II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un exercice marqué par la réalisation des objectifs de recrutement des différents plans gouvernementaux, mettant les filières de formation et de recrutement sous forte tension

Les différents plans de soutien devaient permettre le recrutement, en 2016, de 4 727 policiers et gendarmes.

Impact des principaux plans gouvernementaux sur les effectifs

(en ETPT)

Plans

Police nationale

Gendarmerie nationale

Plan de renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme (PLAT)

390

55

Plan de lutte contre l'immigration clandestine (PLIC)

530

370

Pacte de sécurité (PDS)

1 366

1 736

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'inspection générale des finances)

Comme l'indique le compte général de l'État 2016, ces plans de renfort ont principalement bénéficié aux services spécialisés (renseignement, police judiciaire et immigration).

Le schéma d'emplois réalisé en 2016 par la mission Sécurités (4 764 ETP), en nette rupture avec les schémas d'emplois antérieurs, est supérieur de 26 emplois à celui prévu en LFI (4 738 ETP).

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées depuis 2013

(en ETP)

2013

2014

2015

2016

Police nationale

LFI

288

243

243

2 438

Réalisation

- 197

822

553

2 417

Écart à la LFI

- 485

579

310

21

Gendarmerie nationale

LFI

192

162

162

2 289

Réalisation

192

173

244

2 336

Écart à la LFI

0

11

82

- 47

Total des créations d'emplois

Effectives

- 5

990

1 787

4 753

Attendues

-

-

-

4 727

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si l'exercice est donc marqué par le respect des annonces gouvernementales et des mesures votées en loi de finances initiale, ces importants recrutement ont « nécessité un effort particulier des filières de formation, les recrutements au titre de la mission passant de 19 300 en 2015 à plus de 29 000 en 2016 » 275 ( * ) . Votre rapporteur rappelle que cette mise sous tension des filières de formation n'est à terme, pas soutenable. Il est à cet égard symptomatique que les durées de scolarité aient été réduites de 12 à 8 mois pour les gendarmes et de 12 à 9,5 mois pour les policiers.

2. Malgré l'augmentation des effectifs, une inadéquation persistante entre le plafond d'emploi voté et l'exécution

L'écart entre le plafond d'emploi voté et les effectifs réels de l'exercice continue à s'accroître, alors même que les plans de recrutement auraient dû avoir pour effet de rapprocher ces deux données. Pour les deux programmes, il passe de 2 982 en 2015 à 5 230 en 2016.

Plafonds d'emplois depuis 2014

(en ETPT)

2014

2015

2016

Police nationale

LFI

143 606

145 197

147 076

Réalisation

142 767

143 982

145 570

Écart

- 839

- 1215

- 1 506

Gendarmerie nationale

LFI

97 167

97 215

99 760

Exécution

95 195

95 448

96 036

Écart

- 1 972

- 1 767

- 3 724

Total pour les deux programmes

LFI

240 773

242 412

246 836

Exécution

237 962

239 430

241 606

Écart

- 2 811

- 2982

- 5 230

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si le maintien d'un écart « frictionnel » entre effectifs et plafonds d'emplois est cependant utile afin d'absorber les décalages conjoncturels liés à l'exécution des schémas d'emplois, cet écart, lorsqu'il devient excessif, devrait avoir vocation à être ajusté de manière à se conformer au plus près à l'autorisation parlementaire.

3. Des interrogations sur la soutenabilité des dépenses de rémunération

L'augmentation des dépenses de personnel reste contenue à 1,50 % par rapport à l'exercice 2016.

Variation des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Évolution 2015-2016

Police nationale

Titre 2

8 269,3

8 421,5

8 568,3

8 692,7

8 837,9

1,67 %

Total

9 205,2

9 345,5

9 467,3

9 702,5

9 957,8

2,63 %

Titre 2 / Total

89,80 %

90,10 %

90,50 %

89,60 %

88,8 %

Gendarmerie nationale

Titre 2

6 649,5

6 825,9

6 859,4

6 908,6

6 998,1

1,30 %

Total

7 849,3

8 051,5

8 076,5

8 147,3

8 308,3

1,98 %

Titre 2 / Total

84,70 %

84,80 %

84,90 %

84,80 %

84,2 %

Total pour les deux programmes

Titre 2

14 918,9

15 247,5

15 427,6

15 601,3

15 836,0

1,50 %

Total

17 054,6

17 397

17 543,8

17 850

18 266,1

2,33 %

Titre 2 / Total

87,5 %

87,6 %

87,9 %

87,4 %

86,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette faible hausse masque toutefois d'importantes fragilités pour les exercices à venir.

En contrepartie de leur forte mobilisation, les policiers et les gendarmes ont obtenu, en avril 2016, la signature de deux protocoles leur accordant d'importantes mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations. Les coûts supplémentaires liés à ces protocoles, limités sur l'année 2016, seront particulièrement élevés sur les années 2017 à 2019 et s'échelonneront jusqu'en 2022.

La Cour des comptes, évalue leur coût supplémentaire par rapport au montant des dépenses exécutées en 2016, hors contribution au CAS « Pensions », à plus de 200 millions d'euros en 2017 et à 492,8 millions en 2019.

Variation des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Coût supplémentaire annuel hors CAS par rapport à l'exécution 2016

217,8

348,1

492,8

528,8

577,1

543,6

Coût supplémentaire annuel CAS compris par rapport à l'exécution 2016 63

430,6

692,9

979,4

1 047,0

1 061,7

1 073,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la Cour des comptes)

En plus de ces revalorisations, les facteurs suivants devraient peser sur la soutenabilité des dépenses de personnel :

- la croissance du nombre d'heures supplémentaires récupérables, dont le stock, évalué à 21,4 millions d'heures (soit 13 000 ETPT) à la fin de l'année 2016, est en augmentation de 14 % par rapport à 2015 ;

- la réorganisation en cours du temps de travail au sein des deux forces, au sujet de laquelle votre rapporteur spécial a d'ores et déjà formulé de fortes réserves, qui devrait avoir un effet négatif sur la disponibilité des personnels 276 ( * ) ;

- la création de la garde nationale en 2016, qui aura une incidence sur les exercices budgétaires à venir.

Face à ce risque de voir la soutenabilité des dépenses de personnel remise en question, votre rapporteur rappelle la nécessité de mettre en place des mesures de réorganisation ambitieuses.

4. Une poursuite de l'effort de rééquilibrage des dépenses de personnel avec les dépenses de fonctionnement et d'investissement

Votre rapporteur spécial avait salué, l'an passé, l'amorçage d'une diminution de la part des dépenses de titre 2 dans les dépenses des deux programmes au profit des dépenses d'investissement et de fonctionnement, contribuent à restaurer la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure .

L'exercice 2016 poursuit, à cet égard, les efforts entamés en 2015, la part des dépenses de personnel dans les dépenses totales étant ramenée de 87,9 % à 86,7 %.

Dépenses de personnel / dépense totale des deux programmes

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce constat globalement positif doit toutefois être nuancé, la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses demeurant encore à un niveau significativement plus élevé qu'en 2006.

Évolution comparée des dépenses de personnel et des autres dépenses depuis 2006

(en millions d'euros)

2006

2016

Évolution 2006 / 2016

Titre 2

12 685

15 836

24,84 %

Hors titre 2

2 641

2 430,1

- 7,99%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 14,7 % en AE et de 3,8 % en CP.

Évolution des dépenses de fonctionnement entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

Programme

Dépenses de fonctionnement 2015

Dépenses de fonctionnement 2016

Variation

Police nationale

AE

775

897

15,7 %

CP

786

841

7,0 %

Gendarmerie nationale

AE

1 143

1 302

13,9 %

CP

1 129

1 147

1,6 %

Total

AE

1 918

2 199

14,7 %

CP

1 915

1 988

3,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Surtout, les dépenses d'investissement connaissent une hausse particulièrement significative, de 15 % en AE et de 45,5 % en CP . Les investissements des deux forces ont principalement porté sur les véhicules et les opérations immobilières.

Évolution des dépenses d'investissement entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

Programme

Dépenses d'investissement 2015

Dépenses d'investissement 2016

Variation

Police nationale

AE

185

147,00

- 20,5 %

CP

168

234,00

39,3 %

Gendarmerie nationale

AE

102

183,00

79,4 %

CP

101

157,00

55,4 %

Total

AE

287,00

330,00

15,0 %

CP

269,00

391,00

45,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

5. Une sous-budgétisation et un usage contestable de la réserve de précaution

Malgré la forte croissance des crédits ouverts en loi de finances initiale, les dépenses programmées ont dépassé les crédits disponibles et les budgets prévisionnels n'ont été équilibrés que par l'usage de la réserve de précaution.

Ainsi, pour le programme « Gendarmerie nationale », les dépenses liées aux plans de renfort ont été financées par une mobilisation de l'intégralité de la réserve sur les loyers de droit commun. Pour le programme « Police nationale » , les besoins complémentaires, pourtant prévisibles, nés de la réalisation des plans gouvernementaux ainsi que de l'organisation de l'« Euro 2016 », ont été financés grâce au positionnement de la réserve de précaution sur les loyers budgétaires à hauteur de 60,9 millions d'euros (en AE et en CP), sur un total de crédits mis en réserve de 86,7 millions d'euros en AE et de 86,9 millions d'euros en CP.

À cet égard, votre rapporteur s'associe à la recommandation de la Cour des comptes pour « l'établissement d'une programmation qui comprenne l'ensemble des besoins inéluctables connus et qui respecte le principe d'affectation de la réserve de précaution au financement des seuls aléas de gestion ».


* 275 Rapport IGA-IGF « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017.

* 276 Rapport général n° 140 (2016-2017) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016.

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