Rapport n° 537 (2017-2018) de Mme Françoise GATEL , fait au nom de la commission des lois, déposé le 5 juin 2018

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N° 537

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d'une formation les qualifiant à l' exercice de ce culte ,

Par Mme Françoise GATEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

30 et 538 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 5 juin 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de Mme Françoise Gatel et établi son texte sur la proposition de loi n° 30 (2017-2018) tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d'une formation les qualifiant à l'exercice de ce culte, déposée par Mme Nathalie Goulet, M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues.

La proposition de loi vise deux objectifs principaux :

- d'une part, rendre obligatoire l'organisation sous le régime de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État pour toute association assurant l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte , supprimant ainsi la possibilité d'opter pour le régime plus souple de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- d'autre part, sous peine de sanctions pénales, restreindre la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu une formation délivrée par une instance cultuelle dont la représentativité serait reconnue par l'État , et rendre ainsi obligatoire la formation des ministres du culte, tout en définissant la notion de ministre du culte , afin de préciser le champ d'application des obligations ainsi posées.

La proposition de loi prévoit son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle pour les cultes ne relevant pas du régime concordataire, c'est-à-dire en premier lieu l'islam.

Enfin, la proposition de loi instaure des infractions pénales visant à sanctionner la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère ethnique, national, racial ou religieux ainsi que les agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme.

Après avoir évoqué l'inspiration du texte, résultant des travaux de la mission commune d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, en 2016, ainsi que la réalité des difficultés posées par le manque d'organisation de l'islam , le rapporteur a rappelé la portée des principes constitutionnels de la liberté d'association et de la liberté de culte , dans le champ desquels intervient la proposition de loi.

Le rapporteur a ensuite indiqué que les dispositions essentielles du texte soulevaient de sérieuses difficultés constitutionnelles au regard de ces deux principes , compte tenu de l'ingérence importante qu'elles impliquaient de la part de l'État dans le libre exercice des cultes et en matière de reconnaissance des cultes. Elle a également indiqué que le volet pénal du texte soulevait des difficultés au regard des principes de nécessité des peines et de légalité des délits et des peines , en raison notamment de l'existence d'infractions similaires à celles instaurées par la proposition de loi et prévoyant des peines différentes.

La commission a adopté 17 amendements , principalement à l'initiative de son rapporteur, afin de :

- supprimer les dispositions de la proposition de loi soulevant de sérieuses difficultés constitutionnelles ;

- instaurer auprès du Gouvernement un conseil consultatif des cultes , pour favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes ;

- instituer dans la loi une obligation de formation pour les aumôniers intervenant dans les services publics pénitentiaires, hospitaliers et militaires ;

- créer une circonstance aggravante pour sanctionner certains délits commis dans le cadre de l'exercice d'un culte .

Le rapporteur a cherché à respecter les intentions des auteurs de la proposition de loi, tout en retenant d'autres dispositifs.

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée , en retenant en conséquence l'intitulé suivant : « proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain ».

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Déposée en octobre 2017 par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt, aujourd'hui inscrite à l'ordre du jour du Sénat à l'initiative du groupe Union Centriste, la proposition de loi (n° 30, 2017-2018) tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d'une formation les qualifiant à l'exercice de ce culte, soumise à l'examen de votre commission des lois, trouve son inspiration dans les travaux de la mission commune d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, dont le rapport a été présenté en juillet 2016 1 ( * ) et dont nos collègues étaient rapporteurs.

La proposition de loi vise deux objectifs principaux :

- d'une part, rendre obligatoire l'organisation sous le régime de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État pour toute association assurant l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte, supprimant ainsi la possibilité d'opter pour le régime plus souple de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- d'autre part, sous peine de sanctions pénales, restreindre la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu une formation délivrée par une instance cultuelle dont la représentativité serait reconnue par l'État.

La proposition de loi prévoit également une application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle pour les cultes ne relevant pas du régime concordataire, c'est-à-dire en premier lieu l'islam. Elle cherche également à définir la notion de ministre du culte, de façon à préciser le champ d'application des obligations qu'elle pose.

Son exposé des motifs constate en effet que « les musulmans de France n'ont pas organisé leur culte de manière aussi hiérarchique et centralisée que d'autres religions (...), de telle sorte que les pouvoirs publics (...) ont du mal à établir et à entretenir un dialogue efficace avec les représentants de cette introuvable "communauté musulmane" ». Il ajoute que « cette situation n'est pas satisfaisante, d'autant que (...) le culte musulman est aujourd'hui exposé à des dérives et à des pratiques opaques dont les premières victimes sont les musulmans eux-mêmes », citant notamment le « recrutement d'imams véhiculant des thèses islamistes radicales » et les « prêches en langues étrangères ».

Le rapport de la mission d'information précitée relevait déjà, parmi les principales difficultés du culte musulman, « son manque d'organisation », rendant plus difficile le dialogue avec les pouvoirs publics.

L'obligation de formation des ministres du culte, qui constitue le coeur du texte, est présentée par nos collègues comme devant permettre « d'éviter le phénomène pernicieux des "imams auto-proclamés" et, plus généralement, des pseudo-prédicateurs qui, sous couvert de culte, diffusent des appels à la haine et à la violence et des messages contraires à la tolérance et au respect des valeurs républicaines », puisque chaque confession devrait « recruter [ses] ministres des cultes, salariés ou bénévoles, uniquement parmi des personnes justifiant d'une qualification cultuelle reconnue ».

Imposer une telle obligation de formation à tous les cultes, au nom du principe d'égalité, pour imposer spécialement à l'islam d'organiser la formation religieuse et théologique de ses cadres et des responsables de ses mosquées, constituerait une immixtion forte dans la liberté d'organisation de chaque culte, inédite depuis le XIX ème siècle.

Votre rapporteur discerne dans cette proposition de loi une intention analogue à celle poursuivie, il y a deux siècles, par Napoléon Bonaparte, alors premier consul, à la suite de la conclusion en 1801 du concordat avec le Saint-Siège. Cette démarche consisterait pour l'État à s'immiscer dans une confession - en l'espèce la confession musulmane - afin de la contraindre à s'organiser, compte tenu des difficultés résultant de son manque d'organisation pour la collectivité. La loi du 18 germinal an X 2 ( * ) , qui a fait application du concordat en 1802, comportait des « articles organiques » imposés unilatéralement au culte catholique - et rejetés par le pape - comme aux cultes protestants luthérien et calviniste, visant à fixer l'organisation de ces cultes. Un dispositif comparable a ensuite été appliqué au culte israélite en 1808. Si l'organisation propre à l'Église catholique n'a pas été remise en cause par ces dispositions, celles-ci ont conduit à un contrôle accru de l'État. Pour les cultes protestants et le culte israélite, elles ont imposé la mise en place des consistoires, organisation interne et territoriale adaptée aux exigences de contrôle des cultes par l'État.

Aujourd'hui, une telle immixtion dans l'organisation et l'exercice d'un culte heurterait le principe constitutionnel de la liberté de culte et ne serait pas possible sans une modification du régime constitutionnel de cette liberté et, plus largement, des principes de laïcité et de neutralité religieuse de l'État. Votre commission estime que la proposition de loi conduirait à mettre en place un contrôle par l'État de l'organisation et de l'activité des cultes que nous ignorons depuis la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.

Le rapport de la mission d'information précitée constatait au surplus qu'« un des enseignements majeurs ressortant de nos travaux est que, dans la plupart des cas, l'État a manqué sa cible en tentant de dupliquer pour le culte musulman des solutions toutes faites empruntées à l'organisation d'autres confessions ».

Si la proposition de loi soumise à sa délibération tente effectivement de remédier à une difficulté réelle, pouvant favoriser des dérives au sein de l'islam, votre commission des lois n'a pu que constater les interrogations sérieuses qui s'y opposent, tant d'un point de vue constitutionnel que sur le plan pratique. Aussi a-t-elle retenu, à l'initiative de son rapporteur, des solutions alternatives permettant de répondre aux objectifs recherchés par les auteurs du texte.

I. UNE INITIATIVE RÉPONDANT À UNE RÉELLE DIFFICULTÉ, MAIS SOULEVANT DE SÉRIEUX DOUTES SUR SA CONSTITUTIONNALITÉ COMME SUR SON EFFICACITÉ

Telle qu'elle est conçue, la proposition de loi invite à rappeler, d'une part, les exigences constitutionnelles en matière de liberté d'association et de liberté de culte et, d'autre part, la pratique des différents cultes en matière d'organisation interne et de formation des ministres du culte et autres cadres religieux. Sur ces deux aspects, votre commission observe que la proposition de loi soulève des interrogations sérieuses, tant sur sa constitutionnalité que sur son efficacité même, bien qu'elle partage les objectifs poursuivis par ses auteurs en matière de prévention des dérives au sein de l'islam dans la société française.

A. LE RÉGIME CONSTITUTIONNEL DE LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION ET DE LA LIBERTÉ DE CULTE

1. Le principe de la liberté d'association

Concernant le principe de la liberté d'association , votre rapporteur rappelle la décision fondatrice n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 3 ( * ) , par laquelle le Conseil constitutionnel a rangé « au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution (...) le principe de la liberté d'association », tiré de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association. Il a considéré « qu'en vertu de ce principe les associations se constituent librement ».

Par la suite, le Conseil a veillé au caractère strictement déclaratif des formalités administratives exigées des associations pour bénéficier de certaines dispositions 4 ( * ) et à la stricte nécessité des formalités supplémentaires pouvant être prévues dans certains cas particuliers 5 ( * ) , afin d'écarter tout risque d'atteinte au principe de liberté d'association. Ainsi, une contrainte d'organisation ou de statuts ne peut être exigée qu'en contrepartie d'un avantage, par exemple fiscal, ou d'une activité agréée ou réglementée. On ne peut imposer des obligations statutaires particulières à une association, sauf à ce qu'elle intervienne dans le cadre d'une telle activité.

Dans le même ordre d'idée, l'attribution à une catégorie d'associations d'une mission de service public autorise un contrôle particulier de l'État. Dans sa décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 6 ( * ) , le Conseil a estimé que la liberté d'association « ne s'oppose pas à ce que des catégories particulières d'associations fassent l'objet de mesures spécifiques de contrôle de la part de l'État en raison notamment des missions de service public auxquelles elles participent, de la nature et de l'importance des ressources qu'elles perçoivent et des dépenses obligatoires qui leur incombent ».

2. Le principe de la liberté de culte

Concernant le principe de la liberté de culte , votre rapporteur renvoie au rapport de notre collègue François Pillet, en janvier 2016, sur la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article 1 er de la Constitution 7 ( * ) , discutée à l'initiative de nos collègues du groupe RDSE. Dans son rapport, notre collègue présentait la lecture, par le Conseil constitutionnel, du principe de laïcité, d'une façon qui reste éclairante pour l'examen de la présente proposition de loi.

Ainsi, la Constitution consacre le principe de laïcité, indissociable du principe de libre exercice des cultes. Deux dispositions constituent le fondement constitutionnel actuel du principe de laïcité, à distinguer des énonciations à caractère législatif de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.

En premier lieu, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

En second lieu, l'article 1 er de la Constitution dispose que « la France est une République (...) laïque » et qu'elle « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion » et « respecte toutes les croyances ».

La valeur constitutionnelle du principe de laïcité a été affirmée par le Conseil constitutionnel lors de l'examen du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Dans sa décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 8 ( * ) , jugeant ce traité conforme à l'article 1 er de la Constitution, le Conseil a considéré que les dispositions selon lesquelles « la France est une République laïque » « interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».

Dans la décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 9 ( * ) , plus récente, le Conseil constitutionnel a clarifié les implications du principe constitutionnel de laïcité. Se fondant sur l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1 er de la Constitution, il précise, d'une part, que « le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit » et, d'autre part, « qu'il en résulte la neutralité de l'État ; qu'il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu'il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ».

Le commentaire paru aux Cahiers du Conseil constitutionnel précise en outre qu'« il ne s'agit pas d'une définition limitative du principe constitutionnel de laïcité, mais d'une énumération de règles essentielles qu'il impose et qui peuvent se concilier entre elles ».

Pour autant, le Conseil constitutionnel a également considéré, dans sa décision n° 2017-633 QPC du 2 juin 2017 10 ( * ) , à l'occasion du contentieux sur la rémunération des ministres du culte catholique en Guyane, après avoir rappelé son considérant de principe précité de 2013, « qu'en proclamant que la France est une "République ... laïque", la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment à la rémunération de ministres du culte ». Cette interprétation n'est toutefois applicable qu'à des régimes juridiques particuliers qui préexistaient à la Constitution du 4 octobre 1958 et que celle-ci n'a pas entendu abroger.

Dans sa récente décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 11 ( * ) , lorsqu'il a examiné la mesure administrative de fermeture provisoire d'un lieu de culte aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, laquelle porte atteinte à la liberté de conscience et au libre exercice des cultes, le Conseil a réaffirmé que « le principe de laïcité impose notamment que la République garantisse le libre exercice des cultes ».

Selon le Conseil constitutionnel, le libre exercice des cultes possède donc bien une valeur constitutionnelle, principe auquel il ne peut être dérogé que pour des raisons d'ordre public, autre principe à valeur constitutionnelle.

3. La protection de la liberté de culte par la Convention européenne des droits de l'homme

Par ailleurs, l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales (CEDH), présenté dans l'encadré ci-après, assure également la protection de la liberté de culte.

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales

Article 9 - Liberté de pensée, de conscience et de religion

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

La Cour de Strasbourg est particulièrement vigilante sur la protection de la liberté de culte et de l'autonomie des cultes et très réticente à admettre des restrictions à cette liberté, avec un strict contrôle de leur proportionnalité au regard des exigences notamment de l'ordre public et des libertés d'autrui.

B. DE SÉRIEUX DOUTES SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DE L'ENSEMBLE DE LA PROPOSITION DE LOI

Toutes les dispositions de la proposition de loi soulèvent des doutes quant à leur constitutionnalité, à l'exception de l'extension aux locaux loués par une association cultuelle de la législation applicable aux locaux lui appartenant ou mis à sa disposition concernant la célébration public du culte ( article 2 ).

Ces interrogations sur la constitutionnalité de la proposition de loi, au regard de la liberté d'association comme de la liberté d'exercice des cultes, se sont exprimées lors de la plupart des auditions de votre rapporteur, notamment celles du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice et de plusieurs universitaires.

1. L'obligation pour les associations ayant une activité cultuelle de se soumettre au régime de la loi du 9 décembre 1905

En premier lieu, la proposition de loi tend à imposer à toute association assurant l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte, d'une part, de se conformer aux prescriptions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et, d'autre part, d'avoir pour objet exclusif l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte ( article 1 er ). Il s'agit d'unifier dans le cadre d'un régime unique toutes les associations ayant une activité cultuelle, de façon à en faciliter le contrôle et à permettre une séparation claire entre les activités cultuelles et les autres activités exercées par un culte.

La violation de cette nouvelle obligation serait punie d'une amende de cinquième classe prévue à l'article 131-13 du code pénal, dont le montant est de 1 500 euros ou 3 000 euros en cas de récidive ( article 5 ), et pourrait entraîner la dissolution de l'association par décision du tribunal de grande instance, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public ( article 6 ).

Une telle obligation ne semble pas directement justifiée par un motif d'intérêt général, relevant en particulier de l'ordre public, de façon strictement proportionnée, de sorte que cette ingérence dans le libre exercice des cultes et la liberté d'association ne trouve pas de justification constitutionnelle.

Même si la question n'a jamais été formellement tranchée, contraindre un groupement qui exerce un culte à se constituer selon une forme juridique donnée soulève une question de constitutionnalité à la fois au regard du principe de libre exercice des cultes et de celui de liberté d'association.

Dans l'esprit du législateur de 1905, l'association cultuelle devait être la seule forme d'organisation des cultes. La proposition de loi reviendrait ainsi à l'état du droit issu de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Les difficultés qui en ont résulté avec l'Église catholique ont néanmoins rapidement conduit le législateur à assouplir le cadre fixé en 1905.

En l'état du droit, la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes prévoit l'exercice public d'un culte selon trois modalités distinctes, librement choisies : association régie par la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association, réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ou bien association régie par la loi du 1 er juillet 1901 se conformant aux prescriptions statutaires établies par la loi du 9 décembre 1905 (activité exclusivement cultuelle, obligations statutaires et comptables). Il est admis, en outre, qu'une association relevant de la loi du 1 er juillet 1901 puisse avoir des activités mixtes et pas exclusivement cultuelles : on parle alors d'associations à objet mixte.

Le régime de la loi du 9 décembre 1905 est plus contraignant, mais il permet de bénéficier d'avantages financiers et fiscaux. Pour autant, pour quel motif d'intérêt général, résultant de l'ordre public, imposer aux cultes de s'organiser sous la seule forme prévue par la loi du 9 décembre 1905 ?

La proposition de loi comporte également un gage financier ( article 12 ) justement destiné à compenser la perte de recettes qui résulterait, si elle était appliquée, de l'accroissement du nombre d'associations appelées à bénéficier des exonérations fiscales prévues par la loi du 9 décembre 1905.

2. L'obligation pour les ministres du culte de recevoir une formation qualifiante assurée par une instance cultuelle reconnue par l'État, sous peine de sanctions pénales

Ensuite, la proposition de loi tend à imposer aux associations cultuelles - qui seraient la forme unique sous laquelle pourrait se constituer un culte - l'obligation de ne faire appel, pour l'exercice public du culte, qu'à des ministres du culte « justifiant d'une qualification acquise au cours d'une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques ainsi que des rites de cette confession » ( article 4 ). Comportant un volet profane et un volet religieux, cette formation devrait être « dispensée et sanctionnée par une instance suffisamment représentative de ce culte sur le territoire national », les critères de cette représentativité devant être déterminés par un décret en Conseil d'État, en tenant compte du nombre d'associations cultuelles se réclamant de chaque culte ( article 4 ). La proposition de loi veut aussi définir le titre de ministre du culte, qui serait « conféré à toutes les personnes qui occupent, en vertu d'un contrat ou à quelque titre que ce soit et en quelque lieu que ce soit, une fonction primordiale dans la direction, le déroulement, l'animation et l'enseignement d'un culte » ( article 4 ).

En outre, pour assurer l'effectivité des nouvelles obligations qu'elle établit, la proposition de loi tend à interdire la célébration d'un culte à toute personne ne remplissant pas cette obligation de formation spécifique ( article 3 ), sous peine d'encourir la peine de trois mois à deux ans d'emprisonnement déjà prévue par l'article 35 de la loi du 9 décembre 1905 à l'encontre des ministres du culte dont le discours ou un écrit contiennent « une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique » ou tendent « à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres » ( article 7 ).

En outre, les ministres du culte déjà en fonction lors de l'entrée en vigueur de la loi devraient justifier de la nouvelle qualification requise pour célébrer un culte dans les trois années suivant la publication du décret en Conseil d'État précité ( article 8 ).

Ces dispositions sont déclinées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ( articles 9 et 11 ), sans être applicables aux cultes statutaires ( article 11 )

L'ensemble de ces dispositions ont ainsi pour objet de réglementer le contenu de la formation des ministres du culte, l'accès à la fonction de ministre du culte, mais également la célébration du culte elle-même, qui ne pourrait avoir lieu en l'absence de ministre formé. L'exercice même du culte serait alors régi par la loi, ce qui constituerait une immixtion très significative dans l'organisation et la célébration des cultes, dans la libre administration de chaque culte, quand bien même celui-ci garderait la responsabilité d'organiser sa propre formation. Il s'agirait d'une atteinte particulièrement forte au principe constitutionnel de liberté de culte, alors que, selon le Conseil constitutionnel, la République doit garantir ce principe.

Pas plus que l'obligation précédente concernant l'organisation sous forme d'association de la loi du 9 décembre 1905, ces obligations ne semblent directement justifiées par un motif d'intérêt général, relevant en particulier de l'ordre public, de sorte que cette ingérence dans le libre exercice des cultes ne trouve pas de justification constitutionnelle.

Si l'État a la faculté d'exercer ses pouvoirs de police administrative dans l'objectif de prévenir les troubles à l'ordre public, ces derniers devraient être suffisamment graves pour justifier une telle immixtion dans l'exercice des cultes et, même dans cette hypothèse, les obligations imposées en matière de formation des ministres du culte et de célébration des cultes devraient être proportionnées. Votre rapporteur observe que ces conditions sont loin d'être réunies : l'obligation de formation ne correspond pas juridiquement et par elle-même à une exigence d'ordre public.

S'interrogeant sur la définition de ministre du culte et la « difficulté due au fait que l'islam ne dispose pas, à proprement parler, d'un clergé au sens catholique du terme, c'est-à-dire de ministres du culte s'inscrivant dans une hiérarchie », dans son rapport public de 2004 dont les considérations générales étaient consacrées à la laïcité 12 ( * ) , le Conseil d'État, reprenant à son compte des réflexions antérieures du Haut conseil à l'intégration 13 ( * ) , indiquait que « les pouvoirs publics peuvent seulement créer les conditions permettant aux candidats à la fonction d'imam de trouver, en France, la formation nécessaire... Si l'État peut encourager la création d'institutions universitaires permettant d'enrichir la connaissance de la culture musulmane, il ne peut se substituer aux activités cultuelles pour la formation des cadres religieux ». Le Conseil d'État a aussi rappelé qu'il s'était attaché depuis 1905, dans sa jurisprudence, à « la mise en oeuvre du principe de libre exercice des cultes, sous réserve des restrictions exigées par l'ordre public, ainsi qu'au respect des règles d'organisation de ces cultes ».

L'État ne peut avoir à connaître de la formation des ministres du culte que dans deux hypothèses : d'une part, lorsqu'un ministre du culte intervient dans le cadre d'un service public, par exemple comme aumônier, au nom du bon fonctionnement du service et, d'autre part, lorsqu'un ministre du culte étranger sollicite l'entrée ou le séjour sur le territoire français.

À cet égard, le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires et à leur formation civile et civique est venu imposer l'obtention préalable d'un diplôme sanctionnant une formation civile et civique agréée, comprenant un enseignement sur les grandes valeurs de la République 14 ( * ) . Entré en vigueur le 1 er octobre 2017, ce texte fait aujourd'hui l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, toujours en cours d'instruction.

À supposer qu'il soit possible d'imposer une formation aux ministres du culte, dispensée par chaque culte lui-même, nonobstant les réserves d'ordre constitutionnel développées supra , la proposition de loi affecterait cette mission de formation à une « instance suffisamment représentative de ce culte sur le territoire national ». Pour chaque culte, les critères de représentativité seraient déterminés par un décret en Conseil d'État, qui tiendrait compte du nombre d'associations cultuelles se réclamant de chaque culte.

Une telle disposition soulève une seconde difficulté constitutionnelle au regard du principe de liberté de culte, puisqu'elle reviendrait in fine à ce que l'État détermine lui-même quelles sont les instances représentatives de chaque culte et, au-delà, quels sont les cultes qui peuvent bénéficier de ce dispositif de représentativité leur permettant de délivrer une formation permettant à leurs ministres du culte de célébrer légalement le culte.

En effet, outre l'ingérence qu'il représenterait dans le fonctionnement interne des cultes, ce mécanisme reviendrait, en particulier avec l'intervention d'un décret en Conseil d'État, à une forme de reconnaissance de certains cultes par l'État, alors que la République ne reconnaît aucun culte et garantit leur libre exercice, selon le Conseil constitutionnel, en vertu du principe de neutralité de l'État, découlant du principe de laïcité. L'État ne saurait porter une appréciation sur la représentativité des instances internes d'un culte.

En outre, cette disposition créerait une inégalité entre les citoyens en raison de leur religion, contraire à l'article 1 er de la Constitution, selon que leur culte disposerait ou non d'une « instance suffisamment représentative » reconnue par l'État et capable de former des ministres du culte sur le territoire français.

En effet, seraient privés de la célébration du culte, en violation du libre exercice du culte et du droit qui en résulte d'exercer son culte, les fidèles dont les cultes ne seraient pas en mesure de se conformer à ces exigences, par exemple en raison d'un manque de moyens matériels pour assurer la formation, ne disposeraient pas d'instance jugée suffisamment représentative ou même ne comporteraient pas de ministre du culte en tant que tel.

Plus largement, cette disposition pourrait porter atteinte au principe de l'égalité de traitement des différents cultes, par exemple si aucune instance n'était jugée suffisamment représentative d'un culte par l'État. Elle ouvrirait sans doute la voie à des contestations de la part de cultes très minoritaires, qui se trouveraient entravés dans le libre exercice du culte, voire à des demandes de reconnaissance par l'État de mouvements à caractère sectaire.

Enfin, pour l'ensemble de ces dispositions, votre rapporteur fait aussi état de ses interrogations au regard de la protection de la liberté de culte assurée par l'article 9 précité de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales.

3. L'instauration d'infractions pénales similaires à des infractions existantes, mais avec des peines différentes

Par ailleurs, la proposition de loi comporte des sanctions pénales ( article 7 ), qui soulèvent aussi des difficultés d'ordre constitutionnel, au regard du principe de légalité des délits et des peines. Ces dispositions sont également déclinées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ( article 10 ), sans être applicables aux cultes statutaires ( article 11 ).

Comme cela a été indiqué supra , les ministres du culte qui exerceraient publiquement un culte sans pouvoir justifier de leur obligation de formation encourraient la peine de trois mois à deux ans d'emprisonnement prévue par l'article 35 de la loi du 9 décembre 1905 à l'encontre des ministres du culte dont le discours ou un écrit contiennent « une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique » ou tendent « à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres » ( article 7 ).

En outre, seraient passibles de la même peine de trois mois à deux ans d'emprisonnement, au-delà des seuls ministres du culte, les personnes :

- qui, par leurs discours, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;

- ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger.

Or, ces incriminations sont quasiment identiques à des incriminations qui existent déjà, soit dans le code pénal, soit dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

D'une part, l'article 421-2-5 du code pénal punit des peines de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes ». Ce délit de provocation ou d'apologie du terrorisme a été sorti de la loi du 29 juillet 1881 par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, afin de lui appliquer le régime de droit commun de la procédure pénale, compte tenu de la gravité des actes en question, plutôt que le régime de la presse, plus favorable aux auteurs d'infraction au nom de la liberté d'expression. Dans la récente décision n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018 15 ( * ) , le Conseil constitutionnel a validé le transfert de ce délit dans le code pénal, « au regard de la nature des comportements réprimés », qui consistent à « inciter à porter un jugement favorable sur une infraction expressément qualifiée par la loi d'"acte de terrorisme" ou sur son auteur ».

Ce délit de provocation est extrêmement proche des « agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme » que veut sanctionner la proposition de loi, au point que votre rapporteur, à l'instar des personnes entendues sur ce point lors de ses auditions, estime que ces deux délits doivent être considérés comme identiques. Pour autant, les peines encourues ne sont pas les mêmes : cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende dans le code pénal, contre deux ans d'emprisonnement dans la proposition de loi.

D'autre part, l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende « ceux qui (...) auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Les moyens par lesquels est constaté ce délit de provocation à la haine raciale sont précisés à l'article 23 de la même loi : il s'agit en particulier d'une provocation par des discours publics ou des écrits.

Ce délit est rédigé en des termes identiques à ceux de la proposition de loi, à la différence près que cette dernière ne vise que le moyen des discours. De plus, l'infraction instituée par la proposition de loi est rédigée d'une manière redondante, car la provocation à la haine et la propagation des idées de haine doivent à l'évidence être considérées comme des faits identiques. Là encore, votre rapporteur constate que les peines encourues ne sont pas les mêmes : un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende dans la loi du 29 juillet 1881, contre deux ans d'emprisonnement dans la proposition de loi.

Ainsi, dans les deux cas, les mêmes faits pourraient être poursuivis sur le fondement d'incriminations similaires, mais seraient passibles de sanctions pénales différentes.

Résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée », le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines implique, notamment, que la loi doit définir les incriminations pénales en des termes suffisamment clairs et précis pour éviter tout risque d'arbitraire. Dans sa décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 16 ( * ) , le Conseil constitutionnel a affirmé, pour la première fois, « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ». Depuis 1980, le principe de légalité des délits et des peines est contrôlé de façon constante par le Conseil. Dans sa décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, il a précisé « qu'il résulte de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité des délits et des peines (...), la nécessité pour le législateur de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale, de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la détermination des auteurs d'infractions et d'exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines ».

Votre rapporteur juge que la situation qui résulterait de la proposition de loi serait particulièrement arbitraire dans le prononcé des peines, puisque les mêmes faits pourraient être poursuivis au titre d'incriminations identiques, mais avec des peines encourues variables. La proposition de loi semble dès lors méconnaître le principe de légalité des délits et des peines.

Par ailleurs, votre rapporteur s'interroge aussi au regard du principe constitutionnel de nécessité des peines, qui résulte également de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et dont découle, notamment, le principe de proportionnalité des peines. Ainsi, selon la décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986 17 ( * ) , « en l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines attachées aux infractions définies par celui-ci ». Depuis 1986, les principes de nécessité et de proportionnalité des peines sont contrôlés de façon constante par le Conseil.

À supposer que l'interdiction de célébrer publiquement un culte pour un ministre du culte non régulièrement formé ne porte pas atteinte au principe de libre exercice du culte, la peine de deux ans d'emprisonnement encourue par ce ministre du culte peut apparaître disproportionnée au regard de la gravité de l'infraction commise pour l'ordre public.

C. LE CONSTAT DE LA DIVERSITÉ DANS LA FORMATION DES CADRES RELIGIEUX ET DANS LA NOTION MÊME DE MINISTRE DU CULTE

Votre rapporteur a tenu à entendre en audition les représentants des cultes ayant le plus grand nombre de fidèles en France, non seulement pour connaître leur appréciation sur la proposition de loi, mais également pour les interroger sur les modalités de la formation des ministres du culte.

Ont été entendus en audition des représentants des cultes catholique, orthodoxe, protestant, israélite, musulman et bouddhiste. La liste détaillée des personnes entendues figure en annexe du présent rapport.

Il ressort de ces auditions que la notion de ministre du culte n'a pas de signification précise dans certaines religions, en particulier dans l'islam, mais aussi le bouddhisme, et qu'il existe une grande diversité dans l'organisation par chaque culte de la formation des cadres religieux.

Si l'Église catholique dispose d'un réseau organisé de séminaires pour la formation obligatoire des prêtres, il existe trois instituts privés musulmans qui assurent une formation des imams pour ceux qui le souhaitent, sans que cette formation soit davantage centralisée que le culte lui-même. Les rabbins n'ont pas tous étudié dans une école rabbinique placée sous l'autorité du grand rabbin de France, tandis que les diverses Églises protestantes, pour celles qui sont regroupées au sein de la Fédération protestante de France, comportent plusieurs institutions de formation théologique, chaque Église étant responsable de ses exigences en matière de recrutement des ministres du culte. Quant au bouddhisme, qui ne dispose pas d'une autorité centrale, il ne comporte pas en tant que tel d'instituts de formation pour ses enseignants. De plus, en dehors des formations à caractère confessionnel organisées par chaque culte, il existe des formations spécifiques destinées en particulier aux cadres religieux au sein de l'enseignement supérieur public ou privé 18 ( * ) .

S'agissant de l'islam, le rapport de la mission d'information précitée qualifie l'islam sunnite, très majoritaire en France, de « religion du "sacerdoce universel" où chaque fidèle est, en puissance, un ministre du culte » 19 ( * ) . L'imam est choisi par la communauté en son sein, sans avoir un statut religieux à part, même s'il exerce de façon pérenne cette fonction de guide de la prière des autres fidèles. Il est souvent bénévole dans les mosquées françaises 20 ( * ) , ce qui ne favorise pas l'exigence de formation. Ce rapport présente aussi les trois instituts privés confessionnels qui assurent une formation des imams en France, tout en constatant que « l'offre de formation (...) est divisée, disparate et dévalorisée » 21 ( * ) .

Par ailleurs, les différents cultes présents en France sont amenés à faire appel à des ministres du culte ou cadres religieux étrangers, lesquels, en tout état de cause, même s'ils ont reçu une formation, n'auront pas été formés en France comme l'exige la proposition de loi.

D. DES INTERROGATIONS SUR L'EFFICACITÉ DE LA PROPOSITION DE LOI AU REGARD DES OBJECTIFS RECHERCHÉS

Les auteurs de la proposition de loi établissent un lien de causalité entre le fait de recruter des ministres du culte convenablement formés, grâce à l'obligation de formation, et la limitation, notamment, du risque de prêches de haine ou hostiles à la République.

Le rapport de la mission d'information précitée soulignait quant à lui « l'importance qu'il y a à disposer d'un encadrement formé, maîtrisant à la fois la théologie musulmane et le contexte français et qui puisse développer un contre-discours face aux discours de surenchère radicale. Précisément parce que tout fidèle peut devenir imam, il faut que la formation des imams soit en mesure de faire émerger des cadres qui maîtrisent le texte et s'investissent dans son interprétation adaptée au contexte français. »

Si la formation des cadres religieux musulmans est à encourager, de même que son organisation, par l'intermédiaire notamment du conseil français du culte musulman, le manque de formation ne saurait suffire à expliquer les dérives constatées, lesquelles peuvent résulter de multiples facteurs sociaux, culturels ou bien géopolitiques. De même, une telle formation, même assurée en France, ne peut prémunir à elle seule contre ces dérives. Par conséquent, votre rapporteur doute de la consistance du lien de causalité entre obligation de formation et limitation des risques de dérives et s'interroge sur l'efficacité de l'obligation de formation assurée par une instance cultuelle représentative de chaque culte pour prévenir par elle-même ces risques.

Se pose également, s'agissant de l'islam, la question sous-jacente du financement de la formation des imams, dans le cadre de la question plus vaste de la rémunération des cadres religieux et du financement de cette confession en France, examinée dans le rapport de la mission d'information précitée.

De plus, en dépit des infractions pénales envisagées par la proposition de loi, des réunions cultuelles privées voire clandestines pourront toujours avoir lieu et propager des idées contraires aux valeurs de la République. Le fondamentalisme restera possible.

Au surplus, comme la notion de ministre du culte - identifiée de façon claire dans les religions présentes en France en 1905, avec les prêtres, pasteurs et rabbins - n'est pas adaptée au fonctionnement de l'islam, puisque tout fidèle peut diriger la prière commune, votre rapporteur s'interroge sur la portée réelle de cette obligation de formation et sur l'étendue des personnes auxquelles elle devrait effectivement s'appliquer. La définition suggérée par la proposition de loi, selon laquelle « le titre de ministre du culte est (...) conféré à toutes les personnes qui occupent, en vertu d'un contrat ou à quelque titre que ce soit et en quelque lieu que ce soit, une fonction primordiale dans la direction, le déroulement, l'animation et l'enseignement d'un culte » (article 4), pourrait faire échapper à l'obligation de formation bon nombre de fidèles musulmans qui peuvent aujourd'hui guider la prière de leurs coreligionnaires. Par ailleurs, dans le bouddhisme, la notion de ministre du culte n'a pas non plus de signification.

Plus globalement, dans certaines religions, on peut célébrer un culte sans être ministre du culte. Même l'Église catholique, en l'absence de prêtre, admet une forme adaptée de culte qui peut être célébrée par un laïc 22 ( * ) . Au sein des Églises protestantes, des fonctions de direction peuvent être assurées par des laïcs, qui ne peuvent être qualifiés de ministres du culte. De même, au sein de l'islam, les associations assurant la gestion de lieux de culte sont dirigées généralement par des fidèles.

Tous les représentants des cultes entendus par votre rapporteur ont émis de nombreuses réserves à l'encontre des nouvelles obligations envisagées par la proposition de loi, en particulier le conseil français du culte musulman, concerné au premier chef par le texte selon ses auteurs. Le président du conseil a en effet jugé ce texte stigmatisant pour les musulmans. Les représentants des autres cultes ont également estimé, pour certains d'entre eux, qu'il n'était pas légitime qu'ils soient contraints par de telles obligations en raison du manque d'organisation du culte musulman.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RESPECTER LES PRINCIPES DE LIBERTÉ D'ASSOCIATION ET DE LIBERTÉ DE CULTE, TOUT EN RÉPONDANT À L'INTENTION DES AUTEURS DU TEXTE AVEC D'AUTRES MESURES EN MATIÈRE CULTUELLE ET PÉNALE

À l'initiative principalement de son rapporteur, votre commission des lois a adopté 17 amendements , tendant à supprimer les dispositions du texte soulevant de sérieuses difficultés au regard des principes constitutionnels, à instaurer auprès du Gouvernement un conseil consultatif des cultes, afin de favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes, à instituer dans la loi une obligation de formation pour les aumôniers intervenant dans les services publics pénitentiaires, hospitaliers et militaires ainsi qu'à créer une circonstance aggravante pour sanctionner davantage certains délits commis dans le cadre de l'exercice d'un culte.

Votre commission estime que la prévention et la sanction des dérives observées, en particulier, au sein de l'islam relèvent de la loi pénale, c'est-à-dire d'une appréhension de l'activité cultuelle sous l'angle de l'ordre public, le seul permettant, constitutionnellement, une ingérence dans la liberté de culte.

A. SUPPRIMER LES DISPOSITIONS SOULEVANT DE RÉELLES DIFFICULTÉS D'ORDRE CONSTITUTIONNEL

En premier lieu, votre commission a supprimé les dispositions du texte posant des difficultés d'ordre constitutionnel au regard des principes de liberté d'association et de liberté de culte :

- l'obligation pour les associations assurant l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte de se soumettre au seul régime de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, et donc la suppression par voie de conséquence de la possibilité d'opter pour le régime plus souple de la loi 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- l'obligation pour les ministres du culte, dont le texte essaie de poser une définition, de justifier d'une formation qualifiante délivrée par une instance cultuelle dont les critères de représentativité seraient définis par l'État ;

- la restriction de la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu cette formation, sous peine de sanctions pénales.

Votre commission a toutefois maintenu l'extension, prévue par le texte, de la réglementation relative à la célébration des cultes aux locaux loués par une association cultuelle, et pas seulement aux locaux dont elle est propriétaire ou qui sont mis à sa disposition.

B. INSTAURER AUPRÈS DU GOUVERNEMENT UN CONSEIL CONSULTATIF DES CULTES

Votre commission a décidé d'instaurer un conseil consultatif des cultes, placé auprès du ministre chargé des relations avec les cultes et comportant des parlementaires, afin de favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes et de contribuer à la réflexion sur l'exercice de la liberté de culte et sur la formation des cadres religieux et des ministres du culte.

C. INSTITUER DANS LA LOI UNE OBLIGATION DE FORMATION POUR LES AUMÔNIERS PÉNITENTIAIRES, HOSPITALIERS ET MILITAIRES

Votre commission a décidé d'instituer une formation obligatoire civile et civique, sans dimension religieuse et dans le respect du principe de liberté de culte, pour les aumôniers intervenant dans les établissements pénitentiaires, les centres hospitaliers et les armées.

Ce faisant, elle a repris le contenu du décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires et à leur formation civile et civique, tout en substituant à l'obligation d'obtention d'un diplôme préalablement à l'entrée en fonctions une obligation de suivi d'une formation dans les six mois de l'entrée en fonctions. Ce décret, qui fait actuellement l'objet d'un recours devant le Conseil d'État, présente selon votre rapporteur un risque d'annulation pour incompétence du pouvoir réglementaire, dès lors qu'est en cause une liberté constitutionnelle, en l'espèce la liberté de culte.

D. CRÉER UNE CIRCONSTANCE AGGRAVANTE POUR CERTAINS DÉLITS COMMIS DANS LE CADRE DE LA CÉLÉBRATION D'UN CULTE

Votre commission a souhaité modifier le volet pénal du texte, qui pose une difficulté au regard des principes constitutionnels de nécessité des peines et de légalité des délits et des peines, car il prévoit pour les infractions qu'il crée des sanctions différentes de celles prévues pour des infractions identiques qui existent déjà et pose un problème de proportionnalité.

Elle a prévu la création, pour les délits visés par la proposition de loi et pour des délits connexes, d'une circonstance aggravante s'ils sont commis dans le cadre d'une réunion pour la célébration d'un culte, justifiée par l'influence qu'exerce un ministre du culte ou tout animateur d'un culte sur les fidèles :

- délit de provocation ou d'apologie du terrorisme (code pénal) ;

- délit de provocation à la discrimination, à la haine ou la violence en raison de l'ethnie, de la nation, de la race ou de la religion (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) ;

- délit de diffamation en raison de l'ethnie, de la nation, de la race ou de la religion (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) ;

- délit d'injure en raison de l'ethnie, de la nation, de la race ou de la religion (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée , en retenant en conséquence l'intitulé suivant : « proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain ».

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER (supprimé) - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er (supprimé) (art. 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association) - Obligation pour les associations ayant une activité cultuelle de se constituer sous le régime de la loi du 9 décembre 1905

L'article 1 er de la proposition de loi tend à imposer à toute association assurant l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte, sous peine de sanctions pénales, de se conformer au régime de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.

Une telle obligation rencontre une double difficulté au regard, d'une part, de l'organisation des cultes et, d'autre part, des principes constitutionnels et conventionnels de liberté de culte et de liberté d'association.

Afin d'apaiser les tensions avec l'Église catholique résultant de la loi du 9 décembre 1905 précitée, la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes a permis à ces derniers de s'organiser sous le régime associatif de leur choix, celui des associations de la loi du 9 décembre 1905 ou celui des associations de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association, ainsi que de tenir des réunions cultuelles publiques organisées sur des initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion. Nombreuses sont ainsi les associations cultuelles régies par la loi de 1901. L'article 1 er de la proposition de loi reviendrait donc à remettre en cause l'équilibre trouvé depuis 1907.

En tout état de cause, ces dispositions se heurtent à de réelles difficultés constitutionnelles, déjà présentées supra dans l'exposé général.

Ainsi, la Constitution consacre le principe de laïcité, indissociable du principe de libre exercice des cultes. Deux dispositions constituent le fondement constitutionnel actuel du principe de laïcité. En premier lieu, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». En second lieu, l'article 1 er de la Constitution dispose que « la France est une République (...) laïque » et qu'elle « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion » et « respecte toutes les croyances ». Le Conseil constitutionnel considère ainsi, d'une part, que « le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit » et, d'autre part, « qu'il en résulte la neutralité de l'État ; qu'il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu'il implique que celle-ci ne salarie aucun culte » 23 ( * ) .

S'agissant de la liberté d'association, depuis sa décision fondatrice de 1971 en la matière 24 ( * ) , le Conseil constitutionnel a toujours veillé à ce que les associations puissent se « constituer librement », en application d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ce qui semble difficilement compatible avec les dispositions proposées. On ne peut en effet contraindre une association dans ses statuts ou sa forme juridique, que si elle intervient dans un cadre bien particulier (activité agréée ou réglementée ou encore participation à une mission de service public par exemple).

Si l'État dispose toujours de la faculté d'exercer ses pouvoirs de police administrative dans l'objectif de prévenir les troubles à l'ordre public, ces derniers doivent être suffisamment graves pour justifier une telle immixtion dans l'organisation et le fonctionnement des cultes. Même dans cette hypothèse, l'obligation qui leur est imposée doit être proportionnée. Or, les dispositions de la proposition de loi conduiraient à empêcher certains groupes de s'organiser pour exercer un culte, sans motif d'ordre public proportionné à cette entrave.

À l'initiative de son rapporteur et notre collègue Michel Amiel, votre commission a donc adopté deux amendements COM-3 et COM-1 tendant à supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 1 er .

Article 2 (art. 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État) - Extension aux locaux loués par une association cultuelle de la législation applicable aux locaux lui appartenant ou mis à sa disposition concernant la célébration publique du culte

L'article 2 de la proposition de loi tend à étendre aux locaux loués par une association cultuelle la législation applicable aux locaux lui appartenant ou mis à sa disposition en matière de célébration publique du culte.

Cette disposition de mise en cohérence n'appelle pas d'observation de la part de votre rapporteur. À son initiative, votre commission s'est limitée à adopter un amendement COM-4 visant à corriger une erreur matérielle dans la rédaction de cet article.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (supprimé) (art. 25-1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État) - Interdiction de la célébration d'un culte par toute personne ne remplissant pas l'obligation de formation des ministres du culte

L'article 3 de la proposition de loi vise à interdire la célébration d'un culte par toute personne qui ne remplit pas l'obligation de formation qualifiante prévue à l'article 4 pour les ministres du culte, sous peine de la sanction pénale prévue à l'article 7.

Cette disposition soulève de réelles difficultés constitutionnelles, car elle implique une immixtion particulièrement forte dans l'organisation et la célébration des cultes, alors même que la République doit garantir le principe constitutionnel de libre exercice des cultes, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelée supra dans l'exposé général.

Ainsi, pas plus que celles de l'article 1 er concernant l'obligation de se placer sous le régime juridique de la loi du 9 décembre 1905 pour exercer un culte, les dispositions de l'article 3 ne semblent pas directement justifiées par un motif d'intérêt général, relevant en particulier de l'ordre public, de sorte que cette ingérence dans le libre exercice des cultes ne trouve pas de justification constitutionnelle.

En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-5 visant à supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 3.

Article 3 bis (nouveau) - Création d'un conseil consultatif des cultes auprès du Gouvernement

Issu de l'adoption par votre commission d'un amendement COM-6 présenté par son rapporteur, l'article 3 bis de la proposition de loi tend à créer un conseil consultatif des cultes, qui serait placé auprès du ministre en charge des relations avec les représentants des cultes et au sein duquel seraient aussi désignés des parlementaires. Ses missions seraient définies par la loi.

Votre commission propose de prévoir les missions suivantes :

- éclairer les pouvoirs publics dans la conduite de leurs relations avec les représentants des cultes ;

- contribuer à la réflexion sur les conditions d'exercice de la liberté de culte ;

- contribuer à la réflexion sur les conditions de la formation des cadres religieux et ministres du culte ;

- favoriser le dialogue interreligieux.

Ce conseil, purement consultatif, serait ainsi une instance pluraliste de dialogue des pouvoirs publics avec l'ensemble des religions de France.

Ce faisant, il permettrait notamment de mener une réflexion sur les conditions d'une meilleure formation des cadres religieux et ministres du culte, rejoignant l'un des objectifs légitimes des auteurs de la proposition de loi.

Il pourrait être consulté par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la place des cultes au sein de la République et devrait veiller à l'association des collectivités territoriales à l'ensemble de ses travaux.

Il comprendrait également parmi ses membres deux députés et deux sénateurs. Votre rapporteur rappelle qu'en vertu de l'article L.O. 145 du code électoral, tel qu'il résulte de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, « un député ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation » 25 ( * ) .

Enfin, les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement du conseil seraient précisées par un décret en Conseil d'État.

Votre commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé .

Article 4 (supprimé) (art. 25-2 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État) - Obligation pour tout ministre du culte de justifier d'une formation qualifiante, délivrée par une instance cultuelle représentative, et définition de la notion de ministre du culte

L'article 4 de la proposition de loi tend à donner une définition de la notion de ministre du culte et, surtout, à leur imposer de justifier désormais d'une « qualification acquise au cours d'une formation spécifique leur assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques ainsi que des rites de cette confession ». Cette formation serait dispensée et sanctionnée par une « instance suffisamment représentative de ce culte sur le territoire national », les critères de cette représentativité devant être déterminés par un décret en Conseil d'État, pour chaque culte, en tenant compte du nombre d'associations cultuelles qui s'en réclament.

Ces dispositions soulèvent de réelles difficultés constitutionnelles, déjà présentées supra dans l'exposé général.

En premier lieu, elles impliquent une immixtion forte de l'État dans le contenu de la formation des ministres du culte, l'accès à cette fonction et la célébration du culte elle-même, quand bien même chaque culte garderait la responsabilité d'organiser sa propre formation. Si l'État dispose de la faculté d'exercer ses pouvoirs de police administrative dans l'objectif de prévenir les troubles à l'ordre public, ces derniers doivent être suffisamment graves pour justifier une telle immixtion dans l'organisation et le fonctionnement des cultes. Même dans cette hypothèse, les obligations imposées en matière de formation des ministres du culte et de célébration des cultes doivent être proportionnées. Or, selon votre rapporteur, ces conditions sont loin d'être réunies : l'obligation de formation ne correspond pas juridiquement et par elle-même à une exigence d'ordre public.

En second lieu, les dispositions proposées, en prévoyant qu'un décret en Conseil d'État fixe, pour chaque culte, les critères de représentativité des instances chargées de définir et d'organiser la formation des ministres du culte, se heurtent aux principes selon lesquels la République ne reconnaît aucun culte et garantit leur libre exercice. En outre, elles créeraient une inégalité entre les citoyens en raison de leur religion, contraire à l'article 1 er de la Constitution, et plus largement entre les religions, selon que leur culte disposerait ou non d'une « instance suffisamment représentative » reconnue par l'État et capable de former des ministres du culte sur le territoire français.

Aussi votre commission a-t-elle adopté, à l'initiative de son rapporteur et de notre collègue Michel Amiel deux amendements COM-7 et COM-2 visant à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 4.

Article 4 bis (nouveau) - Institution d'une formation obligatoire pour les aumôniers intervenant dans les armées, les établissements pénitentiaires et les centres hospitaliers

Issu de l'adoption par votre commission d'un amendement COM-8 présenté par son rapporteur, l'article 4 bis de la proposition de loi tend à instituer dans la loi une formation obligatoire civile et civique, c'est-à-dire sans dimension religieuse, pour les aumôniers intervenant dans les services publics des armées, des établissements pénitentiaires et des centres hospitaliers, dans le respect du principe constitutionnel de libre exercice des cultes.

• Les conditions d'exercice du principe constitutionnel de la liberté de culte au sein de certains services publics

Aux termes de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, « les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans des établissements tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons » peuvent être inscrites aux budgets de l'État, des départements et des communes.

L'objectif de ces dispositions est d'assurer le libre exercice des cultes dans les lieux fermés. Ainsi, des aumôneries ont été créées et subventionnées par l'État, pour trois principaux services publics : l'armée, les prisons et les hôpitaux.

L'intervention de l'État se justifie sur le plan constitutionnel au nom du principe selon lequel la République garantit à tous les citoyens le libre exercice des cultes, principe à valeur constitutionnelle, comme cela a été présenté supra dans l'exposé général. Ce principe impose à l'État de rendre possible le libre exercice des cultes au sein de certains services publics, auprès de personnes qui ne sont pas en mesure de participer librement à un culte compte tenu des caractéristiques particulières de ces services. La jurisprudence administrative a d'ailleurs considéré que les cérémonies religieuses énumérées à l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée ne pouvaient faire l'objet d'une interdiction générale, sauf à porter atteinte au principe de libre exercice des cultes 26 ( * ) .

• L'intervention des aumôniers au sein des services publics : assurer l'exercice d'une liberté constitutionnelle tout en se conformant à certaines obligations liées au bon fonctionnement du service public

Quel que soit le cadre de l'intervention des aumôniers, le pouvoir de nomination de ces derniers relève de l'administration d'accueil. Toutefois, celle-ci n'a pas à porter d'appréciation sur leurs qualifications religieuses, et leur nomination suppose l'accord préalable de l'autorité religieuse dont ils relèvent. En application de ce principe, l'administration est ainsi tenue de mettre fin aux fonctions d'un aumônier qui s'est vu retirer son habilitation par cette autorité religieuse 27 ( * ) .

Le droit en vigueur prévoit ainsi une série de dispositions éparses, de niveau réglementaire pour la plupart, régissant l'accès des aumôniers dans certains établissements publics.

Au sein des établissements hospitaliers, les personnes malades peuvent recevoir la visite du ministre du culte de leur choix, obligation à laquelle est tenu tout établissement public de santé en vertu de l'article R. 1112-46 du code de la santé publique. Il dispose que « les hospitalisés doivent être mis en mesure de participer à l'exercice de leur culte. Ils reçoivent, sur demande de leur part adressée à l'administration de l'établissement, la visite du ministre du culte de leur choix ». Les établissements nouvellement construits disposent à cet effet de salles dites « multiconfessionnelles ».

Ont en outre été précisées par voie de circulaire 28 ( * ) les règles applicables au recrutement des aumôniers dans les établissements hospitaliers. Quel que soit le culte auquel ils appartiennent, ils sont recrutés ou autorisés par les chefs d'établissement sur proposition des autorités cultuelles dont ils relèvent en fonction de leur organisation interne. La circulaire précise d'ailleurs qu'en « l'absence d'autorité cultuelle clairement identifiée, il ne peut être donné droit à une demande de mise en place d'un service d'aumônerie ».

Les aumôniers sont recrutés en tant qu'agents publics non titulaires, soumis aux dispositions de droit commun applicables à ces agents 29 ( * ) . Par parallélisme avec leur mode de recrutement, toute résiliation de leur contrat par l'administration hospitalière doit faire l'objet d'une consultation des autorités religieuses dont l'aumônier relève. La cessation de ses fonctions pourra résulter soit de la résiliation du contrat, ladite résiliation étant obligatoire si l'aumônier n'est plus agréé par les autorités religieuses dont il relève, soit du licenciement pour faute grave.

Au sein de l'armée, les aumôniers sont recrutés par voie contractuelle et relèvent du statut militaire 30 ( * ) . Un ministre de chaque culte peut aussi être placé auprès de l'état-major des armées ainsi qu'auprès des commandants des régions militaires. Leur intervention est régie par le décret n° 2008-1524 du 30 décembre 2008 relatif aux aumôniers militaires. Ces derniers assurent, au sein des armées et formations rattachées, « le soutien religieux du personnel de la défense et des militaires de la gendarmerie nationale, qui le souhaitent ».

Les aumôniers militaires relèvent conjointement :

- de l'aumônier militaire en chef de leur culte, pour ce qui concerne les questions relatives à leur culte ;

- de l'autorité militaire, pour ce qui concerne les modalités d'exercice de leurs missions au sein des armées et formations rattachées.

Ils sont nommés par le ministre de la défense sur proposition de l'aumônier militaire en chef, lui-même nommé également par le ministre de la défense, parmi les candidats proposés par chaque culte. Le décret prévoit également que le contrat d'un aumônier peut être résilié d'office par le ministre de la défense, notamment dans les cas de droit commun de radiation des cadres prévus à l'article L. 4139-14 du code de la défense, mais aussi sur demande écrite de l'autorité religieuse militaire dont relève l'intéressé.

Au sein des établissements pénitentiaires, le libre exercice du culte est organisé sous réserve des impératifs de sécurité. Ainsi, les exigences sont plus strictes que pour l'intervention des aumôniers dans les autres services publics précités.

L'article 26 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, dans son chapitre consacré aux droit et devoirs des personnes détenues, affirme le principe selon lequel « les personnes détenues ont droit à la liberté d'opinion, de conscience et de religion », et rappelle que chacune d'entre elles peut exercer le culte de son choix « selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement ». L'article R. 57-9-3 du code de procédure pénale dispose ensuite que « chaque personne détenue doit pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ».

Pour satisfaire à ces exigences, des salles « multiconfessionnelles » sont prévues dans chaque établissement pénitentiaire et des aumôneries y sont instituées, composées d'aumôniers ou d'auxiliaires bénévoles d'aumônerie. Ainsi, « les offices religieux, les réunions cultuelles et l'assistance spirituelle aux personnes détenues sont assurés, pour les différents cultes, par des aumôniers agréés » (article R. 57-9-4 du code de procédure pénale). Ces aumôniers peuvent aussi être assistés d'aumôniers bénévoles, qui ne sont pas autorisés à avoir des entretiens individuels avec les détenus (article R. 439-2 du code de procédure pénale). L'action des aumôniers auprès des personnes détenues est en outre encadrée par le principe selon lequel « ils ne doivent exercer qu'un rôle spirituel et moral » (article D. 439-3 du code de procédure pénale).

Les aumôniers intervenant en milieu pénitentiaire font l'objet d'une procédure spécifique d'agrément 31 ( * ) . Dès lors qu'une autorité religieuse adresse à l'administration pénitentiaire une demande pour constituer une aumônerie de prison, elle doit proposer l'agrément d'un aumônier national. L'aumônier national de chaque culte est alors agréé par le directeur de l'administration pénitentiaire, en fonction des besoins de la population pénale. La demande d'agrément fait l'objet d'un examen en lien avec le ministère de l'intérieur, qui s'appuie sur le fondement des principes de la loi du 9 décembre 1905 et de la jurisprudence administrative ainsi que sur des considérations d'ordre public.

S'agissant des autres aumôniers tout comme des auxiliaires bénévoles d'aumônerie, l'agrément est délivré par le directeur interrégional des services pénitentiaires, après avis du préfet du département dans lequel se situe l'établissement pénitentiaire visité, sur proposition de l'aumônier national du culte concerné 32 ( * ) (article D. 439 du code de procédure pénale).

Les dossiers d'agrément doivent comprendre le bulletin numéro n° 2 du casier judiciaire du candidat aux fonctions d'aumônier (article R. 79 du code de procédure pénale). Le refus d'agrément doit être motivé, en application du principe général de motivation des décisions administratives individuelles défavorables 33 ( * ) . À titre d'illustration, le refus peut être fondé sur l'absence de besoin au sein d'un établissement pénitentiaire ou sur l'avis défavorable du préfet, notamment en raison de considérations d'ordre public. Dans le cas de demandes provenant de personnes de nationalité étrangère, le directeur interrégional peut également vérifier que le titre de séjour du demandeur lui assure une stabilité suffisante sur le territoire national pour mener durablement une activité d'aumônerie en établissement pénitentiaire.

La présence d'aumôniers au sein de ces différents services publics est ainsi une mise en oeuvre directe du principe de liberté de religion qu'il s'agit de rendre effectif dans des lieux où son exercice est limité par les restrictions de déplacement qui s'imposent aux patients, aux personnes purgeant une peine de prison, ainsi qu'aux militaires des forces armées, en particulier sur les théâtres d'opérations extérieures.

Les services d'aumôneries au sein des établissements d'enseignement scolaire

L'État doit également, en application de la loi du 9 décembre 1905 telle que l'a interprétée le Conseil d'État, veiller à la création d'aumôneries dans l'enseignement du second degré lorsqu'il est établi qu'elles sont nécessaires au libre exercice du culte par les élèves 34 ( * ) . Dans ce cas, la création d'une aumônerie est obligatoire.

Des aumôneries peuvent être également créées, même si elles ne sont pas indispensables au libre exercice des cultes, dès lors qu'elles ne vont pas à l'encontre de la liberté de conscience ou de l'ordre public 35 ( * ) .

Dans tous les cas, un agrément du rectorat est requis pour les responsables de l'aumônerie. Contrairement aux autres catégories d'aumôniers présentées ci-dessus, les aumôniers intervenant au sein d'établissements scolaires ne sont pas rémunérés par l'État.

Le développement des aumôneries au sein des services publics précités diffère selon les cultes.

S'agissant de l'islam, le rapport de la mission d'information précitée de nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, indique à cet égard que « le culte musulman, qui s'installe en France dans la seconde moitié du vingtième siècle, a accusé un certain retard en matière d'aumôneries faute d'équipes à même d'assurer ce service et en l'absence de cadre ou de statut organisant cette activité ». Le rapport précise qu'« en l'absence d'autorité reconnue pour le faire, les personnes de confession musulmane de l'armée française, ou présentes dans les hôpitaux ou les prisons ne pouvaient jusqu'à récemment pas disposer d'aumônier de leur culte ».

Ce n'est que récemment, avec la création du conseil français du conseil musulman (CFCM) en 2005, que les aumôneries musulmanes ont pu être créées. À cet égard, votre rapporteur renvoie au rapport de la mission d'information pour de plus amples développements sur ce sujet 36 ( * ) . Ce rapport évoque d'ailleurs les critères mis en place par les aumôniers nationaux du culte musulman pour le recrutement de leurs aumôniers : maîtrise du français, connaissance de la religion et du contexte français, connaissance des lois de la République et respect de la laïcité.

• La création d'une nouvelle obligation de formation diplômante des aumôniers par décret

Le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires et à leur formation civile et civique 37 ( * ) a rendu obligatoire, pour ces aumôniers rémunérés et nouvellement recrutés à compter du 1 er octobre 2017, l'obtention d'un diplôme après le suivi d'une formation civile et civique agréée, comprenant un enseignement sur les grandes valeurs de la République, préalablement à leur recrutement.

Le contenu du diplôme est fixé par voie d'arrêté 38 ( * ) . Il sanctionne des formations d'un volume horaire minimal de cent vingt-cinq heures, dispensées en France par un établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou par un établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général. Ces formations comprennent des enseignements dans les domaines des institutions de la République et de la laïcité, des grands principes du droit des cultes et des sciences humaines et sociales des religions.

Les connaissances acquises au cours de ces formations font l'objet d'une évaluation en vue de la délivrance du diplôme de formation civile et civique. Le diplôme peut également être obtenu par la voie de la validation d'études antérieures ou d'une validation des acquis de l'expérience.

L'obligation de formation ainsi instaurée rejoint, en la rendant plus contraignante, le principe d'une formation qui existe déjà pour les aumôniers pénitentiaires.

Ce décret fait actuellement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, toujours en cours d'instruction. Il présente, selon votre rapporteur, un risque d'annulation en raison de l'incompétence du pouvoir réglementaire pour fixer le cadre d'exercice d'une liberté constitutionnellement garantie, en l'espèce le libre exercice du culte. Il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir toutes les garanties légales de l'exercice d'une liberté constitutionnellement garantie.

Votre commission juge légitime d'instituer une exigence de formation pour les aumôniers intervenant dans le cadre des services publics des armées, des établissements pénitentiaires et des centres hospitaliers, sans aller jusqu'au diplôme, dans le respect du principe constitutionnel de liberté de culte. En effet, s'agissant des aumôniers, une telle exigence est possible dans la mesure où il s'agit d'exercer un culte dans le cadre d'un service public, auprès de personnes qui ne sont pas en mesure de participer librement à ce culte.

Votre commission a adopté l'article 4 bis ainsi rédigé .

Article 5 (supprimé) (art. 8 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association) - Instauration d'une sanction pénale pour les associations ayant une activité cultuelle méconnaissant l'obligation de se constituer sous le régime de la loi du 9 décembre 1905

L'article 5 de la proposition de loi tend à prévoir une sanction pénale, en l'espèce une amende de cinquième classe prévue à l'article 131-13 du code pénal, en cas de violation de l'obligation prévue par l'article 1 er de se constituer sous la forme d'une association cultuelle relevant de la loi du 9 décembre 1905 précitée pour toutes les associations qui assurent l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte.

L'article 1 er de la proposition de loi ayant été supprimé, l'article 5 n'a plus lieu d'être.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-9 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 5.

Article 6 (supprimé) (art. 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association) - Instauration d'une sanction de dissolution judiciaire pour les associations ayant une activité cultuelle méconnaissant l'obligation de se constituer sous le régime de la loi du 9 décembre 1905

L'article 6 de la proposition de loi tend à prévoir la dissolution, par décision du tribunal de grande instance, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public, en cas de violation de l'obligation prévue par l'article 1 er de se constituer sous la forme d'une association cultuelle relevant de la loi du 9 décembre 1905 précitée pour toutes les associations qui assurent l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte.

L'article 1 er de la proposition de loi ayant été supprimé, l'article 6 n'a plus lieu d'être.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-10 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 6.

Article 7 (art. 421-2-5 du code pénal, art. 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et art. 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) - Instauration de sanctions pénales en cas de célébration publique d'un culte par un ministre du culte non régulièrement formé, en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et en cas d'agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme

L'article 7 de la proposition de loi tend à instituer des sanctions pénales pour les ministres du culte qui célèbreraient publiquement un culte sans avoir rempli l'obligation de formation qualifiante prévue par l'article 4. Elle prévoit également des sanctions pénales pour toute personne qui, par des discours, provoque à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère ethnique, national, racial ou religieux ou bien propage des idées tendant à justifier ou encourager de tels comportements, ainsi que pour toute personne qui se livre à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme. Cette seconde série d'infractions ne vise pas seulement les ministres du culte.

Ces infractions sont créées à l'article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, qui punit déjà de trois mois à deux ans d'emprisonnement « un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte », à l'initiative d'un ministre du culte, lorsqu'il « contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres ». Sont également évoquées les « peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile ». Cette infraction doit se comprendre dans le contexte de l'élaboration de la loi du 9 décembre 1905 et ne donne pas lieu aujourd'hui à des poursuites.

La proposition de loi aurait donc pour effet de punir d'une peine de deux ans d'emprisonnement les auteurs des nouvelles infractions qu'elle crée.

Comme cela est évoqué supra dans l'exposé général, ces dispositions pénales soulèvent des difficultés constitutionnelles au regard des principes de légalité des délits et des peines et de nécessité des peines.

S'agissant de la sanction des ministres du culte qui célèbreraient un culte sans pouvoir justifier de la formation exigée par la proposition de loi, elle semble disproportionnée à votre rapporteur par rapport à la faible gravité de l'infraction.

S'agissant des autres infractions, elles sont en réalité redondantes avec des infractions qui existent déjà, soit dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse soit dans le code pénal, mais avec des peines différentes et parfois inférieures. Le législateur doit définir les infractions pénales dans des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines. Il semble clair à votre rapporteur que prévoir la possibilité de sanctions différentes pour des infractions identiques serait une source d'arbitraire, en laissant à la discrétion des parquets le soin de poursuivre les mêmes faits en fonction du montant de la peine souhaitée.

Ainsi, le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère ethnique, national, racial ou religieux, quel que soit le moyen ou le support par lequel il est commis - et pas seulement par voie de discours comme le prévoit le texte - est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, de même que les délits connexes de diffamation et d'injure à caractère ethnique, national, racial ou religieux, par les articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. Le délit identique de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère ethnique, national, racial ou religieux, au seul moyen du discours, instauré par la proposition de loi, serait puni plus sévèrement de deux ans d'emprisonnement.

De plus, le délit de provocation à la commission d'actes de terrorisme ou d'apologie publique du terrorisme est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende par l'article 421-2-5 du code pénal 39 ( * ) , alors que le délit similaire d'agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme, instauré par la proposition de loi, serait seulement puni de deux ans d'emprisonnement.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-11 visant à réécrire l'article 7 de la proposition de loi, tout en respectant l'intention de ses auteurs, en prévoyant un dispositif alternatif dans le cadre des délits visés par le texte.

Votre commission propose ainsi de créer une circonstance aggravante pour les délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère racial, dans la loi du 29 juillet 1881, et de provocation ou d'apologie du terrorisme, dans le code pénal, ainsi que pour les délits connexes, non visés par la proposition de loi, de diffamation ou d'injure à caractère racial, dans la loi du 29 juillet 1881, lorsqu'ils ont été commis « dans le cadre d'une réunion pour la célébration d'un culte », notion déjà utilisée en matière de police des cultes à l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905 précitée.

Pour le délit de provocation ou d'apologie du terrorisme, les peines seraient portées à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende, comme lorsque les faits ont été commis sur internet.

Pour le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère racial, ainsi que pour les délits connexes de diffamation ou d'injure à caractère racial, la peine de prison serait portée d'un à deux ans et l'amende serait maintenue à 45 000 euros, dans le cadre de l'échelle des peines propre à la loi du 29 juillet 1881.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8 (supprimé) - Application de l'obligation de formation aux ministres du culte en fonction lors de l'entrée en vigueur du texte

L'article 8 de la proposition de loi prévoit que les ministres du culte déjà en fonction lors de l'entrée en vigueur de la loi devraient justifier de la nouvelle qualification requise par l'article 4 pour célébrer un culte dans les trois années suivant la publication du décret en Conseil d'État devant déterminer les critères de représentativité des instances cultuelles chargées de dispenser la formation permettant d'obtenir cette qualification.

L'article 4 ayant été supprimé par votre commission, l'article 8 n'a plus lieu d'être.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-12 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 8.

CHAPITRE II (supprimé) - DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX DÉPARTEMENTS DE LA MOSELLE, DU BAS-RHIN ET DU HAUT-RHIN
Article 9 (supprimé) (art. 8 bis [nouveau] et 9 de la loi n° 1124 sur le droit public des réunions et des associations du 21 juin 1905) - Extension aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle de l'obligation de formation des ministres du culte

L'article 9 de la proposition de loi vise à étendre les dispositions des articles 3 et 4 aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, uniquement pour les cultes non statutaires.

Les articles 3 et 4 ayant été supprimés par votre commission, l'article 9 n'a plus lieu d'être.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-13 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 9.

Article 10 (supprimé) (art. 130 [nouveau] du code pénal local applicable dans les départements du Bas?Rhin, du Haut?Rhin et de la Moselle) - Extension aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle des sanctions pénales prévues par le texte

L'article 10 de la proposition de loi vise à étendre les dispositions de l'article 7 aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, pour les cultes non statutaires uniquement.

Compte tenu de la réécriture globale de l'article 7 effectuée par votre commission, l'article 10 n'a plus lieu d'être. En tout état de cause, les nouvelles dispositions de l'article 7 s'appliquent bien dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, sans mention expresse puisqu'elles ne relèvent pas du champ du droit local.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-14 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 10.

Article 11 (supprimé) - Exemption des cultes statutaires de l'extension du texte aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

L'article 11 de la proposition de loi tend à préciser que les dispositions étendues aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par les articles 9 et 10 ne s'appliquent pas aux cultes statutaires.

Les articles 9 et 10 ayant été supprimés par votre commission, l'article 11 n'a plus lieu d'être.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-15 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 11.

CHAPITRE III (supprimé) - GAGE
Article 12 (supprimé) - Compensation des pertes de recettes résultant de l'accroissement du nombre des associations bénéficiaires des exonérations fiscales prévues par la loi du 9 décembre 1905

L'article 12 de la proposition de loi comporte un gage financier destiné à compenser la perte de recettes pour l'État qui résulterait, si l'article 1 er de la proposition de loi était appliqué, de l'accroissement significatif du nombre des associations appelées à bénéficier des exonérations fiscales prévues par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.

L'article 1 er de la proposition de loi ayant été supprimé, l'article 12 n'a plus lieu d'être.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-16 de son rapporteur visant par cohérence à supprimer ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 12.

Intitulé de la proposition de loi

Afin de tirer les conséquences des modifications apportées au texte, dès lors qu'il ne traite plus spécifiquement de la question de la formation des ministres du culte, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement COM-17 visant à donner un nouvel intitulé à la proposition de loi : proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain.

Votre commission a adopté l'intitulé ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée , en retenant en conséquence l'intitulé suivant : « proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain ».

EXAMEN EN COMMISSION

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(MARDI 5 JUIN 2018)

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons la proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d'une formation les qualifiant à l'exercice de ce culte, présentée par Mme Nathalie Goulet, M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Cette proposition de loi fait suite à la mission commune d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, dont le rapport a été présenté en juillet 2016 par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt.

La proposition de loi vise deux objectifs principaux : d'une part, rendre obligatoire l'organisation sous le régime de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État pour toute association assurant l'exercice public d'un culte ou la gestion d'un lieu de culte et, d'autre part, restreindre, sous peine de sanctions pénales, la faculté de célébrer publiquement un culte aux seuls ministres du culte ayant reçu une formation délivrée par une instance cultuelle dont la représentativité serait reconnue par l'État.

La proposition de loi prévoit une application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle pour les cultes ne relevant pas du régime concordataire, notamment l'islam. Elle comporte également un volet pénal.

Nos collègues constatent que l'organisation des musulmans en France diffère fortement de celle des cultes majoritaires, avec une absence de hiérarchie et de centralisation. Tout musulman peut guider la prière commune et la notion de ministre du culte n'existe pas. Cette situation exposerait le culte musulman à des dérives et à des pratiques regrettables.

Cette initiative répond à une réelle difficulté. Personne ne nie le constat, mais je m'interroge sur la constitutionnalité de cette proposition de loi ainsi que sur son efficacité.

La proposition de loi invite à rappeler les exigences constitutionnelles relatives au droit d'association, dispositions subtiles et extrêmement fragiles, ainsi que le principe constitutionnel de laïcité de la République.

Selon le premier principe en cause, la liberté d'association, une association ayant une activité cultuelle peut librement s'organiser selon la loi de 1901 ou selon celle de 1905. S'y ajoute le principe de liberté des cultes pour leur organisation. Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel rappellent solennellement que la liberté d'association est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. On ne peut contraindre une association à choisir l'un ou l'autre statut. En contrepartie du statut relevant de la loi de 1905 qu'elles choisissent volontairement, les associations bénéficient d'avantages fiscaux.

Concernant le principe de la liberté de culte, en janvier 2016, je rappelle que notre éminent collègue François Pillet a présenté un rapport sur la proposition de loi constitutionnelle de nos collègues du groupe RDSE, souhaitant inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 à l'article 1 er de la Constitution. La Constitution consacre le principe de laïcité, indissociable du principe de libre exercice des cultes. L'État doit ignorer les cultes tout en permettant leur libre exercice. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » L'article 1 er de la Constitution dispose que la République est laïque, mais « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » et « respecte toutes les croyances ».

Il s'agit donc d'interpréter des principes législatifs et constitutionnels. Pour faire simple, l'État doit ignorer les cultes - sans qu'il y ait aucune définition juridique des cultes ni de la notion de ministre du culte -, mais il doit permettre le libre exercice des cultes et la pratique religieuse de chacun. La protection de la liberté des cultes est aussi assurée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique ».

Je doute donc de la constitutionnalité de cette proposition de loi, hormis de l'article 2, qui prévoit l'extension du régime des lieux de culte aux locaux loués par une association cultuelle, point qui ne pose aucune difficulté.

Obliger les associations cultuelles à se soumettre à la loi de 1905, et relever ainsi d'un régime unique sous peine d'amende voire de dissolution de l'association en cas d'infraction, n'est pas justifié par un motif d'intérêt général et pourrait donc être contraire à la Constitution. La loi de janvier 1907 décrit très précisément les possibilités d'exercice du culte, selon trois modalités distinctes et librement choisies : une association relevant de la loi de 1901, une réunion sur initiative individuelle, qui relève de la loi de 1881 relative à la liberté de réunion, ou une association selon la loi de 1901 se conformant à la loi de 1905, ce qui présente des avantages et des obligations. Aucun motif d'intérêt général relevant de l'ordre public a priori me semble justifier d'imposer l'organisation du culte selon la seule loi de 1905.

La proposition de loi prévoit d'obliger tout nouveau ministre du culte ainsi que tout ministre du culte en exercice à suivre une formation qualifiante assurée par une instance cultuelle reconnue par l'État. Cela rentre dans un registre juridiquement impossible : si l'État doit ignorer les cultes mais garantir leur libre exercice, comment peut-il reconnaître ces cultes, et quels cultes ? Les druides, ministres d'un culte particulier en Bretagne, pourraient-ils être reconnus ? Cette formation devrait être dispensée et sanctionnée par une instance d'obédience cultuelle suffisamment représentative. L'État définirait par décret en Conseil d'État les critères de la représentativité de ce culte. Or ce champ est impossible à définir juridiquement... De plus, certaines religions n'ont pas de ministre du culte, notamment la religion musulmane. Ce serait une immixtion particulièrement grave de l'État dans le libre exercice et la libre organisation des cultes.

Un décret de 2017, qui impose aux aumôniers exerçant à la demande de l'État dans les armées, les hôpitaux ou les prisons de suivre une formation qualifiante, est l'objet d'un recours. Distinguons la formation obligatoire pour tout ministre du culte - qui inclut un volet religieux que l'État est censé ignorer - de l'obligation d'une formation civique pour les aumôniers militaires, des hôpitaux et des prisons, absolument nécessaire pour prévenir le risque de radicalisation dans les prisons. Un de mes amendements propose de fixer cette obligation dans la loi.

La proposition de loi introduit des peines différentes pour des infractions pénales similaires à des infractions existantes. Cette hétérogénéité des sanctions pose elle aussi un problème constitutionnel. Veillons à la cohérence des peines existantes, tout en ajoutant une circonstance aggravante lorsque l'infraction est commise dans le cadre de la célébration d'un culte, car le ministre du culte a une influence sur ses fidèles.

Reconnaissons la pertinence du constat de nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt, sans en adopter les remèdes, improbables juridiquement et non forcément efficaces. Un ministre du culte, même formé, peut toujours enfreindre la loi ! Si nous pouvions organiser les cultes par une formation obligatoire - mais nous ne le pouvons pas constitutionnellement -, certains cultes, disons occultes, pourraient se pratiquer sous prétexte de la liberté de réunion dans le domaine privé.

Je propose le respect des principes de liberté d'association et de liberté de culte tout en instaurant une obligation de formation civique pour les aumôniers salariés de l'État, ainsi que la création d'un conseil consultatif des cultes, auprès du ministre compétent, et qui pourra inclure des parlementaires.

Nous avons entendu en audition les représentants des cultes les plus visibles : juifs, musulmans, catholiques, bouddhistes, protestants et orthodoxes. Oui, la religion musulmane ne relève pas de l'organisation intellectuelle et matérielle des cultes présents en 1905, et ce texte met en avant des interrogations, notamment politiques, que nous pouvons nous poser sur la loi de 1905. On peut vénérer ce monument juridique, qui a permis cent ans de paix religieuse et civile, mais certains cultes provenant d'autres cultures ou de pratiques spirituelles différentes peuvent donner lieu à des réalités plus difficiles à gérer. En vertu de la Constitution et dans un souci d'efficacité, encourageons le dialogue entre l'État et les différents cultes, par la reconnaissance mutuelle et l'affirmation que chacun d'entre eux s'inscrit dans un cadre républicain. Faisons preuve d'exigence et de conviction.

M. Philippe Bas , président . - Ce texte traite d'un sujet très important quant à ses réalités et aux principes en cause. Notre rapporteur s'est efforcé de trouver un point d'équilibre. Certaines dérives du culte musulman peuvent conduire à la radicalisation et à la subversion des principes républicains, faisant prévaloir la religion sur la loi civile et les principes constitutionnels, ou même parfois à des actes de terrorisme - que nous avons malheureusement déplorés ces dernières années.

Comment traiter ces difficultés ? La première manière, choisie par les auteurs de la proposition de loi, serait que l'État traite de la même manière tous les cultes, mais en les contrôlant de près. La loi de 1907 a pacifié les relations après la loi de 1905, et laisse aux associations cultuelles la liberté de s'organiser librement avec le recours, pour la gestion de leur patrimoine, à la loi sur les associations de 1901, sans contrôle particulier. La loi de 1905 impose un contrôle financier du ministère des finances et de son inspection ainsi que des obligations comptables. Comme la France n'a pas voulu s'immiscer dans la gestion des cultes depuis plus d'un siècle, nous nous interrogeons désormais sur la manière d'améliorer l'insertion du culte musulman dans la société française.

La proposition de loi remet en cause la ligne de séparation entre les cultes et l'État, telle qu'elle résulte de la pratique de la loi de 1907. Refuser de suivre la logique de cette proposition de loi ne signifie pas que nous acceptions les dérives justement rappelées par les auteurs de ce texte.

Une autre voie, difficile sur le plan constitutionnel, serait que la République ne s'intéresse pas aux cultes, notamment musulman, mais à toute idéologie remettant en cause la primauté de la règle générale sur la règle religieuse. Cette subversion serait traitée sur le modèle d'autres subversions. Nous devrions alors déterminer nous-mêmes ce qui relève du culte et ce qui relève d'une idéologie politique non conforme aux principes républicains. Alors, la question de l'égalité de traitement entre les différents cultes ne se poserait plus... Ce serait peut-être plus fécond d'approfondir cette piste.

La matière, très complexe, nécessite de nombreuses concertations. La future réforme constitutionnelle permettrait peut-être de fixer de nouvelles règles, mais soyons prudents. Il existe un arsenal de sanctions des dérives verbales que le rapporteur propose de renforcer lorsqu'elles prennent place pendant l'exercice du culte, tout en pouvant en être détachées. Le travail de Mme Gatel fait droit aux préoccupations fondamentales de la société française, tout en évitant de prendre de front les relations entre l'État et les cultes, qui sont pacifiées depuis plus de 110 ans.

Les auteurs de cette proposition de loi seront peut-être déçus qu'elle n'aille pas jusqu'au bout, mais le législateur ne peut pas transgresser des principes fondamentaux.

Mme Esther Benbassa . - Je salue le travail de Mme Gatel, qui a rappelé les grands principes de la laïcité, et m'apprend qu'il existe un culte druidique !

La France a su gérer des religions non centralisées et sans clergé, comme le judaïsme, notamment grâce au concordat de Napoléon. Désormais, cette religion est gérée comme les autres monothéismes. L'islam relève peut-être d'une autre culture, mais l'histoire de France a aussi connu des cultes organisés selon les lois en vigueur.

Cette proposition de loi aurait été parfaite sous le concordat, mais ce n'est plus possible actuellement. J'en approuve certains éléments, comme ce qui est prévu pour les associations. Au sein du judaïsme, toutes les associations relevant de la loi de 1901 sont devenues cultuelles. Il y a donc un précédent. L'islam est pratiqué par des groupes souvent peu dotés financièrement. Si l'on transforme les associations « culturelles » de la loi de 1901 en associations « cultuelles » de la loi de 1905, les communes ne pourront plus attribuer de subventions pour construire des mosquées...

La formation est essentielle, mais au nom de la laïcité, nous ne pouvons pas former des ministres des cultes sans les reconnaître. En 1830, la France a demandé la création d'une école rabbinique à Metz, qui a déménagé à Paris et qui est devenue le séminaire rabbinique, rue Vauquelin. Les étudiants, sans y être obligés formellement, étudient aussi à l'université, et je leur dispense des cours - même si je suis athée. La mosquée a aussi une école de formation. Ces écoles peuvent être jumelées avec des universités ou demander qu'il y ait des cours de sociologie et d'histoire, ou encore sur les valeurs de la République.

Je suis gênée par l'obligation de prévoir une qualification validée selon des modalités prévues par le Conseil d'État. Aucun musulman n'acceptera de demander aux autres musulmans de choisir son ministre du culte. Mais on peut exiger une formation avec une liste d'enseignements, afin que ces futurs théologiens aient une façon d'enseigner et de prêcher compatible avec les valeurs de la République. Ce texte est impraticable en l'état.

M. François Grosdidier . - Nous ne pouvons pas nous limiter à ce qui nous est proposé dans le texte, quelles que soient les difficultés constitutionnelles, matérielles ou sociopolitiques.

L'État n'ignore pas les cultes. Au nom du patrimoine, la loi de 1905 permet le financement public des lieux de cultes construits avant 1905, soit 95 % des églises catholiques et 70 % des temples et synagogues. L'impossibilité pour les musulmans de bénéficier de fonds publics - certains veulent en plus interdire les financements étrangers - crée donc une inégalité. L'État finance également les aumôneries au sein de l'armée et dans les prisons, et il conclut des accords avec des pays tels que la Turquie, l'Algérie ou le Maroc pour essayer de garantir un islam modéré.

Il faut poser la question des conditions d'exercice du culte. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait suggéré d'assouplir les modalités d'application de la loi de 1905 face à l'hypocrisie consistant à financer des associations « culturelles », et non « cultuelles ». Il est envisagé dans l'excellent rapport du Sénat sur l'islam de financer ce culte par une redevance de droit privé sur le hallal, c'est une piste à explorer

Nous ne devons négliger ni la formation des ministres du culte ni le contrôle des fonds, d'ailleurs prévu par la loi de 1905. Nous contrôlons bien les associations faisant appel à la générosité publique ; or des associations ouvertement cultuelles amassent des fonds importants. Si l'État n'a pas à contrôler la formation théologique, il doit mettre en place une formation civique minimale et vérifier ensuite que les prêches et les actes sont bien conformes aux valeurs ainsi enseignées.

M. Philippe Bas , président . - Certaines de ces propositions nécessiteraient une révision de la Constitution ! Le risque est d'englober toutes les religions et de remettre en cause la séparation des Églises et de l'État en voulant traiter le problème de l'islamisme.

M. François Pillet . - Le Sénat a une mission fondamentale : garantir nos libertés. De la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à la Déclaration universelle des droits de l'homme, en passant par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou la Convention relative aux droits de l'enfant, veillons à la hiérarchie des textes qui protègent la paix sociale.

Les solutions qui nous sont proposées par notre rapporteur, auxquelles je souscris pleinement, visent à trouver un équilibre entre les libertés et la sécurité. L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » Ne cherchons pas à défaire ce qui existe en adoptant des textes par trop dictés par l'actualité.

Mme Brigitte Lherbier . - Lors de la réunion organisée chaque année par le bâtonnier de Lille avec les représentants des cultes, le directeur interrégional des services pénitentiaires a soulevé une fois le problème des visiteurs de prisons, qui ne sont pas du tout formés.

À Tourcoing, il y a cinq mosquées, dont une salafiste.

En lien avec le recteur musulman et les renseignements intérieurs, nous avons créé un diplôme universitaire de formation du personnel encadrant sur les faits religieux à l'université de Lille 2, où l'on enseigne essentiellement les valeurs républicaines. Cela marche très bien.

M. Loïc Hervé . - Dans ma commune, une décision administrative de fermeture a été prise à l'encontre d'une mosquée qui n'était pas déclarée. Les propositions de Mme Gatel, auxquelles je souscris, illustrent les difficultés juridiques, y compris constitutionnelles, auxquelles nous sommes confrontés.

Faut-il imposer l'utilisation du français dans les lieux de culte ? Lorsqu'Atatürk a fondé la République turque, l'utilisation de la langue du pays ainsi que le dépôt des prêches auprès du ministère concerné ont permis la sécularisation de certaines pratiques...

M. Jacques Bigot . - Le rapport de Nathalie Goulet et d'André Reichardt sur l'organisation et le financement de l'islam avait permis d'établir un diagnostic, mais pas de trouver des solutions.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent remettre en cause l'équilibre trouvé en 1905 et 1907, ce qui pose de surcroît des problèmes d'ordre constitutionnel. J'approuve les amendements de suppression déposés par Mme le rapporteur. Mais la création d'un conseil consultatif des cultes n'est-elle pas aussi le prélude à une remise en cause de la loi de 1905, sous prétexte de l'importance prise en France par une religion particulière ? En 1905, on avait accepté l'utilisation du latin dans le culte catholique. Il n'appartient pas au législateur d'organiser un tel conseil consultatif. Peut-être Mme le rapporteur voit-elle ce texte comme une proposition de loi d'appel pour une réforme fondamentale de la loi de 1905 ? Si ce n'est pas le cas, restons-en à la loi de 1905, sans modification.

La formation des aumôniers, qui fait l'objet d'un amendement, relève-t-elle du législateur ou du pouvoir réglementaire, sachant qu'un décret a déjà été pris en la matière ?

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Comme je l'ai déjà expliqué, l'article 1 er de la proposition de loi pose problème au regard des principes de liberté d'association et de liberté de culte.

Les amendements de suppression COM-3 et COM-1 sont adoptés.

Article 2

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Je ne propose pas un « grand soir » de la laïcité. Il s'agit simplement de lancer un débat et de rechercher des solutions juridiquement applicables dans le cadre de la Constitution et de la loi de 1905.

M. Jacques Bigot . - Je souhaite que ce ne soit pas non plus le crépuscule de la loi de 1905 !

L'amendement COM-4 est adopté.

Article 3

L'amendement de suppression COM-5 est adopté.

Article additionnel après l'article 3

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Je propose la création d'un conseil consultatif des cultes. Il est très important qu'un dialogue existe. Les représentants du culte musulman que nous avons rencontrés y sont très favorables.

La religion musulmane a été importée par les immigrés en provenance du Maroc, de Tunisie ou d'Algérie. Il y a de nouvelles générations de musulmans en France. Cela peut favoriser l'émergence d'un « islam de France », ce qui correspond à nos préoccupations.

M. Jacques Bigot . - L'islam n'a pas été « importé ». Il a vécu sur des territoires de la République, notamment au Maroc ou en Algérie, où les imams étaient d'ailleurs rémunérés par l'État.

Avez-vous interrogé les représentants d'autres religions ? Qu'en pense par exemple l'épiscopat, qui a attaqué le décret de M. Cazeneuve sur la formation des aumôniers ? Un tel conseil consultatif nous semble largement prématuré, sauf à vouloir à remettre en cause les relations de l'État avec les Églises, ce qui a d'ailleurs été suggéré par le Président de la République...

M. Loïc Hervé . - En tant que rapporteur du texte sur la présence de parlementaires dans les organismes extraparlementaires, que nous examinerons jeudi, je m'abstiendrai sur cet amendement, qui prévoit la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein du conseil consultatif.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il y a une grande diversité de l'islam en France ; évitons les assertions à caractère général.

Je suis très réticent sur la création d'un tel conseil consultatif des cultes. La loi de 1905 a fait ses preuves. La laïcité n'interdit nullement les relations entre les pouvoirs publics et les religions. Il n'appartient pas à la loi de la République de « favoriser le dialogue interreligieux » comme le dit l'amendement. Et ce n'est pas le rôle des parlementaires de siéger dans un tel organisme. Les intentions sont peut-être louables, mais ce conseil risque de créer de nouveaux problèmes.

Mme Esther Benbassa . - Le dialogue interreligieux existe déjà. Ne gravons pas ce conseil consultatif dans le marbre de la loi. En plus, cela risque de déstabiliser d'autres religions déjà organisées. Quel est l'objet d'une telle instance ?

Il faudrait peut-être éviter de parler d'une religion qui nous serait « étrangère » ou d'une « autre culture ».

M. Philippe Bas , président . - Il n'est pas certain que la présence de deux députés et deux sénateurs au sein du conseil consultatif soit indispensable. Le fait de « favoriser le dialogue interreligieux » n'est pas agressif. Mais si c'est une difficulté pour certains collègues, nous pourrons peut-être y revenir lors de l'examen des amendements de séance.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Face aux dérives que nous constatons, il me semble important d'instituer une instance de dialogue entre les pouvoirs publics et les cultes - il ne s'agit pas d'autre chose - permettant à chacun de prendre conscience de la nécessité d'inscrire sa pratique religieuse dans le cadre républicain. Les représentants des cultes que j'ai interrogés sur ce sujet ont trouvé l'idée intéressante, pour cette raison.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 4

Les amendements de suppression COM-7 et COM-2 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 4

M. Philippe Bas , président . - La puissance publique admet l'exercice du culte dans l'enceinte des services publics. Les objectifs d'ordre public justifient pleinement que le législateur ait des exigences sur la formation des aumôniers, dès lors que cela ne porte pas sur la formation religieuse, puisqu'ils interviennent dans le cadre de services publics particuliers et sont engagés par l'État.

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Une telle disposition relève du pouvoir législatif, puisqu'il s'agit d'une liberté constitutionnelle dont on veut organiser les conditions d'exercice, en prison, dans l'armée ou à l'hôpital public. Le recours contre le décret de M. Cazeneuve risque d'aboutir pour cette raison.

M. Jean-Pierre Sueur . - Les aumôniers doivent apporter un enseignement sur les religions, et non inciter à la radicalisation. Ce problème n'est pas traité dans l'amendement. Et que signifie « attester » d'une formation civile et civique ? Comme il s'agira d'une déclaration de la personne, il n'y aura aucun moyen de contrôler...

M. Philippe Bas , président . - Les aumôniers doivent avoir le baccalauréat, me semble-t-il. Cela suppose déjà qu'ils aient reçu une esquisse de formation civile et civique.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 5

L'amendement de suppression COM-9 est adopté.

Article 6

L'amendement de suppression COM-10 est adopté.

Article 7

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Je propose de modifier les sanctions pénales prévues à cet article, afin d'éviter à la fois des redondances avec des infractions existantes et une hétérogénéité injustifiée des peines encourues. Je propose également de prévoir une circonstance aggravante pour les délits évoqués par le texte lorsqu'ils sont commis dans le cadre de l'exercice d'un culte.

L'amendement COM-11 est adopté.

Article 8

L'amendement de suppression COM-12 est adopté.

Article 9

L'amendement de suppression COM-13 est adopté.

Article 10

L'amendement de suppression COM-14 est adopté.

Article 11

L'amendement de suppression COM-15 est adopté.

Article 12

L'amendement de suppression COM-16 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Françoise Gatel , rapporteur . - Après l'adoption de ces amendements, qui implique celle des différents chapitres de la proposition de loi, je vous propose de retenir l'intitulé suivant : « proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain ».

L'amendement COM-17 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous avons voté en faveur de tous les amendements de suppression déposés par Mme le rapporteur et en défaveur de ses autres amendements. Nous nous prononçons donc contre la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission .

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Obligation pour les associations ayant une activité cultuelle
de se constituer sous le régime de la loi du 9 décembre 1905

Mme GATEL, rapporteur

3

Suppression

Adopté

M. AMIEL

1

Suppression

Adopté

Article 2
Extension aux locaux loués par une association cultuelle de la législation
applicable aux locaux lui appartenant ou mis à sa disposition concernant la célébration publique du culte

Mme GATEL, rapporteur

4

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

Article 3
Interdiction de la célébration d'un culte à toute personne
ne remplissant pas l'obligation de formation des ministres du culte

Mme GATEL, rapporteur

5

Suppression

Adopté

Article additionnel après l'article 3

Mme GATEL, rapporteur

6

Création d'un conseil consultatif des cultes auprès du Gouvernement

Adopté

Article 4
Obligation pour tout ministre du culte de justifier d'une formation qualifiante,
délivrée par une instance cultuelle représentative et définition de la notion de ministre du culte

Mme GATEL, rapporteur

7

Suppression

Adopté

M. AMIEL

2

Suppression

Adopté

Article additionnel après l'article 4

Mme GATEL, rapporteur

8

Institution d'une formation obligatoire pour les aumôniers intervenant dans les armées, les établissements pénitentiaires et les centres hospitaliers

Adopté

Article 5
Instauration d'une sanction pénale pour les associations ayant une activité cultuelle
méconnaissant l'obligation de se constituer sous le régime de la loi du 9 décembre 1905

Mme GATEL, rapporteur

9

Suppression

Adopté

Article 6
Instauration d'une sanction de dissolution judiciaire pour les associations ayant une activité cultuelle
méconnaissant l'obligation de se constituer sous le régime de la loi du 9 décembre 1905

Mme GATEL, rapporteur

10

Suppression

Adopté

Article 7
Instauration de sanctions pénales en cas de célébration publique d'un culte par un ministre du culte
non régulièrement formé, en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence
et en cas d'agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme

Mme GATEL, rapporteur

11

Création d'une circonstance aggravante pour les délits d'apologie du terrorisme et de provocation à la haine raciale commis dans le cadre d'une réunion pour la célébration d'un culte

Adopté

Article 8
Application de l'obligation de formation aux ministres du culte
en fonction lors de l'entrée en vigueur du texte

Mme GATEL, rapporteur

12

Suppression

Adopté

Article 9
Extension aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
de l'obligation de formation des ministres du culte

Mme GATEL, rapporteur

13

Suppression

Adopté

Article 10
Extension aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
des sanctions pénales prévues par le texte

Mme GATEL, rapporteur

14

Suppression

Adopté

Article 11
Exemption des cultes statutaires de l'extension du texte aux départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Mme GATEL, rapporteur

15

Suppression

Adopté

Article 12
Compensation des pertes de recettes résultant de l'accroissement du nombre des associations
bénéficiaires des exonérations fiscales prévues par la loi du 9 décembre 1905

Mme GATEL, rapporteur

16

Suppression

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme GATEL, rapporteur

17

Nouvelle rédaction

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'intérieur

M. Thomas Campeaux , directeur des libertés publiques et des affaires juridiques

M. Arnaud Schaumasse , chef du bureau central des cultes

Ministère de la justice

M. Éric Thiers , conseiller spécial au cabinet de la ministre en charge des questions constitutionnelles

Mme Marie Heuzé , rédactrice au bureau du droit constitutionnel et du droit public général à la direction des affaires civiles et du sceau

Conférence des évêques de France

Mgr Olivier Ribadeau-Dumas , secrétaire général et porte-parole

Mme Anne-Violaine Hardel , responsable du service juridique

Fédération protestante de France

M. Jean-Daniel Roque , conseiller juridique et membre du bureau

Assemblée des évêques orthodoxes de France

Mgr Emmanuel Adamakis , président

Consistoire central - Union des communautés juives de France

M. Haïm Korsia , grand rabbin de France

Conseil français du culte musulman

M. Ahmet Ogras , président

Union bouddhiste de France

Mme Minh Tri Vô , présidente

Fondation de l'Islam de France

M. Jean-Pierre Chevènement , président

Institut du droit local alsacien-mosellan

M. Jean-Marie Woerhling , président

Personnalités qualifiées

M. Clément Benelbaz , maître de conférences en droit public à l'université de Savoie Mont Blanc

M. Christophe Bigot , avocat au barreau de Paris

M. Francis Messner , directeur de recherche émérite au CNRS, professeur à l'université de Strasbourg

Mme Fabienne Siredey-Garnier , ancienne présidente de la 17 ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris

Contribution écrite

M. Jean Morange , professeur émérite de droit public, ancien professeur à l'université Paris II Panthéon-Assas


* 1 De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés , Rapport d'information (n° 757, 2015-2016) de Mme Nathalie Goulet et M. André Reichardt, fait au nom de la mission commune d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/commission/missions/islam_en_france/index.html

* 2 Loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République.

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

* 4 Conseil constitutionnel, décision n° 91-299 DC du 2 août 1991, loi relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, et décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 5 Conseil constitutionnel, décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990, loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques.

* 6 Conseil constitutionnel, décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, loi relative à la chasse.

* 7 Rapport (n° 342, 2015-2016) de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article 1 er de la Constitution. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l15-342/l15-342.html

* 8 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, traité établissant une Constitution pour l'Europe.

* 9 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle].

* 10 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-633 QPC du 2 juin 2017, Collectivité territoriale de la Guyane [Rémunération des ministres du culte en Guyane].

* 11 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre [Mesures administratives de lutte contre le terrorisme].

* 12 Rapport public du Conseil d'État, 2004, Considérations générales, réflexions sur la laïcité.

* 13 Haut conseil à l'intégration, l'Islam dans la République, novembre 2000.

* 14 Les caractéristiques de ce diplôme ont été précisées par un arrêté du 5 mai 2017. Aujourd'hui, dix-huit diplômes universitaires dits « laïcité », encouragés par le ministère de l'intérieur, y compris d'un point de vue financier depuis 2015, correspondent à ces caractéristiques. Les premiers de ces diplômes ont été créés en 2008 à l'Institut catholique de Paris et en 2011 à l'université de Strasbourg. Ils sont spécialement destinés aux cadres de tous les cultes et aux fonctionnaires concernés par les questions cultuelles. En 2016 a été élaborée une charte commune à tous ces enseignements, dans un but d'harmonisation.

* 15 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018, M. Jean-Marc R. [Délit d'apologie d'actes de terrorisme].

* 16 Conseil constitutionnel, décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.

* 17 Conseil constitutionnel, décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986, loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance.

* 18 Il s'agit des diplômes universitaires sur la laïcité évoqués supra , mais également de la formation dénommée « Emouna, l'amphi des religions », délivrée par l'Institut d'études politiques de Paris.

* 19 La partie du rapport consacrée à la question générale de la formation des imams est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r15-757/r15-757_mono.html#toc38

* 20 Cette situation nécessite souvent d'exercer par ailleurs une activité professionnelle rémunérée.

* 21 La partie du rapport spécialement consacrée aux instituts de formation des imams est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r15-757/r15-757_mono.html#toc74

* 22 Il s'agit des assemblées dominicales en l'absence de prêtre (ADAP).

* 23 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle].

* 24 Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

* 25 Cette disposition est applicable aux sénateurs en application de l'article L.O. 297 du code électoral.

* 26 Conseil d'État, assemblée, 6 juin 1947, Union catholique des hommes du diocèse de Versailles.

* 27 Conseil d'État, section, 17 octobre 1980, Pont. Dans ses conclusions, le commissaire du Gouvernement indiquait alors que « les textes suggèrent et le bon sens confirme, qu'un aumônier - ou à tout le moins l'aumônier d'un établissement hospitalier ou pénitentiaire - relève simultanément de deux autorités : la religieuse et l'administrative. Une double investiture, une double confiance est requise pour qu'il entre en fonctions. Pour qu'il y entre mais aussi, croyons-nous, pour qu'il y demeure... En vérité, que l'une quelconque de ces deux "investitures" soit retirée à un aumônier et son ministère ne peut plus être exercé ».

* 28 Circulaire DHOS/P1 n° 2006-538 du 20 décembre 2006 relative aux aumôniers des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986.

* 29 Décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

* 30 Il existait jusqu'en 2008 des aumôniers à statut civil.

* 31 Circulaire du 20 septembre 2012 relative à l'agrément des aumôniers rémunérés ou bénévoles, des auxiliaires bénévoles d'aumônerie des établissements pénitentiaires et des accompagnants occasionnels d'aumônerie.

* 32 Lorsqu'une candidature spontanée n'émane pas de l'autorité religieuse, celle-ci est sollicitée en vue d'homologuer cette demande.

* 33 Article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

* 34 Conseil d'État, assemblée, 6 juin 1947, Union catholique des hommes du diocèse de Versailles.

* 35 Conseil d'État, section, 7 mars 1969, Ville de Lille.

* 36 La partie du rapport consacrée aux aumôniers musulmans est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/r15-757/r15-7577.html#toc66

* 37 Les dispositions de ce décret ont été codifiées à l'article 8 du décret n° 2008-1524 du 30 décembre 2008 relatif aux aumôniers militaires et à l'article D. 439 du code de procédure pénale pour les aumôniers des services pénitentiaires.

* 38 Arrêté du 5 mai 2017 relatif aux diplômes de formation civile et civique suivie par les aumôniers militaires d'active et les aumôniers hospitaliers et pénitentiaires et fixant les modalités d'établissement de la liste de ces formations.

* 39 Ce délit a été sorti du régime pénal spécial du droit de la presse, plus favorable à la liberté d'expression, pour rejoindre le droit commun dans le code pénal, compte tenu de la gravité des faits en cause, par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, ce qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa récente décision n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018, M. Jean-Marc R. [Délit d'apologie d'actes de terrorisme].

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