Mardi 8 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente

Loi de finances pour 2017 - Compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 14 h 15.

La commission procède à l'examen du rapport de M. Maurice Vincent, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État ».

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial. - Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État actionnaire. En recettes, il retrace principalement les produits des cessions de participations. En dépenses, il peut financer des prises de participation, mais aussi contribuer au désendettement de l'État.

Habituellement, les crédits inscrits en dépenses comme en recettes sont fixés à un niveau conventionnel de 5 milliards d'euros, identique année après année, afin de ne pas donner d'information aux marchés. Le compte est donc par construction toujours présenté à l'équilibre dans le cadre du projet de loi de finances. Ensuite, en exécution, la réalité des opérations passées est examinée.

Cette année, le Gouvernement annonce pour la première fois que le compte ne sera pas équilibré, puisqu'il a inscrit 6,5 milliards d'euros de dépenses et 5 milliards d'euros de recettes, soit un déficit de 1,5 milliard qui contribue négativement au solde d'exécution de la loi de finances.

Cette nouvelle approche s'explique par la volonté de transparence du Gouvernement et par les besoins liés à la recapitalisation d'EDF et d'Areva. Il s'agit d'abord de soutenir le groupe Areva, dont les pertes cumulées s'élèvent à 10 milliards d'euros, en raison des nombreuses erreurs commises entre 2004 et 2011. Ces difficultés ont été exacerbées ces dernières années par la baisse de prix que connaît l'ensemble du secteur énergétique, dans un contexte de libéralisation croissante des marchés.

Le Président de la République a ainsi décidé de reconstituer les capacités financières de cette filière. Sur le plan financier, les deux groupes devraient bénéficier en 2017 d'une augmentation de capital de 9 milliards d'euros, dont 7 milliards d'euros apportés par l'État actionnaire. Sur le plan de l'organisation, Areva se reconcentrera sur son « coeur de métier », c'est-à-dire sur le cycle du combustible nucléaire. Ainsi, EDF va devenir le véritable « chef de file » du nucléaire français, récupérant les activités d'Areva liées aux réacteurs.

Le déficit de l'État au sens de Maastricht pourrait être affecté par le fait qu'une partie de la contribution de l'État à la recapitalisation d'Areva, estimée à 2 milliards d'euros, devrait être fléchée vers une structure de défaisance. Eurostat pourrait considérer que l'État n'agit pas en « investisseur avisé » pour cette partie de l'opération mais je serai optimiste en comptant comme le Gouvernement sur une appréciation globale de la recapitalisation par Bruxelles.

Je précise pour être tout à fait exhaustif que cette évaluation ne prend pas en compte le coût potentiellement associé à la décision de rester au capital d'Alstom, qui devra être tranchée en fin d'année prochaine. En effet, l'État n'est présent au capital d'Areva qu'en vertu d'un prêt de titres accordé par Bouygues, qui prendra fin en octobre prochain. Nous disposons toutefois d'une option pour racheter à Bouygues jusqu'à 20 % du capital d'Alstom. En 2017, le Gouvernement issu des élections de mai voudra-t-il lever cette option, pour un coût aujourd'hui estimé à 1,1 milliard d'euros ? La question reste posée.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La présentation de ce CAS est particulière. Le niveau élevé des cessions attendues m'interpelle. Le rapporteur spécial a rappelé que le montant prévisionnel des dépenses est en réalité de 7,5 milliards d'euros. Aussi, une variation du solde limitée à 1,5 milliard d'euros en 2017 suppose la réalisation de 6 milliards d'euros de cessions. Ce ne serait pas totalement inédit puisqu'en 2007, les recettes ont atteint 7,7 milliards d'euros. Il me semble toutefois irréaliste de penser que les cessions atteindront un montant de 6 milliards en 2017, au regard du contexte de marché et des cessions réalisées les années précédentes. Comment le pourraient-elles ? Quels seraient les actifs cédés ? Ce ne sont plus des prévisions volontaristes mais irréalistes. Une prévision plus raisonnable, quoiqu'optimiste, est celle de la mise en oeuvre d'un programme de cessions d'un montant de 4 milliards d'euros, accompagné d'un épuisement du solde cumulé du compte, qui devrait s'élever à 3,5 milliards d'euros. Mais le solde du compte spécial serait alors dégradé de 2 milliards d'euros supplémentaires, ce qui pèserait d'autant sur le solde d'exécution de la loi de finances. Si l'on retient l'engagement de dépenses supplémentaires à hauteur de 1,1 milliard d'euros pour rester au capital d'Alstom, l'écart par rapport aux hypothèses du Gouvernement pourrait même atteindre 3,1 milliards d'euros ! S'agissant de l'impact sur le déficit de Maastricht, le rapporteur spécial a rappelé qu'il pourrait s'élever à 2 milliards d'euros.

M. Michel Bouvard. - Je constate le déséquilibre entre les dépenses et les recettes du CAS. Était-il alors judicieux d'annuler 800 millions d'autorisations d'engagement sur ce CAS dans le dernier décret d'avance ?

J'ai noté que la dernière tranche de financement de l'Agence française de développement était prévue. Qu'en est-il des fonds propres qui devaient être libérés pour Bpifrance ? L'an dernier, une dernière tranche restait à verser. Le sera-t-elle ?

Je partage les propos du rapporteur général sur les cessions, néanmoins quelques actifs restent valorisables. Le rapporteur spécial peut-il nous éclairer sur l'ouverture du capital de Réseau de transport d'électricité (RTE) ?

M. Marc Laménie. - EDF et Areva ont un savoir-faire et des moyens humains de grande qualité. Comment en est-on arrivé à la situation actuelle ?

M. Daniel Raoul. - J'ai écouté les observations du rapporteur spécial avec beaucoup d'intérêt. Quel gâchis dans l'équipe « électricité », qui aurait pu gagner de nombreux marchés... EDF rencontre des difficultés liées à la baisse des prix de l'énergie, mais ceux-ci vont remonter avec la mise en oeuvre de la COP 21 et la maintenance de nos centrales. L'arrêt de ces dernières, en Allemagne, a entraîné une hausse des tarifs.

M. Richard Yung. - Ce CAS traduit ce que devrait être une politique industrielle de l'État. Le plus important, ce n'est pas le niveau des recettes ou des dépenses, mais l'action structurelle de l'État. La restructuration du capital de Peugeot a été une réussite - peut-être, d'ailleurs, est-il temps de céder une partie de nos actions de ce constructeur.

Le rapporteur spécial a évoqué 9 milliards d'euros de recapitalisation, dont 7 milliards d'euros pris en charge par l'État. Qui fournira les 2 milliards d'euros restants ?

La concurrence entre Areva et EDF me rappelle celle qui règne entre la RATP et la SNCF. Au Vietnam, on m'avait fait part d'une grande incompréhension face à ces deux entreprises publiques françaises qui se disputaient publiquement l'appel d'offres pour le métro de Hanoï. J'espère qu'un timonier est à la barre.

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial. - Effectivement, le montant de 6 milliards d'euros d'actifs publics vendus en 2017 est élevé, dans le contexte actuel. Mais ce n'est qu'une estimation à pondérer selon les décisions du Gouvernement dans les mois à venir. Le Gouvernement pourrait par exemple mobiliser davantage les excédents du CAS accumulés depuis plusieurs années, qui devraient s'élever à 3,5 milliards d'euros à la fin de l'exercice. L'équilibre du compte pourrait ainsi être préservé même si les cessions se limitaient à 4 milliards d'euros.

J'en viens au décret d'avance évoqué par Michel Bouvard. L'État n'avait pas besoin, cette année, des 800 millions d'euros qui ont été annulés, puisque le CAS va dégager un excédent de 1,1 milliard d'euros.

Le Gouvernement a jusqu'à juillet 2018 pour procéder à la libération du reste du capital de Bpifrance, pour un montant de 1,15  milliard d'euros.

S'agissant de RTE, c'est EDF, et non l'État, qui procèdera à la cession. L'opération en cours, menée avec la Caisse des dépôts et consignations, ne transitera pas par le CAS. Elle s'inscrit dans le plan de cessions de 10 milliards d'euros annoncé par l'entreprise.

Marc Laménie se demande comment on en est arrivé là. L'État actionnaire a failli gravement entre 2004 et 2011, en rejetant les demandes d'augmentation de capital du directoire, sans pour autant freiner sa stratégie d'expansion, si bien que la croissance a été financée par l'endettement et les cessions. Par ailleurs, le management a mal conduit certains projets - je pense par exemple à l'EPR finlandais - et réalisé des acquisitions discutables sans toujours en informer l'actionnaire, comme le montre l'affaire Uramin. Enfin, l'État, en tant que gestionnaire de la filière, n'aurait pas dû laisser se développer des rivalités persistantes au sein même de la filière nucléaire française.

Pour mesurer les conséquences de ces erreurs, il faut préciser qu'aux 7 milliards d'euros de recapitalisation s'ajoute le choix de percevoir le dividende d'EDF en actions plutôt qu'en numéraire pendant trois ans, soit une perte de recettes pour le budget général de 6 milliards d'euros. Au total, le soutien de l'État aux fonds propres d'EDF et d'Areva s'élève donc à 13 milliards d'euros.

Depuis 2015, avec l'entrée en vigueur des directives européennes et la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, le prix de gros de l'électricité s'est effondré. EDF et Engie ont dû affronter des pertes de recettes très importantes. De plus, le système de couverture des prix de l'énergie retarde l'effet bénéfique de la hausse des prix pour le secteur.

En effet, Monsieur Yung, ce CAS reflète la politique industrielle du Gouvernement. L'État a bien fait d'investir dans Peugeot pour lui permettre de passer un cap difficile. Il pourrait certes vendre ses actions et enregistrer une plus-value - mais le directeur de l'Agence des participations de l'État a toutefois publiquement écarté cette hypothèse.

Les deux milliards d'euros de différence entre le montant total des recapitalisations d'Areva et d'EDF et le montant souscrit par l'État devraient être apportés par des investisseurs privés étrangers, peut-être chinois.

Mme Marie-France Beaufils. - Je voterai contre cette mission car les abandons de participations de l'État n'emportent pas l'adhésion du groupe CRC. Au contraire, l'État aurait intérêt à jouer pleinement son rôle d'actionnaire.

En outre, la contrainte qui pèse sur les prix d'EDF me préoccupe, car sa situation financière va s'en ressentir.

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial. - Je vous propose d'approuver ce compte d'affectation spéciale.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Loi de finances pour 2017 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » - Examen du rapport spécial - Communication sur l'impact de l'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) relatif à l'avenir de la fonction publique de novembre 2015 sur les régimes de retraite de la fonction publique

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et entend sa communication sur l'impact de l'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) relatif à l'avenir de la fonction publique de novembre 2015 sur les régimes de retraite de la fonction publique.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial. - Je vous propose de goûter aux délices du corporatisme et de rencontrer l'originalité d'un compte d'affectation spéciale (CAS) excédentaire.

Nous constatons, pour les régimes spéciaux, une tendance à la baisse de la subvention d'équilibre, esquissée en 2015, confirmée en 2017. La subvention versée par l'État sera de 6,25 milliards d'euros, soit une baisse de 1,1 % par rapport à 2016, due à une faible inflation, une indexation reportée au 1er octobre de chaque année et un report progressif des âges de retraite.

Pour ce qui est du régime général des fonctionnaires, la tendance au ralentissement de la dépense se confirme. Après une période de très forte hausse entre 1990 et 2013 - de 176 % -, la dépense n'augmente plus que de l'ordre de 1 % en 2017 par rapport à 2016. Les engagements financiers de l'État se verront réduits. De 1 560 milliards fin 2014, ils seront de 1 535 milliards fin 2015.

Livrons-nous à un calcul intéressant : la contribution de l'État et de ses établissements publics au régime général des fonctionnaires de 48,9 milliards, en tenant compte du retour sur fiscalité, c'est-à-dire des ressources fiscales engendrées, représente une dépense nette difficile à estimer avec une absolue précision mais qui, comptablement, pourrait être de 35 milliards. Avis aux nostalgiques du keynésianisme...

Du fait de ces évolutions et d'une gestion marquée par le principe de précaution, le solde excédentaire cumulé continue sa progression. De 3,2 milliards d'euros en 2007 contre une prévision de 2,9 milliards, il serait de 5,4 milliards en 2017. C'est un CAS où l'on constate un excédent annuel cumulé, que d'aucuns jugeraient aller au-delà de la simple prudence. Mais contrairement à d'autres comptes qui suscitent des interrogations quant à leur véracité, celui-ci n'engendre aucun doute.

Nous continuerons à assister à la réduction des écarts entre les âges de départ à la retraite, mais ils restent significatifs. Cet âge diffère pour les régimes spéciaux SNCF et RATP, en plus ou en moins mais il reste inférieur à ce qu'il est dans le régime de la fonction publique, de 61 ans et 3 mois.

À quand des droits équivalents, pour un effort de cotisation semblable ? On pourrait décider que tous les nouveaux entrants relèvent d'un régime unifié, tout en préservant le droit des personnes déjà en place. C'est ce que l'on appelle le régime « bouilleurs de cru ». Ce projet n'est pas facile à mettre en oeuvre, mais il serait essentiel pour faire du mot d'égalité, en matière de retraite, une réalité.

Je vous propose un avis favorable sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » dans la mesure où il n'y a pas de doute sur la vérité des écritures, ni sur le ralentissement des dépenses ou l'accumulation des excédents.

Mme Michèle André, présidente. - Qu'en est-il du contrôle budgétaire sur l'impact de l'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial. - La vérité, par rapport à l'intégration progressive des indemnités dans les bases des cotisations de retraite et à la revalorisation de la grille indiciaire, est que l'impact n'est pas totalement perçu. Il n'est pas exclu que les effets de long terme, en termes de coût pour l'État et les collectivités territoriales, soient minorés. Le contrôle n'a pas permis de lever cette inquiétude par rapport à une mesure qui laisse entier le problème du poids des régimes indemnitaires dans les rémunérations publiques.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'accord PPCR a un coût non négligeable pour l'État mais aussi pour les collectivités territoriales.

Comme l'a dit notre rapporteur spécial, pour réformer les régimes spéciaux, seule la méthode « bouilleurs de cru » est envisageable, ou encore celle de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui a procédé à des transferts de compétences de grande ampleur au profit des collectivités territoriales dans le domaine des grands équipements et infrastructures.

S'il est extrêmement difficile de toucher à l'existant, pourquoi les nouveaux entrants bénéficieraient de départs à la retraite anticipés ? En termes de pénibilité, il n'y a plus de différence aujourd'hui entre les chauffeurs de bus et ceux qui conduisent les métros ou les trains. Cette pluralité de régimes était due à une espérance de vie plus courte : lorsqu'on travaillait dans les mines ou à la SNCF, on mourait jeune. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial. - Personne ne doute de la sincérité de ce compte d'affectation spéciale. Bien que difficile, l'unification progressive des régimes est incontournable. Il en va de la cohésion de notre pays. Cela dit, les gouvernements qui se sont attaqués à cette question se sont rendu compte que la route était parsemée d'embûches.

Je me réjouis que la durée des cotisations ait été allongée et que les règles d'indexation aient été modifiées : la situation budgétaire s'en trouve assainie.

M. Jean-Claude Requier. - À la page 42 de la note de présentation, il est indiqué que le besoin de financement des régimes financés par la mission s'élèverait à 148 milliards en 2050 et qu'un taux d'actualisation de 1,5 % réduirait ce montant de 26 milliards d'euros. S'agit-il de toutes les pensions versées par l'État ?

Mme Marie-France Beaufils. - Ce n'est pas parce que les chauffeurs de bus partent tardivement à la retraite que leurs passagers sont plus en sécurité. En outre, n'oublions pas que beaucoup de conducteurs âgés se retrouvent au chômage. Alors, ne prônez pas l'allongement des carrières de façon indifférenciée.

À la page 19 de la note de présentation, il est utile de relever que les taux des cotisations patronales, mais aussi salariales, sont plus élevées dans les régimes spéciaux que dans le régime général.

Mon groupe étant en désaccord avec les mesures qui ont frappé les retraites, je voterai contre les crédits de cette mission.

M. Marc Laménie. - A-t-on une idée de l'évolution des régimes spéciaux pour les années à venir ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial. - Les chiffres cumulés montrent une baisse progressive du besoin de financement propre aux régimes spéciaux et une augmentation année après année de la capacité de financement du CAS « Pensions ». Ces données sont assez intéressantes en termes budgétaires.

Marie-France Beaufils, à force d'avoir accepté des régimes différents, le sentiment d'inégalité s'est installé : une mise à plat du niveau et de la durée des cotisations renforcerait la cohésion de notre pays. La pénibilité du travail doit bien sûr être prise en compte, non pas sur une base professionnelle, mais en fonction des métiers.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

La commission donne acte au rapporteur spécial de sa communication sur son contrôle budgétaire sur l'impact de l'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) relatif à l'avenir de la fonction publique de novembre 2015 sur les régimes de retraite de la fonction publique et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Francis Delattre, rapporteur pour avis, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Les finances sociales représentent près de 50 % des dépenses publiques et plus encore si on y ajoute les dépenses de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco). En stock, les administrations de sécurité sociale (ASSO) représentent environ la moitié des dépenses publiques. En flux, il est attendu des ASSO 64 % des économies à réaliser en 2017, contre 45 % lors des deux précédents exercices.

Le fait que les deux tiers des économies attendues relèvent de la sphère sociale doit nous inquiéter car les économies réellement enregistrées sur les dépenses des ASSO se sont, en 2015 comme en 2016, révélées inférieures de près de moitié à la prévision. Il est à craindre que cet écart se produise à nouveau en 2017, dans la mesure où le Gouvernement comptabilise notamment 1,6 milliard d'euros d'économies au titre de la reprise des négociations paritaires sur la nouvelle convention d'assurance-chômage.

Dans le champ des organismes de sécurité sociale, les économies attendues résultent du renforcement des mesures déjà mises en oeuvre dans le cadre du plan ONDAM pour la période de 2015 à 2017, avec des résultats inégaux et globalement limités. De plus, elles intègrent de fausses économies, comme la sortie du cadre de l'ONDAM des dépenses au titre des médicaments innovants.

Le régime général atteindrait un quasi-équilibre en 2017, avec un déficit de 400 millions d'euros. Toutefois, il convient d'intégrer les comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour disposer d'une image plus fidèle des comptes sociaux. Le déficit du régime général et du FSV s'élèverait ainsi à 4,2 milliards d'euros en 2017.

De façon rétrospective, l'amélioration des soldes est très hétérogène entre les branches : elle a principalement porté sur les branches famille, au prix d'une mise en cause de la politique familiale, et vieillesse, grâce à la réforme des retraites de 2010. Soulignons que le déficit de la branche maladie enregistré en 2015 par le présent projet de loi de financement ne fait que retrouver le niveau de 2012, à - 5,8 milliards d'euros.

De façon prospective, la réduction prévue des déficits repose notamment sur le dynamisme des recettes, portées par des hypothèses de croissance de la masse salariale du secteur privé jugées optimistes par le Haut Conseil des finances publiques.

Rappelons que le plan ONDAM 2015-2017 fixait un taux d'évolution de l'ONDAM à 1,75 % en 2017, ce qui était confirmé dans le Pacte de stabilité et de croissance d'avril dernier. Or l'ONDAM prévu dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale progresse finalement de 2,1 %, ce que le Gouvernement explique par la nécessité d'intégrer l'effet des mesures salariales dans la fonction publique, notamment hospitalière, et de la nouvelle convention médicale, deux éléments pourtant déjà connus depuis le printemps dernier. À l'évidence, il sera difficile de tenir cet objectif, tant le coût des mesures salariales et les effets du glissement vieillesse technicité (GVT) auront un impact supérieur sur les dépenses à périmètre constant.

De fait, l'analyse des comptes sociaux depuis 2010 me porte à y voir une amélioration, mais non une consolidation pérenne.

Dans le même sens, s'il faut se féliciter du reflux de la dette sociale en 2016, la lucidité doit nous conduire à y voir le signe des faibles taux d'intérêt et à relever l'augmentation de la dette portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), particulièrement exposée aux risques de remontée des taux. Aucune solution d'apurement n'est prévue pour ces déficits cumulés, estimés à plus de 16 milliards d'euros fin 2016. La Cour des comptes préconisait que le Gouvernement envisage un transfert à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) pour un montant de 15 à 20 milliards d'euros. Or, la loi de financement pour 2016 a conduit à saturer les capacités d'absorption de la Cades en transférant près de 24 milliards d'euros de déficits cumulés. La part de dette sociale supportée par l'ACOSS ne peut que susciter des interrogations.

La Cades ne se porte pas trop mal, car elle est gérée par des financiers particulièrement compétents, qui parviennent à emprunter à des taux intéressants et parfois même négatifs. Cependant, le montant de sa situation nette devrait atteindre plus de 120 milliards d'euros en 2017.

Les recettes font l'objet de trois mesures significatives. À la suite du choix du Gouvernement de préférer un relèvement du taux de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en 2017 à la suppression complète de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) à laquelle il s'était engagé, une réduction du taux de cotisation maladie des travailleurs indépendants, qui ne bénéficient pas du CICE, est proposée. Je rappelle cependant que la C3S rapporte 4 milliards d'euros et que le coût estimé pour les 1,8 million de travailleurs indépendants affiliés au régime social des indépendants (RSI), est de 150 millions d'euros. La non-suppression de la C3S n'est pas un bon argument pour inciter les entreprises londoniennes à venir s'installer à Paris.

Pour tenir compte des revenus tirés des plateformes d'économie collaborative, il est proposé des seuils pour distinguer les revenus du patrimoine des revenus d'activité et une affiliation automatique au RSI par l'intermédiaire des plateformes. Si l'objectif poursuivi est légitime, le dispositif proposé constitue une solution improvisée, tant en ce qui concerne le niveau des seuils que le principe même d'affiliation au RSI.

L'Assemblée nationale a adopté un article visant à relever le seuil de revenu fiscal de référence pour l'application des taux nul et réduit de CSG sur les pensions de retraite. J'y vois le symbole de la politique erratique du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires. S'ajoutent des propositions de recentrage de niches sociales et des mesures renforçant les capacités de l'administration à recouvrer effectivement des créances nées de la fraude sociale.

J'en viens maintenant à la présentation de la situation financière de chaque branche et de leurs objectifs de dépense.

La branche maladie concentre les déficits et les préoccupations. Son solde serait de - 4,1 milliards d'euros en 2016, puis de - 2,6 milliards d'euros en 2017. Elle serait la seule branche déficitaire en 2017. Rappelons qu'en 2012, le Gouvernement prévoyait de ramener ce déficit à - 1,1 milliard d'euros dès 2015. De plus, le relèvement de l'ONDAM à 2,1 % en 2017 et les économies prévues pour un montant de 4,1 milliards d'euros ne suffisent pas à couvrir la progression tendancielle des dépenses nouvelles induites par les mesures salariales dans la fonction publique et la nouvelle convention médicale. Les économies attendues ne proviennent pas de nouvelles mesures mais de la poursuite des quatre axes déjà mis en oeuvre en 2015 et 2016, pour des résultats limités.

En dehors des dépenses d'assurance maladie, la principale mesure proposée concerne la branche vieillesse. Elle enregistrerait un solde positif à hauteur de 1,6 milliard d'euros en 2017. Ce retour confirmé à l'équilibre doit être salué, de même que l'effet de la réforme des retraites de 2010, dont l'impact est estimé par la direction de la sécurité sociale à 8,8 milliards d'euros par rapport à une évolution à législation inchangée. Cette amélioration ne doit pas faire oublier la situation dégradée du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont le déficit atteint 3,8 milliards d'euros en 2016.

Le Gouvernement propose un transfert entre 2017 et 2020 de la part des dépenses du minimum contributif financée par le FSV vers la branche vieillesse. Ce transfert constituait une recommandation des travaux de nos collègues Catherine Génisson et Gérard Roche dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale en juin dernier. Avec ce système transitoire, le FSV cumulerait plus de 13 milliards d'euros de déficits d'ici 2020, sans qu'une solution d'apurement ne soit prévue.

Excédentaire depuis 2013, la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) devrait présenter un excédent de 700 millions d'euros en 2016 puis en 2017. Aucune mesure particulière n'est prévue pour cette branche.

Enfin, après un déficit record de 3,2 milliards d'euros en 2013, le solde de la branche famille serait nul en 2017. Chacun le sait : ce retour à l'équilibre s'explique par des mesures de mise sous conditions de ressources de la politique familiale.

Parmi les mesures proposées, je relève celle qui élargit les missions des centres de déclaration et de recouvrement simplifiés des cotisations sociales « Pajemploi » et Chèque emploi service universel (CESU) - services appartenant au réseau des Urssaf - afin de tenir compte du projet gouvernemental d'instauration d'un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, à compter du 1er janvier 2018.

En conclusion, je considère que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 traduit une forme de laisser-aller du Gouvernement en matière de pilotage des comptes sociaux. Il aurait fallu être beaucoup plus rigoureux.

L'amélioration des comptes qui nous est présentée par le Gouvernement ne correspond pas à la dure réalité des chiffres. Aucune réforme n'a été engagée sur l'assurance maladie, d'où des résultats limités. Pour avoir entendu les directeurs des différentes caisses, je conçois parfaitement que leur tâche n'est pas facile. L'ambulatoire est insuffisant en France. Qu'ont fait les agences régionales de santé (ARS) pour encourager son développement ? D'autant que le contexte se caractérise par une mise sous tension des établissements de santé dont nous entendons aujourd'hui les échos. Sans innovation, il sera très difficile de contenir les dépenses de santé.

L'amélioration des comptes ne permet pas une véritable consolidation, et reste limitée. La trajectoire proposée repose sur des hypothèses très optimistes, comme l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques, notamment sur la croissance de la masse salariale. Peu de mesures d'économies nouvelles sont proposées, de sorte que des doutes entourent la réalisation des objectifs de dépenses soumis au Parlement.

Pour toutes ces raisons, et parce qu'il faudra engager des réformes dans les années à venir, avec les dépenses afférentes, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Il est difficile de résumer des budgets aussi importants. L'avis du Haut Conseil aux finances publiques est très clair en matière de dépenses sociales : « S'agissant des dépenses sociales, les prévisions du Gouvernement sont affectées d'un risque significatif. Le relèvement de l'ONDAM de 1,75 % à 2,1 % ne couvrira qu'une partie du coût prévisionnel pour l'assurance maladie, des augmentations tarifaires de la nouvelle convention et des mesures salariales dans les hôpitaux. Il devrait être complété par un effort accru d'économies sur les dépenses maladie, effort dont la réalisation est incertaine ». Quant à l'Unedic, le Gouvernement prévoit une économie de 1,6 milliard d'euros, prévision que le Haut Conseil qualifie d'  « irréaliste ». Cette analyse rejoint très largement celle du rapporteur pour avis.

L'article 10 porte sur l'affiliation obligatoire au régime social des travailleurs indépendants, le RSI. Autant nous sommes sensibles à l'intégration dans la fiscalité des revenus complémentaires issus de la location d'appartements, d'une activité de chauffeur ou de l'économie dite collaborative, autant l'affiliation obligatoire au RSI serait extrêmement contraignante, d'autant que ce régime ne fonctionne pas bien. C'est une usine à gaz que l'on propose aux travailleurs indépendants.

M. Marc Laménie. - Les problèmes que ce budget soulève ne sont pas nouveaux. Comment lutter contre la fraude ? Quelles mesures prendre pour remédier, au moins partiellement, à la dette sociale ? Qu'en est-il du cinquième risque que constitue la dépendance ? C'est un enjeu qui relève du domaine médico-social.

M. Serge Dassault. - Comment est financé le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Quelle est la part de CSG, quelle est la part des entreprises, quels sont les déficits ? Pourriez-vous nous donner une vision globale ?

M. Éric Doligé. - Dans le tableau qui illustre le retour à l'équilibre du régime général en 2017, il faudrait faire figurer les prévisions qui avaient été faites pour les années 2011 à 2015. Les prévisions pour 2016 à 2019 sont optimistes. On gagnerait à pouvoir comparer ce qui a été réalisé avec ce qui avait été prévu.

M. Maurice Vincent. - Je suis étonné de la tonalité des observations du rapporteur pour avis. S'il est légitime qu'il s'interroge sur les prévisions pour 2017, on peut difficilement contester l'amélioration systématique des comptes de la Sécurité sociale, depuis cinq ans, et cela en dépit d'une croissance très heurtée. Les chiffres sont là. Nous devrions nous réjouir collectivement de ces résultats. On ne sait pas ce que sera l'avenir. Avec la retraite à 64 ou à 65 ans, peut-être les excédents seront-ils encore beaucoup plus importants... Nous en reparlerons.

Vous avez systématiquement voté contre les budgets de la Sécurité sociale durant toutes ces années de progression. Certes, il n'est jamais aisé de reconnaître ses erreurs, mais les résultats sont là. Je ne suivrai donc pas l'avis du rapporteur.

M. André Gattolin. - Je remercie notre rapporteur pour ses commentaires tout en nuance et en subtilité. Je voudrais revenir à ses considérations sur les dépenses de la branche vieillesse. Vous avez dit que l'évolution du FSV s'était dégradée depuis une dizaine d'années. Les courbes montrent pourtant une relative stabilité entre 2011 et 2016. La dégradation que vous mentionnez précéderait-elle 2011 ?

Mme Marie-France Beaufils. - Les comptes s'améliorent, alors que la situation reste fragile dans le secteur de l'hospitalier public. Le financement de l'activité dans les hôpitaux bénéficie surtout à l'hôpital privé qui n'intervient que dans les secteurs les plus rentables, laissant le reste à l'hôpital public, favorisant ainsi le déséquilibre de notre système de santé. Ce texte n'apporte pas de réponse dans ce domaine. Je voterai donc contre ce budget, mais pour des raisons bien différentes de celles avancées par notre rapporteur.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Monsieur Gattolin, la situation est dégradée depuis dix ans. Je n'ai pas dit qu'elle s'était dégradée. Le FSV prend notamment en charge les cotisations des chômeurs. L'État a imposé cette mesure ; il aurait dû prévoir de la financer régulièrement. Le secrétaire d'État chargé du budget nous dit que nous sommes « dans le gris ». Dans la mesure où le déficit du FSV pèse sur les comptes sociaux, il est assez logique d'intégrer progressivement les dépenses du minimum contributif au sein de la branche vieillesse.

Monsieur Dassault, vous trouverez toutes les informations nécessaires pour expliquer les évolutions des recettes par catégories et selon les régimes obligatoires, chiffres à l'appui, dans mon rapport écrit. En incluant l'ensemble des régimes obligatoires, le montant des recettes devrait s'élever à 487 milliards d'euros.

Monsieur Laménie, pour lutter contre la fraude, il est proposé de doter les agents de l'Urssaf de moyens d'investigation proches de ceux de l'administration fiscale.

Monsieur Doligé, un tableau résume les écarts entre les prévisions et les réalisations.

Quant à la Cades, est-il honnête de dire que la situation s'est améliorée, alors qu'on a transféré près de 24 milliards d'euros dans la dette sociale en un an ? L'ACOSS centralise toutes les ressources. Son rôle se résume à assurer la trésorerie des régimes obligatoires, avec un déficit maximal autorisé de 33 milliards d'euros pour 2017. Comment peut-elle se retrouver avec un déficit tel, qu'on doive le transférer à la Cades ? On creuse la dette des générations futures. Il est vrai que la Cades emprunte à des taux très bas, ce qui rend la situation supportable jusqu'en 2024. Cependant, la loi organique prévoit que la Cades ne peut emprunter que si elle justifie des ressources nécessaires au remboursement. La Cades se finance principalement grâce à une partie de la contribution au redressement de la dette sociale, mais elle ne peut plus reprendre de dette sociale sans augmentation parallèle de ses ressources. Voilà pourquoi on ne peut pas aller proclamer à qui veut l'entendre que le Gouvernement a sauvé la sécurité sociale. La réalité est tout autre. Même s'il n'a pas remis en cause le remboursement des prestations et des médicaments, le Gouvernement propose de retirer de l'ONDAM la totalité de la prise en charge des médicaments les plus innovants.

M. Richard Yung. - Ce n'est pas ce qu'a dit la ministre.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - C'est pourtant vrai. Ce sont de fausses économies.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

La réunion est levée à 15 h 45.

Efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes

La réunion est ouverte à 18 heures.

La commission procède à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Mes chers collègues, nous allons procéder à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de la commission des finances en application de l'article 58 paragraphe 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.

La demande de cette enquête fait notamment suite aux auditions organisées par notre commission au printemps 2014, à la suite d'un référé de la Cour des comptes sur les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique des logements privés. Il nous était apparu important d'évaluer la manière dont les aides s'articulent entre elles. J'espère que notre débat permettra de progresser sur ce point.

De manière générale, il a semblé utile de demander à la Cour des comptes de conduire une enquête afin de recenser l'ensemble des dépenses fiscales existantes ayant un impact sur l'environnement et d'en évaluer l'efficience.

Nous recevons Jean-Yves Perrot, conseiller maître à la Cour des comptes et président de la formation interchambres qui a conduit l'enquête. Il nous présentera les principales conclusions des travaux menés.

Pour y réagir et répondre aux questions du rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, et de tous les sénateurs qui le souhaiteront, nous accueillons également Régine Engström, secrétaire générale des ministères de l'environnement, de l'énergie et de la mer et du logement et de l'habitat durable, et Guillaume Appéré, sous-directeur de la fiscalité des transactions au sein de la direction de la législation fiscale.

Par ailleurs, nous accueillons pour cette audition les rapporteurs pour avis de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques.

Notre réunion est ouverte à la presse. En revanche, pour des raisons techniques, elle ne fera pas l'objet d'une captation vidéo.

Sans plus attendre, je laisse la parole Jean-Yves Perrot, pour qu'il nous présente les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes.

M. Jean-Pierre Perrot, conseiller maître à la Cour des comptes, président de la formation interchambres. - Merci de donner à la formation interchambres, dont le Premier président de la Cour des comptes a bien voulu me confier la présidence, l'occasion de présenter les conclusions de cette enquête.

Quelques mots pour préciser le champ retenu pour mener cette enquête. La notion de dépense fiscale - même s'il n'y a pas de définition déposée - est suffisamment connue pour que j'insiste peu sur ce point. Il s'agit des pertes de recettes résultant de dérogations à l'impôt. Les dépenses budgétaires, par définition, n'en font pas partie. Nous avons choisi en revanche d'y intégrer le dispositif du bonus-malus dont l'importance et le caractère emblématique nous ont paru justifier l'inclusion dans le champ de l'enquête.

Nous avons fait le choix, en accord avec le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, d'évoquer les dépenses qui ont un impact favorable ou défavorable sur l'environnement.

Le premier libellé de l'enquête aurait pu conduire à ne retenir que les dépenses qui ont un impact réputé favorable. Il nous a paru plus sage d'introduire les deux notions, ce qui permet d'une part d'apprécier la cohérence d'ensemble du dispositif - à supposer qu'elle existe, ce qui n'est pas flagrant -, d'autre part de mettre en perspective l'ensemble de cette question.

La période retenue part du Grenelle de l'environnement, période fondatrice pour un certain nombre de sujets, et va jusqu'au projet de loi de finances pour 2016, ce qui ne constitue pas une période très étendue et qui présente l'inconvénient de conduire à évoquer des mesures sur lesquelles nous n'avons pas nécessairement un recul suffisant.

Bien entendu, il n'est pas d'étude qui ne comporte quelques références internationales, surtout sur un tel sujet, dans un contexte général de « verdissement » de la fiscalité de la plupart des grands pays occidentaux. Les questions de concurrence économiques, notamment - mais pas seulement - à l'intérieur de l'espace européen constituent une dimension très importante de ce sujet, par exemple s'agissant des transports.

En plus des références suédoises, allemandes, néerlandaises et des analyses de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous avons utilisé les statistiques européennes.

L'évaluation de l'efficience est un sujet délicat. La Cour des comptes a déjà traité ces questions. Le prisme que le Sénat nous a invité à retenir est important, même s'il n'est pas le plus simple, l'obligation d'évaluer l'efficience résultant d'une obligation législative inscrite dans les lois de programmation des finances publiques dont les termes s'imposent à tous. La notion même d'efficience et la manière de l'évaluer pourraient justifier à elles seules un colloque.

Plus modestement, j'évoquerai la manière dont nous avons essayé d'aborder cette question. Il y a plusieurs façons de procéder. Nous en avons retenu deux principales. La première, c'est de raisonner, quand on le peut, par rapport à un modèle de référence. C'est ce que font les grandes administrations, et notamment l'administration fiscale.

La seconde notion que nous avons utilisée est celle de référence à la tonne de CO2 émise ou évitée. Nous sommes conscients du caractère réducteur de ce concept, d'autres types de polluants pouvant intervenir. Néanmoins, cet outil a l'avantage d'introduire un élément de comparabilité dans un domaine où ils ne sont pas légion.

Parmi les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés figure le fait que les dépenses fiscales sont très souvent assorties d'objectifs multiples. Ils sont d'ailleurs assez souvent non explicités et peuvent être contradictoires ou faire l'objet - si l'on veut être indulgent - de ce qu'Edgar Morin appellerait une forme de « tension dialogique », le soutien économique à la filière l'emportant fréquemment sur les considérations environnementales.

Il existe bien entendu des effets d'aubaine. Comme je l'ai dit, la frontière entre les dépenses favorables et défavorables ne facilite pas les choses.

Nous avons également essayé d'introduire dans notre analyse la mesure des coûts administratifs directement liés à ces dépenses fiscales. L'information sur ce point, comme sur le reste, est assez lacunaire et rare. Les coûts directs liés à la mise en oeuvre de ces dépenses fiscales ne sont pas toujours bien connus ou retracés.

Les dépenses fiscales retenues ont représenté un montant d'environ 12 milliards d'euros en 2015. Soixante et onze dépenses ont été retenues dans le champ de notre analyse.

Sans grande surprise, plus des deux tiers se trouvent dans deux missions, la mission « Écologie, développement et mobilité durable », qui contient trente-huit de ces dépenses, et la mission « Agriculture, alimentation forêt et affaires rurales », qui comporte dix-neuf d'entre elles, le reste se répartissant sur l'économie, l'outre-mer et la politique des territoires.

Si l'on considère le prisme plus fin des programmes, on s'aperçoit que quatre programmes sont particulièrement concernés. Il s'agit, dans l'ordre décroissant d'importance, du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » - vingt mesures -, du programme 112 « Impulsions et coordination de la politique d'aménagement du territoire - onze mesures -, du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » - huit mesures -, et du programme « Infrastructures et services de transport » - neuf mesures.

Une des surprises de notre enquête a été de constater qu'en 2015, le poids des dépenses fiscales défavorables à l'environnement a été en réalité prédominant par rapport à celui des dépenses fiscales favorables. C'est un constat plutôt contre-intuitif. Il s'explique par différentes raisons, dont en premier lieu le poids de la fiscalité des carburants.

Nous savons, concernant la fiscalité des carburants, que les mesures qui peuvent être considérées comme défavorables à l'environnement sont fondées sur le soutien à des filières industrielles et représentent des montants importants.

Dans le domaine du logement, essentiel pour les dépenses fiscales réputées favorables à l'environnement, les effets observés des dépenses sont très en deçà de ce qui était attendu.

Les dépenses défavorables en matière agricole sont importantes, même si elles sont parfaitement justifiées d'un certain point de vue, et tiennent beaucoup à la fiscalité dérogatoire au profit des agriculteurs.

Le défi de la mesure de l'efficience se retrouve aussi bien en amont qu'en aval. Dans une vision idéale, il serait souhaitable qu'avant d'être décidées, les dépenses fiscales fassent l'objet d'une étude d'impact, rarement au rendez-vous. Les conditions mêmes de création de la plupart des dépenses fiscales ne le permettent d'ailleurs pas.

En aval, on est à peine mieux servi : peu d'outils sont disponibles dans les administrations, aucun n'est véritablement fiable. C'est pourquoi on a eu, en 2011, cet intéressant exercice qui continue de faire référence, le rapport dit « Guillaume » qui est probablement à ce jour parmi les travaux les plus significatifs consacrés à l'évaluation des dépenses fiscales. L'instabilité des dispositifs, qui donnent souvent lieu à des ajustements avant même qu'on ait pu en évaluer l'impact, rend cette évaluation difficile.

Les problématiques sont variables selon les secteurs économiques et le poids que représentent les dépenses fiscales dans ces secteurs. Pourtant, ces secteurs partagent un certain nombre d'éléments communs, dont le fait que les effets recherchés sont par nature des effets de moyen-long terme et que les dispositifs sont assez instables. La conciliation entre ces deux notions est donc une difficulté intrinsèque à l'exercice.

Le mieux est à présent d'en venir au fond des choses à travers les principaux secteurs qui se trouvent dans le champ de notre rapport.

Le premier secteur est évidemment celui du logement. Il est porteur d'enjeux très lourds, aussi bien du point de vue économique que du point de vue social et environnemental.

Les objectifs assignés par les textes successifs sont très ambitieux. Ils présentent l'inconvénient d'avoir changé de définition au fil du temps. On a ainsi un objectif de quatre cent mille logements rénovés par an auquel la loi sur la transition énergétique du 17 août 2015 a substitué des objectifs qui se mesurent en termes de consommation d'énergie des logements ; celle-ci doit baisser de 38 % d'ici 2020 par rapport à 2009, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergies devant atteindre 23 %.

L'examen des dépenses fiscales visant à encourager la rénovation énergétique des logements conduit à se demander s'ils seront suffisants pour atteindre ces objectifs. En effet, ces dispositifs conduisent à une multiplication de petits travaux éligibles, qui produisent parfois des effets d'aubaine et qui ont un impact limité sur les émissions de gaz carbonique.

Le passé a démontré que beaucoup d'effets d'aubaine peuvent exister, même si les modifications successives ont conduit à en évacuer certains.

Dans le domaine de la politique des transports, les enjeux sont tout aussi considérables : sur les 330 millions de tonnes de CO2 globalement émis par les énergies fossiles en 2014, 100 millions de tonnes concernaient les transports.

Les résultats sont différents d'un secteur à l'autre, et jamais complètement convaincants. Le vélo est anecdotique et ne va pas révolutionner la vie des transports. Les dépenses fiscales attachées au développement des transports en commun n'apparaissent pas comme une variable décisive dans leur développement.

Le bonus-malus automobile a une longue histoire et a fait couler beaucoup d'encre. Le dispositif s'est redressé et s'est affiné. Il est sans doute mieux ciblé, même si les effets d'aubaine ont été significatifs dans le passé. C'est un assez bon exemple d'un outil qui, ayant bénéficié d'une certaine continuité dans le temps, a pu être ciselé et offre aujourd'hui de meilleurs résultats.

Le transport fluvial constitue un sujet dans notre pays. Les dépenses fiscales n'ont pas un effet déterminant sur son évolution.

Je passe sur l'incohérence persistante des dispositifs de détaxe des carburants - même si les choses évoluent dans un sens plus équilibré. On sait les inconvénients qui s'attachaient à la taxation plus favorable du diesel. La convergence des fiscalités est à l'oeuvre, ce qui va dans le bon sens.

En matière de préservation des ressources naturelles, les moyens sont limités en montants et en contenus, même si un certain nombre de dispositions ont contribué à faire évoluer les choses dans un sens favorable. Notre rapport salue également ce qui se passe dans le domaine des réseaux de chaleur renouvelable ou de la méthanisation.

La bulle du photovoltaïque a été largement analysée par le Sénat et a donné lieu à correction. C'est une bonne illustration des effets d'aubaine pouvant être liés à la mise en place de ces dispositifs.

On sait par ailleurs que le bilan en matière de biocarburants dépend de la génération que l'on évoque, et que les mesures visant à favoriser leur développement connaissent de meilleurs résultats que par le passé.

Je terminerai en évoquant les dix recommandations de la Cour des comptes.

Les six premières ont un caractère transversal. Trois portent sur la méthode et deux sur l'information des citoyens et du Parlement.

Première recommandation : du point de vue de la méthode, il nous paraît essentiel que les dépenses fiscales soient bornées dans le temps lors de leur création ou de leur modification. Soixante-trois des quatre-vingt-quatorze dépenses fiscales que nous avons analysées ne sont pas bornées. Nous pensons que, du strict point de vue de la méthode, il y aurait intérêt à ce que ce soit le cas.

Deuxième recommandation : nous pensons qu'il serait souhaitable de mettre en place des mesures de plafonnement de ces dépenses fiscales, avec au besoin des mesures d'encadrement pluriannuelles de la dépense, ne serait-ce que pour disposer de « cordes de rappel » et avoir l'occasion de reparler de ces sujets en cas de dérive de la dépense.

La troisième recommandation concerne l'instrument que constituent les conférences fiscales. Celles-ci sont récentes. Elles sont apparues en 2012. On pourrait résumer en disant qu'il s'agit d'un petit pas dans la bonne direction. Il faut se départir de cette tentation bien française de « casser » l'instrument là où il conviendrait de le perfectionner. Certes, les résultats qui sortent de ces conférences fiscales sont encore insuffisants, l'outil nécessitant un apprentissage organisé de façon différente, mais nous pensons qu'il y a là quelque chose qui mérite d'être précisé. Nous évoquons également la question de la présence du ministère de l'écologie dans ces conférences fiscales, y compris pour les dépenses qui ne lui sont pas directement rattachées.

Quatrième recommandation à propos de l'information des citoyens et du Parlement : les documents budgétaires ne sont pas complètement satisfaisants. Les questions de rattachement aux objectifs du programme mériteraient parfois d'être précisés ou modifiés. Il ne serait pas non plus exagéré de demander à l'administration d'indiquer de meilleurs chiffrages, et de préciser la marge d'incertitude.

Cinquième recommandation : nous pensons souhaitable que, d'ici à l'échéance de la loi de programmation des finances publiques actuellement en vigueur, l'administration procède, sous le contrôle du Parlement, à une évaluation exhaustive des dépenses fiscales concernées.

Par ailleurs, quatre autres recommandations sont propres aux dépenses fiscales relatives au développement durable.

La première est une recommandation de clarification. Il faudrait préciser la définition des dépenses fiscales, et surtout mieux expliciter leurs objectifs, trop souvent implicites ou absents. Or, si l'on veut évaluer efficacement la capacité d'un dispositif à atteindre ses objectifs, il est préférable de les énoncer.

La deuxième recommandation vise à mieux utiliser les capacités d'expertise de l'État. Nous citons l'ADEME et le Commissariat général au développement durable, le CGDD. Il y a dans ces deux organismes - mais aussi dans d'autres - des capacités d'expertise et de recherche qui pourraient être utilement mises à contribution pour faire avancer l'évaluation globale des politiques, notamment dans les différents secteurs des transports.

Troisième recommandation : il nous paraîtrait souhaitable, compte tenu de l'importance des enjeux qui s'attachent à ces dépenses fiscales, qu'un rapport unique soit annexé chaque année au projet de loi de finances, afin d'avoir une vision d'ensemble, année après année, de l'évolution du dispositif.

La quatrième et dernière recommandation est la plus ambitieuse : nous pensons qu'il est temps de donner de la cohérence à l'ensemble des dispositifs fiscaux relatifs au développement durable. On voit bien qu'il existe une sédimentation de ces dispositifs. Ceci aboutit à des effets contradictoires sur l'environnement. La formation interchambres de la Cour des comptes ne s'est pas considérée légitime à proposer d'elle-même des suppressions, estimant que cette tâche appartient en propre à la représentation nationale.

Il nous semble cependant grandement souhaitable que tous les acteurs concourent à donner de la cohérence à ce dispositif.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ces travaux font suite au souhait émis par la commission des finances du Sénat d'examiner l'efficacité des dépenses fiscales. Les dépenses fiscales relatives au développement durable sont parmi celles qui ont le plus augmenté. Je remercie la Cour des comptes de ce travail très complet.

La première interrogation porte sur le poids prépondérant des dépenses fiscales défavorables au développement durable. N'est-ce pas mécaniquement inéluctable, compte tenu de l'augmentation de la fiscalité pesant sur les carburants ?

Deuxièmement, le débat entre efficacité et effet d'aubaine reste entier. Une TVA à 5,5 % est-elle incitative ou ne s'agit-il pas d'un effet d'aubaine ? Existe-t-il une possibilité de mesurer l'efficacité des dispositifs ?

Je m'interroge par ailleurs sur le fait que les entrepreneurs pratiquent des prix plus élevés pour des dispositifs bénéficiant d'un taux réduit de TVA ou du crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE.

Il y a de plus en plus de dépenses fiscales. Ne serait-il pas plus intéressant de prévoir un dispositif unique de dépense budgétaire permettant d'engager de véritables programmes de rénovation thermique ? Le saupoudrage coûte cher et ne permet que des travaux parcellaires dont l'efficacité est difficilement mesurable, sachant qu'on ne traite qu'une partie du problème.

Mme Régine Engström, secrétaire générale des ministères de l'environnement, de l'énergie et de la mer et du logement et de l'habitat durable. - Je vous propose de revenir ultérieurement sur les questions de TVA, notamment concernant le logement.

Il me semble important, en réponse au rapport établi par la Cour des comptes, de revenir sur quelques éléments de contexte, beaucoup de questions tournant autour de l'opportunité et de l'intérêt de ces dépenses par rapport aux politiques environnementales.

Depuis bientôt dix ans, le développement durable a été porté au coeur de la décision publique. Trois lois emblématiques - la loi Grenelle, la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte et la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages - ont porté les fondements d'une prise de conscience globale de la société française en faveur d'une politique environnementale ambitieuse.

Promouvoir une telle politique, repose, comme le rappelle la Cour des comptes, sur trois possibilités : la régulation par la norme, l'intervention budgétaire et l'intervention par l'impôt - fiscalité de l'environnement ou dépense fiscale.

Conduire une mutation sociétale d'ampleur dont l'objectif ultime est de préparer une société plus économe en énergie, plus respectueuse de l'environnement, d'une consommation plus sobre pour protéger à la fois la biodiversité et le climat ne peut être supporté par le seul vecteur budgétaire.

En effet, il s'agit de faire évoluer un écosystème complexe en changeant les comportements individuels, tout en permettant le développement de filières de production vertes, l'amélioration de l'offre d'équipements et le soutien à la labellisation-normalisation française. Il nous faut à la fois penser le global et promouvoir le local, passer à une nouvelle révolution industrielle qui conjugue environnement et économie.

Par ailleurs le calendrier est contraint par les nombreux engagements internationaux de la France en faveur du climat et de la préservation de la biodiversité. La protection de l'environnement est une question d'urgence qui nécessite donc, par essence, des vecteurs « d'incitation » rapides à mettre en oeuvre. La dépense fiscale est à ce titre un outil précieux. Elle peut reposer sur le concept essentiel du droit de l'environnement, le « principe pollueur-payeur ».

L'incitation environnementale passe donc par une fiscalité « verte » encore sous employée en France au regard des pays de l'OCDE, avec un ratio rapporté au PIB qui place notre pays en vingt-quatrième position sur vingt-huit.

Je ne reviendrai pas sur les grandes considérations présentées par la Cour des comptes, notamment avec un bilan contrasté sur les cinq dernières années, puisque si en nombre les créations de dépenses fiscales sont favorables à l'environnement, en montant, les dépenses défavorables l'emportent.

Favoriser la transition énergétique, la croissance verte, ainsi que la protection de l'environnement est un objectif commun que nous partageons tous sans aucun doute. Il ne doit cependant pas obérer le développement économique et la croissance des entreprises.

Une alchimie subtile doit ainsi permettre de mettre en perspective le « degré d'acceptabilité » des dispositions en faveur de la mutation environnementale. Certes, des dispositions considérées par la Cour des comptes comme défavorables à l'environnement ont pour finalité de soutenir des filières éprouvant des difficultés économiques majeures.

Ainsi, concernant le transport, certains secteurs sont bousculés par le manque d'harmonisation des règles sociales à l'échelle européenne par exemple, et les objectifs de long terme sur l'environnement sont fragilisés par des effets économiques et sociaux de court terme potentiellement destructeurs.

Ces mesures présentées comme ambivalentes dans le rapport qui vous a été rendu relèvent néanmoins d'une démarche plus globale de préservation de l'emploi ou du tissu économique français.

Construire une société écologiquement sobre est une démarche longue qui pose un postulat d'adhésion. Elle ne peut reposer uniquement sur la contrainte car certains secteurs d'activité nécessitent une période de moyen terme pour achever leur mutation.

Ainsi, il faut bien mesurer la réalité des défis auxquels les pouvoirs publics sont confrontés. Passer de logements « passoire thermique » à des logements « à énergie positive » c'est être confronté à la rénovation et l'isolation de plusieurs millions de biens immobiliers. Transformer le parc automobile français composé de près de vingt millions de voitures diesel - soit plus de 60 % du parc roulant - nécessite du temps et des vecteurs d'incitation.

En conséquence, je tiens à souligner que certains dispositifs nécessitent plusieurs années pour démontrer leur efficacité et leur pertinence. Une évaluation à l'année n + 1, si elle est possible, est rarement concluante.

Dans son rapport, la Cour des comptes regrette que des effets d'aubaine aient pu se créer sur certaines dépenses fiscales, notamment en matière de logement. Les incidences multiples de ces dispositifs, souvent réformés, peuvent effectivement générer de telles conséquences dont la Cour des comptes reconnaît elle-même qu'ils sont difficiles à quantifier, et nous y reviendrons plus tard.

Il a aussi été relevé que la modification fréquente des dispositions fiscales gêne la lisibilité des dispositifs et une construction de l'effort dans la durée. La suppression et la création de nouvelles dépenses fiscales ne relèvent pas que de l'initiative du Gouvernement. La réalité économique ou budgétaire est souvent confrontée à la réalité politique.

Ce rapport dénonce également un défaut de pilotage de ces mesures dans leur efficience et dans leur efficacité fiscales.

Je souhaite rappeler à cet égard que le ministère de l'environnement pilote, via le CGDD, et conjointement avec le ministère de l'économie et des finances, un outil, le Comité pour la fiscalité écologique devenu, en 2015, le Comité pour l'économie verte, dont le rôle est de proposer les dispositions nécessaires à mettre en oeuvre pour favoriser la transition énergétique. Il analyse la fiscalité écologique et réalise des propositions en matière de tarification des pressions sur l'environnement.

D'autre part, concernant le manque d'évaluation de l'efficience, difficulté au demeurant éprouvée dans l'ensemble des pays de l'OCDE, nous partageons les observations et recommandations de la Cour des comptes. Cet exercice requiert des compétences et des moyens spécifiques, ainsi que la mise à disposition de données chiffrées essentielles pour procéder à une évaluation complète.

Or, les services financiers des ministères de l'environnement et du logement ne disposent pas systématiquement de ces moyens et informations. Je considère que la direction des affaires financières du secrétariat général pourrait participer, en collaboration avec les ministères financiers en charge du chiffrage, à l'évaluation des impacts environnementaux utile à l'appréhension complète de l'efficience d'une mesure.

J'ajoute que nous ne sommes pas hostiles au retour des dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017, qui mentionnaient l'obligation d'une évaluation annuelle de l'efficience et de l'efficacité des dépenses fiscales.

Enfin, il me semble important de faire converger les mesures budgétaires et les mesures fiscales dans une vision analytique et économique d'ensemble mobilisant tous les leviers de finances publiques.

Je souhaite que notre direction financière développe une vision globale des politiques publiques de nos ministères, en s'appuyant sur les champs de compétences des directions métier, mais aussi sur le CGDD et sur un certain nombre de nos établissements pour leur aptitude à réaliser et mobiliser des études et des statistiques sur une large palette de thématiques de manière transversale, ainsi que sur la participation au Comité « économie verte ».

Nous considérons que l'intégration de la fiscalité dans les discussions budgétaires ne peut qu'améliorer les négociations et les arbitrages. Un bornage dans le temps des mesures fiscales, sous réserve d'une durée significative a minima, serait également une solution de cohérence.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Merci pour ces principes.

Ce ne sont peut-être pas tout à fait les questions que posait le rapporteur général, mais nous allons y revenir.

M. Guillaume Appéré, sous-directeur de la fiscalité des transactions de la direction de la législation fiscale. - Tout d'abord, nous partageons pour l'essentiel tous les constats formulés par la Cour des comptes. Ils sont assez peu sujets à discussion, et nous serons très utiles pour nos futurs travaux.

Régine Engström l'a rappelé, mais il est important de souligner qu'il faut prendre en compte les objectifs de politique publique que l'on se fixe et choisir l'outil le mieux adapté pour atteindre un tel objectif. La réflexion s'articule toujours selon ces deux logiques, et l'outil fiscal n'est qu'un des outils à la main des pouvoirs publics et du législateur.

Pour ce qui nous concerne, nous ne parlerons que de l'outil fiscal mais, comme le rapport de la Cour des comptes le souligne, beaucoup d'autres outils existent. Ils sont évoqués dans le rapport, et peuvent même se cumuler pour atteindre un même objectif.

Nous partageons dans son ensemble le constat que vous avez dressé, monsieur le rapporteur général, s'agissant des travaux, de l'efficacité énergétique et de la TVA à 5,5 % instaurée il y a quelques années.

Il est clair, au moins au plan théorique, qu'une baisse de taux de TVA n'implique pas nécessairement une baisse de prix pour le consommateur final. C'est un fait pratique, puisque c'est l'entreprise qui est redevable de la TVA et qu'elle est libre de fixer ses prix comme elle le souhaite.

Cela ne veut pas dire pour autant que, lorsqu'on baisse un taux de TVA, on ne réussit pas à faire baisser les prix, mais il est possible que d'autres effets se cumulent. C'est très difficile à mesurer

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Y a-t-il des études à ce sujet ?

M. Guillaume Appéré. - Il y en a eu à propos de la baisse de TVA dans la restauration, mais cela a pris plusieurs années, et il a fallu de nombreux rapports, dont ceux de la Cour des comptes, avant de réussir à dégager le vrai du faux dans ce domaine.

La raison de cette difficulté vient du fait qu'il est pour nous très difficile de mesurer budgétairement le coût de la dépense associée à un taux réduit de TVA. Il faut en effet être sûr de l'assiette que l'on étudie, les déclarations ne détaillant pas les objets sur lesquels porte le taux réduit.

Lorsque l'on a affaire à une déclaration d'un fabricant de fenêtres, on imagine que le taux réduit vient des fenêtres. Les choses sont moins simples lorsqu'on a affaire à une entreprise générale du bâtiment.

Il est encore plus difficile de mesurer les effets d'un taux réduit, puisqu'il faut comparer la situation à celle que l'on aurait observée si le taux réduit n'avait pas existé. Il s'agit là d'une étude économétrique en quelque sorte. C'est théoriquement très délicat à réaliser.

S'agissant de la restauration, plusieurs études ont été nécessaires, durant plusieurs années, avant de réussir à démontrer qu'il y avait bien eu un effet à la baisse des prix, mais que la baisse du taux ne s'était pas répercutée intégralement. On évalue en gros à un tiers le report de la baisse du taux sur la baisse des prix.

Cela ne veut pas dire que les choses se reproduiront dans les mêmes proportions en matière de travaux, mais ce sera donc sans doute compliqué à mesurer, étant donné le temps qu'il a fallu pour y parvenir dans le domaine de la restauration.

M. Jean-Pierre Perrot. - La Cour des comptes n'a pu expertiser au même degré les trois questions soulevées par le rapporteur général. Nous restons donc prudents sur ce que nous n'avons pas examiné.

S'agissant de l'efficacité du dispositif de la TVA à 5,5 %, un certain nombre de nos constatations conduisent à avoir quelques doutes sur le dispositif et sur la manière de l'améliorer. Tout d'abord, les dépenses qui y sont attachées sont considérables. Elles représentent plus d'un milliard d'euros en 2015, contre 730 millions d'euros en 2014. Par ailleurs, très peu de contrôles sont opérés.

Troisième observation : il existe une assiette très large, qui inclut des travaux de peinture ou de second oeuvre dont le lien avec l'objectif environnemental poursuivi est pour le moins ténu. On pourrait donc affiner ce dispositif sans nécessairement le remettre en cause.

Si on ajoute le fait que, contrairement au crédit d'impôt pour la transition énergétique et à l'éco-prêt à taux zéro, aucune labellisation n'est exigée des entreprises, on peut considérer qu'il existe des pistes de progrès assez facilement identifiables, même si je rejoins ce qu'a dit le représentant de l'administration fiscale : il est conceptuellement et méthodologiquement difficile d'évaluer les effets d'aubaine.

Enfin, par rapport à la valeur tutélaire du carbone, le coût à la tonne de CO2 évitée est important. Le rapport Quinet donne une valeur tutélaire de 32 à 56 euros à la tonne évitée. S'agissant des travaux éligibles à cette TVA à taux réduit, on se situe entre 214 euros et 325 euros à la tonne. Ce n'est pas l'exemple le plus caractéristique de l'efficience.

M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Vous dites, monsieur le président, que les dépenses en faveur des transports en commun sont coûteuses et ont des effets mal connus. Vous ne disposez toutefois d'aucune analyse ou estimation. Pourquoi, dans ce cas, considérez-vous que ces dépenses sont coûteuses, alors que vous n'en connaissez pas les effets ?

Sur 300 millions de tonnes de CO2, vous indiquez que 100 millions de tonnes sont dues au transport. Je n'ai pas vu qu'il était fait mention du transport ferroviaire : est-ce que je me trompe ?

M. Jean-Pierre Perrot. - À ma connaissance, je ne crois pas qu'il existe de dépenses fiscales encourageant le transport ferroviaire. Celui-ci bénéfice de beaucoup de concours publics par ailleurs.

La citation que vous faites constitue un raccourci : ces dépenses sont coûteuses en soi, même si leurs effets ne sont pas bien connus. On pourrait développer, mais je ne crois pas que l'on dispose du temps nécessaire pour le faire.

M. André Gattolin. - On intègre enfin la dimension globale de la dépense fiscale et de son impact à la fois en faveur et en défaveur de l'environnement.

Les conclusions que vous tirez sont éloquentes. Tout d'abord, vous confirmez l'illisibilité technique du maquis des mesures. Vous relevez ensuite à juste titre la très grande incohérence des politiques publiques au regard de la question environnementale.

Enfin, vous démontrez que la tendance est à la baisse des dépenses favorables à l'environnement et à la hausse de celles qui lui sont défavorables. Les tableaux des pages 21 et 22 sont assez éloquents en la matière.

Cela témoigne de la nécessité de placer la question écologique à la base des politiques publiques, et non d'en faire un supplément d'âme supposément compatible avec toute autre politique.

Il existe beaucoup de niches défavorables à l'environnement qui revêtent la forme d'aides à des secteurs économiques. Ce biais est souvent utilisé pour contourner la réglementation sur les aides d'État.

Ne pensez-vous pas que ce procédé est totalement délétère, à la fois budgétairement et politiquement, et qu'il serait de bonne gestion de s'interdire d'utiliser une dépense fiscale environnementale pour compenser une difficulté économique d'un secteur ou d'une entreprise, quitte à ce que d'autres moyens soient utilisés pour aider les secteurs qui le nécessitent ?

M. François Marc. - Cette étude éclaire la commission, qui en a bien besoin. Cela fait des années que l'on s'interroge sur ces niches diverses et variées et sur ces subventions, et que l'on veut y mettre bon ordre.

On a là la confirmation que certaines dépenses fiscales sont contre-productives. C'est ce que l'on pensait déjà. Il faudrait sans douter modifier voire supprimer certaines.

L'une de vos principales recommandations est de les limiter dans le temps et de réaliser une étude détaillée après un délai assez court, afin de pouvoir faire un tri de façon bien plus stricte. C'est en effet le sens dans lequel il faut travailler.

Pour autant, je m'interroge sur la perception que l'on peut avoir du travail qui nous est soumis, après lecture attentive de cette page de sommaire. En effet, j'observe que les appréciations que vous portez sont relativement à charge. Je cite quelques exemples issus du sommaire : « des objectifs difficiles à apprécier », « des objectifs intriqués », « des effets de sens contraire », « sans cohérence », « des dépenses défavorables », « des évaluations insuffisantes », « des résultats décevants », « des documents budgétaires lacunaires », « des chiffrages approximatifs », « des dépenses non maîtrisées », « une absence d'une stratégie globale de contrôle », « une efficience incertaine », « une atteinte des objectifs très relative », « des effets d'aubaine », etc.

On arrive à la dernière ligne pour lire qu'il existe « quelques dispositifs prometteurs ». On est donc encouragé !

Tous ces dispositifs ont fait l'objet d'un travail parlementaire très conséquent. J'ai souvenir de nos discussions longues et difficiles dans des contextes où l'on n'a pas l'éclairage total nécessaire, puisqu'on recherche des incitations dans un domaine dont on ne sait pas encore grand-chose.

On doit pourtant avoir à l'esprit que ce travail parlementaire a été sérieux et mérite sans doute un peu de considération, car ce qui a été mis en place l'a été après analyses, réflexions, et débats contradictoires. Je souhaitais le préciser, car on a le sentiment à la lecture du rapport que ce travail parlementaire a été plus qu'approximatif - pour ne pas dire davantage.

Enfin, je m'interroge sur la distinction entre les dépenses fiscales qui servent l'environnement et celles qui ont des effets défavorables : pourquoi, dans le domaine de l'agriculture, autant de mesures seraient-elles défavorables à l'environnement ? Le fait qu'il existe du carburant détaxé est-il implicitement défavorable à l'environnement ? Je ne le crois pas. Les agriculteurs ne vont pas utiliser davantage de gazole pour autant.

Les dépenses fiscales n'ont pas été mises en place pour des raisons environnementales, mais pour permettre à l'agriculteur de maintenir des niveaux de revenus satisfaisants. On sait que c'est aujourd'hui très compliqué. Je suis donc quelque peu perplexe face à cette opposition entre dépenses favorables et défavorables.

Je me suis récemment rendu au Danemark, pays que l'on cite en exemple au plan de la fiscalité écologique, un taux important de leur fiscalité provenant de taxes dites écologiques : on s'extasiait sur l'argent que l'on retirait de la fiscalité sur la deuxième voiture. En réalité, cette disposition, qui fait que l'on paye autant d'impôt que le prix de la voiture, a été mise en place non pour faire de l'écologie, mais pour taxer le patrimoine, considérant que la deuxième voiture constituait un élément démonstratif d'un patrimoine important.

Je suis dans l'idée, comme le rapporteur général l'a dit, que nous avons un travail de tri beaucoup plus rigoureux à opérer sur ces différentes dépenses fiscales pour récupérer de nombreux milliards, dont on a aujourd'hui besoin.

M. Marc Laménie. - Les quatre-vingt-quatorze dépenses fiscales que vous évoquez - que l'on découvre pour certaines - touchent à la fois le budget de l'État et celui des collectivités locales. Cela représente des montants importants. A-t-on une idée de leur répartition ?

Vous avez par ailleurs beaucoup insisté sur l'habitat. On parle en effet depuis des années de travaux liés aux économies d'énergie. Ceci a des répercussions sur les grandes entreprises et les petits artisans.

Quant au volet transport, qu'il s'agisse des véhicules particuliers ou du ferroviaire, il est souvent à l'origine d'un énorme gâchis.

M. Yannick Botrel. - Les dépenses fiscales doivent poursuivre un but déterminé et répondre à un objectif.

Je prendrai deux exemples en rapport avec les politiques environnementales évoquées ici. Il existe un dispositif fiscal d'encouragement à l'investissement dans le domaine forestier, qui contribue selon moi à la gestion durable de la forêt, qui consiste en une exonération des droits de succession. Je m'interroge toutefois sur l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), certes pour un montant qui n'est pas extrêmement important, mais je ne vois pas bien le rapport avec le but que l'on prétend poursuivre.

Concernant la méthanisation agricole, l'objectif environnemental est évident, mais il faut examiner les dépenses fiscales dans leur globalité et qu'elles contribuent à la résilience des exploitations agricoles. Par les temps qui courent, c'est un objectif essentiel en matière d'aménagement du territoire.

On ne peut selon moi dissocier ces deux aspects. Les dépenses fiscales doivent être évaluées d'un point de vue environnemental pour le domaine qui nous concerne, mais il y a également, quoi qu'on en dise, une dimension économique derrière elles.

Mme Marie-France Beaufils. - Je découvre dans le rapport des choses intéressantes. La question que vous soulevez à propos des études d'impact en amont des prises de décision sur des choix de politiques fiscales me semble constituer un élément important, qui nous a très souvent manqué pour prendre des décisions.

Je m'interroge surtout pour savoir comment vous abordez la recommandation numéro quatre, qui propose de plafonner les dépenses fiscales grâce à des mesures d'encadrement pluriannuelles ou d'agrément administratif préalable.

Ne pensez-vous pas que ceci pousserait plutôt à substituer aux dépenses publiques une véritable politique publique, dotée d'une ligne budgétaire ? Cela éviterait un plafonnement des dépenses fiscales. Une dépense budgétaire est inscrite au sein d'une mission avec un suivi très précis, alors que l'allégement d'impôt est toujours plus difficile à suivre.

Je suis rapporteure spéciale de la mission « Remboursements et dégrèvements ». C'est pourquoi je suis critique vis-à-vis de cette façon de traiter le sujet. Vous êtes-vous arrêté en chemin dans votre recommandation, ou peut-on pousser la plus loin ?

M. Francis Delattre. - Nous sommes encore quelques-uns à faire partir d'exécutifs locaux - plus pour longtemps - mais nous vivons les choses de l'intérieur.

L'outil est intéressant, tout le monde en est d'accord, et nous savons que les niches sont bien gardées.

En tant qu'élus locaux, c'est évidemment le problème du logement qui nous intéresse. En la matière, les bâtiments peu énergivores sont aujourd'hui quasiment la règle. La publicité fait que s'ils ne l'étaient pas, ils auraient du mal à être commercialisés.

Le problème vient des logements plus ou moins anciens, très énergivores, qui posent de vrais problèmes aux copropriétés. La difficulté ne vient pas du fait que les copropriétaires ne veulent pas s'engager. Le problème est entièrement financier. Les copropriétaires qui ont acquis leur bien il y a plus de vingt ans n'ont plus de problèmes de remboursement, ce qui n'est pas le cas de ceux qui viennent d'arriver. Il est donc compliqué de s'engager dans des travaux importants.

Ce qui minore les charges des copropriétés, c'est l'intervention sur les réseaux de chauffage. On a déjà écorné les avantages fiscaux dans ce domaine. Or, on a besoin de continuité. Les plans d'amortissement portent sur quinze ou vingt ans. Ce sont des investissements lourds et on a besoin d'un horizon fiscal dégagé. Les résultats sont exceptionnels. Dans mon secteur, on a réussi à raccorder dix mille logements. Cela représente entre 30 % et 35 % d'économies sur les charges grâce aux chaufferies au bois. Cela permet d'utiliser, via l'Office national des forêts (ONF), les têtes de chêne qui pourrissent dans les forêts que nous avons en Île-de-France. Cela permet aussi de réemployer les palettes de la grande distribution.

C'est donc également intéressant sur le plan de l'économie circulaire. Lorsqu'on offre une économie de 30 % à 35 %, tous les syndicats de copropriétaires veulent se raccorder.

Vous avez par ailleurs fait référence aux petits travaux. Nous sommes d'accord sur l'analyse, mais il ne s'agit pas que d'un problème fiscal. Il vaut mieux qu'ils bénéficient d'un taux de TVA réduit si l'on veut éviter qu'ils n'échappent à l'économie tout court.

Quant au transport fluvial, le Val d'Oise est directement concerné par le projet Le Havre-Port de Paris. Le problème vient cependant de l'envasement de la Seine, sur laquelle on ne peut partout circuler, sauf avec des tonnages réduits sur la moitié du parcours. C'est un problème d'environnement que l'on devrait examiner, car je suis persuadé que le port du Havre est le port de l'Île-de-France.

M. Paul Delduc, directeur général de l'aménagement du logement et de la nature. - S'agissant du dispositif relatif au logement, si l'on considère le CITE et le coût de la tonne de carbone évitée en pensant que le CITE ne sert qu'à réduire les émissions de CO2, on va trouver des coûts élevés.

Rendre évident et avantageux pour tout le monde l'effet d'entraînement global et la dynamique collective autour de la rénovation thermique est aussi un effet du CITE. Ce crédit d'impôt a aussi entraîné une hausse du niveau de performance des éléments mis en oeuvre. Le CITE ayant des exigences plus importantes que la réglementation thermique dans l'existant, les consommateurs ont de ce fait réclamé des produits plus performants. Dans la foulée, les industriels se sont alignés sur ces exigences.

Dans le neuf, la réglementation thermique de 2012 a induit des performances assez élevées. Toutefois, cette réglementation porte sur les cinq usages principaux et non sur les usages nouveaux, en particulier électroniques - l'ordinateur, la télévision, la box - appareils qui restent branchés tout le temps et consomment une énergie prodigieuse. C'est une autre démarche qu'il faut conduire en parallèle s'agissant des maisons et des bureaux.

Pour les ménages dont les logements connaissent des difficultés, le moyen le plus efficace pour soutenir les travaux de rénovation sont les aides versées par l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH.

Il existe cependant des difficultés. On n'est toutefois pas ici dans la fiscalité, mais dans l'aide directe. Mais, s'agissant des logements anciens dont les propriétaires sont modestes, ce n'est pas forcément la fiscalité qui inciter à entreprendre des travaux de rénovation. Il faudra déployer l'intervention budgétaire plutôt que la fiscalité, à travers le marché des quotas de CO2, qui finance en partie l'ANAH.

Mme Régine Engström. - J'ajoute que la détaxation du gazole pour usage professionnel n'a pas pour objet d'augmenter la consommation de carburant. Ceci répond à un impératif économique et protège les agriculteurs de certaines distorsions de concurrence, pour leur permettre d'exercer leur métier.

Par ailleurs, on leur impose de réduire leur utilisation de produits phytosanitaires. C'est une question d'équilibre économique. Considérer qu'une mesure fiscale est favorable au seul regard de l'utilisation des carburants ne me semble pas constituer le bon biais. Ce qu'on a dit sur l'intérêt d'une approche globale conjuguant à la fois la norme, le budgétaire et le fiscal me paraît vraiment important pour arriver à qualifier l'efficience des mesures dont on parle.

Quant à l'intérêt de borner les dépenses, je rappelle que les dépenses fiscales sont des dépenses de guichet dont les montants pluriannuels sont difficiles à délimiter. On prendrait un risque juridique de rupture d'égalité puisqu'on ne pourrait pas arrêter la dépense parce que l'on a atteint le plafond fixé.

S'agissant du bornage dans le temps, nous y sommes plutôt favorables, moyennant une durée d'au moins trois ans, pour pouvoir donner de la visibilité aux gens bénéficiant de ces dépenses fiscales et permettre l'évolution des comportements dans le temps que nous visons.

M. Guillaume Appéré. - S'agissant de la question des taux réduits de taxes sur les carburants - taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel - il est important d'insister sur le fait que, désormais, cette fiscalité est assise sur la composante carbone. Les taxes sur les carburants, même les carburants professionnels, évoluent d'année en année de façon assez importante, en fonction du prix du carbone fixé par la loi de transition énergétique, bien qu'on n'en soit qu'à la troisième étape depuis 2014.

Les tarifs réduits applicables à l'agriculture, au BTP, aux taxis, etc., étant fixés en valeur absolue en fonction de l'écart par rapport au droit commun, plus celui-ci augmente, plus la dépense fiscale croît. Étant au début de l'exercice, on ne s'en rend pas encore bien compte, mais si le législateur choisit de ne rien faire, la dépense fiscale augmentera d'autant. C'est un point qu'il faut avoir à l'esprit, car c'est une nouveauté par rapport aux années précédentes.

Pour en revenir à la comparaison entre les dépenses fiscales favorables et défavorables à l'environnement, il faut adopter une vision historique. Les dispositions de taux réduits de taxes sur les carburants sont historiquement bien antérieures aux dépenses fiscales favorables à l'environnement.

Concernant les questions de bornage ou de limitation dans le temps, je rejoins ce qu'ont dit que nos collègues. Pour ce qui est de la limitation dans le temps, il faut être honnête : on a dit qu'il était important de pouvoir évaluer une dépense fiscale avant de savoir ce qu'on en faisait. Si on veut la borner dans le temps, il est important que la durée de vie qu'on lui confère soit suffisante pour pouvoir mesurer ses effets.

Lorsque l'on a affaire à un impôt annuel comme l'impôt sur le revenu, on ne connaît les données chiffrées qu'au bout d'un an. Si la dépense fiscale a un an d'espérance de vie, on sera incapable d'en évaluer l'efficience.

M. Jean-Pierre Perrot. - Personne n'a dit que le bornage devait être d'un an !

M. Guillaume Appéré. - C'est un exemple théorique. Il existe des dépenses fiscales renouvelées chaque année. C'est le cas du CITE.

Quant au plafonnement en valeur, la loi de programmation des finances publiques telle qu'elle existe prévoit un plafonnement global des dépenses fiscales. Le Gouvernement en rend comptes chaque année au Parlement, dans les documents annexés au projet de loi de finances, en comparant le montant global des dépenses fiscales au plafond.

Faut-il passer d'un plafond global à un plafond dépense par dépense ? On revient là aux difficultés en termes de chiffrage. Il serait très difficile, chaque année, de comparer le coût d'une dépense fiscale par rapport à son plafond, certains effets pluriannuels, cycliques, pouvant ne pas être pertinents année par année.

Peut-on juridiquement plafonner une dépense fiscale ? Comme cela a été dit, la différence entre une dépense fiscale et une dépense budgétaire est basée sur le fait que la dépense fiscale est une dépense de guichet « ouvert ». Le contribuable, lorsqu'il considère qu'il « rentre dans les clous », demande à bénéficier du crédit d'impôt. On ne peut le lui refuser, sauf contrôle a posteriori.

Certaines dépenses fiscales sont plafonnées, comme le prêt à taux zéro (PTZ). Il existe donc un plafonnement réglementaire, mais il intervient d'année en année, les critères pouvant être revus tous les ans. On a donc toujours un temps de retard par rapport au contribuable.

Je rejoins ce que Régine Engström a dit au sujet de la difficulté juridique. Quand on a affaire à une dépense fiscale, on ne peut dire en fin d'année au contribuable que le guichet est fermé. En effet, en termes d'égalité devant l'impôt, il doit être traité cela même façon que le contribuable arrivé en début d'année. Il n'y a pas de doute au plan juridique.

S'agissant des questions de communication, nous faisons tous les efforts possibles pour essayer de diffuser chaque année les nombreuses nouveautés législatives.

Il existe un document annexé au projet de loi de finances, le tome 2 du Fascicule des voies et moyens, qui dresse la liste des dépenses fiscales une par une. C'est un lourd travail, qui est accompli et amélioré chaque année, et qui donne souvent lieu à des remarques de la Cour des comptes. Chaque dépense fiscale est chiffrée sur trois ans, et la qualité du chiffrage est également détaillée. Nous faisons donc un effort de transparence sur les montants concernés.

M. Jean-Pierre Perrot. - Le charme d'un exercice comme celui auquel nous sommes conviés réside dans le fait qu'il nous conduit à parcourir à nouveau l'ensemble des politiques publiques. La vocation du rapport que nous vous avons présenté est un peu plus modeste.

Je voudrais répondre brièvement aux différents intervenants.

André Gattolin a affirmé qu'il existe un certain nombre de niches extrêmement néfastes. Je rappelle qu'avant de s'y attaquer de front, il faut bien mesurer les effets sur les secteurs économiques concernés, en particulier s'agissant des transports routier et aérien, dans lesquels le contexte européen et international rend des mesures d'alignement particulièrement aventureuses. Sans doute peuvent-elles être vertueuses, mais elles peuvent aussi avoir des conséquences économiques fâcheuses.

François Marc semble croire que nous nous sommes attaqués à la qualité du travail parlementaire. J'espère qu'il s'agit d'un malentendu. C'est l'ensemble du dispositif que nous avons examiné. S'agissant de la classification entre dépenses favorables et dépenses défavorables, je citerai volontiers le mot de Paul Valéry : « Tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui est compliqué est inutilisable ». Nous avons donc simplement cherché à simplifier l'exercice. J'ai dirigé moi-même durant plusieurs années le cabinet d'un ministre de l'agriculture. Loin de moi l'idée de méconnaître, dans le secteur agricole, les enjeux économiques qui s'attachent à certains dispositifs !

S'agissant du carburant, nous constatons simplement que lorsque des moteurs tournent à vide - ce qui est physiquement la situation - il n'y a pas plus de consommation, mais il n'y en a pas moins d'effets négatifs sur la pollution de l'air. Ce n'est pas du tout une prise de position en faveur de la suppression d'une mesure particulière dans un secteur dont nous connaissons bien la fragilité.

À Marc Laménie, je voudrais dire que nous sommes doublement sensibles à ses remarques sur les conséquences sur les impôts locaux. Une des difficultés que nous avons constatées réside dans le fait que l'État a parfois tendance à faire supporter aux collectivités locales le coût des mesures incitatives qu'il prend, parfois en deux temps, en les compensant à l'origine, puis en les compensant de moins en moins. Ce n'est évidemment pas neutre pour la mise en oeuvre de ces dispositifs, notamment pour les petites communes rurales, que cette assemblée a pour vocation de représenter.

Or, sur ce point l'information disponible n'est pas complètement satisfaisante. Je présente mes excuses aux administrations concernées. C'est un sujet qui mériterait, du fait de sa sensibilité, d'être mieux documenté.

À Yannick Botrel, je voudrais dire que nous partageons ses remarques concernant la forêt. En effet, la forêt étant ce qu'elle est, un certain nombre de dispositions sont tout à fait justifiées, notamment pour les petits propriétaires, afin d'accompagner l'évolution de la forêt française qui, du point de vue économique, est sous-utilisée par rapport à ses potentialités. Tout ce qui peut y remédier - et c'est le cas des dépenses fiscales - et qui peut réduire les conséquences fâcheuses de la fragmentation du patrimoine forestier français doit être encouragé.

À Marie-France Beaufils, je répondrai que nous sommes bien conscients qu'il serait parfois plus simple de passer par le biais budgétaire pour plafonner une dépense fiscale. Toutefois, en ces temps de disette budgétaire dans lesquels notre pays semble installé pour un certain temps, la dépense fiscale apparaît parfois comme une facilité ou comme une tentation.

L'exemple cité par l'administration du plafonnement de la dépense fiscale attachée au prêt à taux zéro montre que cette notion est parfois possible et pertinente.

À Francis Delattre, je me permets de dire, à titre personnel, que ma vision des sujets qu'il a évoqués n'est pas du tout théorique : étant moi-même, depuis plus de vingt ans, dans un exécutif local, rien ne me parle davantage que ce que vous avez dit concernant les grandes copropriétés. Je n'ai pas une vision « hors sol » sur ce sujet, et je mesure fort bien l'intérêt d'autres instruments que celui des dépenses fiscales pour ces grandes copropriétés qui sont confrontées à des problèmes de solvabilité qu'elles sont aujourd'hui dans l'incapacité de résoudre seules. Ceci peut parfois avoir des conséquences extrêmement fâcheuses. Le cas des réseaux de chaleur est très souvent un exemple vertueux qui fait école. Je souscris donc parfaitement aux propos que vous avez tenus.

Enfin, en ces temps que nous vivons, on use des dépenses fiscales, qui apparaissent comme une grande tentation, et on en abuse parfois un peu. Nous avons essayé de dire que les dépenses fiscales ne constituent pas un « couteau suisse ». Elles peuvent avoir leur vertu dans certaines conditions, mais ne sauraient se substituer aux autres instruments de politique publique. Elles gagneraient à bénéficier de progrès méthodologiques, même si ce n'est guère aisé. Faire bouger le statu quo est toujours difficile.

La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes et du compte rendu de l'audition en annexe à un rapport d'information de M. Albéric de Montgolfier.

La réunion est close à 19 h 35.

Mercredi 9 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente

Loi de finances pour 2017 - Examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2017 » - Tome I du rapport général - Communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires

La réunion est ouverte à 9 h 35.

La commission procède à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2017 et entend sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

Mme Michèle André, présidente. - Nous ouvrons cette séance de la commission des finances dans un climat bien particulier.

Le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, nous présentera les principaux éléments d'équilibre du projet de loi de finances pour 2017, figurant dans le tome I du rapport général, avant sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - J'essaierai d'être aussi complet que possible, mais, pour l'être tout à fait, je vous invite à vous référer au tome I du rapport général.

Nous nous trouvons à un moment clef de l'examen du projet de loi de finances, consacré à l'analyse des principaux équilibres du budget de l'année à venir.

Le projet de loi de finances pour 2017 se présente sous les traits d'un budget de campagne. À moins d'un an des élections, le Gouvernement cherche non seulement à donner des gages de son sérieux budgétaire, en particulier en affichant un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017, mais aussi à trouver des marges de manoeuvre en vue de relâcher les efforts en matière de dépenses.

M. Didier Guillaume. - C'est que ce vous annoncez aussi !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je m'exprime en tant que rapporteur général de la commission des finances, non en tant que candidat à la primaire !

Si le Gouvernement parvient à respecter, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, ce n'est qu'au prix d'un nouveau renoncement à la parole donnée pour ce qui est des baisses de la fiscalité des entreprises devant intervenir en 2017. Hier, certains d'entre nous ont rencontré la Fédération bancaire française (FBF), qui a rappelé les difficultés engendrées par les renoncements en matière de fiscalité - en particulier concernant la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

En outre, le retour du déficit public en dessous de 3 % du PIB n'est aucunement assuré : les hypothèses d'évolution de l'activité économique et des dépenses publiques retenues par le Gouvernement sont particulièrement optimistes. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur le réalisme du projet de loi de finances.

Au cours de l'année 2016, les facteurs exogènes favorables observés en 2015 continuent à porter la croissance du PIB. En effet, le prix du pétrole reste faible et la Banque centrale européenne (BCE) a amplifié sa politique monétaire « accommodante » Ainsi, en mars dernier, le montant des rachats mensuels d'actifs a été porté de 60 à 80 milliards d'euros et étendu à certains titres émis par des entreprises privées ; en outre, la banque centrale a réduit ses principaux taux directeurs et engagé une nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme. Ces facteurs exogènes devraient contribuer à ce que la croissance du PIB atteigne 1,6 % dans la zone euro en 2016.

Malgré cela, comme en 2014 et en 2015, la France connaîtrait une progression de son activité moindre que ses partenaires de la zone euro. L'hypothèse de croissance du Gouvernement de 1,5 % en 2016 impliquerait, selon le Haut Conseil des finances publiques, « une forte augmentation du PIB aux 3e et 4e trimestres ». C'est pourquoi le Haut Conseil estime que la prévision gouvernementale est « un peu élevée ». Cela tend à être confirmé par la croissance constatée au troisième trimestre, de + 0,2 % seulement, après un recul de 0,1 % au deuxième trimestre. D'ailleurs, le ministre chargé de l'économie, Michel Sapin, a reconnu lui-même, il y a quelques jours, que la croissance serait probablement comprise entre 1,3 et 1,5 % en 2016.

Pour 2017, le Gouvernement conserve néanmoins la prévision de croissance avancée dans le programme de stabilité d'avril 2016. À l'inverse des organisations internationales et du Consensus Forecasts, il ne tient pas compte de la dégradation du contexte économique depuis le printemps dernier.

Les facteurs favorables à la croissance commencent à se dissiper. Les prix du pétrole se stabilisent ; ils pourraient même croître de nouveau en cas de succès de l'accord conclu entre les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en septembre dernier ; de même, l'évolution du taux de change aurait une incidence moindre sur la compétitivité des entreprises européennes. Dans un contexte de montée des risques de nature politique, en lien avec le « Brexit », le référendum italien ou encore le résultat des élections américaines, la croissance des pays de la zone euro pourrait ralentir. Par ailleurs, alors que le scénario gouvernemental repose, notamment, sur un rebond des exportations, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a, récemment, revu à la baisse ses prévisions de progression des échanges internationaux de manière significative.

L'hypothèse de croissance du Gouvernement en 2017, de 1,5 %, est supérieure à l'ensemble des anticipations des organisations internationales, qu'il s'agisse du Fonds monétaire international (FMI), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou du Consensus Forecasts.

Les prévisions de la Commission européenne doivent être publiées aujourd'hui, à 10 heures. Celles-ci figureront dans mon rapport.

Après deux reports du délai de correction du déficit effectif - en 2013 et en 2015 -, le Gouvernement fait du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB le principal objectif du projet de loi de finances pour 2017.

Rappelons que la France fait l'objet d'une procédure pour déficit excessif et que, en cas de non-respect de sa cible, la France serait fortement exposée à un risque de sanction dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Alors que la France comptait, en 2015, parmi les quatre derniers États de la zone euro à afficher un déficit supérieur à 3 % du PIB, aux côtés de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, une certaine lassitude de nos partenaires européens commence à apparaître face à l'incapacité de notre pays à respecter ses engagements budgétaires.

Surtout, le risque de sanction par les institutions européennes se trouve accru par le fait que le Gouvernement n'est pas parvenu à atteindre les objectifs d'ajustement structurel définis par le Conseil de l'Union européenne à l'occasion du dernier report du délai de correction du déficit excessif, en mars 2015, soit 0,5 point de PIB en 2015, 0,8 point en 2016 et 0,9 point en 2017. La trajectoire du Gouvernement prévoit une réduction du solde structurel de 0,4 point de PIB en 2015, de 0,3 point en 2016 et de 0,5 point en 2017.

Si la trajectoire gouvernementale respecte les objectifs de la dernière loi de programmation des finances publiques, il n'en va pas de même pour ceux du programme de stabilité d'avril 2016, qui constitue une référence plus pertinente et plus récente et tient compte des exigences européennes.

Le Gouvernement ne parvient pas à respecter les cibles d'ajustement structurel définies dans ce programme. L'ajustement structurel en 2016 s'élèverait à 0,3 point de PIB contre une cible de 0,4 point de PIB définie en avril dernier. En outre, le Gouvernement en a modifié, de manière significative, la composition. L'objectif d'effort en dépenses pour l'année 2016 a été réduit de 0,2 point de PIB entre le programme de stabilité et le projet de loi de finances. Cela semble préfigurer le relâchement de l'effort en dépenses prévu au titre du prochain exercice. En effet, concernant 2017, l'effort en dépenses prévu est également diminué de 0,2 point de PIB ; toutefois, pour maintenir inchangé le niveau de l'ajustement structurel affiché, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires sont révisées, pour passer de - 0,3 point de PIB à 0.

Concrètement, cela signifie que les baisses d'impôt annoncées pour 2017 sont en réalité annulées. Elles pèseront sur les exercices suivants.

En effet, le Gouvernement ne parvient à atteindre, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017 qu'au prix d'un renoncement aux engagements pris en matière fiscale au cours des dernières années. En particulier, les baisses de charges prévues au titre de l'exercice 2017 au titre du Pacte de responsabilité et de solidarité sont réduites de 5 milliards d'euros. La suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) est abandonnée et la première réduction du taux légal de l'impôt sur les sociétés est reportée.

On ne peut que regretter une telle inconstance fiscale, qui nuit à l'attractivité de notre territoire. Surtout, le coût des mesures de substitution - soit la baisse de l'impôt sur les sociétés et les nouveaux allégements de cotisations des travailleurs indépendants - ne devrait représenter que 450 millions d'euros en 2017. La compensation n'est pas à la hauteur !

On mesure tout l'intérêt pour le Gouvernement, en vue d'un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, de transformer une baisse de 5 milliards d'euros d'impôts en une réduction limitée à 450 millions d'euros.

Au total, alors que le programme de stabilité d'avril 2016 prévoyait des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires d'un montant de - 5,7 milliards d'euros en 2017, celles-ci sont estimées à + 0,5 milliard d'euros dans le cadre du projet de loi de finances. Le taux de prélèvements obligatoires resterait donc inchangé en 2017, à 44,5 % du PIB.

Pourquoi ce coup d'arrêt dans la baisse des prélèvements obligatoires ? Pour que le Gouvernement puisse relâcher ses efforts sur les dépenses. Quelle que soit la nature de l'évolution examinée, en valeur ou en volume, avec ou sans crédits d'impôt, il apparaît que les prévisions de progression de la dépense publique en 2016 et 2017 ont été considérablement révisées à la hausse. À titre d'exemple, alors que le programme de stabilité prévoyait une hausse de la dépense en valeur, hors crédits d'impôt, de 1,1 % en 2017, celle-ci est estimée à 1,6 % dans le projet de loi de finances.

D'ailleurs, le quantum d'économies prévu en 2017 dans le cadre du programme d'économies de 50 milliards d'euros, il est vrai désormais abandonné, est revu de 19 à 12 milliards d'euros.

L'ensemble des administrations publiques s'inscrivent dans cette dynamique. En particulier, les dépenses de l'État sont revues à la hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité d'avril 2016. De même, le taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est relevé de 1,75 % à 2,1 %, ce qui correspond à une augmentation de son montant de 0,7 milliard d'euros.

Ce relâchement des efforts en dépenses intervient dans un contexte où la France affiche un des ratios entre ses dépenses publiques et son PIB parmi les plus élevés de la zone euro, supérieur de 8,2 points à la moyenne.

En outre, il apparaît que la progression des dépenses a été, en France, bien plus dynamique que chez ses partenaires européens. Celles-ci ont progressé, en moyenne et en valeur, de près de 2 % par an entre 2011 et 2015, contre une moyenne de 1 % dans la zone euro, soit le double ! Cela relativise le discours sur les économies...

Le Gouvernement prévoit un recul du poids de la dette publique dans la richesse nationale de 0,1 point de PIB en 2017. Ainsi, la dette représenterait 96 % du PIB. Pour autant, dans le scénario gouvernemental, ce n'est qu'à compter de 2018 que la dette publique engagerait une réelle décrue.

La baisse de la dette en 2017 serait portée non par l'État mais par les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. En effet, celle de l'État et de ses opérateurs continuerait de progresser, pour atteindre 1 790 milliards d'euros.

Ce projet de loi de finances pour 2017 présente toutes les caractéristiques d'un budget de campagne : le Gouvernement procède à des réorientations opportunistes de sa politique budgétaire et fiscale. Plus grave, sa sincérité est contestable. En effet, le projet du Gouvernement repose sur des hypothèses optimistes d'évolution, d'une part, de la croissance de l'activité et, d'autre part, des dépenses publiques. Je rappelle la présentation par Didier Migaud il y a quelques semaines devant notre commission, de l'avis du Haut Conseil des finances publiques.

Il apparaît donc nécessaire de rétablir la vérité budgétaire et d'estimer le niveau réel du déficit public et de la dette qui serait légué à la prochaine majorité gouvernementale, quelle qu'elle soit.

Dans cette perspective, j'ai tout d'abord examiné les incidences de la surestimation des hypothèses de croissance au titre des années 2016 et 2017, qui conduit à surévaluer l'évolution naturelle des recettes publiques.

J'ai donc envisagé deux scénarios. Dans le premier, que l'on peut qualifier de favorable, la croissance de l'activité serait de 1,5 % en 2016, comme le prévoit le Gouvernement et de 1,2 % en 2017 conformément aux anticipations du Consensus Forecasts ; dans le second, défavorable, la croissance s'élèverait à 1,3 % en 2016 et à 1,2 % en 2017, comme le prévoit le consensus des économistes.

Le déficit public serait plus dégradé, de 0,1 à 0,2 point de PIB par rapport à la trajectoire du Gouvernement, ce qui correspond à de moindres recettes, comprises entre 3,5 et 6 milliards d'euros.

Toutefois, une estimation fine de l'évolution possible du déficit public en 2017 implique de considérer également les dépenses publiques.

En effet, comme le met en évidence le tome I du rapport général, nombre de dépenses publiques sont sous-évaluées, et ce pour les différentes catégories d'administrations publiques.

En premier lieu - nous le dénonçons souvent ici, quelles que soient nos appartenances politiques -, les sous-budgétisations récurrentes observées au cours des années passées au sein du budget de l'État devraient se reproduire, pour un montant entre 1,1 et 2,1 milliards d'euros.

À cela s'ajoute la non-prise en compte des effets sur le déficit public de la recapitalisation d'Areva par l'État à hauteur de 2 milliards d'euros.

En outre, la révision à la hausse du taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ne couvre pas l'intégralité des dépenses supplémentaires de santé, qui intègrent les effets de la nouvelle convention médiale, de la hausse du point d'indice dans les établissements hospitaliers et du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ». Au total, des dépenses seraient sous-estimées de 0,5 milliard d'euros.

Enfin, le Gouvernement anticipe un recul des dépenses de l'Unédic en 2017 du fait d'une baisse du chômage et des effets de la prochaine convention de l'assurance chômage. De son côté, l'Unédic prévoit une hausse du chômage indemnisé et la nouvelle convention ne serait négociée qu'au cours de l'année prochaine. Les dépenses de l'Unédic pourraient ainsi être supérieures de 1,2 milliard d'euros à l'estimation gouvernementale.

Au total, les dépenses publiques seraient possiblement supérieures de 4,8 à 5,8 milliards d'euros en 2017 à ce que prévoit le projet de loi de finances.

En tenant compte à la fois des incidences de la surestimation de la croissance du PIB sur les recettes et de la sous-évaluation des dépenses publiques, le déficit public serait plus dégradé, en 2017, de 8,3 à 11,8 milliards d'euros. Aussi, le déficit public ne s'élèverait pas à 2,7 % du PIB en 2017, comme le prévoit le Gouvernement, mais serait compris entre 3 % et 3,2 % du PIB.

En cas de réalisation du scénario le moins favorable, qui n'est pas irréaliste, la dette publique croîtrait de nouveau en 2017, pour atteindre 97,1 % du PIB, contre une prévision gouvernementale de 96 %. L'ajustement structurel réalisé en 2017 serait, lui, ramené à 0,3 point de PIB - contre une cible de 0,5 point de PIB dans le projet de loi de finances - venant renforcer le risque de sanction de la France au titre du Pacte de stabilité et de croissance.

Au total, ces projections font clairement apparaître la situation budgétaire dégradée qui sera laissée à la prochaine majorité gouvernementale.

M. Didier Guillaume. - On a connu cela...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Surtout, la majorité gouvernementale issue des élections de 2017, quelle qu'elle soit, verra ses marges de manoeuvre considérablement réduites. En particulier, elle devra composer avec les échéances inhérentes aux engagements européens de la France, dont le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB. De plus, le Gouvernement a d'ores et déjà pris des engagements qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017. En effet, au-delà du fait que le relâchement des efforts sur les dépenses aura des effets d'inertie à moyen terme, le Gouvernement fait, dans le cadre du présent projet de loi de finances, des promesses en matière de fiscalité qui contribuent, en l'état actuel des choses, à dégrader de 7,7 milliards d'euros le solde public de 2018 : la création d'un crédit d'impôt en faveur des associations, la hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, ou encore la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et l'extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne.

Je vais maintenant détailler les principales caractéristiques du budget de l'État pour 2017.

Du côté des dépenses, le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques n'est pas respecté. En effet, celle-ci prévoyait qu'à périmètre constant les dépenses des ministères ne devaient pas dépasser 222,9 milliards d'euros en 2017. Ce plafond est dépassé de 9,1 milliards d'euros.

Les seules économies significatives du projet de loi de finances pour 2017 par rapport à la loi de programmation sont de pure constatation et ne dépendent aucunement des choix budgétaires du Gouvernement.

Ainsi, la charge de la dette est réévaluée très nettement à la baisse, à hauteur de 7,7 milliards d'euros, ce qui s'explique par le maintien d'un environnement de taux bas en raison, notamment, de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui mène un important programme de rachats de titres profitant essentiellement aux émetteurs de la dette publique.

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne devrait, quant à lui, être inférieur de 2,4 milliards d'euros à la prévision de la loi de programmation - encore qu'il faille être prudent sur ce point. La contribution britannique étant libellée en livres sterling, le risque de change est supporté par les autres États.

Le Gouvernement renonce donc clairement à tenir ses engagements en matière de dépenses et, dès la budgétisation initiale, annonce un dérapage de près de 10 milliards d'euros.

Plus de 40 % de la hausse des dépenses est due à la masse salariale, pour un montant de 3,2 milliards d'euros, portant la masse salariale totale à 84,9 milliards d'euros, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

La hausse de près de 4 % de la masse salariale - ce n'est pas raisonnable - témoigne d'une rupture avec tout objectif de maîtrise des dépenses de personnel de l'État. Le plafond d'évolution de la masse salariale fixé par la loi de programmation des finances publiques est ainsi largement dépassé. En effet, le budget triennal prévoyait une croissance de 0,3 % par an de la masse salariale de l'État entre 2014 et 2017, soit 250 millions d'euros par an - une évolution dix-huit fois inférieure à l'augmentation prévue par le Gouvernement sur la période. Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses de personnel. Voilà qui relativise le discours du Gouvernement sur ses efforts de maîtrise.

Ainsi l'augmentation totale des dépenses de personnel, sur l'ensemble du quinquennat, s'élèvera à 5,1 %. À titre de comparaison, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012 et était restée stable de 2002 à 2007.

Encore de quoi nuancer les efforts du Gouvernement en la matière...

Cette augmentation annule, en effet, presque l'intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle s'explique par un relâchement manifeste des efforts de maîtrise budgétaire, à la fois en matière d'effectifs et de mesures salariales. C'est grave, puisqu'elle entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017. L'embauche d'un fonctionnaire crée des dépenses pour toute la durée de sa carrière, et de sa retraite.

Le plan de lutte contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire n'expliquent qu'une faible partie de cette évolution : la hausse provient d'abord des recrutements dans d'autres ministères prioritaires, notamment l'éducation nationale, de l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT), mais aussi du dégel du point d'indice, pour 850 millions d'euros, et des mesures du protocole dit PPCR (« Parcours professionnels, carrières et rémunérations ») pour 687 millions d'euros, ou 1,2 milliard d'euros en tenant compte du CAS « Pensions ».

Or les leviers d'une maîtrise de la masse salariale existent. Je rappellerai, par exemple, que l'alignement de la durée du travail dans le secteur public sur le temps de travail habituel dans le secteur privé, soit 37,5 heures par semaine, permettrait d'économiser 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État. Dans le conseil départemental d'Eure-et-Loir, que je préside, nous avons économisé 60 équivalents temps plein en passant aux 37,5 heures hebdomadaires. C'est possible !

Non seulement les dépenses budgétaires dérapent, mais certaines d'entre elles sont sous-estimées. Nous avons identifié, depuis 2012, les dépenses sous-budgétées de façon récurrente et dans des ordres de grandeur assez importants pour nécessiter l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année et en fin de gestion.

Onze postes de dépenses ayant connu des sur-exécutions fréquentes, parce qu'ils avaient été sous-estimés, ont ainsi été identifiés, tels que les frais de justice, les aides au logement, l'aide médicale d'État ou encore le RSA et la prime d'activité. Au total, les sous-budgétisations sur le budget général s'élèvent à près de 2,5 milliards d'euros par an en moyenne. Ces onze postes ont fait l'objet d'une analyse plus détaillée pour appréhender les risques spécifiques à 2017.

À ces sous-budgétisations sur le budget général s'ajoute également une prévision manifestement insincère des recettes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2017 : au moins 2 milliards d'euros supplémentaires devront vraisemblablement être soit prélevés sur le solde cumulé reporté de 2016 à 2017, soit versés par le budget général de l'État au compte spécial. La variation annuelle du solde des comptes spéciaux étant intégrée au solde budgétaire de l'État, ces 2 milliards d'euros manquants doivent être ajoutés au total des sous-budgétisations.

Ces analyses ont permis la construction de deux scénarios : un premier favorable, ne retenant que les sous-budgétisations les plus manifestes, pour leur montant minimal, et un second défavorable, qui retient la moyenne des sur-exécutions constatées de 2012 à 2015.

Le scénario favorable s'établit à 3,1 milliards d'euros de sous-budgétisations. Le scénario défavorable correspond à une estimation des sous-budgétisations s'élevant à 5,2 milliards d'euros.

Concernant les prévisions de recettes en 2017, force est de constater qu'elles semblent renouer avec un optimisme peu prudent.

Les recettes fiscales nettes, c'est-à-dire calculées après imputation des remboursements et dégrèvements, augmenteraient de 6,6 milliards d'euros (+ 2,3 %) par rapport à la prévision révisée pour 2016. Une grande partie de cette augmentation proviendrait de leur évolution spontanée avec une élasticité des recettes à la croissance du PIB estimée à 1,4. En d'autres termes, les recettes fiscales en 2017 doivent progresser plus rapidement que la croissance de l'économie française, dont l'évaluation elle-même est optimiste.

L'augmentation de l'élasticité apparaît particulièrement forte pour l'impôt sur les sociétés : elle est estimée à 2,5, contre 1,5 en 2016, alors même que l'élasticité prévisionnelle révisée pour 2016 est revue à la baisse de 0,4, du fait de la révision à la baisse de l'estimation du bénéfice fiscal de 2015.

Le solde budgétaire de l'État s'établirait à - 69,3 milliards d'euros en 2017. Le Gouvernement se targue du fait que « le déficit atteindrait son plus bas niveau depuis 2008 ».

Ce satisfecit a de quoi surprendre au regard du caractère artificiel de l'amélioration du solde : celle-ci résulte d'un mouvement de trésorerie qui ne correspond en rien à un rétablissement de la situation financière de l'État. En effet, cette estimation ne neutralise pas une hausse du solde des comptes spéciaux de 4 milliards d'euros liée à un simple jeu d'écriture : la trésorerie dont l'État disposait sur le compte de la Coface, son solde créditeur, est en effet versée sur le compte de commerce « Soutien au commerce extérieur » créé par l'article 25 du présent projet de loi, pour tenir compte du fait que la gestion des garanties liées au développement international de l'économie française, qui étaient jusqu'ici mise en oeuvre par la Coface, filiale de Natixis, est transférée à Bpifrance Assurance Export, filiale du groupe Bpifrance.

Ce solde créditeur du compte spécial ne correspond pas à une nouvelle recette mais bien à un simple mouvement de crédits qui devrait être signalé comme une mesure de périmètre, ce qui n'est pas le cas. C'est un tour de passe-passe !

En neutralisant le reversement de la Coface au compte de commerce, le solde budgétaire de l'État se dégrade entre 2016 et 2017 de 1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 et de 3,4 milliards d'euros par rapport au solde révisé.

À périmètre constant, la dégradation du déficit budgétaire de l'État pourrait être encore plus importante si les risques en dépenses se matérialisaient.

Non seulement le budget 2017 démontre un clair dérapage des dépenses de l'État mais, au surplus, le Gouvernement prend de nombreux engagements qui contraindront les dépenses de l'État en 2018 et surtout au-delà.

La budgétisation du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), en 2017 a de quoi surprendre : aucun crédit de paiement n'est prévu pour l'année à venir. Seules des autorisations d'engagement sont inscrites au budget de l'État, ce qui donne au Gouvernement l'occasion d'afficher un effort de 10 milliards d'euros en faveur d'investissements de long terme sans dégrader le solde budgétaire d'un centime. Le Gouvernement laisse donc la charge du financement effectif du programme, en crédits de paiement, aux exercices postérieurs à 2017.

En outre, le Gouvernement ne cesse d'annoncer des dépenses nouvelles, généralement pluriannuelles. Ces annonces remettent en cause la crédibilité du projet de loi de finances quelques semaines seulement après son dépôt. Elles font peser une charge supplémentaire non seulement sur 2017, mais aussi sur les exercices à venir.

Ainsi, l'annonce du Président de la République, le 27 octobre dernier, d'augmenter les moyens liés aux opérations de rénovation urbaine de 1 milliard d'euros ne pèsera qu'à hauteur de 100 millions d'euros en 2017. Concrètement, 900 millions d'euros devront être décaissés - et financés - à partir de 2018.

Concernant le plan de lutte contre la surpopulation carcérale, 1,16 milliard d'euros ont été engagés en autorisations d'engagement, signifiant que le décaissement des crédits de paiement, qui seuls, pèsent sur le solde budgétaire de l'État, se fera intégralement sur les exercices postérieurs à 2017.

Un plan de lutte contre la radicalisation a aussi été annoncé par le Premier ministre et devrait s'élever à 100 millions d'euros sur trois ans. Il est en outre probable que le plan de sauvetage d'Alstom qui, pour l'instant, n'est pas budgétisé, ne sera pas intégralement financé sur l'année 2017.

Ce sont ainsi au moins 2 milliards d'euros de dépenses qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017, auxquels il faut ajouter les 10 milliards d'euros du troisième programme d'investissements d'avenir, dont, je le rappelle, pas un centime n'est prévu en crédits de paiement en 2017.

Le projet de loi de finances inclut également de nombreuses mesures en recettes dont le coût budgétaire portera presque exclusivement sur les exercices postérieurs à 2017.

Ainsi, le passage du taux de crédit d'impôt compétitivité emploi de 6 % à 7 % n'aura aucun impact en 2017, mais diminuera le produit de l'impôt sur les sociétés de 1,6 milliard d'euros en 2018 et son incidence budgétaire atteindra 3,1 milliards d'euros à horizon 2021.

De même, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés à 28 % - dont je ne critique pas le bien-fondé - ne coûtera que 330 millions d'euros en 2017, mais grèvera le budget de l'État de 1,45 milliard d'euros en 2018 et de 7 milliards d'euros en 2021.

De façon similaire, la prorogation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et son cumul avec le dispositif d'éco-PTZ ne coûteront que 1 million d'euros en 2017, mais 1,7 milliard d'euros en 2018.

Doit également être signalée l'extension du crédit d'impôt sur le revenu pour les particuliers employeurs, qui devrait coûter 1,1 milliard d'euros à compter de 2018, ainsi que le crédit d'impôt au profit des associations annoncé par le Gouvernement qui devrait correspondre à une perte de recettes de 600 millions d'euros à partir de 2018.

Au total, le Gouvernement propose des mesures en recettes dont l'impact budgétaire sera « seulement » de 330 millions d'euros en 2017, mais dont le coût croîtra de manière exponentielle à 6,4 milliards d'euros en 2018 et 11,8 milliards d'euros à horizon 2021.

Lorsqu'on ajoute à ce montant les reports de charges en dépenses, le budget 2017 proposé par le Gouvernement comprend près de 25 milliards d'euros de charges qui pèseront sur les années postérieures à 2017, dont plus de 8 milliards d'euros pour la seule année 2018. Il s'agit là d'un détournement du principe d'annualité budgétaire, selon lequel « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ».

Pour conclure, je vous propose quelques éléments de bilan de la politique fiscale entre 2012 et 2016.

À partir de la crise de 2008, tous les pays de l'Union européenne ont été contraints d'augmenter leurs prélèvements obligatoires.

M. Richard Yung. - C'était un choix.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement estime avoir effacé l'ensemble des hausses de prélèvements concernant l'impôt sur le revenu et la fiscalité des entreprises survenues au début du quinquennat ; néanmoins le taux de prélèvements obligatoires demeure élevé. En 2016, selon les prévisions gouvernementales, celui-ci devrait s'élever à 44,5 % du PIB, soit près de deux points de plus qu'en 2011.

Dans ces conditions, il est nécessaire de s'interroger sur les facteurs expliquant cette évolution.

Tout d'abord, rappelons les exigences qui devaient structurer la politique fiscale du quinquennat, selon les annonces du Gouvernement. À l'été 2012, celui-ci indiquait vouloir redresser les comptes publics dans la justice, ce qui impliquait, selon lui, de préserver les plus modestes ainsi que le potentiel de croissance de l'économie. Pourtant, les Français se sont rendus compte que ces exigences n'ont pas été respectées, et ce dès le début du quinquennat. Je ne suis pas l'auteur de l'expression « ras-le-bol fiscal »...

C'est que le début du quinquennat a été marqué par un véritable « choc » fiscal : les lois financières adoptées en 2012 par la nouvelle majorité gouvernementale ont accru les prélèvements directs acquittés par les ménages de près de 16 milliards d'euros au titre des années 2012 et 2013. Or il apparaît qu'une part significative des mesures adoptées en 2012-2013 ont concerné quasi indifféremment les contribuables aisés et les moins favorisés. À titre d'exemple, la suppression de l'exonération des revenus afférents aux heures supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales a représenté une hausse pérenne de la pression fiscale de 4,6 milliards d'euros. Des députés socialistes ont eux-mêmes reconnu que cette mesure ne touchait pas uniquement les classes aisées.

Au titre du seul impôt sur le revenu, la hausse moyenne des impositions payées a représenté 190 euros pour les 8,9 millions de salariés concernés. Certes, 30 % du surcroît d'impôt aura été acquitté par 10 % des ménages les plus aisés ; pour autant, selon la direction générale du Trésor, 230 000 foyers ont été rendus imposables en 2013 par la fiscalisation des heures supplémentaires, dont 80 % situés entre le quatrième et le sixième déciles de niveau de vie.

Surtout, la suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires a touché l'ensemble des salariés, y compris ceux qui n'étaient pas imposés, et ce proportionnellement à leurs revenus.

Par la suite, en dépit d'une première baisse de l'impôt sur le revenu en 2014 au profit des ménages modestes, d'autres mesures sont venues alourdir la charge fiscale des ménages. Entre autres, la réforme des retraites s'est accompagnée d'une hausse des cotisations, atteignant près de 3 milliards d'euros au total, et de nouvelles mesures relatives à l'impôt sur le revenu sont intervenues : abaissement du plafond du quotient familial
- 1 milliard d'euros -, ou encore suppression de l'exonération des majorations de pension, pour 1,2 milliard d'euros.

La charge fiscale des ménages a donc fortement progressé au cours du quinquennat. Elle est passée de 14,5 % du PIB en 2011 à 16 % du PIB en 2016, le Gouvernement la justifiant par la priorité donnée aux entreprises. Encore, cette estimation ne tient pas compte des hausses portant sur les impôts indirects.

La baisse du taux de prélèvements obligatoires amorcée en 2014 est donc principalement liée aux mesures de réduction des charges supportées par les entreprises par le biais du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité.

Dès lors que la charge fiscale des ménages a constamment crû au cours de la législature - en dépit d'une très légère baisse observée en 2016, je le reconnais -, les mesures en faveur des contribuables modestes ont conduit à une concentration accrue de l'impôt.

Ainsi, la part des contribuables effectivement imposés à l'impôt sur le revenu est passée de 50 % en 2012 à 44 % en 2016, selon les premières données transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Quelque 90 % de l'impôt sur le revenu est payé par 30 % des contribuables, soit ceux dont les revenus sont supérieurs à 29 000 euros par an. Il est donc difficile d'affirmer que l'impôt n'a été concentré que sur les ménages aisés : ce phénomène a également concerné les classes moyennes.

Alors que le Gouvernement estime avoir renforcé le caractère redistributif du système fiscalo-social, il apparaît que l'équité fiscale horizontale s'est dégradée au cours du quinquennat, dès lors que des ménages ayant des revenus comparables ont été traités de manière distincte.

À cet égard, une étude publiée dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017 montre que la politique fiscale a favorisé les célibataires, qui ont vu leur niveau de vie progresser de 0,1 point relativement à l'ensemble de la population, plutôt que les familles avec enfants, dont le niveau de vie a reculé de 0,3 point, en lien, notamment, avec les mesures relatives au quotient familial et aux allocations familiales. Elle a aussi favorisé les inactifs, qui ont bénéficié d'une hausse de leur niveau de vie à hauteur de 0,5 point, plutôt que les actifs, dont le niveau de vie a reculé de 0,3 point.

Enfin, l'étude de la direction générale du Trésor montre des transferts intergénérationnels. Ainsi, le « niveau de vie agrégé des jeunes de moins de 25 ans a [...] augmenté de 0,4 % contre une baisse de 0,6 % en moyenne sur l'ensemble de la population ».

Au total, si l'ensemble des catégories de ménages ont vu leur niveau de vie reculer au cours du quinquennat - à l'exception des jeunes de moins de 25 ans non étudiants appartenant à un ménage indépendant -, et ce à hauteur de 0,6 point, les mesures fiscalo-sociales adoptées par le Gouvernement ont clairement davantage pesé sur les actifs et les familles.

En tout état de cause, cette étude ne tient pas compte des hausses de fiscalité indirecte intervenues au cours du quinquennat. Or les ménages ont eu à supporter des hausses de taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en particulier en 2014, lorsque le taux normal est passé à 20 % afin de compenser partiellement le coût du CICE, mais aussi de droits sur les tabacs et les alcools. De même, la fiscalité énergétique s'est fortement accrue, comme en témoigne l'évolution du produit de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), de 3,7 milliards d'euros en 2012 à 8,2 milliards d'euros en 2016. On pourrait aussi évoquer la fiscalité locale.

S'il est délicat de distinguer la part des taxes indirectes supportées par les ménages de celle reposant sur les entreprises, les incidences des hausses de ces impositions peuvent être appréhendées de manière indirecte. À titre d'exemple, l'Insee a pu mesurer l'impact sur la croissance des mesures portant sur la fiscalité indirecte acquittée par les ménages ; celui-ci s'est élevé à - 0,2 point en 2014 et 2015. Il apparaît même qu'en 2016 les hausses de taxes indirectes ont annulé les effets économiques des réductions de la fiscalité directe - dont les mesures sur l'impôt sur le revenu.

Je ne reviendrai que brièvement sur la fiscalité des entreprises. Il convient néanmoins de rappeler que les importantes augmentations des impositions payées par les entreprises intervenues en 2012 et 2013, dont la contribution de 3 % sur les dividendes, la limitation des transferts de déficit et l'aménagement de la déductibilité des charges financières, ont été quasi contemporaines de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). De même, en janvier 2014, a été annoncé le déploiement du Pacte de responsabilité, portant près de 20 milliards d'euros de baisses de charges à l'horizon 2017, que le Gouvernement a cependant choisi de minorer de 5 milliards d'euros en avril dernier par un report au-delà de 2017.

Enfin, de manière répétée, le Gouvernement a sollicité la trésorerie des entreprises en avançant la perception de certains impôts. Une première modification des règles de calcul du 5e acompte d'impôt sur les sociétés a permis d'avancer la perception de 1 milliard d'euros en 2013. Dans le présent projet de loi de finances, le Gouvernement propose une nouvelle modification de ce régime afin d'anticiper une hausse des recettes perçues de 460 millions d'euros ; à cet égard, il ne dissimule aucunement que cette opération a pour finalité de contribuer au retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB au cours du prochain exercice. Dans la même logique, il est envisagé la création d'un acompte de taxe sur les surfaces commerciales, pour 480 millions d'euros, et une harmonisation du champ d'application de l'acompte de prélèvement forfaitaire, pour 380 millions d'euros. Autant de mesures de trésorerie dont le but est d'afficher de meilleures recettes en 2017.

Il ne fait aucun doute que l'instabilité de la politique fiscale du Gouvernement à l'égard des entreprises et les sollicitations répétées de la trésorerie de ces dernières ont nui à l'attractivité de notre territoire. À ce titre, plusieurs rapports émanant de l'Inspection générale des finances et du Conseil d'analyse économique ont clairement fait apparaître une perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises.

Prévisions de croissance irréalistes, sous-estimation des dépenses, mesures du projet de loi de finances pour 2017 financées dans les années d'après... Voilà un document à finalité électorale. Le véritable budget ne sera examiné qu'à l'été 2017.

M. Richard Yung. - Permettez-moi une déclaration liminaire : je rends hommage à l'énergie que le rapporteur général a déployée pour faire un rapport non électoraliste. Nous pensions que le débat porterait sur les propositions du Gouvernement. Comme pour tout projet de loi de finances, certains points sont sujets à discussion voire à amendement, dans le cadre d'échanges sérieux. Or ce rapport est entièrement à charge. Les prévisions de croissance qui frôlent l'irréalisme, pour citer le rapporteur général, ne s'élèvent qu'à 1,5 %. Tout cela me rappelle nos discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le déficit est passé de 17 milliards d'euros à 0,4 milliard, certains assurant pourtant n'avoir jamais rien vu d'aussi catastrophique.

Nous sommes dans la caricature. Ces rapports ne sont pas sincères et font perdre son temps à chacun. Le groupe socialiste et républicain considère que ce projet traduit ses priorités : réduction du déficit ; relance de l'activité et compétitivité des entreprises ; emploi ; justice sociale.

Shakespeare l'a dit, le monde est un théâtre où chacun doit jouer son rôle. Nous ne jouerons pas dans cette mauvaise pièce et garderons nos observations pour la discussion en séance plénière.

M. Vincent Capo-Canellas. - Le rapporteur général fournit beaucoup de données et son travail permet d'identifier les difficultés à venir, en montrant les sous-budgétisations et les reports de dépenses. Je retiens trois sujets d'inquiétude : la croissance, l'augmentation des dépenses, le non-respect du Pacte de responsabilité.

Le ministre des finances et de l'économie Michel Sapin a formulé un demi-aveu, en reconnaissant qu'il serait difficile d'atteindre 1,5 % de croissance. Le Haut Conseil nous avait indiqué qu'il faudrait une croissance très forte aux troisième et quatrième trimestres pour répondre à cet objectif. Ne devrait-on pas imposer une révision des prévisions entre le mois d'août, où les positions sont très volontaristes, et le mois de novembre, lors de l'examen du projet de loi de finances par le Parlement ? Je pose cette question au-delà de toute polémique.

Les données présentées par le rapporteur général sur l'évolution de la masse salariale m'inquiètent. Ne peut-on travailler sur les difficultés qu'elle pose ?

Je suis aussi inquiet de la divergence entre la France et ses partenaires européens. On ne pourra pas rester très longtemps aussi loin de nos homologues.

M. Marc Laménie. - Quelles que soient les personnes au pouvoir, rien n'est simple.

La progression des effectifs, de 3,3 %, me paraît importante. Il faudrait disposer d'une comparaison entre la fonction publique d'État et les deux autres versants, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Je m'interroge sur l'évolution spontanée des recettes fiscales, alors que leur élasticité est estimée à 1,4. Quelle est l'analyse du rapporteur sur ce point ?

M. Philippe Dallier. - Je comprends mal les accusations portées contre le rapporteur général. La première qualité d'un budget, c'est sa sincérité.

M. Richard Yung. - La première qualité d'un rapport aussi.

M. Philippe Dallier. - Plus qu'une qualité, la sincérité est une obligation, qui n'est manifestement pas respectée ici. On atteint des sommets, en cette fin de mandature ! Que reprochez-vous au rapporteur général ? De dire la même chose que le Haut Conseil des finances publiques, présidé par Didier Migaud ? De pointer toutes ces dépenses différées, que la prochaine majorité devra solder ? Qui peut nier le caractère électoraliste de ce budget ? Il est comparable à celui présenté par Lionel Jospin en 2002 : le déficit budgétaire avait flambé, atteignant 50 milliards d'euros, parce qu'il avait ouvert les vannes de la dépense publique. Ne vous plaignez pas que nous le dénoncions.

Michel Sapin a fini par reconnaître que la croissance serait de 1,3 % et non de 1,5 % en 2016. Bien malin qui peut dire ce qui se passera en 2017. La prudence aurait dû prévaloir. Vous laisserez une facture très salée aux Français ; le prochain gouvernement aura bien du mal. Ayez au moins l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître : ce budget n'est pas assez sincère, car trop optimiste ; vous allez ouvrir les vannes de la dépense.

M. Éric Doligé. - J'ai été particulièrement surpris par ce qui nous a été démontré. En effet, j'ai écouté, dimanche, le commissaire Moscovici expliquer à la radio que le déficit de la France serait inférieur à 3 % du PIB en 2017. J'étais resté sur cette impression. La vision de Pierre Moscovici est-elle celle de la Commission européenne, ou celle de l'homme politique français ? Il faudrait lui envoyer votre rapport, monsieur le rapporteur général, afin qu'il ajuste ses analyses.

M. André Gattolin. - En tant qu'écologiste, je m'élève contre les accusations d'électoralisme faites à ce budget : à tout le moins, il n'est pas de nature à capter l'électorat écologiste !

Je ne soutiens pas davantage l'idée selon laquelle le rapport du rapporteur général est électoraliste, à moins qu'il n'appartienne plus à la formation politique dont il affirme faire partie. La plupart des candidats à la primaire du parti Les Républicains, sauf peut-être Jean-François Copé, qui souhaite gouverner par ordonnance, ont abandonné l'objectif d'une réduction du déficit à moins de 3 % du PIB en 2017. Le rapporteur général est, en outre, en contradiction avec les rapporteurs spéciaux de la majorité sénatoriale, qui reprochent souvent aux missions de ne pas être assez dotées.

J'entends dire, ici et là, que nous risquons de ne pas discuter du projet de loi de finances. Je le regrette, car j'aurais aimé un exercice contradictoire.

Mme Marie-France Beaufils. - La campagne électorale s'invite dans le débat budgétaire. Nous ne nous sentons pas tenus par les obligations du Pacte de stabilité et de croissance que vous avez rappelées, monsieur le rapporteur général, et nous ne pouvons pas plus vous soutenir que nous ne pouvons soutenir le budget.

Le Gouvernement a été clair. Il s'inscrit dans la continuité du budget précédent. L'objectif de réduction de la dépense publique a été décisif dans le choix des orientations. Vous considérez que ce n'est pas suffisant. Je ne partage pas votre point de vue.

Il aurait été intéressant d'étudier les effets de la lutte contre la fraude fiscale. La TVA constitue la part d'impôt la plus importante dans l'équilibre budgétaire. Certains voudraient que l'impôt soit payé par tous, en voilà un qui est acquitté par tout le monde !

De notre point de vue, la dépense publique n'est pas forcément toujours négative. C'est par choix politique qu'elle est plus importante dans notre pays que dans d'autres pays européens. Elle contribue au développement économique, à la création de richesses et d'emplois.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Tout rapport se veut objectif. Quand le Haut Conseil des finances publiques, le consensus des économistes, mais aussi le ministre des finances lui-même reconnaissent que les prévisions de croissance ne sont pas atteignables, cela a forcément des conséquences sur le projet de loi de finances, dont je rappelle qu'il a été préparé à l'été 2016. L'élasticité des recettes est un phénomène purement mécanique : 0,2 à 0,3 point de croissance en moins entraîne une diminution considérable du montant des recettes.

Ce projet de loi de finances se caractérise en outre par une constante sous-estimation des dépenses. Les hypothèses macroéconomiques sont très éloignées de la réalité. Beaucoup de mesures pèseront sur les exercices suivants, comme la baisse de l'impôt sur les sociétés. Voilà pourquoi je parle d'affichage électoral.

Quant au Haut Conseil, il est ce qu'il est et on ne peut pas le taxer d'être partisan.

Éric Doligé, pour Pierre Moscovici, l'objectif est « jouable ». Je cite la définition du Larousse : « Se dit d'un coup qui peut être essayé ou tenté ».

M. Didier Guillaume. - Si l'on se place à ce niveau...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les mots ont un sens : il y a une nuance entre « jouable » et « atteignable ».

Marie-France Beaufils, notre pays n'a heureusement pas connu de « Frexit ». Dès lors que nous faisons partie de l'Europe, nous sommes soumis aux obligations du Pacte de stabilité et de croissance.

Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) est la source principale de la croissance des résultats en matière de lutte contre la fraude. On constate cependant un écart important, en matière de lutte contre la fraude fiscale, entre les montants redressés et ceux qui sont mis en redressement.

La commission donne acte au rapporteur général de sa communication sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2017. Elle lui donne également acte de sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Investissements d'avenir » (et article 56) - Examen du rapport spécial

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Investissements d'avenir » (et l'article 56).

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), doté de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement en 2017, prend la suite des programmes de 2010 (35 milliards d'euros en AE et CP) et de 2014 (12 milliards d'euros en AE et CP).

Pour le PIA 3, le Gouvernement a fait le choix de regrouper l'ensemble des crédits dans une mission dédiée, qui fait donc l'objet d'un projet annuel de performances propre. Ils faisaient auparavant l'objet de programmes nouveaux et éphémères insérés dans les missions concernées, par exemple la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La mission est composée de trois programmes dont le Commissariat général à l'investissement est responsable : le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », avec 2,9 milliards d'euros en AE ; le programme 422 « Valorisation de la recherche », avec 3 milliards d'euros en AE ; et le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », avec 4,1 milliards d'euros en AE.

Du point de vue de la gouvernance des projets, le troisième programme d'investissements d'avenir s'inscrit dans les pas des précédents : les modalités de gestion prévues en 2010 et en 2014 sont globalement reconduites. C'est pourquoi je ne vous propose aucune modification sur l'article rattaché à la mission, qui ne concerne que les modalités de gouvernance du PIA 3.

En revanche, du point de vue de la budgétisation, ce programme marque une rupture nette avec les précédents, car le Gouvernement n'a budgété aucun crédit de paiement pour 2017. Seules des autorisations d'engagement sont prévues au titre de la mission. En 2010 et en 2014, l'intégralité des AE et des CP était décaissée l'année de lancement du programme. Le Gouvernement annonce donc un programme d'investissements de 10 milliards d'euros dont il ne supporte pas le coût budgétaire, puisque zéro euro sera dépensé à ce titre en 2017. La charge de cette dépense nouvelle pèsera donc à compter de 2018.

L'absence de crédits de paiement en 2017 reporte la charge budgétaire de ce troisième PIA sur les exercices postérieurs. Cette astuce de budgétisation permet de ne pas dégrader le déficit de l'État en 2017, mais elle fragilise le programme, dont le bon déroulement dépendra des contraintes pesant chaque année sur le solde budgétaire de l'État.

En outre, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, la création d'une mission dédiée ne répond pas aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport relatif aux programmes d'investissements d'avenir. La gestion effective des crédits continuera d'être extrabudgétaire et il ne semble pas que l'intégration du PIA 3 à la norme de dépenses soit envisagée.

En revanche, l'existence d'une mission spécifique permet de ne pas indiquer clairement à quelles politiques publiques concourent réellement les programmes. En particulier, l'affirmation selon laquelle 60 % des crédits seraient alloués à la croissance verte et au développement durable paraît largement exagérée et irréaliste.

L'analyse des projets prévus fait d'ores et déjà apparaître des débudgétisations manifestes. Certaines étaient déjà identifiées dans le cadre des deux premiers programmes d'investissements d'avenir, comme le financement du réacteur de recherche Jules Horowitz ou le plan numérique à l'école. D'autres sont nouvelles, comme le possible financement de la rénovation du Grand Palais, dont l'intégration dans le PIA ne va pas de soi.

Certes, l'essentiel des actions proposées semble effectivement relever de secteurs d'activité importants pour l'avenir de notre pays. Mais les résultats de plusieurs d'entre elles demeurent, pour partie, incertains. En outre, un risque de saupoudrage et l'apparition d'un effet d'éviction vis-à-vis de l'investissement privé ne sont pas non plus totalement à exclure.

Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, l'abondement en crédits de paiement de 2 milliards d'euros chaque année ne simplifiera en rien le suivi du Parlement. En réalité, le travail de suivi du PIA sera dédoublé. Il faudra non seulement veiller à ce que les crédits soient bien alloués par les organismes gestionnaires aux projets prévus, mais aussi s'assurer que les fonds soient mis à la disposition des opérateurs du PIA suivant le rythme prévu par les conventions passées entre ceux-ci et l'État.

Même si je soutiens certains objectifs du PIA 3, notamment ceux qui concernent l'enseignement supérieur, il n'en reste pas moins que la mission se caractérise par une absence totale de crédits de paiement et par une normalisation budgétaire, affichée par le Gouvernement, parfaitement artificielle. Par conséquent, je vous propose de ne pas adopter les crédits de cette mission.

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous pouvons nous féliciter de la création de cette mission qui donne une vision globale de l'ensemble des actions et des crédits engagés dans le PIA. Rejoignant le rapporteur général, l'absence totale de crédits de paiement en 2017 en dit cependant long sur l'ambition du Gouvernement.

Lors de l'examen d'une autre mission, nous avons constaté que Météo France avait besoin de 100 millions d'euros pour financer son nouveau calculateur, essentiel pour faire progresser ses capacités de prévision. Cette dépense sera-t-elle prise en charge par le PIA 3 ? C'est un cas typique de débudgétisation : lorsqu'on ne sait pas où trouver les crédits, on se reporte sur le PIA.

Jusqu'à présent, les PIA étaient suffisamment dotés pour pouvoir se substituer aussi à des crédits classiques, en cas de nécessité, par exemple pour les avances remboursables dans le domaine aéronautique. Or les intervenants du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) nous ont récemment alertés sur une baisse drastique des crédits qui leur étaient alloués.

À partir de ces deux exemples, on peut s'interroger sur la hiérarchisation des priorités du programme. À force de faire basculer les crédits budgétaires sur le PIA, les munitions s'épuisent et l'arme ne fonctionne plus.

M. Daniel Raoul. - Je ne peux que soutenir les priorités qui définissent les orientations du PIA 3, qu'il s'agisse de l'enseignement supérieur, de la valorisation de la recherche ou de la modernisation des entreprises, la France est très en retard sur ses voisins et doit mettre le turbo. Les 4,1 milliards d'euros affectés à la modernisation de nos entreprises devront surtout servir à développer le numérique. Il me paraît également tout à fait légitime de consacrer 6 milliards d'euros à l'économie verte, dans la mesure où la France a déjà pris du retard sur la mise en oeuvre des engagements de la COP 21.

Enfin, il n'y a rien d'étonnant à ce que ne figurent que des autorisations d'engagement et aucun crédit de paiement dans le PIA 3. Dans l'enseignement supérieur, un projet éligible au PIA met plus de deux ans à se monter, ce qui laisse un délai important avant d'envisager les décaissements.

M. Michel Bouvard. - Si la création de la mission sur le PIA a le mérite d'identifier clairement les crédits des programmes, elle ne répond ni à notre attente, ni aux observations formulées par la Cour des comptes. Dans les deux PIA précédents, les crédits étaient répartis sur plusieurs missions. Dans la pratique, les crédits de la nouvelle mission complètent ceux des autres, en parfaite contradiction avec la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit qu'une mission retrace l'ensemble des crédits d'une politique à coût complet. Nous voilà donc avec une sorte de mission transversale où ne figurent que des autorisations d'engagement.

Depuis quelques années déjà, la maquette budgétaire, initialement établie en coproduction par le Parlement et le Gouvernement, nous échappe de plus en plus. Elle se complexifie et devient difficile à lire, avec des crédits éclatés en complément de plusieurs missions et supposerait un document de politique transverse. Nous devons également reprendre la main, en sollicitant le Gouvernement, sur les indicateurs, lesquels sont inutiles pour certains, et destinés au confort de l'administration pour d'autres. Il y va de l'analyse de la performance de la dépense, qui est au coeur de nos missions.

M. Francis Delattre. - Il serait souhaitable que nous entendions le commissaire général à l'investissement sur tous ces sujets. Le plan pour le numérique à l'école est essentiel. Comment développer ce genre de projets qui prennent du temps sans prévoir aucun crédit de paiement ?

Le Grand Palais a une valeur historique exceptionnelle, témoin de l'Exposition universelle. Cependant, la dernière rénovation, lourde, s'est terminée il y a à peine dix ans. Le monde de la mode s'y plaît. Mieux vaudrait chercher des crédits ailleurs que dans le PIA. Le commissaire général à l'investissement devrait s'expliquer sur ce point.

Mme Michèle André, présidente. - Le commissaire général vient régulièrement devant notre commission, notamment le 27 avril dernier.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Je n'ai pas de réponse à vous donner au sujet de Météo France, sinon que les nouveaux programmes figurent dans mon rapport : le financement du nouveau calculateur de Météo France du PIA entre peut-être dans l'un d'eux. Quoi qu'il en soit, il faudra voir si le projet de Météo France est éligible à telle ou telle action du PIA, en fonction des appels à projets.

Monsieur Raoul, je ne conteste pas les priorités. Je ne fais que rappeler que les CP figuraient au même titre que les AE dans les deux PIA précédents.

M. Michel Bouvard. - Il a raison. On nous l'avait même reproché.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Monsieur Bouvard, je rejoins ce que vous dites sur la gouvernance. Dans mon rapport, j'indique que « la gouvernance pilotée par le commissariat général à l'investissement sous l'autorité du Premier ministre paraît utile, mais ne saurait toutefois avoir pour effet de tenir à l'écart les ministères en charge des politiques publiques concernées. Il faut veiller à ce que l'ensemble des crédits alloués par les voies budgétaires classiques et par les plans d'investissements d'avenir participent d'une stratégie globale réfléchie et concertée, ce qui ne semble pas être toujours le cas ». Enfin, financer la rénovation du Grand Palais ne relève en rien des investissements d'avenir.

M. Michel Bouvard. - C'est de l'entretien du patrimoine.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Oui, et cela devrait donc être couvert par des crédits que le ministère de la culture consacre au patrimoine, soit 400 millions d'euros, me semble-t-il.

Monsieur Raoul, je peux vous le confirmer, documents à l'appui : AE et CP étaient bien décaissés en même temps dans les deux PIA précédents.

Monsieur Delattre, le PIA 2 est toujours en cours. Il y figure des crédits pour le plan numérique à l'école, qui doivent pouvoir être décaissés et sont complétés par des crédits plus classiques du ministère de l'éducation nationale.

M. Francis Delattre. - En réalité, les crédits ont été coupés et la charge est supportée par les collectivités territoriales.

Mme Michèle André, présidente. - Dans les deux premiers PIA, les CP étaient entièrement décaissés en une fois et pesaient donc sur le déficit de l'année. Ils étaient immédiatement redéposés par les opérateurs sur leurs comptes au Trésor, ce qui améliorait la trésorerie de l'État et permettait des décaissements au fur et à mesure des besoins.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Encore une fois, peut-on considérer comme un « bleu budgétaire » un document qui affiche pour une mission des AE sans CP ? On peut se poser la question.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Article 56

L'article 56 est adopté sans modification.

La réunion est close à 11h15.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 14 h 35.

La commission procède à l'examen du rapport de MM. Philippe Adnot et Michel Berson, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme Michèle André, présidente. - Avant de donner la parole à Philippe Adnot pour la présentation de son rapport spécial, je salue la présence parmi nous de notre collègue Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la recherche dans le développement durable. Par ailleurs, je vous transmets les excuses de Dominique Gillot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication pour la partie recherche.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial - Ce budget peut être considéré comme relativement protégé, dans la conjoncture actuelle.

Avec plus de 27 milliards d'euros inscrits au titre de 2017, la mission « Recherche et enseignement supérieur » représente 6 % des crédits du budget général. C'est beaucoup et, en même temps, compte tenu des enjeux auxquels nous devons faire face et de l'importance de la connaissance et de la recherche pour le développement de notre pays, ce n'est pas trop.

En tout état de cause, les crédits de la mission progressent fortement cette année, de plus de 800 millions d'euros, soit plus de 3 % par rapport à 2016.

Contrairement aux années précédentes, cette hausse bénéficie tant à l'enseignement supérieur qu'à la recherche, sauf pour les programmes 192 et 186.

Le montant des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission reste stable. Le crédit d'impôt recherche, qui correspond à 90 % de cette dépense, engendrerait une moindre recette estimée à 5,5 milliards d'euros. C'est un élément essentiel de la politique d'attractivité dans ce domaine.

Plus de 5 milliards d'euros prévus au titre du troisième programme d'investissements d'avenir, le PIA 3, devraient également bénéficier à l'enseignement supérieur et à la recherche. Contrairement aux deux programmes précédents, les crédits qui lui sont consacrés ne figurent pas dans la mission « Recherche et enseignement supérieur », le PIA faisant l'objet d'une mission propre. Toutefois, comme le rapporteur général nous l'a indiqué ce matin, le Gouvernement a eu recours à un artifice budgétaire en ne prévoyant que des autorisations d'engagement en 2017 et aucun crédit de paiement. Ces derniers n'interviendront qu'en 2018.

Si, sur le fond, les actions que le Gouvernement souhaite mener dans le cadre du PIA 3 paraissent légitimes, je ne peux que déplorer ce tour de passe-passe, même si ce n'est pas le premier, puisqu'à l'inverse, les PIA 1 et 2 avaient pout intérêt de faire peser toute la dépense sur une année.

Concernant l'enseignement supérieur - il s'agit des programmes 150 et 231 -, ce budget est, à n'en pas douter, un budget de pré-campagne électorale, chacun devant être satisfait. En conséquence, les crédits consacrés à l'enseignement supérieur augmentent de plus de 440 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 570 millions d'euros en crédits de paiement, pour atteindre plus de 16 milliards d'euros.

En outre, 336 millions d'euros supplémentaires sont inscrits sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », sous l'effet de plusieurs mesures nouvelles, mais aussi pour tirer les conséquences financières de décisions prises par l'État en faveur de ses agents.

Ainsi, le Gouvernement prévoit non seulement le financement de 1 000 emplois, qui correspondent à l'engagement du Président de la République d'en créer 5 000 sur cinq ans, mais aussi 100 millions d'euros supplémentaires pour compenser la hausse continue du nombre d'étudiants et améliorer le taux d'encadrement dans les établissements.

Rien ne garantit toutefois que ces enveloppes supplémentaires, qui correspondent à plus de 150 millions d'euros au total, seront utilisées à cet effet puisque les universités disposent désormais d'une autonomie de gestion et que d'autres dépenses s'imposent à elles - les créations d'emplois dans le budget, on le sait, servent parfois de variables d'ajustement budgétaire. Citons par exemple l'impact du glissement-vieillesse-technicité, le GVT, estimé par la Conférence des présidents d'université à 60 millions d'euros non compensés.

Près de 200 millions d'euros sont par ailleurs prévus pour couvrir des mesures prises par le Gouvernement en faveur du personnel de l'État : la revalorisation du point d'indice, pour un coût de 117 millions d'euros en 2017 ; les conséquences de la loi Sauvadet, dont la mise en oeuvre a été étendue et prolongée ; la mise en place d'un dispositif d'amélioration des carrières, « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».

Privilégié au sein de la mission en loi de finances initiale, le programme 150 a progressé de plus de 700 millions d'euros depuis 2012. Dans le même temps, le Gouvernement décidait de réduire, année après année, les dotations versées aux établissements d'enseignement supérieur privé. Depuis 2016, elles stagnent, mais, face à l'augmentation du nombre d'étudiants accueillis, la subvention de l'État s'est réduite au point de s'établir désormais à moins de 800 euros par étudiant en 2015, contre près de 1 100 euros en 2012 et plus de 1 200 euros en 2011.

Ces établissements à but non lucratif ont désormais la qualité d'EESPIG - établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général -, ce label ayant été créé par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso », et sont ainsi reconnus comme participant à la mission de service public de l'enseignement supérieur. Il est paradoxal qu'au moment où on reconnaît cette qualité à ces établissements, ces derniers connaissent des conditions financières relativement difficiles. Alors qu'ils accueillent 3 % des étudiants, il n'est pas normal qu'ils soient sacrifiés. Si ces plus de 80 000 étudiants n'étaient pas inscrits dans des établissements privés, cela coûterait bien plus cher au budget de l'État.

Certes, le Gouvernement souhaite leur faire bénéficier de l'un des 100 millions d'euros supplémentaires inscrits sur le programme pour tenir compte de la démographie étudiante, mais cela me paraît insuffisant. Aussi, comme ce fut le cas au cours de l'examen des précédentes lois de finances, je vous présenterai tout à l'heure un amendement tendant à rétablir une certaine forme d'équité. Vous m'avez toujours suivi sur ce point.

Les subventions pour charges de service public représentent une part toujours très élevée des ressources totales des opérateurs du programme 150, en particulier des universités et des établissements assimilés puisqu'elles s'élèvent à 77,5 %. Le développement des ressources propres reste trop faible.

Je réitère également mon désaccord avec le Gouvernement, qui ne souhaite pas modifier le montant des frais d'inscription, refusant de regarder ce qui se passe ailleurs et de permettre aux établissements d'avoir un peu plus de moyens pour améliorer la qualité de l'environnement des étudiants. À titre personnel, je regrette cette position, parce que je pense qu'une faible augmentation permettrait d'améliorer considérablement la vie des étudiants dans les universités.

Je considère, et nous avons déjà eu ce débat ici-même, que les frais d'inscription devraient donc être revalorisés. Ce n'est pas de ma part une position nouvelle.

En tout état de cause, malgré tous les efforts budgétaires, les résultats ne sont pas là. On ne peut pas reprocher à ce budget d'être insuffisant. En revanche, on a le droit et le devoir de s'interroger sur les résultats obtenus. Clairement, un problème subsiste, lequel est lié non pas au montant du budget, mais à la manière dont les choses sont organisées.

Ainsi, le taux de réussite des étudiants en licence reste faible, seuls 27,5 % d'entre eux étant parvenus à décrocher leur diplôme en trois ans en 2014 et les prévisions ne sont guère meilleures pour les années suivantes. Selon une étude du ministère effectuée sur un panel de bacheliers de 2008, seuls 57 % d'entre eux ont obtenu leur licence, ce taux descendant même à 25 % pour les bacheliers technologiques.

À défaut d'instaurer une sélection à l'entrée des universités, il convient à tout le moins de mieux orienter les lycéens qui s'y aventurent sans disposer de tous les prérequis nécessaires et sans connaître les filières intéressantes ou offrant des débouchés potentiels. En conséquence, une sélection par l'absurde est appliquée, à savoir le tirage au sort des étudiants ! C'est inacceptable et insupportable. Bénéficient d'une inscription non pas ceux qui le méritent, mais ceux qui ont eu la chance d'être tirés au sort ! C'est le cas dans la filière STAPS - sciences et techniques des activités physiques et sportives -, et cela a bien failli également toucher la première année commune aux études de santé (PACES).

L'orientation des lycéens, bien avant l'obtention du baccalauréat, devra donc être revue pour être plus efficace. Je pense qu'au moins un trimestre devrait être consacré au début des études universitaires à la présentation des débouchés sur le marché du travail, y compris à l'échelon international, de l'offre et des besoins, à la réalisation d'un bilan de compétences. Bref, sans pratiquer une sélection, il faut mettre en place une approche beaucoup plus professionnelle afin de parvenir à une meilleure adéquation entre les potentialités des étudiants et l'offre d'enseignement supérieur.

J'approuve le lancement d'une nouvelle vague de dévolution du patrimoine des universités. Toutefois, je ne suis pas certain que beaucoup d'établissements seront tentés. Vous vous souvenez que trois universités avaient été sélectionnées lors de la première vague de dévolution et qu'elles avaient obtenu un financement non négligeable. Or, aujourd'hui, on la leur propose sans les dotations ! En conséquence, on se demande qui voudra bien se lancer dans une telle opération, à part les universités qui pourront vendre du patrimoine et conserver 100 % du prix de cession. Pour ma part, j'avais espéré une certaine forme de mutualisation, car toutes les universités n'ont pas la chance de disposer d'un patrimoine immobilier valorisable au même niveau. Certaines disposent d'un patrimoine bien situé et pourront en tirer des moyens, d'autres ont un patrimoine plus difficile à vendre. La dévolution ne les aidera pas à l'entretenir.

Enfin, je reste vigilant quant au coût supplémentaire susceptible d'être engendré par les nouvelles « superstructures » que constituent les COMUE, les communautés d'universités et établissements. Si la mutualisation des moyens peut avoir des avantages, je ne pense pas que le nombre soit une garantie de qualité, au contraire, comme nous aurons l'occasion de le vérifier. Dans certains secteurs, la volonté de « faire masse » engendre une grande complexité. Ce n'est pas ce qui va nous faire nécessairement gagner des places dans le classement de Shanghai. En revanche, nous devrons être attentifs à l'évolution des coûts de fonctionnement de tous ces ensembles.

J'évoquerai maintenant le programme 231, « Vie étudiante ». Il connaît une forte hausse de 9,5 % des crédits de paiement, avec 2,72 milliards d'euros inscrits.

L'augmentation de 8,5 % des crédits alloués aux aides sociales directes s'explique par trois éléments distincts : une hausse mécanique, du fait de la prise en compte de l'augmentation du nombre d'étudiants boursiers - soit une hausse de 66 millions d'euros - ; la suppression de l'échelon 0 des bourses, l'ensemble de ses bénéficiaires basculant vers l'échelon « 0 bis » ouvrant droit à une aide financière en plus de l'exonération de frais d'inscription et de cotisation de sécurité sociale - soit une hausse de 25 millions d'euros ; la création de l'aide à la recherche du premier emploi, l'ARPE, par la loi du 8 août 2016, pour lesquels 92 millions d'euros sont prévus en 2017. Ce dispositif est destiné à accompagner financièrement les étudiants à la fin de leurs études afin de leur permettre de trouver un premier emploi.

Très sincèrement, on peut s'interroger sur le choix fait par le Gouvernement de faire figurer les crédits consacrés à cette aide dans le programme 231. En effet, les personnes amenées à la percevoir ne sont, en principe, plus des étudiants. Pourquoi ce sujet n'est-il pas pris en charge sur une autre mission ? Plus fondamentalement, c'est l'utilité d'une telle aide qui pose question. Pour ma part, je pense qu'il faut se préoccuper de son avenir professionnel bien avant la fin de ses études. J'ai bien peur que cette aide, qui permet d'avoir quatre mois pour souffler un peu après les études, ne conduise à repousser le moment où le jeune diplômé recherchera réellement un emploi et ne crée ainsi un effet d'aubaine. Je rappelle qu'un certain nombre d'établissements bien gérés permettent à leurs étudiants, dans des proportions extrêmement importantes, de trouver du travail avant la fin de leurs études.

Je ne suis pas très sûr que ce dispositif sera utilisé, car de nombreux jeunes lui préféreront d'autres systèmes, financièrement plus intéressants pour eux, comme par exemple le RSA, pour ceux qui remplissent les conditions. Compte tenu des sommes en jeu, lesquelles peuvent aller de 100 à 500 euros, d'autres systèmes seront plus attractifs. D'ailleurs, le pourcentage de demandes ayant été faites aujourd'hui est faible par rapport aux prévisions. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement visant à prélever une petite partie sur l'enveloppe prévue pour financer l'enseignement privé, qui est actuellement défavorisé.

Le rapport que j'ai présenté sur le contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers mettait en avant le « scandale des copies blanches ». Lors de certains examens, on en dénombre jusqu'à 40 %, sachant qu'une seule présentation à un examen peut parfois suffire à maintenir une bourse ! On nous dit que seuls 3 % des étudiants, soit 19 000, ne seraient pas assidus. En réalité, ils sont bien plus nombreux, car ceux qui rendent une copie blanche ne sont pas considérés comme n'étant pas assidus. La manière d'appréhender cette question n'est donc pas adaptée. Le Gouvernement s'était engagé à nous répondre sur ce sujet, il l'a fait, mais je ne suis pas sûr qu'il ait vraiment pris le problème à bras le corps, même s'il a rappelé à un certain nombre d'établissements l'obligation d'améliorer le suivi de leurs étudiants. Nos questions et nos propositions méritaient mieux que la réponse que nous avons obtenue.

Le Gouvernement s'est engagé à ne pas renouveler le prélèvement qui avait été effectué l'année dernière sur les CROUS, les centres régionaux des oeuvres universitaires, c'est le cas.

Nous nous réjouissons de la décision prise d'instaurer une sélection au début des masters, et non plus au milieu des deux années. Jean-Léonce Dupont avait déposé une proposition de loi sur ce sujet, que nous sommes nombreux à avoir cosignée. Or, aujourd'hui, les étudiants doivent se voir proposer trois alternatives, ce qui entraînera une dépense de mobilité. Il a donc fallu prévoir des crédits pour accompagner cette mobilité. Puisque nous nageons dans l'opulence, nous pouvons nous permettre ce genre de choses ! Je le répète, c'est à l'orientation qu'il faut consacrer des crédits !

Je n'ai rien de particulier à dire sur le logement étudiant. Normalement, les objectifs devraient être atteints, même s'ils ne le seront qu'à 70 % à la fin de l'année 2016. Les choses semblent avoir été faites convenablement.

Pour conclure, si l'on examine ce budget globalement, il est convenable compte tenu du contexte. On peut certes critiquer certaines affectations, ainsi que les résultats obtenus, notamment le taux de réussite en licence, mais ce ne sont pas là nécessairement des questions d'ordre budgétaire.

Je le répète, je souhaite que le maintien des bourses soit mieux contrôlé. Je redis mon scepticisme sur l'utilité de l'ARPE, qui risque de retarder l'entrée dans la vie active.

À titre personnel, compte tenu des sommes en jeu et du fait que des engagements ont été tenus, je recommande l'adoption des crédits de cette mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - Je vais pour ma part vous présenter les sept programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche.

La somme des budgets de ces différents programmes devrait atteindre 11,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2017, ce qui représente une hausse en autorisations d'engagement de 3,5 % et de 2,4 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2016.

Ces hausses de crédits sont très significatives, en dépit d'un contexte budgétaire qui demeure très contraint. Elles méritent d'être saluées, car elles traduisent l'importance qu'attache le Gouvernement à la politique publique de la recherche, qui est au coeur de la croissance des économies industrialisées. Elles méritent également d'être examinées. Or nous savons que le risque que notre assemblée ne procède pas à l'examen du budget en séance publique est réel. Si cette perspective venait à se concrétiser, elle constituerait un acte politique grave ; et l'on pourrait alors se demander si l'examen des crédits par notre commission des finances à un sens.

Pour ma part, je pense que nous devons nous féliciter que le budget de la recherche soit sanctuarisé, dans un contexte budgétaire de redressement des comptes publics, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l'éducation. Son caractère prioritaire, affirmé avec force dans la stratégie nationale de la recherche présentée au Premier ministre le 14 décembre 2015, trouve enfin sa concrétisation dans le présent projet de loi de finances.

Je vais donc vous présenter les crédits de ces sept programmes avec l'espoir que la sagesse l'emportera et que, finalement, le Sénat examinera l'ensemble du budget de la Nation, et par conséquent celui de la recherche.

Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire les programmes « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et « Recherche spatiale », s'établira en 2017 à 7 993 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 7 903 millions d'euros en crédits de paiement, soit une forte hausse de 4,9 % en autorisations d'engagement et de 3,7 % en crédits de paiement par rapport à 2016.

Ces augmentations de crédits concerneront en particulier les moyens de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, qui retrouveront un niveau qui n'avait plus été atteint depuis 2012.

La hausse de 67,4 millions d'euros des crédits de l'action 14 du programme 172, qui porte les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère - le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, entres autres - a pour objet de compenser les diverses mesures salariales décidées par le Gouvernement en faveur des fonctionnaires.

Je salue l'augmentation bienvenue de 17,1 millions d'euros des crédits dédiés aux contrats de plan État-régions pour la période 2015-2020, lesquels bénéficieront de 40,7 millions d'euros de financement en 2017 alors qu'ils avaient souffert d'un sous-financement chronique jusqu'ici.

Il convient enfin de noter l'effort budgétaire très important qui sera consenti en 2017 en faveur des très grandes infrastructures de recherche et des organisations internationales relatives à la recherche. Je pense notamment à la hausse des financements destinés à l'Agence spatiale européenne, l'ASE, qui porte le projet Ariane 6, et à l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques, Eumetsat.

Les autres programmes de la mission, qui ne dépendent pas du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en revanche, verront pour la plupart leurs moyens stagner, voire diminuer en 2017.

Ce sera notamment le cas des programmes 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 191 « Recherche duale (civile et militaire) », et 186 « Recherche culturelle et culture scientifique ». Cela signifie que les opérateurs qui dépendent de ces programmes devront parvenir à compenser la hausse de leur masse salariale provoquée par les mesures communes à l'ensemble de la fonction publique, sans augmentation de leur subvention pour charges de service public.

Seul le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole », qui porte notamment les crédits de l'Institut national de la recherche agronomique, l'Inra, mais aussi ceux des écoles d'enseignement supérieur agricoles et vétérinaires, verra ses crédits augmenter pour compenser ces mesures salariales.

J'en viens à présent à un sujet qui fait débat, à savoir le financement de la recherche par projets, financement complémentaire des crédits récurrents.

Depuis maintenant une quinzaine d'années, dans les pays industrialisés qui se situent à la frontière de la connaissance, les équipes de chercheurs peuvent candidater lors d'appels à projets compétitifs pour obtenir les financements nécessaires au développement de leurs projets de recherche. Cette mise en concurrence a vocation à dynamiser la recherche, sans pour autant constituer son unique mode de financement, puisque les crédits récurrents des organismes de recherche demeurent très largement majoritaires.

L'Agence nationale de la recherche, l'ANR, a précisément pour mission la mise en oeuvre du financement de la recherche sur projets dans notre pays en répartissant les crédits d'intervention qui lui sont alloués.

À partir de 2009, cette dotation a progressivement diminué. La baisse s'est accélérée à partir de 2013 lorsque le Gouvernement a décidé de réduire cette enveloppe au profit des subventions aux organismes de recherche. Ces crédits ont atteint un point bas en 2015, à 510 millions d'euros, contre 850 millions d'euros en 2008.

Les années précédentes, je m'étais inquiété de la réduction de la dotation budgétaire de l'ANR dans la mesure où elle était susceptible de menacer la viabilité du système français de financement sur projets, lequel constitue un levier d'excellence performant et de plus en plus utilisé dans le monde entier. En 2015, le Gouvernement a décidé de mettre fin à ce mouvement de baisse en allouant 63,9 millions d'euros supplémentaires à l'ANR. Cette hausse va nettement s'amplifier en 2017 puisque les moyens budgétaires de l'ANR s'élèveront à 703,4 millions d'euros en autorisations de programme, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2016, et à 639,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8 %, conformément à l'engagement que le Président de la République a pris en mars 2016.

S'il convient de se féliciter de la hausse des moyens de l'ANR pour 2017, le montant des crédits que devrait répartir l'agence d'un grand pays industrialisé comme la France devrait, selon moi, approcher le milliard d'euros, soit un peu plus de 10 % des crédits mobilisés chaque année pour la recherche publique.

La baisse de la dotation de l'ANR et l'augmentation continue du nombre de soumissions de projets ont eu pour conséquence de diminuer le taux de succès moyen aux appels à projets de l'agence, qui est passé de 25,7 % en 2005 à 20,1 % en 2012, puis à 10,2 % des projets présentés en 2014.

Ce taux s'est légèrement amélioré en 2015 et devrait poursuivre sa remontée en 2016, puis en 2017, grâce à la hausse des crédits d'intervention de l'ANR, sans pour autant atteindre la barre des 15 % de sélection annoncée par le Président de la République et a fortiori le taux moyen de sélection de 24 % en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne.

Je voudrais souligner qu'un taux d'échec trop important, voire franchement déraisonnable, provoque un découragement de beaucoup de chercheurs, qui voient leurs excellents projets rejetés, sans véritable raison, alors qu'ils ont pourtant reçu de très bonnes appréciations, ainsi qu'en ont témoigné devant moi plusieurs dirigeants d'organismes publics. Il s'agit donc là d'un réel sujet de préoccupation..

En ce qui concerne les financements européens, qui sont également des financements sur projets compétitifs, les premiers chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe ne sont guère flatteurs pour notre pays.

Les participations françaises représentent à ce stade un total de 1,7 milliard d'euros, soit 10,4 % des financements disponibles, contre 11,3 % sur l'ensemble du précédent programme-cadre de recherche et développement technologique, le septième PCRDT. Toujours par rapport au septième PCRDT, on observe une diminution inquiétante de la proportion des projets retenus à participation française, passée de 27,7 % à 22,1 %.

Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de financements européens que notre pays, la France est désormais rattrapée par les Pays-Bas et surtout par l'Espagne, qui l'a dépassée en 2015.

Dans la perspective d'une politique volontariste et incitative, il apparaît nécessaire de renforcer notre dispositif de pilotage de la participation aux programmes de recherche de l'Union européenne.

Enfin, pour 2017, le projet de performances prévoit que la dépense fiscale liée au crédit d'impôt recherche augmentera sensiblement par rapport à 2016 pour atteindre 5,5 milliards d'euros, soit une hausse de 1,57 %.

Le crédit d'impôt recherche a fait l'objet de plusieurs études d'évaluation. Ces différentes analyses statistiques permettent de conclure à un effet positif de ce crédit d'impôt sur les dépenses de recherche des entreprises. Je considère en effet que la part de la recherche privée aurait reculé au cours des dernières années en l'absence de ce crédit d'impôt, qui a permis de stabiliser l'effort de recherche en France.

Une nouvelle étude d'impact du crédit d'impôt recherche a été lancée en 2015 par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Forte de séries statistiques sur six à sept ans, cette étude économétrique, qui sera finalisée au début de l'année 2017, devrait permettre de mesurer plus précisément l'incidence de la réforme en 2008 du crédit d'impôt recherche sur l'effort de recherche des entreprises.

Je terminerai mon intervention par quelques considérations plus générales sur le budget de la recherche dans notre pays.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche, tels qu'ils sont prévus dans les lois de finances initiales, auront progressé de 3,4 % entre 2012 et 2017.

En l'an 2000, il avait été décidé que l'effort de recherche de chaque État membre de l'Union européenne devrait atteindre 3 % du PIB d'ici à 2020. La France et l'Allemagne consacraient alors l'une et l'autre 2,15 % de leur PIB à la recherche publique et privée. En 2015, la France ne parvenait à consacrer que 2,26% de son PIB à la recherche, quand l'Allemagne était parvenue à dépasser les 3 %.

Les responsables des organismes de recherche que j'ai rencontrés ont fait valoir que c'est l'avenir de la recherche française, en particulier son rayonnement dans le monde, qui se jouerait dans les prochaines années et qu'un risque de décrochage de la recherche était réel.

Pour que la France ne se laisse pas distancer dans la compétition internationale, pour qu'elle reste la cinquième puissance scientifique mondiale, elle doit réaffirmer de façon tangible son ambition d'atteindre ce taux de 3 % du PIB, soit 2 % pour la recherche privée et 1 % pour la recherche publique.

Dans le domaine de la recherche publique, passer du taux actuel de 0,8 % du PIB au taux de 1 % représente un effort important, mais indispensable. En dépit des contraintes budgétaires fortes, on ne peut réaliser d'économies sur la recherche publique, notamment sur la recherche fondamentale, car c'est elle qui permet le développement de la recherche appliquée et qui conduit aux innovations de rupture. En outre, cet effort de 0,2 %, soit 4,5 milliards d'euros, pour atteindre le 1 % du PIB, n'est pas insurmontable. Étalé sur cinq années, il représenterait moins d'un milliard d'euros supplémentaires par an. La mise en oeuvre d'une ambitieuse loi de programmation pour la recherche publique pour la prochaine législature, 2017-2022, permettrait d'atteindre cet objectif.

En conclusion, je souhaite que la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui bénéficie de hausses de crédits importantes dans un contexte budgétaire général qui demeure difficile. Encore faudrait-il que ces crédits soient examinés par notre assemblée. Le risque qu'ils ne le soient pas est réel. Ce serait alors un acte politique grave que, personnellement, je dénoncerais.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial - L'amendement que j'ai évoqué tout à l'heure prélève 6 millions d'euros sur les crédits prévus au titre de l'aide à la recherche du premier emploi, l'ARPE, pour abonder en contrepartie de la même somme l'action comprenant la dotation versée à l'enseignement supérieur privé afin que soient pris en charge plus facilement les étudiants supplémentaires inscrits dans ses établissements, ce qui permet à l'État de réaliser beaucoup d'économies.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je remercie les deux rapporteurs spéciaux de cet examen relativement complet.

Les crédits sont en augmentation, mais un certain nombre de sujets restent entiers.

Une part de cette augmentation des crédits ne sert malheureusement qu'à compenser certaines mesures telles que les dépenses de personnel. Ainsi, près de 200 millions d'euros sont nécessaires pour financer des mesures gouvernementales, en particulier la revalorisation du point d'indice, à hauteur de 117,2 millions d'euros. Ces moyens en hausse ne vont donc pas vraiment à l'enseignement supérieur.

Je pense par ailleurs à la question du taux de réussite en licence, qui reste de l'ordre de 30 %, et à des sujets de désaccord politique entre nous, à savoir l'orientation en amont et la sélection à l'entrée à l'université. On sait que certaines filières permettent de trouver un emploi à l'issue des études et que d'autres, malheureusement, n'offrent aucun débouché. Aujourd'hui, il est difficile de s'inscrire dans certaines filières tandis que d'autres ont de la place et couvrent des besoins à la sortie. Il faudra bien se poser la question de l'orientation et de la sélection à l'entrée à l'université. L'augmentation des budgets n'apporte pas de réponse à ces questions.

Nous avons évoqué le PIA ce matin. Si je souscris aux orientations du PIA, je ne peux souscrire en revanche à un PIA affichant un effort de recherche en autorisations d'engagement, mais sans crédits de paiement ! Par ailleurs, il y a souvent de l'affichage en début d'année, avant que des décrets d'avance ne procèdent à des coupes en cours d'année, notamment sur la recherche. Je suis donc extrêmement prudent sur les ambitions affichées, car beaucoup d'interrogations demeurent.

M. Michel Bouvard. - Au-delà des positions courageuses de Geneviève Fioraso dans un certain nombre de domaines, on a le sentiment que quelques dossiers sont restés figés tout au long de la législature. Le premier, c'est celui des bourses, qu'a évoqué Philippe Adnot. Cela fait des années que la Cour des comptes évoque ce sujet dans ses rapports. Permettez-moi de vous proposer une solution très simple : il fut un temps où les droits d'inscription des étudiants boursiers n'étaient pas remboursés aux universités, ce qui pénalisait d'ailleurs celles qui en comptaient un grand nombre. L'université de Savoie était de celles-ci.

Aujourd'hui, les droits d'inscription des étudiants boursiers sont remboursés aux universités. Dès lors, l'État dispose d'un levier pour sanctionner celles qui ne contrôlent pas l'assiduité des étudiants.

Tous les rapports de la Cour des comptes montrent des écarts fantastiques dans les contrôles entre les universités. Nous ne pouvons pas accepter qu'après cinq ans, la situation n'ait pas changé.

Trois dévolutions du patrimoine ont été faites à titre expérimental, puis nous sommes entrés dans un moratoire. Nous en sortons, mais je trouve Philippe Adnot optimiste, même s'il doute qu'il y ait nombre de candidats. Pour ma part, j'ai rencontré, avec Thierry Carcenac, des représentants de l'université de Strasbourg, où la fusion a été réussie. Ceux-ci nous ont expliqué que les conditions actuelles n'offraient aucune incitation à entrer dans le processus de dévolution. Au moins cinq présidents d'universités m'ont fait le même commentaire. Il n'y a donc pas de candidat à la dévolution.

Or, l'immobilier des opérateurs de l'État représente un patrimoine de 58 milliards d'euros, soit l'équivalent du patrimoine immobilier de l'État. Sur les 27,5 millions de mètres carrés qu'il comporte, 18 millions sont de l'immobilier universitaire. Le patrimoine des universités représente ainsi 62 % de celui des opérateurs. On ne peut pas se contenter d'une situation où rien ne s'est fait en cinq ans, hormis une unique vente d'un million d'euros... Pendant ce temps, il y a un patrimoine dormant et les campus se délabrent, au lieu d'être rénovés avec des crédits issus de cessions. L'État fige ce patrimoine et n'en tire aucune recette, ce n'est pas satisfaisant.

J'avais déposé l'an dernier un amendement sur la Chancellerie de Paris, qui est l'exemple même de la chancellerie ne servant à rien. La Cour des Comptes avait préconisé sa suppression, et je constate qu'elle est toujours là. Elle fait désormais partie des opérateurs sous surveillance dans leur gestion de l'immobilier, mais je ne pas sûr que ce soit un grand progrès. L'Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue) est aussi sous surveillance à ce titre, mais son patrimoine le justifie-t-il ?

M. Francis Delattre. - Que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche soit sanctuarisé, malgré les difficultés actuelles, d'accord. Le rapporteur spécial Michel Berson écrit qu'il n'était que temps en ce qui concerne la recherche. Mais l'a-t-il été au cours de ce quinquennat ? Loin de là. Dans le décret d'avance de juin, près d'un milliard d'euros ont été rabotés, au point que sept prix Nobel sont allés s'en plaindre au Président de la République. Et l'on n'a pas su si le secrétaire d'État chargé du budget a finalement maintenu ce décret in extenso, ou s'il en a différé l'application. S'il l'a appliqué, les évolutions qu'on nous a présentées n'ont aucun sens, dès lors que nous ne savons pas s'il s'agit des chiffres d'avant ou d'après ce décret. Le rapporteur spécial peut-il nous éclairer sur ce point ? Un milliard d'euros, ce n'est pas rien, et des programmes de recherche sur le développement durable ou les nouvelles technologies étaient sérieusement touchés.

Bis repetita : en septembre, un nouveau décret d'avance rabote les crédits de plusieurs programmes de recherche. Il n'y a donc pas eu de sanctuarisation jusqu'à ce jour. Les responsables du CNRS et du CEA nous ont expliqué que des programmes entiers ont été touchés, et même que certains ont dû être supprimés. Quant au PIA 3, prévoit-il davantage de crédits pour l'enseignement supérieur ?

Mme Michèle André, présidente. - Nous en avons parlé ce matin.

M. Francis Delattre. - En tout cas, je vois qu'il prévoit 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), mais pas un centime en crédits de paiement (CP) ! Il faut le dire !

Le CIR a fait l'objet d'une véritable empoignade, et ses défenseurs ont été aidés par quelques ministres bienveillants. Il ne s'agit pas uniquement des 5,5 milliards d'euros de la recherche privée, puisque le secrétaire général et le directeur des études du CNRS nous ont expliqué qu'ils avaient environ 500 millions d'euros de retours issus d'études conjointes avec d'autres laboratoires. Idem pour les Universités : qu'elles s'associent davantage à d'autres organismes leur donne un label qu'elles n'ont pas toujours. Je comprends l'appel du rapporteur : ce budget comporte, bien sûr, quelques astuces, mais il est globalement satisfaisant.

M. Antoine Lefèvre. - J'avais posé une question écrite sur l'assiduité, qui est restée sans réponse, et les éléments recueillis par le rapporteur spécial ne me satisfont pas non plus. Nous devons rénover notre système d'attribution et de contrôle des bourses, car le chiffre de 40 % de copies blanches pose problème.

Le président de la République Françoise Hollande s'était engagé à créer 42 500 logements, où en est-on ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - On en serait à 70 % selon les chiffres dont nous disposons pour la fin de l'année 2016.

M. Antoine Lefèvre. - Avec 40 000 nouveaux étudiants cette année, les photos et vidéos d'amphithéâtres surchargés se multiplient. Quelles actions marquantes ont été prises pour remédier à cette situation déplorable, et même, en certains endroits, inacceptable ?

M. Michel Canevet. - Merci aux rapporteurs pour leurs propositions pleines de bon sens sur un sujet d'avenir. Je crois toutefois que les moyens supplémentaires seront surtout utilisés pour faire face à l'augmentation des charges, notamment de personnel. C'est inquiétant : cela signifie que nous ne ferons pas d'efforts nouveaux ou supplémentaires.

La situation financière des universités est préoccupante. Une quinzaine d'entre elles ont présenté des budgets déficitaires. Ce budget leur donne-t-il les moyens de revenir à l'équilibre ? L'Allemagne a réussi à mettre en oeuvre la stratégie de Lisbonne, et nous voyons sa situation économique actuelle. Nous devons accentuer nos efforts en la matière.

Au-delà des augmentations de charges et du programme Ariane 6, les institutions de recherche pourront-elles boucler leur budget ? Nous devons poursuivre l'effort en faveur de la recherche publique.

Quant à la recherche privée, ne trouvez-vous pas que le crédit d'impôt innovation (CII) ne produit pas encore ses effets ? Les moyens qui lui sont alloués - 100 millions d'euros - sont très faibles. Les entreprises disent qu'il est méconnu, et difficile d'accès. Ne faudrait-il pas simplifier ses conditions d'obtention ? Le CIR, lui, est très apprécié des acteurs économiques et son montant a atteint un bon niveau.

M. Maurice Vincent. - Nous sommes étonnés d'apprendre que vous ne comptez pas débattre de ce budget en séance publique. Ce serait regrettable, car le travail effectué ici n'aura aucun débouché et la voix du Sénat ne portera pas. Puis, si la majorité considère que ce budget est indigne d'être présenté en séance publique, que n'en propose-t-elle un autre ? Aussi ne ferons-nous pas d'autre remarque, en signe de réprobation de cette situation insatisfaisante.

M. Marc Laménie. - Les enjeux financiers sont importants, notamment en ce qui concerne le patrimoine immobilier, où les investissements sont souvent considérables. J'ai même retrouvé un rapport public thématique de la Cour des comptes datant de 2011 et intitulé : « Le campus de Jussieu : les dérives d'une réhabilitation mal conduite ». Le rapport détaille les emplois des quatre principaux organismes de recherche : où ces emplois sont-ils localisés ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Il y a un paradoxe : le budget est sanctuarisé, et Michel Berson nous parle d'un risque de décrochage de la recherche. Où est la vérité ? Dans le programme 192, je vois une diminution du soutien à la recherche industrielle de 33 %. C'est énorme. Pourquoi ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Comme l'a dit le rapporteur général, la question, c'est l'arbitrage. Les sommes sont là, mais que pourrait-on faire de mieux avec ? Je regrette que vous n'ayez pas souhaité avoir ce débat.

M. Maurice Vincent. - C'est un comble !

M. Daniel Raoul. - Oui !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Je regrette, à titre personnel, que nous n'examinions pas ces crédits, car un parlementaire a toujours intérêt au débat, quitte à voter contre.

En fait, ce budget est fortement contraint par les dépenses de personnel. Certes, je me demande ce qu'y font l'ARPE ou le logement étudiant. Je considère pour ma part que ce sont les collectivités territoriales qui doivent développer l'offre de logements étudiants, le cas échéant en s'appuyant sur les partenaires classiques du logement social.

M. Daniel Raoul. - Elles s'en occupent déjà.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Tout à fait. Aussi pourrions-nous réaffecter les sommes correspondantes.

S'agissant de l'immobilier, les universités doivent être responsabilisées et comprendre que l'octroi de mètres carrés supplémentaires accroîtra aussi leurs charges de fonctionnement. Mais les conditions actuelles n'inciteront pas à de nombreuses candidatures, sauf pour ceux qui ont un très bel immobilier à vendre.

M. Michel Bouvard. - Ceux-là ne sont même pas intéressés.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - À notre rapporteur général, qui s'interrogeait sur les crédits de la recherche, je réponds que ces crédits ont progressé de 3,4 % entre 2012 et 2017, dans un contexte budgétaire pourtant très contraint. Ce secteur a donc bien été sanctuarisé. La France est à présent dotée d'une stratégie nationale de recherche, élaborée à l'issue d'un gros travail de concertation. L'objectif de 3 % du PIB, réaffirmé il y a quelques jours par le président de la République, est à notre portée. C'est pourquoi j'ai suggéré, pour la prochaine législature, le vote d'une loi de programmation pour l'atteindre. D'ailleurs, le PIA consacre 3 milliards d'euros au soutien à la recherche et 2,9 milliards d'euros à la recherche et à l'enseignement supérieur. L'absence de CP pour 2017 n'a rien d'anormal, puisque pour de tels projets, il n'y en a pas besoin la première année. Je comprends qu'elle soit soulignée de manière polémique, dans le contexte actuel...

Monsieur Delattre, le décret d'avance, qui a ému scientifiques et parlementaires, affectait l'enseignement supérieur et la recherche non à hauteur d'un milliard d'euros mais de 286 millions d'euros - ce qui est déjà beaucoup. Et la quasi-totalité de ces sommes ont été restaurées. Il est normal que le CNRS bénéficie du CIR, puisqu'il a des contrats avec des laboratoires privés qui y sont éligibles.

Non, l'augmentation des crédits ne finance pas que les mesures salariales : des crédits sont également prévus pour les très grandes infrastructures de recherche, les organisations internationales ou bien encore les CPER, sans compter les crédits sur projets de l'ANR. Quant au CII, son dispositif est ainsi fait qu'il est difficile de dépasser les 100 millions d'euros car les dépenses éligibles sont plafonnées à 400 000 euros, et le taux n'est pas de 30 % mais de 10 %. J'attends avec impatience les résultats de l'étude économétrique lancée par le ministère sur le CIR et le CII.

Entre 2012 et 2017, 3 000 emplois auront été créés par les principaux organismes de recherche, dont 400 en 2017. Leur répartition géographique correspond à celle des laboratoires. Aucune région n'a donc été favorisée, sauf peut-être l'Île-de-France, qui concentre 20 % de la recherche française.

Dans le programme 192, que penser de la diminution des crédits pour la recherche industrielle ? C'est l'une des rares lignes budgétaires en baisse. Les crédits pour la recherche sont répartis entre plusieurs ministères, et ceux qui concernent la recherche industrielle relèvent du ministère de l'économie. Le ministre du budget a été sévère, c'est vrai, et c'est préoccupant. Je resterai attentif à l'évolution de ces lignes budgétaires.

Mme Michèle André, présidente. - Je mets aux voix l'amendement de Philippe Adnot.

M. Daniel Raoul. - Indépendamment de la position exprimée par Maurice Vincent et qui a mon soutien, je souhaite dire que le problème de la réussite en premier cycle n'est pas uniquement budgétaire. Il s'agit surtout d'un problème d'encadrement. Tout dépend du choix fait par les universités. Bien sûr, il est plus confortable de rester dans son laboratoire avec quelques étudiants que de descendre dans un amphi de plusieurs centaines de personnes... Par ailleurs, contrairement aux années passées, je voterai contre cet amendement car je ne peux accepter qu'on diminue l'enveloppe consacrée à l'ARPE.

L'amendement du rapporteur spécial est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi amendés.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Outre-mer » (et article 58) - Examen du rapport spécial

La commission procède enfin à l'examen du rapport de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer » (et l'article 58).

M. Nuihau Laurey, rapporteur spécial. - La mission « Outre-mer » représente une partie de l'intervention budgétaire de l'État dans ses collectivités d'outre-mer : les moyens budgétaires regroupés dans cette mission représentent 13,9 % des crédits bénéficiant à l'outre-mer, plus de 86 % de ceux-ci passant par différentes politiques sectorielles transversales, comme par la mission « Enseignement scolaire », qui représente à elle seule plus de 32 % des autorisations d'engagement (AE).

Chaque année, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, il est fait état de la zone économique exclusive cumulée de ces territoires, qui font de la République la seconde puissance maritime au monde. L'on rappelle aussi les handicaps considérables qui découlent de leur dissémination et de leur isolement. Éloignés des grandes métropoles et parfois éclatés géographiquement, ils souffrent de la petitesse de leurs marchés intérieurs, du poids de certains oligopoles et de la difficulté à stimuler la concurrence, ainsi que de l'impossibilité de mutualiser certains coûts publics compte tenu de la rupture océanique, de l'éloignement des centres d'approvisionnement ou encore de la difficulté d'assurer un service public équitable à des coûts supportables par de petites collectivités isolées.

Ces handicaps se sont accumulés dans tous les domaines au point que les écarts de développement entre la métropole et les différentes collectivités d'outre-mer atteignent jusqu'à trois décennies de retard, comme l'indiquent de multiples indicateurs sociaux et économiques : taux de chômage, indice de développement humain, PIB par habitant, niveau d'équipements sanitaires, illettrisme ou taux de réussite au bac. Le retard est tel qu'un projet de loi visant à tendre vers l'égalité réelle en faveur de ces territoires a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 11 octobre dernier et devrait être examiné par notre assemblée à la fin de l'année ou en début d'année prochaine.

C'est dans ce contexte que nous examinons cette mission, constituée pour 86 % d'un budget d'intervention destiné à combler ces écarts de développement. Ses moyens budgétaires sont en hausse par rapport à la loi de finances pour 2016, de 2,1 % en AE et de 0,8 % en crédits de paiement (CP), et s'établissent respectivement à 2,078 milliards d'euros et 2,080 milliards d'euros. Toutefois, cette hausse ne s'effectue pas à périmètre constant. En effet, elle fait l'objet d'importants transferts de crédits. Hors mesures de transfert, les crédits budgétaires de la mission baissent de manière significative, de 2,2 % en AE et de 3,9 % en CP. Ces baisses de moyens budgétaires sont en contradiction avec la loi sur l'égalité réelle des outre-mer et, de manière plus générale, elles vont à l'encontre de la nécessité sans cesse répétée de rattraper les écarts de développement.

Les deux programmes de la mission « Outre-mer », le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie » connaissent des évolutions opposées.

Le premier, qui représente plus de 62 % de la mission, enregistre une baisse de près de 6 % en AE et en CP, du fait de la réforme de la mesure d'exonérations des charges sociales initiée en 2014 et ciblant les bas salaires. Ce dispositif constitue à lui seul la moitié de la mission « Outre-mer » et nécessite, après plusieurs réformes, d'être stabilisé pour donner de la visibilité aux entreprises.

À l'inverse, les crédits affectés au second augmentent de 18 % en AE et de 12 % en CP, en raison d'importants transferts de crédits, notamment pour les investissements scolaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, pour un montant total de 183,4 millions d'euros. Hors ces transferts, ce programme connaît une hausse de 6,3 % en AE et de 1,4 % en CP.

En dépit de la baisse réelle des crédits affectés à la mission « Outre-mer », hors mesures de transfert, des points positifs sont à relever.

L'objectif de 6000 jeunes en service militaire adapté (SMA) pour 2017 est atteint, avec une hausse du plafond d'emplois des volontaires, une masse salariale globale en augmentation et un doublement des capacités d'accueil depuis 2009. Il faut préserver ce dispositif particulièrement efficace, qui enregistre un taux d'insertion professionnelle en fin de stage avoisinant les 80 %, alors que le taux de chômage est particulièrement élevé dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer.

Autre point positif, l'augmentation des CP alloués au Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), sur lequel Georges Patient et moi-même avons effectué l'année dernière un contrôle budgétaire à La Réunion. Nous avions souligné l'efficacité de ce dispositif compte tenu de son effet de levier et de la simplicité de sa mise en oeuvre, même si l'objectif d'y consacrer 500 millions d'euros jusqu'en 2017, fixé par le président de la République en 2012, ne sera pas atteint.

Les crédits dévolus à l'appui au financement bancaire outre-mer augmentent également de manière significative, pour atteindre un montant de 47,1 millions d'euros en AE et 13,2 millions d'euros en CP. En plus du renforcement des missions traditionnelles, cette hausse permettra la mise en place d'un prêt à taux zéro au profit de projets en faveur du développement des énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique dans les collectivités d'outre-mer.

Enfin, notons le réajustement de la dotation globale d'autonomie (DGA) de la Polynésie française à son niveau initial, conformément aux engagements tenus par le Président de la République lors de son déplacement sur place.

À l'inverse, quelques points demeurent préoccupants.

Les crédits liés aux opérations contractualisées sont clairement insuffisants, ce qui signifie, compte tenu des sous-dotations opérées parfois depuis plusieurs exercices, l'échec prévisible de certaines conventions et l'abandon de nombreux projets d'investissements visant au rattrapage des écarts de développement déjà évoqués.

Pour le contrat de projet de la Polynésie française, ce sont aujourd'hui près de 30 millions d'euros qui manquent en AE comme en CP après trois ans.

La défiscalisation des investissements outre-mer a été maintenue jusqu'en 2025 par la loi de finances pour 2016. Hélas, on constate de nombreux blocages de la procédure d'agrément sur des dossiers d'investissement pourtant importants et éligibles.

Enfin, les crédits destinés au logement demeurent largement insuffisants pour couvrir les besoins identifiés dans l'ensemble des collectivités, avec une stagnation budgétaire depuis 2014 et une baisse en AE et en CP pour l'exercice 2017. Cette remarque a déjà été formulée l'année dernière. La baisse est d'autant plus préjudiciable que les charges à payer sur la ligne budgétaire unique (LBU) s'établissent à 33,5 millions d'euros, en hausse de plus de 10 millions d'euros par rapport à 2014.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je m'en remets à la sagesse de la commission.

Mme Michèle André, présidente. - Georges Patient, empêché, m'a demandé de vous lire sa communication. La voici.

Ce budget est en légère baisse, comme vient de le démontrer Nuihau Laurey : de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Toutefois, en dépit de la part prise à l'effort de redressement des finances publiques - dont les outre-mer ne sont pas exclus malgré le besoin de rattrapage et des handicaps structurels par rapport à l'hexagone - les crédits de la mission ont été maintenus à un niveau supérieur à 2 milliards d'euros pendant toute la durée du quinquennat. L'analyse serait incomplète s'il n'était pas fait mention de la totalité de l'effort financier de l'État en faveur des outre-mer, car celui-ci ne se limite pas à la présente mission. Il est porté par 88 programmes, y compris les deux programmes de celle-ci. À ces crédits budgétaires, de l'ordre de 16,6 milliards d'euros en AE et 16,4 milliards d'euros en CP - en hausse de 4,96 % par rapport à la loi de finances pour 2016 - il convient d'ajouter les dépenses fiscales estimées à 4,1 milliards d'euros, ce qui porte l'effort total de l'État à 20,7 milliards d'euros en AE et 20,5 milliards d'euros en CP.

Il faut donc de saluer la stabilité des crédits outre-mer, en particulier ceux de la mission qui concrétisent des avancées certaines.

Le projet de loi de finances gèle la dégressivité des taux des abattements du dispositif dit des zones franches d'activité outre-mer entre 2016 et 2017. Combiné à la prolongation de deux ans des zones franches d'activité prévue par le projet de loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant diverses mesures d'ordre social, ce gel favorisera la confiance de ses bénéficiaires et le développement économique des PME concernées.

L'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 réforme le dispositif d'exonérations applicables aux cotisations des travailleurs indépendants. Il le recentre sur les plus faibles revenus afin de limiter les effets d'aubaine, ce qui permettra une économie annuelle nette de 30 millions d'euros.

Après plusieurs années de réforme, j'estime nécessaire que ces dispositifs soient stabilisés afin d'offrir une réelle visibilité aux entreprises et aux travailleurs indépendants sur l'évolution de leurs charges sociales.

Je souligne également la volonté du Gouvernement de maintenir les crédits du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) à un niveau suffisant pour qu'il continue à remplir ses missions en matière de financement d'investissements publics structurants. Si l'objectif que le Président de la République avait fixé de voir ce fonds doté de 500 millions d'euros d'ici 2017 apparaît clairement inatteignable, le FEI aura tout de même accumulé, en 2017, 230 millions d'euros en AE et 214 millions d'euros en CP. Ce maintien des crédits à un niveau raisonnable est rassurant. Avec Nuihau Laurey, nous avons constaté, à l'occasion du contrôle budgétaire que nous avons mené cette année, l'efficacité de ce dispositif.

L'atteinte de l'objectif « SMA 6000 » en 2017 doit être saluée. Ainsi, 6 000 jeunes volontaires bénéficieront d'un dispositif particulièrement efficace d'accès à l'emploi. La masse salariale globale du SMA augmentera de 4,5 millions d'euros entre 2016 et 2017, passant de 91 à 94 millions d'euros.

Je regrette que, sur la question du logement, les avancées restent, comme l'an dernier, modestes. Dans un contexte marqué par le nombre élevé de demandeurs de logements sociaux - plus de 60 000 - et alors que les besoins annuels en logements neufs dépassent les 21 000, je déplore la stagnation que connait depuis 2014 la LBU. Ainsi, par rapport au projet de loi de finances pour 2016, les AE et les CP diminuent respectivement de 0,2 % et 0,8 %. Cette baisse apparaît d'autant plus préjudiciable que les charges à payer relatives à la LBU s'établissent à 33,5 millions d'euros, en hausse de 11,3 millions d'euros par rapport à 2014, ce qui aurait justifié un budget plus conséquent.

Je rappelle en outre que la question du logement a une importance toute particulière pour certains territoires, comme la Guyane, qui fait face à une forte pression migratoire et à de gros problèmes d'insalubrité, à tel point que l'État se voit contraint d'y mettre en place une opération d'intérêt national.

Je ne saurais terminer mon propos sans faire référence au projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle, enrichi fort justement, lors de son examen à l'Assemblée nationale, de nombreuses avancées et mesures d'ordre budgétaire. La question de son financement et de son articulation avec les documents budgétaires se pose. Très bien accueilli par les outre-mer, il sera débattu en décembre ou en janvier au Sénat. Des garanties devront alors être fournies pour que ce texte, qui entame concrètement le processus du nécessaire rattrapage avec l'hexagone, ne soit pas « un coup d'épée dans l'eau », pour reprendre les mots de mon collègue député de la Martinique, Serge Letchimy.

Je vous propose d'adopter ce budget sans modification en raison de sa stabilité maintenue durant tout le quinquennat, qui a préservé et ménagé le principal, en particulier la LBU et le SMA.

M. Vincent Éblé. - Nous partageons les analyses de Georges Patient et sommes favorables à l'adoption de ces crédits. Toutefois, l'idée qu'ils puissent ne pas être examinés dans l'hémicycle nous préoccupe car, plus qu'à une part thématisée du budget de l'État, ils correspondent à une géographie particulière, et à des populations envers lesquelles ce serait une marque d'irrespect.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « « Outre-mer » et de l'article 63 rattaché, sans modification.

La réunion est close à 16 h 10.