Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteur spécial

IV. EXAMEN DU PROGRAMME

A. UN BUDGET STABLE MALGRÉ UNE APPARENTE DIMINUTION

Les crédits du programme 203, tant en AE qu'en CP, diminuent d'un peu moins de 340 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Cette baisse est inscrite sur l'action 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires ».

En réalité, cette action porte la subvention d'équilibre à l'AFITF qui a été réduite de moitié dans le cadre de l'entrée en vigueur de l'éco-taxe poids lourds et de son affectation à l'AFTIF. Il est en effet prévu que l'Etat ne subventionne plus l'Agence une fois que l'éco-taxe aura trouvé son rythme de croisière .

Au total, le programme 203 connaît des évolutions contrastées selon les actions ( cf. infra analyse action par action). Dans l'ensemble, les crédits diminuent d'environ 70 millions d'euros en AE et en CP, soit une baisse d'un peu moins de 2 %, principalement imputée sur l'action 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres ».

Crédits inscrits sur le programme 203 en PLF 2014

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2013

PLF 2014

Fonds de concours 2014

LFI 2013

PLF 2014

Fonds de concours 2014

1

Développement des infrastructures routières

1 000

-

597 500 000

1 000

-

1 109 271 204

10

Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires

3 225 131 962

2 886 232 825

395 000 000

3 225 131 962

2 886 232 825

429 557 435

11

Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires

347 360 645

328 443 803

36 000 000

352 219 201

341 729 147

65 035 418

12

Entretien et exploitation du réseau routier national

337 178 491

335 315 940

276 000 000

341 966 056

340 775 940

329 983 333

13

Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres

100 493 532

49 096 294

54 000 000

105 484 738

54 096 294

38 933 333

14

Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens

17 778 556

23 825 326

15 750 000

27 672 573

28 025 326

5 750 000

15

Stratégie et soutien

23 704 638

19 101 645

1 800 000

23 704 638

19 101 645

1 800 000

TOTAL

4 051 648 824

3 642 015 833

1 376 050 000

4 076 180 168

3 669 961 177

1 980 330 723

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

B. DES OPÉRATEURS FERROVIAIRES À L'AUBE D'UNE FUSION

Le 16 octobre 2013, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, a présenté devant le Conseil des ministres le projet de loi portant réforme ferroviaire. Ce texte, qui sera examiné par le Parlement durant le premier semestre 2014, met en place le « gestionnaire unique d'infrastructure » (GIU) par regroupement de Réseau ferré de France, de SNCF-Infra et de la direction des circulations ferroviaires.

Cette fusion doit permettre de maîtriser les coûts croissants de l'infrastructure ferroviaire . Devant votre rapporteur spécial, Alain Quinet, directeur général délégué de RFF, a rappelé que la croissance naturelle de la dette de RFF est d'1,5 milliard d'euros par an, pour la seule maintenance des voies existantes . Fin 2012, la dette de RFF atteint 31,5 milliards d'euros contre 28,6 milliards d'euros.

Pour l'instant, RFF ne rencontre aucune difficulté pour placer sa dette sur les marchés obligataires. À cet égard, la publication du projet de loi par le Gouvernement lui a permis de rassurer les investisseurs et d'émettre à nouveau.

Suite à l'actualisation de l'audit Rivier sur l'état du réseau et à la demande du ministre délégué chargé des transports, RFF a présenté un « grand plan de modernisation du réseau » (GPMR), « prévoyant une enveloppe d'investissement de 15 milliards d'euros sur six ans pour le réseau, soit 2,5 milliards d'euros par an, en plus des 2,3 milliards d'euros consacrés spécifiquement à l'entretien ».

En outre, suite à l'accident de Brétigny, la SNCF et RFF ont lancé le plan Vigirail, doté de 410 millions d'euros sur la période 2014-2017, destiné à principalement à renouveler les aiguillages (300 millions d'euros).

En 2014, les concours de l'Etat à RFF vont atteindre 2 552,1 millions d'euros , auxquels s'ajouteront près de 3 700 millions d'euros de péages acquittés par les entreprises ferroviaires. Sur cette somme, environ 3 200 millions d'euros sont reversés à la SNCF, notamment à la filiale SNCF Infra au titre des opérations d'entretien des voies.

C. ANALYSE PAR ACTION

1. Action 01 « Développement des infrastructures routières »

L'action 01 a pour objet la modernisation du réseau routier national concédé et non concédé existant et son développement. Le projet annuel de performances rappelle que « l'objectif fixé par l'Etat est désormais de limiter strictement l'augmentation de la capacité du réseau routier au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d'intérêt local en limitant les impacts sur l'environnement ».

Aucun crédit budgétaire n'est inscrit sur cette action qui est entièrement financée par des fonds de concours en provenance de l'AFITF et les collectivités territoriales . La première intervient sur le réseau non concédé à hauteur de 368 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 753 millions d'euros en crédit de paiement. Les secondes apportent leurs concours dans le cadre de l'achèvement des volets routiers des contrats de plan 2000-2006 et des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), pour un montant de 230 millions d'euros en autorisations d'engagement et 357 millions d'euros en crédits de paiement.

En 2014, sept mises en service sont prévues pour une longueur de routes nouvelles d'environ 50 kilomètres.

2. Action 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires »

Cette action, dotée de 2 886 millions d'euros , en AE et en CP, comprend les seules subventions versées à l'AFITF et à RFF , respectivement pour 334 millions d'euros et 2 552 millions d'euros .

Par ailleurs, elle est également abondée par des fonds de concours en provenance de l'AFITF, à hauteur de 395 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en CP, principalement au titre des volets ferroviaire, transport combiné et transports collectifs des contrats de plan 2000-2006 et des contrats de projets 2007-2013.

3. Action 11 « Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires »

Le montant de la dotation de l'action 11 s'élève à environ 328,4 millions d'euros en AE et 341,7 millions d'euros en CP .

La plus grosse part de cette enveloppe correspond à la subvention pour charges de service public attribuée à Voies navigables de France soit environ 265,3 millions d'euros , qui comprennent, depuis 2013, les charges de personnels transférés par l'Etat à l'établissement public.

Les autres dépenses de fonctionnement ne dépassent pas 1,6 million en AE et en CP, principalement au titre de l'entretien des trois aérodromes sous régie directe de l'Etat 3 ( * ) .

Les dépenses d'investissement sont concentrées sur les infrastructures aéroportuaires, notamment les trois aérodromes mentionnés supra , mais elles couvrent aussi les acquisitions foncières prévues pour l'aérodrome de Bâle-Mulhouse.

Au titre des dépenses d'intervention, une subvention de 53,5 millions d'euros (AE=CP) est attribuée aux grands ports maritimes. Le projet annuel de performances rappelle que « ces crédits correspondent à la contribution de l'Etat au titre des dépenses effectuées par ces établissements publics notamment pour l'entretien des ouvrages extérieurs et des accès (dragage), budgétés hors taxes depuis 2008 ».

Enfin, toujours au titre des dépenses d'intervention, 6,1 millions d'euros en AE et 19,4 millions d'euros en CP sont consacrés aux infrastructures aéroportuaires à raison notamment de 6,3 millions d'euros pour la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes et du solde pour diverses opérations principalement dans des aéroports d'outre-mer.

Des fonds de concours, à hauteur de 36 millions d'euros en AE et 65 millions d'euros en CP, en provenance de l'AFITF permettent de couvrir la part de l'Etat dans les contrats de projet ou de développement pour les volets portuaire et fluvial, le financement du plan de relance portuaire décidé dans le cadre de la réforme des grands ports maritimes (174 millions d'euros sur cinq ans) et la participation de l'Etat aux opérations portuaires non contractualisées dans des contrats de projet.

4. Action 12 « Entretien et exploitation du réseau routier national »

L'action 12 comprend les dépenses relatives à l'entretien courant et préventif du réseau routier national non concédé, à l'exploitation de proximité et aux opérations de réhabilitation ou de régénération routières, aux aménagements de sécurité (tunnels routiers notamment), ainsi qu'à la gestion du trafic et à l'information routière des usagers.

Ses crédits s'élèvent à environ 335,3 millions d'euros en AE et à 340,8 millions d'euros en CP . Par ailleurs, elle est abondée par des fonds de concours d'un niveau important : 276 millions d'euros en AE et 330 millions d'euros en CP, dont 5 millions d'euros apportés par les collectivités territoriales.

Répartition des crédits budgétaires entre les types de dépenses
d'entretien du réseau routier

AE 2014

CP 2014

A) Chaussées : entretien préventif et grosses réparations

112 590 804

112 590 804

B) Entretien courant et viabilité hivernale

134 168 469

134 168 469

C) Réhabilitation des ouvrages d'art

42 351 767

42 351 767

D) Immobilier, radios et matériels techniques

28 567 000

34 027 000

E) Maintenance des équipements dynamiques

17 637 900

17 637 900

TOTAL

335 315 940

340 775 940

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

Répartition des fonds de concours de l'AFITF

(en millions d'euros)

AE

CP

Régénération du réseau routier national

110

110

Mise en sécurité des tunnels

83

123

Aménagements de sécurité et démarche « SURE »

22

22

Équipements dynamiques

50

64

Aire poids lourds

6

6

TOTAL

271

325

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

Comme le notait votre rapporteur spécial l'année dernière, le rythme optimal de renouvellement annuel des couches de surface, estimé à 8 % 4 ( * ) , n'a été atteint qu'en 2009 , à la faveur du plan de relance. Le projet annuel de performances indique que, « entre 2010 et 2012, le taux de renouvellement est passé de 6 % à 4 %. Les moyens alloués en 2013 et 2014, équivalents à ceux de 2012, devraient permettre d'assurer le même taux de renouvellement, soit 4 % ».

Cette logique de « coup par coup » est préjudiciable au bon entretien des routes. Il en résulte une dégradation de la qualité du réseau coûteuse à moyen et long termes et sous-optimale au plan budgétaire. Il serait plus pertinent de respecter dans la durée un taux de renouvellement de 6 %.

5. Action 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres »

L'action 13 présente la diminution la plus importante des crédits du programme, puisque la variation entre 2013 et 2014 représente 51,4 millions d'euros en AE et en CP qui s'établissent respectivement à 49 millions d'euros et 54 millions d'euros.

Cette forte baisse s'explique d'abord par la diminution de la subvention attribuée à la SNCF au titre de la compensation des tarifs sociaux, qui était fixée à 70 millions d'euros en 2013 et qui n'est que de 30 millions d'euros en 2014 .

Entendue par votre rapporteur, la SNCF a vivement déploré cette diminution, qui s'inscrit dans une tendance de moyen terme, comme le montre le tableau ci-dessous. Au titre de l'année 2013, à fin novembre, l'Etat n'avait versé que 38,8 millions d'euros au titre de la compensation alors que la loi de finances prévoit un montant de 70 millions d'euros.

Compensation des tarifs sociaux de la SNCF par l'Etat

(en millions d'euros)

Montants prévus par la loi de finances

Compensation versée

2005

109,0

100,0

2006

89,0

89,0

2007

74,0

74,0

2008

74,0

69,6

2009

73,1

69,5

2010

69,5

69,5

2011

70,0

66,5

2012

70,0

50,0

2013

70,0

38,8

Source : SNCF

Votre rapporteur spécial regrette les économies réalisées sur cette ligne, qui pourraient en particulier pénaliser la carte famille nombreuse, le plus important des tarifs sociaux accordés par la SNCF .

Les fonds de concours de l'AFITF (54 millions d'euros en AE et 39 millions d'euros en CP) financeront des opérations de sécurisation des passages à niveau et tunnels ainsi que la création d'aire de contrôle des poids lourds . En 2012, 75 passages à niveau ont été sécurisés, dont 10 supprimés par la création d'ouvrages d'art ou de déviation. Mi-2013, 171 passages à niveau restaient inscrits au programme national de sécurisation (contre 174 il y a un an).

Les évolutions suivantes doivent également être soulignées :

1) Le soutien au transport combiné ferroviaire mobilisera 11,5 millions d'euros en AE et 16,5 millions d'euros en CP.

2) Les crédits de soutien économique et social au transport routier sont reconduits : le Comité national routier , qui établit en particulier l'indice gazole de référence, bénéficiera ainsi de 1,8 million d'euros en AE et CP.

3) Enfin, contrairement à 2013, l'action 13 n'intègre plus de compensation au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), c'est-à-dire le financement des mesures liées à la réorganisation des services régionaux de voyageurs dans le cadre de la mise en service de la LGV Rhin-Rhône . Ce sont ainsi 8 millions d'euros qui sont transférés vers le programme 121 « Concours financiers aux régions ».

6. Action 14 « Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens »

Les crédits de l'action 14 s'élèvent à 23,8 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP , soit une augmentation de près d'un tiers pour les premières et une augmentation d'environ 3,6 % pour les seconds, par rapport à 2013.

Ces évolutions s'expliquent principalement par la création d'une ligne de crédits de 5 millions d'euros (en AE et en CP), prévus « au titre du versement solidaire au fonds collecteur Manutention géré par l'assureur retenu pour la gestion des dispositifs de l'annexe 3 de la Convention collective nationale unifiée, acté dans le cadre de la réforme portuaire ».

Le soutien au transport combiné maritime et fluvial s'établit à 7,6 millions d'euros .

Le soutien aux douze lignes aériennes d'aménagement du territoire 5 ( * ) , dans le cadre du renouvellement des conventions de délégation de service public, reçoit 9,3 millions d'euros en AE et 13,5 millions d'euros en CP.

Enfin, le projet annuel de performances précise que, s'agissant des fonds de concours, 15,8 millions d'euros en AE et 5,8 millions d'euros en CP sont prévus pour l'autoroute de la mer Nantes-Vigo .

7. Action 15 « Soutien et stratégie »

Les crédits de cette action s'établissent à 19,1 millions d'euros en AE et en CP , soit une diminution de près de 20 % par rapport au montant ouvert en LFI 2013.

Cette baisse importante s'explique en réalité par la création du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), dont les crédits sont portés par le programme 217 de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables ». Le présent projet de loi de finances opère à ce titre un transfert de crédits d'environ 4 millions d'euros.

Les autres crédits comprennent :

- pour 9,4 millions, les études générales ou de prospective, dont une dotation d'un million d'euros à l'Agence française de l'information multimodale et de la billettique, créée en 2010 ;

- et 9,7 millions d'euros de crédits de fonctionnement (frais de déplacement, formation continue, contentieux...) de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, des services techniques centraux et des organismes et services rattachés au programme 203, dont le Secrétariat général au tunnel sous la Manche et le Conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité, créé par la loi « Grenelle II ».


* 3 Saint-Pierre-Pointe-Blanche à Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-Hihifo à Wallis-et-Futuna, Aix-les-Milles en métropole.

* 4 Ce pourcentage est calculé compte tenu de l'augmentation du trafic des poids lourds et de la durée de vie optimale des chaussées, qui est de huit à quinze ans selon l'intensité du trafic.

* 5 La charge de la compensation du déficit d'exploitation versée au transporteur est partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales concernées (à l'exception de la desserte internationale de Saint-Pierre-et-Miquelon, que l'Etat assume seul).