M. François TRUCY, rapporteur spécial

II. LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES

A. LE RESPECT DE LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

Bien que l'ancienne mission « Sécurité civile » soit devenue un programme, il est encore possible de vérifier cette année le respect de la programmation pluriannuelle. Les plafonds alloués à la sécurité civile dans le cadre de l'article 11 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, hors contribution directe au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », sont fixés à 0,4 milliard d'euros en 2014 et 0,41 milliard d'euros en 2015.

Pour 2014, les crédits prévus sont de 439,7 millions d'euros, dont 47,2 millions au titre de la contribution d'équilibre au CAS « Pensions », soit un montant hors CAS de 0,39 milliard d'euros. Votre rapporteur spécial observe donc que le plafond fixé par la loi précitée du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques est respecté .

B. LA STABILITÉ DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) ET LA FORTE HAUSSE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT (AE)

Le programme « Sécurité civile » s'appuiera en 2014 sur une enveloppe de 438,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP) 22 ( * ) . Par rapport à 2013, les CP demeurent donc à un niveau pratiquement identique (en légère baisse de 0,2 %).

Cette tendance globale masque des disparités d'évolution entre les différentes actions. Ainsi, l'action n° 1 « Prévention et gestion de crise » connaît une baisse de 15 % de ses CP (30,6 millions en 2014), tandis que l'action n° 2 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » voit ses crédits augmenter de 1,5 % (260,8 millions d'euros en 2014).

La majorité des CP (59,4 %) est consommée par l'action n° 2 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » qui regroupe tous les moyens nationaux terrestres et aériens (avions et hélicoptères), les équipes de déminage, ainsi que le soutien opérationnel et logistique. L'action n° 2 porte notamment 91,4 % des dépenses de personnel .

Les crédits du programme « Sécurité civile » par action

+ 10,6 millions d'euros
Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (mission « Administration générale et territoriale de l'Etat »)

+ 0,04 million d'euros
Entretien des bâtiments de l'Etat (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »)

+ 0,6 million d'euros
Police nationale (mission « Sécurités »)

*Y compris fonds de concours (FDC) et attribution de produits (ADP)

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

Les autorisations d'engagement (AE) sont en progression de 44,5 % en 2014 , en passant de 408,4 millions d'euros à 590,3 millions d'euros.

Cette forte hausse s'explique pour l'essentiel par la passation attendue en juillet 2014 d'un nouvel accord-cadre pour la maintenance des avions de la sécurité civile (hors les deux avions Dash 8), soit une flotte de douze Canadair, neuf Tracker et trois Beech. Ce nouveau marché globalisé de « mise à disposition d'heure de vols (sans pilote) et maintenance associée » devrait permettre dès 2015, selon le responsable du programme 23 ( * ) , de mieux équilibrer les risques entre les industriels et la DGSCGC, tout en simplifiant la gestion des contrats et en assurant une meilleure disponibilité des appareils. Une enveloppe de 167 millions d'euros en AE est prévue .

Votre rapporteur spécial se félicite de la passation d'un nouveau marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) destiné à mieux encadrer les coûts de maintenance et à planifier les immobilisations au sol . L'expérience du précédent accord-cadre et de son exécution insatisfaisante devrait permettre d'éviter certaines dérives de dépenses . En effet, les coûts de maintenance des avions sont en hausse constante (d'environ 2 millions d'euros par an) dans le cadre de l'accord-cadre en cours d'exécution depuis 2008.

C. LA RÉDUCTION DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT

1. Les crédits de fonctionnement et d'intervention maintenus au niveau de 2013

Les crédits de fonctionnement demandés pour 2014 s'élèvent à 127,4 millions d'euros en CP . Ces crédits sont en légère hausse de 1,2 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2013. Ils sont essentiellement portés par l'action n° 2 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » (75,8 % de la totalité des crédits de fonctionnement).

Ces crédits permettent notamment de financer :

- le carburant des avions et des hélicoptères , ainsi que les produits retardants . L'enveloppe est identique à celle de l'année dernière , avec respectivement 7,3 millions d'euros et 2,3 millions d'euros ;

- la maintenance de l'ensemble des avions et des hélicoptères . Le budget est de 75 millions d'euros en CP. La hausse de 3,5 millions d'euros par rapport au PLF 2013 est principalement due à la maintenance sur hélicoptères en hausse de 13,5 % ;

- le fonctionnement des sites délocalisés des moyens nationaux pour un montant de 11 millions d'euros . Ces crédits permettent d'assurer l'ensemble des dépenses nécessaires à l'exploitation des moyens aériens, au fonctionnement des trois UIISC et des 29 centres et antennes de déminage, ainsi que des 3 ESOL.

Les dépenses d'intervention (107 millions d'euros en CP) sont constantes. Elles sont essentiellement portées par l'action n° 3 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » (96,8 %). La principale dépense d'intervention est la participation de l'Etat au budget spécial de la ville de Paris afin de contribuer au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) pour un montant de 82,3 millions d'euros. L'ENSOSP reçoit également une subvention de fonctionnement de 4 millions d'euros ( cf. supra ).

2. La baisse des crédits d'investissement : - 12,7 %

Les crédits d'investissement s'élèvent à 37,7 millions d'euros en CP, soit une baisse de 12,7 % en CP par rapport à ceux ouverts en LFI 2013.

Les principaux projets mobilisant les dépenses de titre 5 (investissement) sont :

- le programme ANTARES , qui vise à une modernisation des systèmes d'information des différents services concourant aux missions de sécurité civile sur l'ensemble du territoire ( 14,5 millions d'euros en CP ). Votre rapporteur spécial reviendra infra plus en détail sur ce programme ;

- le projet de modernisation de l'alerte aux populations, dénommé Système d'alerte et d'information des populations (SAIP) , à hauteur de 7,1 millions d'euros . Ces crédits sont portés par l'action n° 1 « Prévention et gestion de crise ». Ils sont en baisse de 2,7 millions par rapport au PLF 2013 ;

- la réalisation de travaux immobiliers pour les sites délocalisés des moyens nationaux ( 7,2 millions d'euros en CP ). Une dotation de 2,2 millions d'euros en AE et 1,1 million d'euros en CP est spécialement affectée pour financer la première tranche de l'opération immobilière du déménagement de la BASC de Marignane vers Nîmes ( cf. infra ). Ces crédits sont portés par l'action n° 2 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » ;

- la modernisation et l'acquisition d'équipements terrestres pour les moyens nationaux pour une enveloppe de 6,1 millions d'euros . Ces crédits permettront notamment l'acquisition de camions citernes « feux de forêts » et de camions citernes à grande capacité pour équiper les UIISC. Ces crédits sont également portés par l'action n° 2 ;

- le renforcement des moyens d'intervention en matériels et en équipements spécialisés dans la lutte contre la menace d'origine nucléaire, radiologique, biologique, chimique ou explosive (NRBC-E) pour un montant de 0,8 million d'euros en CP (porté par l'action n° 1). Ces crédits sont destinés à augmenter les capacités de décontamination sur le territoire (principalement par l'acquisition de chaînes de décontamination mobiles). Ils sont en baisse d'1 million d'euros par rapport à l'année dernière.

Au total, la stratégie en matière d'investissement en 2014 peut se résumer de la manière suivante. La baisse des crédits n'affectera pas la conduite des grands projets de la sécurité civile. En revanche, les dépenses immobilières serviront de variable d'ajustement en passant de 9,9 millions d'euros en 2013 à 7,2 millions d'euros en 2014 (- 27,3 %). La baisse des crédits consacrés au SAIP s'inscrit pour sa part dans la logique de développement du projet ( cf. infra ).

D. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PERSONNEL

A périmètre constant, le présent programme fait l'objet d'une diminution de 24 emplois équivalent temps plein (ETP) , déjà annoncée l'année dernière 24 ( * ) . Les suppressions d'emplois se répartissent comme suit :

- 2 ETP sur l'action n° 1 « Prévention et gestion de crises » ;

- 19 ETP sur l'action n° 2 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » (dont 1 ETP de la base d'avions de la sécurité civile, 12 ETP des unités d'intervention de la sécurité civile, 2 ETP du groupement et des bases d'hélicoptères, 1 ETP des centres de déminage, 2 ETP des ESOL et 1 ETP issu des services de soutien de la sous-direction des moyens nationaux) ;

- 1 ETP sur l'action n° 3 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » ;

- 2 ETP sur l'action n° 4 « Fonctionnement, soutien et logistique ».

Dans ces conditions, le plafond d'emplois du programme est de 2 440 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2014 , contre 2 465 ETPT en 2013.

Il convient d'observer que 7 ETPT sont transférés du présent programme vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». Ce transfert est dû à des efforts de mutualisation (concernant la plateforme CHORUS 25 ( * ) et la cellule communication de la DGSCGC) dont se félicite votre rapporteur spécial.

Les crédits de dépenses de personnel demandés pour 2014 s'élèvent à 162,9 millions d'euros de CP . Dans la mesure où les crédits ouverts en LFI 2013 étaient de 161,3 millions d'euros, il s'agit donc d'une augmentation de 0,95 % .

E. UNE PERFORMANCE ENTRAVÉE PAR LE VIEILLISSEMENT DE LA FLOTTE AÉRIENNE

Parmi les onze indicateurs du programme 161 « Sécurité civile », quatre sont considérés comme les plus représentatifs de la mission « Sécurités » .

Le premier indicateur permet d'apprécier l'« efficacité du dispositif de protection des forêts pendant la campagne « saison feux » ». Il correspond à l'indicateur de l'objectif n° 1 du programme intitulé « Optimiser la coordination de la mise en oeuvre des opérations de maîtrise des feux de forêts ».

Il s'accompagne de deux sous-indicateurs en progression :

- le nombre d'hectares brûlés en fonction de l'intensité climatique pendant la campagne « saison feux » est porté à 20 26 ( * ) en prévision actualisée pour 2013 (soit la prévision annoncée en PLF 2013) et à 10 en prévision pour 2014 ;

- le pourcentage des incendies ne dépassant pas cinq hectares s'établit à 93 % en prévision actualisée pour 2013 (contre une prévision de 90 %) avec une prévision de 94 % en 2014.

Le deuxième indicateur permet d'apprécier la disponibilité des hélicoptères et de vérifier que leur immobilisation pour des raisons de maintenance est la plus réduite possible. Il s'agit de mesurer la « durée moyenne de la visite programmée pour hélicoptères de type 600 h (ou 24 mois) et 800 h (ou 24 mois) ». C'est l'un des deux indicateurs de l'objectif n° 4 « Assurer l'efficacité en milieux difficiles des opérations de secours aux personnes en hélicoptères en maîtrisant leur coût ».

Cet indicateur a une valeur fortement dégradée . La prévision en PLF 2013 était de 77 jours. Elle est évaluée en prévision actualisée pour 2013 à 98 jours, tandis que sa prévision en 2014 est de 95 jours (avec une cible pour 2015 identique). Cette forte dégradation s'explique par deux facteurs : le vieillissement des appareils et le choix d'opter pour un pas de maintenance de 600 heures à 800 heures de vol .

Cette dégradation de la performance qui touche les hélicoptères s'inscrit dans un phénomène plus large qui concerne tous les moyens aériens (hélicoptères et avions) et que souhaite signaler votre rapporteur spécial. En effet, l'indicateur qui permet de mesurer l'objectif n° 2 « Assurer l'efficacité des moyens aériens nationaux de lutte contre les feux de forêt en maîtrisant leur coût » connaît également une forte détérioration . Le « rapport entre les dépenses de maintenance non programmées et les dépenses totales programmées du marché de maintenance » est en constante augmentation du fait du vieillissement de la flotte d'avions : 35 % de ces dépenses sur l'ensemble de la flotte sont non programmées (prévision actualisée en 2013 et prévision pour 2014), alors que les taux les plus élevés étaient jusqu'à présent uniquement observés sur les Canadair et les Tracker. La passation du nouveau contrat-cadre devrait permettre la fixation d'une cible à 20 % en 2015.

Le troisième indicateur rend compte de l'activité de neutralisation des engins d'explosifs par les démineurs de la sécurité civile . Il mesure le « taux d'évolution des stocks collectés de munitions anciennes (explosive ordonnance disposal ou EOD) » . Il s'agit de l'unique indicateur de l'objectif n° 5 « Réduire les stocks de munitions explosives et chimiques ».

Cet indicateur passe d'une prévision actualisée de - 2 % en 2013, à une prévision de - 5 % en 2014, avec une cible identique en 2015. Le taux d'évolution des stocks de munition peut toutefois fortement varier en fonction des conditions météorologiques et de la disponibilité des terrains de destruction militaires.

Enfin, le quatrième indicateur est l'indicateur de l'objectif n° 8 « Obtenir une capacité opérationnelle maximale des moyens nationaux » . Il s'agit d'un indicateur composite agrégeant cinq sous-indicateurs et permettant de mesurer les capacités opérationnelles de chaque catégorie d'acteurs de la sécurité civile : flotte d'avions, flotte d'hélicoptères, UIISC, centres de déminage et ESOL.

Cet indicateur est en progression . Après avoir été de 13,3/20 en réalisation en 2012, il s'établit à 14/20 en prévision actualisée pour 2013 (avec une prévision de 15/20 pour 2014). Une amélioration est surtout attendue dans le domaine du déminage et du soutien opérationnel et logistique.

Votre rapporteur spécial évoquera enfin le nouvel indicateur destiné à rendre compte de l'évolution du budget de fonctionnement de l'ENSOSP. Il s'agit de calculer le « coût de la journée stagiaire officier de sapeur-pompier à l'ENSOSP en budget de fonctionnement ». Le coût souhaité est estimé à 331 euros en 2014, pour une cible à 300 euros en 2015, étant précisé qu'il est de 367 euros actuellement.


* 22 Hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits attendus (ADP).

* 23 Audition du 29 octobre 2013.

* 24 Cf. rapport spécial n° 148 (2012-2013) - tome III - annexe 28, page 17.

* 25 Application informatique commune à tous les gestionnaires et les comptables de l'Etat, gérant la dépense, les recettes non fiscales et la comptabilité de l'Etat.

* 26 Ce ratio renvoie au nombre d'hectares brûlés en fonction de l'intensité de l'aléa climatique pendant la campagne « saison feux ». Au numérateur figure le nombre d'hectares brûlés dans les départements méditerranéens pendant la campagne « saison feux ». Le dénominateur correspond au nombre cumulé, sur l'ensemble de la « saison feux », des secteurs classés en risque sévère. Plus ce rapport de chiffre est réduit, meilleure est l'adéquation entre le dispositif mis en oeuvre (y compris en terme de stratégie) et le risque à couvrir.