MM. Yannick BOTREL et Joël BOURDIN, rapporteurs spéciaux

II. LE PROGRAMME 149 « FORÊT »

(Rapporteur spécial : Joël BOURDIN)

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE EN 2014

Depuis le PLF 2012, le programme 149 disposait d'une nomenclature dont l'objectif est d'offrir une présentation par dispositif permettant un meilleur suivi de l'exécution des crédits. Le nombre d'actions est ainsi passé de quatre à deux . Le présent PLF insère une troisième action dans le programme, consacrée au nouveau Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSPB).

1. L'attention renouvelée pour la filière bois

Doté d'un peu moins de 321 millions d'euros en AE et de 338 millions d'euros de CP , le programme 149 est à 72 % composé de dépenses de fonctionnement .

En 2014, les crédits du programme sont en hausse de 11 % en AE et de 8 % en CP , par rapport aux ouvertures en LFI pour 2013 (de 291 millions d'euros en AE et de 315,42 millions d'euros en CP).

Répartition par action et par titre des AE du programme 149

(en millions d'euros et en %)

Action

Titre 2 Personnel

Titre 3 Fonctionnement

Titre 5 Investissement

Titre 6 Intervention

Total (millions d'euros)

%

11 - Gestion et protection de la forêt

-

216,25

8,43

15,38

240,06

75%

12 - Développement économique de la filière forêt bois et gestion durable

-

16,05

-

50,40

66,45

21%

13 - Fonds stratégique de la forêt et du bois

-

-

-

14,36

14,36

4%

Total

-

232,30

8,43

80,14

320,87

100%

%

0%

72%

3%

25%

100%

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

Cette hausse du budget du programme 149 est due à la mise en place du FSFB et, surtout, à l'augmentation de la subvention au premier de ses opérateurs, à savoir l'Office national des forêts (ONF), qui absorbe les deux tiers des crédits du programme soit 216 millions d'euros en AE et en CP (+ 31 millions d'euros en 2014).

2. Les dépenses fiscales

Les dépenses fiscales rattachées au programme 149 « Forêt » sont d'au moins 94 millions d'euros dans le cadre du projet annuel de performance pour 2014, soit environ 30 % des crédits budgétaires alloués au programme.

Seules quelques mesures significatives sont examinées ici par votre rapporteur spécial, sachant que la plupart de ces mesures seront refondues par la dernière loi de finances rectificative pour 2013.

Il s'agit principalement de mesures patrimoniales, telles que les exonérations partielles d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les propriétés en nature de bois et forêts (coût de 43 millions d'euros ), et les exonérations partielles de droits de mutation à titre gratuit , qui correspondent aux successions et donations de ces mêmes propriétés ( 40 millions d'euros de dépenses fiscales). Pour des raisons obscures, les parts de groupements fonciers agricoles (GFA) et les biens ruraux loués par bail à long terme, hors du champ du programme en théorie, rentrent dans le calcul du coût de ces deux mesures. Leur exclusion, au profit des seules réductions d'impôt imputables aux propriétaires forestiers et aux groupements forestiers, abaisserait le montant de ces deux niches rattachées au programme 149.

Le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI) engendre un coût d'environ 3 millions d'euros . Il vise à lutter contre le morcellement des bois et forêts par la mise en place d'une réduction d'impôt sur le revenu (IR), accordée aux personnes physiques qui effectuent des dépenses d'acquisition de terrains boisés ou de travaux forestiers.

Par ailleurs, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a apporté une importante évolution à la politique forestière par la création en 2010 du compte d'épargne d'assurance pour la forêt , sur lequel les intérêts des sommes déposées sont exonérés d'impôt dans la limite d'un taux de rémunération de 2 % (pour un coût estimé de 1 million d'euros en 2014). Ce dispositif censé s'accroître progressivement (on ne compte en 2012 aucun bénéficiaire de cette exonération) et atteindre un rythme de croisière de 20 millions d'euros par an ne connaît donc pas le succès escompté ce qui invite à poursuivre la réflexion sur la diffusion des assurances dans le monde sylvicole.

De plus, pour un montant de 1 million d'euros en 2014 , les scieries ont la possibilité de majorer de 30 % le taux d'amortissement dégressif pour les matériels de production, de sciage et de valorisation des produits forestiers. Cet amortissement accéléré ne concerne que les entreprises de première transformation du bois en vue de les encourager à investir.

En outre, un taux réduit de TVA (7 % en 2013 et 10 % en 2014) est appliqué aux travaux sylvicoles et d'exploitation forestière réalisés au profit d'exploitants agricoles (y compris les propriétaires forestiers), à la suite des tempêtes de 1999 (montant non connu).

Votre rapporteur spécial tient à rappeler que le précédent Président de la République avait annoncé, lors de son discours sur la filière bois prononcé le 19 mai 2009 à Urmatt, que les soutiens publics, qu'il s'agisse d'aides ou de mesures fiscales, devraient être soumis à la condition de la gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient . Les dépenses fiscales du programme doivent incarner les priorités stratégiques de la politique forestière , centrée notamment sur une meilleure valorisation de la ressource bois . Votre rapporteur spécial souhaite réitérer cette préconisation à l'occasion du présent PLF.

Il observe que l'article 17 du projet de loi de finances rectificative pour 2013, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2013, prévoit une refonte des dispositifs fiscaux rattachés au programme, en vertu du plan national d'action pour l'avenir des industries du bois présenté le 18 octobre dernier par le Gouvernement. Il suivra donc avec attention les travaux conduits par le rapporteur général.

B. LES OPÉRATEURS DU PROGRAMME

1. La situation financière de l'ONF : un « arbre qui cache la forêt »

Les subventions aux opérateurs représentent les deux tiers des crédits du programme soit 216 millions d'euros en AE et en CP, principalement destinés à l ' Office national des forêts (ONF), ce qui explique en grande partie la prépondérance des crédits de titre 3 . Plus de 70 % des AE et des CP sont ainsi concentrés sur l'action 11 « Gestion des forêts publiques et protection de la forêt », qui supporte notamment la subvention pour charges de service public de l'ONF , établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) doté de 10 000 agents et d'un budget annuel d'environ 831 millions d'euros . L'office a pour mission la gestion des 4,7 millions d'hectares de forêts publiques , soit environ 27 % de l'ensemble de la surface forestière de notre pays, ce qui le conduit également à assurer 40 % de la vente de bois en France . La baisse prévue de la subvention de l'Etat à l'ONF, en application des décisions issues de la RGPP 25 ( * ) , est à ce stade toujours reportée : touché par la crise économique, la chute des cours du bois et le recul de ses recettes, l'ONF doit faire face depuis cinq ans à une situation financière difficile sur laquelle votre rapporteur spécial a eu l'occasion de se pencher 26 ( * ) .

L'Etat a donc décidé de verser à l'ONF en 2014 une subvention majorée de 31 millions d'euros, la portant ainsi à 216 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial estime que des efforts en matière d'organisation interne doivent être poursuivis , notamment pour ce qui concerne la fonction ressources humaines de l'opérateur, de même qu'apparaît nécessaire la clarification des relations entre l'ONF, l'Etat, les collectivités territoriales et les forestiers privés . Votre rapporteur spécial se félicite ainsi que la loi de finances pour 2012 ait conduit à réexaminer le partage du coût du régime forestier , dans la mesure où le calcul des frais de garderie manquait d'équité puisqu'il ne prenait en compte ni la capacité contributive des communes, ni les prestations de l'office, et restait lié aux options d'exploitation retenues localement 27 ( * ) . Enfin, l'ONF pourrait tirer profit d'une mobilisation de l'ensemble de la filière (amont et aval) autour de l'objectif de valorisation de la ressource bois.

2. Le Centre national de la propriété forestière (CNPF)

Le résultat de la fusion du Centre national de la propriété forestière (CNPF) et des centres régionaux de la propriété forestière (CRPF) semble quant à lui satisfaisant 28 ( * ) .

Elle se traduite en 2014 par une stabilisation de la subvention à cet opérateur , soit 16 millions d'euros en AE=CP . Les activités du centre s'inscrivent dans un contrat d'objectifs et le contrat de performance concernant la période 2012-2016 a été signé entre l'Etat et cet établissement public.

En conclusion, qu'il s'agisse de la subvention au CNPF ou plus largement des soutiens publics à la filière bois , sous la forme de dotations budgétaires ou de mesures fiscales, devraient être soumis à la condition de la gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient .


* 25 Elle devait diminuer depuis 2010.

* 26 En application de l'article 58-2° de la LOLF, votre commission des finances avait en effet demandé à la fin de l'année 2008 à la Cour des comptes une enquête sur l'ONF. Le rapport de la Cour lui a été remis le 29 septembre 2009. Votre rapporteur spécial a ensuite consacré un rapport à cette enquête. Il renvoie donc à ce dernier pour une présentation plus détaillée des problématiques de l'office (« L'ONF à la croisée des chemins », n° 54, 2009-2010).

* 27 Le mode de calcul de ces frais, fondé sur les ventes de bois, conduisait à un résultat peu souhaitable : la charge pesant sur une commune était d'autant plus élevée qu'elle avait une politique active d'exploitation commerciale de sa forêt. A l'inverse, une commune qui aurait négligé une telle exploitation, aurait bénéficié dans le même temps des prestations de l'ONF au titre du régime forestier et aurait donc profité de la situation en étant relativement favorisée. Une telle logique n'allait pas du tout dans le sens de la mobilisation de la ressource forestière.

* 28 L'ordonnance du 6 novembre 2009 et le décret du 22 mars 2010, qui résultent de la révision générale des politiques publiques, ont réformé le code forestier et modifié l'organisation de la forêt privée, en regroupant en un seul établissement public le Centre national et les 18 centres régionaux de la propriété forestière (CRPF).