Mardi 22 janvier 2013

- Présidence de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, et de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Répertoire national des crédits aux particuliers - Examen du rapport d'information

Au cours d'une réunion commune ouverte aux membres de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, la commission des affaires économiques et la commission des lois examinent le rapport d'information sur le répertoire national des crédits aux particuliers.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Nous sommes réunis pour entendre la présentation du rapport du groupe de travail et autoriser sa publication. Ce groupe de travail résulte d'un engagement pris en séance en décembre 2011 à l'occasion de l'examen du projet de loi consommation dont le rapporteur était, pour la commission de l'économie, Alain Fauconnier, et le rapporteur pour avis de la commission des lois, Mme Nicole Bonnefoy. Il renvoie à un débat récurrent sur le surendettement et les moyens d'y remédier. Ainsi, je me souviens que, déjà, lors de la discussion du projet de loi dite « Lagarde », la ministre de l'économie s'alarmait du risque d'une restriction excessive du crédit lié à la création d'un fichier positif, et qu'on lui opposait, en retour, le problème de l'afflux massif des dossiers de surendettement. On a aussi parfois évoqué la nécessité de dissocier les cartes de fidélité et les cartes de crédit proposées par les grandes enseignes.

Le débat que nous allons ouvrir grâce aux travaux du groupe nous permettra d'examiner les arguments en faveur de la création d'un fichier positif des crédits et les objections qui sont apportées, ainsi que les grandes lignes d'un dispositif éventuel si sa création devait être proposée par le futur projet de loi relatif aux droits des consommateurs.

M. Alain Fauconnier, co-rapporteur. - Lors des débats en décembre 2011 sur le projet de loi « Lefebvre » renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, trois amendements émanant de différents groupes proposaient, selon des modalités différentes, la création d'un répertoire national des crédits aux particuliers, autrement appelé « fichier positif », dans le but de lutter contre le surendettement. Ces amendements n'ont pas été adoptés, compte tenu des difficultés que soulevait cette question, mais un groupe de travail regroupant quatre commissions a été constitué pour étudier l'opportunité et les conditions de mise en place du fichier positif.

Nous avons conduit de nombreuses auditions et effectué plusieurs déplacements, dont un à Bruxelles pour bien comprendre le fonctionnement de la centrale belge des crédits aux particuliers, qui sert souvent de référence aux promoteurs français du fichier positif et aux réflexions conduites en France sur le sujet.

Au sein du groupe, nous sommes également partagés sur l'opportunité de créer un fichier positif. Dans ces conditions, le groupe de travail n'a pas adopté de conclusions, mais se borne à apporter sa contribution au débat et à la décision, en énonçant les arguments en faveur comme opposés et en précisant les modalités d'un éventuel fichier si celui-ci venait à être créé.

La décision de principe a été prise par le Gouvernement, puisque le Premier ministre a indiqué, en clôture de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté le 11 décembre 2012, qu'un registre des crédits aux particuliers serait créé à l'occasion du prochain projet de loi sur la consommation. Pour autant, le Gouvernement ne sous-estime pas les difficultés que présente ce projet, puisque Benoît Hamon, ministre chargé de la consommation, a déjà indiqué lors de débats parlementaires récents qu'il fallait imaginer un dispositif simple et respectueux de la vie privée, ce qui justement n'est pas simple.

Ce sujet est débattu depuis les années 1980, en particulier à l'occasion de la « loi Neiertz » de 1989 relative au surendettement, qui a créé un « fichier négatif », c'est-à-dire le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, géré par la Banque de France.

Un « fichier positif » enregistre tous les contrats de crédit en cours, crédit immobilier ou crédit à la consommation, crédit amortissable ou crédit renouvelable, indépendamment de la survenance d'un incident de paiement. Compte tenu du rôle du crédit, notamment de l'excès de crédit, dans le phénomène de surendettement, l'objectif du fichier positif est de prévenir le surendettement en empêchant d'octroyer le « crédit de trop ». Le banquier ou la société de crédit pourra constater en consultant le registre que son client a déjà un niveau élevé d'endettement. Le débat porte justement sur l'efficacité du registre des crédits dans la prévention du surendettement, compte tenu de son coût et du nombre de personnes enregistrées. Le crédit n'est pas le facteur exclusif d'explication du surendettement, il y a aussi ce qu'on appelle les « accidents de la vie », qui conduisent à une perte de revenus face aux charges financières ou de la vie courante : chômage, divorce, veuvage et même retraite.

La Banque de France, qui est très réticente à la mise en place de ce registre des crédits et qui gère les commissions de surendettement, nous a indiqué que le registre permettrait d'éviter selon elle seulement 20 à 30 000 cas de surendettement par an, sur un total d'environ 220 000, à comparer au « fichage » d'environ 25 millions de personnes titulaires d'un crédit. La Cour des comptes montre dans un rapport de 2009 que les études statistiques sur le phénomène de surendettement sont trop rudimentaires pour en comprendre les causes, de sorte que la distinction entre surendettement actif, par accumulation de crédit, et passif, dû aux accidents de la vie, ne permet pas de rendre compte de la réalité du phénomène. Dans ces conditions, il est difficile d'apprécier l'impact réel du fichier positif sur le surendettement.

Ceci étant dit, un tel registre serait objectivement un outil utile d'aide à l'analyse de la solvabilité de l'emprunteur par le prêteur. Il donnerait une information exhaustive et fiable sur son niveau d'endettement et ses charges de crédit. On sait qu'il n'est pas rare qu'un emprunteur omette, pas toujours sciemment bien sûr, de déclarer les crédits qu'il a déjà souscrits lorsqu'il demande un nouveau crédit, a fortiori lorsqu'il est déjà très endetté. Certains considèrent que le fichier positif donnerait un accès plus facile au crédit classique pour des ménages modestes qui en sont aujourd'hui généralement exclus.

Le fichier positif est revenu régulièrement dans les débats parlementaires depuis plus de vingt ans. Le débat a été très important au moment de la « loi Lagarde » de 2010 réformant le crédit à la consommation. Le Sénat avait adopté un amendement prévoyant la remise d'un rapport sur l'opportunité et les modalités de création d'un registre des crédits, l'Assemblée nationale a modifié cette disposition pour la limiter aux modalités. En effet, la ministre Christine Lagarde considérait que le principe de la création du fichier positif était politiquement acquis et qu'il s'agissait désormais d'en prévoir les modalités.

La « loi Lagarde » a donc prévu la mise en place d'un comité de préfiguration du registre, qu'on appelle « comité Constans », du nom de son président Emmanuel Constans, par ailleurs président du Comité consultatif du secteur financier. Le comité Constans a remis ses conclusions en 2011. Il propose que soient recensés dans un registre géré par la Banque de France tous les crédits, y compris les autorisations de découvert de plus de trois mois, avec une reprise du stock des crédits en cours. Il prévoit une obligation d'alimentation du registre à la charge des établissements de crédit et une obligation de consultation à la charge des mêmes avant toute offre de crédit. Pour en garantir la fiabilité, il propose que l'identifiant utilisé pour alimenter et consulter et permettant d'identifier chaque personne soit dérivé du NIR, c'est-à-dire le numéro de sécurité sociale, mais pas le NIR directement pour tenir compte des réserves de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) : on parle de NIR avec « double hachage ». Enfin, le financement est assuré par la consultation payée par les établissements de crédit. Un comité de gouvernance est prévu. Le comité Constans prévoit un coût d'investissement de 15 à 20 millions d'euros pour la Banque de France et un coût annuel de fonctionnement de 30 à 35 millions. Le coût d'investissement pour les établissements de crédit est évalué entre 525 et 820 millions, ce qui paraît excessif.

Les travaux du comité Constans ont servi de point de départ à notre réflexion, de même qu'une étude de droit comparé que nous avons demandée au service compétent du Sénat. Cette étude a porté sur l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suisse. Elle montre qu'il n'existe pas de modèle unique en Europe, étant entendu qu'aucun texte n'existe ou n'est prévu dans ce domaine par l'Union européenne : parfois il existe un fichier positif unique dont la gestion est publique, dans d'autres cas un fichier public coexiste avec des fichiers privés, dans d'autres cas encore plusieurs fichiers privés sont concurrents, dans un cadre légal très variable d'un pays à l'autre. Parfois le fichier comporte des informations qui dépassent la sphère du crédit (téléphonie mobile par exemple). En tout cas la prévention du surendettement est rarement l'objectif affiché de ces fichiers, il s'agit plutôt de fiabiliser des informations sur l'endettement d'un consommateur accessibles aux prêteurs, à d'autres professionnels ou encore aux bailleurs. Tout ceci figure dans le rapport.

En Belgique, où nous nous sommes rendus avec Nicole Bonnefoy, un fichier négatif géré par la Banque nationale de Belgique existe depuis les années 1980. Une loi de 2001 a institué la centrale des crédits aux particuliers, qui a repris les données du fichier négatif (incidents de paiement et données sur les procédures de médiation de dettes, équivalentes de nos procédures de surendettement) et recense tous les crédits. Sont mentionnés l'état civil de l'emprunteur, le prêteur, le type de crédit, le montant de la mensualité, la durée... Les prêteurs doivent, sous peine de sanctions, alimenter la centrale et la consulter avant toute offre de crédit. Des délais légaux de conservation sont prévus. Un comité d'accompagnement de la centrale contrôle son fonctionnement, avec des représentants des banques et des consommateurs notamment.

Aujourd'hui 6 millions de personnes sont enregistrées pour 11 millions de crédits, soit les trois quarts de la population adulte. Il a fallu deux ans à compter de l'adoption de la loi pour que la centrale soit pleinement opérationnelle, y compris avec la reprise du stock des crédits en cours, avec un coût de fonctionnement raisonnable de moins de 5 millions d'euros par an.

L'identifiant retenu en Belgique est l'équivalent du NIR, mais il ne comporte que la date de naissance, alors que le NIR intègre d'autres données personnelles. Selon les personnes que nous avons rencontrées à Bruxelles, l'utilisation de ce numéro national d'identification garantit la fiabilité absolue du système et n'a pas posé de problème de principe, pour des raisons de mentalités sans doute, alors que c'est un point d'achoppement en France. De fait, il n'y a pas à la Banque nationale de Belgique, contrairement au service de la Banque de France qui gère le FICP à partir de données d'état civil, de personnels chargés de vérifier les données d'état civil fournies par les établissements de crédit pour garantir la fiabilité des enregistrements. Enfin, les risques de consultation illicite de la centrale semblent très faibles, à l'inverse des risques d'utilisation détournée des données par les consommateurs eux-mêmes, pour répondre par exemple à un bailleur dans le cadre d'une location.

Les banques belges sont aujourd'hui satisfaites, alors qu'elles étaient hostiles au départ pour des raisons d'organisation du marché et de concurrence. Pour améliorer leur analyse de solvabilité, les banques demandent même à présent que d'autres impayés soient intégrés dans la centrale (téléphonie en particulier), ce que refusent les organisations de consommateurs, qui ont été moteurs dans la création de la centrale. Cependant, il n'y a pas eu d'étude pour mesurer l'impact de la création de cette centrale sur le phénomène de surendettement et le nombre de dossiers évités : on sait seulement que cela a permis de faire baisser le taux de défaillance dans le remboursement des crédits, mais à partir de 2008, début de la crise économique, la tendance s'est inversée. On ne connaît donc pas l'efficacité réelle de la centrale en matière de prévention du surendettement, alors que c'est son premier objectif.

Les auditions ont permis de confronter les points de vue.

Concernant les représentants des consommateurs, les deux grandes associations que sont UFC-Que Choisir et CLCV sont très hostiles, ainsi que les associations proches des organisations syndicales. L'association des usagers des banques est également hostile. En revanche, les associations familiales agréées pour la défense des consommateurs sont majoritairement favorables.

L'association bien connue CRESUS, qui accompagne des personnes surendettées, en partenariat parfois avec des banques, promeut depuis longtemps le fichier positif.

Concernant les banques et sociétés de crédit, la Fédération bancaire française, l'Association des intermédiaires bancaires et les grandes banques sont hostiles, disposant déjà d'importants fichiers clients et craignant peut-être son éventuel impact en termes de concurrence et d'évolution des parts de marché, ce qui ne s'est pas vérifié en Belgique. Certains établissements, nouveaux entrants parfois sur le marché du crédit à la consommation ou filiales de la grande distribution, sont en revanche favorables au fichier. L'Association française des sociétés financières, qui regroupe les sociétés spécialisées dans le crédit, n'a pas d'avis officiel, ses adhérents étant partagés.

Les représentants du commerce et de distribution sont favorables au fichier positif.

Les représentants des professions juridiques sont favorables, qu'il s'agisse des avocats, des notaires ou des magistrats, les huissiers semblant plus réservés. A cet égard, l'Association nationale des juges d'instance considère qu'un fichier permettrait d'engager plus facilement la responsabilité d'un prêteur qui accorde un crédit trop facilement et accroît les difficultés financières de l'emprunteur, dont il peut toujours aujourd'hui invoquer la mauvaise foi.

La Banque de France est quant à elle très hostile à la création d'un registre des crédits, considérant que son efficacité sera réduite face au surendettement, pour un coût très élevé. A tout le moins souhaiterait-elle, si le registre était créé, pouvoir utiliser le NIR directement, au vu de son expérience difficile de gestion du FICP, qui fonctionne à base de données d'état civil pour identifier et repérer les personnes enregistrées.

Enfin, la CNIL exprime depuis longtemps des réserves de principe sur la création du fichier. Elle est à l'origine de l'identifiant proposé par le comité Constans, le NIR avec « double hachage », de façon à ce que le NIR en tant que tel demeure utilisé uniquement dans la sphère de la sécurité sociale, au nom du principe de cantonnement des identifiants pour une meilleure protection des données personnelles et du refus des identifiants à large périmètre. La CNIL avait d'ailleurs refusé en 2007 à une société commerciale l'autorisation de créer un fichier positif privé en agrégeant des données issues de fichiers bancaires.

Je vous exposerai les modalités d'un éventuel dispositif possible après la présentation par André Reichardt et Nicole Bonnefoy des arguments pour et contre la création d'un fichier positif.

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Quatre séries d'arguments paraissent plaider en faveur de la création d'un fichier positif des crédits.

Le premier argument part d'un constat : des dispositifs similaires existent dans d'autres pays européens et le droit européen incite à leur mise en place. En outre, on observe d'ores et déjà en France la multiplication de fichiers privés présentant les mêmes caractéristiques dans les mains de groupes bancaires importants. Un fichier positif national serait de nature à placer l'ensemble des opérateurs de crédit sur un pied d'égalité, ce qui permettrait en particulier de favoriser le développement des nouveaux entrants sur ce marché, notamment les entreprises de crédit solidaire.

Deuxième série d'arguments : les objections à la création d'un fichier positif des crédits ne semblent pas probantes. Ainsi, l'argument selon lequel le fichier ne servirait à rien, le surendettement trouvant plus sa cause dans les accidents de la vie que dans l'accumulation des crédits, est contredit par le fait qu'entre octobre 2011 et septembre 2012, le nombre de dossiers de surendettement a légèrement baissé. En effet, on peut raisonnablement considérer qu'en cette période de crise économique, les accidents de la vie n'ont pas diminué et qu'il faut plutôt attribuer cette baisse à l'entrée en vigueur des dispositifs de la « loi Lagarde » sur l'encadrement du crédit.

L'objection de la disproportion entre l'objet et les effets du fichier positif ne paraît pas non plus devoir être retenue. Le dispositif concernera certes 25 millions d'emprunteurs pour 220 000 personnes surendettées. Mais il évitera la fragilisation financière des classes moyennes qui recourent parfois à la « cavalerie financière » pour échapper à l'incident de paiement.

Les craintes liées à l'atteinte portée à la vie privée ou au détournement mercantile du fichier ne paraissent pas plus fondées. De nombreux intervenants ont rappelé au cours des auditions que d'ores et déjà, les individus étaient soumis à un recueil de leurs données personnelles beaucoup plus important, à l'ère des technologies de l'information et de la communication. En outre, il suffira de prévoir des sanctions suffisamment lourdes contre les utilisations dévoyées du fichier. J'ajoute que ce dispositif devrait finalement être moins intrusif que d'autres solutions défendues par ceux qui s'y opposent, comme la consultation de fichiers spécifiques de charges personnelles ou d'impayés, ou celle des trois derniers relevés bancaires de l'intéressé.

Troisième argument en faveur du fichier positif : il sera un signal d'alerte automatique. Il responsabilisera les prêteurs et les emprunteurs sur les engagements qu'ils souscrivent. Il suffira en effet de subordonner la délivrance du prêt à la consultation du fichier. Trop souvent, les emprunteurs dissimulent leur situation : le fichier les protègera. On s'étonnerait à juste titre que le Sénat, prompt à défendre la sécurité dans de nombreux domaines, s'abstienne de le faire en cette matière. Le fichier aura un rôle préventif.

Enfin, dernier intérêt de ce dispositif : il serait possible, dans un souci de rationalisation, de le fusionner avec le fichier des incidents de remboursement de crédit aux particuliers (FICP), au bénéfice de la prévention et du traitement des difficultés de remboursement de crédit.

Mme Nicole Bonnefoy, co-rapporteur. - Il me revient d'exposer les arguments qui militent contre la création d'un tel fichier positif.

Une première série d'arguments nous vient des associations de consommateurs, qui sont, dans leur grande majorité, hostiles à la création d'un tel fichier ; c'est notamment le cas des deux plus importantes d'entre elles - UFC-Que Choisir et CLCV. Ces associations estiment tout d'abord qu'il faut prendre le temps d'évaluer, dans le long terme, les effets de la « loi Lagarde ». Par ailleurs, elles font valoir que les sociétés de crédit n'évaluent pas suffisamment la solvabilité d'un emprunteur avant d'octroyer un crédit à la consommation, et que les contrôles de la DGCCRF et de l'Autorité de contrôle prudentiel sont insuffisants. En outre, elles s'inquiètent des éventuels usages détournés d'un fichier positif. L'essentiel du surendettement, soulignent-elles, ne résulte pas de l'excès de crédit mais des accidents de la vie. Pour elles, le problème de fond posé par le surendettement réside dans le développement d'une société d' « hyperconsommation », qui incite à consommer toujours plus et qui, pour cela, a besoin de développer et de faciliter le crédit. Or, le pouvoir d'achat stagne aujourd'hui, rendant l'achat à crédit plus attractif. C'est une augmentation des salaires, plutôt qu'un développement du crédit, dont notre société a besoin.

Je développerai une deuxième série d'arguments, qui a trait aux informations disponibles sur la solvabilité des emprunteurs. Les données qui figureraient dans un tel fichier positif ne sauraient suffire pour évaluer véritablement la capacité d'une personne à rembourser un crédit : en effet, pour apprécier de façon sérieuse la capacité de remboursement d'un emprunteur, il convient non seulement d'analyser ses revenus et son patrimoine, mais également ses autres charges - locatives, fiscales, dépenses contraintes, etc. - qu'il ne saurait être question d'intégrer dans un fichier positif. Aucune des personnes entendues par notre groupe de travail n'a d'ailleurs préconisé d'enregistrer de telles informations, alors même qu'elles sont nécessaires pour évaluer la réelle solvabilité de l'emprunteur.

La troisième série d'arguments est relative aux pratiques commerciales inadéquates que l'on peut observer chez certains prêteurs. Notre groupe de travail s'interroge en particulier sur le caractère sérieux d'opérations effectuées par certains prêteurs, en particulier dans le cadre de crédits souscrits sur le lieu de vente. De ce point de vue, il nous semble que la mise en oeuvre d'un fichier positif n'aurait guère d'impact sur les pratiques irresponsables de certains prêteurs. Il conviendrait plutôt de renforcer le contrôle des pratiques commerciales, ce qui suppose d'en donner les moyens à la DGCCRF, et de fournir un effort supplémentaire de formation des salariés concernés, dans les sociétés de crédit comme chez les commerçants. Est également mis en cause le mode de rémunération des vendeurs de certains magasins, intéressés à la vente d'un crédit autant qu'à la vente d'un bien de consommation... A l'évidence, la création d'un fichier positif ne saurait résoudre ces difficultés.

Quatrième série d'arguments : la réalité de l'impact du fichier positif sur le surendettement est très sujette à caution, en raison même de la multiplicité des causes du surendettement. Une large majorité des parcours d'endettement puis de surendettement s'expliquent par des aléas de la vie, qui se traduisent par une chute brutale des revenus et donc des capacités de remboursement, ainsi que par une progression insuffisante du pouvoir d'achat et des salaires, dans un contexte économique difficile, alors que la société de consommation incite à acquérir des produits de plus en plus coûteux. Selon les enquêtes menées par la Banque de France depuis dix ans, la part des dossiers de surendettement liés à un accident de la vie est en progression constante. Le nombre de dossiers dans lesquels le surendettement a pour seule et unique cause un recours excessif au crédit n'était que de 13 % en 2010. Et, de ce point de vue, force est d'admettre qu'un fichier positif n'aura jamais la réactivité suffisante pour empêcher un acheteur compulsif de souscrire plusieurs crédits dans la même journée.

Je souhaite également insister sur les risques d'utilisation détournée des données. Comme le montre l'exemple de la centrale belge des crédits, il est techniquement possible de procéder à des consultations du fichier à des fins autres que celles prévues par la loi, sans que cela soit repérable en cas de consultations isolées. Il n'est donc pas possible d'exclure toute utilisation détournée des données du fichier. Un prêteur pourra, par exemple, à des fins commerciales, chercher des personnes peu endettées, même si cette finalité est interdite par la loi. Par ailleurs, des bailleurs ou des créanciers divers pourraient être tentés de demander à une personne de fournir un état de son endettement tel qu'il figure dans le fichier afin d'apprécier sa solvabilité, alors même que la loi l'interdirait. Cette possible dérive n'est pas un cas d'école : elle a été observée en Belgique en matière d'accès à la location et au logement.

On ne peut pas non plus écarter les risques d'atteinte à la vie privée. C'est une question sensible dans l'opinion publique française. Enregistrer dans un fichier, même géré par la Banque de France ainsi que le préconise le rapport du comité Constans, des données sur les crédits de 25 millions de personnes pose une difficulté sérieuse, a fortiori si l'emprunteur ne dispose d'aucun droit d'opposition à l'enregistrement de ses données personnelles. Contraintes de figurer dans ce registre, la très grande majorité des personnes enregistrées ne présenteront sans doute jamais de difficulté de remboursement de crédit ou de situation de surendettement. Par exemple, les données d'une personne inscrite pour un seul crédit immobilier pourront être conservées pendant trente ans. L'atteinte à la vie privée dans cette hypothèse nous paraît manifeste.

Je terminerai en mettant en avant la question de la proportionnalité. La création d'un fichier positif soulève la question de la disproportion entre les moyens employés et l'utilité du dispositif : disproportion manifeste liée au coût et à la lourdeur technique d'un tel fichier ; disproportion manifeste, également, entre les moyens déployés et les atteintes à la vie privée, d'une part, et l'utilité réelle du fichier au regard de l'objectif poursuivi, à savoir la prévention du surendettement. Je souligne que cette question de la proportionnalité se pose également sur le terrain constitutionnel : dans sa décision de mars 2012 sur la loi relative à la protection de l'identité, le Conseil constitutionnel a censuré un traitement de données à caractère personnel destiné à recueillir et conserver les données requises pour la délivrance de la carte nationale d'identité et du passeport - autrement appelé « fichier d'identité biométrique » car il devait comporter, outre l'état-civil et le domicile du titulaire, sa taille, la couleur de ses yeux, deux empreintes digitales et sa photographie. Le Conseil a rappelé sa jurisprudence en la matière : « la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ». En tout état de cause, c'est à l'aune de cette jurisprudence qu'il faut analyser la possible création du fichier positif, qui devrait être justifié « par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ».

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je propose de donner la parole aux autres membres du groupe de travail.

M. Alain Fauconnier, co-rapporteur. - Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je dirai d'abord quelques mots sur les modalités que pourrait revêtir un éventuel registre positif, avant de laisser la parole à nos collègues pour qu'ils nous donnent leur position sur ce sujet.

Je résumerai les deux axes de notre rapport sur ce point. Le premier impératif est d'asseoir le fichier sur des fondations solides pour réussir sa phase de lancement. Nous avons également envisagé des recommandations sur une seconde phase d'évolution et d'unification des registres positif et négatif.

En premier lieu, notre exigence fondamentale est de ne pas créer une « usine à gaz ». Il est vrai qu'à la lecture du rapport Constans, on peut avoir quelques craintes...

Je présenterai d'abord nos recommandations pour garantir l'intégrité du registre et optimiser son coût ainsi que les délais de sa phase de lancement.

Quatre sujets sont sur la table. Tout d'abord -et nous sommes unanimes sur ce point- la gestion du fichier devrait être confiée à la Banque de France ; il est hors de question à notre sens d'en confier la gestion à un organisme privé. Jusqu'à présent, les fichiers privés se sont développés de façon relativement opaque -certains banquiers nous ont même assuré qu'ils n'en avaient pas... Un registre national géré par la banque centrale offrira des garanties au consommateur et permettra peut-être à de nouveaux acteurs du crédit de proposer des prêts à des taux plus faibles.

S'agissant du contenu du registre, je rappelle que l'objectif est de déclencher un signal d'alerte automatique. A lui seul, le fichier positif ne permettra pas d'analyser en détail la solvabilité d'un emprunteur, sauf à y faire figurer toutes ses charges et ressources... Les études les plus récentes évoquent la possible valeur prédictive des impayés de charges de la vie courante, mais l'interconnexion des fichiers (crédit, téléphonie mobile, gaz, électricité) soulève des difficultés techniques et juridiques majeures : il n'est donc pas question pour nous d'aller sur ce terrain.

Enfin, la consultation du registre positif par l'établissement de crédit serait obligatoire avant toute conclusion de prêt. Il y a va, naturellement, de l'efficacité du dispositif.

J'en viens à présent à la question de l'identifiant : c'est un sujet technique mais fondamental. Soyons précis : à l'heure actuelle, pour interroger le fichier dit « négatif » des incidents de paiement (FICP), on utilise la date de naissance et les cinq premières lettres du nom de la personne. Le résultat, c'est beaucoup d'homonymies, environ 7 % d'erreurs et une grande quantité de réclamations auprès de la CNIL. Notre collègue Jean-Paul Amoudry, vice-président de la CNIL, nous a indiqué que cela représentait quasiment 10 % de l'activité de ses services. Imaginons que le registre positif - qui contiendrait dix fois plus de personnes - suive la même méthode : la CNIL risquerait de se trouver totalement saturée ! A l'opposé, l'identifiant le plus fiable est le numéro de sécurité sociale, le NIR. Mais, comme vous le savez, les chiffres qui le composent en disent beaucoup sur la personne, son genre, son âge et son lieu de naissance. C'est pourquoi, tout en étant très favorable à l'utilisation de cet identifiant du point de vue de la fiabilité, la CNIL y est en revanche opposée du point de vue du respect de la vie privée. D'où l'idée de crypter ce numéro pour le rendre anonyme.

Ce choix expliquerait en grande partie le coût - largement excessif selon nous - de 500 à 800 millions d'euros que pourrait coûter le fichier positif pour les établissements de crédit, car il faudrait saisir pour chaque prêt déjà existant ce nouvel identifiant. En contrepartie, j'observe que l'expérience belge a démontré la fiabilité de l'utilisation du numéro de sécurité sociale : le taux d'erreur est infime et la centrale des crédits belge fonctionne très bien, avec une équipe de six personnes.

Quelles seraient les alternatives à ce choix présenté comme étant le plus fiable ? Notre collègue Valérie Létard nous parlera dans un instant du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). Cette alternative est contestée par le rapport Constans.

Quel serait le temps nécessaire pour la mise en place du registre ? Deux ans, nous dit-on, si on utilise le numéro de sécurité sociale, car il faudrait saisir ce dernier dans l'ensemble des dossiers de prêt existants. Une grande partie des 500 à 800 millions d'euros annoncés par les banques correspond au coût de cette saisie. Nous souhaiterions savoir quelle réduction de coût on pourrait attendre si l'on utilisait le FICOBA à la place du NIR.

Enfin, même si l'identifiant FICOBA présente l'avantage de ne pas interférer avec la sphère sociale, il est essentiel de tester et de mesurer les risques d'erreurs que comporterait cette solution.

Dans l'hypothèse où le recours au numéro de sécurité sociale apparaîtrait -chiffres à l'appui- comme la meilleure solution, le groupe de travail estime nécessaire d'évaluer précisément les inconvénients et les surcoûts imputables à son cryptage. En Belgique, l'homologue de notre CNIL avait également contesté, en 2001, l'utilisation de l'équivalent du NIR mais, à présent, le registre belge fonctionne sans recours au cryptage et cela ne suscite plus de critiques relatives à la protection des données personnelles. Si nous souhaitons suivre cet exemple, le Parlement français devra prendre ses responsabilités et prévoir une éventuelle exception au principe de cantonnement du NIR à la seule sphère sociale.

J'en viens aux grandes lignes de la deuxième phase de gouvernance et d'évolution du fichier positif. Tout d'abord, nous estimons nécessaire de bien distinguer la gestion du registre, dévolue à la Banque de France, et sa gouvernance. A travers ce fichier, nous traitons, en effet, d'un sujet qui se situe au carrefour du droit de la consommation, du droit social et du droit bancaire. De plus, le fichier positif sera sans doute amené à évoluer sur la base d'initiatives parlementaires ou associant le Parlement. Nous approuvons donc le principe de la création d'un comité de gouvernance, suggéré par le rapport Constans, tout en souhaitant qu'une place importante soit réservée aux élus de la nation et à la société civile dans la composition de ce comité. Concrètement, j'observe que, dans le passé, on a peut-être trop limité la problématique du surendettement à sa seule dimension bancaire alors qu'aujourd'hui, nos déplacements de terrain témoignent de la nécessité d'une meilleure prise en compte de sa dimension sociale. De façon analogue, le registre positif pourrait nous permettre de décloisonner l'analyse du « mal-endettement ».

L'une des principales missions de ce comité serait de préparer l'unification des registres négatif et positif. A plus long terme, ce comité pourrait réfléchir au perfectionnement de l'analyse de la solvabilité de l'emprunteur. Aujourd'hui, chez nos voisins européens, nous avons pu constater que l'idée selon laquelle les impayés de charges courantes sont des indicateurs précoces du surendettement progresse. Cela amène à réfléchir sur des solutions concrètes, à la fois respectueuses de la vie privée et de nature à renforcer l'efficacité du registre positif.

Mme Nicole Bonnefoy. - Pour terminer, l'ensemble de nos travaux nous ont convaincu d'une chose : au-delà de la question de savoir s'il faut ou non mettre en place un répertoire des crédits, il est certain que le répertoire des crédits n'est pas « LA » solution au problème du surendettement. Comme l'ont évoqué nombre de nos interlocuteurs, si l'on veut lutter efficacement contre ce phénomène, il est indispensable d'adopter des mesures permettant de progresser dans le sens à la fois d'une réelle responsabilisation des organismes prêteurs et de l'accompagnement des personnes en situation de surendettement.

La plupart de ces mesures ont déjà été évoquées dans le cadre du rapport sur l'application de la « loi Lagarde » de nos collègues Dini et Escoffier.

Concernant la responsabilisation des prêteurs, trois mesures ont souvent été citées par les associations de consommateurs et ont retenu notre attention.

Les deux premières concernent l'application effective de la « loi Lagarde ».

Il faut d'abord faire respecter l'obligation de remplir la fiche d'information, ou fiche de dialogue, imposée à tous prêteurs dans le cadre du crédit sur le lieu de vente ou par internet. Cette fiche est censée reprendre les revenus, les charges et les éventuels crédits de l'emprunteur et donc permettre une analyse de sa situation financière. Mais le constat est que cette fiche n'est souvent remplie que très sommairement. Pour remédier à cette situation, il est nécessaire de permettre à la DGCCRF de procéder à des contrôles anonymes.

Toujours concernant les crédits sur le lieu de vente ou par internet, la DGCCRF devrait pouvoir, par le biais de ses contrôles, faire respecter l'obligation pour les organismes prêteurs de proposer un crédit amortissable à la place d'un crédit renouvelable. Là aussi, la pratique, et notamment une enquête d'UFC-Que Choisir, a montré que cette alternative au crédit renouvelable n'était que rarement proposée.

Enfin, nous sommes en faveur de l'interdiction des cartes de fidélité couplées avec une carte de paiement qui sont souvent le moyen de contracter, sans vraiment le savoir, un crédit renouvelable.

Concernant l'accompagnement des personnes en situation de surendettement, nos travaux et notamment notre visite au sein d'une commission de surendettement nous ont montré que la prise en compte de l'aspect social du problème du surendettement était essentiel. Le constat est en effet souvent le même : au-delà d'un contexte économique et social difficile, les personnes qui sont en grande difficulté financière ne connaissent pas les plus simples règles de gestion d'un budget. Par ailleurs, leur suivi social est insuffisant.

Là encore, nous rejoignons les propositions faites par Mmes Dini et Escoffier. Il est nécessaire d'introduire des modules d'éducation budgétaire dans le cadre scolaire, de développer des instruments de détection des personnes en difficulté financière et de proposer un accompagnement budgétaire à ces dernières.

Il faut également instaurer une réelle articulation entre procédure de surendettement et suivi social, notamment en développant l'accompagnement social lors de la procédure ou en imposant un suivi social en cas de redépôt d'un dossier en commission de surendettement. À cet égard, notre déplacement en Belgique nous a permis de prendre connaissance de leur système de médiation de dettes, qui semble beaucoup mieux intégrer la procédure de surendettement dans un suivi social.

Enfin, la nécessité de développer le microcrédit social a été régulièrement mentionnée par les interlocuteurs du groupe de travail. Par définition plus accessible que le crédit classique, malgré un taux souvent élevé, il constitue aussi un outil de prévention du surendettement.

Mme Valérie Létard, co-rapporteur. - Je vais vous présenter la contribution que nous avons préparée, Hervé Marseille et moi, au nom du groupe UDI-UC.

Le groupe de travail est partagé sur la nécessité d'aller ou non jusqu'à la création d'un fichier positif. Je vais essayer de vous indiquer quelle est notre position sur cette question.

Je vais commercer par les arguments opposés à la création d'un fichier positif.

S'agissant de la nécessité d'un recul suffisant sur la « loi Lagarde », cette loi avait pour objet d'améliorer et de moraliser le crédit à la consommation. Mais ce type ne crédit n'étant qu'une composante de l'ensemble de la problématique du mal-endettement, un répertoire ne permettra pas, même amélioré, de prendre en compte l'ensemble de la question du mal-endettement. Si cet argument est fondé, il n'est pas suffisant.

Le deuxième argument est que le répertoire ne serait pas efficace pour prévenir les « accidents de la vie ». Certes il y a davantage d'accidents de la vie et moins de crédit à la consommation, pour autant, le répertoire peut être un outil de prévention supplémentaire.

Troisième argument : l'atteinte aux libertés. Cet argument peut s'envisager sous différents aspects. Il y a en effet un certain paradoxe à demander, en lieu et place d'un fichier dont les informations seraient vérifiées et uniquement accessibles en cas de demande de prêt, dont le fonctionnement serait supervisé par la Banque de France, la production des trois derniers relevés bancaires dans lesquels toute votre vie privée apparaît. En termes de confidentialité, je préfère un fichier dont le mésusage par les prêteurs serait sanctionné, y compris pénalement, ce qui est tout de même plus sécurisant que trois relevés bancaires sur lesquels défile toute votre vie.

Pour ce qui est de la difficulté à trouver un identifiant fiable et à consulter le fichier en temps réel, un nombre conséquent d'acteurs bancaires importants ont jugé que des aménagements techniques du FICOBA pourraient permettre, pour un coût raisonnable, de mettre en place un identifiant fiable, largement partagé par toute la place financière et permettant à terme également une intégration du FICP. J'y reviendrai.

En ce qui concerne la question du coût, l'exemple de la Belgique et les extrapolations qu'il permet, ainsi que les estimations de plusieurs établissements bancaires permettent de relativiser certains chiffres avancés par les associations professionnelles, notamment les 525 à 820 millions d'euros en investissement et 37 à 76 millions d'euros en fonctionnement.

Au sujet de la proportionnalité, je m'associe à ce qui a été dit précédemment. Ce raisonnement ignore l'objectif principal de la création du fichier qui est un objectif de prévention. Quel intérêt de s'intéresser aux 900 000 personnes déjà en commission de surendettement ? L'intérêt est de faire de la prévention pour les quelques millions de personnes qui ne sont pas encore dans ce dispositif, notamment à l'égard de ces classes moyennes dont le « reste à vivre » est de plus en plus faible et qui risquent de basculer dans le surendettement. Doit-on attendre qu'elles soient tombées dans le surendettement ou bien se doter avec le fichier positif, même si ce n'est pas l'alpha et l'oméga, d'un outil utile de prévention, complémentaire de la démarche d'accompagnement social ?

J'en viens maintenant aux arguments en faveur du répertoire.

Se centrer sur le surendettement, c'est passer à côté d'un problème majeur pour les classes moyennes : la prévention du mal-endettement.

Un nombre grandissant d'acteurs économiques et sociaux y sont favorables : notaires, juges d'instances, associations familiales, associations accompagnant les personnes en surendettement comme la fondation Crésus. Les associations de terrain estiment que la création du fichier positif est indispensable.

Au niveau des prêteurs, il est temps de constater que des fichiers existent et que certains rapprochements de fichiers sont déjà pratiqués de fait. Ne vaut-il pas mieux avoir, comme en Belgique, un fichier public, qui rendrait le marché du crédit plus concurrentiel au profit des consommateurs ?

Je le redis : la présentation des trois derniers relevés de compte ne peut apporter les mêmes garanties qu'un répertoire national des crédits.

Sur la question de la protection des données personnelles et de l'identifiant, la position de la CNIL a abouti à focaliser le débat sur un NIR « haché », complexe et coûteux. Il est temps d'étudier d'autres options. Celle d'un FICOBA amélioré et disponible en temps réel doit être envisagée d'une manière plus approfondie. Le FICOBA est en effet l'un des plus gros fichiers bancaires, 100 millions de comptes y sont recensés et il est d'ores et déjà soumis à de fortes demandes d'évolution pour contrôler notamment l'accès à l'épargne réglementée. Sa fiabilité est désormais assurée. Depuis 1998, la DGFIP procède aux inscriptions à réception de la déclaration de l'établissement bancaire qui a procédé à l'ouverture du compte, sa modification ou sa clôture. Les éléments d'état civil des personnes physiques sont certifiés par l'INSEE, qui signale également à la DGFIP toute modification. Les données sont donc vérifiées et non plus fondées uniquement sur les informations enregistrées par l'établissement bancaire qui procède à l'ouverture du compte. En outre, les marges d'erreur sont gérables et là encore le besoin d'interrogation préalable pour un nombre croissant de produits bancaires va aider à en assurer la fiabilité. L'investissement sera nécessaire pour tout le système bancaire. L'administration fiscale, qui l'utilise pour un nombre toujours plus large de produits réglementés, n'a pas signalé d'erreurs significatives. Le FICOBA présente donc l'avantage d'être un outil existant et permettant d'être utilisable très rapidement.

En outre, la mise en place d'un répertoire national des crédits ne fait pas obstacle à un renforcement de l'accompagnement social en vue de prévenir les situations de mal et surendettement. À cet égard, il y a lieu de prendre en compte les propositions formulées par le rapport de nos collègues Dini et Escoffier, au nom de la commission sénatoriale d'application des lois sur la mise en oeuvre de la loi de juillet 2010.

Le répertoire est complémentaire de toutes les politiques de prévention des impayés, en particulier tout ce qui touche aux impayés de logement et d'énergie.

En conclusion, le rapport, même s'il ne débouche pas sur des préconisations concrètes du fait des positions contradictoires des membres du groupe de travail, plaide largement en faveur de la création d'un répertoire national des crédits. À l'évidence, il liste bien davantage de raisons de créer ce répertoire que d'objections vraiment majeures. Après vingt ans de tergiversations et devant la crise qui frappe particulièrement les personnes rencontrant des difficultés financières, il est urgent d'envisager positivement la mise en oeuvre de ce répertoire -ce à quoi les membres du groupe UDI-UC vont s'atteler afin de rendre cet outil efficace rapidement.

Deux éléments confortent cet objectif : les sanctions lourdes en cas de détournement du fichier positif et la consultation obligatoire de celui-ci par les prêteurs au risque de ne pas récupérer leur créance.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je crois que la constitution de ce groupe de travail va enfin permettre de faire avancer les choses : on ne peut pas attendre 20 ans de plus ! Il faut agir en amont, sur l'accompagnement et la prévention sociale, afin de tarir le flux d'entrée dans le surendettement. Il convient à présent de choisir le système le plus efficient, en prenant garde à ne pas surcharger la Banque de France avec de nouvelles missions. Il est urgent d'agir : depuis deux ans, le nombre des personnes surendettées ou ayant des impayés de logement et d'électricité qui se présentent dans mon CCAS augmente sans cesse !

Mme Virginie Klès. - J'ai aussi vu flamber les impayés de cantines !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - N'oublions pas les factures de télécommunications et les autres dépenses qui ne font pas partie du « reste à vivre » mais sont souvent très lourdes. La voiture, le téléphone et l'assurance prennent ainsi la première place alors que le loyer et l'électricité ne sont même plus des priorités. On voit plusieurs abonnements téléphoniques dans une même famille. Ce ne sont pas les foyers les plus aisés qui sont abonnés à Canal+... Il est vrai qu'une sortie au cinéma avec deux enfants revient à 40 euros  !

M. Alain Fauconnier, co-rapporteur. - En Belgique, le fichier est loin d'avoir coûté aussi cher que ce qui nous est annoncé pour sa mise en place en France. La population est certes plus importante dans notre pays mais les coûts ne sont pas proportionnels au nombre de personnes enregistrées dans le fichier. Le fichier belge ne coûte d'ailleurs rien au contribuable en fonctionnement, puisqu'il est financé par les consultations, au tarif de 50 centimes d'euros chacune. Six personnes suffisent à gérer le système quand la Banque de France nous parle de 20 à 50 employés. Les estimations qui aboutissent à un coût de 500 millions d'euros pour la mise en place d'un fichier en France sont sans doute exagérées. Par ailleurs, en ce qui concerne le problème de l'atteinte à la vie privée, le point fondamental sera le choix de l'identifiant.

Valérie Létard a parlé des évolutions du FICOBA, il faut creuser cet aspect face à la lourdeur de gestion du « double hachage ». C'est l'identifiant qui peut être attentatoire à la liberté.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je remercie nos collègues pour ce rapport spécial du fait de sa dimension dialectique forte : il expose le pour du contre et le contre du pour... Il y a tous les éléments pour se faire une opinion, c'est une contribution utile puisque le Gouvernement prépare un texte. En tout état de cause, le statu quo est impossible.

Nous sommes dans une société où la marchandise est partout. Je ne jetterai donc pas la pierre à ceux qui consomment, d'autant que les parents se sentent souvent obligés d'acheter des produits de marque à leurs enfants pour que ceux-ci ne soient pas méprisés par leurs camarades. Il y a une tendance générale contre laquelle il est aisé d'avoir des pensées vertueuses mais plus difficile d'agir.

J'ai cru comprendre que le Gouvernement allait nous proposer un fichier : ce que nous venons de dire permettra de l'encadrer. Tout ce qui a été dit doit nous aider à réfléchir. Enfin, « la loi Lagarde » n'est pas réellement appliquée. Nous avions été plusieurs, avec notamment Nicole Bricq, à demander une stricte séparation, dans les commerces, entre ce qui relève de la ristourne commerciale et ce qui relève du crédit. L'acte d'achat doit être clairement distingué de l'acte consistant à souscrire un crédit. Or cette séparation entre carte de fidélité et carte de crédit n'est toujours pas effective.

On ne peut pas aujourd'hui prendre d'autre décision que d'autoriser la publication du rapport.

Mme Catherine Tasca. - Avons-nous une idée du contenu du projet de loi en cours de préparation ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Benoît Hamon a fait savoir par un communiqué qu'il était favorable à la création d'un fichier positif.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je rends hommage aux rapporteurs et je vais soumettre la publication du rapport à votre approbation. Espérons qu'il ne nous faille pas attendre 20 ans de plus pour voir ce problème résolu !

La commission des affaires économiques et la commission des lois autorisent la publication du rapport d'information sur le répertoire national des crédits aux particuliers.

Mercredi 23 janvier 2013

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Mandat des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger - Communication

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le Gouvernement a retiré de l'ordre du jour le projet de loi relatif à la prorogation du mandat des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger...

M. Christophe-André Frassa. - Quel dommage !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Son examen sera fait concomitamment avec celui d'un autre projet de loi, la nomination d'un rapporteur n'est donc plus, pour le moment, nécessaire.

Immunité juridictionnelle des membres de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) - Communication

M. Jean-Pierre Sueur, président. - M. Gorce prépare depuis quelques semaines un rapport sur la proposition de loi de M. Jacques Mézard instituant l'immunité juridictionnelle des membres de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dans le cadre de leurs fonctions. M. Mézard devrait demander à la prochaine Conférence des Présidents que le texte soit retiré de l'ordre du jour, sans doute pour attendre les conclusions de la mission d'information sur le sujet. Nous n'examinerons donc pas aujourd'hui le rapport de M. Gorce, mais ce travail n'est pas perdu, il reste en réserve.

Groupe de travail sur les outils fonciers à la disposition des élus locaux - Communication

Enfin, nous avions confié à MM. Vandierendonck et Pillet une étude sur le foncier -sujet considérable. Le président Daniel Raoul m'a demandé si la commission des affaires économiques pouvait y être associée. Pouvez-vous me donner votre accord ?

M. René Vandierendonck. - Oui.

M. François Pillet. - Oui.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous pourrons ainsi assister à une présentation plurielle, ce qui crée toujours une dialectique intéressante.

Exercice par les élus locaux de leur mandat - Examen du rapport
et du texte de la commission

La commission examine tout d'abord le rapport de M. Bernard Saugey et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 120 (2012-2013), présentée par Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur, visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Gourault.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Les états généraux de la démocratie territoriale, organisés en octobre dernier, ont clairement souligné les deux préoccupations principales des élus : l'inflation normative et le statut de l'élu. Le président du Sénat a donc saisi de ces sujets le président de la commission des lois et la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités locales et à la décentralisation.

La question du statut de l'élu est, depuis longtemps, le serpent de mer de la vie publique. Pourtant, au fil du temps - et singulièrement ces vingt dernières années - le législateur a construit un ensemble de garanties constitutives d'un tel régime. Ce régime ne répond cependant pas totalement aux attentes des élus locaux. La proposition de loi adoptée le 30 juin 2011 à l'unanimité par le Sénat, mais qui n'a jamais été examinée par l'Assemblée nationale, visait à résoudre le problème. Ultérieurement, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a conduit une réflexion sur le statut de l'élu. La dernière retouche à ce dispositif vient d'intervenir : c'est l'amélioration, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, du régime de protection des élus locaux. Pour nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, il s'agit, dans la mesure du possible, de prolonger le régime en vigueur tout en proposant les dispositions les plus nécessaires pour endiguer le déclin des candidatures aux responsabilités locales et maintenir la vitalité et la diversité de la démocratie.

Le mandat électif ne constitue pas un métier, non plus que l'exercice de certaines fonctions exécutives une activité salariée. Ils ne relèvent donc pas du même régime de protection. Toutefois, il est indispensable de tenir compte des conséquences, pour leur activité professionnelle, des contraintes auxquelles sont soumis les élus locaux. Que chacun, quels que soient ses revenus, puisse déclarer sa candidature aux élections locales est également un impératif démocratique. Les premières garanties ont été établies sous la IIIème République et ont été complétées au fil du temps, parallèlement à l'approfondissement des libertés locales et à l'accroissement des compétences décentralisées. Après l'avènement, en 1982, de la décentralisation Deferre, deux grandes étapes ont été franchies avec, d'une part, la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, d'autre part la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Si le principe de gratuité des fonctions électives demeure, il a été aménagé : aujourd'hui, la loi reconnaît aux élus le droit d'être remboursés des frais résultant de l'exercice d'un mandat et leur ouvre la perception d'une indemnité correspondant à l'exercice effectif d'une fonction locale.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a harmonisé les disparités du régime de protection sociale existant pour prévoir l'affiliation des élus locaux au régime général de la sécurité sociale et l'assujettissement des indemnités à cotisation sociale, sous condition de seuil. Depuis le 1er janvier 2013, les élus régionaux, départementaux et communaux ainsi que les délégués intercommunaux sont affiliés au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques : maladie, maternité, invalidité, vieillesse, famille, accidents du travail, maladie professionnelle. A l'initiative de la commission des affaires sociales et de son rapporteur général, Yves Daudigny, ceux qui perçoivent des indemnités de fonction inférieures au seuil fixé par décret sont affiliés lorsqu'ils n'ont plus d'activité professionnelle et ne relèvent plus à titre obligatoire d'un régime de sécurité sociale. En dehors du régime de retraite de base, les élus peuvent se constituer une pension par rente.

Le risque vieillesse recouvre donc trois aspects : affiliation au régime général d'assurance vieillesse ; affiliation à l'Ircantec ; adhésion facultative à un fonds de pension par rente.

Les souplesses offertes pour concilier mandat électif et activité professionnelle sont de deux ordres. D'une part, des droits d'absence et un congé électif de dix jours ouvrables pour participer à la campagne électorale, sauf dans les communes de moins de 3 500 habitants. D'autre part, un crédit d'heures destiné à disposer du temps nécessaire à l'administration de la collectivité et la préparation des réunions. Le crédit d'heures est décompté par trimestre et le volume non utilisé n'est pas reportable.

Le droit à la suspension de son activité professionnelle est ouvert, sous réserve d'une ancienneté minimale d'une année chez l'employeur.

A l'expiration du mandat, le salarié bénéficie d'un droit à réintégration professionnelle dans son précédent emploi ou un emploi analogue, assorti d'une rémunération équivalente, et ce, dans les deux mois suivant sa demande. Il bénéficie de tous les avantages acquis dans l'intervalle par les salariés de sa catégorie. Si la demande de réintégration est présentée après plusieurs mandats, le salarié bénéficie pendant un an d'une priorité de réembauche dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre. En cas de réemploi, il recouvre tous les avantages acquis au moment de son départ.

Trois dispositifs visent à sécuriser la sortie du mandat : le droit à un stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise ; le droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences ; l'allocation différentielle de fin de mandat. Le montant mensuel de l'allocation, qui est versée pendant six mois maximum et ne peut l'être qu'au titre d'un seul mandat, est au plus égal à 80 % de la différence entre le montant de l'indemnité brute mensuelle versée pour l'exercice effectif des fonctions électives et l'ensemble des ressources perçues à l'issue du mandat.

Les dispositions contenues dans la proposition de loi sont ciblées ; certaines résultent d'un vote unanime du Sénat le 30 juin 2011.

Pour tenir compte de la réalité locale dans les petites communes, l'article premier supprime la faculté pour le conseil municipal de revenir sur la fixation de l'indemnité du maire au taux maximal, dans les communes de moins de 3 500 habitants ; il harmonise le dispositif applicable à l'ensemble des EPCI à fiscalité propre. L'article 2 exclut la fraction représentative des frais d'emploi des revenus pris en compte pour le versement d'une prestation sociale. Cette fraction n'est ni imposable ni intégrée dans le revenu fiscal de référence. Destinée à rembourser forfaitairement des dépenses liées aux fonctions électives, elle n'est pas un revenu. L'article 3 assouplit le régime de suspension du contrat de travail. D'une part, il abaisse de 20 000 à 10 000 habitants le seuil démographique des communes et communautés de communes dont, respectivement, les adjoints au maire et les vice-présidents bénéficient de ce droit. D'autre part, il double la période d'effet du droit à réintégration professionnelle, aujourd'hui limitée au terme du premier mandat. L'article 4 prolonge de six mois à un an la durée de perception de l'allocation différentielle de fin de mandat. L'article 5 ouvre aux titulaires d'une fonction élective locale la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour l'obtention d'un diplôme universitaire. Pour assurer une formation effective aux élus locaux, l'article 6 instaure un plancher de dépense correspondant à 3 % de l'enveloppe des indemnités de fonction. Les sommes non dépensées seraient reportées sur les budgets suivants dans la limite du mandat en cours. Les petites communes se plaignent de n'avoir pas suffisamment de crédits pour en consacrer à la formation. En mettant de côté 2% (puisque je vous proposerai par amendement de réduire le seuil de 3 à 2%), on peut constituer une petite cagnotte et, au bout de quelque temps, payer une formation.

Je vous propose de retenir ces mesures, qui sont de nature à freiner la désaffection pour les fonctions électives, résultant à la fois de la complexité croissante de la gestion locale, de la difficulté à concilier activité professionnelle et mandat électif, et de l'incertitude de l'avenir pour ceux qui ont abandonné temporairement leur métier.

Les élus salariés sont tiraillés entre leurs responsabilités locales et leurs obligations professionnelles. Les améliorations proposées font consensus. Plusieurs d'entre elles ont été unanimement adoptées le 30 juin 2011 ; d'autres ont été avancées par nos collègues Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet à l'issue de la réflexion qu'ils ont menée au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Je vous proposerai, je l'ai dit, d'abaisser de 3 % à 2 % du montant des indemnités de fonction les dépenses obligatoires de formation. Ce pourcentage me paraît plus conforme aux contraintes budgétaires des collectivités sans toutefois obérer la nécessité de former les élus.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Merci. J'approuve ce que vous avez dit du statut de l'élu, mais n'en faisons pas un objectif mythique, comme dans ces discours politiques qui appellent à « un vrai statut de l'élu » - on s'attend presque à ce qu'il descende du ciel en majesté. En réalité, la construction de ce statut a commencé il y a longtemps. La loi de 1992 a apporté de grandes avancées, en particulier sur la retraite et la formation, d'autres évolutions sont intervenues depuis. Bref, c'est un ouvrage inachevé, qui progresse petit à petit.

Nous avons retenu uniquement les propositions qui, à l'issue des états généraux de la démocratie territoriale et après consultation des principales associations d'élus, donnaient lieu à un accord très large. Ce texte marque donc des avancées, même si ce n'est pas le grand soir. Par petits pas, l'Histoire avance.

M. Hugues Portelli. - Je trouve cette proposition de loi sympathique. Nous avons cependant un point de divergence à l'article 7 : qui va payer ? Comment ? Dans l'état actuel des finances publiques, il n'est pas sérieux de prétendre augmenter les dotations et les aides d'État. D'ailleurs, avec quelles recettes ? Où les trouverez-vous ? N'oublions pas l'article 40 !

Je crois que le progrès n'est pas à chercher dans une professionnalisation généralisée des élus locaux. Un élu local n'a pas vocation à exercer sa fonction de manière pérenne. Beaucoup d'indemnités sont versées de manière tout à fait excessive, par des syndicats intercommunaux par exemple, au point que certains vivent uniquement de l'addition de tels revenus. Ce n'est pas sain ! Ce n'est pas ce qui peut rapprocher les citoyens de leurs élus.

Il importe de procéder à budget constant. Notre commission devrait aussi se pencher sur la formation : en tant que maire, je refuse constamment des demandes de formation, car je sais qu'une fois sur deux ces formations servent à financer indirectement les partis politiques.

M. Pierre-Yves Collombat. - J'ai été, par un hasard étrange, rapporteur de l'atelier consacré au statut de l'élu local lors des états généraux. Je n'ai pas l'impression que ces propositions vont, je ne dis même pas soulever l'enthousiasme, mais simplement être remarquées. Qui a besoin d'un statut ? Les élus des petites collectivités. Les autres, qui sont parlementaires, qui gèrent des syndicats, n'ont aucun problème.

Il est illusoire de prétendre réformer le statut de l'élu sans bourse délier : vous perdez votre temps ! Inutile de nous amuser avec un titre portant sur le statut de l'élu, quand en réalité vous n'apportez que de minuscules retouches aux dispositifs existants. Si le résultat des états généraux de la démocratie territoriale se résume à ce texte, cela fera rire ! Dans le rapport de MM. Peyronnet et Dallier, il était question de rien moins que la suppression de la gratuité des fonctions, ce qui crée une ambigüité considérable sur la nature des indemnités.

Cela me rappelle Zénon, immobile à grands pas ! Si vous voulez amuser la galerie, faites-le donc, mais soyez au moins conscients que cela n'aura qu'un temps.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Si tous les maires des communes de moins de 3 500 habitants touchaient le montant maximal de l'indemnité à laquelle ils ont légitimement droit, ce serait un changement important. Vive Zénon, donc !

M. Alain Anziani. - Je comprends la fureur de M. Collombat. Mais elle doit être modérée par ce qu'a dit M. Sueur précédemment : devons-nous rêver à un statut de l'élu tout achevé, qui nous arriverait comme on gagne à la loterie nationale ? Ou les questions qu'il pose sont-elles si complexes qu'il ne peut se constituer que progressivement ? Je crois qu'elles le sont et qu'il faut donc chaque jour remettre l'ouvrage sur le métier.

Ce texte est bon, les huit mesures qu'il contient vont effectivement modifier la vie des élus dans les petites collectivités. Je songe en particulier à la fixation automatique de l'indemnité de maire, qui sera très appréciée.

J'ai assisté, la semaine dernière, aux voeux du président de la République. Il a mentionné, dans son programme pour cette année, la limitation du cumul des mandats, qui serait articulée avec la définition d'un véritable statut de l'élu. Ce que nous faisons s'ajoutera à l'existant, mais sera sans doute repris dans un cadre plus global.

J'approuve donc les huit mesures, même si j'ai des réticences sur l'une : il me semble déraisonnable de prévoir qu'on puisse, après deux mandats, réintégrer son emploi. Les dispositifs en matière de validation des acquis de l'expérience doivent permettre à l'élu de retrouver du travail.

Je suis partisan d'une formation obligatoire - c'est d'ailleurs une demande de l'AMF depuis longtemps - au moins dans les communes de plus de 3 500 habitants, et pour tous les élus ayant une délégation : le métier d'élu est le seul où l'on est supposé, par l'onction du suffrage, tout savoir du jour au lendemain, que ce soit sur le droit de l'urbanisme, sur les finances... Il est grand temps de rendre la formation obligatoire, car souvent, les intéressés n'osent pas dire qu'ils en ont besoin. Cela ne doit pas nous empêcher de clarifier les choses en matière d'organismes de formation - même si cela ne relève pas du domaine de la loi.

M. Christian Favier. - Notre groupe soutient ce texte. Il s'agit, certes, de propositions a minima, qui ne bouleverseront pas les choses, mais vis-à-vis des maires de communes de moins de 3 500 habitants elles sont importantes. Nos concitoyens comprendront parfaitement qu'on n'oblige pas les maires à faire délibérer leur conseil municipal sur une compensation parfaitement légitime : disposant de peu de moyens et de personnels, ils sont très sollicités. Pour inciter nos concitoyens à s'engager dans la vie élective locale, le texte fait en sorte que le mandat, qui est un sacrifice, n'entraîne pas des difficultés telles qu'elles deviennent des freins à l'engagement. Peut-être faudrait-il évaluer les mesures qui existent déjà : sont-elles réellement utilisées ? Notons aussi qu'il est plus facile de faire valoir ces droits dans le secteur public que lorsqu'on travaille dans une petite entreprise.

Comment faire en sorte que les coûts supplémentaires ne soient pas un obstacle dans les petites collectivités ? Il faudrait peut-être créer un fonds national pour amortir les difficultés.

M. Jean-René Lecerf. - La question du statut de l'élu est indissociable de la limitation du cumul des mandats. Or sur ce dernier point, on n'y voit pas très clair : le président de la République avait pris un engagement...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il faut s'y tenir. Un engagement est un engagement, comme le mariage pour tous.

M. Jean-René Lecerf. - Certes, mais il se peut que des délais soient ajoutés à d'autres, et qu'on laisse encore passer quelques élections... Or les deux sujets vont de pair.

La notion d'élu local recouvre des réalités très diverses. Qu'y a-t-il de commun entre l'élu d'une ville de plus de cent mille habitants, et celui d'une commune rurale ? Quelle ressemblance, même, entre un département comme la Lozère et la Région du Nord ? Développer le financement de la formation ne présente aucun intérêt pour les grandes communes, qui sont déjà suffisamment dotées... si ce n'est d'accroître le financement des partis politiques ! Je mène une liste d'opposition, or j'obtiens pour mes collègues toutes les formations qu'ils pourraient souhaiter, y compris au soleil... En revanche, pour les petites communes, cette disposition a du sens.

M. François Pillet. - Même si c'est à petit pas, les avancées sont incontestables. Le traitement de la fin du mandat n'est pas aisé et sera amélioré par ces propositions. Mais certains élus sont particulièrement désavantagés : les petits artisans, les petits commerçants, ceux qui gèrent une petite entreprise... C'est pour eux un choix très difficile de devenir élu. Or, sans eux, comment les conseils municipaux reflèteront-ils la physionomie de la société ? Il y a donc encore des progrès à faire pour ces catégories.

L'article premier est bienvenu : combien de fois avons-nous vu des candidats se faire élire par de médiocres promesses démagogiques consistant à annoncer qu'ils renonceraient à leurs indemnités ? On sait bien que s'ils le font, c'est qu'ils n'en ont pas besoin. Mieux vaut que l'indemnité échappe au vote du conseil municipal. Si l'élu veut la reverser à son CCAS (centre communal d'action sociale), libre à lui de le faire.

Mme Catherine Tasca. - Une politique des petits pas est respectable dans ce domaine où le consensus n'est pas facile à obtenir. Je salue la modération du rapport de M. Saugey. Je voudrais souligner l'importance de l'article 6. C'est celui qui est le plus porteur de changements. Il faudrait prolonger ce travail par des propositions concernant l'organisation concrète de la formation, afin que des personnes éloignées du monde de la gestion politique puissent s'engager dans cette voie.

Quelle est la probabilité que le texte soit repris à l'Assemblée nationale et ne termine pas dans le vaste et froid cimetière des propositions de loi ?

M. Philippe Bas. - Ce texte me semble pratique et bien construit, il règle des problèmes concrets, prend en compte les responsabilités des délégués communautaires, la situation des maires ruraux, celle des adjoints des communes de moins de 10 000 habitants et des vice-présidents d'intercommunalités de moyenne importance. Il organise mieux le retour à l'activité professionnelle...

J'aimerais toutefois revenir sur deux points : à l'article premier, le texte initial prévoyait dans les communes de moins de 1 000 habitants que l'indemnité du maire se situerait au taux maximal, sauf vote en sens contraire du conseil municipal. Sont désormais concernées les communes de moins de 3 500 habitants. Fort bien. Mais nous supprimons dans le même temps la possibilité du remords, ou d'une vue différente, pour le conseil municipal : je trouve cela un peu excessif. Souvenons-nous que les indemnités des élus ne sont pas des rémunérations mais la compensation d'un manque à gagner professionnel et le moyen de couvrir de manière forfaitaire des dépenses liées à l'exercice du mandat. Des élus peuvent n'avoir aucun manque à gagner professionnel : notre règle ne doit pas empêcher un conseil municipal, d'ailleurs souvent en accord avec le maire, de revenir sur le taux maximal.

Nous ne traitons pas le problème des exécutifs les plus importants. Un président de conseil général, cadre dans son entreprise, n'a droit qu'à un volume de temps prélevé sur son temps professionnel. Veut-on attirer vers les grands mandats exécutifs des personnalités qui ont fait leurs preuves dans des fonctions professionnelles fortement rémunérées, ou prend-on le risque de réserver ces fonctions à des professionnels qui n'ont pas ce type d'expérience ? On ne pourra pas traiter du cumul des mandats en s'intéressant seulement aux mandats parlementaires...

M. Jean-Yves Leconte. - A l'Assemblée des Français de l'étranger, nous avons 155 grands électeurs qui travaillent sur un territoire s'étendant sur des millions de kilomètres carrés : ces élus travaillent sur l'ensemble des politiques publiques touchant les Français de l'étranger, mais ils n'ont eux-mêmes aucun statut, aucun moyen, aucune protection. Compte tenu du droit local, s'ils sont salariés, il leur est encore plus compliqué qu'en France de faire valoir des droits.

Mme Hélène Lipietz. - Il y a deux éléments : le statut personnel de l'élu et son statut politique. Sur le premier point, il faut prendre en considération le point de vue de la famille. Comme l'élu ne cotise plus, son conjoint perd le droit à une pension de réversion pendant la durée du mandat : il s'agit là d'un sacrifice familial important. Si l'élu était auparavant chômeur, il perd ses droits aux allocations, puisqu'il ne peut plus être considéré comme étant en recherche active d'un travail. Cela peut poser problème quand ses allocations étaient supérieures à ce qu'il perçoit désormais - même si le versement est simplement reporté à la fin de son mandat.

On parle beaucoup de la validation des acquis de l'expérience, mais pour certains élus, cela fait doublon. Mieux vaudrait instaurer une vraie formation tout au long de la vie et aider les élus à se reconvertir à la fin de leur mandat.

Quant au statut politique, les élus appartenant à l'opposition se sentent parfois totalement démunis dans les villes moyennes ; ils ont parfois le sentiment que leur mandat ne sert à rien. Il serait donc bon de renforcer les droits de l'opposition et que ses représentants accèdent plus tôt aux documents préparatoires des délibérations. Et d'élaborer un guide du futur élu, à l'intention des candidats à des élections locales, qui souvent ignorent tout de ce qui les attend.

Je voudrais aussi aborder un aspect du cumul des mandats : aujourd'hui, il demeure possible de percevoir à la fois une rémunération publique et une indemnité d'élu. N'est-ce pas exagéré ?

M. Christophe Béchu. - Si !

M. Yves Détraigne. - Ce texte est intéressant sur plusieurs points. L'article 6 est important : je connais plus d'un maire qui s'abstient d'expliquer à ses conseillers municipaux qu'ils ont droit à une formation, de manière à faire des économies. Dommage !

L'article premier prévoit que l'indemnité sera automatiquement versée au taux maximal au maire dans les communes de moins de 3 500 habitants. Le maire qui souhaite renoncer à son indemnité pourra-t-il toujours le faire, ou reversera-t-il les sommes à la commune ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le mieux est de les reverser au CCAS.

M. Christophe Béchu. - J'approuve la quasi-totalité du texte même si son ambition demeure modeste. Il a l'avantage d'être consensuel : cela nous évite de nous écharper et de donner publiquement un triste spectacle... En outre, l'opinion serait prompte à s'enflammer si elle considérait qu'il s'agit d'améliorer les privilèges d'une caste.

Plusieurs sujets mériteraient d'être inclus dans une réflexion sur le statut de l'élu : le droit aux absences, prévu par les textes mais jamais appliqué ; le droit de garde des enfants, qui n'est pas plus effectif, souvent par autocensure des bénéficiaires ; le remboursement des frais de déplacement ; la résolution des conflits d'intérêt potentiels ; les droits de l'opposition. Je pense comme Mme Lipietz que le cumul des mandats est à aborder de manière globale. Faut-il accepter des dérogations ? Est-il juste que les professeurs d'université puissent cumuler leur indemnité et la rémunération de l'activité professionnelle qu'ils poursuivent ? Si dérogation nous acceptons, est-il juste qu'elle soit si limitative ? Pour poursuivre mon exemple, les professeurs agrégés qui enseignent en lycée, une fois élus, n'ont pas cet avantage.

J'ai deux réserves. Je suis opposé au dispositif d'écrêtement automatique et au reversement à d'autres élus de la part non perçue. 

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Un amendement a été déposé sur ce point.

M. Christophe Béchu. - De même, le report des crédits de formation non consommés est contraire à la règle d'annualité budgétaire. Pourquoi une telle exception ? La formation est-elle plus importante que, par exemple, les dépenses sociales ? Cela me paraît juridiquement discutable. De plus toutes les collectivités ne sont pas en situation d'égalité, puisque les crédits de la formation sont fixés en pourcentage de la masse globale des indemnités. Dans les grandes collectivités, l'enveloppe est rarement intégralement utilisée. Il appartient au ministère de l'Intérieur de veiller au bon emploi des crédits. La sanctuarisation de ces sommes, la constitution d'un bas de laine ne se justifient pas, il y a d'autres priorités. Je présenterai un amendement pour, au moins, supprimer cette obligation dans les départements et les régions. 

M. André Reichardt. - Je n'ai pas d'objection contre ce texte qui améliore simplement certains aspects matériels. La question du statut de l'élu, liée à la celle du cumul des mandats, méritera d'être abordée dans son ensemble. Cependant, l'intitulé de la proposition de loi me dérange, car celle-ci ne tend nullement à faciliter l'exercice de leur mandat par les élus municipaux. Lors des états généraux de la démocratie territoriale et notamment dans l'atelier consacré au statut, les élus se sont plaints, non tant des conditions matérielles que du peu de soutien et de reconnaissance qu'ils reçoivent dans l'accomplissement de leurs fonctions. Ils évoquent la condamnation d'un maire pour une gifle à un gamin insolent, se disent las de recevoir de la préfecture des rafales de lettres le jour de l'échéance du contrôle de légalité, pour invalider des approuvés au préalable par l'administration.

Je n'attendais pas un grand soir, mais je regrette que l'on n'ait pas réfléchi à ces questions. Ce texte n'aborde que des modalités d'ordre matériel ; le mal-être relève d'un autre registre.

M. Philippe Kaltenbach. - Je suis favorable à la stratégie des petits pas, même si le chantier restera immense.

La facilitation du travail de l'opposition me semble mériter un texte spécifique. A ce sujet, pourquoi ne pas instaurer un droit de tirage pour la réalisation d'études ou d'audits publics ?

Les crédits d'heures accordés aux élus - 35 heures par trimestre dans le cas d'une grande collectivité, 10 heures 30 pour des communes de 3500 à 10 000 habitants - sont modestes et ne sont pas pris en charge : c'est un sacrifice pour les intéressés. De même, afin de favoriser l'émergence d'élus jeunes et d'éliminer les inégalités entre élus, il est nécessaire de prendre en charge la garde des enfants. Je proposerai des amendements en ce sens.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Monsieur Portelli, je suis sensible à vos remarques. Le texte est-il trop coûteux ?

En 1992, j'avais souhaité inscrire dans la loi que la formation des élus était dispensée dans les établissements d'enseignement supérieur : j'ai été mis en minorité au sein du gouvernement et par les associations d'élus, voire les partis politiques... Une telle mesure serait pourtant utile. De même je ne comprends pas pourquoi les retraites des élus dépendent d'un système par capitalisation et non par répartition.

Le président du Sénat s'est beaucoup investi dans les états généraux. Il est à l'origine de notre proposition de loi. Il aura à coeur de solliciter auprès de son homologue une inscription à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale dans des délais rapprochés. Soit dit en passant, il est absurde qu'une proposition de loi adoptée par une assemblée ne soit pas examinée systématiquement par l'autre. Notre proposition de loi sur les sondages est au placard à l'Assemblée nationale depuis 18 mois. Les propositions de loi ne doivent pas présenter qu'un caractère proclamatoire.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'article 7, Monsieur Portelli, n'a d'autre objet que d'éviter une irrecevabilité au titre de l'article 40. M. Collombat a déposé de nombreux amendements. Mais pour citer Molière, nous devons faire bonne chère avec peu d'argent. Les crédits sont limités. N'allons pas trop loin, nous risquons de nous voir opposer l'article 40.

Je souscris à l'avis de M. Anziani : avançons progressivement. La formation des élus sera obligatoire. Le report de ces crédits a déjà dans le passé été accepté par le gouvernement. Certes, on note des différences entre les petites et les grandes communes, les crédits de formation s'étalant de 0,69 % à 5,26% pour les régions : nous essayons d'aider les plus petites.  M. Collombat, qui aborde régulièrement ce sujet dans son éditorial dans le Journal des maires ruraux, y sera sensible.

La proposition de loi ne traite pas du cumul des mandats ni du statut de l'élu. N'oublions pas que les élus des petites communes sont les plus nombreux : ce texte consacre des avancées en leur faveur, même modestes. 

La loi prévoit une fixation automatique de l'indemnité des maires. Le conseil municipal ne se prononcera plus ; les maires n'auront plus à mendier. Ils ne volent pas leur argent !

Madame Tasca, je suis favorable à une réflexion sur la formation, sujet important. Le cimetière des propositions de loi est très encombré, je ne peux qu'en convenir !

Concernant l'indemnité, le maire en dispose à sa guise. Il peut la reverser au centre communal d'action sociale.

M. François Pillet. - Ou à sa commune.

M. Bernard Saugey. - Au CCAS, cela vaut mieux.

M. Jean-Jacques Hyest. - S'il y en a un...

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Un guide du statut de l'élu local, très bien fait, existe déjà : il a été réalisé par l'Association des maires de France.

La proposition de loi comporte des avancées importantes : le doublement de la durée de perception de l'allocation différentielle de fin de mandat, l'exclusion de la fraction représentative des frais d'emploi dans le calcul des ressources pour le versement d'une prestation sociale, la fixation par la loi et au taux maximal de l'indemnité allouée au maire dans les communes de moins de 3500 habitants.

Elu depuis 42 ans, je sais que la proposition de loi de M. Sueur et de Mme Gourault répond à des attentes concrètes.

Article additionnel avant l'article 1er

M. Pierre-Yves Collombat. - Il existe un émouvant consensus conservateur en faveur de l'immobilisme. C'est au pied du mur que l'on voit... le mur, en l'occurrence le statut de l'élu. Quand en parlera-t-on enfin ? Moi, j'en parle : la première partie de l'amendement n° 1 introduit cette notion dans le code général des collectivités territoriales et supprime l'article 2123-17, celui qui pose le principe de la gratuité des fonctions municipales, entretenant une confusion sur le statut des indemnités.

L'amendement réaffirme également le principe des autorisations d'absence et réintroduit des dispositions que nous avons adoptées à l'unanimité dans le passé, sur la prise illégale d'intérêt ou le délit de favoritisme dans la passation de marchés publics. Enfin il donne force de loi à l'arrêt de la cour d'appel de Douai dans l'affaire de Cousolre, où le maire avait été condamné en première instance pour avoir giflé un adolescent insolent - l'exercice de fonctions électives avait même été considéré comme une circonstance aggravante !

Mes autres amendements - je sais hélas qu'aucune suite ne leur sera donnée - tendent à augmenter l'indemnité des élus, forger un vrai statut de l'élu, élargir les droits de l'opposition : c'est que je suis favorable non à une démocratie participative directe mais à une revalorisation de la démocratie représentative.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Je suis souvent sur la même longueur d'onde que M. Collombat. Ici cependant, il est difficile de se prononcer par un avis unique tant les dispositions, souvent à portée symbolique, sont nombreuses. J'en approuve certaines, d'autres excèdent l'objet du présent texte. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je maintiens mon amendement.

Mme Virginie Klès. - Il est indispensable de définir un statut de l'élu. Par exemple, il existe un vide juridique en matière de santé : en tant qu'élue, je n'ai pas accès à la médecine préventive.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - La dernière loi de financement de la sécurité sociale prévoit que les élus sont affiliés au régime général.

Mme Virginie Klès. - Cela ne concerne pas la médecine du travail.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - En effet. Peut-être pourriez-vous proposer un amendement extérieur ?

M. François Pillet. - Nous avons voté à l'unanimité des dispositions proposées à la suite d'un étrange arrêt de la cour d'appel de Versailles sur l'intérêt général et l'intérêt personnel. La proposition de M. Collombat concernant le statut de l'élu est-elle un cavalier ? L'inclure ici serait en tout cas s'assurer que l'Assemblée nationale examinera des dispositions que nous avions adoptées à l'unanimité.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Pour intégrer ces dispositions, il faudrait toiletter le texte de l'amendement.

M. François Pillet. - Ou sous-amender !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - M. Collombat pourra déposer plusieurs amendements.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 22.

Article 1er

L'amendement n° 24 tendant à corriger une référence est adopté.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 2 tombera sous le coup de l'article 40...

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 1er

M. Alain Anziani. - L'amendement n° 4 supprime la possibilité pour un élu de reverser la part écrêtée de son indemnité à d'autres élus de la même assemblée.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Avis favorable.

M. Jean-Jacques Hyest. - Pourquoi prévoir que les maires reçoivent obligatoirement leur indemnité ? En cas d'écrêtement, ils ne perçoivent rien.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le maire percevra le montant maximal de l'indemnité. Si celle-ci est soumise à l'écrêtement, il ne la touchera pas.

M. Jean-Jacques Hyest. - Inscrire l'indemnité au budget est dans ce cas inutile ! Pendant longtemps je n'ai pas perçu mon indemnité de maire, car elle représentait une part non négligeable du budget de fonctionnement de ma commune, environ 5%.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Fort bien, mais que se passera-t-il si l'élu perd un de ses mandats ? Il ne sera plus écrêté et aura droit à son indemnité. Quoi qu'il en soit, cette affaire sera réglée avec le non-cumul des mandats.

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est aussi ce que je pense...

L'amendement n° 4 est adopté et devient article additionnel.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 23 est irrecevable.

L'amendement n° 23 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 6

M. Alain Anziani. - L'amendement n° 13 vise à amplifier les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 qui a amélioré la couverture des élus, en instaurant une obligation d'adhésion à un régime de couverture retraite complémentaire, ce qui implique un financement de la collectivité.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Cet amendement, en rendant l'affiliation obligatoire, tombe sous le coup de l'article 40.

M. Christophe Béchu. - Certains élus auront du mal à trouver équitable une mesure qui se traduit par une réduction de 7% de leur indemnité, alors même qu'ils cotisent déjà au titre de leur profession. Une approche statutaire globale est nécessaire et cet amendement va dans ce sens, alors que la mesure de la loi de financement n'avait d'autre but que d'accroître les recettes...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Les élus locaux s'inquiètent des conséquences budgétaires : les collectivités seront elles aussi soumises à une cotisation supplémentaire.

M. Christophe Béchu. - « Travailler plus pour gagner moins », disent les élus.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Commençons par évaluer les conséquences pour les collectivités de l'affiliation des élus au régime général.

L'amendement n° 13 est retiré ainsi que l'amendement n° 15.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 19 est satisfait par l'affiliation au régime général.

L'amendement n° 19 est retiré.

L'article 2 est adopté sans modification.

Articles additionnels après l'article 2

M. Alain Anziani. - L'amendement n° 10 étend le congé électif aux salariés candidats des communes de 1 000 à 3 499 habitants.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Avis favorable. La mesure ne coûtera rien car cette absence s'impute sur le congé payé annuel - sinon, elle n'est pas rémunérée.

L'amendement n° 10 est adopté et devient article additionnel.

M. Alain Anziani. - Dans le même esprit, l'amendement n° 11 étend le bénéfice du crédit d'heures aux communes de 1 000 habitants et plus.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le crédit d'heures est un droit mais ce temps d'absence n'est pas rémunéré et il est assimilé à une durée de travail effective pour les droits à congés payés, pour ceux découlant de l'ancienneté. L'amendement est satisfait par la nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L 2123-2 du code général des collectivités territoriales car la mention du seuil de 3500 habitants a été supprimée. J'en demande donc le retrait.

L'amendement n° 11 est retiré.

L'amendement n° 12 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

M. Alain Anziani. - Dans l'amendement n° 18, nous supprimons le droit à réintégration après deux mandats, mesure qui n'est ni raisonnable ni réaliste. Nous étendons aux élus salariés le statut de salarié protégé.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - D'accord : douze ans, c'est long. L'octroi du statut de salarié protégé est une avancée. J'y suis très favorable.

M. Christophe Béchu. - Porter à douze ans le droit de réintégration professionnelle n'est pas réaliste. On touche du doigt une difficulté : l'inégalité devant le mandat électif, selon que l'on est fonctionnaire ou non... Est-il souhaitable de geler un poste dans la fonction publique pendant douze ans ? Comment font les agriculteurs ou les commerçants ? Nous n'allons pas au bout de la logique du statut de l'élu. Voter cet amendement sera un stimulus pour rapprocher les conditions d'accès aux fonctions électives.

En revanche, il ne me paraît pas justifiable de conférer un statut de salarié protégé aux élus. Le président d'un conseil général ou le maire d'une grande ville bénéficient d'une protection médiatique contre le licenciement. Assimiler les élus à des représentants syndicaux me pose une difficulté de principe. C'est la première fois que je ne suis pas d'accord avec un amendement de M. Anziani sur ce texte !

M. Alain Richard. - Je ne partage pas cette appréciation. La protection implique simplement une procédure particulière pour apprécier le caractère justifié du licenciement. Il n'y a pas de quoi en faire une montagne.

N'existe-t-il pas un dispositif d'indemnisation, pendant un an, financé sur la DGF (dotation globale de fonctionnement), pour les anciens élus locaux ayant perdu leur mandat et n'ayant pas retrouvé d'activité ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Il ne s'agit pas ici de l'indemnité différentielle de fin de mandat.

M. André Reichardt. - À titre personnel, je ne suis pas favorable à la première partie de l'amendement. Il n'y a pas lieu de faire de distinguo entre la fonction publique et le privé : ce qui est possible dans la première doit l'être aussi dans le second. Je suis favorable à l'extension de la qualité de salarié protégé aux élus, mais pourquoi la limiter aux maires et adjoints des communes de plus de 10 000 habitants ? Les petites communes sont confrontées aux mêmes difficultés, souvent aggravées par des questions de personne. Je préférerais, s'il faut un seuil, celui de 3 500 habitants.

M. Christian Favier. - Je regrette que ces deux sujets soient abordés dans un même amendement. Nous sommes contre la première partie de l'amendement mais pour la seconde. Ne peut-on voter par division ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est ce que je vais proposer. Nous réécrirons l'amendement si nécessaire.

M. Philippe Bas. - Je suis très gêné par l'extension du statut de salarié protégé aux élus. Pourquoi dès lors ne pas l'étendre aux responsables des associations d'intérêt général ? Le statut de salarié protégé est fait dans l'intérêt de la communauté de travail que représente le délégué syndical, dans le dialogue avec l'employeur. Or l'intérêt général que nous poursuivrions en protégeant les élus n'est pas lié à l'entreprise. Je m'interroge sur le bienfondé de limiter ainsi la liberté fondamentale de licenciement, sans qu'il y ait un intérêt lié à la vie de l'entreprise ou à l'exécution du contrat de travail.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Sur la réintégration, je partage l'avis de M. Anziani : douze ans, c'est trop. Il faut songer à l'employeur.

Sur le deuxième point, je maintiens ma position. Il s'agit aussi de protéger l'élu contre toute brimade en réaction à son activité politique mais je reconnais que le statut de salarié protégé n'est pas lié, dans ce cas, à l'entreprise elle-même.

M. Patrice Gélard. - Il n'y a pas seulement les représentants syndicaux : les pompiers volontaires bénéficient également d'un statut de salarié protégé. L'employeur est obligé de leur accorder un certain nombre de garanties et de libertés, sans qu'il y ait de lien direct avec l'entreprise. Le cas de l'élu s'apparentera à celui-là.

M. René Vandierendonck. - L'élu est le pompier volontaire de la démocratie !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous votons par division. Je vais mettre aux voix les dispositions de l'amendement n° 18 qui tendent à limiter le droit à réintégration à six ans.

Ces dispositions ne sont pas adoptées.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous en restons donc sur ce point au texte de la proposition de loi. Je mets aux voix le deuxième aspect de l'amendement, qui consiste à octroyer à l'élu la qualité de salarié protégé et qui est identique à l'amendement n° 9.

Cette proposition est adoptée.

M. Gaëtan Gorce. - Jean-Baptiste Calvignac, militant de la verrerie de Carmaux, soutenu par Jaurès, fut licencié par le marquis de Solages pour son engagement social et politique. Il devint maire de Carmaux. Je salue sa mémoire.

L'amendement n° 9 est, en conséquence, adopté et l'amendement n° 18, par voie de conséquence, n'est pas adopté.

L'article3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Alain Anziani. - Mon amendement n° 17 élargit le champ des bénéficiaires de l'allocation de fin de mandat à tous les maires ainsi qu'aux adjoints au maire des communes de 10 000 habitants et plus.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Article 40.

L'amendement n° 17 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté sans modification, ainsi que l'article 5.

Article additionnel après l'article 5

M. François-Noël Buffet. - L'amendement n° 20 institue la faculté, pour les élus, de se constituer un droit individuel à la formation.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Favorable.

L'amendement n° 20 est adopté et devient un article additionnel.

Article 6

M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 25 abaisse le plancher des dépenses prévisionnelles de formation à 2% de la masse globale des indemnités de fonction.

L'amendement n° 25 rectifié est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 6

M. Alain Anziani. - Mon amendement n° 14 rend obligatoire la formation au cours de la première année de mandat pour les conseillers municipaux ayant reçu une délégation dans les communes d'au moins 3500 habitants ainsi que pour les conseillers généraux et régionaux ayant reçu une délégation. Il s'agit d'éviter une forme d'autocensure dans les conseils municipaux, les nouveaux élus hésitant parfois à demander une formation.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Avis très favorable.

Mme Esther Benbassa. - Qui assurera cette formation ? Quel en sera le contenu ? Combien de temps durera-t-elle ? Où se déroulera-t-elle ? La formation est devenue un business. En tout cas, n'envoyez pas les élus à l'université !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'avais proposé, il y a 22 ans, que cette formation soit délivrée par des organismes publics. C'est une position très minoritaire, mais je l'assume.

M. Patrice Gélard. - Je suis réticent devant ce caractère obligatoire : l'impératif n'est pas conforme au statut de l'élu.

M. André Reichardt. - Absolument.

M. Patrice Gélard. - Deuxième objection : nous sommes là dans le domaine réglementaire. L'amendement devrait prévoir un décret en Conseil d'État, il est donc incomplet.

Tous les nouveaux élus n'auront pas besoin d'une telle formation. De quelle utilité serait-elle à un ancien secrétaire général de mairie ? Il faudra prévoir des exceptions. Le fera-t-on dans la loi ou par décret ? C'est une usine à gaz... Quelle sanction prévoyez-vous dans l'hypothèse où un élu refuserait de suivre cette formation ?

M. André Reichardt. - Je suis franchement hostile à l'amendement. Une nouvelle fois, on va freiner les candidatures alors que beaucoup de communes, notamment les plus petites, peinent à trouver des personnes pour figurer sur les listes. En instaurant une telle obligation, on va accroitre leurs difficultés. Que se passera-t-il si un élu ne suit pas la formation ? Sera-t-il déclaré démissionnaire d'office ?

Mlle Sophie Joissains. - Je suis favorable à une telle obligation. Beaucoup d'élus n'ont pas les connaissances minimales en matière de marchés publics ou d'autres domaines techniques. Reste que l'amendement ne règle pas la question de la sanction, ni du contenu de la formation.

Mme Catherine Tasca. - Je partage l'objectif de cet amendement mais pas sa formulation. Il faut que l'élu qui le souhaite puisse accéder à une formation, dès la première année, sans que celle-ci soit pour autant obligatoire. Comme l'a dit le doyen Gélard, l'obligation n'est pas compatible avec le mandat électif.

Mme Virginie Klès. - Ne pourrait-on modifier l'angle et obliger la collectivité à proposer une formation à ses élus ?

M. René Vandierendonck. - Bonne idée !

M. Alain Anziani. - L'obligation n'est pas considérable pour les élus. Comment prétendre s'occuper des marchés publics ou de l'urbanisme sans avoir jamais reçu la moindre formation en la matière ? Il y va de la crédibilité de l'action publique. Le caractère obligatoire vise à protéger l'élu contre toute critique. La profession d'élu est la seule à ne pas être soumise à une obligation de formation. Or les élus ne sont pas omniscients !

Mme Catherine Tasca. - Il faut tenir compte de la diversité des élus : certains sont parfaitement préparés. Je partage la position de Mme Klès.

Mme Virginie Klès. - Le maire est seul responsable en matière d'urbanisme, pas son adjoint. Si ce dernier refuse une formation, le maire peut toujours lui retirer sa délégation.

M. Bernard Saugey, rapporteur- Toute obligation imposée aux élus relève de la loi, non du domaine réglementaire.

M. Patrice Gélard. - En effet.

M. Bernard Saugey, rapporteur - Le code général des collectivités territoriales prévoit déjà que les membres des assemblées délibérantes ont droit à une formation adaptée à leur fonction. Je propose de rédiger l'amendement ainsi : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une formation est obligatoirement organisée au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation » ; la même modification rédactionnelle doit être portée aux cinquième et dernier alinéas de l'amendement.

M. Alain Anziani. - On pourra renvoyer à un décret le soin d'en fixer les modalités.

M. Alain Richard. - La forme passive est imprécise : à qui s'impose cette obligation ? A la personne morale ou au maire ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. - À la collectivité.

L'amendement n° 14 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. François-Noël Buffet. - L'amendement n° 21 reprend une recommandation du rapport de notre collègue Antoine Lefèvre sur la formation des responsables locaux, déposé au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il s'agit de demander au gouvernement un rapport sur l'utilisation des fonds publics pour la formation des élus, dans un objectif de transparence.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Amendement superflu. Le Conseil national de la formation des élus locaux, qui est obligatoirement consulté sur l'agrément des organismes de formation, établit déjà un rapport annuel d'activité qui pourrait être complété. Avis défavorable.

L'amendement n° 21 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 4

M. René Vandierendonck. - L'amendement n° 16 corrige un oubli, afin que les élus locaux reçus à un concours administratif de la fonction publique territoriale conservent le bénéfice de leur inscription sur la liste d'aptitude jusqu'au terme de leur mandat.

M. Bernard Saugey, rapporteur. - Favorable.

L'amendement n° 16 est adopté et devient article additionnel.

Article additionnel après l'article 6

La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 3.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article(s) additionnel(s) avant l'article 1er

M. COLLOMBAT

1

Diverses dispositions destinées à clarifier
le statut de l'élu local

Rejeté

M. LEFÈVRE

22

Suppression du principe de gratuité

Rejeté

Article 1er

Fixation de l'indemnité de fonction des maires des communes de moins de 3 500 habitants et régime indemnitaire dans les communautés de communes

M. COLLOMBAT

2

Augmentation du taux maximal des indemnités
susceptibles d'être allouées dans les communes de moins de 10 000 habitants

Rejeté

M. SAUGEY, rapporteur

24

Rectification d'une référence

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 1er

M. ANZIANI

4

Reversement au budget de la collectivité
de la part écrêtée des indemnités de fonction

Adopté

M. LEFÈVRE

23

Généralisation de la faculté,
pour les élus percevant une indemnité de fonction, d'adhérer à un régime de retraite par rente

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 2

M. ANZIANI

10

Extension du congé électif aux communes de 1 000 habitants au moins

Adopté

M. ANZIANI

11

Extension du crédit d'heures aux communes de 1 000 habitants et plus

Retiré

M. ANZIANI

12

Montant du crédit d'heures dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants

Adopté

Article 3

Suspension du contrat de travail

M. ANZIANI

18

Suppression de la prorogation jusqu'à l'expiration du 2ème mandat consécutif du droit à réintégration professionnelle et extension aux élus salariés du statut de salarié protégé

Rejeté

M. PEYRONNET

9

Extension du statut de salarié protégé
aux élus salariés

Adopté

Article 4

Allongement de la période d'effet de l'allocation différentielle de fin de mandat

M. POVINELLI

17

Elargissement du bénéfice
de l'allocation différentielle de fin de mandat à tous les maires et aux adjoints des communes de 10 000 habitants au moins

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 4

M. VANDIERENDONCK

16

Suspension du décompte de la période
de validité de l'admission à un concours de la fonction publique territoriale
jusqu'au terme du mandat

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 5

M. LEFÈVRE

20

Mise en place d'un droit individuel à la formation

Adopté

Article 6

Dépenses de formation

M. SAUGEY, rapporteur

25

Abaissement à 2 % du plancher du montant prévisionnel des dépenses de formation

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 6

M. ANZIANI

14

Formation obligatoire pour les conseillers
avec délégation au cours de la première année
du mandat

Adopté avec modification

M. PEYRONNET

15

Choix entre le régime général et une pension par rente offert aux élus municipaux qui ont cessé d'exercer leur activité professionnelle et n'acquièrent aucun droit à pension au titre d'un régime obligatoire d'assurance vieillesse

Retiré

M. POVINELLI

19

Protection sociale des conseillers municipaux
ayant reçu délégation

Retiré

M. COLLOMBAT

3

Extension des droits de l'opposition
dans les assemblées locales

Rejeté

M. LEFÈVRE

21

Rapport au Parlement sur le marché
de la formation

Rejeté

M. PEYRONNET

13

Obligation par tous les élus percevant des indemnités de fonction d'adhérer à un régime de retraite par rente

Retiré

Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis la commission examine le rapport de M. Alain Richard et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 119 (2012-2013), présentée par Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur, portant création d'une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales.

M. Alain Richard, rapporteur. - Eviter la surcharge normative des collectivités territoriales : cet objectif fait consensus depuis longtemps. À la suite des états généraux de la démocratie territoriale, le président du Sénat s'est engagé à ce que notre assemblée fasse des propositions sur ce sujet. Une proposition de loi a été élaborée à sa demande par Mme Gourault et M. Sueur pour apporter une réponse globale et cohérente au problème. Le gouvernement en approuve les orientations générales.

Le choix premier a été de modifier les procédures plutôt que de lancer une révision des normes existantes, le débat en séance publique sur la proposition de loi Doligé ayant montré que ce travail de simplification ne pouvait se faire que par la voie réglementaire.

Il faut un filtre institutionnel, doté d'une force juridique suffisante, pour éviter la surcharge normative et les risques qui en découlent ; la création de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) s'est révélée efficace pour limiter l'accroissement de la complexité normative. Cette proposition de loi vise ainsi à remplacer la CCEN par une institution aux capacités renforcées.

Le travail de M. Doligé sera pris en compte, tout comme le rôle du commissaire à la simplification, institué en 2010 auprès du secrétariat général du gouvernement et doté d'un pouvoir consultatif. Il est impliqué dans le processus d'adoption des projets, dans l'intérêt des collectivités mais aussi des entreprises.

La proposition de loi élargit aux projets de loi le champ d'intervention de la commission, aujourd'hui limité au domaine réglementaire. Le rapport d'Alain Lambert, consacré aux relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, datant de 2007, le souligne : la CCEN ne peut demander aux administrations des décrets plus simples si la complexité est due à la loi-support que nous votons. Faut-il appliquer ce contrôle à tous les projets de loi, jusqu'à la ratification d'un accord fiscal avec le Costa Rica ? Se posera également la question des délais.

La compétence de la nouvelle commission est également élargie aux textes de l'Union européenne. Sans que cela puisse être systématique, il s'agit de lui donner le pouvoir de réclamer au gouvernement d'être saisie sur une proposition de règlement ou de directive afin de faire des observations au service gouvernemental qui négocie. Cela ne posera qu'un problème de détection et de sélection ; il faudra que la commission soit mise dans la boucle.

La proposition de loi étend également la compétence consultative de la nouvelle commission aux textes relatifs aux équipements sportifs, domaine dans lequel le pouvoir réglementaire est délégué aux fédérations sportives. Les collectivités se plaignent des coûts importants de mises aux normes. Il existe aujourd'hui une commission spécialisée, la commission d'examen règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs -la CERFRES- qui verra ses compétences transférées à la nouvelle instance.

La proposition de loi prévoit certains outils de procédure pour renforcer l'efficacité de la consultation. Le délai d'examen est fixé à six semaines ; la commission pourra demander une deuxième délibération sur un projet, sous l'égide du Premier ministre, pour obliger à une concertation intra-gouvernementale ; les avis de la commission seront publiés au Journal officiel ou figureront dans les études d'impact accompagnant les projets de loi. Si nécessaire, la commission délibérera en extrême urgence, éventuellement par visioconférence entre ses membres, et rendra son avis dans un délai de trois jours.

Changement important, la commission sera détachée du Comité des finances locales (CFL) dont la CCEN est aujourd'hui une émanation. Les membres du CFL sont généralement des présidents d'exécutifs locaux ou des parlementaires, ce qui est peu compatible avec l'exigence d'assiduité à la CCEN. La nouvelle commission serait composée d'élus de même profil mais non nécessairement membres du CFL. Leur nombre serait porté de 22 à 35 afin que la commission atteigne plus facilement le quorum et puisse siéger par sections.

Je proposerai à la commission des lois de clarifier le statut de cette nouvelle instance. Le terme de Haute Autorité n'est utilisé dans le droit français que pour les autorités administratives indépendantes. Dans le cas présent, la nouvelle instance sera chargée de dialoguer avec l'exécutif et le parlement et de faire des contre-propositions. Ce n'est pas le rôle d'une Haute Autorité. Je propose d'appeler cette nouvelle commission « Conseil national ».

Elle sera de même niveau que le CFL. Comme pour ce dernier, le budget nécessaire à son fonctionnement sera prélevé sur la dotation globale de fonctionnement, afin que soit assurée son autonomie budgétaire. La nouvelle instance adressera au gouvernement un rapport annuel public qui traitera notamment du stock de normes et mentionnera les demandes de révision faites au gouvernement - qui seront ainsi mises dans le débat public.

Autre changement, la méthode pour revenir sur les normes existantes. Par auto-saisine, la commission pourra demander au gouvernement de remettre en chantier une réglementation trop lourde. Des parlementaires pourront également saisir la commission pour qu'elle formule une demande au gouvernement et, sous certaines conditions, des groupements d'élus locaux.

Ce texte soulève quelques problèmes juridiques. Le premier, sur lequel nous fermerons les yeux, est qu'il se situe à la limite du domaine réglementaire - pour ne pas dire au-delà. Nous avons toutefois choisi d'affirmer la prééminence du Parlement sur ce sujet.

Autre problème : dès lors que l'avis est instauré par une loi ordinaire, le gouvernement pourra se dispenser de le faire figurer dans l'étude d'impact d'un projet de loi, et ce ne sera pas un motif d'irrecevabilité. Si le Parlement vote le projet de loi, l'obligation de forme sera levée. Les études d'impact ont été rendues obligatoires en 2010 par une loi organique ; la Conférence des présidents peut d'ailleurs refuser l'inscription d'un texte à l'ordre du jour si elle considère l'étude d'impact insuffisante. Cette faculté n'a jamais été utilisée... Par précaution, il nous faudrait élever au niveau organique l'obligation de faire figurer l'avis de la commission dans l'étude d'impact.

Nombre de réglementations particulièrement contraignantes ont été introduites par voie parlementaire, d'autant que personne ne prend le temps d'évaluer les conséquences d'un amendement en pleine discussion parlementaire. Une garantie supplémentaire serait apportée si le Parlement pouvait saisir en urgence le futur conseil national d'évaluation des normes, afin qu'il donne un avis préliminaire sur les conséquences d'un amendement d'origine parlementaire.

Nous avons longuement débattu, lors de l'examen de la proposition de loi Doligé, du droit à l'adaptation. Le Conseil d'État estime que les outils nécessaires existent déjà. Nous pourrions confier au nouveau conseil le pouvoir de proposer au gouvernement des adaptations selon les tailles de collectivité, et dans le respect de l'intention du législateur.

Les normes ne surviennent pas spontanément, elles sont toujours réclamées, dans un souci de sécurité ou de protection. Faut-il accumuler les hyper-protections contre tous les risques imaginables ? Alain Lambert, président de la CCEN, s'interroge : doit-on adopter la même norme, selon que le risque concerne 50 personnes ou 50 millions de personnes ? Ces exigences sont suscitées par des lobbies, certes honorables. Mais tout cela se facture... Ayons le courage de laisser une petite place au risque dans nos décisions législatives.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous étions un certain nombre à nous opposer à l'inscription dans la Constitution d'un principe de précaution d'application directe. Nous sommes d'accord, Mme Gourault et moi, pour déposer ultérieurement un texte complémentaire, très court, de niveau organique qui complèterait la présente proposition de loi.

M. Patrice Gélard. - Je félicite le rapporteur pour la clarté de son exposé, mais l'esprit du texte m'inspire quelque réticence. Je me méfie des hautes autorités indépendantes que l'on créé à tour de bras ; j'ai d'ailleurs signé jadis un rapport qui préconisait d'en supprimer toute une série. Je félicite le rapporteur d'avoir proposé de changer le nom et le statut de celle-ci.

Trente-cinq membres, c'est beaucoup trop : on ne peut travailler correctement dans ces conditions.

Cette nouvelle instance ne vient-elle pas faire concurrence à la commission pour le contrôle de l'application des lois, récemment créée au Sénat ? Le Conseil d'État étant lui aussi chargé de donner son avis sur les projets de loi, n'y a-t-il pas un risque d'usine à gaz en cas d'avis discordants ? En cas de désaccord entre ce Conseil chargé de la régulation des normes et le gouvernement, ce dernier sera tenu de proposer un nouveau texte. Il pourrait en résulter des retards considérables. N'y a-t-il pas là, en outre, une atteinte au principe de séparation des pouvoirs ? Bref, il manque à mon sens... une étude d'impact sur ce texte ! Comment va-t-il s'appliquer ? Et ne doit-on pas craindre, en cas de succès, que ce type de commission ne se multiplie dans tous les secteurs, hospitalier, scolaire, etc. ? Imaginez toute une série de commissions émettant des avis sur les projets de textes réglementaires et les projets de loi !

Mme Cécile Cukierman. - Lors des états généraux, les maires ont souhaité une simplification des normes, même si celles-ci répondent à une besoin de protection. Quel est le niveau de contrainte acceptable au vu de l'intérêt général ? Derrière le rejet des normes par les élus, il y a la difficulté à les mettre en oeuvre, faute d'accompagnement technique par les administrations. Le recours à des cabinets privés coûte cher.

Nous approuvons la volonté d'accroître le nombre de textes passés au crible du futur Conseil national. Nous nous interrogeons toutefois sur sa composition, en particulier sur l'abaissement du nombre de représentants des conseils généraux et régionaux, dont les responsabilités ont plutôt tendance à augmenter. La représentation du Parlement - deux députés et deux sénateurs - interdit un véritable pluralisme. Enfin, nous proposerons la suppression de l'alinéa 33, qui oblige le gouvernement à réécrire son texte en cas d'avis contraire du nouveau conseil. Ou bien veut-on que l'instance de contrôle se substitue au pouvoir exécutif ?

Mme Catherine Tasca. - Comment le travail de cette commission s'insèrera-t-il dans la chaîne des décisions exécutives et législatives ? La commission s'opposera inévitablement à certaines initiatives...

Le rapporteur fait bien d'en changer le nom. En trente ans, la multiplication des autorités administratives dites indépendantes a brouillé les cartes.

M. René Vandierendonck. - Ce qui est remarquable ici, c'est la volonté de codifier l'intervention de cette commission dans le processus décisionnel gouvernemental. Quelle sera l'efficacité du renvoi pour demander une nouvelle proposition ? Il n'est pas facile, sauf pour les grands parlementaires, d'être économes en sensations fortes et de privilégier l'efficacité...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il n'y a pas de grands ou de petits parlementaires : tous sont égaux.

M. Alain Richard, rapporteur. - Bien sûr, le travail à 35 ne serait pas efficace : si l'effectif de la commission est porté à 35, c'est pour permettre un travail par sections et pour atteindre plus facilement le quorum. Aujourd'hui, le cumul avec d'autres fonctions au CFL pèse sur l'assiduité et c'est finalement une poignée de membres de la CCEN qui assume toute la charge.

J'aurais dû évoquer la commission pour le contrôle de l'application des lois du Sénat. La concurrence entre organismes statutaires est un sujet passionnant. Elle ne peut jamais être éliminée. Qu'est-ce qu'un amphi de garnison ? C'est l'organisation d'un marché. Cela se règlera ainsi. Il faut être un peu darwinien...

Le contrôle du Conseil d'État ne porte que sur la cohérence juridique des projets de loi ; le Conseil ne fait pas de contre-propositions au titre de l'opportunité, et n'a guère les moyens de faire des recommandations au titre de la bonne administration. Comme le dit son vice-président, le Conseil est la law firm du gouvernement, son conseiller juridique mais pas son conseiller de gestion. Je ne doute pas que la répartition des tâches se fera correctement. Le Conseil d'Etat, pour les dispositions réglementaires, fait véritablement la voiture-balai, il vérifie que toutes les consultations prévues ont bien été effectuées et si la commission consultative d'évaluation des normes a été oubliée, il bloque la publication d'un décret.

L'obligation faite au gouvernement d'une deuxième délibération est-elle un obstacle à l'autorité du pouvoir exécutif dans son rôle d'initiative des lois ? Je ne le crois pas. Le Premier ministre a le droit d'imposer l'urgence. S'il a un bon motif, et les observateurs en jugeront, pour invoquer l'urgence afin de faire voter un texte dont la complexité est contestée, il prendra ses risques. La commission en tout cas n'a pas le pouvoir de faire perdre deux fois six semaines au Gouvernement sur un sujet très urgent.

Sur le dosage pluraliste, il faudra trouver un bon équilibre, comme sur la répartition des sièges entre collectivités.

Si le dispositif fonctionne, il y a aura bien sûr des demandes pour le répliquer, que ce soit dans les collectivités ou les entreprises. Cela conduira sans doute à élargir la compétence du Conseil. Doit-on le faire dès à présent ? Les préoccupations ne sont pas les mêmes dans les différents secteurs, mieux vaut procéder pas à pas.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous passons à l'examen des amendements.

Article 1er

L'amendement n° 2 est adopté à l'unanimité.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 3 tend à réorganiser sur quelques points le code général des collectivités territoriales : la commission sortant du giron du CFL, il faut lui consacrer un chapitre à part.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 4 prévoyant que le Conseil national prélève sur la masse annuelle de la DGF les moyens nécessaires à son fonctionnement ne comporte pas de risque de dérive. J'en veux pour preuve le précédent du CFL qui exerce ce droit depuis trente ans et n'en a jamais abusé : j'espère, donc, que le Gouvernement n'y fera pas objection.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 27 rend hommage à l'action de la CCEN. Nous précisons en effet que le travail de cette institution sera bien pris en compte par le nouveau Conseil national.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons longuement reçu M. Alain Lambert hier : il a exprimé la volonté qu'un tel amendement soit adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - Nous l'acceptons d'autant plus volontiers que le succès de la CCEN est largement dû à l'action d'Alain Lambert. En particulier, celui-ci a instauré des habitudes de négociation avec le gouvernement qu'il est important de conserver.

M. Patrice Gélard. - L'amendement n'est-il pas contradictoire avec le n° 5 ?

M. Alain Richard, rapporteur. - Non : la doctrine élaborée jusqu'à présent sera « prise en compte », autrement dit, elle fera partie de la documentation du nouveau conseil.

L'amendement n° 27 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement n° 23 tend à relever de trois à cinq le nombre de conseillers régionaux. Puisque nous prévoyons de porter le nombre de conseillers généraux de trois à quatre, mieux vaut prévoir une égalité. Les auteurs accepteraient-ils de rectifier leur amendement en ce sens ?

Mme Cécile Cukierman. - Nous sommes d'accord.

L'amendement n° 23 rectifié est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - Mon amendement n° 5 tend à réduire de six à cinq le nombre des représentants des intercommunalités, pour compenser l'augmentation du nombre des conseillers généraux de trois à quatre.

Mme Cécile Cukierman. - Dès lors que nous avons aussi donné un siège supplémentaire aux conseillers régionaux, allez-vous supprimer un autre siège pour les EPCI, ou modifier le nombre total des membres du conseil ?

M. Alain Richard, rapporteur. - Je ne prends rien de plus aux EPCI ! Il faudra modifier le nombre total qui s'élèvera à 36.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Patrice Gélard. - Ne vaudrait-il pas mieux écrire désormais « conseil départemental » ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La loi sur les élections départementales n'est pas encore adoptée.

L'amendement n° 24 est satisfait.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 6 supprime un alinéa qui comporte des dispositions réglementaires relatives au remplacement des représentants de l'Etat au sein du Conseil. On était allé trop loin.

L'amendement n° 6 est adopté.

L'amendement rédactionnel n° 7 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 8 tend à renvoyer à un décret en Conseil d'État, et non à un décret simple, les précisions des modalités d'application de cet article.

L'amendement n° 8 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 9 est une tentative de... simplification rédactionnelle !

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement n° 10 a été défendu par le rapporteur lors de son intervention liminaire. Quand le gouvernement nous présente pendant le débat parlementaire des amendements de plusieurs pages, nous n'avons pas les moyens de les étudier correctement : désormais, nous pourrions les soumettre au Conseil.

Mme Cécile Cukierman. - Cela est-il compatible avec la nouvelle organisation des travaux du conseil ?

M. Alain Richard, rapporteur. - Oui, si l'organisation prend en compte cette mission !

L'amendement n° 10 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° 11.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement n° 12 a été défendu : il s'agit d'étendre la faculté de la saisine du président de chaque assemblée aux amendements des parlementaires et non plus seulement aux propositions de loi.

M. Alain Richard, rapporteur. - Je suis incertain : vaut-il mieux confier ce pouvoir de saisine aux présidents de commission ou au président du Sénat ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le président de commission peut aussi saisir le président du Sénat...

M. Alain Richard, rapporteur. - Cela allonge les délais.

M. Patrice Gélard. - Je suis réticent, pour les mêmes raisons qui faisaient que j'étais contre la saisine du Conseil d'État : il faut laisser le président du Sénat libre de choisir qui il veut consulter.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Une faculté lui est donnée, ce n'est pas une obligation.

L'amendement n° 12 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 13 m'a été soufflé par le président du Sénat. Cet amendement est technique, mais opportun, s'agissant de normes, ISO ou autres, adoptées par des associations professionnelles. Nous souhaitons donner au Conseil un pouvoir d'auto-saisine. Mais comment sera-t-il informé du projet de norme ? Sans doute faut-il encore améliorer la rédaction.

L'amendement n° 13 est adopté.

Mme Cécile Cukierman. - Notre amendement n° 26 tend à permettre aux présidents de groupe de saisir la nouvelle commission d'une proposition de loi déposée par l'un de leurs membres dès lors que celle-ci est inscrite à l'ordre du jour.

M. Patrice Gélard- Trop tard !

M. Alain Richard, rapporteur. - Sur le plan juridique, c'est un peu de la voltige, car les présidents de groupe n'existent que dans les règlements des assemblées. Cela dit, ces règlements ont une autorité légèrement supérieure à celle de la loi ordinaire puisque, comme les lois organiques, ils sont soumis d'office au Conseil constitutionnel. Il y a là une innovation juridique mais j'y suis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est pourquoi j'étais partisan de conserver la formulation mentionnant le président du Sénat ou de l'Assemblée nationale, ces derniers pouvant être saisis par un groupe ou par le président d'une commission.

L'amendement n° 26 est adopté.

L'amendement n° 14 est adopté. Les amendements rédactionnels n°s 15 et 16 sont adoptés.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 28 donne au Conseil national l'initiative en matière de propositions d'adaptation.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il ne s'agit que de recommandations, sans valeur normative ni obligation.

M. Alain Richard, rapporteur. - Le gouvernement devra tout de même expliquer pourquoi il n'y donne pas suite.

L'amendement n° 28 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 17 introduit la procédure d'extrême urgence.

L'amendement n° 17 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement n° 19 prévoit que les avis du Conseil national seront publics ; c'est le principal levier de son efficacité. Mme Gourault et moi avions proposé la même mesure.

L'amendement n° 19 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - En cas de seconde délibération, un représentant du Premier ministre assistera à la délibération du conseil : l'amendement n° 18 vise à susciter un dialogue intragouvernemental et responsabiliser les ministres concernés.

Mme Cécile Cukierman. - Nous nous abstenons, par coordination, puisque nous proposons à l'amendement n° 25 la suppression de cet alinéa 33.

L'amendement n° 18 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur. - Compte tenu du pouvoir de déclarer l'urgence détenu par le Premier ministre, l'exécutif n'est pas menacé de paralysie. Avis défavorable à l'amendement n° 25.

L'amendement n° 25 n'est pas adopté.

L'amendement de correction matérielle n° 20 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'amendement n° 21 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 3

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 1 est un cavalier législatif.

M. René Vandierendonck. - M. Détraigne n'aura pas longtemps à attendre. Nous parlerons demain des polices municipales.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il nous reste à examiner l'intitulé de la proposition de loi. M. le rapporteur, avec l'amendement n° 22, nous propose de le modifier en conséquence de nos votes.

L'amendement n° 22 est adopté et l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Alain Richard, rapporteur. - Le Gouvernement proposera d'inscrire le texte de cette proposition de loi dans la loi portant l'acte III de la décentralisation, ce qui ne serait pas sans conséquence sur la date d'entrée en application.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - « Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ». Votons ce texte. Il sera toujours temps de procéder à des mesures de coordination.

M. Patrice Gélard. - Du moins si l'Assemblée nationale inscrit la présente proposition de loi à son ordre du jour...

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1er
Création d'une Haute autorité d'évaluation des normes

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RICHARD, rapporteur

2

Changement de dénomination de la Haute autorité d'évaluation des normes en Conseil national d'évaluation des normes

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

3

Insertion des dispositions consacrées au Conseil national d'évaluation des normes au sein du code général des collectivités territoriales

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

4

Autonomie budgétaire du Conseil national d'évaluation des normes

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

27

Reprise de l'acquis de la CCEN par le Conseil national d'évaluation des normes

Adopté

Mme ASSASSI

23

Fixation à quatre du nombre de représentants des conseils régionaux

Adopté avec modification

M. RICHARD, rapporteur

5

Fixation à quatre du nombre de représentants des conseils généraux

Adopté

Mme ASSASSI

24

Fixation à cinq du nombre de représentants des conseils généraux

Adopté avec modification

M. RICHARD, rapporteur

6

Suppression des dispositions relatives à la suppléance des représentants de l'Etat

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

7

Rédactionnel

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

8

Précision des modalités d'application en décret en Conseil d'Etat

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

9

Rédactionnel et modification de la numérotation des articles

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

10

Extension de la compétence du Conseil aux amendements du Gouvernement

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

11

Rédactionnel

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

12

Extension de la compétence du Conseil aux amendements d'origine parlementaire

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

13

Possibilité d'auto-saisine du Conseil à tout projet de norme technique de normalisation et de certification

Adopté

Mme ASSASSI

26

Possibilité pour un président de groupe de saisir le Conseil d'une proposition de loi déposée par l'un de leurs membres et inscrite à l'ordre du jour

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

14

Rédactionnel et précision

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

15

Rédactionnel

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

16

Rédactionnel

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

28

Possibilité pour le conseil de proposer des recommandations d'application différenciée de normes en vigueur

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

17

Introduction d'une procédure d'extrême urgence

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

19

Rédactionnel

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

18

Présence d'un représentant du Premier ministre lors de la seconde délibération du Conseil sur un projet de texte réglementaire

Adopté

Mme ASSASSI

25

Suppression de la seconde délibération

Rejeté

M. RICHARD, rapporteur

20

Modification de la numérotation des articles

Adopté

Article 2
Coordinations

M. RICHARD, rapporteur

21

Non abrogation de l'article L. 131-16 du code du sport

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

M. DÉTRAIGNE

1

Transfert des pouvoirs de police du maire au président d'un EPCI

Rejeté

Intitulé du projet de loi

M. RICHARD, rapporteur

22

Modification de l'intitulé de la proposition de loi

Adopté