M. Victorin LUREL, rapporteur spécial

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2018

COMMISSION

DES

FINANCES

NOTE DE PRÉSENTATION

Compte d'affectation spéciale

« PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT »


Examen par la commission des finances le mercredi 15 novembre 2017

Rapporteur spécial :

M. Victorin LUREL

SOMMAIRE

Pages

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 5

PREMIÈRE PARTIE
APRÈS AVOIR MENÉ À BIEN LA RÉORGANISATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE, LE COMPTE SERA MIS SOUS TENSION EN 2018 PAR LES OBJECTIFS PLURIELS QUI LUI SONT ASSIGNÉS

I. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT » CONSTITUE LE SUPPORT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE 7

A. DES SPÉCIFICITÉS EXPLIQUANT UNE PROGRAMMATION CONVENTIONELLE... 7

B. ...DONT LA PRÉSENTATION POURRAIT ÊTRE UTILEMENT AMÉLIORÉE AFIN DE RENFORCER L'INFORMATION DU PARLEMENT 8

II. LA RÉORGANISATION AMBITIEUSE ET COURAGEUSE DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE INITIÉE PAR LE PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT EST DÉSORMAIS ABOUTIE 9

A. UNE DÉMARCHE DE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE EN LOI DE FINANCES POUR 2017 AFIN DE PRENDRE EN COMPTE LA RECAPITALISATION DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE 9

B. D'UN MONTANT DE 7,5 MILLIARDS D'EUROS EN 2017, CETTE RECAPITALISATION A FORTEMENT PESÉ SUR LES DÉPENSES DU COMPTE 10

1. Une refondation de la filière nucléaire décidée en juin 2015 conduisant à un recentrage d'Areva 10

2. Une refondation s'accompagnant d'une recapitalisation à hauteur de 7,5 milliards d'euros 12

C. L'ACTION RÉSOLUE DU PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT A PERMIS DE MENER À BIEN LA RECAPITALISATION 15

1. Malgré une mise sous tension en 2017, le solde du compte s'établit à 3 milliards d'euros 15

2. Une réussite permise par l'anticipation et les choix du précédent Gouvernement 17

III. LE RETOUR À LA PROGRAMMATION CONVENTIONNELLE DU COMPTE CONTRASTE AVEC LES OBJECTIFS PLURIELS DU COMPTE POUR 2018 19

A. LE COMPTE EST PRÉSENTÉ À L'ÉQUILIBRE POUR 2018 19

B. LES OBJECTIFS ASSIGNÉS AU COMPTE POUR 2018 NÉCESSITERONT UNE REDÉFINITION DU PÉRIMÈTRE DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT 19

1. Le compte poursuivra plusieurs objectifs en 2018 19

2. Un arbitrage sur le périmètre du portefeuille de l'État sera nécessaire 20

SECONDE PARTIE
L'ATROPHIE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE SOUHAITÉE
PAR LE GOUVERNEMENT DOIT ÊTRE CONTESTÉE

I. LE RÔLE MAJEUR DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE, DÉFINI EN 2014, CONSERVE TOUTE SON ACTUALITÉ 25

A. L'ÉTAT ACTIONNAIRE JOUE UN RÔLE CLÉ DANS L'ÉCONOMIE NATIONALE 25

1. Les progrès récents de la coordination entre les différents actionnaires publics pourraient être approfondis 25

2. D'une valeur estimée à 100 milliards d'euros, le portefeuille de l'Agence des participations de l'État conjugue défense des intérêts publics et performance 27

B. LA DOCTRINE D'INVESTISSEMENT DE 2014 CONSERVE TOUT SON SENS, COMME EN TÉMOIGNENT PLUSIEURS EXEMPLES RÉCENTS 29

1. La doctrine d'investissement formalisée en janvier 2014 retient quatre objectifs d'intervention publique 29

2. Cette doctrine d'intervention s'est concrétisée par de belles réussites 30

II. LE RENONCEMENT DU GOUVERNEMENT À ENTRER AU CAPITAL D'ALSTOM REFLÈTE LA CONCEPTION D'UN ÉTAT ACTIONNAIRE ATROPHIÉ 33

A. PRIVILÉGIER UNE INFLUENCE PASSIVE À UNE PARTICIPATION DIRECTE AU NOUVEL ENSEMBLE ALSTOM-SIEMENS : LE CHOIX RISQUÉ DU GOUVERNEMENT 33

B. UN CHOIX QUI TRADUIT UNE NOUVELLE CONCEPTION DU RÔLE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE 36

C. UN RECENTRAGE DU PORTEFEUILLE DE L'ÉTAT ACCENTUERA LES TENSIONS SUR LE COMPTE 38

1. Une rentabilité plus aléatoire 38

2. Une rigidité préjudiciable à la capacité de l'État à répondre aux difficultés sectorielles 39

III. L'ABONDEMENT D'UN FONDS POUR L'INNOVATION PAR LA CONTRACTION DU PORTEFEUILLE DE L'ÉTAT : UN PROJET RISQUÉ, DONT L'OPPORTUNITÉ DOIT ÊTRE CONTESTÉE 41

A. DES CONTOURS FLOUS, UNE PLUS-VALUE MARGINALE 41

1. Au-delà des annonces, les caractéristiques du fonds demeurent inconnues 41

2. Une perspective de moyen terme, mais des problèmes déjà identifiés 42

3. Un dispositif supplémentaire dans une myriade de soutiens à l'innovation préexistants 43

B. SOUS LA COMMUNICATION, LA DÉBUDGÉTISATION 45

C. LE COÛT D'OPPORTUNITÉ DU PROJET DE FONDS POUR L'INNOVATION DOIT CONDUIRE À PRIVILÉGIER D'AUTRES SOLUTIONS 47

1. Les participations de l'État apportent une contribution importante au budget général 47

2. D'autres solutions, préservant les intérêts patrimoniaux de l'État, existent et doivent être étudiées 50

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le compte d'affectation spéciale présente une singularité : afin de préserver la confidentialité sur les opérations de cessions, la programmation est conventionnellement déterminée à l'équilibre, avec un montant de 5 milliards d'euros en produit de cessions. Sans remettre en cause la nécessaire confidentialité des opérations de cession, l'inscription de la moyenne des cessions réalisées lors des trois derniers exercices permettrait de renforcer l'information du Parlement et sa capacité de contrôle de l'action du Gouvernement.

2. La recapitalisation d'EDF et d'Areva pour un montant total de 7,5 milliards d'euros a été menée à bien en 2017. L'anticipation du précédent Gouvernement par l'augmentation du solde cumulé du compte a favorisé cette refondation ambitieuse de la filière nucléaire française.

3. La présentation du compte en déficit prévisionnel de 1,5 milliard d'euros en loi de finances pour 2017 a permis d'intégrer dès la prévision l'effet négatif de la recapitalisation sur le solde budgétaire, concrétisé par un versement d'un même montant en provenance du budget général.

4. Malgré le retour à une programmation conventionnelle présentant le compte à l'équilibre pour 2018, les objectifs pluriels qui lui sont assignés le mettront sous tension. Les dépenses déjà identifiées pour la fin de l'exercice 2017 et pour 2018 représentent environ 1,7 milliard d'euros, tandis que la contribution au désendettement est réactivée en 2018, pour un montant de 1 milliard d'euros. Ces dépenses conduiraient, toutes choses égales par ailleurs, à un solde négatif du compte de - 2,3 milliards d'euros, soit la moyenne des cessions réalisées en 2015 et 2016.

5. Le Gouvernement a annoncé vouloir lancer une nouvelle vague de cessions pour un montant de 10 milliards d'euros, afin d'alimenter un « fonds pour l'innovation de rupture ».

6. Ces objectifs soulignent la volonté d'opérer un recentrage du portefeuille des participations de l'État. Il importe donc que le Gouvernement précise sa conception du rôle des participations publiques. Toute redéfinition du périmètre de l'État actionnaire ne saurait intervenir sans réflexion et débat démocratique préalables.

7. De ce point de vue, le traitement du dossier STX, favorisé par la participation de l'État au capital de l'entreprise, contraste avec le renoncement du Gouvernement dans le dossier Alstom. En renonçant à exercer son option d'achat sur les titres prêtés par Bouygues, le Gouvernement a privé l'État de toute capacité d'influence directe dans le nouvel ensemble Alstom-Siemens. Cette décision reflète la conception libérale de l'État actionnaire promue par le Gouvernement.

8. Compte tenu des participations stratégiques réaffirmées par le Gouvernement et des contraintes de marché, réaliser pour dix milliards d'euros de cessions représenterait près de 30 % du portefeuille cessible.

9. Une telle atrophie remettrait en question le fonctionnement du compte, en accroissant sa rigidité. Elle menacerait la capacité de réaction de l'État face aux difficultés sectorielles temporaires en la soumettant aux contingences budgétaires annuelles, à rebours de la vision de long terme qui devrait prévaloir.

10. L'objectif poursuivi par le Gouvernement avec ces cessions doit être critiqué. Outre que ses modalités concrètes de fonctionnement demeurent inconnues, il peut être douté de l'opportunité de créer un « fonds pour l'innovation » financé par des cessions de participations : il reviendrait à céder 10 % du portefeuille de l'État pour abonder un dispositif qui représenterait 2 % du montant total des montants consacrés chaque année au soutien de l'innovation. Ce mécanisme s'apparente de surcroît à une débudgétisation.

11. Le rendement espéré du « fonds pour l'innovation » doit être rapproché des recettes tirées par l'État de ses participations publiques. Entre 2012 et 2016, 3,26 milliards d'euros de dividendes ont été versés au budget général chaque année en moyenne, soit un montant proche des crédits proposés par le projet de loi de finances pour 2018 pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (3,66 milliards d'euros).

12. Il importe donc que le Gouvernement privilégie le pragmatisme en étudiant les alternatives afin de déterminer la solution permettant de concilier la volonté louable de soutenir l'innovation de rupture et les intérêts patrimoniaux de l'État. L'affectation des dividendes en numéraire à l'Agence des participations de l'État doit être envisagée.

Au 10 octobre 2017, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 43 % des réponses (9 sur 21) portant sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » étaient parvenues à votre rapporteur spécial.