il ne m'est pas apparu nécessaire de légiférer sur ce point, qui est déjà satisfait.

Les articles 8 ter et 8 quater A remplacent le délit de soumission d'une personne vulnérable à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, puni de cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, par un délit de mise à disposition moyennant contrepartie d'un hébergement contraire à la dignité humaine, puni de sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende, et augmentent les sanctions en cas de circonstances aggravantes.

Je partage bien évidemment l'objectif de mieux lutter contre les marchands de sommeil. Cependant, la récente loi dite « immigration » a aggravé les sanctions prévues en cas de non-respect des dispositions particulières applicables aux propriétaires de logements insalubres. De plus, la rédaction proposée pose des difficultés au regard de l'échelle des peines. C'est pourquoi je vous proposerai de supprimer ces deux articles.

En revanche, l'article 8 bis B, qui prévoit une peine complémentaire d'impossibilité pour une durée de quinze ans au plus pour les marchands de sommeil de faire l'acquisition d'un bien immobilier autre que leur résidence principale et l'article 8 quater, qui instaure une sanction frauduleuse de contrats de location, me semblent tout à fait opportuns. Je vous proposerai de nouvelles rédactions, essentiellement destinées à mieux insérer les dispositifs juridiques au sein des dispositions existantes.

Pour finir, je tiens à souligner la qualité du travail effectué avec Amel Gacquerre, rapporteure pour la commission des affaires économiques. Nous avons effectué la plupart des auditions en commun et nous partageons l'immense majorité des constats et des propositions d'amendements sur ces dix-neuf articles. Cette coopération fructueuse a permis de capitaliser sur les domaines d'expertise de nos deux commissions. Je suis convaincue que le texte qui sera adopté par le Sénat sera un texte utile, qui répondra aux attentes des acteurs de terrain, notamment les élus locaux, et renforcera l'arsenal juridique en faveur d'un habitat digne, en particulier dans le contexte actuel de crise aiguë de l'immobilier.

M. Alain Marc- Je félicite la rapporteure pour son travail. Partant du constat de la dégradation de l'état de nombreuses propriétés, ce projet de loi s'inscrit dans les court et moyen termes. Prévoit-on de travailler plus en amont, afin de ne pas faire le même constat dans trente ou quarante ans ? Ne pourrions-nous pas imposer aux syndics de faire des provisions pour obsolescence dès la construction d'un immeuble neuf ? Cela nous épargnerait de légiférer de nouveau sur l'habitat indigne.

Mme Audrey Linkenheld- Notre groupe se félicite de ce projet de loi. Nous souscrivons à un grand nombre de ses propositions, même si d'autres nous laissent plus sceptiques.

Je félicite à mon tour la rapporteure pour la clarté de sa présentation sur ce sujet particulièrement complexe. Ce projet de loi n'est pas le premier à traiter de l'habitat dégradé. Il fait suite notamment à la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), qui a représenté une grande avancée. Cette loi a notamment précisé, en effet, ce qui relevait de la provision et du fonds de prévoyance, et veillé à l'équilibre entre, d'une part, le droit constitutionnel de propriété et, d'autre part, la nécessité d'anticiper la dégradation des logements.

La loi était elle-même inspirée de travaux sénatoriaux, notamment de ceux de Claude Dilain. Il me paraît tout à fait intéressant, dix ans plus tard, d'y apporter des compléments.

En matière de lutte contre le logement dégradé, notre vision n'est pas uniquement de court terme. Les gouvernements successifs et le Parlement ont eu l'occasion de se pencher sur ce sujet ; je crains qu'ils ne le fassent encore à d'autres reprises, même après l'adoption du présent projet de loi.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. -Il n'est pas prévu de solliciter des provisions pour dégradation. En revanche, il vous est encore possible de déposer un amendement de séance sur le sujet. Je rappelle par ailleurs que plusieurs dispositions du projet de loi ont pour objet, comme je viens de l'énoncer, de prévenir et d'anticiper les difficultés des copropriétés.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 3

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-123 procède à une coordination avec l'article 12, afin d'inclure les locaux à usage professionnel ou commercial au sein du dispositif prévu à l'article 3. Cette inclusion permettra de sécuriser l'indemnisation des propriétaires de ces locaux en cas d'expropriation, la jurisprudence n'étant pas stabilisée sur ce point.

L'amendement COM-123 est adopté.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale visant à permettre au procureur de la République de placer sous séquestre le montant de l'indemnité d'expropriation des marchands de sommeil avant sa confiscation définitive par le juge est intéressant, mais nécessite des ajustements pour être conforme aux exigences constitutionnelles. C'est pourquoi je vous propose, par l'amendement COM-124, qu'il soit fait recours au juge des référés.

L'amendement COM-124 est adopté.

Article 3 bis A (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Par l'amendement COM-116, je vous propose, d'une part, d'imposer au Gouvernement de procéder à un réel suivi de l'expérimentation issue de la loi Alur et, d'autre part, de supprimer la nouvelle expérimentation que prévoyait le 2° de l'article 3 bis A, qui soulève plus d'ambiguïtés et de difficultés pratiques et juridiques qu'elle ne présente d'avantages.

L'expérimentation permettant de n'exproprier que des parties communes n'a pas été mise en oeuvre au cours de ces dix dernières années, notamment parce qu'elle n'a fait l'objet d'aucun suivi ni d'aucune mesure d'accompagnement de la part de son initiateur, c'est-à-dire le Gouvernement. Pour nous éviter de proroger inutilement cette expérimentation, un suivi s'impose !

Par ailleurs, la rédaction de cet article, qui prévoit une nouvelle expérimentation s'apparentant à une hypothèque sur les parties communes de l'immeuble, manque de clarté. Elle me semble dangereuse, car elle pourrait accroître les difficultés des copropriétaires qui verraient la valeur de leur bien baisser.

En outre, compte tenu de l'inapplication de l'expérimentation votée en 2014, il convient avant tout de veiller à la bonne mise en oeuvre de cette première expérimentation avant de multiplier des dispositifs expérimentaux inaboutis, qui ont peu de probabilité d'être mobilisés par les acteurs concernés.

Mme Audrey Linkenheld. - Cet amendement témoigne d'une mauvaise interprétation de la situation. Certes, l'expérimentation permise par la loi Alur n'a pas encore été mise en oeuvre de manière concrète, mais de nombreux acteurs y réfléchissent très sérieusement. C'est la raison pour laquelle une extension est proposée.

Vous avez dit vous-même qu'il était complexe de mobiliser les outils existants. Celui-ci n'est pas simple, mais il n'a pas fait l'objet d'un abandon ni d'un immobilisme. Il ne s'est pas rien passé depuis dix ans. Au contraire, les organismes de foncier solidaire, notamment, se sont portés candidats pour être les porteurs de ces parties communes en cas d'expropriation.

Vous le savez, les organismes de foncier solidaire sont liés notamment au bail réel solidaire, que Gouvernement et parlementaires aimeraient étendre aux logements intermédiaires, voire aux logements libres. Il serait, selon moi, particulièrement malvenu et contre-productif de supprimer maintenant cette expérimentation. Nous nous opposerons donc à cet amendement. C'est précisément maintenant que nous avons besoin de prolonger cette expérimentation.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Je ne me suis pas bien fait comprendre : il s'agit non pas de supprimer l'expérimentation de la loi Alur, mais de conditionner sa prorogation à un suivi plus approfondi. L'expérimentation que nous proposons de supprimer est une nouvelle expérimentation, distincte de celle prévue par la loi Alur, qui a été ajoutée lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

Mme Audrey Linkenheld- Certes, mais l'encadrement vient empêcher son extension.

L'amendement COM-116 est adopté.

Article 5 bis (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-114 procède à une clarification rédactionnelle afin de préciser que l'agrément de syndic d'intérêt collectif n'est pas une condition exclusive pour intervenir dans les copropriétés en difficulté, les syndics sans agrément pouvant toujours y assurer leurs fonctions.

Lors de mes auditions, je me suis en effet aperçue que ce nouvel agrément faisait l'objet de confusion de la part des acteurs concernés, y compris les syndics.

L'amendement COM-114 est adopté.

Article 8 bis A (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'article 8 bis A entend inscrire dans le code de procédure pénale la possibilité pour les notaires de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire de tout acquéreur personne morale.

Il s'agit de leur permettre d'assurer l'obligation qui leur est faite par l'article L. 551-1 du code de la construction et de l'habitation de surveiller le respect des interdictions d'acquisition susceptibles d'être prononcées contre un marchand de sommeil. Cependant, la nécessité juridique de cette mesure a fait l'objet d'analyses divergentes au cours des auditions. Concrètement, la Chancellerie nous a dit que tout cela était déjà possible en l'état du droit. Il paraît préférable de s'en assurer d'ici la séance, notamment au regard de la possibilité qu'ont déjà les notaires de consulter le bulletin n° 2 des personnes physiques. À ce stade, je vous propose donc, par l'amendement COM-127 de supprimer cet article.

L'amendement COM-127 est adopté.

Article 8 ter (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'article 8 ter remplace le délit de soumission d'une personne vulnérable à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, par un délit de mise à disposition moyennant contrepartie d'un hébergement contraire à la dignité humaine, puni de sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende, et augmente les sanctions en cas de circonstances aggravantes.

Tout en partageant l'objectif de mieux lutter contre les marchands de sommeil, on doit constater que la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a tout récemment aggravé les sanctions prévues à l'article L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation en cas de non-respect des dispositions particulières applicables aux propriétaires de logements insalubres.

De plus, la rédaction proposée pose des difficultés au regard de l'échelle des peines. Elle aboutirait à réprimer plus sévèrement la mise à disposition d'un logement indigne pour toute personne autre que les personnes vulnérables. Elle sanctionnerait également plus sévèrement le logement indigne que l'exploitation du travail dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine, ce qui est contestable.

Il vous est donc proposé, par l'amendement COM-128, de supprimer cet article.

L'amendement COM-128 est adopté.

Article 8 quater A (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - La suppression proposée par l'amendement COM-129 est la conséquence de celle qui a été proposée à l'article 8 ter.

L'amendement COM-129 est adopté.

Article 8 quater B (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'article 8 quater B prévoit une peine complémentaire de quinze ans d'interdiction d'achat de certains biens immobiliers pour les marchands de sommeil. L'amendement COM-126 rejoint cet objectif, mais augmente pour ce faire les peines déjà prévues à l'article 225-26 du code pénal. Il procède par ailleurs à une coordination à la suite de l'adoption de la loi Immigration.

L'amendement COM-126 est adopté.

Article 8 quater (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Sur le fondement de l'article 1714 du code civil, qui dispose que l'« on peut louer ou par écrit ou verbalement », la jurisprudence admet la possibilité qu'un bail soit conclu verbalement, la seule obligation étant d'élaborer un contrat écrit si l'une des parties le demande. L'article 8 quater entend sanctionner la dissimulation de bail. L'amendement COM-125 prévoit une nouvelle rédaction, afin de s'insérer au mieux dans le cadre des dispositions existantes.

L'amendement COM-125 est adopté.

Article 9 bis B (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-115 a pour objet principal d'uniformiser les deux mesures portées par l'article 9 bis B, en permettant au préfet et au président de l'EPCI compétent en matière d'habitat, et non pas seulement au maire, de recevoir les procès-verbaux des assemblées générales de copropriété, lorsqu'ils sont signataires d'un arrêté de traitement de l'insalubrité.

L'amendement COM-115 est adopté.

Article 9 bis (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'article 9 bis comporte quatre mesures qui affectent les relations entre le syndic et les copropriétaires. Deux d'entre elles me paraissent inutiles parce qu'elles sont partiellement satisfaites par le droit en vigueur et, compte tenu de leur modeste plus-value, inopportunes. Il s'agit de la fixation du contenu des appels de fonds par décret et de l'obligation, pour le syndic, d'organiser pour le président du conseil syndical la consultation sans délai des comptes et des opérations bancaires de la copropriété. Je vous propose donc, par l'amendement COM-118, de les supprimer.

L'amendement COM-118 est adopté.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'Assemblée nationale a prévu une systématisation de la dématérialisation des communications entre le syndic et les copropriétaires. Cette mesure est une demande très forte des syndics, qui souhaitent ainsi faire des économies. Le droit en vigueur, qui prévoit l'accord exprès des copropriétaires pour recevoir leurs documents de façon dématérialisée, me semble satisfaisant et plus protecteur des copropriétaires. Je rappelle que l'illectronisme concerne encore 15 % des Français. Je doute par ailleurs que les syndics répercutent réellement la baisse des coûts sur les charges de copropriété. C'est pourquoi l'amendement COM-119 tend à supprimer ces alinéas.

L'amendement COM-119 est adopté.

Article 9 ter (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-117 tend à supprimer l'article 9 ter, qui a pour objet d'abaisser les seuils de majorité en assemblée générale pour lancer des travaux et d'assouplir les conditions dans lesquelles un copropriétaire peut faire réaliser des travaux à ses frais sur les parties communes, parfois même sans vote de l'assemblée générale.

Le Gouvernement, qui avait supprimé par ordonnance en 2019 certaines de ces mesures, estime que celles-ci ont pour effet de « faire passer en force des résolutions qui n'avaient pas obtenu lors du premier vote un seuil suffisant de voix de copropriétaires composant le syndicat en leur faveur, en engendrant des frais de convocation et de tenue d'assemblée générale, voire du contentieux supplémentaire ».

Mme Audrey Linkenheld. - Nous sommes opposés à la suppression de cet article. Le terme « passage en force », qui figure dans l'objet de l'amendement, me paraît exagéré : l'assemblée générale des copropriétaires a toujours la possibilité de s'opposer, à la majorité, aux travaux. On ne s'assoit donc pas sur la voix des copropriétaires !

L'amendement COM-117 est adopté.

Article 10

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'Assemblée nationale a étendu le dispositif dérogatoire de cet article aux Opah, qui couvrent plus de 700 zones.

En comparaison, les Orcod, qui étaient ciblées par le texte initial, ne concernent actuellement que quatre quartiers, à Metz, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Sarcelles et à Argenteuil.

Au regard du respect du droit de propriété, il n'est par conséquent pas souhaitable d'étendre exagérément le dispositif dérogatoire de l'article, qui permet d'imposer aux copropriétaires la scission ou la subdivision du syndicat. C'est pourquoi je vous propose de recentrer le dispositif en remplaçant les Opah par les opérations de revitalisation de territoire, qui sont plus spécifiquement utilisées pour la rénovation des centres-villes anciens.

Mme Audrey Linkenheld. - Lorsque les Orcod ont été créées par la loi Alur, elles n'avaient pas vocation à être très nombreuses : si je me souviens bien, une quinzaine ou une vingtaine de quartiers avaient été listés. Quatre, c'est un bon début !

Il est regrettable de ne pas conserver la possibilité de scission dans les Opah, qui sont les cas les plus fréquents. La scission doit servir à faire face à d'énormes copropriétés, difficiles à gérer en cas de difficultés. Elle devrait permettre, d'une part, de faciliter la prise de décision dans chacune des copropriétés et, d'autre part, de protéger les copropriétaires dont le bien n'est pas en train de se dégrader : avec la scission, ils sont mis à l'écart de l'opération de rétablissement là où l'autre copropriété a besoin d'une intervention.

La scission est une simple faculté : on peut compter sur la capacité de discernement des professionnels pour ne pas y avoir systématiquement recours.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - La scission reste possible, pour tous types de copropriétés, sur la base du volontariat des copropriétaires. Pour rappel, l'article 10 concerne la procédure de scission judiciaire, qui s'impose donc aux copropriétaires.

L'amendement COM-120 est adopté.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-121 a pour objet de préciser que le juge n'a pas une compétence liée : il se prononce en toute indépendance sur la demande de scission ou de subdivision de la copropriété qui lui est formulée.

L'amendement COM-121 est adopté.

Article 11

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-113 prévoit que l'arrêté de prise de possession anticipée est notifié par le préfet, par dérogation à l'article 4 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics qui confie cette charge au maire.

La prise de possession anticipée est, conformément à l'alinéa 8 de l'article 11 du projet de loi, une procédure qui ne peut être mise en oeuvre que par l'État : il me paraît donc normal que ce soit son représentant qui procède à la notification.

L'amendement COM-113 est adopté.

Article 12

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Je vous propose par l'amendement COM-122 de supprimer un ajout de l'Assemblée nationale, aux termes duquel le juge judiciaire détermine le montant de l'indemnité d'expropriation « en considération d'une méthodologie nationale d'évaluation des biens définie par décret en Conseil d'État » pour les biens expropriés selon la procédure dérogatoire dite Vivien et celle qui a été créée par l'article 3 du projet de loi.

Cette mesure relève du domaine réglementaire. Par ailleurs, elle est trop ciblée.

En effet, le problème du manque d'harmonisation des évaluations des biens par le juge concerne tous les types d'expropriation, et non les seules expropriations selon les procédures dérogatoires précitées.

L'amendement COM-122 est adopté.

Article 12 bis (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'Assemblée nationale a prévu d'autoriser le maire à fonder ses arrêtés de mise en sécurité sur des rapports des Sdis et de la CCDSA.

Cette disposition est intéressante et est soutenue par les sapeurs-pompiers. Je vous propose cependant, par l'amendement COM-111, de recentrer le dispositif sur les seules situations qui concernent le risque incendie et de mobiliser seulement les Sdis, et ce uniquement dans le cadre de la police de la sécurité afin d'éviter toute instrumentalisation.

Mme Audrey Linkenheld. - Je ne suis pas sûre de bien comprendre le sens de cet amendement. En tant qu'élue de Lille, j'ai été confrontée à l'effondrement de deux immeubles en novembre 2022, qui a malheureusement causé la mort d'une personne. À la suite de cet événement, de nombreux signalements d'immeubles - plus de 300 - ont été faits, pour lesquels nous avons bénéficié du précieux concours du Sdis et des sapeurs-pompiers. Je ne vois donc pas de quelle instrumentalisation vous parlez.

Peut-être faut-il améliorer la rédaction de l'article, mais nous avons besoin des Sdis, et pas seulement pour des questions d'incendie.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Cet amendement vise à recentrer l'action des sapeurs-pompiers sur leur coeur de métier : l'urgence et le secours.

La rédaction de l'article 12 bis est trop large : la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France elle-même craint que les pompiers ne soient appelés pour des querelles de voisinage ou un ascenseur qui tombe en panne...

M. François-Noël Buffet, président. - Leur expertise en matière de sécurité pourra toujours être utilisée par le maire pour prendre les décisions nécessaires.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Tout à fait.

Mme Audrey Linkenheld. - Dans le cas de l'effondrement des immeubles survenu à Lille, c'est un jeune homme qui a appelé les pompiers après avoir vu une fissure en rentrant en pleine nuit chez lui. Comment restreindre le champ du dispositif ?

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Notre amendement vise la procédure administrative, lorsque les pompiers sont saisis par le maire, et en aucun cas les opérations de secours.

Mme Audrey Linkenheld. - Alors il n'y a pas d'instrumentalisation de relations de voisinage !

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Dans le cas que vous venez de citer, les pompiers continueront bien évidemment à intervenir : c'est une situation d'urgence.

L'encadrement que nous prévoyons correspond, je le redis, à une demande des sapeurs-pompiers. Nous voulons éviter le détournement des demandes de constat d'une situation d'insécurité.

M. François-Noël Buffet, président. - En cas de situation d'urgence, les pompiers interviendront et, sur la base de leurs constats, le maire ou l'autorité compétente prendra les décisions nécessaires.

En dehors de l'imminence d'un péril, il ne faut pas que l'administration ait systématiquement recours aux pompiers pour faire l'évaluation technique d'un bâtiment, puisqu'elle dispose d'autres moyens - je pense notamment à ses propres services techniques.

L'amendement COM-111 est adopté.

Article 14

L'amendement rédactionnel COM-112 est adopté.

Article 14 bis (nouveau)

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Les notaires m'ont fait part de leurs difficultés à identifier la totalité des indivisaires dans le cadre de successions non partagées dans les territoires ultramarins, et ce malgré le vote de la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite loi Letchimy, que notre commission avait soutenue à l'époque.

C'est pourquoi je vous propose, par l'amendement COM-108, d'autoriser le recours aux actes de notoriété pour l'établissement de la qualité d'héritier dans le cadre du règlement successoral, dans les conditions fixées et encadrées par le code civil.

L'amendement COM-108 est adopté.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-109 vise à corriger ce qui semble être une erreur dans la loi Letchimy, en supprimant le terme « judiciaire » accolé au mot « partage », afin d'inclure dans le dispositif de l'article 5 de cette loi les partages conventionnels, qui restent le mode privilégié de règlement successoral.

L'amendement COM-109 est adopté.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-110 tend à corriger une erreur matérielle.

L'amendement COM-110 est adopté.

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