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Table des matières



Questions orales

Infirmiers anesthésistes

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Communes nouvelles

M. Jean-Claude Lenoir

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Sites SNCF de Périgueux et de Chamiers

M. Claude Bérit-Débat

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE)

M. François Commeinhes, en remplacement de M. Philippe Leroy

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Calendrier scolaire et tourisme

M. Luc Carvounas

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Carte des ZEP et réseaux de réussite scolaire CRRS

M. Philippe Madrelle

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Agriculteurs de Côte-d'Or

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Compensation pour les communes du classement de terrains en zone d'aléa fort

Mme Gisèle Jourda

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Intempéries dans le Gard

M. Simon Sutour

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Règles de construction en zone agricole et naturelle

M. Pascal Allizard

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Nouvelle carte des zones vulnérables

M. Jacques Mézard

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Implantation d'antennes relais

M. Jean-Claude Frécon

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Couverture du territoire en téléphonie mobile

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Défaillance du réseau téléphonique en Ardèche

M. Mathieu Darnaud

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Projet éducatif territorial

M. François Bonhomme

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Conséquences de la réforme territoriale

M. Henri Cabanel

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Fusion d'EPCI

M. François Commeinhes

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Construction d'un lycée public à Ploërmel

M. Michel Le Scouarnec

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée)

Rappel au Règlement

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. Gérard Larcher, président du Sénat

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis pour la commission de la culture

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation

M. Ronan Dantec

M. Christian Favier

M. Jacques Mézard

M. Philippe Adnot

M. Michel Delebarre

M. Michel Mercier

M. Bruno Retailleau

Mme Marie-Christine Blandin

M. Jean-Pierre Bosino

M. Pierre-Yves Collombat

Mise au point au sujet d'un vote

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Michel Amiel

Mme Jacqueline Gourault

M. Bruno Sido

Mme Sylvie Robert

Mme Cécile Cukierman

Mme Sophie Joissains

M. Henri de Raincourt

M. Gérard Collomb

Mme Françoise Gatel

CMP (Demande de constitution)

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. François-Noël Buffet

M. Claude Haut

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Jean-Pierre Grand

Mme Odette Herviaux

M. Jean-Léonce Dupont

M. Philippe Dallier

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

M. Michel Vaspart

M. Philippe Kaltenbach

M. Alain Fouché

M. Jean-Yves Roux

M. François Bonhomme

M. Yannick Botrel

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Samia Ghali

M. Michel Bouvard

M. Jean-Jacques Lozach

M. Daniel Chasseing

M. Alain Duran

M. Michel Raison

Mme Delphine Bataille

M. Didier Marie

M. Bernard Cazeau

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Mme Marylise Lebranchu, ministre

Ordre du jour du mercredi 17 décembre 2014




SÉANCE

du mardi 16 décembre 2014

43e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Claude Dilain, Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 9 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.

Infirmiers anesthésistes

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Le décès d'une jeune femme à Orthez en septembre dernier soulève la question de la mortalité maternelle. L'hémorragie du post-partum en reste la première cause. La France est mal classée, hélas, par rapport à ses voisins. Si la décision médicale relève du seul médecin, le travail en tandem avec l'infirmier anesthésiste permet de faire face en cas de défaillance du médecin.

On dénombre 5 000 infirmiers anesthésistes diplômés, soit un pour deux médecins. Les cliniques, qui reposent sur la rentabilité, risquent de se priver de la présence d'un infirmier. Ne faudrait-il pas rendre celle-ci obligatoire ? Comment comptez-vous faire face aux départs massifs à la retraite ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Même si la présence d'un deuxième professionnel n'est pas obligatoire, l'existence d'infirmiers formés et spécialisés favorise le travail en équipe. Sa présence est justifiée en cas de chirurgie pédiatrique ou d'urgence. C'est déjà le cas dans de nombreux établissements. Les ARS déterminent les besoins de professionnels sur le territoire. L'enquête est en cours pour faire la lumière sur la tragédie d'Orthez.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - J'aurais aimé entendre que les recommandations puissent être rendues obligatoires. La prévention est primordiale. Le départ massif en retraite est un vrai problème. J'aurais aimé plus de précisions sur ce sujet.

Communes nouvelles

M. Jean-Claude Lenoir .  - La commune nouvelle est une solution innovante et adaptée. L'article 5224-24 du Code général des collectivités territoriales prévoit que la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) va soit au syndicat départemental -quand la population de la commune est inférieure à 2 000 habitants-, soit à la commune, au-delà de ce seuil. Avec le développement des communes nouvelles, les syndicats départementaux vont voir leurs ressources baisser. En outre, une partie du Fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé) leur est versée en fonction du nombre de communes de moins de 2 000 habitants. Dans l'Orne, le syndicat perdrait 70 % de ses recettes. Quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Les communes nouvelles dont la population sera supérieure à 2 000 habitants seront en effet en droit de percevoir directement la TCCFE et d'en fixer le coefficient multiplicateur. Toutefois, le code général des collectivités territoriales leur laisse la possibilité de laisser le syndicat percevoir la taxe et en fixer le coefficient dans certaines circonstances. Il faudra qu'un dialogue s'engage entre eux.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les syndicats départementaux ne seront guère rassurés par votre réponse. Dans le contexte budgétaire actuel, je n'imagine pas une commune renoncer à percevoir la taxe ! En l'absence de règle précise, le dialogue n'aboutira pas. Quid de la part du Facé versée aux syndicats départementaux ? Il faut faire évoluer les choses et rassurer les syndicats départementaux.

Sites SNCF de Périgueux et de Chamiers

M. Claude Bérit-Débat .  - Ce n'est pas la première fois que je pose cette question. Les ateliers SNCF de Chamiers voient leurs effectifs baisser. Comment augmenter le plan de charge qui a conduit à une sous-utilisation des équipements ?

Les ateliers SNCF de Périgueux sont spécialisés dans la construction et le reconditionnement des trains Corail. Ils comptent 650 salariés. Avec la disparition des trains Corail, 250 salariés seraient concernés par une baisse d'activité. On évoque une nouvelle génération de trains régionaux, ou le développement du TGV. Tout le maillage ferroviaire régional est en cause. J'attends une réponse plus positive que celles que je reçois depuis plus de six ans...

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Veuillez excuser Alain Vidalies qui est à Bruxelles pour un Conseil de la pêche. La SNCF a regroupé, en 2012, les sites de Chamiers et Périgueux avec celui de Saintes pour réaliser le technicentre industriel de Charentes-Dordogne.

Depuis 2011, des opérations de révisions et rénovations de voitures Corail ont été confiées au site de Périgueux. Les perspectives en termes de plan de charge sont suffisantes pour maintenir les effectifs.

Le Gouvernement souhaite développer les TET. Une commission présidée par le député Buron y travaille, qui remettra son rapport dans six mois ; le Parlement sera associé.

Le site de Chamiers, confronté à la réduction de la demande et à la concurrence, a connu une réduction sensible de ses effectifs, mais aucun licenciement. De nouveaux contrats ont été remportés qui sécurisent le plan de production jusqu'en 2015 par la fourniture des appareils de voie des lignes TGV Bordeaux-Tours et Le Mans -Rennes. La SNCF ne peut toutefois pas envisager de nouveaux recrutements pour l'instant. Le Gouvernement est mobilisé pour maintenir l'emploi sur ces sites.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je reçois toujours la même réponse -et je constate que les choses n'évoluent guère. J'espère que le projet de rénovation de Périgord-Limoges-Toulouse permettra de redonner du travail à ces ateliers.

Le regroupement des technicentres de Périgueux et de Saintes suscite des interrogations. Je relaie les inquiétudes du personnel : il faut trouver de nouvelles perspectives pour ces ateliers, qui ont un véritable savoir-faire et représentent un point d'ancrage industriel pour notre territoire.

Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE)

M. François Commeinhes, en remplacement de M. Philippe Leroy .  - Les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) bénéficient d'un financement issu désormais de la taxe d'aménagement. Or, depuis le 1er mars 2012, l'application informatique de la direction générale des finances publiques chargée du recouvrement de cette taxe n'a pas été opérationnelle. De plus, les recettes de la taxe d'aménagement ne sont pas à la hauteur des prévisions annoncées. Pour le département de l'Hérault, 791 000 euros étaient attendus et ce sont seulement 302 000 euros qui ont été versés pour 2013. En 2014, il était prévu une recette de 1 035 000 euros. Or 311 000 euros ont été perçus et le montant total n'excèderait pas 600 000 euros. Ces difficultés fragilisent un grand nombre de CAUE et compromettent leur existence même. Le rôle économique et le lien institutionnel fort entre CAUE et les territoires doit être défendu. 82 départements sur 101 disposent d'un CAUE, 11 660 communes adhèrent.

Quelles sont les mesures mises en place pour rattraper le retard pris dans le recouvrement de la taxe et assurer la survie des CAUE ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Veuillez excuser Mme Pinel, qui accompagne le président de la République pour la présentation du nouveau programme national de rénovation urbaine.

La réforme des CAUE, en avril dernier, s'est accompagnée d'une refonte du système informatique qui a connu des difficultés techniques, repoussant de deux mois l'émission des titres. Depuis juillet 2013, 754 440 factures ont été prises en charge, pour 1,199 milliard d'euros. Le conseil général de la Moselle a recouvré au 31 octobre 2014 5,2 millions au titre de la part départementale de la taxe d'aménagement pour financer la politique des espaces verts et le CAUE.

La législation n'a pas différencié, au sein de la taxe départementale, la part affectée aux CAUE. La part départementale de la taxe d'aménagement est recouvrée après émission de deux titres de recettes, à douze et vingt-quatre mois. En 2014, le département percevra la deuxième échéance des permis délivrés en 2012 et l'échéance unique des permis délivrés en 2013 : des difficultés ne se reproduiront donc pas. Le délai est d'environ huit semaines.

M. François Commeinhes.  - Ces propos sont rassurants, j'espère que ces difficultés vont s'aplanir. Merci.

Calendrier scolaire et tourisme

M. Luc Carvounas .  - Ma question porte sur le délicat sujet du calendrier scolaire et de ses répercussions sur l'industrie du tourisme. Les choses sont claires : la priorité, c'est le bon développement des enfants dans leur cadre scolaire. Vincent Peillon avait annoncé une nouvelle discussion sur le calendrier scolaire à partir de 2015, créant à la fois des attentes chez les professionnels du tourisme mais aussi des craintes. Leurs revendications sont connues : avancer les vacances de printemps -notamment pour favoriser les stations de montagne-, instaurer un zonage en cas de raccourcissement des vacances d'été. Le ministère va recevoir prochainement les professionnels du tourisme pour en débattre dans un esprit de concertation. Ce sujet est cependant très sensible et il ne s'agirait pas d'opposer les uns aux autres de manière démagogique. L'objectif doit être d'améliorer les temps scolaires des enfants sans pénaliser la première industrie de France. Serait-il possible de rassurer les professionnels du tourisme en garantissant qu'une discussion sur le calendrier scolaires sera bien ouverte en 2015 ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - L'école doit tenir compte de l'intérêt des enfants en priorité. Il faut donner à chacun d'eux toutes les chances de réussite -ce qui suppose de tenir compte de leur besoin de repos. Le Gouvernement a toutefois entendu les préoccupations des professionnels du tourisme. La modification du calendrier scolaire découle d'un constat partagé par tous les experts : le premier trimestre est trop long, le temps de récupération est trop court. D'où une modification pour les trois années à venir, qui a été approuvée par le conseil supérieur de l'éducation nationale. Les trente-six semaines légales d'enseignement sont réparties sur cinq périodes de travail d'une durée comparable.

Les zones de montagne sont affectées par les dates des vacances d'hiver ; les zones balnéaires, par celles des vacances d'été. La réflexion sera poursuivie en 2015 pour trouver un meilleur équilibre. Les professionnels du tourisme sont écoutés par le Gouvernement ; nous ferons tout pour mettre leurs demandes en adéquation avec l'intérêt des élèves.

M. Luc Carvounas.  - Merci pour ces précisions. Il y a une vraie attente chez les professionnels du tourisme, notre première industrie qu'il faut favoriser pour relancer notre économie.

Carte des ZEP et réseaux de réussite scolaire CRRS

M. Philippe Madrelle .  - Les classements internationaux pointent la situation inquiétante de notre système scolaire. En Gironde comme ailleurs, les enseignants, les parents, les élus s'inquiètent du projet de révision de la carte des zones d'éducation prioritaires, outil de justice sociale et de corrections des inégalités.

Mais les réseaux de réussite scolaire (RRS) privilégient l'urbain sur le rural, ce qui inquiète. Deux collèges de Gironde entrent dans le dispositif mais six en sortent alors que les indicateurs socio- éducatifs justifieraient qu'on les y maintienne : il s'agit de zones rurales de grande précarité, où vivent des familles défavorisées n'ayant pas accès à la culture. Il faudrait tenir compte de critères plus proches de la réalité du terrain que le taux d'élèves résidant en ZUS, le taux d'élèves de classes défavorisées, le taux de boursiers ou d'élèves en retard d'un an à l'entrée en sixième. Le recteur de l'académie de Bordeaux a annoncé un contrat académique de réussite éducative. Pouvez-vous nous en dire plus ? Il en va de l'égalité de traitement des territoires de Gironde, qui relève de l'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Les conditions de la réussite scolaire sont inégalement réparties sur le territoire. Les origines sociales restent déterminantes dans la réussite scolaire. Il s'agit de corriger ces inégalités, grâce à la refonte du réseau de l'éducation prioritaire. La nouvelle carte des ZEP tient compte de critères objectifs, inédits. Un nouvel indicateur innovant a été créé : l'indice social, calculé en fonction de la profession des parents, du taux de boursier, du taux d'élèves résidant en quartiers prioritaires et en retard à l'entrée en sixième.

Les services de l'éducation nationale sont attentifs aux revendications que vous portez. La ministre de l'éducation nationale veut aboutir à une allocation juste des moyens. Les établissements seront mieux dotés en fonction de leur profil sociologique et de leurs difficultés objectives. Ce nouveau système mettra fin aux effets de seuil et aux ruptures de charges entre établissements entrant ou pas dans le dispositif.

Les enseignants d'établissements sortant du réseau verront leur rémunération inchangée, avec une clause de sauvegarde de trois ans.

Le Gouvernement a à coeur que chaque enfant puisse réussir, quelle que soit sa situation sociale. Il reste à votre disposition pour faire le point avec vous sur ce dossier.

M. Philippe Madrelle.  - Vous connaissez l'Aquitaine, la contestation ne cesse de monter. Il faut plus de pédagogie. Si les moyens doivent être préservés, pourquoi ce grand jeu de chaises musicales ? Les enfants ont besoin d'espoir et de stabilité.

Agriculteurs de Côte-d'Or

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Les agriculteurs de Côte-d'Or se trouvent dans une situation économique très préoccupante. Depuis 2011, les aléas climatiques se succèdent : la sécheresse en 2011, le gel à la fin de l'hiver 2012, les inondations en 2013 et les excès d'eau en 2014. La récolte 2014 est calamiteuse. Ces aléas ont conduit à un déficit moyen estimé, aujourd'hui, à environ 30 000 euros par exploitation, voire 100 000 euros.

Face à ces mauvais résultats, il est nécessaire d'aider les agriculteurs. Il existe un certain nombre de propositions concrètes : la rétrocession par l'État de 40 millions d'euros prélevés sur les fonds de la mutualité sociale agricole (MSA), un dégrèvement global de la taxe sur le foncier non bâti pour toutes les productions et la mise en place d'une mesure agro-environnementale réaliste : l'indice de fréquence des traitements aux herbicides est trop contraignant. Les agriculteurs de Côte-d'Or sollicitent une réévaluation de la traduction française de la nouvelle PAC qui, rapportée à l'Allemagne, fait apparaître un écart annuel de 100 euros par hectare, une distorsion de concurrence sans précédent.

Quelles sont les mesures que le Gouvernement envisage pour aider les agriculteurs et pour pallier cette distorsion de concurrence avec l'Allemagne ? (M. Michel Canevet applaudit)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - La semaine dernière, j'ai passé trois heures avec les organisations professionnelles de Côte-d'Or. Les indemnisations versées à la suite des aléas que vous avez cités peuvent être complétées par le dégrèvement de la TFNB.

Le DPA permet aux agriculteurs de faire des provisions quand les conditions sont meilleures, pour faire face aux éventuels aléas. Cela doit être complété sur le plan assurantiel avec la mutualisation dans le cadre d'un contrat socle. J'y travaille depuis un an et demi et j'espère que nous aboutirons bientôt, en mobilisant les établissements financiers.

L'indice de fréquence de traitement (IFT) doit être établi par région homogène en termes climatiques. La discussion est en cours avec les professionnels pour trouver un dispositif efficace. Ce sera la première fois que l'on créera une dynamique avec les agriculteurs, sans se contenter d'imposer une mesure mal perçue, pour qu'ils pilotent eux-mêmes la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires.

Dans le cadre de la PAC, le budget de l'agriculture de l'Allemagne a baissé de 7 %, la France n'a perdu que 2 %. L'Allemagne a un système de convergence totale : il n'y a plus d'aide couplée, uniquement des aides à l'hectare.

L'Allemagne, qui touche entre 154 et 191 euros à l'hectare, sera à 174 euros en 2019, le verdissement à hauteur de 85 euros, avec une redistribution de 50 euros pour les trente premiers hectares. En France, en 2015, le paiement de base à l'hectare s'établira à 132 euros, le paiement vert à 82 euros, le paiement redistributif à 26 euros, à quoi s'ajoutent les aides couplées. Les chiffres sont à peu près équivalents, sans compter le CICE qui viendra soutenir les exploitations via l'allégement de charges.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Merci. La distorsion de concurrence demeure toutefois avec nombre de pays européens. Sur l'IFT, je me réjouis que l'on recherche une mesure acceptable pour les agriculteurs. Vous ne m'avez pas répondu sur la MSA. En Côte-d'Or, le 1,5 million reversé a déjà été consommé, preuve de la gravité des problèmes rencontrés par les agriculteurs.

Compensation pour les communes du classement de terrains en zone d'aléa fort

Mme Gisèle Jourda .  - Une parcelle acquise par la commune de Cépie, située dans l'Aude, a été classée en zone d'aléa fort par le plan de prévention du risque inondation, alors que l'achat de cette parcelle était destiné au développement de l'actuelle zone d'activités économique municipale.

Certes, la sécurité doit être notre priorité à tous mais cette situation est pénalisante pour la commune. L'impact financier est important, le terrain ayant été acheté en 2008, par préemption, pour 185 000 euros. Le classement en zone d'aléa fort n'a jamais été évoqué dans les cartes d'aléas communiquées entre 2009 et mai 2014. Si la municipalité de Cépie en avait eu connaissance, elle aurait fait d'autres choix d'urbanisme !

Face à cette situation, la commune a proposé des solutions techniques : surélévations, busage de fossé ou clapet anti-retour. Toutes ont été rejetées. Il faut trouver une issue parce qu'il est impossible d'ouvrir la construction en zone d'aléa fort.

Quelles solutions, quelles compensations le Gouvernement peut-il apporter à cette commune et aux nombreuses autres qui se trouvent dans la même situation ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je comprends votre question : il n'est pas question de remettre en cause l'application des plans de prévention des risques inondations (PPRI) mais il faut des adaptations.

Selon la réponse du ministère de l'écologie, les études d'aléa illustrent un risque important à Cépie. Aucune solution technique ne paraît adaptée pour autoriser l'urbanisation. Il est constant que la politique d'indemnisation concerne les infrastructures existantes et n'a pas vocation à s'appliquer aux terrains nus inondables. Il convient donc de valoriser le terrain en question avec des usages compatibles avec le risque.

L'État accompagne les communes grâce à la stratégie nationale de gestion du risque inondation, arrêtée le 7 octobre, qui vise à anticiper et prévenir le risque selon la spécificité des territoires. C'est l'occasion pour les élus de sensibiliser la population et de réaliser des actions pour diminuer la vulnérabilité de leur commune.

Cette réponse n'est peut-être pas satisfaisante mais l'essentiel est la prévention, tout en reconnaissant qu'il faut sans doute améliorer l'information des collectivités locales.

Mme Gisèle Jourda.  - Pour un petit village, l'investissement est lourd. À aucun moment, nous ne remettons en cause le bien-fondé du PPRI et nous sommes conscients de la priorité donnée à la protection des personnes.

Intempéries dans le Gard

M. Simon Sutour .  - Trois mois d'enfer, c'est le titre du Midi Libre pour résumer ce qu'a vécu la population du Gard. Au cours des mois de juillet, septembre, octobre et novembre 2014, le département a connu pas moins de quatre événements climatiques très puissants qui ont causé des dommages très importants.

Malgré la culture des risques, très présente dans notre population qui connaît les phénomènes cévenols, on déplore le décès d'une personne dans un camping à Saint-Paulet-de-Caisson, d'une autre à Saint-Laurent-le-Minier, puis de quatre autres, dont deux enfants et leur mère...

Les dégâts aux infrastructures publiques sont conséquents. Sans les investissements consentis par les collectivités locales épaulées par l'État et l'Union européenne en matière de prévention des inondations, les conséquences de ces pluies diluviennes auraient été encore plus dramatiques. Le Gard est, à ce titre, un exemple de ce qui peut être réalisé dans ce domaine.

Mais sa vulnérabilité nécessite de nouveaux aménagements, aussi bien dans les zones rurales qu'urbaines. Les communes et le conseil général ont répondu aux situations d'urgence et le classement en zone de catastrophe naturelle d'une large partie du territoire permettra une indemnisation des sinistrés.

Si 157 communes sur les 353 du département ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, cela ne suffit pas, bien sûr, pour réparer l'ensemble des destructions et la mobilisation de l'État reste nécessaire. Il serait souhaitable que la mission interministérielle chargée d'évaluer les dégâts rende son rapport rapidement pour déclencher la mise en place du fonds de calamités publiques et qu'une avance sur ce fonds puisse être débloquée. Il faut que l'État et l'Union européenne s'engagent à soutenir, à plus long terme, les investissements relatifs à la prévention des inondations qui pourraient se multiplier sur le pourtour méditerranéen en raison des changements climatiques.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Les habitants du Gard ont vécu trois mois en enfer, en effet. Le Gouvernement en a conscience et en mesure l'impact psychologique. À titre personnel, je connais cette situation pour avoir habité dans une zone où ma maison a été inondée. Le Gouvernement a accéléré la procédure de classement en zone de catastrophe naturelle. D'un point de vue structurel, il faut améliorer l'organisation de l'État et des collectivités pour faire face à ces événements qui risquent de se répéter à cause du changement climatique. Il faut mettre en oeuvre les plans de prévention en confiant aux syndicats la gestion amont et aval. S'agissant du travail de soutien aux collectivités, nous en constatons la lourdeur et la lenteur : avec les ministères de l'intérieur, de l'écologie et des finances, nous travaillons à un raccourcissement des délais d'indemnisation en cas de catastrophe naturelle. Les fonds européens ont été régionalisés et les contrats de plan devront aussi traiter de la gestion de ces risques.

M. Simon Sutour.  - Le Gouvernement a fait le maximum. Je salue l'action des ministres de l'intérieur et de l'agriculture. J'espère que la mission d'évaluation, venue dans le Gard le 15 novembre, rendra rapidement ses conclusions.

Règles de construction en zone agricole et naturelle

M. Pascal Allizard .  - Les règles de construction en zone agricole et naturelle sont encadrées par le code de l'urbanisme, modifié par la loi Alur. Il était devenu quasi impossible de faire évoluer le bâti existant en zone agricole et naturelle en dehors des secteurs de taille et de capacité d'accueil limités (Stecal), qui ne pouvaient être établis qu'à titre exceptionnel. Nombre de collectivités ont été amenées, comme dans le Calvados où l'habitat est très dispersé, à prendre des délibérations traduisant leurs inquiétudes. La loi d'avenir pour l'agriculture a permis quelques avancées, à l'initiative de certains sénateurs, en lien avec l'Association des maires de France.

Ainsi, certains bâtiments identifiés dans le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) pourront faire l'objet d'un changement de destination, après avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers.

Les bâtiments d'habitation pourront faire l'objet d'une extension. Toutefois, rien ne vise les annexes -piscines, garages ou abris de jardin-, lesquelles demeurent interdites alors qu'elles représentent des accessoires communs des habitations. Quant aux abris pour animaux, ils doivent être éloignés des habitations. L'obligation d'offrir un abri aux animaux est rendue impossible actuellement hors statut agricole.

Enfin, il n'est pas envisagé de créer un Stecal pour chaque annexe, dans les zones d'habitat dispersé. Au moment où les territoires ruraux doivent retrouver de l'attractivité, les habitants et les élus s'inquiètent de ce verrouillage des autorisations de construire. Les territoires ruraux sont vivants et leurs habitants doivent pouvoir y vivre sans contraintes excessives. Ces annexes n'emportent pas de consommation foncière supplémentaire puisqu'elles se situent sur des terrains déjà bâtis.

Une réflexion sera-t-elle mise en place, en partenariat avec les associations d'élus, pour faire évoluer les règles de constructibilité des bâtiments annexes ou de loisir en zone agricole et naturelle ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Nous avons eu un long débat sur ce sujet lors de la loi d'avenir, qui a fait évoluer la loi Alur pour desserrer le corset réglementaire dans les zones agricoles et faciliter le changement de destination des bâtiments. Il fallait notamment faciliter l'installation des jeunes agriculteurs qui travaillent à proximité en évitant la spéculation. Le Gouvernement souhaite en rester à ce compromis, auquel le Sénat a grandement contribué, entre les attentes des élus et la nécessité d'une urbanisation maîtrisée.

M. Pascal Allizard.  - La question des annexes reste posée. L'absence de réponse aux demandes d'autorisation d'urbanisme vaut accord... Je crains que certains n'abusent -et des contentieux.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - N'hésitez pas à me saisir.

Nouvelle carte des zones vulnérables

M. Jacques Mézard .  - La carte des zones dites vulnérables a été annoncée le 23 juillet 2014 en application de la directive Nitrates qui vise à protéger la qualité de l'eau en Europe. Elle anticipe une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne. Le classement concerne 3 888 communes supplémentaires, 63 000 exploitations dont 36 000 en élevage ou polyculture-élevage ; près de 70 % de la surface agricole utile seraient in fine concernés... Et 17 communes de mon département du Cantal.

Les critères sont discutables et coupés des réalités. Aucune justification scientifique n'est fournie. Les conséquences pour les agriculteurs sont lourdes : investissements élevés, endettement accru, impossibilité d'étendre le lisier... Dans certaines communes, pas une parcelle où la pente est inférieure à 7 % : le texte est inapplicable.

Comment le Gouvernement compte-t-il faire évoluer le zonage ? Une goutte d'eau, mais qui risque de faire déborder le vase...

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Le sujet est lourd. La France est en contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne. Nous avons fait des propositions autour du risque d'eutrophisation, d'abord pour le bassin aval puis, à la demande de la Commission, pour les eaux continentales.

J'ai saisi l'Inra pour revoir scientifiquement les critères du risque d'eutrophisation. En outre, nous cherchons à ouvrir le potentiel d'épandage sur les zones en pente dès lors qu'il n'y a pas de cours d'eau plus bas ; nous voulons aussi autoriser le stockage des fumiers pailleux en plein champ, favoriser l'auto-construction si des investissements sont nécessaires, mobiliser en dernier ressort les aides du plan de modernisation. Nous pouvons, grâce au progrès de la cartographie, définir avec précision les bassins hydrographiques et mieux définir les zones vulnérables.

M. Jacques Mézard.  - Je vous remercie pour votre écoute. Nous avons besoin de concertation. Le zonage a été perçu comme arbitraire, sans fondement scientifique. Le Gouvernement en a pris conscience. Le problème est réel, notamment pour les petites exploitations de montagne.

Implantation d'antennes relais

M. Jean-Claude Frécon .  - La commune de Saint-Jean-Bonnefonds, dans la Loire, a reçu une déclaration préalable déposée par un opérateur de téléphonie mobile qui souhaite installer trois antennes et deux faisceaux hertziens dans une zone qui compte déjà trois pylônes de ce type à proximité.

L'article D. 98-6-1, paragraphe II, du code des postes et des communications électroniques, que je connais bien pour siéger au nom du Sénat à la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, préconise, sous réserve de compatibilité technique, une mutualisation entre les opérateurs.

Ne serait-il pas dans l'intérêt de tous de mettre en place des mesures plus coercitives pour favoriser un réel regroupement des sites radioélectriques et éviter ainsi leur multiplication sur le territoire ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - La question est complexe. Nos concitoyens souhaitent disposer d'un réseau efficace ; le développement des smartphones crée de nouveaux besoins et les opérateurs doivent déployer, pour y répondre, de nouvelles antennes.

Dans le département de la Loire, le taux de couverture en 3G de la population est compris entre 92,7% et 99,9 %. La mutualisation des pylônes est d'abord dans l'intérêt des opérateurs car l'investissement est élevé, environ 100 000 euros par pylône. Un tiers des sites sont partagés. SFR et Bouygues Télécom ont annoncé leur volonté de partager leur réseau en dehors des zones les plus denses. Free va aussi dans ce sens et le Gouvernement encourage le mouvement.

La mutualisation s'impose dans les zones blanches. Le programme, lancé par l'État pour couvrir les zones en 2G dans les 3 300 communes concernées, s'appuie sur la mutualisation. Il aurait dû être achevé fin 2013, il ne l'est pas ; l'Arcep a ouvert une procédure contre les quatre opérateurs.

Le plan Très haut débit est sur les rails, la couverture en téléphonie mobile doit redevenir une priorité, avec un recours plus systématique à la mutualisation. La réouverture du programme Zones blanches est à l'ordre du jour. Le Gouvernement y travaille.

M. Jean-Claude Frécon.  - Merci pour ces précisions. Mais avant d'installer un quatrième pylône, n'aurait-il pas fallu une étude pour envisager une mutualisation ? Certes, Saint-Jean-Bonnefonds n'est pas vraiment en zone rurale mais sur un aussi petit territoire, quatre pylônes, c'est trop ! Les riverains subissent déjà des nuisances et sont inquiets.

Couverture du territoire en téléphonie mobile

Mme Nicole Bonnefoy .  - Lorsqu'ils obtiennent une autorisation d'utilisation de fréquences, les opérateurs de téléphonie mobile doivent, en contrepartie, respecter des obligations de couverture de la population et du territoire. C'est le cas, avec des taux de couverture au-delà de 98 % dans la plupart des cas. Par ailleurs, le programme Zones blanches, qui associe État, collectivités et opérateurs, remplit globalement ses objectifs.

Pourtant, de nombreux citoyens souffrent, dans les territoires peu densément peuplés comme en Charente, d'une couverture inexistante ou d'une très faible qualité de service, en raison des critères retenus pour considérer un territoire comme couvert. Ainsi, une zone est réputée couverte quand au moins 50 % des appels passés dans le centre-bourg sont acceptables. Quelle que soit la taille de la commune, les mesures sont limitées à un rayon de 500 mètres centrés sur le bourg, sur des appels passés à l'extérieur et en position statique. Dans les communes étendues ou dont le bourg est poly-centré, ces critères se révèlent inopérants. Beaucoup sont considérées comme couvertes mais ne le sont pas dans les faits. Le Gouvernement entend-il revoir les critères de couverture ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Le Gouvernement a lancé un plan de 20 milliards d'euros pour développer le réseau fixe ; le plan Très haut débit est sur de bons rails. S'agissant de la téléphonie mobile, 40 000 antennes sont déployées sur le territoire. En dépit de l'impression des consommateurs, la France est plutôt mieux lotie que ses voisins. Les opérateurs sont soumis à une obligation de couverture nationale en 2G et 3G et aux obligations du programme Zones blanches, notamment la couverture de 3 300 centre-bourgs ruraux.

Ces obligations ne sont pas assez respectées. C'est pourquoi nous avons rétabli le pouvoir de sanction de l'Arcep. Celle-ci a déjà ouvert trois enquêtes administratives, notamment sur la couverture 3G par Free et SFR.

Les utilisateurs, en effet, pourraient être mieux informés. Sur la couverture mobile, je souhaite développer l'open data, voire le crowdsourcing pour mieux appréhender les réalités locales.

Présentant son agenda des réformes, le Premier ministre a assuré qu'il comptait donner de nouveaux moyens aux communes pour parfaire leur réseau et aider à mieux couvrir les zones grises. Le Gouvernement est attaché à améliorer la couverture mobile dans les zones les plus éloignées des centres urbains.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je salue le volontarisme du Gouvernement. Mais il est nécessaire de revoir les critères de couverture de l'Arcep -passer de 500 à 1 000 mètres, par exemple, serait bienvenu. Les communes doivent être autorisées, le cas échéant, à agir directement, mais l'investissement pour un pylône n'est pas négligeable. Mieux vaut obliger les opérateurs à tenir leurs obligations.

Défaillance du réseau téléphonique en Ardèche

M. Mathieu Darnaud .  - Le développement du réseau téléphonique de l'Ardèche accuse un grand retard, avec un taux de couverture allant de 47,86 % à 71,29 %. Une grande partie des communes ardéchoises et, plus particulièrement, des nord-ouest et sud-est, couvertes par des programmes de zones blanches, sont victimes de dysfonctionnements fréquents et insupportables. C'est retour vers le futur pour les habitants qui redécouvrent le sous-équipement des générations passées...

Des communes sont restées huit mois sans accès au réseau en 2013. Les travaux d'entretien indispensables n'étant pas réalisés, des pannes récurrentes surviennent, comme encore récemment à Rochepaule. Le manque de réactivité des services d'Orange est vécu comme un abandon. Des centaines d'abonnés restent fréquemment coupés de l'extérieur durant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans téléphone, internet ni télévision. C'était encore le cas la semaine du 20 octobre à Quintenas. Les habitants sont excédés et signent des pétitions.

L'État détient 27 % du capital d'Orange. Quelles sont les initiatives que compte prendre le Gouvernement pour rétablir l'équilibre entre les territoires, sortir l'Ardèche de son enclave téléphonique et mettre en place une véritable politique d'entretien des câbles et du réseau filaire ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Ces pannes sont inacceptables. Orange a été désigné prestataire du service universel de la téléphonie fixe. Des dysfonctionnements sont constatés, qui me sont régulièrement remontés. J'en ai fait part à l'entreprise -comme nos concitoyens, j'ai moi aussi parfois des difficultés à obtenir des réponses...

Au premier trimestre 2014, 78 % des défaillances téléphoniques ont été réparées en 48 heures, alors que l'objectif est de 85%. Le délai moyen de réparation est de 76 heures, pour un objectif de 48 heures. Nous avons rétabli le pouvoir de sanction de l'Arcep, qui a lancé une enquête, et Orange s'est engagé à améliorer le qualité de service en renforçant ses équipes d'intervention, en anticipant mieux les risques, en améliorant l'information sur l'évolution du réseau et en collaborant davantage avec les collectivités territoriales, spécialement en cas de crise.

En cas de difficultés, les collectivités territoriales doivent pouvoir se tourner vers les directions régionales de l'opérateur. C'est essentiel. À l'heure du numérique, on comprendrait mal qu'un suivi en temps réel ne soit pas possible.

Le plan de déploiement de la fibre optique avance bien. Nous faisons aussi de l'amélioration du réseau mobile une priorité, alors que peu a été fait dans le passé. Nous conjuguons les efforts de l'État et des collectivités territoriales, c'est une approche vertueuse.

M. Mathieu Darnaud.  - La première partie de la réponse ne m'a guère rassuré. Je compte sur la vigilance de l'État pour que l'opérateur remplisse ses obligations. Il faut continuer à améliorer les réseaux, c'est une question de confort mais aussi de sécurité.

Projet éducatif territorial

M. François Bonhomme .  - Dans son discours du 28 octobre 2014 devant le Sénat, le Premier ministre a annoncé que le fonds d'amorçage mis en place pour aider l'ensemble des communes à financer la réforme des rythmes scolaires serait maintenu pour l'année 2015 et 2016 à son niveau actuel. À l'Assemblée nationale, ce fonds a été rebaptisé fonds de soutien, gage, nous l'espérons, de sa pérennisation.

Cependant, les amendements adoptés précisent que les subventions -50 euros annuels par enfant, auxquels s'ajoutent 40 euros pour les communes en zone rurale ou urbaine sensible- seront conditionnées à la conclusion, par les communes, d'un projet éducatif territorial (PEDT), afin que le fonds ne finance pas une simple garderie. Or, ce PEDT est très compliqué à mettre en oeuvre dans les communes rurales, essentiellement pour des raisons financières puisque le coût des activités périscolaires est évalué entre 180 et 200 euros par an et par élève. Ce fonds nécessite une démarche contractuelle, avec un cahier des charges précis ; or les petites communes peinent à initier pareille démarche et à impliquer, sur leur territoire, les administrations de l'État concernées, notamment les inspections d'académie.

On nous a annoncé une circulaire qui accorderait un peu de souplesse. Où en est-on ? Pouvez-vous nous rassurer ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Le fonds d'amorçage devient un fonds de soutien pérenne, comme l'a annoncé le Premier ministre. Dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a écouté les maires et se mobilise pour que la réforme des rythmes scolaires soit un succès.

Le PEDT est un outil de dialogue pour construire des temps péri-éducatifs de qualité, dans le respect des compétences de chacun. Le choix de pérenniser le fonds est une garantie de bonne gestion des deniers publics. Aujourd'hui, plus de 8 000 communes sont couvertes par un PEDT, dont de très nombreuses petites communes. Preuve que c'est possible... Une circulaire sera très prochainement adressée aux services de l'État pour qu'ils accompagnent les communes.

Les groupes d'appui seront remobilisés et des outils pratiques d'accompagnement mis en ligne. Le Gouvernement a opté pour un dialogue constructif et un engagement dans la durée pour la réussite d'une réforme majeure, pensée dans l'intérêt des enfants. Dans un an, toutes les communes, tous les EPCI devront être couverts par un PEDT. C'est un défi que nous relèverons grâce à un partenariat fort entre l'État et les collectivités territoriales.

M. François Bonhomme.  - Espérons que ces propos rassurants seront suivis d'effet. Nous avons à coeur l'intérêt des enfants, mais aussi celui des communes. La conditionnalité du PEDT ne devra pas être un alibi pour priver les communes d'aide financière...

Conséquences de la réforme territoriale

M. Henri Cabanel .  - J'attire votre attention sur les conséquences de la mise en place des métropoles. Dans l'Hérault, le conseil de la communauté d'agglomération de Montpellier a acté le principe d'une transformation en métropole à la date du 1er janvier 2015. Cette décision va dans le sens de la clarification territoriale voulue par le Gouvernement et la souveraineté des élus locaux. Pour autant, la confusion règne toujours sur la répartition des compétences entre la métropole et le département. Les agents du département ne savent pas comment leurs missions vont être réorganisées. Une convention peut être passée entre le département et la métropole mais une clarification sur l'esprit de la loi pourrait être utile.

Quel serait le schéma optimal de répartition des compétences entre département et métropole aux yeux du Gouvernement ? Il est primordial que les électeurs puissent voter pour des élus dont ils connaissent le périmètre de pouvoir d'action et de compétences.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le Gouvernement a entendu faire des métropoles la catégorie la plus intégrée d'EPCI, en les rendant obligatoire dans les aires urbaines les plus importantes.

Au 1er juillet 2015, la France comptera onze métropoles, dont neuf obligatoires. Le choix de Montpellier de se transformer en métropole atteste du caractère attractif de cette novation institutionnelle. Le projet de loi NOTRe, dont l'examen en première lecture commence aujourd'hui devant le Sénat, propose, en son article 23, d'étendre les transferts et délégations de compétences des départements vers les métropoles, dans le domaine du soutien aux personnes en difficulté, de l'insertion, de la culture, du tourisme ou du sport.

La première lecture de la loi NOTRe aura eu lieu dans les deux chambres avant les élections de mars. L'organisation des élections n'empêche pas le législateur de modifier les compétences des métropoles et des départements entre deux renouvellements de mandats.

M. Henri Cabanel.  - Dans l'Hérault, nous allons élire, en mars 2015, douze conseillers départementaux issus de la métropole. Après le 1er janvier 2017, si la métropole a pris toutes les compétences, ces douze élus du conseil départemental n'auront plus de légitimité -puisqu'ils n'auront plus de compétence !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le même problème se pose dans l'Isère, avec Grenoble. Les conseillers départementaux seront des élus de tout le département ; ils pourront continuer de s'occuper des affaires de celui-ci.

Fusion d'EPCI

M. François Commeinhes .  - L'article L. 5211-41-3 du CGCT définit le régime des fusions d'EPCI. La Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) peut modifier le périmètre de la fusion projetée, à la majorité des deux tiers, le préfet ayant alors compétence liée. L'arrêté est notifié aux communes qui disposent de trois mois pour l'approuver. L'objectif d'achèvement de la carte intercommunale, sa rationalisation et la clarification des compétences méritent d'être partagé.

Néanmoins, entre les départements correspondants ou placés légèrement en-deçà de la moyenne nationale des ratios population-nombre de communes requis et ceux nécessitant l'action de la CDCI et de l'autorité préfectorale, les causes diffèrent, alors que les conséquences restent les mêmes. Outre les modalités visées par la loi quant aux fusions des EPCI, serait-il possible de permettre aux conférences territoriales de l'action publique (CTAP) d'être saisies par l'un des EPCI concerné ?

La loi NOTRe consacre le renforcement des régions mais le mouvement intercommunal doit être accompagné. L'organisation et la rationalisation du fait intercommunal doit être pensée : le coeur au niveau communal, la tête au niveau régional. Associer les CTAP permettrait une meilleure coordination. Ne peut-elle être consultée pour avis et devenir ainsi un acteur majeur de la République décentralisée ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Les conférences territoriales de l'action publique seront installées à compter de janvier prochain dans chaque région. Aux termes de l'article L. 1111-9-1 du CGCT, elles sont chargées « de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics » et peuvent « rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l'exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements ».

Leur objet est ainsi d'échanger sur les compétences des collectivités, non sur leur organisation institutionnelle. La CDCI a toute légitimité en la matière ; elle assure la juste représentation des collectivités territoriales, au niveau départemental ; elle a des pouvoirs larges. Ajouter la consultation de la CTAP complexifierait les choses et brouillerait les compétences respectives des deux instances.

M. François Commeinhes.  - À l'heure de la décentralisation renforcée, une instance à l'échelle régionale a un rôle à jouer. Nous en reparlerons cet après-midi...

Construction d'un lycée public à Ploërmel

M. Michel Le Scouarnec .  - Le lycée, c'est le moment du choix et de l'émancipation. Or, à Ploërmel, dans le Morbihan, il n'y a pas de lycée public -le premier est à 30 kilomètres.

Le conseil régional a enfin voté la construction d'un lycée public à Ploërmel. Cet élan doit être épaulé par le ministère de l'éducation nationale, qui doit le doter des postes indispensables et concrétiser l'offre de formation. L'enseignement est une priorité de votre Gouvernement ; cette impulsion ne doit pas se limiter au premier degré. Travaillons ensemble à la réalisation de ce projet. Je citerai Jules Michelet : « Quelle est la première partie de la politique ? L'éducation. La deuxième ? L'éducation. La troisième ? L'éducation ». Parents et élus attachés à la laïcité comptent sur vous !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - La ministre de l'éducation nationale partage votre sentiment sur la nécessité de faciliter l'accès à l'éducation sur tout le territoire de la République. La loi du 8 juillet 2013 permet de mieux prendre en compte les territoires ruraux. Ploërmel ne compte pas de lycée public, c'est vrai ; l'établissement le plus proche est à 27 kilomètres. La commune est au deuxième rang des communes françaises les plus éloignées d'une offre publique de lycées. Résultat, les élèves se tournent majoritairement vers le privé.

Selon l'Insee, la population de Ploërmel devrait croître de 33 % d'ici à 2040 et 600 lycéens devraient y être scolarisés en 2020. Le conseil régional et la communauté de communes ont donné leur accord pour la construction d'un lycée public, qui devra offrir toutes les filières générales et certaines filières technologiques. Nous suivrons le dossier avec la plus grande attention.

M. Michel Le Scouarnec.  - Pendant des années, les lycées publics ont eu du mal à s'implanter face à l'hostilité des élus. Le combat a été difficile. Dans le climat morose actuel, souhaitons que ces engagements se concrétisent, pour que les jeunes de Ploërmel aient enfin le choix. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !

La séance est suspendue à midi.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, après déclaration de procédure accélérée.

Rappel au Règlement

Mme Éliane Assassi .  - Mon rappel au Règlement a trait à l'organisation de nos travaux, qui aura rarement été marquée par une telle confusion : nous entamons la discussion générale de ce texte dont nous n'examinerons les amendements qu'à partir du 13 janvier prochain, ce qui ne facilitera pas l'intelligibilité du dispositif.

Je proteste contre l'atteinte au droit d'amendement que représente le délai de clôture fixé au début de la discussion générale, alors que la commission des lois a adopté 166 amendements qui modifient substantiellement le texte.

À ma demande de reporter le délai limite à début janvier, on a opposé la loi organique. Une erreur a été commise : il eût convenu de reporter au 13 janvier le début de la discussion générale. La nouvelle organisation territoriale de la République ne pouvait-elle justifier une journée supplémentaire de débat en janvier ? J'ai été choquée d'entendre que la clôture du délai limite au 16 décembre ne posait pas problème puisque le Gouvernement et la commission conservent le droit de déposer des amendements à tout moment. Si vous ne soutenez pas l'un ou l'autre, vous n'avez donc aucune chance d'influer sur le texte.

M. Jacques Mézard.  - C'est vrai.

Mme Éliane Assassi.  - Le droit, individuel, de proposer des amendements est atteint. Et la commission des lois examine 520 amendements en une journée ! Quelle confusion ! Le risque est grand de donner naissance à un monstre juridique. Le débat sur le projet de loi devient particulièrement confus, voire virtuel. Il se limite à un débat d'experts, voire de technocrates, alors qu'un grand débat national devait clarifier les enjeux et simplifier les solutions. Pourquoi ne pas avoir attendu le mois de janvier ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Évidemment, la commission des lois, dont vous êtes l'un des membres éminents, est particulièrement soucieuse de la qualité des débats. Dès le mois de juin, elle a désigné un rapporteur, René Vandierendonck, dont j'excuse l'absence aujourd'hui. Depuis lors, nous avons eu un certain temps pour réfléchir à l'évolution nécessaire de ce texte. Un second rapporteur, Jean-Jacques Hyest, a été désigné en octobre dernier. Nous avons eu, à l'initiative du président du Sénat, un débat avec le Premier ministre, le 28 octobre dernier.

Il est assez exceptionnel d'avoir eu autant de temps, d'autant que nous avons eu le sentiment d'un certain flottement de la part du Gouvernement. Les deux rapporteurs ont accompli un travail considérable. Jeudi dernier, à 22 h 30, après avoir examiné 521 amendements, la commission des lois a adopté le texte, qui était en ligne dès le lendemain matin. Samedi matin, le rapport était disponible. Les délais résultent de la loi organique...

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - ...qui dispose dans son article 13 que les amendements parlementaires cessent d'être recevables après le début de l'examen du texte en séance publique. Il n'appartenait ni à la commission ni au président du Sénat de rouvrir un délai déterminé par la Constitution et la loi organique.

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - Initialement, ce texte était inscrit dans la semaine du 3 novembre. Avec le président de la République et le Premier ministre, nous sommes convenus d'un calendrier qui eut l'avantage de nous permettre d'entendre le Premier ministre puis de réunir en Conseil national les trois associations nationales d'élus. L'article 13 s'impose à nous. C'est une contrainte mais nous avons desserré l'étreinte. Je souligne que l'engagement pris par le président de la République à l'égard du président du Sénat a été tenu.

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Je salue amicalement le rapporteur René Vandierendonck, en lui souhaitant un prompt rétablissement.

Ce projet de loi concerne les territoires de France. Nous avons le souhait commun de réussir cette réforme et le Sénat y aura largement contribué. Le président de la République et le Premier ministre nous ont demandé de trouver un maximum d'accords avec le Sénat, tout en respectant le travail de l'Assemblée nationale. C'est à la suite des états généraux d'octobre 2012 réunis au Sénat que nous avons établi un Conseil national d'évaluation des normes et que nous avons pris des dispositions qui y ont été suggérées, ainsi que par plusieurs sénateurs, comme le président Mézard et M. Vandierendonck.

Depuis les lois Defferre, les textes successifs ont entraîné de grandes avancées, mais aussi une multiplication des structures qui a complexifié l'action publique dans une situation contradictoire : on veut à la fois moins de dépenses publiques et plus de services publics. Nous n'acceptons plus que l'hyper-richesse côtoie l'hyper-pauvreté.

M. Bruno Sido.  - Absolument.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Donner de meilleures chances à nos concitoyens de maîtriser leur destin, de s'engager, de devenir ainsi plus confiants, de retrouver ainsi le chemin des urnes.

M. Éric Doligé.  - Ils ne sont pas prêts de revenir...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Ne cessons d'avoir en tête ceux qui se sentent abandonnés par la promesse républicaine. Nous croyons en la force de notre pays et avons confiance en nos élus.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous aussi !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - À la concurrence créatrice de complexité et de dumping territorial, opposons une saine coopération. La France est un patchwork magnifique de territoires différents, la coopération est le fil qui les tient ensemble. Les élus savent se réunir autour de l'intérêt général.

M. Bruno Retailleau.  - Acceptez nos amendements !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Reconnaître la diversité de notre territoire, adopter nos actions publiques à cette diversité, ce n'est pas avantager les uns par rapport aux autres mais assumer les responsabilités de chacun, métropoles comme territoires ruraux. Chaque territoire a son identité, qu'il faut préserver et enrichir. L'organisation territoriale de la République doit faire société, la clarification des compétences locales doit aller de pair avec des contrepouvoirs forts. Des collectivités locales fortes doivent être éclairées par des débats contradictoires. La vitalité démocratique ne se décrète pas. Comme dit Paul Valéry, « Un État est d'autant plus fort qu'il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui. »

Je ne suis pas la ministre des éditorialistes et des think tank libéraux qui veulent déchirer le département et balayer la commune.

M. Bruno Sido.  - Bravo !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Nos 36 000 communes sont autant de repères, de points d'accès à la démocratie. Ce projet de loi a vocation à préserver cette diversité, tout en facilitant les regroupements. Avec ce projet de loi, nous aiderons les communes à répondre aux difficultés, en promouvant l'intercommunalité, dans la droite ligne de la proposition de loi « Commune nouvelle », que vous avez adoptée hier.

M. Philippe Dallier.  - C'est mal parti.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Ne confondons pas proximité et morcellement.

M. Michel Mercier.  - D'accord !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Grâce au projet de loi NOTRe, les EPCI pourront définir des obligations de service public. N'allons pas tout confier au numérique, même si une transition numérique choisie sans verser dans la passion béate du digital, peut être utile, si elle préserve de véritables missions de service public. L'intercommunalité, c'est là où les gens vivent et travaillent. Il faut installer la coopération intercommunale au niveau approprié. D'où l'objectif de 20 000 habitants...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour développer la proximité, pourquoi pas 50 000 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - ...à moduler en fonction de la densité démographique, des temps de déplacement, des frontières naturelles ou nationales. (Approbations sur les bancs socialistes)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Je me suis engagée hier auprès de M. Mercier, rapporteur de la proposition de loi « Commune nouvelle », à vous faire tenir début janvier le contenu de la circulaire qui précisera ces critères.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Les départements sont recentrés sur leurs enjeux de solidarité. Trop de communes, de communautés de communes ne peuvent répondre aux sollicitations.

M. Bruno Sido.  - Tout à fait.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Les régions, avec leurs compétences et leurs forces nouvelles, agiront pour que les citoyens qui cherchent un emploi, une formation, une reconversion, un avenir soient assurés de les trouver. Les propositions du Sénat alimentent fertilement notre discussion.

Les compétences relatives à l'orientation et à la formation professionnelle doivent être renforcées, assurément (« Très bien ! » à droite), mais il faut préciser les modalités d'une meilleure coordination sans déstabiliser des équilibres fragiles que le président Larcher connait bien.

Les régions assurent la responsabilité des aides directes et des entrées au capital d'entreprises. Elles organisent le schéma régional qui doit se coordonner avec les interventions des métropoles et des communautés d'agglomération.

Chaque jeune aura accès à une formation de qualité. C'est le cas du transfert des collèges, qui fait débat ici, je le sais. Je connais vos inquiétudes sur le transport scolaire. J'ai bien entendu les remarques de certaines grandes villes et j'espère qu'un accord pourra être trouvé. Nous pouvons supprimer la clause de compétence générale pour les régions et les départements.

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Éric Doligé.  - Déjà fait par Sarkozy !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Le tourisme fait partie du développement économique. La loi NOTRe porte de grandes ambitions. C'est un devoir pour nous de la réussir. C'est pourquoi il faut porter une attention particulière à la phase de transition, qui est une phase de construction.

Les agents des services publics incarnent nos valeurs républicaines. À nous d'être irréprochables. Associons-les à notre réforme. Le projet de loi leur apporte des priorités quant à leur situation personnelle, leur emploi, leur protection sociale complémentaire.

Réussir la réforme c'est aussi, oui, réfléchir aux moyens, mais dans un cadre de solidarité renforcée. C'est pourquoi la péréquation a été amplifiée depuis deux ans, pour plus de justice. Renforçons ce mouvement en prenant en compte la spécificité des territoires. M. Dallier a contribué à cette réflexion.

Revenons à notre ambition fondamentale : a-t-on amélioré la vie de nos concitoyens ?

M. Francis Delattre.  - Ce n'est pas gagné !

M. Éric Doligé.  - On rêve !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Oui, mon rêve, c'est que l'organisation territoriale ne soit plus un sujet de débat tous les cinq ans. (Rires au centre)

M. Bruno Sido.  - D'accord !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Si nous l'adaptons à la vie des gens, si nous installons, avec la société du contrat, la confiance entre les élus eux-mêmes, entre les structures, entre les citoyens, si nous donnons à un jeune les moyens de se former, à un chômeur de retrouver un emploi, à nos territoires de se développer, alors, oui, nous pourrons être fiers de notre travail. (Applaudissement sur les bancs socialistes ; M. Bruno Sido applaudit aussi)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements à droite) C'était formidable, madame la ministre. Tout allait bien ! (Sourires) On a évité les sujets qui fâchaient... (Même mouvement) J'ai participé à l'élaboration d'une loi sur « l'administration territoriale de la République », c'était plus modeste que « Nouvelle administration territoriale de la République ».

J'ai une pensée pour notre co-rapporteur, René Vandierendonck, profondément investi, empêché présentement pour raison de santé. Nous avons travaillé en confiance et en communauté de vues. Une telle approche est possible au Sénat, mais pas ailleurs. Notre référence : le rapport Raffarin-Krattinger.

Nous sommes le 18 juin...

M. Henri de Raincourt.  - L'appel !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le 18 juin 2014. (Sourires) Le Gouvernement dépose deux projets de loi, l'un sur la délimitation des régions, l'autre nous occupe aujourd'hui. Pourquoi traiter de la forme avant le fond ?

M. Bruno Sido.  - Bonne question.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On serait en plein paradoxe si l'on confiait aux régions des compétences stratégiques, correspondant à leur taille désormais, tout en faisant remonter des compétences de proximité. C'est pourtant ce que l'on fait, au nom des préconisations d'esprits supérieurs, Attali ou Balladur (Exclamations), qui proposent la disparition du département et la dévitalisation des communes, pourtant profondément enracinées dans notre République. On fait miroiter des dizaines de milliards d'économies... Le texte d'origine faisait s'évaporer le département, à l'exception de ses compétences sociales. À l'autre bout de la chaîne, on le remplace dans ses fonctions sociales par des intercommunalités de 20 000 personnes minimum, en laissant aux communes l'état civil, les cimetières, les écoles...

M. Henri de Raincourt.  - Et les crottes de chien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La subsidiarité, défendue à Bruxelles, ne s'appliquerait-elle point chez nous ? La région devra organiser le transport des élèves vers le plus lointain, le plus petit point de regroupement intercommunal ? À 300 kilomètres, peut-être !

M. Bruno Sido.  - Sept heures de route !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - CQFD !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le pragmatisme est toujours plus pertinent en ces domaines.

Les lois de 1982 ont été déclinées en de nombreux textes, comme celui du 13 août 1983 sur les compétences ou les lois Raffarin de 2004. Sans doute le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification pourrait-il utilement nous éclairer !

Je souhaitais en effet que le Gouvernement prenne des initiatives. Il voudrait des avancées mais les services ne veulent pas... Que fait un bon ministre ?

M. Bruno Sido.  - Il suit ses services !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il devrait plutôt leur dire : cela suffit !

Il semble que le Gouvernement ait changé de logiciel : plus personne de parle de disparition des départements et des communes...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - On ne le regrette pas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les grandes associations d'élus réunis à l'initiative du président Gérard Larcher ont reçu des assurances.

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le dialogue est indispensable dans ce domaine.

M. Bruno Sido.  - Et apprécié !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La conférence a insisté sur la nécessité d'enrichir le projet de loi par de nouvelles décentralisations et de clarifier, à l'avenir, la manière dont l'État assume ses propres compétences.

Chacun avance ses pions pour savoir qui sera le plus fort, le plus gros, au détriment des autres ; alors qu'il s'agit d'intérêt politique. Cette conférence a privilégié l'utile, le contrat sur l'affrontement. Puisse l'État s'en inspirer dans ses relations avec les collectivités locales !

Face à ce projet de loi désarticulé, Que faire ?, nous proposons de maintenir les compétences des départements, de confier aux régions des compétences stratégiques, de renforcer la responsabilité financière des collectivités locales que vous proposez.

Bien sûr, nous discuterons à nouveau de certains aspects de la loi dite de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) de janvier 2014. La commission des lois a voulu présenter un texte cohérent, qui ne soit pas un catalogue. Sans entrer dans le détail profondément remanié de ce projet de loi -non seulement par la commission des lois mais par les rapporteurs pour avis des commissions des affaires économiques, de la culture, du développement durable- (chacun est acclamé à droite), l'objectif principal a été pour nous de clarifier les compétences.

La suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements prend alors tout son sens. Nous souhaitons affirmer la compétence de la région en matière de développement économique, sans ignorer les compétences économiques des communes, intercommunalités et métropoles.

Pour avancer dans la décentralisation, il est paradoxal de confier aux régions la totalité de la compétence « fonction publique » et qu'elles soient absentes de l'accompagnement à l'emploi. Sur la proposition de M. Savary, nous vous proposons de leur confier des responsabilités importantes à cet égard.

Si le transport interurbain doit être de la compétence de la région, nous reconnaissons l'expertise du département sur ses compétences en matière de collèges, de routes, de ports. La loi de 2010 vient à peine d'être mise en oeuvre. Désormais, toutes les communes appartiennent à une intercommunalité en France. Faut-il tout bouleverser, avec un seuil qui n'a aucune justification...

M. Bruno Sido.  - Aucune.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...en termes d'aménagement du territoire ? On pourrait le modifier mais cela n'aurait aucun sens. Nous sommes favorables à une rationalisation sans multiplier les mariages forcés, comme on veut le faire en Ile-de-France.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Après un long débat et après avoir retenu 170 amendements, dont de nombreuses propositions en provenance de nos collègues, le texte adopté par la commission des lois, dans le respect des compétences de chaque collectivité, renoue avec l'ambition décentralisatrice qui manquait au projet de loi initial.

Nous souhaitons être entendus parce que nous croyons profondément à la République décentralisée. Encore faudrait-il réformer profondément le maquis impénétrable des finances locales. Le poids des dépenses sociales est tel qu'il ne pourra tenir. Nous devons tracer une route, sans sous-estimer les obstacles juridiques et financiers. La réforme de 1982 a mis trente ans à être appliquée, celle de 2004 l'est à peine. Méditons cet avertissement de notre ancien collègue Yves Krattinger : avant de proposer, méditer dans la sagesse habituelle du Sénat. (Applaudissements à droite et au centre ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Moi aussi je veux adresser un message de sympathie à René Vandierendonck.

La commission s'est intéressée à l'économie et au tourisme. J'ai été frappée par la diversité des points de vue exprimés en audition. J'en ai acquis la conviction que les schémas et les projets doivent être co-élaborés, avec le réalisme territorial, qui est le moteur du succès des interventions des collectivités. La réforme ne doit pas être mue par l'esprit de système mais par l'analyse concrète des situations, alors que les interventions économiques des collectivités territoriales avoisinent quelque 6 milliards d'euros au total, soit une part limitée de leur budget.

Le cadre juridique des interventions des collectivités territoriales a été redessiné par deux lois récentes : celle de 2002, qui a affiné le rôle de chef de file de la région, et celle de 2004, qui a fait disparaître les aides indirectes et s'est traduite par l'augmentation du nombre d'aides que les collectivités peuvent attribuer directement, sans obtenir l'aval préalable de la région.

Nous connaissons le résultat de ce maquis institutionnel. Il est grand temps de mettre de la clarté. La réflexion de notre commission a été guidée par le souci d'efficacité, autour de trois idées force. Tout d'abord, le rôle de chef de file pour la région en matière économique. La prise en compte des spécificités des territoires ensuite, dont il faut encourager le dynamisme en les associant. L'animation de proximité a besoin d'un niveau moins éloigné que celui de la région. Il faut une co-construction avec les intercommunalités et les métropoles. Troisième idée force, prévoir la souplesse nécessaire à des schémas qui soient du cousu main.

Pour éviter toute incertitude juridique, nous proposons, à l'article 12, l'élaboration conjointe des schémas de développement économique, dont les orientations doivent être débattues au sein des conférences régionales d'action publique. La contractualisation est indispensable pour une territorialisation fine, associant les collectivités territoriales. Il s'agit de mobiliser toutes les énergies autour d'un projet commun, d'une vraie vision stratégique, définie en commun pour que le levier soit le plus efficace possible.

Le débat en commission des lois a rappelé combien ces conventions pourraient être utiles pour les métropoles. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, approuve)

Il faut englober les métropoles dans le schéma mais les associer à l'élaboration de leur stratégie, la région restant bien entendu pilote.

Je me félicite que le texte de la commission des lois ait adopté ou satisfait onze des seize amendements de la commission des affaires économiques. Renforçons encore la contractualisation ! La commission des affaires économiques a recommandé l'adoption des volets Interventions économiques et Tourisme du présent projet de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) À mon tour de remercier la commission des lois et ses deux rapporteurs pour leur écoute. À la commission des affaires sociales revenait le volet Action sociale des départements ; nos propositions ont été acceptées. Nous avons aussi avancé des propositions sur la régionalisation de la politique de l'emploi.

Les esprits ont évolué depuis le dépôt du projet de loi et les départements sont aujourd'hui préservés. Mais à quel prix ?

M. Bruno Sido.  - Tout ça pour ça !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis.  - En outre, les agents des départements ont été particulièrement affectés par ce manque de reconnaissance... (Approbation à droite)

L'article 23 du projet de loi prévoit le transfert du département vers la métropole de sept groupes de compétences, dont six ont trait à l'action sociale. Faute de convention sur trois compétences, la totalité serait transférée. Quelle incohérence ! (On renchérit à droite) Pour nous, la délégation doit être volontaire et limitée à un nombre de compétences clairement définies. C'est le sens de nos amendements.

Nous avons réaffirmé les deux piliers que sont la solidarité entre les hommes et entre les territoires. La commission s'est aussi penchée sur la question de l'accueil des mineurs étrangers isolés.

M. Bruno Sido.  - Excellent !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis.  - L'État doit assumer sa part.

M. Éric Doligé - Le Gouvernement est d'accord !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. - Je dois toutefois vous faire part de ma frustration. (On s'en désole à droite) Ce texte était le véhicule rêvé... Pourtant, rien sur l'accueil des enfants, la politique du logement, l'accompagnement des personnes âgées ou handicapées... Les règles de recevabilité financière nous interdisent tout transfert de compétence d'une personne publique à une autre. Nous nous heurtons à la Constitution. C'est pourquoi je vous ai adressé une lettre, madame la ministre, avec des propositions sur le financement des CAMS, sur les Maisons d'accueil et d'intégration des malades d'Alzheimer (MAIA), sur les MDH... Merci de répondre à mes propositions.

J'en viens à la régionalisation de la compétence emploi, étrangement absente du texte initial. Pourquoi ne pas faire confiance aux régions qui sont l'échelon pertinent en la matière ? Ne disposent-elles pas de l'indispensable vision stratégique ? N'est-ce pas ce que vous nous avez vendu, en assurant que Reims serait sous l'influence de Strasbourg ?

L'article 40 nous interdit d'être plus ambitieux. Nous n'avons nullement remis en cause les prérogatives de l'État en matière de politique de l'emploi, d'inspection du travail ou d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Le texte de la commission rationalise le service public de l'emploi et renforce Pôle emploi pour en faire une action incontournable. Les conseils régionaux seront consultés avant la conclusion de la convention pluriannuelle nationale entre l'État, la région et l'Unedic. Les régions auront un siège spécifique au conseil de Pôle emploi tandis que cet organisme pourra acheter directement des formations collectives, ce qui permettra de préserver certains centres de l'AFPA.

La présidence des centres régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (Crefop) sera confiée au président de région et ne sera plus partagée avec le préfet de région. Il faut un chef de file unique pour éviter la cacophonie. Nous ouvrons le débat, sans prétendre épuiser le sujet. Qu'on ne nous oppose pas que les Crefop viennent d'être créés : ils n'ont même pas tous désigné leur bureau.

Nous devons replacer l'individu au centre de l'accompagnement vers l'emploi, sans se soucier de savoir s'il bénéficie ou non du RSA. C'est à l'échelon départemental d'organiser les formations et l'accompagnement vers l'emploi : encore faut-il qu'il en ait les moyens ! Or les finances départementales sont exsangues.

M. Bruno Sido.  - C'est un euphémisme !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis.  - Avec l'explosion des dépenses sociales, beaucoup de départements seront en déficit si des mesures concrètes ne sont pas prises rapidement. Cela sera encore pire si routes et collèges sont transférés aux régions. Maintenir le département, c'est bien ; le faire vivre, c'est mieux ! Créer de vastes régions stratégiques, pourquoi pas, mais les rendre dynamiques, c'est primordial ! (Vifs applaudissements à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis pour la commission de la culture .  - Simplifier l'organisation territoriale du pays, c'est l'objectif partagé de longue date. Ce projet de loi n'est pas un nouveau texte de décentralisation, cela supposerait une réforme préalable de l'État lui-même. Il n'est question ici que de répartition des compétences entre échelons.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Absolument.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - La commission de la culture s'est saisie pour avis de plusieurs aspects. Elle s'est ainsi opposée au transfert aux régions des transports scolaires. (Approbation à droite et au centre) La commission des lois nous a suivis.

La nécessité de ces transferts n'est pas avérée, si l'on en croit le rapport de M. Krattinger et Mme Gourault de 2009. À l'État la responsabilité de l'enseignement, aux collectivités territoriales son organisation matérielle. La gestion des collèges et des transports scolaires est une compétence de proximité ; il ne serait pas pertinent de les confier aux treize grandes régions à dimension stratégique. (M. Jean-Louis Carrère applaudit) Comment en assumeraient-elles le suivi dans les conseils d'administration ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - Le rapport Malvy-Lambert exclut expressément le transfert des transports scolaires aux régions. Sur le plan pédagogique, le transfert des collèges méconnait le principe de la toute récente loi de refondation de l'école.

L'étude d'impact conclut à des économies d'échelle -mais n'avance aucun chiffre. En réalité, ce transfert aurait un coût considérable -120 millions d'euros par an.

J'en viens aux compétences partagées que sont la culture et le sport. Chaque année, les collectivités territoriales consacrent 7 milliards d'euros à la culture, 12 milliards au sport, 2,9 milliards aux associations. Elles ont massivement investi ce champ depuis trente ans en se fondant sur la clause de compétence générale. Le monde de la culture comme le mouvement sportif sont attachés à cette pluralité de financements. Pas question pour autant de figer le statu quo ; une répartition progressive des rôles est en cours, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires. Nous devons engager la réflexion en favorisant la contractualisation. Le projet de loi consacre la compétence partagée, mais avec la mise en place d'un guichet unique. Sur le papier, l'idée est séduisante. Dans la pratique, il risque d'en résulter une suradministration, et donc un frein aux projets.

Il faut concilier le principe de libre administration des collectivités territoriales et de responsabilité collective. Or, dans le contexte actuel, des collectivités territoriales sont contraintes de se désengager -ce qui leur a valu d'être stigmatisées par la ministre de la culture. La montée en puissance des métropoles et des régions nourrit un sentiment d'abandon dans les territoires ruraux. La culture, le sport, les activités périscolaires, c'est bon pour les villes, entend-on. Veillons à corriger les inégalités sociales et territoriales en approfondissant les liens entre démocratie et culture.

La Conférence territoriale de l'action publique (CTAP) nous paraît être l'outil du dialogue entre collectivité territoriale et État pour penser l'exercice concerté des compétences partagées.

Nos amendements créent parmi les commissions thématiques de la CTAP une commission de la culture et une commission des sports. Ils confient à la CTAP la mission d'assurer la continuité des politiques publiques en ces domaines. Ainsi, les CTAP constitueront un outil précieux de co-construction des actions territoriales.

Le projet de loi est important, même s'il ne peut offrir que ce qu'il a... Je doute qu'il suffise à redonner à nos concitoyens des raisons d'avoir confiance en l'action publique... mais nous y contribuons. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable .  - La commission du développement durable s'est saisie pour avis de 11 articles de ce projet de loi sur la planification régionale, les transports, la carte intercommunale et l'aménagement numérique.

Sur la forme, cette réforme territoriale est menée dans une confusion et un désordre absolus. Il aurait mieux valu une loi-cadre, déclinée dans d'autres textes, plutôt que cette fragmentation en trois textes. La première erreur a été de redessiner la carte, sur un coin de table, avant de songer à la répartition des compétences. Les élus de terrains que sont les conseillers généraux sont très inquiets de l'impact financier de ce projet de loi pour les départements. La loi du 27 janvier 2014 était déjà muette sur ce point.

Comment évoquer la puissance financière des régions si elles n'ont pas plus de ressources ? La fusion de deux régions n'augmentera pas leurs moyens ! Enfin, je regrette que la conférence des présidents de l'Assemblée nationale ne se soit pas opposée à la procédure accélérée.

Le Gouvernement a fait le pari aveugle de renforcer les régions et de confier les compétences de proximité aux intercommunalités, envisageant même la disparition du département en 2020 -option qui semble heureusement avoir été abandonnée. Ces revirements successifs ne sont pas de nature à clarifier les choses. On confierait ainsi la distribution de l'électricité et de l'eau potable aux conseils généraux -quitte à les mettre en concurrence avec les syndicats départementaux. Les conseils généraux sont les grands perdants de ce projet de loi.

M. François Patriat.  - Que perdent-ils ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.  - Nous allons, en mars, élire les conseillers départementaux -selon un mode de scrutin surréaliste- qui n'auront plus de compétences mais seront plus nombreux...

Donc les conseils généraux souhaitent conserver des compétences que les régions ne veulent pas et les régions aspirent à des compétences de l'État qui ne veut pas leur donner.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est exactement cela !

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.  - Les régions et les départements auraient pu fonctionner comme des communautés de communes, avec l'élection des conseillers régionaux au deuxième degré, faisant de la région une communauté de départements. Dans les zones rurales au moins, le département doit rester le garant de la cohésion sociale et territoriale.

L'État veut obliger à mutualiser nos moyens entre commune et intercommunalité. Nous le faisons déjà. L'État devrait montrer l'exemple ! Nos services croulent déjà sous le travail ; la mutualisation doit rester libre. Je ne crois pas au mariage forcé. Même quand la corbeille est belle, ce n'est pas le montant de la dot qui fait le bonheur !

M. Henri de Raincourt.  - Ça y contribue... (Rires)

M. Rémy Pointereau.  - Il faut que la logique qualitative l'emporte. Je crois à une région plus près du terrain. Remettons la commune au coeur du dispositif. C'est la base de la région. La haute administration parisienne envisage de faire élire les présidents d'intercommunalité au suffrage universel. Ce serait la mort des communes. (Exclamations)

À l'article 6, nous avons adopté un amendement supprimant l'obligation de compatibilité des documents d'urbanisme avec le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). La commission des lois ne nous a pas suivis, je le regrette. Le SRADDT n'a pas à s'immiscer au niveau local. Nous en reparlerons en séance publique.

À l'article 8, la commission du développement durable n'a pas adopté l'amendement de suppression que je lui proposais. Le cas du transport scolaire est à part. C'est le seul que la commission des lois a choisi de maintenir au niveau du département. Je me félicite de cette solution de compromis.

Le consensus règne sur la question de la voirie départementale. Sur les ports, la commission des lois a privilégié la suppression de l'article.

À l'article 14, nous avons supprimé le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités en faveur d'un dispositif plus souple. La commission des lois a préféré en rester au droit existant : 5 000 habitants, c'est une solution sage.

Elle a opté pour la suppression de tous les syndicats redondants, en privilégiant les EPCI à fiscalité propre. Nous en débattrons en séance.

Ce texte n'est pas de décentralisation mais de clarification. La réalité a dépassé le Gouvernement qui doit renoncer à supprimer le département. Il devra faire contre mauvaise fortune bon coeur et accepter les amendements du Sénat. Si l'on ne replace pas la région au plus près du terrain, on renforcera le sentiment d'abandon, qui se traduit comme on sait dans les urnes. Ce texte n'est pas le nôtre ; de grâce, faites vôtres nos propositions ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Je félicite nos collègues pour leur travail sur un texte aussi complexe qu'ouvert. Ce projet de loi nous a d'abord été présenté comme un moyen de réaliser des économies, entre 12 et 25 milliards d'euros, disait M. Vallini à l'été, avant de ne plus parler que de 10 milliards. L'étude d'impact ne les évalue pas. La commission des finances ne partage pas l'optimisme du Gouvernement. Il n'y aura d'économies qu'à moyen terme ; à court terme, il y aura une hausse des dépenses. L'agence Moody's estime que les coûts seront redistribués entre les collectivités territoriales ; il n'y aurait donc pas d'économies nettes.

Rien dans ce texte ne concerne l'allocation des ressources aux collectivités territoriales. Les régions ne disposent que de très faibles ressources fiscales. Il faut les doter d'une fiscalité dynamique et adaptée à leurs missions, disait le premier ministre.

M. François Patriat.  - Il a raison !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis.  - Aucune disposition fiscale dans ce texte, on envisage simplement une dotation des départements aux régions : le département deviendrait une boîte aux lettres, recevant les subventions de l'État qu'il reverserait ensuite aux régions. La lisibilité des finances locales en sera moindre.

L'État ne doit pas imposer sa vision : il faut un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités territoriales. La solution du Haut conseil des territoires, écartée l'an passé par le Sénat, revient sous la forme du rôle confié au Comité des finances locales ou à la Cour des comptes. Il reviendra au Parlement de définir sa place.

La commission des finances est saisie pour avis des articles 30 à 34, qui concernent les finances locales et notamment la transparence financière.

L'article 30 prévoit que les investissements dépassant un certain seuil soient accompagnés d'une étude d'impact sur les coûts de fonctionnement. Il faut considérer cette mesure comme une aide à la décision, et non comme une contrainte supplémentaire, à condition de retenir un seuil qui tienne compte de la taille des collectivités. L'article 31 prévoyait la présentation au Comité des finances locales du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation financière des collectivités territoriales : la commission des lois l'a supprimé car il n'y a pas à institutionnaliser ce tête-à-tête entre deux instances chargées d'éclairer le Parlement.

La commission des finances s'est montrée plus réservée sur l'article 32. Elle n'est pas opposée à une expérimentation volontaire mais la répartition du coût de la certification devra être précisée.

L'article 33 posait le principe d'une participation financière des collectivités territoriales aux sanctions prononcées contre l'État pour manquement au droit communautaire. Le principe n'est pas absurde mais le dispositif pas assez précis. Nous l'avons supprimé. Peut-être le sujet reviendra-t-il pendant la navette...

La commission des finances a enfin émis un avis favorable à l'article 34 dans la rédaction de la commission des lois. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Par dérogation aux décisions de la Conférence des présidents, je donne la parole à deux présidents de commissions sur le temps de parole de leur groupe. Nous en reparlerons en Conférence des présidents.

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable .  - Alors que nous n'avons eu aucune grande loi d'aménagement du territoire depuis vingt ans -Gérard Larcher s'en souvient, qui fut ici le rapporteur de la dernière en date-, bien des textes touchent insidieusement à l'aménagement du territoire -c'est vrai de la loi Alur, de la loi d'avenir pour l'agriculture ou des lois de finances.

Bien que le présent texte soit le troisième de réforme des collectivités territoriales depuis le début de l'année, on ne voit toujours pas quelle est la vision, quelle est l'ambition du Gouvernement. Veut-il supprimer les départements ? Entend-il conserver la clause de compétence générale ?

Deux dispositions sont inacceptables pour la commission du développement durable. Ainsi du seuil de 20 000 habitants, inapplicable à tous les territoires, que la commission des lois a heureusement supprimé. Ainsi du caractère prescriptif des SRADDT. Mme Royal déplorait pourtant, devant la commission, la multiplication des schémas.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Il n'y en a plus que deux !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable.  - L'urbanisme doit rester une compétence du bloc communal, particulièrement des communes.

Le Gouvernement doit nous dire également ce qu'il entend faire des départements. Le président de la République a dit, en janvier, qu'il n'entendait pas y toucher.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Il a bien fait !

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable.  - Mais le Gouvernement a depuis beaucoup varié : suppression à l'horizon 2020, préservation dans les départements ruraux puis limitation à une cinquantaine, sans qu'on sache desquels il s'agit... En dehors des zones urbaines, le département est un espace irremplaçable de solidarité -sauf à nous dire qu'on va vers des communautés de 50 000 ou 100 000 habitants. Où en êtes-vous, madame la ministre ?

Je regrette enfin que ce texte soit examiné selon la procédure accélérée, que la gauche avait pourtant tant décriée... La commission du développement durable prendra toute sa part à ce débat. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - Trente ans après les lois de 1982, nous attendions une grande loi de décentralisation. Cette loi ne fait que rebattre les cartes. Le président du Sénat et le Bureau ont décidé de renforcer le rôle de notre délégation aux collectivités territoriales ; il n'eut pas été aberrant qu'elle disposât d'un temps de parole en tant que telle.

Quelques principes sont nécessaires à la réussite de la réforme de l'organisation territoriale. Il faut d'abord clarifier les compétences tout en préservant la décentralisation. La suppression de la clause de compétence générale est une sage décision ; les collectivités territoriales sont favorables à une rationalisation.

Les régions seront chargées de la stratégie en matière de développement économique ; nous y sommes favorables pourvu qu'il n'y ait pas de tutelle d'une collectivité sur une autre. La Conférence territoriale de l'action publique sera le lieu de la coopération et des partenariats.

La création des grandes régions a redonné aux départements tout leur sens en tant qu'échelons de proximité.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.  - Rien ne justifie, à ce stade, le siphonage de leurs compétences.

La mère des réformes reste celle de l'État. Des gisements d'économies existent, ne serait-ce que pour alléger le poids écrasant de la fonction publique. Notre délégation aux collectivités territoriales s'y attellera.

Enfin, si je souscris à la montée en puissance des intercommunalités, il faut s'adapter à la diversité des territoires. Le seuil de 20 000 habitants n'est pas tenable. Il faut sortir de la logique arithmétique et faire confiance aux élus.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.  - Ce texte manque surtout de souffle et de vision.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Nous en introduisons !

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.  - Le Sénat a une responsabilité majeure. Je ne doute pas qu'il inscrive ses travaux dans une démarche la plus consensuelle possible et qu'il améliorera le texte dans l'intérêt des territoires et de nos concitoyens. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Ronan Dantec .  - Nous examinons la troisième loi de la mandature sur la réforme territoriale. Je rends hommage à Mme la ministre, qui ne ménage pas sa peine... (Exclamations amusées au centre et à droite)

Mme Jacqueline Gourault.  - Vive la Bretagne !

M. Ronan Dantec.  - ...pour moderniser l'action publique dans un pays où les conservatismes sont nombreux et les responsabilités difficiles à démêler.

La méthode du Gouvernement est-elle pour autant satisfaisante ? Examiner le texte sur les compétences en dernier, après la carte et avoir créé les métropoles, aura été une erreur lourde de conséquences et de crispations... (Marques d'approbation à droite) La concomitance entre ce texte et la tenue des élections départementales pose une question démocratique. Je rejoins sur la forme les conclusions de M. Pointereau, mais diverge sur le fond.

Le président de la République avait fait des annonces ambitieuses, nous nous étions pris à rêver... Les écologistes ont une vision ambitieuse de la décentralisation. Ils prônent une démocratie territoriale qui corresponde aux territoires de vie. Depuis 1789, la voiture et le chemin de fer ont remplacé le cheval ; les régions, les agglomérations sont les espaces du quotidien, les territoires de la coopération... Nous souhaitons des solutions diversifiées selon les territoires. Il faut sortir du carcan de la Constitution de 1958, qui enferme la décentralisation dans une conception décidée d'en haut et applicable à l'identique partout. Des adaptations existent déjà pour l'outre-mer. Nous soutiendrons toutes les tentatives pour desserrer un carcan uniformisant.

L'histoire nous donne raison une fois de plus. Le schéma prescriptif régional en matière de développement et d'aménagement du territoire est une vieille revendication des écologistes. Nous souhaitons seulement qu'il intègre la question environnementale. Des régions renforcées, des intercommunalités qui correspondent à des bassins de vie et dotées de projets politiques, voilà notre vision d'une décentralisation cohérente et efficace. Nous vous soutiendrons, madame la ministre, pour secouer les immobilismes. La commission des lois est malheureusement revenue sur la faculté des intercommunalités de reprendre les ports, a fait du tourisme une de leurs compétences facultatives, a supprimé le seuil de 20 000 habitants. Bref, surtout, ne touchons à rien ! Tout va bien, madame la ministre ! (Protestations sur les bancs communistes)

L'élection au suffrage direct des conseillers communautaires est encore un tabou, même si le rapport Bertrand l'a un peu brisé. Est-ce encore tenable ? Les décisions sont prises à l'échelon communautaire. Les citoyens ne sont pas dupes, qui demandent le débat, surtout s'ils n'habitent pas dans la ville centre.

Je ne défendrai pas la suppression pure et simple des départements, seule collectivité territoriale apte à remplir les missions sociales, échelon indispensable à l'heure des méga-régions. Pour autant, leurs compétences doivent être réinventées. J'espère que le Sénat ne se comportera pas en Chambre des pairs de la Restauration. J'étais partiellement satisfait de la répartition des compétences.

Nous sommes attachés à ce que les régions bénéficient de ressources financières en lien avec l'exercice de leurs compétences. Ainsi d'un versement transport régional ou d'une taxe poids lourd régionalisée -une taxe que souhaitent les présidents de région. Il faut aussi revoir les bases de calcul de la fiscalité locale, véritable serpent de mer.

L'autre absente du texte, la démocratie locale. Bicamérisme, séparation de l'exécutif et de l'assemblée, telles sont nos propositions. N'attendez pas que l'histoire nous donne raison pour les adopter.

J'espère que nous trouverons des solutions partagées. La France a besoin d'une réforme lisible et ambitieuse. Il revient au Sénat d'en incarner le souffle. C'est dans cet esprit que les écologistes abordent le débat. (Applaudissements sur les bancs écologistes, Mme Jacqueline Gourault et M. Michel Delebarre applaudissent aussi)

M. Christian Favier .  - Ce texte poursuit le big bang territorial initié par Nicolas Sarkozy. Cette bouillie législative technocratique est profondément libérale, inaudible, illisible. Sans vision d'ensemble, elle va bouleverser notre pacte républicain. Nous aurions voulu un texte d'orientation préalable.

Les réformes avancent sans que jamais la parole ne soit donnée au peuple. Nous allons vers une république concurrentielle ou les politiques publiques deviennent des marchandises. Une nouvelle organisation se met en place, qui reconnaît les inégalités entre territoires, tout espoir de les résorber ayant été abandonné. Pour les tenants du libéralisme, il faut plus de riches pour qu'il y ait moins de pauvres... Cela vaut pour les territoires...

Les prises de position changeantes du Gouvernement ont encore accru la confusion. Tandis que le Premier ministre affirme que la fin des départements n'est plus à l'ordre du jour, vous avez déclaré, madame la ministre, que la suppression des départements supposait une révision constitutionnelle et que nous avions cinq ans pour élaborer une solution... Le texte initial organisait bel et bien l'évaporation des départements. Dommage que la commission des lois soit restée au milieu du gué et ne se soit pas opposée au transfert des compétences du département vers la métropole. De plus, le principe de libre administration des collectivités territoriales est battu en brèche par le renforcement des compétences économiques des régions -communes et départements sont placés sous leur tutelle.

En décembre 2013, le Gouvernement rétablissait la clause de compétence générale, disant que c'était un marqueur de gauche. Il la supprime aujourd'hui ; cherche-t-il des marqueurs de droite ? On a l'impression qu'il navigue à vue même si, en fait, il garde le cap : l'évaporation des communes et des départements, le renforcement des intercommunalités et des régions, la fin de la libre administration des collectivités territoriales. Face à cela, nous aussi nous gardons le cap.

Le millefeuille territorial est une grossière affabulation. L'heure est à la collaboration entre collectivités territoriales, non à la caporalisation. L'heure n'est pas à l'austérité ou au repli des collectivités territoriales sur leur pré carré mais à des politiques publiques ambitieuses qui associent toujours davantage les citoyens.

Cette réforme manque de clarté, comble pour un texte de clarification... Elle ne dit rien des moyens des collectivités territoriales, rien de leur autonomie financière alors que se prépare une réforme de la DGF. Rien non plus sur l'articulation entre l'action économique de l'État et celle des régions, sur les filières de production par exemple. Cette réforme ne va-t-elle vers la création d'un guichet unique de distribution des aides aux entreprises, qui bénéficieront d'abord, comme le CICE, aux grands groupes et non aux PME. Quid également de l'articulation entre les interventions des régions et celles des métropoles ? Nous serons vigilants.

Dans la droite ligne de la loi de 2010, cette loi contraint à nouveau les communes à se regrouper de façon arbitraire. Pour nous, les intercommunalités sont des outils de coopération volontaire. En outre, la carte de 2010 est à peine achevée, le nouveau paysage intercommunal a besoin de stabilité. Je me réjouis que la commission des lois ait maintenu le seuil de 5 000 habitants.

Le projet de loi est marqué par la confusion des mots et des concepts ; ainsi de ce schéma départemental de « services au public » et non plus de « services publics », qui autorise la gestion privée et les partenariats public-privé, ouvrant la porte à une privatisation des services publics.

Enfin, les perspectives sont sombres pour les agents de la fonction publique locale. C'est un vaste plan social qui se prépare : mutations d'office, carrières réduites, licenciements des contractuels, tout cela sans concertation ni négociation. Nous comprenons l'inquiétude des personnels. Il ne s'agit pas de défendre des corporatismes mais de défendre les services publics.

Nous sommes hostiles à ce texte. Nous défendrons de nombreux amendements pour l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard .  - Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Ce texte est à géométrie variable, et c'est un euphémisme... (Mme Françoise Férat approuve) Quel est le cap du Gouvernement ? Nous attendons des réponses claires. En dépit des atermoiements, l'idée d'origine est bien la suppression des départements, assortie d'un renforcement des régions et des intercommunalités au détriment des communes.

Le Sénat, saisi en premier, est dans une situation originale, peut-être inédite. Le texte est le même que celui présenté au Conseil des ministres de juin. Son exposé des motifs contient toujours, page 5, une référence aux modalités de suppression des conseils départementaux à l'horizon 2020. Depuis, le Gouvernement a évolué : maintien des départements ruraux ? de la moitié d'entre eux ? Ces derniers temps, la question ne semblait plus à l'ordre du jour... Dont acte. Mais, les échéances électorales passées, qu'en sera-t-il ?

Nous déplorons le recours à la procédure accélérée, sans savoir pourquoi le Gouvernement a fait ce choix.

Nous souhaitons que le Gouvernement s'en tienne au discours prononcé à Tulle le 19 janvier 2014 par le président de la République : « Les départements gardent toute leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale et je ne suis donc pas favorable à leur suppression, car les territoires ruraux perdraient en qualité de vie sans que soient générées des économies supplémentaires. »

Si vous le suivez, si vous revenez à la sagesse, ce texte perd sa raison d'être... Le texte initial préparait l'évaporation des départements en transférant leurs compétences de proximité vers les régions -voirie départementale, collège, transports. La commission des lois a supprimé ces transferts. C'est bien, gérer de loin de telles compétences n'est pas raisonnable. Mais le Gouvernement y a-t-il renoncé ?

Ce projet de loi n'est pas un texte de décentralisation mais de recentralisation. Comme le disait un député frondeur : « Vous avez aimé le jacobinisme national, vous adorerez le jacobinisme régional ! » Clarifier les compétences est un objectif partagé, raison pour laquelle nous nous opposons au rétablissement de la clause de compétence générale ; elle n'a de sens que pour le bloc communal. La compétence économique des régions n'a de sens que si elle est articulée avec les interventions des métropoles et des intercommunalités. C'est ce qu'a dit en commission, avec bon sens, M. Collomb.

Contrairement à ce qu'on nous rabâche, la mise en place de grandes régions ne facilitera aucunement l'aménagement stratégique des territoires...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Hélas !

M. Jacques Mézard.  - Et il ne faut pas que la compétence exclusive des régions en matière économique conduise à établir un pouvoir de tutelle de celles-ci. On en prend malheureusement le chemin avec ce schéma prescriptif...

Je me félicite que soit supprimée l'action récursoire de l'État envers les collectivités territoriales en cas de manquement aux obligations européennes ; c'est fort de café...

Fusionner les intercommunalités à marche forcée n'est pas conforme à un aménagement du territoire raisonné. Le seuil de 20 000 habitants est totalement déconnecté des réalités, arbitraire sinon absurde... (Applaudissements à droite)

Certes il faut favoriser le développement des intercommunalités, mais de sorte qu'elles demeurent en adéquation avec leurs bassins de vie.

M. Henri de Raincourt.  - Évidemment !

M. Jacques Mézard.  - Nous voterons les amendements de bon sens de la commission des lois.

La définition de la nouvelle carte de l'intercommunalité prendra du temps. Il paraît nécessaire de prolonger les délais d'un an.

Un mot de ce que j'appelle les territoires interstitiels sans métropole. Nombre de villes moyennes ont perdu population et emplois, aspirés par les métropoles ; bientôt il en ira de même des métropoles déchues. Ce qui manque, c'est un véritable schéma national d'aménagement du territoire établi par l'État. (M. Bruno Retailleau applaudit) Il faut renoncer à l'empilement des schémas, aux multiples comités de pilotage et autres commissions de toutes sortes qui prolifèrent, laissant la réflexion prospective (Marques d'approbation à droite) et le pouvoir aux administratifs, en raison d'un système électoral qui fait des élus régionaux des inconnus. La conséquence est la prise du pouvoir de la technocratie et les citoyens ne s'y retrouvent plus. Il faut simplifier le fonctionnement, élaguer les structures parasites, favoriser les coopérations entre strates sans porter atteinte au principe de libre administration.

La loi NOTRe ne sera pas un texte fondateur. N'en faisons pas un texte de déménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

M. Philippe Adnot .  - Ken Follett a décrit dans « Aux portes de l'Éternité » la chute du Mur de Berlin, tombé sans coup férir, la mort d'un régime liberticide d'avoir voulu le bonheur des gens à leur place.

Ce texte est liberticide pour les communes, auxquelles un quarteron de technocrates veut imposer un regroupement par 20 000 habitants.

Ce texte est liberticide pour les départements. Ils ont évolué depuis les premières lois de décentralisation. Ce sont plus que jamais des collectivités de proximité modernes, sans parler de leur scrutin intégralement paritaire. Nous voulons qu'ils puissent prendre des initiatives économiques. Dans le mien, c'est le conseil général qui est intervenu pour soutenir trois entreprises en difficulté.

Ce texte est liberticide pour les régions, qui auront un rôle essentiellement technocratique. Voyez le nombre de schémas qui encadreront les initiatives des autres collectivités. Quel bel exemple de sur-administration qu'un schéma des crématoriums ! (Exclamations à droite)

Les citoyens n'en peuvent plus des règles, des normes, des contraintes et font savoir dans les urnes ce qu'ils en pensent. Mais le Gouvernement reste sourd et aveugle. La France ne veut pas devenir l'Allemagne de l'est ! (Protestations à gauche) Nous combattrons ce texte. Nous sommes pour la liberté, contre l'archaïsme liberticide. (Applaudissements à droite et quelques bancs au centre)

M. Michel Delebarre .  - J'ai une pensée pour René Vandierendonck, qui aurait été content de participer à ce débat ; et je crois que le débat aurait été content de sa présence...

Le Gouvernement a présenté trois projets de loi pour refonder l'organisation décentralisée de la République, considérée par beaucoup comme trop complexe et illisible. Cette réforme vise à simplifier, à clarifier le rôle des collectivités territoriales, faire des territoires le moteur du dynamisme économique, renforcer la solidarité territoriale et humaine.

Avec Edmond Hervé, je crois que les collectivités sont des composantes indispensables de la République. L'objectif de la réforme est d'assurer à celle-ci une nouvelle organisation pour soutenir la croissance économique et l'emploi au service de tous les territoires et du pays tout entier.

Le renforcement des prérogatives économiques de la région est judicieux à cet égard.

M. Michel Delebarre.  - L'expérience des régions en matière de formation professionnelle, de soutien à la recherche et à l'innovation, d'aménagement du territoire, est reconnue. Le rapport Gallois appelait à leur confier la coordination des soutiens à l'industrie et la conduite du dialogue social. Le Conseil économique, social et environnemental n'en jugeait pas autrement dans son rapport de 2012, appelant à un projet régional cohérent, élaboré avec tous les participants. D'où les deux schémas prescriptifs proposés par ce texte.

Ne privons pas les territoires des savoir-faire des autres collectivités. Il s'agit de prévoir la meilleure articulation possible. On pourrait envisager un diagnostic détaillé des risques de redondance dans l'année suivant l'adoption de la loi. Si la conférence des territoires réunit des représentants de l'État et des collectivités territoriales, elle pourrait très bien s'en charger. Une intercommunalité élargie contre l'émiettement communal, une région érigée en instance de pilotage stratégique, tout cela va dans le bon sens

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout à fait !

M. Michel Delebarre.  - On voit toute l'importance des métropoles... Certes, le Gouvernement a failli supprimer unilatéralement le département.

M. Gérard Collomb.  - Certes.

M. Michel Delebarre.  - Le Sénat a été entendu par le Gouvernement. Je m'en félicite.

M. Marc Daunis.  - Très bien !

M. Michel Delebarre.  - J'ai même lu dans le Parisien du 16 juin 2014 que Mme Pécresse, qui n'est pas ma référence habituelle, (On s'amuse) estimait qu'il fallait supprimer les départements et les fusionner avec les régions, et sans attendre 2020.

M. Didier Guillaume.  - Elle n'est pas la seule à l'UMP !

M. Michel Delebarre.  - C'est vrai... C'est quasiment du Valls 2013 !

Sans doute serait-il bon, sans aller jusqu'à leur confier une compétence législative, de confier aux régions une part de compétence réglementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs) Le professeur Jean-Bernard Auby donne l'exemple de la Bretagne pour la protection du littoral. Oui, la réalité impose le pragmatisme. La France n'a plus besoin d'être administrée de la même façon de Dunkerque à Perpignan.

À collectivité plus forte doit être associée autonomie fiscale plus grande. Les parlementaires socialistes souhaitent que la réflexion soit engagée afin de doter les collectivités territoriales de ressources assises sur les richesses locales, les entreprises en particulier. À défaut de créer de nouveaux impôts, il faut s'interroger sur la répartition et la péréquation de la ressource.

Le groupe socialiste a examiné la possibilité de confier aux régions le service local d'accompagnement vers l'emploi. Ce n'est pas prêt. C'est trop rapide. Il faut du temps.

Mme la présidente.  - Il faut conclure !

M. Michel Delebarre.  - Ne nous interdisons pas d'y réfléchir... Je conclus, donc.

Mme la présidente.  - Une minute !

M. Michel Delebarre.  - Quelques secondes. Le groupe socialiste propose la fixation d'un seuil de 15 000 habitants pour les intercommunalités. (Vives exclamations à droite, protestations sur les bancs CRC)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez bien fait de le dire.

M. Michel Delebarre.  - J'avais bien d'autres choses à dire mais je m'interromps puisque vous avez l'air d'y tenir, madame la présidente. (Rires partagés. Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Michel Mercier .  - Ce projet de loi n'est pas exempt d'une certaine ambiguïté (Rires). La présentation fut extraordinaire : le premier ministre est venu l'annoncer ici, lui-même, le 28 octobre dernier. Il a rappelé que la décentralisation, c'est le fondement de la France et le renforcement de la démocratie.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - C'est vrai !

M. Michel Mercier.  - Mais où est la décentralisation dans ce texte ? Il n'y en a pas.

M. André Reichardt.  - En effet.

M. Michel Mercier.  - Il s'agissait d'arriver à la suppression des départements par la technique utilisée avant-guerre pour siphonner les arrondissements.

M. Michel Mercier.  - Rien de nouveau, donc. Vous vous êtes emberlificotés dans cette affaire de département, madame la Ministre, ne sachant pas ce que vous vouliez, ne voulant pas ce que vous pouviez...

M. Bruno Retailleau.  - Belle expression !

M. Michel Mercier.  - On a supprimé la clause de compétence générale en 2012, on la rétablit en 2014, on la supprime à nouveau. Où en sommes-nous ? Madame la Ministre, allez jusqu'au bout, rétablissez le conseiller territorial ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Marc Daunis.  -  Quelle horreur !

M. Michel Mercier.  - Vous avez la majorité. Encore faut-il y comprendre quelque chose !

M. Michel Delebarre.  - C'est vrai !

M. Michel Mercier.  - Vous êtes un esprit clair.

M. Michel Delebarre.  - Nous sommes deux. (Rires)

M. Michel Mercier.  - C'est curieux : pourquoi siphonner les départements en embouteillant le Conseil d'État qui a une centaine de dossier à traiter ? Ne vous moquez pas des électeurs que l'on convoque en mars pour élire les conseillers départementaux : il faudra bien que ceux-ci servent à quelque chose ! La commission a rétabli certaines compétences des départements, nous soutenons sa position.

L'intercommunalité est un autre problème. Il faut qu'elles atteignent « 20 000 habitants, avec adaptation ». Pourquoi 20 000 ? M. Delebarre vient de dire 15 000. Pourquoi pas 13 580 ?

M. Michel Delebarre.  - Pour vous laisser de la marge ! (Rires)

M. Michel Mercier.  - Mais pour quoi faire, au juste ? Les petites communes sont proches des gens, l'intercommunalité assure des services de proximité. Avec des intercommunalités de 20 000 habitants, la gestion de la commune se fera différemment. La loi sur la commune nouvelle apporte des réponses qui méritent d'être attachées au présent texte.

Madame la ministre, merci d'avoir essayé de trouver d'autres critères, mais le bassin d'emploi est une notion trop statistique. Il faut d'autres indices. Nous y reviendrons en janvier. Un chiffre sec n'a pas de sens, ce qui compte, c'est ce que vivent les gens.

L'intercommunalité peut être l'acteur de terrain. On a beaucoup parlé de schémas. La région devient responsable du développement économique et nous en sommes d'accord. Il s'agit d'offrir du travail à nos concitoyens. Je suis un peu déçu que le Gouvernement ferme la porte à tout élargissement de la compétence des régions vers l'emploi. Pourquoi pas d'expérimentation ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il n'y en a pas !

M. Michel Mercier.  - La commission l'a voulu.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Oui.

M. Michel Mercier.  - Vous le voulûtes, madame la ministre, vous auriez été recadrée à Dijon, je l'ai lu dans le journal. (Sourires) Pour l'application des schémas, ce sont les intercommunalités les mieux placées. Une convention avec la région doit les territorialiser. Nous tenons à l'amendement déposé à cette fin par le rapporteur. Le schéma doit être élaboré en coproduction entre les régions et les autres collectivités locales, qui le partagent, le portent ensemble.

Faisons de ce projet de loi un vrai texte qui redonne force à la décentralisation et réalité à la démocratie locale. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bruno Retailleau .  - (« Bravo ! » et applaudissements à droite) Nous terminons l'année comme nous l'avons commencé, avec un texte sur l'organisation territoriale, mal nommé car il est « vôtre », madame la ministre, plus que « NOTRe ». (On apprécie, sur divers bancs)

Son parcours législatif est désinvolte vis-à-vis du Sénat : la procédure accélérée, nous l'avons apprise sans information préalable. Le Premier ministre nous assure qu'il souhaite une coproduction avec le Sénat et le Gouvernement dépose 39 amendements, pour annuler l'ensemble de nos propositions. Le Gouvernement maltraite le Sénat ! (Applaudissements au centre et à droite)

Le parcours de ce projet de loi est marqué par des contradictions : la loi Maptam rétablit la compétence générale, ce texte la supprime, elle pose une réflexion sur le chef-de-filat, ce texte raisonne en termes de blocs de compétences. Nous allons appeler les Français à voter dans des circonscriptions charcutées, avec un mode de scrutin unique au monde, pour des compétences non établies. Ces élections risquent d'être l'occasion d'une abstention historique.

Incohérences : la carte avant les compétences, le contenant avant le contenu. Le débat s'est enlisé, trop souvent tourné vers le passé plutôt que tendu vers le projet, vers l'avenir. Où donc sont la clarification, les économies promises ? Nul ici n'était pour le statu quo mais pourquoi le changement ? Pour faire du neuf, pour être dans le vent ? Le département a deux siècles, insupportable pour ceux qui sont « attachés court au piquet de l'instant » comme dit le penseur. Changer, pour l'Europe ? On l'aime, l'Europe, mais nous avons une géographie française, avec une ruralité qui s'impose comme un fait national.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - D'accord.

M. Bruno Retailleau.  - Nulle part en Europe, l'État n'a autant construit la Nation.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Exact.

M. Bruno Retailleau.  - La Grande-Bretagne est une île, l'Allemagne est un pays fédéral, l'Italie est en voie de fédéralisation, la Belgique et l'Espagne sont tiraillées par des forces centrifuges extrêmes. Notre modèle est différent.

Réformer, c'est surmonter la crise économique qui secoue tous nos territoires, sans exception, villes et campagnes. Gérard Larcher a dit un jour « Ce qu'a la France en plus, c'est le territoire. » Oui, c'est notre avantage comparatif dans la mondialisation. Les territoires sont des espaces économiques, de production, d'échanges. Les ETI et les PME sont provinciales, n'en déplaise aux jacobins. Paris et le désert français, c'est terminé. Tournons-nous vers l'avenir, pour conforter notre territoire, pour l'investissement, et non pas en créant une instabilité institutionnelle chronique, ni en bloquant de grands projets qui font consensus à droite et à gauche. Où est la République, quand l'État de droit est fragile, quand les minorités imposent aux majorités leur loi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Jacques Mézard.  - Tout à fait.

M. Bruno Retailleau.  - Allons-nous fragiliser ou renforcer la démocratie locale ? Elle sera à la base du renforcement de la démocratie nationale. Jacques Mézard a raison : la logique de votre réforme, c'est celle de grandes régions où tout remonte, tandis que les départements sont condamnés à l'évaporation juridique ou à l'asphyxie budgétaire.

M. Bruno Sido.  - Absolument !

M. Bruno Retailleau.  - Une loi d'airain veut que plus une institution est proche, plus elle est aimée. La France rurale, périurbaine, celle des quartiers s'estime sous-représentée. Votre réforme prépare une déterritorialisation.

M. Guy-Dominique Kennel.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - Nos amendements ont fait l'objet d'un très large consensus. Ils expriment une vision de notre organisation territoriale et de la décentralisation fondée d'abord sur la proximité, ce qu'en langage juridique on appelle subsidiarité.

Je suis président d'un conseil général, j'ai été vice-président du conseil régional : je connais bien les deux institutions. Donner aux régions la responsabilité des collèges, des routes, des transports scolaires, c'est en faire des collectivités de gestion, alors que leur rôle est stratégique, de préparer l'avenir. Olivier Guichard déplorait déjà qu'on leur confiât la gestion des lycées et qu'on les alourdît ainsi. Vous préparez, madame la ministre, des régions obèses, sans guère de moyens d'agir.

Le fait départemental s'impose, car c'est l'échelle territoriale de la péréquation, de la cohésion, avec des compétences de proximité qui lui confèrent une puissance d'action. Les collèges n'obéissent à aucune logique régionale. Quant aux communes nouvelles, ne remettent-elles pas en cause la conception d'une intercommunalité fortement intégratrice ? Il faudra y réfléchir.

Deuxième principe : nous voulons tous ici une France du XXIsiècle, non pas la France napoléonienne de l'uniformité, quelles que soient les sympathies que certains ont pour Napoléon Bonaparte. J'aime les jardins à la française, mais modernité rime avec diversité. Toutes les régions françaises n'ont pas la même géographie, la même topographie. La réalité territoriale ne s'inscrit pas dans la géométrie euclidienne.

Pourquoi faire un texte centralisateur ? J'imaginais que votre ADN était décentralisateur. Vous vous interdisez de faire des économies, vous vous interdisez une vraie réforme de l'État. Vous nourrissez, comme moi et comme certains au Gouvernement, une passion pour Clemenceau, qui critiquait la centralisation aux mains d'un État anonyme. Eh bien, je vous assure que les Dreal et les Direccte sont parfaitement anonymes, qu'elles ne rendent plus compte au préfet mais ont été reprises en main par les administrations centrales ! (Applaudissements au centre et à droite)

Nous voulons un texte d'audace, de décentralisation. (Applaudissements à droite) Oui pour l'emploi aux régions, même si la moutarde de Dijon monte au nez de certains.

En Vendée, il y eut un procès qui a trouvé, en première instance, de premières conclusions ; loin de moi l'idée de censurer un juge.

M. Michel Delebarre.  - Heureusement !

M. Bruno Retailleau.  - Le temps est venu de réfléchir à propos des conditions faites aux communes pour le contrôle de légalité. Je vous conseille le rapport de Jacques Mézard. Le rôle de l'État dans le conseil et le contrôle de légalité doit être repensé.

M. Marc Daunis.  - RGPP !

M. Bruno Retailleau.  - Peu importe, c'est le passé, travaillons pour l'avenir ! Tocqueville...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bonne référence ! Grand Normand !

M. Bruno Retailleau.  - ...disait que la décentralisation avait une vertu civique car elle accoutumait les citoyens à l'exercice de leur liberté.

Acceptez la main que le Sénat vous tend, madame la ministre, car c'est la marque du Sénat : travaillons pour la région et travaillons pour la France. (Applaudissements nourris et prolongés au centre et à droite)

Mme Marie-Christine Blandin .  - On aurait pu rêver qu'une telle réforme parte des besoins des habitants, des savoirs des professionnels, et précise le rôle de l'État. Hélas, la défense du pouvoir établi, la promotion des prés carrés, des découpages intuitu ministri ont pris le pas sur ces considérations d'intérêt général.

En amont de cette discussion, le groupe écologiste avait rencontré des représentants des parents d'élèves, des professeurs, des proviseurs, qui ont regretté n'avoir pas été consultés sur un projet de loi qui les concerne au premier chef : transports scolaires, restauration scolaire, école, collège, tout cela ne relève pas du Monopoly des élus. Que devient l'école du socle ? Où vont les CIO ? Il faudra répondre.

À propos de la culture, nous attendons que l'État prenne ou dise sa part dans cette responsabilité partagée et ne se désengage point. Nous attendons aussi qu'il mette en oeuvre le texte qu'il a signé à l'Unesco. Nous sommes très attachés à la diversité culturelle car dans le débat sur la culture, le grand absent, c'est le public. Je ne parle pas du sport car entre le sport santé et le sport spectacle, l'écart est trop grand. Pour le mouvement associatif, il faut soutenir les actions sociales et innovantes.

Une question, alors que les CPER montrent un recul dramatique des moyens de l'État en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, les régions auront-elles ou non le droit de les soutenir ?

Dans votre phrase « La période de transition doit être de construction », je veux voir, madame la Ministre, une lueur d'espoir. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Pierre Bosino .  - Surprise : il n'y a dans ce texte aucune mesure de caractère financier. Aucune réforme des finances locales, alors que la loi de finances consacre une baisse drastique des dotations. Charles Guené a fait la même remarque : avec quels moyens nouveaux, régions et EPCI exerceront-ils les compétences qu'on entend leur confier ?

Les seules dispositions financières figurant dans le texte renforcent les pouvoirs de contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes afin, de notre point de vue, que tout le monde aille dans le même sens pour mettre en oeuvre l'austérité. Ce sera la police de la dépense publique.

La région, force montante de la décentralisation, est l'échelon le moins libre de lever l'impôt, le moins autonome financièrement. La remarque vaut pour les intercommunalités.

La DGF connaîtra dans les trois années à venir une réduction lourde de conséquences. Un partage du produit de la TICPE, mise en place par M. Sarkozy, sera préalablement privilégié pour les régions. Après la disparition de la taxe professionnelle, reste le produit de la CPAE ; envisagez-vous une nouvelle clé de répartition ?

Pourquoi faire croire que nous améliorerons les finances publiques en réduisant le nombre des collectivités ? La Grèce se porte-t-elle mieux après semblable réduction ?

M. Jean-Pierre Bosino.  - Tout cela pour le plus grand bonheur d'opérateurs privés qui attendent avec gourmandise de nouer des partenariats public-privé avec des EPCI étendus.

Ce projet de loi NOTRe est une adaptation de notre République à la crise du système économique, à la politique austéritaire de baisse des dépenses publiques. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Rarement réforme aura été conduite de manière aussi chaotique. (On approuve à droite) Depuis 2009, lors de la réforme de 2010, la clause de compétence générale était au coeur des débats au Sénat.

Bruno Retailleau : « La clause de compétence générale n'est pas un privilège, elle est le sens même de la décentralisation. C'est aussi un principe constitutionnel de démocrates ». Edmond Hervé : « Je suis fondamentalement opposé à toute liste de compétences exclusives, qui iront contre les principes constitutionnels... »

Revenue au pouvoir, la gauche supprime le conseiller territorial, invente un nouveau type d'élection, dans de nombreux cantons, selon un mode de scrutin que le monde entier nous envie. Puis nait la loi MAPTAM, puis les voeux aux congrès du président de la République, qui valent aux départements un retour en grâce. Avril 2014 : M. Valls assure la suppression des conseils départementaux. En juin : plus question de concentration ni de temps. Puis est publiée la carte des quatorze nouvelles régions. François Hollande l'accompagne d'une tribune qui...

M. Éric Doligé.  - ... raconte n'importe quoi !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ... qui reconnaissait deux postes, les régions et les intercommunalités. Comme on dit dans les Tontons flingueurs, « C'est du brutal ! » mais c'est clair. (Sourires)

Mais on s'est aperçu que de supprimer les départements et de partager des dépouilles était plus difficile que prévu, tant juridiquement que politiquement... Le concours Lépine était ouvert. Plus de millefeuilles mais un pudding ! (M. Bruno Sido s'esclaffe)

Si l'on supprime la clause de compétence générale, il faut désigner des attributaires pour toutes les compétences, même celles qu'on n'imagine pas encore, accepter des compétences partagées. Bonjour la simplification ! Autre contrepartie, la multiplication des plans et schémas... Créer des compétences exclusives et les faire financer par d'autres, c'est habile, mais c'est le moyen le plus sûr d'échouer !

Si nos rapporteurs ont accompli une oeuvre méritoire, la logique de ce texte n'a pas changé. Ce n'est pas celle de la décentralisation mais une logique managériale, les collectivités territoriales étant comme concurrentes...Les territoires moins productifs sont mis à l'écart : c'est le sens de la création des métropoles. Comment la nouvelle organisation territoriale, la suppression de la moitié des départements augmenteront-elles la croissance, réduiront-elles notre déficit commercial, accélèreront-elles la transition énergétique ? Mystère...

Je ne voterai pas ce projet de loi mortifère. (Applaudissements sur les bancs RDSE et au centre)

Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Amiel.  - Lors du scrutin n°76, M. Guérini, Mme Jouve et moi-même avons souhaité voter contre le projet de loi portant délimitation des régions et non nous abstenir.

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Michel Amiel .  - Les schémas de coopération entre collectivités territoriales, indispensables, ne doivent pas étouffer l'identité de chacun. Or, ce projet de loi impose une techno-structure dont personne ne veut. Il est incontestable que Marseille doit conserver sa place. Seul un engagement financier massif de l'État peut redonner à la ville les moyens de ses ambitions. Le projet des élus du département, soutenu par la majorité des parlementaires, constitue la seule option. (Applaudissements au centre)

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Jacqueline Gourault .  - Vous arrive-t-il aussi souvent qu'à moi de vous entendre dire qu'il faut absolument simplifier l'action publique ? Recevez-vous comme moi des chômeurs angoissés par le labyrinthe administratif ? Si nous en sommes là, c'est la faute à personne et à tout le monde. Regardons vers l'avenir, comme nous y appelait M. Retailleau.

Oui, le Gouvernement a tergiversé. Non, l'ordre entre les trois textes n'est pas le bon -pas plus qu'en 2010.

Je m'efforcerai de participer à trois chantiers indispensables : clarification des compétences, non-tutelle d'une collectivité sur une autre, prise en compte de la diversité territoriale.

Oui aux compétences économiques des régions et des territoires. Oui aux compétences sociales des départements. Puisqu'il y a beaucoup de routes communales, il est logique que les routes demeurent aux départements. Il serait d'ailleurs temps de se préoccuper des tronçons de routes nationales restantes. (Applaudissements sur quelques bancs au centre et à droite)

Pour ma part, je regrette que les collèges et lycées ne soient pas confiés à la même collectivité territoriale.

Oui au schéma de développement économique puisque les régions sont compétentes, mais non à un schéma d'aménagement du territoire contraignant. Pas plus que la tutelle des régions, je ne souhaite la tutelle des départements sur d'autres collectivités. Pourquoi ne laisse-t-on pas les communes et intercommunalités s'organiser comme elles veulent, par exemple pour l'ingénierie ? (M. Bruno Sido et Mme Sophie Joissains approuvent)

Faut-il un seuil chiffré pour les intercommunalités ? Le plancher de 5 000 habitants a déjà donné lieu à des débats homériques en 2010. J'ai eu, ce matin, l'idée de créer des strates en fonction de la densité de population. (M. Bruno Sido s'exclame) Légiférons ensemble, même avec le centre, monsieur Retailleau, c'est l'intérêt commun ! (Applaudissements au centre)

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

M. Bruno Sido .  - Ce projet de loi, enfin, énonce qui fait quoi. Il aurait été utile d'en débattre avant de revoir la carte régionale... Les effets de la suppression de la clause de compétence générale auraient aussi dû être examinés auparavant.

Le rapport Raffarin-Krattinger aurait dû servir de base pour élaborer ce texte. En Allemagne, la CDU-CSU et le SPD ne se mettent-ils pas d'accord sur les sujets d'intérêt général ?

Le Gouvernement nous a servi une pièce en quatre actes pour détourner l'attention de nos concitoyens de la crise.

Premier acte : le président de la République confirme à Tulle l'intérêt des départements et promet de maintenir ce socle républicain qu'est le conseil général. Les cantons devaient être redécoupés, pour répondre aux évolutions démographiques, garantir la parité... et limiter la déroute électorale de la majorité.

Acte II : stupeur. Le nouveau Premier ministre, Manuel Valls, annonce la fin des départements que l'AFD elle-même a appris par la presse... Le Gouvernement, par démagogie, voulait couper des têtes. Le département était la victime idéale. La majorité gouvernementale ne réagit guère, mais n'en pense pas moins, comme en témoignent les crises à répétition...

Acte III : les élections régionales sont renvoyées à la fin 2015, les départementales avancées à mars 2015. En la matière, ce va-et-vient est peu propice à l'exercice de la démocratie locale ! Et à la fin, nos concitoyens pourront dire : tout ça pour ça ! Le seul sujet important, c'est le redressement des comptes publics et, à cette fin, il faut commencer par réfléchir au périmètre de l'action publique. Au lieu d'organiser un débat transparent sur le sujet, le Gouvernement taille dans les dotations aux collectivités territoriales, sans se soucier de l'impact sur l'économie. Pendant ce temps-là, l'État recrute à l'éducation nationale, sans que l'augmentation des effectifs ne nous fasse progresser dans les classements Pisa. Une fois de plus, le Gouvernement sacrifie l'investissement au fonctionnement !

L'État-providence craque de toute part. Le réformer, c'est le préserver. (Mme Cécile Cukierman s'exclame) Jamais les dépenses liées au RSA n'ont été aussi élevées. Verser une allocation aux chômeurs, rien de plus normal, mais ce droit n'est assorti d'aucune obligation de formation : on conforte ainsi les gens dans l'inactivité (nouvelles exclamations sur les bancs CRC) et ils se retrouvent finalement à la charge des départements.

La seule solution, c'est de confier l'accompagnement des chômeurs aux départements. Séparer formation et insertion est incohérent !

Le Gouvernement, qui prétend renforcer les régions, leur confie des compétences de proximité... Des conseils régionaux sis à des centaines de kilomètres seront-ils les mieux placés pour gérer les transports scolaires ? On pourrait en rire...

L'ADF, à majorité de gauche, a proposé des amendements de bon sens. Merci aussi à la commission des lois pour ses travaux.

Renforcer les compétences stratégiques des régions suppose de conforter les compétences de proximité des départements. Je pense par exemple aux gestionnaires d'établissements scolaires, qui relèvent encore de l'État, et aux lycées. On constituerait ainsi un pôle cohérent, de niveau départemental, tandis que les régions pourraient se concentrer sur leur coeur de métier. 20 000 habitants pour une intercommunalité, c'est beaucoup trop en milieu rural, et pas assez en ville.

Naguère, le Premier ministre Raffarin avait su imposer à l'administration sa volonté réformatrice. Hélas, l'État a conservé ses compétences sociales. Quant aux régions, c'est une véritable tutelle que l'État exerce sur elles.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure !

M. Bruno Sido.  - Le vieux débat entre jacobins et girondins n'a jamais été tranché. Pour faire des économies, que l'État accepte enfin de ne plus s'occuper de tout !

Grâce à la commission des lois, je reste confiant sur l'issue de nos discussions. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Sylvie Robert .  - Tout le réseau culturel issu de la décentralisation est menacé d'effondrement en raison des coupes budgétaires : une pétition tire aujourd'hui l'alarme. Le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales doit être refondé.

Depuis les lois Defferre, et au-delà le CNR, notre politique culturelle se caractérise par la multiplicité des acteurs, étatiques ou territoriaux. Grâce à eux, les projets ont fleuri.

Ce projet de loi est fondé sur une tout autre conception. Il clarifie les compétences de chaque collectivité -hormis pour la culture, le sport et le tourisme. Ce texte ne renie pas la décentralisation du XXe siècle, il en est la prolongation actualisée.

Ne soyons pas, cependant, aveuglés par l'idéologie du changement. La culture et le sport sont confirmés comme des compétences partagées, nous nous en félicitons -et cela aurait pu être le cas pour toute la vie associative. Veillons à ce que la culture et le sport ne deviennent pas des compétences résiduelles, voire optionnelles. Ce serait une funeste palinodie, néfaste pour le rayonnement de la France et la qualité de vie de nos concitoyens. Rappelons les compétences de chaque collectivité : nous voyons aujourd'hui les ravages provoqués lorsque certains se désengagent.

La participation financière reste la meilleure marque de l'engagement. L'engagement est élégant lorsqu'il est habillé de mots ; il est beau quand il se couvre de faits (Bravo sur les bancs socialistes). Je plaide pour des schémas de développement culturel et sportif, non prescriptifs, dans le cadre des conférences territoriales de l'action publique. La décentralisation culturelle ne s'est jamais faite contre l'État. Cependant, d'un État prescriptif, nous devons passer à un état partenaire, gérant de la culture pour tous.

La liberté est inhérente à la culture. « Il n'y a pas de culture sans liberté de la culture. Il n'y a pas de pensée sans la liberté de pensée », disait Jean Grenier, ami de Louis Guilloux.

Les collectivités territoriales doivent continuer à oeuvrer pour offrir aux gens ce qu'ils ne savent pas encore qu'ils désirent selon le mot de Jean Vilar. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Cécile Cukierman .  - J'insisterai sur les territoires ruraux et montagnards, éloignés des métropoles, qui ne doivent pas devenir des territoires interstitiels. Jean-Paul Dufrègne, président du conseil général de l'Allier, avec ses collègues de la Nièvre, de la creuse et du Cher, a lancé la démarche des nouvelles ruralités, refusant de présenter les territoires ruraux comme des victimes et cherchant à positiver en montrant la vie qui s'y exprime. Des Assises de la ruralité, organisées par Mme Pinel, il ressort que ces territoires ont besoin de services publics.

Or la création de grandes régions lointaines et le regroupement des administrations de l'État laissent présager le pire. La clause de compétence générale est condamnée alors même que l'on vante l'intelligence territoriale...

Vous direz, madame la ministre, que ce problème sera traité par un autre texte. Mais si nous mettons à mal l'organisation territoriale de la République, il sera trop tard.

La suppression par la commission des lois du seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités est une bonne chose -je ne chipoterai pas ,15 000, ce n'est pas mieux. Ce seuil est inaccessible dans de nombreux territoires ruraux ou de montagne.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Pas seulement !

Mme Cécile Cukierman.  - Pourquoi éloigner encore des citoyens des centres de décisions ? Longtemps les territoires ruraux ont été perçus comme des territoires grevés de handicaps. Ils demeurent des territoires fragiles, dans la mondialisation : voyez l'exemple du numérique.

Ce texte entérine le remplacement des services publics par les services au public : glissement significatif. Cependant, Mme Lebranchu n'ayant parlé tout à l'heure que de « services publics », je ne doute pas qu'elle acceptera nos amendements...

Ce projet de loi poursuit dans la voie de la hiérarchisation des territoires et de la concentration des intercommunalités et des syndicats intercommunaux. Ainsi pour un opérateur privé, il sera plus juteux de traiter avec de gros syndicats des eaux ...

Ces territoires vont se vider : qui les occupera, les entretiendra ? Ce ne sont pas des réserves d'indiens, ils font la richesse de la France. Nous refusons de les brader et de les vendre à la découpe. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Sophie Joissains .  - Je ne vois personne qui soit enthousiasmé par ce texte, qui le trouve porteur d'espoir... Paris décide de tout : aucune concertation avec les élus locaux, aucune étude d'impact.

Le Premier ministre a accordé aux élus provençaux un rendez-vous le 9 novembre. Nos EPCI seront maintenus jusqu'en 2020, un cadre financier a été défini. Hélas, depuis le rendez-vous que nous avons eu hier soir en préfecture pour finaliser cet accord, ce n'est plus acquis. Nous n'avons plus confiance. Or 113 communes, et parmi elles 18 de la communauté urbaine, sur 119 communes concernées sont hostiles à la métropole Aix-Marseille telle que votée. En raison de son périmètre d'abord : la Camargue et les Alpilles, particulièrement touristiques, sont tenues à l'écart, alors qu'elles sont cruellement mal desservies par les transports. Est-ce pour garantir l'élection de M. Vauzelle ?

Sur la répartition des compétences, vous n'avez tenu aucun compte de nos demandes.

Quant à la fiscalité, alors que la faiblesse de notre CFE contribue à notre compétitivité, les impôts devront augmenter, et leur produit sera capté par la ville-centre. Nous sommes d'accord pour compenser les charges de centralité, mais nous refusons de perdre notre autonomie financière.

Enfin, les communes de plus de 30 000 habitants seront surreprésentées.

Mme la présidente.  - Merci de conclure.

Mme Sophie Joissains.  - L'hégémonie de Marseille est inacceptable. Cette métropole de 3 178 km2 a été bâtie à l'emporte-pièce. (On s'impatiente sur les bancs socialistes)

Nous proposons d'adopter le régime et la métropole du Grand Paris, qui n'a pourtant pas été pensée pour nous.

Mme la présidente.  - Je dois vous interrompre.

Mme Sophie Joissains.  - Les maires sont furieux, à bout d'espoir : ne les décevez pas !

M. Henri de Raincourt .  - Je veux saluer le travail de la commission et de nos deux rapporteurs, de deux sensibilités politiques différentes : c'est un beau symbole.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Absolument !

M. Henri de Raincourt.  - Les collectivités territoriales ne sont ni de droite, ni de gauche. Je salue la suppression du seuil de 20 000 habitants, qui ne voulait rien dire. Les compétences stratégiques des régions ont été confortées, de même que les compétences de proximité des départements.

Dans l'Yonne, les élus de tous bords pendant la campagne des sénatoriales m'ont dit leurs inquiétudes.

Hier soir encore, lors d'une réunion au nord du département, ils me disaient : « De grâce, laissez-nous respirer ! Cette frénésie législative nous donne le tournis ! ».

Les départements jouent un rôle essentiel pour l'initiative locale, l'aménagement des territoires, le développement social, les entreprises locales. C'est un échelon de proximité incontournable. Vouloir à la fois de grandes régions démesurées, des départements asséchés, des EPCI déconnectés des réalités locales, et des communes dévitalisées mais responsables de tout, c'est bâtir une France technocratique, déshumanisée.

Toutes les réformes territoriales se sont donné pour objectif de rationaliser notre millefeuille territorial et de garantir une meilleure utilisation des fonds publics mais à condition de préserver la libre participation des collectivités. Ainsi en alla-t-il ave l'achèvement de la carte intercommunale. Laissons-la vivre la carte, avant de tout chambouler.

Rationalisation et participation vont de pair. Plus les dispositifs seront contraignants, moins les intercommunalités seront efficaces, de nouveaux organismes se surimposeront sans gain d'efficacité. Communes, intercommunalités, communes nouvelles, EPCI, syndicats, pôle de compétences, où allons-nous ? Ce n'est pas la voie de la démocratie, ni des économies !

Si le Gouvernement refuse la main tendue par le Sénat, il faut s'attendre à devoir rouvrir le dossier d'ici peu... Il y a une opportunité, il faut la saisir. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Collomb .  - Il y a un an, nous adoptions la loi Maptam, qui reconnaissait le fait urbain, la dynamique portée par les métropoles. Tous les spécialistes ont salué un grand pas en avant. En leur sein, en effet, se crée une part essentielle des richesses de notre pays. Comme l'a montré un colloque récent organisé par la métropole de Rouen, l'essentiel de la croissance depuis vingt ans, et surtout depuis la crise de 2008, provient des métropoles. Pourquoi ? Parce que nous sommes passés d'une économie de la production à une économie de la connaissance qui repose sur des écosystèmes de chercheurs, d'universités et d'entreprises -écosystèmes installés dans les métropoles. Comment celles-ci pourraient-elles se désintéresser de leurs universités, de leur rayonnement international, de leur attractivité ? Des pôles de compétitivité pour attirer les entreprises étrangères, de la stratégie d'innovation ?

La croissance des métropoles se ferait au détriment des autres territoires ? C'est une idée fausse. Les urbains consomment dans les autres territoires : ainsi, l'Ile-de-France représente 30 % du PIB français mais seulement 22 % de la population. C'est dire que confier aux régions la compétence exclusive en matière économique serait une grave erreur. Je crois en la matière à un couple formé par les régions et les métropoles ou les grandes agglomérations. Aux métropoles le soin de faire naître l'innovation, aux régions le soin de la diffuser. Comment la région Rhône-Alpes-Auvergne pourrait-elle être au fait de tout ce qui voit le jour à Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, Clermont-Ferrand ou Annecy ?

Pour l'économie comme pour le tourisme ou l'action internationale, il faut penser en termes de complémentarité des compétences, non d'exclusivité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

Mme Françoise Gatel .  - Madame la ministre, votre ambition de rédiger un texte de simplification, un projet porteur d'espérance, de confiance et d'efficacité a échoué à cause d'une procédure chaotique au cours de laquelle les textes se sont succédé comme les pièces détachées dans un catalogue. Vous mettez en cause les départements, puis vous les conservez. Vous sacralisez les grandes villes en oubliant les villes moyennes et les petites villes. Vous inventez l'hyper-ruralité mais oubliez les territoires interstitiels. Enfin, vous engagez en même temps la revue des missions de l'État. Il aurait mieux valu attendre les conclusions de celle-ci. Que d'incohérence et d'incompréhension devant tant de contradictions et de brutalité !

Vouloir décentraliser, c'est accepter la diversité des territoires. Ce n'est pas corseter ni formater mais rendre possible. Vos propositions sur l'intercommunalité nient la diversité territoriale, c'est une violente marque de défiance vis-à-vis des élus. L'AMF, par la voix de son ancien président Jacques Pélissard, a proposé la création de communes fortes conjuguant librement leurs forces au sein de communes nouvelles. Les intercommunalités sont une nécessité mais doivent émaner des communes, dans un projet fédérateur défini par les élus et fonctionnant sur le principe de la subsidiarité -non pas dicté par l'État.

La précipitation avec laquelle vous conduisez ce texte est désastreuse. Les associations d'élus, lors de la conférence territoriale réunie par le président Larcher, ont exprimé leur attente pour plus de confiance, de liberté et de responsabilité. Chacun souhaite la réussite du pays, mais nous sommes nombreux à douter ou à craindre. Aucune expérimentation, aucune étude d'impact ne prouve que votre réforme sera source d'économies ou d'efficacité. Il est à craindre, au contraire, une longue paralysie de l'action locale et de l'investissement public -une occasion gâchée. Représentants des collectivités territoriales, nous osons croire que vous serez attentive aux évolutions qui vous seront proposées, qui résultent de réflexions non partisanes et partagées par les associations d'élus. (Applaudissements au centre)

CMP (Demande de constitution)

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 50.

Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. François-Noël Buffet .  - Un regret : nous légiférons dans des conditions qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le Sénat vient d'examiner en nouvelle lecture le projet de loi sur la délimitation des régions, dont la logique n'est plus celle du Gouvernement, le Parlement ayant réaffirmé son attachement aux départements. Des choix ont été faits sur le découpage des grandes régions. Certains élus ont su se faire entendre, d'autres non... Ce projet de loi n'offre pas la grande vision que nous attendions. Quant à celui-ci, relatif aux compétences, il a évolué aussi : on a voulu rendre la clause de compétence générale aux régions, avant de revenir à une spécialisation incomplète. La spécialisation, je l'appelais de mes voeux, au nom de la clarification et pour faire des économies. M. Mercier l'a dit : pour simplifier vraiment notre organisation territoriale, il aurait fallu revenir au conseiller territorial. (Murmures à gauche)

Une inquiétude aussi. Je ne suis pas hostile à la spécialisation des compétences ni au caractère prescriptif des schémas mais la métropole de Lyon, par exemple, a besoin d'exercer aussi la compétence économique. Il faut faire place à la discussion, à la négociation. Un amendement de Mme Létard y pourvoira. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Claude Haut .  - Cette loi, qui doit donner à l'action publique locale une plus grande efficacité, inquiète les élus locaux. Nous nous félicitons qu'à la demande du président Larcher le Premier ministre ait accepté un débat d'orientation à ce sujet, le 28 octobre.

Le Sénat souhaite le maintien des conseils départementaux, au nom des principes de lisibilité et de cohérence qui donnent sens à la réforme. Le discours du Premier ministre a évolué, n'hésitez pas, mesdames et messieurs les ministres, à nous rassurer encore.

Il n'y a pas d'un côté les conservateurs, de l'autre ceux qui voudraient tout chambouler. L'immense majorité des élus et des citoyens souhaitent que soient distinguées les compétences stratégiques des compétences de proximité. Les premières reviennent aux régions, les secondes aux intercommunalités, en lien avec l'ingénierie départementale. Les solidarités humaines et territoriales incombent aux départements. Qui nierait l'importance de la solidarité en période de crise ? Elle représente 38 milliards sur 71 milliards de dépenses départementales.

Le projet de loi donne sens à la notion de solidarité territoriale. Le département est chef de file des compétences de proximité. Quel serait l'intérêt de transférer à la région les transports scolaires ? La loi NOTRe doit confirmer le chef-de-filat institué par la loi Maptam.

Il y a aussi la question des moyens. Les départements supportent 31,3 % de la baisse des dotations. Nous nous réjouissons donc que les mesures prises en 2014, sur les DMTO notamment, seront pérennisées. De même, nous apprécions que soit retenu le critère du potentiel fiscal corrigé, le seul à correspondre vraiment à la réalité, ce qui mettra fin à une injustice.

Le RSA doit être financé à long terme. (M. Jean-Jacques Hyest confirme)

Mme la présidente.  - Concluez !

M. Claude Haut.  - Le Conseil général n'a aucune marge de manoeuvre en la matière. Il ne peut que mettre en pratique ce que l'État a décidé.

La décentralisation a été beaucoup critiquée. Elle est pourtant un succès pour la démocratie. À nous de la rendre plus efficace et plus claire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Tout a été dit sur la méthode du Gouvernement, détestable, du redécoupage cantonal à ce projet de loi. À chaque demande de concertation, d'étude d'impact, à chaque appel au bon sens, la réponse fut la même : on nous a accusés d'immobilisme, de conservatisme, de ringardisme. Présentée par petits paquets, la réforme territoriale peine à trouver une cohérence d'ensemble. Quand on construit un bâtiment sans fondations, on ne doit pas s'étonner des malfaçons.

Le réseau communal est une richesse évidente pour la France. Or les communes sont promises à la disparition. De même, vous ne trouvez pas de produit de substitution pour les départements. La vraie culture politique française est fondée sur le couple commune-département. Certains sujets, comme les transports scolaires, requerront toujours de la proximité.

Construire les frontières, c'est aussi se demander si les regroupements prévus sont vraiment pertinents. La métropolisation forcenée est-elle vraiment moderne ? Je plaide pour l'expérimentation.

Les élus nous regardent. Nous attendons le débat sur les schémas dits « prescriptifs » -comment l'entendre ? Surtout, il faudra être réaliste sur le seuil des intercommunalités : le chiffre proposé est arbitraire.

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Un mot encore sur l'aménagement numérique du territoire : si une collectivité territoriale n'est pas bientôt désignée responsable, la nature reprendra ses droits. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

M. Jean-Pierre Grand .  - L'esprit et l'architecture des lois de décentralisation de 1982 étaient cohérents. Depuis lors, les élus locaux ont relevé le défi.

Plus de trente ans après, on pourrait espérer une nouvelle étape. L'enjeu, c'est notre compétitivité, l'attractivité de nos régions, l'aménagement de nos territoires. Le seul objectif qui vaille, c'est de donner à de grandes régions les moyens d'assurer leurs missions stratégiques, pour l'innovation et l'emploi. Le Languedoc-Roussillon fusionne avec le Midi-Pyrénées, j'y suis favorable. (On s'en félicite sur les bancs socialistes)

Cette future grande région, c'est seulement 2,3 milliards d'euros de budget cumulé, et plus de 500 000 chômeurs. Comment imaginer qu'elle pourra, avec de faibles moyens, faire reculer le chômage ?

L'avenir des régions est lié à celui des départements. J'espère que des hommes raisonnables sauront se rassembler pour créer une force économique. Ces grandes régions et ces départements doivent être dotés de moyens de résister à la concurrence des grandes régions étrangères. Pour ce qui nous concerne, je pense aux régions espagnoles ou au Maghreb.

Pourquoi ne pas décentraliser une gestion de la fiscalité de l'État -et, concomitamment, une gestion de la dette de la nation ? Des mesures sociales spécifiques à nos territoires mériteraient aussi d'être étudiées.

Une Conférence des présidents de région pourrait siéger autour du président de la République. Elle serait fort utile au fonctionnement de la République. Ces présidents devraient avoir un rang protocolaire élevé.

De grandes régions n'ont de sens qu'avec les moyens économiques, fiscaux, réglementaires nécessaires. Créer des collectivités territoriales fortes, c'est renforcer le département. C'est un gaulliste qui vous le dit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Bravo.

Mme Odette Herviaux .  - Régionaliste convaincue, j'avais mis beaucoup d'enthousiasme dans le texte initial et je ne me satisfais pas du texte de la commission. On observe ici la propension française à l'autodénigrement, le poids des conservatismes et des habitudes... Je salue votre écoute et votre ténacité, madame la ministre, et j'espère que la réforme servira, in fine, l'intérêt général.

De discours en colloques, chacun s'accorde à reconnaître l'importance du littoral. L'action concrète, elle, se fait attendre. Pourtant, la mer et les littoraux offrent des leviers de croissance durable ; nous avons de bonnes raisons de le savoir, vous et moi, madame la ministre !

On ne peut plus laisser les élus seuls face à la jurisprudence administrative qui n'est ni cohérente ni juste en ce qui concerne l'application de la loi Littoral. C'est pourquoi je souhaiterais que soit prévue la pérennisation du SRADDT en zone littorale. De même, la desserte des îles métropolitaines doit être transférée aux régions, le principe de continuité territoriale réaffirmé.

Je regrette la suppression de l'article 11 en commission. Les autorités portuaires appellent au renforcement des intercommunalités et des régions, en cohérence avec le schéma d'internationalisation et d'innovation. Des solutions doivent être trouvées d'urgence sur la SNCM et le sauvetage en mer.

Je forme le voeu que le Sénat se détermine en fonction de l'intérêt général. Je déposerai un amendement pour une expérimentation relative à la gestion de l'eau en Bretagne. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; MM Ronan Dantec et Michel Le Scouarnec applaudissent également)

M. Jean-Léonce Dupont .  - Quel feuilleton que celui de la réforme territoriale, depuis 2012 ! Quelle effervescence normative !

Il était plus que temps de débattre des compétences. Mais nous ne savons ni avec quoi -puisque la réforme de la DGF se fait attendre- ni avec qui -faute de réforme de l'État déconcentré. Ubu n'est pas loin.

L'exposé des motifs du projet de loi commence avec la suppression des départements, et donc le transfert aux régions de certaines de leurs compétences. Mais le Gouvernement nous annonce désormais que nous avons un plein mandat pour y réfléchir. Pourquoi donc ne pas avoir revu votre copie ?

Nous pouvons approuver le renforcement des compétences économiques des régions -même si le périmètre peut être discuté- mais quid de la politique de l'emploi ?

Même absence de bon sens pour l'intercommunalité. À peine les nouveaux conseillers installés, il faudrait revoir le périmètre des intercommunalités. Le Gouvernement, encore une fois, redécoupe pour faire croire qu'il réforme... Attendons que le sort des départements soit tranché. Laissons les territoires respirer, ils sauront évoluer -voyez les communes nouvelles.

Je souscris, en revanche, à la diminution du nombre de syndicats. Au XVIIIe siècle, le philosophe Edmund Burke disait : « les lois, comme les maisons, s'appuient les unes sur les autres ».

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Jean-Léonce Dupont.  - Puissent donc le Sénat et sa sage commission des lois être entendus !

M. Philippe Dallier .  - Je n'imaginais pas monter à cette tribune sans rien savoir des intentions du Gouvernement sur la métropole du Grand Paris. J'en suis réduit à des hypothèses et à interpréter des silences. L'amendement annoncé n'a toujours pas été déposé.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - J'hésite...

M. Philippe Dallier.  - Quel manque de respect pour le Sénat ! C'est au Premier ministre que je le reproche, qui se refuse à trancher le noeud gordien.

Certes, l'article 12 de la loi Maptam n'est pas parfait mais il crée une véritable métropole du Grand Paris, puissante, capable de combler le fossé entre l'est et l'ouest et de remédier aux enjeux du logement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Oui.

M. Philippe Dallier.  - Le Gouvernement sait qu'il faut revenir devant le Parlement mais nous ignorons encore ses choix.

En juin, on a laissé penser aux élus locaux qu'ils pouvaient faire la loi à la place du Parlement... Au terme de l'examen de ce texte, soit nous aurons détricoté l'article 12, soit ç'aura été la journée du Dupes ! Les amendements de MM. Karoutchi et Caffet diffèrent, signe que l'accord n'est que de façade. Ils ont cependant un point commun : ils tendent à créer plutôt un super-syndicat qu'une métropole. Et il serait même possible que des communes d'Ile-de-France appartiennent à deux EPCI à fiscalité propre ! Bref, ce serait une métropole extra-light ; d'autres, en revanche, sont un peu plus intégrateurs.

Dans les deux cas, les territoires garderaient la CFE et les ressources actuelles de chacun seraient préservées. Nos collègues, grands seigneurs, permettent cependant de donner à la banlieue la dotation d'intercommunalité de 75 millions d'euros... Paris serait ainsi un établissement territorial en plus d'être à elle seule commune et département. Mais ce ne serait que l'ombre d'une métropole capable de rivaliser avec les autres villes au monde.

J'ai mis, cependant, de l'eau dans mon vin.

M. Alain Néri.  - Pas trop !

M. Philippe Dallier.  - Je vieillis...

M. Bruno Retailleau.  - C'est surtout qu'il est vice-président du groupe ! (Sourires)

M. Philippe Dallier.  - J'appelle à un compromis.

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Philippe Dallier.  - Je le souhaite car nous ne pouvons plus nous payer le luxe d'attendre encore quinze ans. Je vous le demande instamment, chers collègues de province, intéressez-vous à la métropole de Paris car il y va de l'intérêt national. (Applaudissements sur certains bancs au centre et à droite)

Mme Cécile Cukierman.  - Il faudrait demander l'avis de la population.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Objectif louable que de réformer notre organisation territoriale pour la rendre plus lisible et plus proche des citoyens ; le regroupement des régions s'impose. L'essentiel, ce sont leurs missions et leurs moyens. Des régions stratégiques, capables de jouer leur partition dans la compétition mondiale, gagneraient-elles à gérer les collèges ? On parlera du lien entre collège et lycée, oubliant que le lien qui importe est entre collège et école primaire. La vraie clarification serait de transférer le personnel IATOSS des lycées aux régions, celui des collèges aux départements.

M. René-Paul Savary.  - Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - De même, en quoi la gestion des routes départementales profiterait-elle à la nouvelle grande région Limousin-Poitou-Charente-Aquitaine, dont je salue la création ? Le déneigement des routes du Limousin se fera-t-il mieux depuis Bordeaux que depuis Limoges ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Excellente question.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Pourquoi ne pas avoir transféré la gestion de la DETR aux départements ?

L'État se désengageant, les départements se sont dotés de services d'ingénierie, au profit des communes. Nombreux sont les lieux où les seuls services publics restants sont ceux des départements : c'est l'esprit même des maisons de services au public.

Le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités serait une erreur, et alimenterait la crainte d'une perte de substance des communes. Les élus aspirent à la stabilité. Si un tel seuil peut être posé en objectif, on en saurait en faire une norme impérative

Toute politique publique doit contribuer à redresser la France et à redonner confiance aux citoyens. Je souhaite que cette loi, clarifiée par les amendements du Sénat, rende l'action publique plus efficace, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. René-Paul Savary.  - Très bien !

M. Michel Vaspart .  - Élu des Côtes d'Armor, je parlerai d'abord pour la Bretagne : je déplore que le droit d'option n'ait pas été assoupli. (Applaudissements au centre)

Cette réforme n'est pas une vraie réforme de l'organisation, ni de la décentralisation. Ceux qui attendaient un big-bang seront déçus : ni suppression d'un échelon, ni clarification ! Ce gouvernement n'a pas eu le courage de trancher : déjà, en conservant des régions inchangées ici, en en créant d'autres, il n'avait pas tranché. Avec de grandes régions partout, le maintien des départements aurait été évident. Le Gouvernement n'a pas tranché non plus sur les compétences.

Nul besoin d'une loi pour pratiquer la mutualisation.

Une réforme est bonne si elle est juste ; faut-il qu'elle soit consensuelle ? Il y a un consensus pour ne pas réformer, y compris de la part des élus. Notre pays est suradministré mais sous-organisé.

Je suis sénateur depuis trois mois. J'ai été auparavant maire et conseiller général. Je suis arrivé sans certitude, avec le souci de bien faire et d'écouter les attentes de nos concitoyens comme des élus et du monde économique.

Individuellement, nous partageons le même constat et connaissons les solutions. Mais collectivement, nous n'allons pas au bout des réformes et, à force de ne pas écouter nos concitoyens, ne nous étonnons pas de voir monter le populisme et l'extremisme. Il y a danger et urgence.

Je regrette la suppression par idéologie du conseiller territorial. (Applaudissements à droite)

Cette réforme était cohérente et diminuait de moitié les élus régionaux et départementaux. Il y a trop d'échelons et trop d'élus. En ne faisant rien, nous renforçons le poujadisme. Nous, élus, devons être prêts aux réformes, même si nos mandats sont en jeu. Le monde bouge et ne nous attend pas !

La France et les Français nous regardent, ne les décevons pas une fois de plus, une fois de trop. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Kaltenbach .  - Si le Sénat n'a pas encore pris connaissance formellement de l'amendement du Gouvernement promis sur le Grand Paris, les élus concernés en connaissent la teneur. Le 1er janvier 2016, il y aura bien un établissement public qui se substituera aux 17 intercommunalités existantes. Ses opposants ont tentés d'en faire une simple fédération d'intercommunalités.

Je salue ceux qui, comme M. Dallier, ont su dépasser les clivages partisans, au service de cette métropole solidaire. Il faut écouter les élus locaux lorsqu'ils veulent renforcer le rôle des conseils de territoire. Mais ne les transformez pas en EPCI -car une commune pourrait être membre alors de deux EPCI- et ne leur donnez pas de pouvoir fiscal, pour ne pas renforcer les inégalités, déjà très fortes, au sein de l'Ile-de-France.

Ce ne serait pas viable. Il faut plus d'égalité.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Philippe Kaltenbach.  - De plus, d'autres métropoles réclameraient aussi le pouvoir de lever l'impôt, ce qui réduirait nos efforts de simplification à rien puisqu'on ajouterait une couche de plus au millefeuille territorial.

Je fais confiance au Gouvernement pour écouter les élus locaux sans pour autant céder aux demandes extravagantes.

Mme la présidente.  - C'est fini.

M. Philippe Kaltenbach.  - Oui à une métropole solidaire, capable de lutter contre les inégalités territoriales !

M. Alain Fouché .  - Dans ce big bang territorial, il est une certitude : les départements proches des habitants forment le relais indispensable entre les territoires et les grandes régions. La commission des lois a redonné au département son rôle d'aménagement du territoire et de proximité. Elle a, en revanche, vidé de son sens la notion de chef de file pour le tourisme et l'aménagement. Je pense qu'il aurait également été sage de confier conjointement lycées et collèges soit aux régions soit aux départements. La commission des lois laisse la voirie au département, c'est très bien, la région s'occupant des grandes infrastructures, mais il aurait été cohérent, madame la ministre, de lui confier les anciennes routes nationales, car le coût de leur réfection est exorbitant : voyez la N 147 !

La politique du tourisme doit relever des entités de proximité et non être recentralisée. La commission des lois autorise la contractualisation avec les départements et communes pour les projets économiques locaux : ce n'est pas de Bordeaux que l'on peut gérer l'installation d'un center parc dans la Vienne. La réussite de tels équipements requiert le concours des élus locaux. De même, qui souhaiterait prendre le relais en matière de solidarité ? Le Premier ministre a indiqué qu'il tiendrait compte de l'avis du Sénat. Nous voulons un échelon de pouvoir géré par les élus de terrain et non par des responsables administratifs qui imposent des normes, contrôlent et sanctionnent, bref qui freinent le développement. Écoutez-nous ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Roux .  - Nos territoires divers ont besoin d'une réforme précise mais sans raideur.

Les territoires de montagne sont des territoires en difficulté mais pleins de potentialités. Les Français ont besoin de nouvelles perspectives et d'engagements forts. Le projet de loi propose une réforme structurelle en clarifiant les compétences pour renforcer la croissance. Je suis d'accord pour renforcer le rôle stratégique et économique des régions, à condition de préserver les solidarités de proximité pour éviter le délitement du pacte républicain. Ces solidarités s'expriment naturellement au niveau des communes, des intercommunalités et départements. Je me félicite que le Gouvernement, dans un esprit de dialogue, ait reconnu le rôle des départements dans la solidarité humaine et territoriale.

Mais il faut renforcer aussi son rôle d'assistance aux communes, dans les domaines de l'eau, de l'assainissement, de la voirie, de l'aménagement de l'habitat, etc. Pourquoi ne pas transférer la dotation d'équipement des territoires ruraux aux départements ? La majorité des routes départementales, de même, n'ont pas de caractère stratégique. Inutile de les transférer aux régions, auxquelles pourraient revenir les routes nationales.

Accomplir la promesse d'égalité, c'est ce que nous voulons tous. Nous y travaillons. (Applaudissements à gauche)

M. François Bonhomme .  - L'objectif était ambitieux : écrire l'acte III de la décentralisation, pour remédier à l'enchevêtrement des compétences et simplifier l'action des collectivités territoriales. Qu'en est-il ? Les volte-face n'ont pas cessé. Le malentendu est originel car cette loi n'est pas une loi de décentralisation. Elle ne fait que transférer des compétences entre collectivités. Face aux conservatismes des intérêts localistes, seul l'État peut jouer le rôle de chef d'orchestre. Hélas, ça n'a pas été le cas. On l'a vu sur la clause de compétence générale supprimée, puis rétablie, puis supprimée encore. Il en est de même pour le conseiller territorial et l'avenir des départements.

Finalement, ce texte est désarticulé et devient byzantin. Incontestablement, le pouvoir des régions est conforté. Toutefois aucun pouvoir fiscal ne leur est donné.

Le seuil retenu pour les intercommunalités est arbitraire : dans les zones rurales, les regroupements seront trop vastes.

Des économies ? L'harmonisation des statuts des personnels se fera selon le régime le plus avantageux. Ayant renoncé à supprimer les départements, le Gouvernement, après avoir envisagé leur évaporation, a choisi leur strangulation, alors même qu'ils sont déjà mis à mal par le poids des dépenses sociales et le nouveau scrutin binominal, qui va accélérer leur décomposition.

Finalement, il y aura des territoires métropolisés avec une organisation dynamique, mais où les métropoles concurrenceront les régions, face à des territoires interstitiels forcément moins dynamiques.

Après l'acte I de la décentralisation, édificateur, et l'acte II, consolidateur, l'acte III -qui se voulait refondateur- risque d'être un acte bredouilleur et même fossoyeur d'une certaine France des territoires. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yannick Botrel .  - Le seul point d'accord de tous orateurs est leur intérêt pour ce texte. Les rapports se sont multipliés, depuis le rapport Balladur jusqu'au rapport Raffarin-Krattinger. Ce texte a le mérite de faire des propositions. Le groupe socialiste a déposé des amendements, malheureusement peu ont été retenus par la commission des lois. Par exemple, nous avons proposé d'abaisser le seuil des intercommunalités de 20 000 à 15 000 habitants, avec des possibilités données au CTAP de modulation. La commission des lois a fait le choix de la simplicité en supprimant l'article 14, et laissant ainsi la voie libre, une fois de plus, aux députés.

Le Gouvernement a aussi proposé de réduire le nombre des syndicats intercommunaux, comme c'est déjà le cas en Bretagne. En même temps, je me félicite de la volonté de conserver les grands syndicaux, parfois supra-communautaires, exerçant des compétences techniques, comme dans l'eau, par exemple. Il n'y a donc pas de mise sous tutelle du bloc communal. Le Sénat ne doit pas s'enfermer dans une logique partisane, qui revient à mettre en cause son utilité même. S'il le fait, la majorité sénatoriale en portera la responsabilité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Il est impossible de séparer ce texte de son contexte. La création des grandes régions laisse craindre un éloignement du pouvoir.

Le transfert de compétences à ces régions, par exemple en matière de transport scolaire, ne peut permettre de décider où implanter un arrêt de bus dans un hameau. Il sera possible de conventionner avec le département ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! Les grandes régions justifient l'existence des départements. La commission des lois a clarifié : aux régions la stratégie, aux départements la proximité. En Europe, plus que de leur taille, la force des régions dépend de leur cohérence et de leur autonomie.

Autre élément de contexte : le scrutin binominal -unique au monde, sauf peut-être au Chili- pour abroger le conseiller territorial. Avec ce chambardement, puisque vous avez divisé les cantons en deux, vous augmentez les dépenses. L'organisation du scrutin, avec l'obligation d'un compte de campagne généralisé, coûtera 50 millions.

M. Didier Guillaume  - La transparence !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Entre SRADDT, SCOT et Plu appelés à devenir intercommunaux, le maire ne sait plus quels seront ses pouvoirs en matière d'urbanisme.

Les élus souhaitent avoir le temps de digérer les précédentes réformes. Quel chemin, en effet, depuis la loi Chevènement ! Les maires souhaitent de la confiance et non de la défiance. Or, certains en viennent à anticiper la fin des élus avec la crise des vocations. Les maires, souvent bénévoles, sont le réceptacle de tous les mécontentements, et parfois les paillassons pour certains inspecteurs des travaux finis.

M. Bruno Retailleau.  - Être maire est un sacerdoce !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - On est loin du discours de Dijon... Une autre réforme est possible, fondée sur la subsidiarité, et qui satisferait aussi bien Proud'hon que Léon XIII et serait adaptée aux défis du monde d'aujourd'hui. Alexandre Jardin décelait chez les Français une inaptitude à conjuguer le verbe oser. Alors osons ! (Applaudissements à droite)

Mme Samia Ghali .  - Je parlerai de Marseille, la métropole Aix-Provence. Notre pays traverse une crise économique mais aussi morale. La proximité des élus est précieuse.

J'ai partagé le combat des 113 maires sur 119 qui ont refusé une métropole technocratique. Les élus aiment leur ville, leur village et veulent les préserver. Sans moyens supplémentaires, la métropole de Marseille ne peut être un remède miracle. Nous avons eu raison de résister. J'ai fait des propositions qui font consensus. Les plans d'urbanisme doivent être élaborés en accord avec les communes (Mme Maryse Lebranchu, ministre, acquiesce). Il faut aussi un pacte financier et fiscal. Enfin cette réforme doit être étalée entre 2016 et 2020. J'ai déposé des amendements pour faire évoluer la métropole marseillaise. Le consensus est nécessaire.

La métropole doit se concentrer sur les grands projets, tout en étant un territoire d'échange et de concertation.

Si nous autorisons les communes à appartenir à deux EPCI jusqu'en 2020, l'émergence d'une communauté métropolitaine en sera facilitée.

Des engagements ont été pris, je veillerai à ce qu'ils soient suivis d'effets. Ce texte reste insatisfaisant, je proposerai de l'améliorer. Le dialogue républicain, la progressivité dans la mise en oeuvre, le réalisme, telles sont les conditions du succès. (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Michel Bouvard .  - Voici le troisième volet de la réforme territoriale, le plus important peut-être. Je vais vous faire une confidence : je n'aurais pas été candidat au Sénat sans cette réforme. La disparition annoncée des départements m'était insupportable. En Savoie, elle serait la négation de l'histoire, mais aussi la négation de la modernité. Pierre de la Gonthrie, le baron rouge, fut le créateur de la station de Courchevel. Joseph Fontanet a fait de la Savoie la première destination touristique.

Les départements savoyards ont créé des parcs d'activité, ont soutenu le développement des entreprises ou ont investi dans le développement des stations de sport d'hiver. Ils ont créé l'université de Savoie, 13 000 étudiants, la première pour les échanges internationaux, qui accueille proportionnellement le plus de boursiers en France.

Les départements ont-ils fait leur temps ? Avec mes collègues savoyards, nous avons déposé des amendements pour créer une collectivité spécifique. Nous ne pouvons accepter d'être placés sous tutelle, d'être soumis à un SRADDT. Qu'en sera-t-il pour le tourisme ? On ne peut imaginer que les deux départements qui représentent 80 % du tourisme Rhône-alpin soit défini par la région sans concertation.

Nous menons le combat pour l'ensemble des territoires de montagne. Des outils existent pourtant. Mais les comités de massifs comme les schémas de massifs ne sont pas repris dans ce texte. Je souhaite que les amendements des élus de montagne soient intégrés.

L'égalité suppose une respiration des territoires, l'efficacité aussi. Nous ferons des économies et nous gagnerons en efficacité en respectant nos différences. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Lozach .  - Cette réforme répond à une nécessité. Néanmoins, la méthode pose problème : rétablissement puis suppression de la clause de compétence générale, définition de la carte avant celle des compétences... La vraie simplification doit s'effectuer entre les régions et les services de l'État -là est aussi un gisement d'économies. La Cour régionale des comptes de Rouen a recensé 19 organismes chargés du développement économique !

Plutôt que de supprimer la clause de compétence générale, il faudrait s'attaquer aux financements croisés, et généraliser le guichet unique. Sans la clause de compétence générale, certains projets n'auraient pu voir le jour, comme ceux des départements pour réduire la facture numérique.

De grandes régions stratégiques, c'est intéressant, mais qu'ont-elles à faire des routes et des collèges ? En quoi les collèges de la Creuse seraient-ils gérés plus efficacement depuis Bordeaux ? Et le Conseil supérieur de l'éducation plaide pour une continuité entre école et collège. Solidarités sociale et territoriale, proximité, démocratie locale, voilà ce qui caractérise le département.

Les régions seront chargées de la prospective, de la programmation, de la stratégie. Les SRDE sont bienvenus. Chacun pourra s'exprimer dans le cadre des conférences territoriales.

Pour les intercommunalités, le seuil de 15 000 habitants paraît plus judicieux, sous réserve de modulations en fonction de la densité ou du nombre de communes. Membre fondateur de Nouvelles ruralités, je suis soucieux de l'avenir des départements et salue l'évolution du Gouvernement. Les départements pourront continuer à soutenir les communes et co-piloter la mise en oeuvre du schéma d'accès aux services au public.

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Ce texte n'est qu'une étape. Il faudra se pencher sur les relations ville-campagne, centres-périphéries et espaces interstitiels, et sur la réforme des dotations. René Char disait que la tactique et l'ingéniosité ne remplacent pas une parcelle de conviction ; la mienne, c'est la République décentralisée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Chasseing .  - Ce projet de loi fait beaucoup parler de lui. Les notions de région, de département, de terroir restent actuelles et sont profondément ressenties par nos concitoyens. Comme le disait Alain Bertrand, les élus ruraux sont chaque jour confrontés aux complexités du millefeuille territorial -expression qui fleure bon le mépris technocratique et une « modernité » devenue prétexte à tous les abandons...

Par-delà les slogans, l'objet de ce texte reste flou. La décentralisation est remise à plus tard. Les revirements se sont succédé : le président de la République se disait, en janvier, défavorable à la suppression des départements ; trois mois plus tard, le Premier ministre annonçait leur mort ; mais aujourd'hui, ils ont retrouvé du lustre... Tout le monde peut changer d'avis... Mais il aurait été bon de consulter les élus qui ne sont pas des mineurs sous tutelle mais des acteurs de 70 % de l'investissement public.

J'ai toujours défendu les départements, garants du développement et de la solidarité territoriaux. Plus de neuf élus sur dix sont favorables à leur maintien. Ce n'est pas de la nostalgie : les départements sont indispensables à la cohésion sociale, ils aident les communes, ils sont l'échelon d'administration de proximité -à condition que l'État ne les abandonne pas.

La Corrèze sera à des heures de route de la nouvelle capitale régionale. Contrairement à ce qu'on fait pour la ville, il n'y a pas de politique spécifique pour le monde rural. Il est temps de conclure un pacte national pour la ruralité, qui suppose un fort engagement de l'État. L'État doit peser pour que la région n'oublie pas les territoires ruraux.

Changer l'espace politique sans tenir compte de l'aménagement du territoire et du développement, n'est-ce pas mettre la charrue avant les boeufs ? Un habit mal coupé se corrige difficilement à l'habillage, a écrit Bruno Rémond. Or nous serons confrontés à un effet de ciseaux entre baisse des dotations et hausse des dépenses. Les départements doivent avoir les moyens de jouer leur rôle, y compris le soutien aux communes, le Sdis, les routes -le plateau de Millevaches est mieux géré par Tulle que par Bordeaux-, les collèges...

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Daniel Chasseing.  - Les communautés de communes doivent être fondées sur les bassins de vie, plutôt que selon un seuil quantitatif arbitraire.

Egalite et solidarité, tels sont les principes qui doivent nous animer.

M. Alain Duran .  - Élu de l'Ariège, j'affirme après d'autres qu'il est nécessaire de tenir compte des spécificités des territoires ruraux et de montagne. Je regrette que la commission ait choisi le statu quo sur le seuil intercommunal.

L'éloignement des services publics, des zones d'activité, des citoyens, tout cela caractérise les territoires de montagne et coûte cher. Les écoles doivent avoir des effectifs plus réduits qu'ailleurs, par exemple pour ne pas contraindre les élèves à des temps de trajet trop longs. L'intercommunalité doit être adaptée à cette réalité.

Le principe d'égalité des territoires ne suffit pas : les retards s'accumulent en termes de mobilité, d'accès aux soins, de couverture numérique. Je défendrai avec le groupe socialiste les amendements visant à ce que les SRADDT comprennent un volet consacré au désenclavement et à l'offre de services. Les schémas peuvent être un outil de péréquation, leur mise en oeuvre étant laissée sous autorité de proximité. Construisons une vraie solidarité des régions et des territoires ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Raison .  - Le Gouvernement a raison...

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Michel Raison.  - ...de vouloir réformer la gouvernance de notre pays. Mais comme il le fait dans une confusion et un désordre inégalés, il risque de manquer sa réforme. J'ai du mal à m'endormir en pensant aux difficultés qu'elle provoque...

M. Alain Néri.  - N'en rajoutez pas !

M. Michel Raison.  - On dit que les frontières régionales, dessinées dans les années 50, sont incohérentes. Et on fusionne les incohérences en les aggravant. De grands penseurs de la haute administration tentent d'exaucer leur vieux rêve : la mort des communes, cette incroyable addition de bénévolats. Les Français savent les compétences de leurs élus communaux, qui n'hésitent pas à tondre les pelouses de la mairie si l'employé municipal est malade...

Le Gouvernement entendait supprimer les départements et les remplacer par des communautés de communes. Comment imaginer que ces dernières pouvaient assurer la solidarité ? Les départements ont déjà du mal...

Je remercie la commission d'avoir supprimer la compétence obligatoire Tourisme que le Gouvernement confiait aux intercommunalités. C'était promouvoir un aménagement administratif. (M. Michel Bouvard confirme) Je vous en prie, madame la ministre, respectez le choix des collectivités locales !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Faites confiance aux élus !

M. Michel Raison.  - Notre tourisme décline.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Eh oui !

M. Michel Raison.  - Je suis opposé à ce que la DGF soit augmentée quand une communauté de communes prend une compétence. Il y a de l'ironie dans cette disposition à l'heure de la baisse drastique des dotations... Pour qu'une communauté de communes assume correctement une compétence, les élus doivent être convaincus de sa pertinence.

Attention aussi à la diminution du nombre de syndicats intercommunaux : elle n'est pas source d'économies systématiques...

Je suis convaincu que vous m'aurez entendu, madame la ministre ! (Applaudissements à droite)

Mme Delphine Bataille .  - Le Gouvernement veut apporter plus de cohérence et de lisibilité à notre organisation territoriale, en clarifiant la répartition des compétences et en renforçant les régions. Élue du plus grand département de France, qui gère un budget de 4 milliards d'euros, je témoigne du caractère indispensable des départements. N'aggravons pas la fracture entre la métropole et le reste du territoire, alors que le retrait des services publics, dû à la RGPP, fait que certains territoires et leurs habitants se sentent oubliés de la République.

La France n'est pas le seul pays à être doté de plusieurs niveaux de collectivités. Il n'existe pas de modèle unique en Europe. Il n'en est pas moins nécessaire de rationaliser l'action des collectivités tout en favorisant la co-construction. La question de l'égalité républicaine est majeure. L'État, au temps de sa splendeur, répartissait depuis Paris des fonds sur tout le territoire, via les préfectures. C'était un État carcan pour les collectivités, mais qui avait le mérite d'être égalitaire. Si je ne souhaite pas un retour en arrière, je me demande si la décentralisation n'a pas été source d'inégalités... Or les départements proposent une répartition plus équitable de l'argent public, au bénéfice des territoires ruraux.

Le principe d'égalité ne doit pas être le grand oublié de la réforme. Ne nourrissons pas le sentiment d'abandon et les comportements antirépublicains. Nous ne voulons plus de territoires perdus mais plus d'efficacité et plus de justice. Laissons aux acteurs locaux la possibilité d'apporter des solutions innovantes à leurs problèmes, adaptés aux spécificités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Marie .  - Pénultième intervenant, je dois saluer votre patience, madame la ministre... La majorité sénatoriale a décrit l'apocalypse territoriale, la fin de la proximité, l'affaiblissement des communes et des départements, la mise sous tutelle de tous par les régions. C'est paradoxal, alors qu'elle a voté entre 2007 et 2012 tant de transferts non compensés, la fin de la taxe professionnelle, la suppression de la clause de compétence générale, la création du conseiller territorial et que certains responsables politiques de son bord veulent supprimer les départements par référendum... (Exclamations à droite)

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Didier Marie.  - Une réforme est nécessaire. Quand le Gouvernement prend le taureau par les cornes, tous les conservateurs se récrient. Le texte est un bon texte car la décentralisation a progressivement créé de la complexité ; elle déroute les citoyens et entretient l'idée d'un millefeuille qui n'en a en fait que quatre.

En Haute-Normandie, dès 2004, nous avons créé 276, l'agrégation de 27 et de 76, pour coopérer et coordonner nos actions en mutualisant nos moyens. Cela préfigurait ce qui nous est proposé aujourd'hui. La région est devenue seule décisionnaire en matière économique. Tourisme, environnement, culture, sport, ports, les compétences ont été spécialisées ou font l'objet de coopérations. À côté du contrat de plan avec l'État, nous avons élaboré un contrat 276 de 1,5 milliard pour l'investissement. Et ça fonctionne !

Le Gouvernement étend cette démarche de coopération à l'ensemble du pays, pour offrir plus de lisibilité aux citoyens et aux entreprises.

M. Alain Fouché.  - Attendez les élections !

M. Didier Marie.  - Le texte consacre le rôle stratégique des régions. Je souhaite qu'elle organise toutes les mobilités et gère donc au moins les routes les plus importantes et tout le bloc Transports des départements. Notre métropole se verra dès 2015 transférer les routes et trois musées départementaux. Ancien président de conseil général, je me réjouis que le Gouvernement ait évolué sur le rôle du département.

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Didier Marie.  - Les compétences sociales des départements sont confortées. C'est pourquoi je proposerai que seules les compétences sociales liées au développement économique et au logement soient transférées aux régions.

Je crois à l'intelligence des territoires, à la négociation, au contrat. Je sais d'expérience que cela fonctionne ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Cazeau .  - Nous avons été nombreux à saluer l'évolution du Gouvernement au sujet du rôle des départements. La force des départements ne réside pas seulement dans la proximité, mais aussi dans leur capacité à innover et à créer de l'activité parce qu'ils sont les meilleurs connaisseurs de leur territoire.

La Dordogne et l'Ardèche ont su mettre en valeur leurs trésors d'art pariétal, Lascaux et la Grotte Chauvet ; sans se concerter, ils ont fait face à l'adversité -les exigences de la conservation de leur patrimoine leur interdisait de l'exploiter- et entraîné dans leur sillage leurs régions respectives, l'État, l'Europe. Demain, ils permettront à tous les citoyens de France et du monde de découvrir leurs richesses ; ils vont doubler leur capacité touristique.

La Dordogne a créé un atelier de fac-similé, que je vous invite à visiter, madame la ministre, avec la reproduction au millimètre près de l'art pariétal de Lascaux. Elle fait circuler un élément de fac-similé appelé Lascaux 3, que 800 000 visiteurs ont déjà vu aux États-Unis, au Canada ou à Bruxelles -en attendant Paris.

La commission des lois a bien vu, dans le domaine du tourisme, la nécessité de combiner selon les cas le rôle de gestion du département et le rôle de coordination de la région. Laissons de la souplesse aux collectivités territoriales pour harmoniser leurs actions et reconnaissons les spécificités et le savoir-faire de chacun.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je voudrais dégager les quelques questions les plus souvent formulées. Ce matin, madame la ministre, vous vous êtes montrée ouverte. Il serait utile, avant que nous nous séparions pour quelques semaines, que vous répondiez à ces questions.

Les annonces du Premier ministre en avril nous avaient inquiétés. Il nous paraissait contradictoire de doter les régions de compétences stratégiques tout en les grevant de compétences de gestion, avec le risque de créer ainsi des colosses aux pieds d'argile, des organisations aux semelles de plomb. Nous souhaitons de grandes régions dynamiques et d'autres institutions chargées des compétences de proximité -nous n'avons pas trouvé mieux que les départements.

Le 28 octobre, le Premier ministre nous a laissé quelques espoirs. Il a renoncé à la suppression des départements. Il s'est montré ouvert sur la possibilité de transférer aux régions plus de responsabilités en matière d'emploi. Et il s'est dit prêt à travailler avec nous sur les compétences.

Ces espoirs ont été déçus. L'Assemblée nationale n'a tenu aucun compte des apports du Sénat sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, que ce soit l'article liminaire ou la création d'une collectivité unique d'Alsace.

Sur le présent texte, à notre stupéfaction, le Premier ministre a engagé la procédure accélérée. L'Assemblée nationale en pâtira surtout. Attachés au bicamérisme, nous sommes tout aussi attentifs aux conditions de travail de l'Assemblée nationale, et craignons qu'en légiférant dans la précipitation, elle ne rende notre tâche plus ardue... (Sourires)

Les amendements que vous avez déposés ce matin, madame la ministre, réduisent à néant une grande partie du travail de la commission, un travail élaboré par deux co-rapporteurs, un de la majorité et un de l'opposition. La commission recherche le consensus le plus large possible, son texte a été approuvé par de nombreux sénateurs de l'opposition sénatoriale. C'est dire que vos amendements, ont choqué...

Acceptez-vous de vraies mesures de décentralisation en faveur des régions ? Seront-ce des régions cul-de-jatte, ou marcheront-elles sur leurs deux jambes ? En plus de l'économie et de la formation professionnelle, il faut leur confier l'enseignement professionnel, et surtout des responsabilités effectives en matière d'emploi. Si le chômage était bas, la question ne se poserait pas dans les mêmes termes...

Acceptez-vous que les routes, les transports scolaires, les collèges, le sport restent aux départements ? À défaut, les régions seront obèses, incapables de dynamisme...

Acceptez-vous de revenir sur le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités ? Le critère chiffré, autrefois nécessaire, n'est plus adapté. S'il s'agit de dessiner une nouvelle carte, les intercommunalités créées entre janvier et avril 2014 ne doivent pas être déstabilisés, et de nouveaux critères, non quantitatifs, doivent être trouvés. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bruno Retailleau.  - Bonne synthèse.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Je veux saluer le travail des rapporteurs au fond et pour avis, ainsi que tous les orateurs de ce riche débat.

Le projet de loi sur le redécoupage des régions et le projet de loi NOTRe ont été présentés le même jour en Conseil des ministres. Ils sont cohérents. Le Parlement a eu le temps de se préparer. Le décalage de ce texte a été demandé par le président Larcher. Il a rendu nécessaire le recours à la procédure accélérée, pour respecter le calendrier électoral, mais cela n'empêchera pas une deuxième lecture.

Ce texte va bien dans le sens de la décentralisation puisqu'il clarifie les compétences. Chacun s'accorde désormais pour reconnaître que la décentralisation est un succès. Mais elle a eu pour effet de multiplier les organismes et les procédures. Il fallait de la clarté, de la compétitivité, de la proximité ; c'est une exigence démocratique. Voici la clarté : aux régions, l'économie ; aux départements, la solidarité ; au bloc communal, les services publics de proximité.

Sur la définition du seuil des intercommunalités, le débat ne fait que commencer et il passe à l'intérieur de chaque groupe. Le seuil de 20 000 habitants correspond souvent à des bassins de vie, mais pas partout. Tantôt, il est trop faible. Tantôt, comme dans les territoires ruraux, il est inaccessible. Je le vois dans mon département montagnard. Le Gouvernement est ouvert aux propositions.

Au risque de décevoir M. Juppé, M. Copé, Mme Pécresse, les départements sont confortés par ce texte. (M. Bruno Retailleau feint d'être frappé au coeur par cette terrible nouvelle)

Les conseils départementaux élus en mars seront confortés dans leur rôle de solidarité. Pour la première fois, c'est inscrit dans une loi.

M. Alain Fouché.  - Cela existe déjà. Il nous a fallu nous battre pour cela.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Désormais, la loi le reconnaît.

Le président de la République a annoncé qu'il n'y aurait pas de nouveaux impôts. Il fallait d'abord connaître les compétences avant de définir les moyens. Le Premier ministre a annoncé qu'une réforme de la DGF serait élaborée durant l'année 2015 pour être mise en oeuvre au 1er janvier 2016.

Il est souhaitable que les régions soient associées à la politique de l'emploi, qui doit rester cependant une politique nationale. C'est une priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marylise Lebranchu, ministre .  - Je voudrais seulement répondre à MM. Kaltenbach et Dallier, qui ont fait état de leurs craintes sur le Grand Paris.

La mission de préfiguration, prise d'enthousiasme, a décidé de récrire la loi. Pour ma part, comme le président Gaudin, j'estime qu'une loi votée par le Parlement ne saurait être remise en cause qu'à la marge. Un accord est possible pour une application progressive de la réforme. Pas question, à mes yeux, que des conseils territoriaux puissent lever l'impôt, ce qui en ferait des EPCI. Le Sénat lui-même, à une large majorité, a refusé de faire de la métropole un syndicat d'EPCI. Réfléchissons à un lissage de la CFE, dont le taux varie de 5 à 30 %. Cela prendra du temps. Peut-être faut-il garantir des revenus aux territoires pendant une période transitoire. C'est ainsi que nous éviterons la constitution d'une fédération d'EPCI. Les autres métropoles mondiales évoluent.

À Marseille, une récente réunion des syndicats de salariés et d'entrepreneurs a manifesté la volonté que l'on aille vite vers la métropole.

Le mot « confiance » a été abondamment employé. Oui, il faut faire confiance aux élus. Quand un gouvernement dépose un projet de loi, c'est qu'il y croit. Il n'y a donc rien d'anormal à ce qu'il dépose des amendements pour exprimer sa position, qu'il puisse dire devant la représentation nationale ce qu'il voulait. Cela ne clôt pas le débat. Comme le Premier ministre l'a souhaité, nous serons à l'écoute attentive du Sénat.

M. Alain Fouché.  - Et sur les compétences économiques ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Le mariage ANPE et Unedic au sein de Pôle emploi a été difficile. Ce que vous demandez aboutit à un retour en arrière et inquiète les partenaires sociaux, salariés comme patrons. Il est difficile d'avancer sans scinder Pôle emploi. Nous étudierons avec attention votre amendement.

M. Bruno Retailleau.  - Pourquoi pas une expérimentation ?

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 17 décembre 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 1 h 5.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 17 décembre 2014

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence :

M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

1. Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2014 (n°191, 2014-2015)

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n°195, 2014-2015)

2. Nouvelles lectures du projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2015 (n°190, 2014-2015) et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (n°192, 2014-2015)

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n°194, 2014-2015)

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n°196, 2014-2015)

Résultat des travaux de la commission (n°197, 2014-2015)

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière

Rapport de M. Richard Yung, rapporteur pour le Sénat, fait au nom de la commission mixte paritaire (n°181, 2014-2015)

Texte de la commission (n°182, 2014-2015)

En outre, à 14 heures 30

- Désignation des vingt et un membres de la commission d'enquête sur la réalité du détournement du crédit d'impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays.