Mardi 12 janvier 2016

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35

Compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales - Examen des amendements au texte de la commission

La commission examine les amendements sur son texte n° 265 (2015-2016) sur la proposition de loi constitutionnelle n° 197 (2015-2016) relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales.

M. Philippe Bas, président. - Je vous souhaite à chacun une très heureuse année, riche d'accomplissements personnels.

L'ordre du jour de cette première réunion appelle l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi constitutionnelle déposée par Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues sur la compensation de toute nouvelle charge et contrainte applicable aux collectivités territoriales.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article additionnel après l'article 1er

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - À mon tour de vous présenter mes voeux. Dans le prolongement des débats que nous avons eus sur ce texte à la fin de l'année dernière, je souhaite poursuivre l'amélioration de l'écriture de cette proposition de loi constitutionnelle par mon amendement n° 5, qui introduit un article additionnel modifiant l'article 72-2 de la Constitution.

D'une part, il élargit le principe d'une compensation financière au transfert de compétences entre collectivités, même si la loi NOTRe a déjà défini les principes en la matière ; d'autre part, il introduit le principe d'une réévaluation régulière des compensations des transferts, créations et extensions de compétences. En effet, celle-ci se révèle souvent déconnectée, au fil des années, des charges effectivement supportées par les collectivités - ainsi en est-il des compétences sociales des départements. Grâce à une loi organique prévoyant une réévaluation régulière, les collectivités territoriales bénéficieraient de ressources de compensation leur permettant d'exercer les compétences transférées, étendues ou créées.

M. Philippe Bas, président. - Nous allons procéder au vote de cet amendement du rapporteur.

M. Simon Sutour. - Il conviendra de vérifier la validité des délégations de vote.

Mme Jacqueline Gourault. - Voilà un propos assez désagréable !

M. François Pillet. - En effet !

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur. - Le procédé consistant à ajouter quelques verbalisations pour laisser le temps aux collègues de rejoindre la réunion et participer au vote est bien connu ; encore peut-on l'exercer de manière plus ou moins subtile...

M. Michel Delebarre. - Voilà qui est dit avec subtilité !

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Motion tendant à opposer la question préalable

M. René Vandierendonck. - J'en reste aux observations que nous avions formulées lors de l'établissement du texte de la commission. Si je partage bien entendu l'objectif de lutte contre l'inflation normative, il me parait inutile de réviser la Constitution pour l'atteindre. Ce texte n'a pas lieu d'être au point de vue juridique ; de plus, l'article 2 sur la sur-transposition des directives européennes n'a aucun rapport avec l'objectif poursuivi. Je montrerai en séance qu'il y a d'autres moyens pour atteindre le résultat souhaité qu'une révision constitutionnelle, purement proclamatoire, qui affaiblit notre objectif. Tout en reconnaissant que le rapporteur a tâché de tenir compte d'un contexte juridiquement périlleux, je persiste et signe en vous proposant cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Simon Sutour. - J'espère que le Règlement du Sénat est dument respecté. La plupart des délégations de vote invoquent le motif de la force majeure qui doit s'entendre, d'après le Bureau du Sénat, comme un événement « imprévisible et irrésistible ». Espérons que c'est effectivement le cas en l'espèce.

M. Philippe Bas, président. - Les délégations de vote font l'objet de vérifications.

M. Hugues Portelli. - Inutile de s'énerver sur ce point, puisque même si le Sénat adopte ce texte, il ne sera jamais mis à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale !

Sur le fond, je n'ai pas changé d'avis : si le problème soulevé est réel, la réponse qu'apporte cette proposition de loi est inappropriée sur le plan juridique. L'article 1er et l'article 2 n'ont aucun rapport entre eux : on associe deux dispositions qui relèvent de la carpe et du lapin.

M. René Vandierendonck. - Exactement !

M. Hugues Portelli. - De plus, la modification prévue par l'article 1er devrait viser non l'article 39 mais l'article 72 de la Constitution.

M. René Vandierendonck. - Tout à fait.

M. Hugues Portelli. - Enfin, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation n'a aucune compétence sur l'objet de l'article 2, à savoir la transposition des directives européennes. C'est à la commission des affaires européennes de se prononcer sur ce point.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable à la question préalable.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - La question soulevée par cette proposition de loi est d'importance : le poids excessif des normes dans le fonctionnement de notre pays, et surtout des collectivités territoriales, fait largement consensus. Sans doute ce texte aurait-il mérité un travail préalable associant les instances sénatoriales concernées - la commission des affaires européennes mais aussi la délégation aux entreprises, qui réfléchit aux mêmes sujets.

Nous avons réécrit la proposition de loi avec pour objectif d'améliorer l'évaluation préalable. La décision du Conseil constitutionnel validant l'étude d'impact sur le projet de loi relatif à la nouvelle délimitation des régions, jugée insuffisante par nombre de nos collègues, avait suscité de vives réactions, dont celle de M. Portelli. Dès lors, on ne peut reprocher à un texte qui vise justement à améliorer les évaluations de n'avoir pas lui-même fait l'objet d'évaluations suffisantes ! Avis défavorable à la motion.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 2.

Article 1er

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 3.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - L'amendement n° 1 tient compte des observations formulées par notre commission et des discussions subséquentes que nous avons eues avec la délégation aux collectivités territoriales à la fin de l'année. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.

Article 2

M. Philippe Bas, président. - La commission suit-elle son rapporteur dans son avis défavorable à l'amendement n° 4, qui supprime l'article 2 ? 

M. Hugues Portelli. - Je demande un vote en bonne et due forme sur cet amendement, car la question, ici, est autre : c'est que cet article 2 n'a rien à faire dans cette proposition de loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

La commission donne les avis suivants :

AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Auteur

Avis de la commission

Article additionnel après l'article 1er

M. VIAL, rapporteur

5

Adopté

AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Auteur

Avis de la commission

Motion tendant à opposer la question préalable

M. VANDIERENDONCK

2

Défavorable

Article 1er

M. VANDIERENDONCK

3

Défavorable

M. POINTEREAU

1

Favorable

Article 2

M. VANDIERENDONCK

4

Défavorable

La réunion est levée à 10 heures

Mercredi 13 janvier 2016

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 heures

Mission conjointe relative à la sécurité dans les gares - Examen du rapport d'information

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - À la suite des événements intervenus au mois d'août dans le Thalys, notre collègue Alain Fouché a souhaité la création d'une commission d'enquête sur la question de la sécurité dans les gares. D'un commun accord avec Philippe Bas, nous avons proposé, sur ce sujet à la lisière des compétences de nos deux commissions, qu'un binôme, composé d'Alain Fouché, de la commission de l'aménagement du territoire, et de François Bonhomme, de la commission des lois, fasse un travail commun. Ils nous présentent ce matin leur rapport. Nous préparons ainsi l'examen prochain d'une proposition de loi issue de l'Assemblée nationale sur la sécurité dans les transports ; nos travaux de commission en seront facilités sur ce texte qui pourra servir de véhicule aux propositions formulées ce matin.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je me réjouis de la qualité de ce très bon rapport réalisé conjointement et j'en félicite les rapporteurs.

M. Alain Fouché, rapporteur. - Merci. Nous avons très bien travaillé ensemble. La tentative d'attentat du Thalys du 21 août dernier a montré l'actualité et la gravité de la menace terroriste, malheureusement confirmée depuis par les attentats du 13 novembre, et a attiré notre attention sur la vulnérabilité particulière des infrastructures de transport terrestre - gares, stations de métro, réseaux ferrés ou guidés. Avec plusieurs collègues, j'avais demandé la création d'une commission d'enquête ; une mission d'information conjointe à nos deux commissions nous a permis de gagner du temps.

Le député Gilles Savary a déposé début octobre une proposition de loi sur le même sujet, qui sera discutée la semaine prochaine par nos commissions et la semaine suivante en séance ; nous devions aller vite pour procéder aux auditions nécessaires et intégrer certaines propositions par la voie d'amendements. Le sujet de cette proposition de loi est cependant plus large que la lutte contre le terrorisme : il comprend notamment un volet important consacré à la fraude, que le rapport ne traite pas.

Avec François Bonhomme, co-rapporteur au nom de la commission des lois, nous avons entendu l'ensemble des acteurs concernés : forces de l'ordre, services de renseignement, services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, mais aussi syndicats et experts européens. Pour obtenir des éléments de comparaison, nous avons organisé une table-ronde avec les représentants des ambassades des pays voisins - Allemagne, Luxembourg, Belgique et Espagne - et avec les États-Unis, à laquelle plusieurs d'entre vous ont participé. Ainsi, nous avons dressé un état des lieux de la protection des gares, des stations de métro et des réseaux ferrés face à la menace terroriste, et une liste de préconisations.

Chacun connaît la vulnérabilité structurelle des gares et des stations de métro, lieux ouverts, accessibles par de multiples voies et moyens de transport, qui concentrent des flux importants de population : elles constituent une cible privilégiée pour les terroristes ; leur protection est difficile, car l'impératif de grande accessibilité et de fluidité de la circulation empêche un contrôle systématique des usagers. L'étendue des réseaux rend également complexe la protection de toutes les installations et ouvrages d'art sensibles qui s'y trouvent.

M. François Bonhomme, rapporteur. - La protection de ces espaces relève d'une multitude d'acteurs, parmi lesquels il n'est pas toujours aisé de se retrouver. La gendarmerie assure cette mission sur les territoires relevant de sa compétence, sans dispositif particulier, alors que la police dispose, à l'échelle nationale, d'un service national de la police ferroviaire (SNPF) qui dépend de la direction centrale de la police aux frontières. Ce service assure des missions opérationnelles - avec la brigade centrale des chemins de fer - et un rôle de coordination. En Île-de-France, la sous-direction régionale de la police des transports, service de la préfecture de police, assume ces deux tâches. Ce dispositif est complété par l'intervention de compagnies républicaines de sécurité, de militaires dans le cadre du plan Vigipirate, ainsi que de douaniers. Dans de rares endroits, les polices municipales interviennent aussi.

À ces forces régaliennes s'ajoutent les propres services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, autorisés depuis longtemps par la loi - « Sûreté générale » ou SUGE à la SNCF, et « Groupe de protection et de sécurisation des réseaux » (GPSR) à la RATP, le terme de sûreté étant préféré à celui de sécurité. Dotés de 2 800 agents à la SNCF et de 1 000 agents à la RATP, ces services assurent, dans le cadre d'une mission de prévention, la sécurité des personnes - usagers et employés - et des biens, et s'appuient sur un réseau important de vidéo-protection de 12 000 caméras en gare et de 21 000 dans les trains. Les opérateurs peuvent aussi recourir à des sociétés privées de sécurité, par exemple dans les gares.

La coordination de ces acteurs est effectuée à plusieurs niveaux, ce qui la rend peu lisible. Outre le service national de police ferroviaire (SNPF) et la sous-direction régionale de la police des transports en Île-de-France, cette mission relève d'une autre unité de la police nationale, créée en 2010 : l'unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun. Cette organisation pourrait être améliorée avec une entité unique de coordination.

L'ensemble de ces agents intervient dans un cadre juridique contraint : les forces de l'ordre ne peuvent procéder à des contrôles d'identité que dans quelques cas très particuliers ; la fouille des bagages, assimilable à une perquisition, ne peut avoir lieu sans le consentement de la personne. Les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP sont des services privés, non pas régis par le code de la sécurité intérieure, mais par celui des transports, aux règles différentes : leurs agents ne peuvent procéder à une inspection visuelle, à une fouille des bagages ou à des palpations de sécurité, contrairement aux vigiles des sociétés de sécurité privées ; cela pose problème. Nos recommandations visent à améliorer effectivement la sécurité dans les gares.

M. Alain Fouché, rapporteur. - Face à la menace terroriste, incontrôlable, nous devons faire preuve d'humilité et en appeler à une réponse globale, qui dépasse le cadre de ce rapport. En particulier, l'action des services de renseignement est et sera déterminante.

Aucune mesure n'écartera définitivement la menace pour les réseaux ferrés et guidés, sauf à changer radicalement de modèle de transport et de société - ce qui n'est pas envisageable en l'état actuel de la menace. Ainsi, personne ne juge réaliste l'hypothèse d'une reproduction à l'identique du système de sécurité aéroportuaire, conçu pour un trafic beaucoup plus faible de passagers et intégré au stade même de la conception des aéroports. L'espace contraint des gares et des stations de métro et les flux de passagers qu'elles drainent rendent l'installation de portiques sur l'ensemble des quais physiquement impossible. Elle allongerait de façon considérable le temps de trajet des usagers, en les détournant de ces modes de transport. Enfin, rien ne garantit son efficacité absolue. Elle pourrait même déplacer le risque terroriste sur les files d'attentes créées par ces nouveaux contrôles. En Russie, une femme kamikaze s'est fait exploser dans la file d'attente de portiques de sécurité en 2013 dans une gare, tuant 17 personnes.

L'installation de portiques pour sécuriser les trains Thalys, demandée par la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, n'est donc pas satisfaisante. Elle ne sert à rien si nos voisins belge et allemand ne font pas de même - l'auteur de l'attaque du Thalys était monté à Bruxelles ; elle laisserait entière la question de la protection des autres services ferroviaires : les TGV, mais surtout, les trains de banlieue. Cette mesure serait très coûteuse - 2,5 millions d'euros par an et par quai, car il faut le matériel et le personnel permanent nécessaires - pour une efficacité limitée.

Nous préconisons des contrôles aléatoires avec des portiques déplaçables, déployés sur l'ensemble du réseau, sans que les usagers en soient préalablement informés. Cette mesure contribuerait à sécuriser l'ensemble des réseaux, y compris les trains de banlieue et les métros, à un coût raisonnable : elle créerait un climat d'incertitude pour les personnes souhaitant commettre des actes de terrorisme, en particulier celles qui agissent de façon coordonnée. Elle serait plus acceptable pour les usagers : ce ne sont pas les mêmes personnes qui seraient contrôlées à chaque fois.

Pour mieux identifier les situations à risque, nous proposons d'unifier la coordination des différentes entités au sein du SNPF, pour que la sous-direction régionale de la police des transports se concentre sur ses missions opérationnelles.

Nous prônons un développement de la vidéo-protection et de ses possibilités d'exploitation. Aujourd'hui, les données filmées par les caméras à bord des matériels roulants - wagons ou rames de métro - ne sont pas transmises en temps réel mais simplement enregistrées. Nous avons visité le centre de la gare du Nord où sont surveillées toutes les gares parisiennes : le personnel est certes devant les écrans, mais n'a pas accès aux images filmées dans les wagons. Autorisons cette transmission, en cas d'incident, aux forces de l'ordre. Les nouvelles technologies, puissant levier d'identification des situations à risque, font l'objet de plusieurs expérimentations. Des caméras piétons, accrochées sur la veste du personnel, appelleraient les usagers à la prudence et auraient un effet direct.

Pour faciliter l'intervention des polices municipales dans les transports, nous proposons de transférer de plein droit au président de l'intercommunalité les attributions lui permettant de réglementer l'activité de transport urbain, lorsque l'intercommunalité est compétente en la matière, notamment la police spéciale des transports.

Pour encourager les usagers, acteurs-clés, à signaler tout comportement anormal via les lignes téléphoniques dédiées - le 31 17 sur le réseau ferroviaire - des campagnes de sensibilisation doivent être régulièrement lancées.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Comme l'ont relevé nos collègues députés, il fallait conforter les moyens juridiques de la SUGE et du GPSR, en les autorisant à effectuer des contrôles des bagages ou des personnes, comme leurs homologues des sociétés de sécurité privées. Ils doivent pouvoir interdire à un passager refusant de se soumettre à ces contrôles d'accéder au train, et travailler en civil plus fréquemment. L'extension de ces prérogatives nécessitera néanmoins un contrôle accru sur ces agents - contrôle existant déjà pour les agents des sociétés de sécurité privée, par l'intermédiaire du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), créé en 2011. Nous proposons un contrôle similaire mais adapté à leurs spécificités.

Nous préconisons d'autoriser les forces de l'ordre à contrôler les bagages à titre préventif, par une disposition législative spécifique, sur le modèle des fouilles préventives des véhicules ordonnées par les officiers de police judiciaire pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, prévue à l'article 78-2-4 du code de procédure pénale.

Plusieurs pistes pourraient prévenir en amont les risques d'attaque terroriste. Le réseau de métro est accessible la nuit aux personnes précaires, alors qu'il est fermé et n'est pas surveillé. Malgré l'intention louable, cette situation pose un problème de sûreté du réseau. Un individu se faisant passer pour une personne en détresse pourrait en profiter pour s'introduire sur le réseau et procéder à des actes de sabotage ou y installer des explosifs. Une réflexion sur ce sujet est nécessaire. Étudions aussi la radicalisation de certains membres du personnel des opérateurs, occupant des postes sensibles. Il serait opportun de conditionner l'accès à ces postes à des habilitations spécifiques, pour éviter le risque de complicité d'un agent avec une entreprise terroriste. La notion de sécurité doit être intégrée dès la conception de nouvelles gares ou lors des travaux d'aménagement de stations de métro : l'organisation de ces espaces peut être déterminante pour faciliter, ensuite, leur sécurisation.

Nos propositions sont réalistes et pragmatiques. Elles ne remettent pas en cause l'économie actuelle du transport ferroviaire, fondée sur des flux importants et une grande facilité de circulation. Nous espérons qu'elles recueilleront votre approbation. Certaines d'entre elles pourront être introduites dans la proposition de loi de Gilles Savary que nous examinerons la semaine prochaine. La sécurité dans les gares est un sujet complexe mais avec de vraies marges de progrès. Notre ambition a consisté à les faire apparaître et à tenter d'y apporter des solutions.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Hervé Maurey et moi-même félicitons les rapporteurs qui ont commencé leur travail en novembre et nous présentent dès début janvier un rapport dont chacun constate l'exhaustivité dans l'analyse de la situation, l'organisation et l'expertise juridique, jusque dans les propositions. Cette méthode de travail s'est révélée très efficace. Comme le veut l'usage, nous nous prononcerons uniquement sur la publication du rapport.

M. Claude Bérit-Débat. - Dans la proposition 5, vous souhaitez transférer de plein droit la compétence de police des transports au président de l'intercommunalité lorsque celle-ci est compétente, ce qui va au-delà de la sécurité dans les gares. Les autorités organisatrices de transports (AOT) diffèrent selon la taille de l'agglomération... L'impact d'un transfert obligatoire de la compétence des AOT au président de l'intercommunalité m'interpelle, alors que j'aurais approuvé un transfert facultatif.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen de la proposition de loi.

M. Alain Vasselle. - Monsieur Fouché, vous soulignez la difficulté à assurer le contrôle à la fois dans les gares et dans les trains. De combien de contrôleurs dispose la SNCF ? L'un d'entre eux ne pourrait-il pas être affecté à la vidéosurveillance dans les trains pour constater les faits délictueux ? À la gare du Nord, la surveillance est réalisée 24 heures sur 24, avec des agents présents sur place. Tous les trains de banlieue et les TGV sont-ils équipés de caméras dans tous les wagons ? À défaut, la SNCF a-t-elle un programme d'équipement ?

M. Louis Nègre. - Ce rapport, sur un sujet très sensible, est important, et nous pouvons nous accorder sur ses préconisations. Oui à une entité unique de coordination, au lieu des usines à gaz, spécialité française. Simplifions le système actuel. Mais ce travail arrive trop tard, la priorité devrait être accordée au renseignement. L'État doit se donner les moyens nécessaires. Sous l'impulsion de Christian Estrosi, la métropole Nice Côte d'Azur développe la vidéo-protection, avec de très bons résultats dans le tramway. Le nouveau président de la région a aussi décidé d'installer des caméras dans tous les trains régionaux.

Le maire que je suis a donné une caméra piéton à tous les officiers de la police municipale ; c'est l'arme non létale la plus efficace pour calmer tout le monde, y compris les automobilistes ! Bien sûr, cela ne suffit pas face aux kalachnikovs dans les quartiers nord...

Je suis d'accord avec le refus d'accès au train en cas de non-soumission au contrôle, le contrôle par des agents en civil, les fouilles préventives. Pourquoi ne pas donner des habilitations spécifiques lorsqu'on voit que certaines personnes sous le coup d'une fiche S occupent des postes sensibles ? 350 000 personnes travaillent dans les transports : qui contrôler, par qui ? Le ministère de l'intérieur n'y arrivera pas, il faut des mesures simples et pragmatiques. L'État doit dire quel type de personnel doit être contrôlé.

Je suis moins réservé que vous sur l'utilité du contrôle par des portiques. Je les ai vus fonctionner en Chine, pays confronté au même problème d'attentats terroristes, avec parfois trois contrôles successifs dans les métros. Cela a nécessité de modifier l'organisation de la gare, sous maîtrise d'oeuvre française, dont le nombre d'entrées a été dû être réduit de dix à une seule.

La surveillance en temps réel soulève des difficultés : elle se traduit par des centaines de murs d'images, qui supposeront du personnel pour les faire fonctionner et entraîneront des coûts supplémentaires. Les avez-vous évalués ? Qui paiera ? À défaut, c'est nous, élus, en tant qu'autorités organisatrices de transport, qui paierons.

Le transfert de la police des transports à l'intercommunalité me pose problème : c'est un transfert de charges supplémentaires et je pensais que les pouvoirs de police étaient régaliens. On transfère déjà la responsabilité de la police nationale aux maires. Dans mon département, on attend longtemps lorsqu'on compose le 17. Mieux vaut appeler la police municipale, pour obtenir une réponse rapide, et c'est moi, le maire de Cagnes-sur-Mer, qui paie ! En cas de transfert, l'intercommunalité devra se doter de moyens financiers supplémentaires. Ce n'est pas mon collègue Rémy Pointereau qui me contredira sur les transferts de charges ! Si vous transférez les pouvoirs de police, vous déshabillez le maire, et il n'existera plus.

M. François Pillet. - Félicitations pour cet excellent rapport, sérieux et pragmatique, qui se garde bien de laisser entrevoir à nos concitoyens que des ingénieurs autoproclamés ou des experts de comptoir auraient trouvé la solution pour assurer leur sécurité. Dotons-nous des moyens les plus larges, sans faire croire que le risque zéro serait possible.

Les oppositions manifestées à la proposition des rapporteurs de transférer au président de l'intercommunalité les moyens effectifs pour exercer la compétence transport quand l'intercommunalité dispose de cette compétence procèdent d'une confusion entre les pouvoirs du maire, de la police nationale et d'un organisme fédérateur comme l'intercommunalité. René Vandierendonck et moi-même avions relevé, dans notre rapport d'information sur les polices municipales, l'incongruité de la superposition des pouvoirs des maires, lorsque l'on passe d'une commune à l'autre dans les transports. En cette période propice, j'émets le voeu que votre rapport proposant un certain nombre de mesures - dont beaucoup sont d'ordre réglementaire - soit davantage entendu que le nôtre et que celui de Jean-Pierre Sueur à la suite de la commission d'enquête sur la lutte contre le djihadisme, qui avait émis 110 propositions en avril, bien avant les événements de novembre, et qui avait fait l'objet d'un vote unanime.

Mme Évelyne Didier. - Réfléchir à ces questions est nécessaire et utile. Évitons cependant les poncifs et les raccourcis, tant pour les citoyens que pour nous. Le rapport montre que le risque zéro n'existe pas, compte tenu de l'emprise du réseau ferroviaire et routier : il est impossible de se rendre totalement maître de ces espaces, même si la situation peut être améliorée par des aménagements, le contrôle, la prévention...

Je souscris à la position de mes collègues sur l'intercommunalité et le partage des compétences : ne ramenons pas au niveau local un sujet qui relève du niveau national voire européen. Les maires ont de moins en moins de moyens et rendent toujours davantage de comptes sur tous les sujets.

Certes, le métro est un refuge pour les SDF, tant le jour que la nuit, que ce soit dans les bouches de métro ou dans les tunnels. Mais ce n'est ni un endroit pour se reposer, ni un lieu de vie, même s'il peut jouer un rôle utile, faute de places d'accueil. Prenons garde à l'accroissement de la place de la sécurité dans le contrôle social ! Voyez la manière dont on traite des syndicalistes revendiquant pour leur travail et leur vie, ou certaines personnes modestes.

M. Hugues Portelli. - Modeste élu local d'une intercommunalité de banlieue de plus de 200 000 habitants, je pense qu'il faut distinguer la gestion du matériel et du personnel en matière de sécurité, qui relève de l'intercommunalité, y compris le centre de supervision urbain (CSU), des pouvoirs de police détenus par le maire comme agent de l'État. Distinguons également les trains de banlieue des trains nationaux et internationaux, dont la sécurité doit relever de l'État, seul compétent, et nullement des collectivités territoriales.

Sur mon territoire, il a fallu attendre un viol dans la gare pour que la SNCF change son mode de vidéosurveillance : auparavant, ses caméras ne surveillaient que les fermetures de portes ! Après cet événement tragique, elle en a installé de nouvelles. Il n'existe aucune coordination entre ce que filment la SNCF, les intercommunalités et l'État. Il faut des mois pour disposer des images de la gare de l'Est, car tout est centralisé ! Les services de la SNCF refusent de les communiquer, estimant que cela ne relève pas de leur compétence. Les services préfectoraux demandent de flouter et interdisent de filmer dans les zones relevant de la SNCF. Il faudrait coordonner tout cela. Un de mes enfants a été agressé à hauteur de Saint-Michel sur le RER C par un individu dangereux - condamné quelques mois pour agression sur des jeunes femmes. Il a fallu que j'appelle le commissaire de police à Ermont dans le Val d'Oise et que j'attende au téléphone portable pour que l'individu soit enfin arrêté... à Ermont Eaubonne au bout de 45 minutes de trajet. Telle est la réalité ! Si l'on ne s'y attache pas, on ne changera pas grand-chose.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Merci de cette analyse et de ce témoignage.

M. Alain Richard. - J'approuve la dimension sélective du rapport : il ne faut pas tout faire, mais fixer des priorités. Une mesure prioritaire et réaliste consisterait à aligner les compétences et les droits des polices ferroviaires spécialisées sur la police générale.

Nous rencontrons une difficulté analogue à celle que nous avions éprouvée à propos de la loi sur la sécurité dans les navires : il n'est pas logique que le statut et les prérogatives du personnel de sécurité ne soient pas inclus par le code de sécurité intérieure, comme toutes les professions de sécurité privée - les deux sociétés concernées (SNCF et RATP) ont dû résister.

Il faut sélectionner, pour les portiques comme pour d'autres sujets : le passage à l'acte quasi quotidien d'individus devenant violents peut être indétectable, comme ce jeune qui a agressé un professeur de Marseille portant une kippa. Ne soyons pas naïfs, le renseignement ne changera pas tout. Habilitons le personnel sensible ; mais si l'on recense un million de personnes concernées, comment toutes les radioscoper ? Oui à l'habilitation des bagagistes, sans hésitation, mais l'exiger pour tous les conducteurs de bus serait irréaliste. De même, le visionnage en direct ne peut être que sélectif. L'interconnexion simultanée avec un centre d'analyse demande un autre investissement que l'enregistrement par des caméras dans les wagons, même si les technologies permettent de détecter des gestes ou des comportements inhabituels. Plus on généralise, plus on risque de se heurter à des phénomènes qui ne sont guère maitrisables...

M. Alain Fouché, rapporteur. - Le transfert de plein droit à l'intercommunalité se justifie pour disposer d'une police intercommunale, qui existe déjà, par exemple, pour les déchets.

M. Jean-Pierre Sueur. - Ce n'est pas pareil !

M. Alain Fouché, rapporteur. - Le pouvoir de police communal est mis à mal dans les transports quand on traverse plusieurs communes. Tous les trains de banlieue sont équipés de caméras. Il peut y avoir un système de surveillance tournant dans les wagons.

J'ai voté les passages de la loi Duflot proposant à RFF de vendre des gares ou des terrains délaissés pour créer des logements sociaux. Depuis, pas grand-chose n'a été fait. De nombreux terrains sont délaissés ou proposés à des prix déments aux communes. Cela prive la SNCF de ressources qui pourraient être consacrées à la sécurité.

Monsieur Nègre, on peut faire appel de manière alternative aux caméras piétons, mais cela suppose davantage de moyens de l'État. Tant mieux si le président de la région peut continuer à mettre de l'argent dans l'équipement d'autres wagons !

M. François Bonhomme, rapporteur. - Les opérateurs veulent généraliser la présence de caméras au sein des matériels roulants, mais cela représente une masse considérable de données à traiter. On doit se garder la possibilité de transmettre en temps réel les données pour contrôler. Aux opérateurs de sélectionner et de traiter les données. Transférer les moyens de contrôle de l'aérien vers le ferroviaire serait séduisant mais impossible. Soyons modestes !

Paris compte 300 stations de métro, dans lesquelles 250 à 300 personnes trouvent refuge la nuit, parce qu'elles refusent un hébergement d'urgence. Nous ne pouvons pas les expulser, mais cette vulnérabilité est à prendre en compte et à traiter.

Des moyens sont nécessaires pour réduire l'aléa et le risque lié au transport. Des portiques vont être installés sur les deux quais du Thalys, à destination de la Belgique, de l'Allemagne et du Luxembourg ; ce n'est valable que dans un sens : l'Allemagne n'a pas installé de portiques. Cette mesure coûte 2,5 millions d'euros par quai, alors que le Thalys ne représente que 0,3 % du trafic voyageurs ; elle s'inscrit dans l'attente d'une réponse forte de l'État après les attentats. Il y a 3 000 gares en France, on ne pourrait pas toutes les équiper.

Sélectionnons d'abord les solutions : des contrôles aléatoires, puis des portiques itinérants pour introduire de l'incertitude dans les modalités de contrôle.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Merci pour la concision et la précision de vos réponses.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Il nous reste à autoriser la publication du rapport.

La publication du rapport est décidée.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Merci aux rapporteurs pour ce travail et à tous pour avoir contenu les débats dans le créneau horaire très restreint qui nous était dévolu.

La réunion est suspendue à 10 heures

La réunion reprend à 10 h 35

Nomination de rapporteurs

M. François Pillet est nommé rapporteur sur la proposition de loi constitutionnelle n° 258 (2015-2016) de M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article 1er de la Constitution.

M. Hugues Portelli est nommé rapporteur sur les propositions de loi organique n° 3 (2015-2016) visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires et n° 4 (2015-2016) visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d'une mission temporaire de M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues.

M. Philippe Bas, président. - Nous devons à présent procéder à la désignation d'un rapporteur pour la proposition de loi n° 280 (2015-2016), dont je suis l'auteur, tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste. Depuis lors, il a mis en train un projet de loi qui porte en partie sur les mêmes mesures. Je propose de désigner M. Michel Mercier, qui est déjà rapporteur spécial pour le comité de suivi de l'état d'urgence.

M. Jean-Pierre Sueur. - Si l'ensemble de ces nominations procède d'une certaine cohérence politique, il faudra veiller à diversifier lors de la désignation du rapporteur pour le texte du Gouvernement.

M. Philippe Bas, président. - La commission aura l'occasion d'en débattre.

M. Michel Mercier est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 280 (2015-2016) de M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

M. Philippe Bas, président. - Je propose de désigner Mme Catherine Di Folco comme rapporteure pour la proposition de loi n° 284 (2015-2016) de M. Jean-Pierre Sueur, qui étend aux élus locaux l'application des dispositions relatives au droit individuel à la formation.

M. Jean-Pierre Sueur. - L'auteur est honoré.

M. Hugues Portelli. - Pourquoi limiter la mesure aux seuls élus locaux ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Cette proposition de loi récapitule les conclusions des états généraux de la démocratie locale qui avaient été organisés au Sénat...

M. Pierre-Yves Collombat. - Il y a un certain temps !

M. Jean-Pierre Sueur. - L'Assemblée nationale a tardé à s'en saisir. Pour faire suite à l'amendement de l'un de nos collègues, le texte prévoit d'étendre le congé individuel de formation aux élus locaux, car il porte précisément sur les conditions d'exercice de leur mandat. Cette mesure aurait dû être mise en oeuvre au premier janvier dernier, ce qui n'est pas possible sans l'engagement d'organismes gestionnaires, en l'occurrence la Caisse des dépôts et consignations.

Mme Catherine Di Folco est nommée rapporteur sur la proposition de loi n° 284 (2015-2016) de M. Jean-Pierre Sueur visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation. 

Comité de suivi de l'état d'urgence - Communication

M. Jean-Pierre Sueur. - Il avait été convenu que le comité de suivi qui se réunit autour de Michel Mercier, avec un représentant de chaque groupe politique, nous fasse un compte rendu hebdomadaire de son action. Le suivi de l'état d'urgence nous concerne tous. Il serait souhaitable d'inscrire le sujet au programme de nos prochaines réunions.

M. Philippe Bas, président. - Michel Mercier a auditionné hier le préfet de police de Paris et le procureur de la République. Nous y reviendrons, dès la semaine prochaine.

M. Michel Mercier. - Lors de notre demi-journée d'auditions d'hier, le préfet de police de Paris, M. Michel Cadot, et le procureur de la République, M. François Molins, nous ont exposé la situation. Nous avons également entendu le préfet de Seine-Saint-Denis, M. Philippe Galli, ainsi que M. Thomas Andrieu, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur. Cet après-midi, nous entendrons les associations, dont la Ligue des Droits de l'Homme et la Quadrature du Net, qui défend les libertés à l'heure du numérique.

Après la précipitation des premiers jours, le nombre des perquisitions a largement diminué, car tous ceux qui étaient susceptibles d'être visés ont eu le temps de mettre à l'abri ce qu'ils avaient à cacher ! Le préfet de police de Paris s'est montré très respectueux des libertés publiques. Il a donné un certain nombre d'instructions, pour éviter l'intrusion musclée des policiers. De même, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est rendu sur les lieux de certaines opérations pour vérifier que les forces de police ne recouraient pas à la violence de manière excessive. La mise en oeuvre de l'état d'urgence entre désormais dans une phase plus réfléchie. Cependant, la difficulté est moins d'entrer dans ce genre de procédure que d'en sortir. Il faudrait pouvoir s'assurer de l'efficacité des procédures de droit commun, d'où le projet de loi visant à modifier la procédure pénale et le droit pénal. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

M. Philippe Bas, président. - Je tiens à remercier nos collègues de leur participation aux travaux du comité de suivi de l'état d'urgence. Nous sommes tous conscients de l'importance de ces réunions.

Questions diverses

Mme Esther Benbassa. - Une question me vient à l'esprit en cette période de voeux et de bonnes résolutions : quand nous réunirons-nous pour organiser les prochaines missions de notre commission ? Nous en parlons depuis longtemps ; le moment est venu d'agir.

M. Philippe Bas, président. - Je m'attendais à ce que vous nous fassiez part d'une de vos bonnes résolutions...

Mme Esther Benbassa. - J'en ai tant...

M. Philippe Bas, président. - Nous pourrions organiser la réunion du Bureau sans précipitation, ni retard, dans les prochaines semaines. Je suis de plus en plus souvent saisi d'une demande relative à l'enregistrement audio-visuel de nos débats, pour contribuer à une meilleure diffusion des travaux du Sénat. Je ne me suis pas précipité pour répondre à cette demande, car il me semble que nous pourrions élaborer notre propre doctrine sur le sujet, au sein du Bureau de la commission. Si un enregistrement audio-visuel de nos travaux peut consolider l'image de notre institution, il risque également d'encourager un formalisme peu souhaitable, notamment dans les réunions où nous avons de nombreux amendements à examiner. C'est un débat que je soumets à votre réflexion, en ce début d'année.

Information de l'administration par l'institution judiciaire et protection des mineurs - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine ensuite le rapport de M. François Zocchetto et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 242 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Nous voici réunis pour la troisième fois en sept mois pour débattre de la transmission des informations entre l'autorité judiciaire et l'administration en cas de condamnation ou de procédure pénale en cours concernant une personne employée par l'administration ou dans une structure placée sous son contrôle. Ces discussions s'inscrivent dans le prolongement d'affaires qui ont malheureusement défrayé la chronique, celles dites de Villefontaine et d'Orgères. Au mois de juillet dernier, lors de l'examen de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (DADUE), l'Assemblée nationale, notamment sur proposition du Gouvernement, avait cru bon d'ajouter un certain nombre d'amendements sans relation avec le texte d'origine, notamment sur le sujet que nous examinons. Ces dispositions avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte. Au cours du mois d'octobre dernier, nous avons été saisis de la proposition de loi déposée par notre collègue Catherine Troendlé, que nous avons examinée et adoptée en séance publique le 20 octobre. Malheureusement, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont refusé que la navette parlementaire se poursuive sur ce texte, ce que je déplore, car il apportait une réponse directe aux dysfonctionnements mis à jour dans les affaires judiciaires du printemps 2015, et aurait permis de gagner du temps parlementaire. Le Gouvernement a donc décidé de déposer un texte spécifique, discuté et voté en séance publique par les députés le 8 décembre 2015.

Ce projet de loi reprend l'économie générale des articles adoptés en lecture définitive par l'Assemblée nationale dans la loi DADUE et déclarés contraires à la Constitution par le Conseil dans sa décision du 13 août 2015. L'article 1er crée un régime général de communication d'informations à l'administration concernant une personne qu'elle emploie, dont la mise en oeuvre est laissée à la libre appréciation du ministère public : au procureur de décider s'il transmet l'information à l'autorité administrative. Les décisions susceptibles d'être transmises pourraient concerner une condamnation, même non définitive, ainsi que la saisine d'une juridiction de jugement ou une mise en examen. Ce régime trouverait à s'appliquer à un large champ d'infractions, puisque seraient concernés tous les crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement, et pas seulement ceux commis à l'encontre des mineurs. Ce régime général de communication d'informations pénales serait étendu aux personnes publiques, aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ainsi qu'aux ordres professionnels.

L'article 1er renforce les mesures prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire, en prévoyant l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs lorsque la personne est susceptible de commettre une nouvelle infraction, et cela même si la première infraction n'a pas été commise dans l'exercice de ses fonctions.

Enfin, l'article 1er crée un régime d'information renforcé pour les infractions les plus graves, notamment contre mineur, commises par des personnes exerçant une activité au contact habituel des mineurs, sous le contrôle direct ou indirect de l'administration en vertu duquel le ministère public serait tenu d'adresser à l'administration les décisions de condamnation et de placement sous contrôle judiciaire assorti de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel de mineurs. Pour ces mêmes infractions, le ministère public aurait également, au-delà du régime facultatif de droit commun, la possibilité d'informer l'administration de la garde à vue ou de l'audition libre lorsqu'à son issue il existerait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable le fait que la personne a commis ou tenté de commettre l'infraction.

Les articles 2, 3 et 4 reprennent des dispositions de la loi DADUE, elles aussi censurées pour absence de lien avec le texte, mais que nous avions jugées bienvenues à l'époque et que nous avions reprises dans la proposition de loi déposée par Mme Troendlé.

À l'occasion de son examen par les députés, le projet de loi n'a fait l'objet que de quelques modifications rédactionnelles. Le texte n'a suscité que peu de débats et a été adopté à une large majorité, ce dont je m'étonne car le sujet est loin d'être anecdotique. Personne ne conteste la nécessité d'assurer la protection la plus efficace possible aux mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles, en particulier dans le milieu scolaire. Nous sommes dans le même temps tenus au respect absolu de notre ordre constitutionnel, en particulier du principe de la présomption d'innocence, qui suppose le respect du secret de l'instruction et de l'enquête. Entre ces deux exigences contradictoires, la voie est étroite.

Les décisions de condamnation pour des infractions graves, sexuelles ou violentes, doivent être transmises de manière systématique à l'administration d'emploi quand la personne exerce ses fonctions au contact habituel de mineurs. De même, comme nous l'avions proposé en octobre, il convient que la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité auprès de mineurs soit, pour des infractions sexuelles en lien avec les mineurs, prononcée de manière plus systématique, dans le respect des prescriptions du Conseil constitutionnel sur l'individualisation des peines, la juridiction devant pouvoir y déroger.

S'agissant de la transmission d'informations pénales sur des procédures en cours, je vous propose d'infléchir notre position en acceptant le principe d'une information dans les deux seuls cas que constituent la mise en examen ou le renvoi devant une juridiction de jugement. On peut y voir, bien sûr, une atteinte à la présomption d'innocence ; néanmoins, dans ses analyses, le Conseil d'État a estimé possibles de telles transmissions avant condamnation dès lors qu'elles sont justifiées « par des impératifs protégeant d'autres droits ou intérêts de même valeur avec lesquels les droits ou intérêts légitimes de la personne concernée doivent se concilier ». Ce dispositif ne me semble acceptable que si, d'une part, cette information reste facultative et laissée à la libre appréciation du parquet, comme le prévoit le texte, et que d'autre part, on prévoit de réelles garanties pour la personne concernée, ce que je vous proposerai d'améliorer dans les amendements que nous examinerons.

Pour le reste, je vous propose de nous en tenir à notre position constante, en refusant d'autoriser l'information de l'administration par le parquet dès le stade de la garde à vue ou de l'audition libre. Une telle information constituerait une atteinte excessive à la présomption d'innocence, hors de tout cadre procédural respectueux des droits de la défense. Les conférences nationales des procureurs généraux et des procureurs de la République, que j'ai sollicitées pour la préparation de ce rapport, sont défavorables à la transmission d'informations à un stade aussi précoce de la procédure.

Je vous proposerai également d'exclure certaines infractions de ce régime de transmission obligatoire. Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, comme une gifle par exemple, demeureraient cependant dans le champ du régime de transmission laissé à la libre appréciation des parquets.

En tout état de cause, l'efficacité de ce dispositif se heurtera nécessairement au manque de moyens dont souffrent les parquets. Le rapport de M. Jean-Louis Nadal rappelait en novembre 2013 la lourde charge de travail des magistrats des parquets et des greffes, « qui ne peuvent plus répondre à l'ensemble de leurs missions ». À ce jour, l'application informatique Cassiopée ne garantit pas une consultation fiable et les parquets manquent d'outils informatiques d'alerte pour suivre tout le cours des procédures. Il est clair que le Gouvernement n'a pas évalué dans l'étude d'impact les conséquences du dispositif qu'il propose. On estime que les infractions sexuelles ou violentes donnent lieu à au moins 14 000 condamnations par an, et le Gouvernement évalue à 15 minutes le temps nécessaire pour qu'un magistrat du parquet décide de transmettre ou non l'information. C'est tellement peu quand on sait l'importance qu'une telle décision peut avoir sur le fonctionnement des administrations et sur l'avenir de la personne mise en cause. Je suis d'autant plus dubitatif que le Gouvernement annonce que l'on ne pourra pas déployer les moyens informatiques nécessaires avant le premier trimestre 2017.

Sous réserve des amendements que je vous présenterai, je vous invite néanmoins à adopter ce projet de loi.

M. Philippe Bas, président. - Je remercie le rapporteur d'avoir surmonté un agacement légitime quant à la méthode adoptée par le Gouvernement. Sans revendication mesquine, c'est à l'initiative du Sénat et grâce à la proposition de loi de Mme Troendlé que le sujet a été porté à l'attention du Parlement. A la faveur du projet de loi DADUE, sur lequel François Zocchetto a été rapporteur, l'Assemblée nationale a introduit un nombre important d'amendements sans lien avec l'objet du texte, que nous n'avons pas pu examiner pour cause de procédure accélérée. Le Conseil constitutionnel a écarté vingt-sept articles de cette loi, ce qui est sans précédent, et parmi eux, un article traitant du sujet qui nous occupe. Tout l'enjeu est de garantir aux mineurs la protection la plus efficace possible, sans porter une atteinte excessive au principe de la présomption d'innocence. Le Sénat qui ne confond pas vitesse et précipitation a adopté la proposition de loi de Mme Troendlé en octobre. Le Gouvernement a préféré présenter son propre projet de loi. C'est regrettable en termes de délais, et ce n'est pas montrer un grand respect pour les travaux du Sénat. Dans ces conditions, je salue la qualité du rapport qui vient de nous être présenté et l'absence de tout mouvement d'humeur.

Mme Catherine Troendlé. - Les textes se sont enchaînés selon une chronologie qui ne témoigne pas d'une grande efficacité de la part du Gouvernement, et cela depuis les premiers faits qui remontent à mars 2015. J'ai du mal, en dépit de votre objurgation, monsieur le Président, à ne pas céder à un mouvement d'humeur. Le texte que nous avions voté en octobre était très réfléchi et travaillé. Il respectait le principe de la présomption d'innocence et plus largement le droit constitutionnel. La seule réticence de la garde des sceaux était qu'il aurait dû être soumis à l'appréciation du Conseil d'État.

M. Philippe Bas, président. - L'argument est mince...

Mme Catherine Troendlé. - Et nous nous retrouvons avec un texte imparfait, qui emportera cependant mon adhésion totale, si les amendements de notre excellent rapporteur sont adoptés.

M. Pierre-Yves Collombat. - Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec Mme Troendlé. Je ne vois pas comment éviter que ce texte, quand bien même il serait amendé par notre excellent rapporteur, porte atteinte au principe de la présomption d'innocence. La chaîne parlementaire a diffusé, il y a quelques jours, un documentaire sur l'affaire d'Outreau. Dans ce type d'affaires, on se fonde uniquement sur des déclarations d'enfants et très rarement sur des preuves. Dans le cas d'Outreau, il a suffi qu'une assistante maternelle relaie les déclarations fantaisistes d'un enfant pour que cinquante personnes suivent. Imaginer que le procureur ne prenne que quinze minutes, pour décider ou non de transmettre l'information à l'administration, ne peut qu'interloquer. On lâcherait ainsi des accusations infamantes sans les vérifier, alors même que beaucoup de personnes sont impliquées, comme c'était le cas dans l'affaire d'Outreau. Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que les Outreau à une ou deux personnes sont légions chaque année. Des centaines de personnes sont placées en détention provisoire pour finir sur un non-lieu. Bien sûr, il faut prendre en compte les déclarations des enfants. Sans les vérifier et sans jugement, c'est un peu hasardeux. C'est une drôle de manière de défendre les libertés ! Il faut y regarder à deux fois.

M. Philippe Bas, président. - Nous devons trouver un compromis pour préserver la protection des droits fondamentaux de la personne. Le risque de calomnie est bien sûr très grand dans ce type d'affaires, d'où l'importance de ne pas diffuser d'informations au stade de la garde à vue. Nous y serons très attentifs.

M. François Pillet. - Je salue la préoccupation du rapporteur quant au respect des grands principes qui doivent être préservés. Je m'inquiète à l'idée que l'on puisse donner une information sur une procédure en cours ou en cas de citation devant le tribunal correctionnel. Que se passera-t-il si au final le procureur relaxe ou acquitte le prévenu ? Comment réparer le préjudice moral ? L'équilibre est ténu, ce qui donne d'autant plus de poids aux précautions introduites par le rapporteur. Le Sénat est parfaitement dans sa mission lorsqu'il veille au respect des principes fondamentaux. Veillons à ne pas organiser juridiquement de petits Outreau en autorisant la diffusion d'une information sur un fait qui risque de se révéler non avéré. Je ne suis pas convaincu par ce texte.

M. Jacques Mézard. - Par tradition, mon groupe a toujours défendu les libertés publiques. Malgré les efforts de François Zocchetto, je ne puis soutenir ce texte. Il est dans l'air du temps que ceux qui sont au pouvoir suivent l'opinion publique. Quand les ministres sont à la remorque de BFM TV ou de iTELE, la République est en danger, même si l'on est une jeune ministre pleine de talent. Que devient ce pays ? Je n'ai aucune réserve dans le cas d'une condamnation définitive : l'information doit être transmise systématiquement. Quant à donner pouvoir au ministère public, en précisant qu'il « peut » informer l'administration sans plus d'information... Comment imaginer qu'il n'y ait pas de dérapage ? Donner au parquet le pouvoir d'informer l'administration de condamnations, même non définitives, du fait qu'il saisit une juridiction de jugement ou le juge d'instruction pour un crime ou un délit punis d'une peine d'emprisonnement... Je pèse mes mots : dans ce pays, c'est de la folie furieuse ! Jamais, je ne pourrai voter de telles dispositions et je ne suis pas fier d'avoir soutenu des candidats qui les défendent. Avant 2012, certains d'entre nous auraient été révulsés si le Gouvernement avait mis en place de telles dispositions. Au-delà de la présomption d'innocence, c'est inacceptable. Nous n'avons que peu de pouvoir au Parlement. Je l'utiliserai pour voter contre ce texte.

M. Philippe Bas, président. - Il s'agit de limiter l'exposition des enfants à des risques graves. Nous partageons tous à des degrés divers le souci de défendre les principes des libertés publiques, essentiels dans notre République.

M. Jacques Mézard. - Les magistrats ont les moyens de mettre les enfants à l'abri en cours de procédure : mise en détention, contrôle judiciaire, interdiction de communiquer. Le dérapage est au niveau des principes.

M. Philippe Bas, président. - La commission souhaite en effet rester dans le cadre des procédures existantes pour assurer la protection des victimes.

M. Jacques Bigot. - Les faits qui ont frappé l'opinion remontent à 2006, lorsque la condamnation d'un enseignant n'a pas été portée à la connaissance de l'Éducation nationale. Le sujet initial était l'information donnée sur des condamnations définitives, ce qui posait le problème des relations à établir entre l'Éducation nationale et le parquet, en termes de travail et d'organisation. Je comprends l'émoi que ce texte suscite auprès de ceux qui sont attachés aux principes. Reconnaissons cependant que la présomption d'innocence est bafouée tous les jours, lorsque la presse communique au sujet de personnes placées en garde à vue ou mises en examen, sans donner le même écho à l'ordonnance de non-lieu qui peut suivre quelques mois ou quelques années plus tard. Les procureurs n'informent personne, s'ils sont respectueux des règles, se retrouvant du même coup dans l'incapacité d'informer l'administration en cas de risque avéré. La meilleure garantie serait de faire obligation à l'administration qui recevra l'information d'en respecter le secret dans la mesure du possible.

La saisine du Conseil d'État aurait dû nous aider à trouver l'équilibre. La mise en oeuvre d'un contrôle judiciaire autorise un certain nombre de mesures. Cependant, dans la plupart des affaires, notamment quand il s'agit de détention de films pédopornographiques, il n'y a pas de saisine du juge d'instruction, mais une citation directe devant le tribunal correctionnel. L'article 1er est équilibré sur ce point. Je reste convaincu que la communication au moment de la garde à vue ou à son issue est excessive. Ce texte trouve des équilibres tant pour la protection des enfants que pour le fonctionnement des administrations dans l'incapacité d'empêcher toute récidive immédiate. Les procureurs devront faire preuve de beaucoup de sagacité. Le risque d'abus existe au même degré que lors de l'affaire d'Outreau.

M. Alain Richard. - Certains de nos collègues se focalisent sur la défense de la présomption d'innocence mais en réalité, ce débat concerne plusieurs principes et droits fondamentaux ; lorsque quelqu'un est mis en cause, l'information est presque toujours rendue publique en vertu de la liberté de la presse, qui emporte le droit des journalistes à protéger leurs sources - et dans ces conditions, qu'il y ait transmission de l'information par l'autorité judiciaire ou pas, le maire, tout comme l'inspecteur d'académie, devra répondre peu ou prou aux journalistes, l'autorité administrative ou l'élu se trouvera dans une position inconfortable et devra prendre des décisions délicates.

Mme Cécile Cukierman. - Il est toujours difficile de légiférer sous le coup de l'émotion, en particulier celle que nous éprouvons face à des crimes odieux dont les enfants sont les victimes ; cependant, au nom de la sécurité, on ne saurait en rabattre sur la défense de nos libertés individuelles. Ce qui compte, c'est que la justice puisse faire son travail le mieux possible et avec la plus grande célérité, ce qui suppose de lui en donner les moyens juridiques, techniques, humains et financiers. Oui, il faut protéger les victimes, tout en respectant la présomption d'innocence, laquelle assure la cohésion de notre société contre le lynchage public dont la presse est trop gourmande - au mépris de la justice et sans que des excuses soient jamais présentées quand les accusations sont infondées. Ne perdons pas de vue, également, les ravages des accusations infondées sur l'autorité professionnelle des personnes visées. Nous avons tous en tête des affaires où des personnes mises en cause ont été innocentées.

Pour que ce texte ne soit pas une loi d'affichage, il faut donner à la justice les moyens de faire son travail et s'assurer que les règles nouvelles soient nécessaires et qu'elles puissent être effectives.

M. Jean-Pierre Sueur. - Lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi DADUE, nous avions été unanimes, comme représentants du Sénat, pour marquer notre désaccord envers un texte par trop marqué du seul sceau de l'Éducation nationale. Puis notre groupe s'était rallié à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Raimbourg, alors rapporteur. S'agissant de la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé, nous avions voté contre en commission parce que nous étions opposés à l'automaticité des peines - nous en avions fait une question de principe -, puis nous nous étions abstenus en séance plénière pour saluer la qualité du débat, Catherine Troendlé l'a rappelé. Nous saluons, ici, une avancée, à propos de la garde à vue, que l'on doit à notre rapporteur.

Ce débat est donc particulièrement difficile, il nous faut trouver un équilibre entre la présomption d'innocence, la protection des mineurs et le secret de l'instruction et de l'enquête : nous faisons oeuvre utile.

M. Philippe Bas, président. - Ce n'est pas parce que c'est difficile, qu'il nous faudrait renoncer à légiférer... Au contraire !

M. Alain Anziani. - Soyons intransigeants sur les principes et les droits fondamentaux, tout particulièrement dans la période actuelle. La présomption d'innocence figure à l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à l'article 9 de la Déclaration de 1789, dans notre code pénal, dans notre code civil, elle consiste en ce que nul ne puisse être déclaré coupable sans qu'un procès public n'en ait décidé. Or, ce projet de loi invente une nouvelle catégorie juridique, celle où l'on est présumé innocent mais où le parquet doit alerter votre employeur de la possibilité que vous soyez coupable...du seul fait que la presse en parle, une catégorie juridique où la présomption d'innocence est donc proportionnelle au retentissement médiatique de votre mise en accusation. Et si nous l'acceptons ici, nous devrons l'accepter ailleurs !

Il faut évidemment protéger les enfants, les moyens existent : en cas d'instruction, le juge peut parfaitement interdire au mis en cause tout contact avec des enfants ; en cas de citation directe, il faudrait peut-être trouver un moyen d'action nouveau, mais sans contrarier un principe fondamental comme on le fait ici !

M. Michel Mercier. - Ce sujet est très difficile, j'ai eu à en connaître comme garde des sceaux sur une affaire des plus délicates, qui s'est mal terminée et dont j'ai accepté de parler à la télévision - en faisant exception au principe que je m'étais fixé de ne pas commenter des affaires en cours. Ce projet de loi va-t-il régler complètement le problème ? Probablement pas. Et nous ne devons certainement pas en rabattre sur nos principes fondamentaux, au premier chef le droit à la vie privée. Je crois donc qu'il faut laisser au magistrat le soin de décider s'il faut, ou non, communiquer les informations. Alain Richard a certes raison, la liberté de la presse emporte le caractère public des informations, mais l'évaluation des fonctionnaires n'est pas fondée sur les dossiers de presse, du moins pas encore, et si les journaux publient des informations, cela ne se confond pas avec la responsabilité de rendre les informations publiques : c'est au juge d'en décider, au cas par cas, selon la dangerosité de la personne mise en cause. Cela dit, l'administration, une fois informée, n'en sera pas moins gênée pour fonder sa décision, puisque c'est au juge de prononcer l'interdiction de contact avec des enfants.

La véritable solution serait que les juridictions s'organisent pour juger en priorité et rapidement les affaires impliquant des enfants : je crains fort de n'être pas exaucé avant longtemps...

M. René Vandierendonck. - Eh oui !

M. Christophe Béchu. - Toutes les affaires de pédophilie ne se terminent pas, malheureusement, par des non-lieux. J'ai eu à connaître, juste après Outreau, d'une affaire où 45 enfants étaient victimes et 68 adultes poursuivis ; après une instruction irréprochable, une cinquantaine de condamnés n'ont pas fait appel, et seize se sont vus confirmer leur peine en appel : au total, 66 des 68 accusés ont donc été reconnus coupables. Ce que cette affaire m'a montré, c'est que l'absence d'information a permis aux abus de se prolonger. C'est pourquoi, même si ce texte est imparfait, je suis convaincu qu'il vaut mieux que le statu quo et qu'on ne peut pas rester sans rien faire. Comme président de conseil général, j'ai eu à recevoir une lettre de parents m'annonçant qu'ils retiraient leur enfant d'une assistante maternelle agréée en m'affirmant que son mari abusait de l'enfant : quand vous recevez une telle lettre, restez-vous sans rien faire ? Maintenez-vous l'agrément, si d'autres faits confortent la suspicion ? La simple précaution pousse à prendre une mesure qui protège les enfants de tels actes, quand bien même cette mesure peut attenter à la liberté de la personne mise en cause : c'est la réalité - et notre travail consiste bien à concilier des principes qui ne s'appliquent pas de soi, ce serait bien trop simple...

En l'état, ce texte vaut mieux que de ne rien faire, nous devons protéger les plus faibles - et nul n'est plus faible qu'un enfant abusé par des adultes. C'est pourquoi je voterai ce texte, avec les amendements de notre rapporteur.

M. François Pillet. - Je ne connais pas la bonne solution, mais je suis persuadé que nous devons prendre nos responsabilités et trouver le meilleur équilibre possible. Alain Richard éclaire le débat, il nous dit surtout que nous avons créé une zone de non-droit pour les journalistes - mais c'est un autre sujet. Notre droit prévoit-il déjà la possibilité de communiquer des informations à l'administration en empiétant sur le respect de la vie privée ? Oui, en matière fiscale, depuis fort longtemps et nos concitoyens l'acceptent bien. Dans ces conditions, une position intelligente, certes imparfaite, consiste à approuver l'information de l'administration ou du maire, d'autant que, pour les fonctionnaires, le secret professionnel existe, qui offre une garantie non moindre que celui de l'instruction...

M. Alain Richard. - Voire...

M. Pierre-Yves Collombat. - En quoi un régime de libertés publiques se distingue-t-il des autres régimes ? Par le fait qu'on y croit ce que dit l'individu tant qu'il n'a pas été condamné - c'est la présomption d'innocence -, alors que dans d'autres régimes, on ne le croit pas, au nom de la sécurité. Avec les mesures de sûreté, nous avons déjà empiété sur le régime de libertés publiques : ces mesures autorisent à incarcérer ou à restreindre les libertés non parce qu'on a commis un crime, mais parce qu'on est susceptible de le commettre - et nous nous apprêtons à aller plus loin en ce sens contre le terrorisme, et ici contre la pédophilie. Avec de telles mesures, nous allons contre notre devise républicaine !

Je ne partage pas l'avis de Christophe Béchu, il ne faut pas confondre l'action administrative - je comprends parfaitement que l'administration prenne une mesure de précaution contre une personne dont on craint qu'elle n'abuse d'enfants - et l'action judiciaire : nous parlons bien, ici, d'autoriser l'appareil judiciaire à estampiller des individus comme « dangereux », en lieu et place des procédures actuelles qui garantissent la présomption d'innocence : où va-t-on ?

M. Christophe Béchu. - Je partage avec Pierre-Yves Collombat la conviction que dans notre régime de libertés publiques, nous préférons voir un coupable en liberté plutôt qu'un innocent en prison ; cependant, s'agissant des enfants - et j'assume pleinement la contradiction -, nous devons appliquer un principe de précaution, en raison même de leur fragilité. Ici, je considère que l'information diminue la probabilité que des enfants soient victimes d'abus, plutôt qu'elle ne menace la présomption d'innocence.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Chacun mesure la difficulté de l'exercice et vous avez bien voulu partir des faits, ceux qui voient des innocents être calomniés ou incarcérés, aussi bien que des enfants soumis à des situations dramatiques qui auraient pu être évitées. Chacun, ici, est convaincu de la valeur de nos principes fondamentaux, de nos libertés publiques, mais chacun admet aussi qu'il y a bien un problème - cela me suffit et m'encourage dans ma démarche, d'améliorer ce projet de loi plutôt que de l'écarter d'emblée.

Nous devons concilier des droits, le Conseil d'État l'a rappelé, ceux de la présomption d'innocence, de la sécurité des personnes et du droit à la vie privée - et il est probable que le Conseil constitutionnel ajoute son analyse au texte que nous voterons.

Je salue le travail de Catherine Troendlé, qui est partie des faits et qui a su parcourir un long cheminement. Nos collègues députés n'ont pas débattu beaucoup de ce texte, en tout cas leurs débats ne reflètent pas ceux que nous avions eu en CMP : il faudra le leur rappeler et c'est une raison, pour nous, de débattre au fond.

Le problème du transfert de responsabilité se pose : qui décidera de sanctionner, du maire ou du magistrat ? La question est loin d'être anodine, en particulier parce que, comme nous le rappelle Alain Anziani, quand le maire suspendra, cela vaudra accusation... Il nous faut donc mesurer le poids de la responsabilité ainsi transférée aux élus.

La question des moyens se pose également ou bien, comme le dit Cécile Cukierman, nous n'aurons pris qu'un texte d'affichage. Nous verrons ce qu'il en est, à la participation de la garde des sceaux et de la ministre de l'Éducation nationale à nos travaux.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article 1er

M. François Zocchetto, rapporteur. - Avec l'amendement COM-3, je vous propose de rendre automatique la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur, sauf décision contraire motivée.

M. Jacques Bigot. - Vous renoncez ici au principe de personnalisation des peines, le juge doit pouvoir apprécier lui-même s'il y a lieu d'assortir la condamnation d'une peine complémentaire : avec cette automaticité, vous vous défiez du juge.

M. Alain Richard. - Attention à l'affichage ! L'automaticité a donné de piètres résultats. Imaginez-vous qu'un juge, dans une affaire de pédophilie, ne se pose pas la question d'assortir la peine d'une interdiction de contact avec les enfants ? C'est une fiction, je ne crois pas que le législateur ait à prévoir l'automaticité.

M. Jacques Mézard. - On a déjà perdu notre latin, voici qu'on perd le Nord... Qu'on laisse au juge la liberté de motiver sa décision si elle écarte la sanction prévue par le législateur, comme c'était le cas pour les peines planchers. Pourquoi serait-ce impossible ici ? L'amendement de notre rapporteur le prévoit bien. Je me tourne vers ceux de nos collègues qui s'y opposent : vous voulez là une loi de réaction et d'affichage ; vous accusiez Nicolas Sarkozy de légiférer sous le coup de l'émotion publique, vous ne faites guère mieux !

M. François Zocchetto, rapporteur. - Dans les faits, très peu de peines complémentaires sont prononcées. J'en veux pour preuve les affaires de Villefontaine et d'Orgères. Nous en avons débattu en séance plénière et avec la garde des sceaux, je crois pouvoir dire que cet amendement est bienvenu...

L'amendement COM-3 est adopté.

Article 1er

M. François Zocchetto, rapporteur. - Avec l'amendement COM-4, je précise que le ministère public transmet l'information à l'administration seulement pour prévenir ou mettre fin à un trouble de l'ordre public et pour assurer la sécurité des personnes ou des biens.

M. Jacques Bigot. - Vous supprimez la référence au bon fonctionnement du service public et vous encadrez effectivement plus strictement la transmission, je voterai cet amendement.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Avec l'amendement COM-5, je vous propose de renforcer les garanties de la personne mise en cause et concernée par la transmission d'information : droit de présenter des observations qui devront être consignées dans le document de transmission de l'information à l'administration par le ministère public ; instauration d'une voie de recours auprès du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d'appel compétente pour assurer la transmission effective par le ministère public de l'information concernant l'issue d'une procédure ayant donné lieu à une première transmission d'information ; enfin, meilleure application du secret professionnel pour réprimer les « fuites ».

M. François Pillet. - Le parquet ne peut donc transmettre l'information qu'après avoir reçu les observations ? Ce qui peut le conduire à ne pas transmettre l'information ? (M. le rapporteur le confirme). Cela me rassure.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Nous introduisons-là un peu de contradictoire...

M. Pierre-Yves Collombat. - C'est un faux-semblant ! Imagine-t-on qu'un magistrat sera ébranlé par une telle observation ? Voyez comme cela s'est passé à Outreau, ils étaient une cinquantaine, au tribunal, à être convaincus de la culpabilité, quand on voit comment fonctionne une chambre d'instruction, c'est effrayant...

L'amendement COM-5 est adopté.

L'amendement de clarification COM-6 est adopté, de même que les amendements de précision nos COM-7, COM-8 et COM-9.

M. François Zocchetto, rapporteur. - L'amendement COM-10 rappelle que le principe général, c'est la transmission d'information laissée à l'appréciation du ministère public - et que c'est par exception, dans certaines circonstances, que le ministère public est obligé de transmettre.

L'amendement COM-10 est adopté.

- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -

M. François Zocchetto, rapporteur. - L'amendement COM-11 supprime l'alinéa 21, redondant avec l'article 11-2 du code de procédure pénale.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Avec l'amendement COM-12 rectifié, je vous propose de supprimer la faculté d'information au stade de la garde à vue ou de l'audition libre.

M. François Pillet. - Très bien !

MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat. - D'accord.

L'amendement COM-12 rectifié est adopté, de même que l'amendement COM-2.

L'amendement COM-1 devient sans objet.

L'amendement de précision COM-13 est adopté.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Avec l'amendement COM-14, je vous propose de rendre facultative la transmission d'informations relatives au délit prévu à l'article 222-13, c'est le cas par exemple de « la gifle » : le procureur pourra transmettre, notamment si elle est donnée dans un cadre professionnel, mais sans obligation.

L'amendement COM-14 est adopté.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Avec l'amendement COM-15, je propose de faire de même pour les délits d'exhibition sexuelle et de harcèlement sexuel, hors cas de harcèlement sexuel sur mineurs de quinze ans.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-16 est adopté.

M. François Zocchetto, rapporteur. - L'amendement COM-18 organise le placement automatique sous contrôle judiciaire des personnes mises en examen dans le cas d'infraction relevant du régime d'information renforcée.

M. Jacques Bigot. - Ici encore, vous introduisez une automaticité qui revient à se défier des juges, je voterai contre.

M. François Zocchetto, rapporteur. - Oui, mais ce placement sous contrôle judiciaire permettra une information systématique de l'administration... Il me semble que cela va dans le sens que vous souhaitez.

M. Jacques Bigot. - Une chose est d'informer sur la mise en examen, une autre est d'obliger le juge à placer sous contrôle judiciaire, ce que vous faites ici - je suis contre cette automaticité.

L'amendement COM-18 est adopté.

Article 3

L'amendement de précision COM-19 est adopté.

L'amendement de clarification COM-20 est adopté.

Intitulé du projet de loi

L'amendement rédactionnel COM-21 est adopté.

VOTE SUR L'ENSEMBLE DU TEXTE

M. Jacques Bigot. - Alors que ce texte visait des situations précises pour lesquelles vous avez trouvé un équilibre, vous avez ajouté des mesures qui se défient littéralement des magistrats : pour cette raison, et malgré l'excellent travail de notre rapporteur, nous nous abstiendrons.

Mme Catherine Troendlé. - Nous ne nous défions certainement pas des magistrats, l'ensemble de nos débats le démontre bien...

L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sophie Joissains. - J'ai voté ce texte pour faire face à une situation d'urgence, mais je le crois insuffisant et il serait utile de prolonger nos travaux, par une mission d'information par exemple, sur l'incidence du principe de précaution en matière judiciaire.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article additionnel avant l'article 1er

M. ZOCCHETTO, rapporteur

3

Automaticité de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur

Adopté

Article 1er
Information par le ministère public de l'administration en cas de condamnation
ou de procédure en cours et définition d'un régime d'information renforcé pour certaines infractions

M. ZOCCHETTO, rapporteur

4

Encadrement des finalités permettant au ministère public de transmettre une information pénale à l'administration

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

5

Renforcement des garanties de la personne mise en cause concernée par la transmission de l'information

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

6

Clarification rédactionnelle

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

7

Précision que le décret d'application est pris en Conseil d'État

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

8

Inscription de l'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle au contact de mineurs dans le fichier des personnes recherchées

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

9

Clarification à droit constant de la rédaction de l'article 706-47 du code de procédure pénale

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

10

Précision que le régime obligatoire de transmission de l'article 706-47-4 constitue une dérogation au régime général de transmission de l'article 11-2

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

11

Suppression d'une disposition redondante

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

12 rect.

Suppression de la faculté de transmettre l'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

Adopté

Mme BENBASSA

2

Suppression de la faculté de transmettre l'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

Adopté

M. RAYNAL

1

Suppression d'une disposition jugée inutile dans l'alinéa consacré à l'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

Rejeté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

13

Suppression de dispositions redondantes

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

14

Suppression du délit de l'article 222-13 du code pénal du régime obligatoire de transmission

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

15

Suppression du délit de l'article 222-32 du code pénal du régime obligatoire de transmission et limitation du maintien dans ce même régime du délit de l'article 222-33 quand il est commis sur mineur de moins de quinze ans

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

16

Précision que le décret d'application est pris en Conseil d'État

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

18

Automaticité du placement sous contrôle judiciaire assorti de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact de mineurs en cas de mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ du régime obligatoire d'information

Adopté

Article 3
Régime d'incapacité pour diriger ou exercer au sein des établissements, services
ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale et des familles
et modalités de renouvellement de l'agrément des assistants familiaux

M. ZOCCHETTO, rapporteur

19

Précision rédactionnelle

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

20

Clarification d'une ambiguïté à l'article L 421-3 du code de l'action sociale et des familles

Adopté

Intitulé du projet de loi

M. ZOCCHETTO, rapporteur

21

Rédactionnel

Adopté

Réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées - Examen du rapport et du texte de la commission

Enfin, la commission examine le rapport de M. André Reichardt et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 222 (2015-2016) ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen du rapport de M. André Reichardt et du texte proposé par la commission sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.

M. André Reichardt, rapporteur. - L'article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises a habilité le Gouvernement à « diminuer le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées et à adapter en conséquence les règles d'administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés, sans remettre en cause les compétences et les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement de leurs organes ». L'ordonnance du 10 septembre 2015 respecte cette habilitation, en réduisant simplement de sept à deux le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés non cotées, mais appelle quelques ajustements techniques.

L'article 1er de cette ordonnance réduit ainsi de sept à deux le nombre minimal des associés pour les sociétés anonymes dont les titres ne sont pas cotés, mais il ne change pas cette règle pour les sociétés dont seules des obligations, et pas des actions, sont cotées.

L'article 2 procède à des coordinations concernant, notamment, des formes particulières et dérogatoires de sociétés anonymes, comportant souvent déjà un minimum de deux actionnaires.

L'article 3 assure l'application dans les îles Wallis et Futuna. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le droit des sociétés relève de la compétence des institutions locales.

Plusieurs questions se posent, cependant, qui appellent des ajustements.

L'article 1er, d'abord, vise les sociétés anonymes dont les titres sont cotés : ne faudrait-il pas viser plutôt seulement celles dont les actions sont cotées, pour en exclure les sociétés dont seules les obligations sont cotées, car l'exigence légale dont il est question porte sur la composition de l'actionnariat ? Je vous proposerai un amendement dans ce sens.

À l'article 4 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire, on peut envisager de passer à deux pour le nombre minimal d'associés pour les sociétés d'exercice libéral à forme anonyme, le minimum de trois étant jusqu'à présent une dérogation par rapport au nombre de sept prévu pour les sociétés anonymes. L'ordonnance a pour effet de faire passer ces sociétés d'une situation de dérogation à la baisse à une situation paradoxale de dérogation à la hausse.

Concernant les sociétés dont l'État détient la majorité ou la totalité du capital, aucun nombre minimal d'actionnaires n'était prévu, avec l'article 32 de l'ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, mais l'ordonnance a abrogé cet article, ayant pour effet d'imposer à ces sociétés le minimum de deux actionnaires.

Par ailleurs, une coordination manque au sein du code de l'énergie, concernant le statut de la société d'économie mixte hydroélectrique, qui résulte de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, contemporaine de la prise de l'ordonnance du 10 septembre 2015 : je vous proposerai d'y remédier par un amendement.

Notre collègue Thani Mohamed Soilihi, ensuite, avec le groupe socialiste, présente deux amendements qui reprennent des dispositions de sa proposition de loi de simplification, de clarification et d'actualisation du code de commerce : je demanderai leur retrait, parce que nous devrions examiner prochainement cette proposition de loi sur laquelle un rapporteur devrait bientôt être nommé, me semble-t-il.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je vous confirme que nous nommerons un rapporteur prochainement sur cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai cosigné les deux amendements de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, parce qu'il ne peut être parmi nous aujourd'hui. Je sais qu'il tient à ce que ses propositions de simplification ne soient pas oubliées. Cependant, je me rassure de l'examen prochain de sa proposition de loi, et j'accepte en conséquence de retirer ces deux amendements.

Les amendements nos 1 et 2 sont retirés.

Articles additionnels après l'article unique

M. André Reichardt, rapporteur. - Avec l'amendement n° 3, je vous propose de limiter la nouvelle obligation d'avoir au moins sept actionnaires aux seules sociétés dont les actions sont cotées, plutôt qu'à toutes celles dont les titres sont cotés. La chancellerie m'a indiqué avoir dû englober l'ensemble des sociétés dont les titres sont cotés eu égard à la rédaction de l'article d'habilitation.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. André Reichardt, rapporteur. - L'amendement n° 4 procède à des coordinations sur le nombre minimal d'actionnaires dans certaines formes particulières de sociétés anonymes, que j'ai déjà évoquées tout à l'heure.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article additionnel après l'article unique

M. MOHAMED SOILIHI

1

Dématérialisation des assemblées générales ordinaires des actionnaires dans les sociétés
non cotées

Retiré

M. MOHAMED SOILIHI

2

Allègement de l'obligation triennale de présentation à l'assemblée générale d'une augmentation de capital réservée aux salariés

Retiré

M. REICHARDT, rapporteur

3

Périmètre des sociétés concernées par la réduction du nombre minimal d'actionnaires

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

4

Coordinations

Adopté

La réunion est levée à 12 h 45