Article 59
Obligations spécifiques aux bailleurs sociaux

L'article 59 insère un nouveau dispositif dans le code de la construction et de l'habitation pour prévenir plus efficacement les expulsions des locataires du parc social.

Le mécanisme préventif proposé est fondé sur un renforcement des conditions de mise en jeu de la clause de résiliation de plein droit du bail pour non paiement du loyer ou des charges récupérables. Il instaure une obligation légale de saisir les instances compétentes pour examiner les difficultés de paiement des locataires et décider le maintien des aides au logement en dépit des défaillances constatées, préalablement à toute assignation tendant à la résiliation de plein droit du bail sur le fondement de la procédure de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Si ces procédures préventives sont d'ores et déjà de pratique courante et généralement prévues par des textes réglementaires, il s'agit ici d'organiser une articulation avec les procédures judiciaires, dans le prolongement des mécanismes instaurés par l'article 58 du projet de loi.

Le paragraphe I impose ainsi aux organismes d'HLM de saisir la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL) pour les logements conventionnés dont les locataires bénéficient de l'APL, avant toute assignation aux fins de constat de résiliation du bail. Un délai de quatre mois est prévu entre cette saisine et l'assignation pour permettre aux services concernés d'examiner la situation.

Les organismes concernés sont énumérés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation auquel se réfère l'article L. 353-14 du même code visé par le paragraphe I. Il s'agit :

- des offices publics d'aménagement et de construction (OPAC) ;

- des offices publics d'HLM (OPHLM) ;

- des sociétés anonymes d'HLM ;

- des sociétés anonymes de crédit immobilier ;

- des fondations d'HLM.

Le mécanisme proposé modifie les modalités d'intervention de la SDAPL pour éviter que le jugement constatant la résiliation de plein droit du bail et autorisant l'expulsion ne soit prononcé avant que la SDAPL n'ait statué.

Celle-ci est en effet chargée, selon les modalités prescrites par l'article R. 351-30 du code de la construction et de l'habitation et la circulaire n° 92-77 du 21 octobre 1992, de décider du maintien du versement de l'APL lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part des dépenses de logement lui incombant.

L'instauration d'un délai de quatre mois entre la saisine de la SDAPL et l'assignation induit cependant un allongement substantiel de la procédure.

En effet, aux termes de l'article R.351-30 susvisé, " le bailleur (...) doit, dans un délai de trois mois après la constitution de l'impayé (...), porter la situation du bénéficiaire défaillant à la connaissance de la section des aides publiques au logement du conseil départemental de l'habitat et justifier qu'il poursuit par tous moyens le recouvrement de sa créance ". En vertu de ce même article, " l'impayé est constitué soit lorsque trois termes nets consécutifs sont totalement impayés, soit lorsque le locataire est débiteur à l'égard du bailleur d'une somme au moins égale à deux fois le montant mensuel brut du loyer et des charges " . Il apparaît donc que la saisine de la SDAPL aux fins de décision de maintien ou non du bénéfice de l'APL ne peut intervenir au plus tôt qu'au terme de trois mois de défaillance du locataire, date à laquelle l'impayé est constitué. L'instauration d'un tel délai se justifie par le faible montant de la part de loyer qui reste chaque mois à la charge du locataire et le souci de ne faire intervenir la SDAPL qu'en cas de difficultés persistantes.

Si le dispositif résultant de l'article 59 du projet de loi n'interdit pas au bailleur, dans le cadre de la procédure d'expulsion, de saisir la SDAPL avant que ne soit constitué l'impayé au sens de l'article R.351-30 du code de la construction et de l'habitation, il paraît vraisemblable que le bailleur ne procédera à la saisine qu'à la date de constitution de l'impayé en faisant simultanément délivrer au débiteur un commandement de payer.

Dès lors, s'écoulera le délai de quatre mois imparti à la SDAPL pour recenser et mobiliser les aides disponibles et tenter d'élaborer un plan d'apurement de la dette locative. En cas d'impossibilité de définir une solution d'apurement, l'assignation aux fins de constat de résiliation du bail ne peut intervenir qu'au terme de ce délai de quatre mois.

Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par l'article 58 du projet de loi, s'ouvre alors un délai supplémentaire de deux mois pour permettre à son tour au préfet, rendu destinataire de l'assignation, de recenser et mobiliser les aides. L'audience aux fins de constat de résiliation de plein droit du bail et d'autorisation d'expulsion ne peut être tenue qu'à l'expiration de ce dernier délai.

Si l'on part du premier terme non acquitté par le locataire, huit mois s'écoulent ainsi au minimum avant que la résiliation du bail et l'expulsion puissent être prononcées par le juge :

- deux mois entre le premier terme non acquitté et la saisine de la SDAPL à la date correspondant à la constitution de l'impayé ;

- quatre mois entre la saisine de la SDAPL et l'assignation ;

- deux mois entre la notification de l'assignation au préfet et la tenue de l'audience.

Encore ce calcul ne tient-il pas compte des retards supplémentaires susceptibles de résulter du délai de notification de l'assignation au préfet par l'huissier et du calendrier des dates d'audience.

Une procédure aussi longue est de nature à encourager les mauvais payeurs qui bénéficient ainsi automatiquement d'un délai de grâce de huit mois. S'il convient d'épuiser toutes les solutions permettant d'apurer la dette locative avant que le juge n'ait à se prononcer, il paraît également nécessaire de ne pas allonger à l'excès les délais de procédure.

Alors que le dispositif proposé fait des deux phases de recherche de solutions d'apurement de la dette et de resolvabilisation du débiteur deux phases successives, il pourrait être envisagé de les faire coïncider et réduire ainsi de deux mois la durée totale de la procédure. Le mécanisme serait le suivant à compter de la saisine de la SDAPL :

- quatre mois entre la saisine de la SDAPL et l'audience ;

- deux mois au moins avant l'audience intervient la notification de l'assignation au préfet.

Un tel mécanisme permet d'organiser une synergie dans la recherche de solutions et permet une meilleure coordination sans déperdition d'énergie, la SDAPL et le préfet s'adressant, pour le recensement des aides mobilisables, aux mêmes organismes (FSL, CAF...). Le préfet qui d'ailleurs, aux termes de l'article L. 351-14, préside la SDAPL, sera en outre à même de fournir au juge, le cas échéant, une information complète sur la situation du locataire défaillant.

Aussi, votre commission des Lois vous propose-t-elle un amendement tendant à substituer au délai de quatre mois entre la saisine de la SDAPL et l'assignation, un délai de quatre mois entre cette saisine et l'audience .

Le paragraphe II prévoit l'application du mécanisme décrit au paragraphe I aux sociétés d'économie mixte détentrices de logements conventionnés, et dont les locataires bénéficient de l'APL.

Le paragraphe III opère la même transposition aux logements non conventionnés du secteur locatif social dont les locataires perçoivent les allocations de logement (allocation de logement familiale et allocation de logement aux personnes âgées, aux infirmes, aux jeunes salariés et à certaines catégories de demandeurs d'emploi).

La transposition étant ainsi opérée par insertion d'un nouvel article dans le code de la construction et de l'habitation et non comme au paragraphe II par voie de référence, la modification proposée au paragraphe I doit être également effectuée au paragraphe III. Votre commission vous soumet un amendement à cet effet.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 59 ainsi modifié .

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