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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Remplacement d'un sénateur

Engagement de la procédure accélérée

Commissions (Candidatures)

Délégation (Candidature)

Service public de l'éducation

M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission d'enquête

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

M. David Rachline

M. François Fortassin

Mme Françoise Férat

M. Patrick Abate

M. Jacques-Bernard Magner

Mme Marie-Christine Blandin

M. Alain Marc

Mme Nicole Duranton

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire

Commission (Nominations)

Délégation (Nomination)

Dématérialisation du Journal officiel (Procédure accélérée)

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification

M. François Fortassin

Mme Jacky Deromedi

Mme Françoise Férat

M. Thierry Foucaud

M. André Gattolin

M. Vincent Eblé

Vote sur la proposition de loi

Vote sur la proposition de loi organique

Protection de l'enfant (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

Mme Élisabeth Doineau

Mme Laurence Cohen

Mme Aline Archimbaud

Mme Hermeline Malherbe

M. Jean-Noël Cardoux

Mme Claire-Lise Campion

Mme Corinne Imbert

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE PREMIER BIS

ARTICLE 2

ARTICLE 4

Ordre du jour du mardi 13 octobre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du lundi 12 octobre 2015

6e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 16 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Remplacement d'un sénateur

Mme la présidente.  - En application de l'article 57 de la Constitution et de l'article 4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il a été pris acte de la cessation, à compter du dimanche 11 octobre 2015 à minuit, du mandat de sénateur de M. Jean-Jacques Hyest, nommé membre du Conseil constitutionnel.

En application de l'article 32 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 précitée, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 320 du code électoral, Mme Anne Chain-Larché est appelée à remplacer M. Jean-Jacques Hyest en qualité de sénateur de Seine-et-Marne. Son mandat a débuté le lundi 12 octobre 2015, à 0 heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue ; j'ai en outre une pensée pour le président Jacques Larché.

Engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communications, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 26 août 2015.

Commissions (Candidatures)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des lois, en remplacement de M. Jean-Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé ; à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en remplacement de M. Alain Vasselle, démissionnaire ; à la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean-Jacques Hyest.

Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Délégation (Candidature)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à l'outre-mer, en remplacement de M. Alain Fouché, démissionnaire.

Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Service public de l'éducation

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission d'enquête .  - Le 1er juillet, la commission d'enquête m'a fait l'honneur d'adopter mon rapport. Les problèmes et difficultés sont connus depuis longtemps, mais se heurtent à un déni.

Les événements de janvier ont révélé l'ampleur des problèmes : le nombre des contestations de la minute de silence a été sous-évalué quand on a parlé d'une ou deux centaines. On était sans doute plus proche de l'ordre de grandeur quand, le 2 juin, la ministre de l'Éducation nationale a parlé de 816 signalements de radicalisation. Ces contestations étaient sans doute révélatrices d'une profonde incompréhension ; la compassion ne se décrète pas. Il aurait été bon que cette minute de silence fût précédée d'une heure de parole ! Ces événements ainsi que les faits de radicalisation recensés, témoignent d'un malaise profond dont parlait déjà le rapport Obin il y a dix ans.

Le sentiment d'appartenance se délite. De quelles valeurs doit-on parler ? J'ai retenu les termes de valeurs républicaines, laïcité, neutralité du service public de l'éducation, égalité de tous sans considération religieuse ou d'origine, et en particulier des sexes, valorisation du savoir, importance de la communauté éducative, respect des enseignants. La laïcité est la première de ces valeurs.

Il nous faut reconnaître que certains peinent à se reconnaître comme membres de la communauté nationale. Ils s'identifient d'abord à leur quartier, leur groupe ethnique ou religieux, leur nation d'origine. Il est vrai que la précarité des conditions de vie dans les quartiers ne facilite pas le sentiment d'appartenance, tandis que la contestation de l'autorité et la généralisation du relativisme vont de pair avec la circulation des théories du complot.

Cette perte de repères est due à un certain nombre de fragilités structurelles. Un pourcentage considérable d'élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux en classe de sixième. Comment imaginer transmettre des valeurs si les élèves ne comprennent pas convenablement la langue ?

Il faudrait pour le moins que l'élève maîtrise suffisamment le français au CM2 pour pouvoir être admis en sixième. L'école de la République doit pouvoir pratiquer tranquillement ses valeurs, notamment par des rites républicains propres à favoriser le sentiment d'adhésion. La formation continue des enseignants, en totale déshérence, est à renforcer. Il ne s'agit pas d'inculquer un catéchisme laïque, mais de donner des repères, en associant les parents car l'éducation ne s'arrête pas à la porte de l'école.

Nous n'avons pas proposé de revenir sur la loi du 8 juillet 2013, qui doit d'abord trouver à mieux s'appliquer. Mais sur un sujet aussi important, le débat doit se poursuivre, en particulier au Parlement - nous aurions d'ailleurs aimé en discuter ce soir avec la ministre elle-même.

Mes propositions s'articulent autour de quatre axes : favoriser l'adhésion de tous aux valeurs de citoyenneté, restaurer l'autorité des enseignants, responsabiliser les acteurs, renforcer la maîtrise du français.

J'ai déposé une proposition de loi, cosignée par trente collègues, tendant à renforcer les signes républicains. Il s'agit en particulier d'interdire le port de vêtements indiquant une appartenance religieuse, y compris aux parents lorsque les circonstances les amènent à participer à la tâche éducative, par exemple en encadrant une sortie scolaire. Nous souhaitons également moduler les allocations familiales pour lutter contre l'absentéisme scolaire.

Comme l'a dit Régis Debray, l'école doit être caractérisée par une enceinte et par un règlement. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - Je remercie le rapporteur pour son travail. Mme Laborde, qui présidait cette commission d'enquête, ne peut être des nôtres ce soir, retenue qu'elle est par un engagement impératif pris avant l'inscription à l'ordre du jour de ce débat auquel elle aurait aimé participer. Je sais gré à la commission d'enquête d'avoir présenté le résultat de ses travaux à la commission de la culture. Je serai attentive, en tant que présidente, au débat qui va suivre, qui orientera à n'en pas douter nos travaux des prochaines semaines.

M. David Rachline .  - Mme le président, je veux saluer le travail de la commission d'enquête tout en m'interrogeant : pourquoi la droite n'a-t-elle pas mis en oeuvre ces belles préconisations lorsqu'elle était au Gouvernement. Elles vont en effet dans le bon sens, c'est-à-dire à rebours de cet esprit libertaire soixante-huitard dont je vois ici des représentants patentés.

Comme le dit François-Xavier Bellamy, jeune professeur de philosophie, l'école a un rôle de transmetteur, de passeur. Transmettre la culture, c'est-à-dire aussi notre histoire qui n'a pas commencé en 1789, voire en 1793 comme le voudrait la gauche.

Vous faites le constat que la société va mal et que la décadence de l'école depuis des décennies y porte une large responsabilité, vous constatez que de jeunes Français, convertis, partent faire la guerre en Syrie contre nos valeurs, alors même qu'ils ont été formés, pour ne pas dire déformés par nos écoles. (Exclamations à gauche) Vous ne leur avez jamais proposé de s'inscrire dans le roman national, vous ne leur avez jamais proposé de héros, vous ne leur avez jamais proposé d'idéal, le dépassement de soi, bref vous ne leur avez jamais proposé de transcendance !

Le débat de ce jour est révélateur d'une vraie prise de conscience dont je me réjouis. Les dernières réformes se sont concentrées sur la forme, sur les rythmes scolaires, insuffisamment sur le fond, c'est regrettable. J'espère que vos préconisations trouveront un écho en pratique.

M. François Fortassin .  - Mon intervention aura une tonalité légèrement différente. (On s'en félicite à gauche)

M. David Rachline.  - Je n'en doute pas !

M. François Fortassin.  - Je suis un enfant de l'école publique. Les valeurs sont essentielles, je crois, pour former des citoyens - ce qui ne veut pas dire que l'école ne doit pas évoluer.

Je regrette l'absence de Mme Laborde, retenue de longue date dans son département. Elle me charge de vous dire sa satisfaction de voir ce débat se tenir. La commission d'enquête a rencontré de nombreux acteurs et a tiré parti d'une certaine libération de la parole.

Un ancien ministre auditionné nous a dit l'importance qu'il attachait à la simplicité des programmes ; or il a préfacé un ouvrage pédagogique dans lequel la description d'enfants jouant au rugby dans une cour de récréation évoque un objet au « rebond aléatoire dans un espace interstitiel de liberté ». (Sourires)

M. Jacques Grosperrin.  - Vive les pédagogues !

M. François Fortassin.  - Laïque jusqu'au bout des ongles, et ancien professeur d'histoire-géographie, je reste convaincu des bénéfices d'un enseignement conforme au principe de laïcité.

L'école ne peut résoudre tous les problèmes de notre société. Mais elle doit respecter les particularités de chacun, tout en contribuant à réduire les inégalités : chaque établissement même a ses spécificités.

Le groupe RDSE estime que la citoyenneté doit être l'axe majeur de toute réforme de notre système éducatif.

Mme Françoise Férat .  - Madame la ministre, je suis ravie de vous voir à ce banc ; en d'autres temps, nous aurions pu discuter d'artisanat, de petits commerces - sujets que je connais assez bien... Je regrette, vous l'avez compris, l'absence de la ministre.

Saluons le travail de nos collègues de la commission d'enquête, qui ont résisté aux attaques et aux critiques. Certains ont trouvé l'occasion de polémiquer. Des journalistes nous ont qualifiés de vieux sénateurs réactionnaires, éloignés du terrain : je le regrette (M. David Assouline ironise) car les attentats de janvier ont ravivé l'urgence de ces questions. On nous a accusés de faire de la récupération politique.

M. David Assouline.  - C'est juste. Et maintenant, le FN fait de la récupération à son tour...

Mme Françoise Férat.  - Allons ! La politique de l'autruche serait donc préférable ? J'ai beaucoup de mal avec la politique politicienne. Les évènements récents devraient pourtant accélérer la nécessaire prise de conscience. La compréhension de la laïcité est au coeur du sujet. Tous les établissements ne sont certes pas concernés.

M. David Assouline.  - Dans le XVIe arrondissement, il n'y a pas de problème !

Mme Françoise Férat.  - Les incidents relatifs à la minute de silence sont une réalité qu'on ne peut occulter. Les enseignants n'ont pas toujours su comment réagir. Après les attaques du 11 septembre 2001 et les attentats de Mohammed Merah, ce type d'incidents s'étaient déjà produits. Il nous faut trouver pourquoi ces jeunes ne se sentent pas membres de notre société. Pour cela, travaillons ensemble. Il était donc opportun de créer cette commission.

Le Gouvernement lui-même a pris le problème au sérieux, lançant des initiatives utiles, y compris au sein de l'enseignement agricole - auquel je suis très attachée.

Premier axe de nos réflexions : favoriser le sentiment d'appartenance et l'adhésion à la citoyenneté. Deuxième axe : renforcer l'autorité des enseignants. Troisième axe : mettre l'accent sur la maîtrise du français. Enfin, responsabiliser les acteurs qui tous ont vocation à renforcer le lien social autour de l'école.

Des initiatives de terrain vont déjà dans ce sens. Ainsi, dans la Marne, nous avons ouvert dans les écoles des espaces numériques de travail, lieux d'échanges entre les enseignants et les familles.

Nous ne sommes pas tous d'accord sur les solutions à adopter et le débat reste utile. Notre commission d'enquête n'a voulu stigmatiser personne. Il nous faudra agir autrement, mais ensemble.

M. Patrick Abate .  - La commission d'enquête voulue par la droite heurtait d'emblée un écueil : définir son objectif. Sur 65 000 établissements scolaires, quelques centaines de contestations de la minute de silence seulement ont eu lieu.

La commission d'enquête s'est ainsi lancée dans la défense d'une laïcité exclusive, en profitant pour faire des préconisations hors sujet, comme la modulation des allocations familiales. Certaines de ses propositions sont de bon sens, et ne nécessitent pas de légiférer en grande pompe ; d'autres risquent de nous mener à une guerre de tranchées.

Le rejet de ce rapport n'est pas une manifestation supplémentaire du mammouth scolaire, incapable de se réformer. Car l'école peut se réformer, si elle conforte ses bienfaits. L'instauration de rites républicains par exemple, semble parfaitement contre-productive, de même que le rétablissement factice de l'autorité. Les coups de règle sur les doigts en font rêver certains, semble-t-il...

Les attaques de la droite n'ont cessé de mettre à mal l'égalité républicaine - mise en concurrence des établissements, RGPP, réforme de la carte scolaire - et ont vidé l'école de sa valeur émancipatrice. La politique actuelle va dans le bon sens, sans pour autant aller assez loin puisqu'elle ne remédie pas au manque de moyens criant de notre école.

Le présent rapport est tout aussi insuffisant, qui s'inspire d'un modèle hérité de la IIIe République et refuse de comprendre le comportement de nos jeunes.

Camille Peugny écrit dans Le destin au berceau que sept enfants de cadres sur dix obtiennent un emploi d'encadrement, et sept enfants d'ouvriers sur dix, un emploi d'exécution.

Plutôt qu'une minute de silence, il aurait fallu instaurer une journée de parole ! Qui peut dire en effet, si une minute de silence est respectée parce qu'elle est comprise ou, au contraire, imposée ?

L'école devra permettre à tous ses enfants de prendre racine, de se nourrir et de grandir en puisant dans le sel de son histoire. Nous en sommes loin ; le groupe CRC ne soutient pas le rapport de la commission d'enquête. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Nous nous sommes opposés à la création à chaud, après les attentats, de cette commission d'enquête. Nous y avons vu un facteur de méfiance et une tentative d'instrumentalisation. Certaines personnes ont refusé d'être auditionnées : une première ! Françoise Laborde a d'ailleurs reconnu qu'elle n'actionnerait pas les pouvoirs que lui donnait la commission d'enquête. Le Gouvernement, lui, a lancé des initiatives visant à remédier à la confusion des esprits.

Les maux de notre société seraient entrés dans l'école, déplore le rapport. Mais qui a mis sous le boisseau le rapport Obin de 2004 ? Qui a fermé les yeux ? C'est au contraire Vincent Peillon qui a décidé la publication de tous les rapports antérieurs. La casse de la formation des enseignants a été catastrophique, et la suppression de 80 000 postes lourde de conséquences... Toutes mesures sur lesquelles le Gouvernement actuel est revenu, avec aussi une réforme des rythmes scolaires, une charte de la laïcité, la refonte des programmes par le Conseil supérieur des programmes (CSP), soucieux de bâtir une école bienveillante et exigeante.

Le rapport propose de vieilles recettes, autour du triptyque répression, sanction, coercition ; le vouvoiement, l'uniforme, l'instauration d'un rituel matinal, la modulation des allocations familiales.

Les conclusions du rapport sont en contradiction totale avec les mesures prises par la droite au pouvoir, qui s'est opposée à la scolarité obligatoire à 3 ans quand nous l'avons proposée, qui a réduit la préscolarisation en maternelle que nous avons réactivée depuis 2012. Vous prônez une instruction morale et civique « transversale », donc interdisciplinaire, mais dénoncez depuis des mois l'interdisciplinarité portée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem.

Nous condamnons l'instrumentalisation de cette commission d'enquête, qui vise à légitimer le programme éducatif de la droite pour 2017 : évaluation et prestation de serment des enseignants, modulation des allocations familiales... Nous avions des doutes sur la sincérité des objectifs annoncés ; les conclusions les ont confirmés. Le travail de contrôle du Parlement vaut mieux que cela. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Sans revenir sur les vifs débats initiaux, je déplore l'occasion manquée par ce rapport. Un siècle après l'invention de la stéréophonie, monsieur le rapporteur, vous n'entendez toujours que de l'oreille droite ! Certes je partage vos propositions sur le français ou l'affectation des débutants. Mais renforcer la formation continue dont la droite a baissé les crédits, la belle affaire ! D'autres propositions sont risquées - comme le sermon civique - ou mal ciblées - comme celle relative aux tablettes : ce n'est pas le numérique en classe qui est source de déconcentration mais plutôt la télévision nocturne. Accompagnement des sorties, modulation des allocations familiales, sont réservés aux perturbateurs, tout cela est vu et revu et vous ressortez les vieilles propositions de la droite.

Les contrevérités sont nombreuses, sur la méthode Montessori par exemple, confondue avec la méthode Freinet, ainsi que le détournement des propos de personnes auditionnées, elles soumises à serment.

Cette commission d'enquête a pris du temps ; elle a envisagé l'audition d'Éric Zemmour et entendu effectivement Natacha Polony le jour où nous devions recevoir M. Gauchet !

« Pourquoi avoir invité le 11 janvier des chefs d'État ne respectant pas les droits de l'homme ? Un parti xénophobe peut-il être républicain ? » Voilà certaines des questions que posent les jeunes. Y répondre demande du temps. Or votre regard soupçonneux a fait obstacle à une tentative de désintrication des enjeux civiques et religieux.

La raison ne se construit pas dans l'arbitraire de la règle non expliquée - au pire, dans sa méconnaissance. Les écologistes ne sont ni naïfs ni angélistes mais, contrairement aux prophètes de malheur, ils se reconnaissent dans l'école de la République et dans la France métissée. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Marc .  - Connus de l'opinion et parfaitement recensés dans le rapport Faire revenir la République à l'école, les actes de rejet des valeurs républicaines à l'école se multiplient et découragent les enseignants : refus de suivre certains cours, revendications identitaires, tenues vestimentaires, contestation des professeurs, propos racistes, sexistes, ou antifrançais, refus de la mixité, refus de l'histoire des religions, prosélytisme, etc.

Le non-respect de la minute de silence et les propos tenus à cette occasion en janvier ont porté à son paroxysme ce phénomène de rejet.

Pourtant, la France, depuis les années quatre-vingt-dix, est en pointe en matière d'enseignement de la citoyenneté, grâce à trois outils : cours d'éducation civique spécifique, participation des élèves aux instances de gouvernance des établissements et aux affaires intéressant l'école et la classe, conduite de projets d'action éducative. Ce modèle français d'éducation à la citoyenneté présente toutes les apparences d'un modèle pédagogique solide.

La France est le seul pays européen où les cours d'éducation civique sont clairement identifiés, doté d'horaires spécifiques et obligatoires depuis l'école primaire jusqu'au bac. Mais l'enseignement doit évoluer pour faire face au repli identitaire, communautaire, opposé au projet émancipateur des Lumières.

L'école doit enseigner le respect des valeurs de notre pays. Elle doit aussi enseigner l'histoire, non réduite à la portion congrue de la repentance et des cérémonies mémorielles. Non, ce n'est pas au juge d'écrire notre histoire !

Rien de possible en tout cas sans une bonne maîtrise du français. Or cela commence, à l'évidence, dès la maternelle. Plutôt qu'une réforme des rythmes scolaires, inutile et coûteuse, il faudrait mettre les moyens dès ce niveau car l'apprentissage précoce du langage et du civisme réduit le recours à la violence.

Le mathématicien Laurent Lafforgue, lauréat de la médaille Fields, nous appelait déjà à rétablir des enseignements qui nourrissent : la lecture, l'écriture, la grammaire, et tout ce qui touche à la maîtrise de la langue. Je salue le travail de notre commission d'enquête, qui est sortie du déni. Ayons la simplicité du bon sens : revenons aux fondamentaux, et nous rendrons l'école républicaine et ses valeurs dignes de respect ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Duranton .  - Je regrette l'absence de la ministre de l'éducation nationale...

M. Guy-Dominique Kennel.  - Nous aussi !

Mme Nicole Duranton.  - Je salue l'excellent travail mené en profondeur par M. Grosperrin et Mme Laborde.

Des propos inadmissibles ont été tenus lors de la minute de silence du 8 janvier 2015. Certains élèves ont même poussé la provocation jusqu'à prétendre que les victimes de l'attentat auraient « mérité » ce qui leur est arrivé ! Constat bien connu, signe d'un malaise identifié, il y a dix ans déjà, par le rapport Obin.

Nous payons le prix d'un délaissement du primaire. C'est là que se situe le noeud du problème, plus qu'au collège ou au lycée où beaucoup a été fait ces dernières années. Les décrochages sont précoces et ne font ensuite que s'amplifier. Or Mme la ministre propose l'apprentissage d'une seconde langue vivante dès la cinquième. N'est-ce pas prendre le problème à revers ?

M. Jacques-Bernard Magner.  - Pas du tout, mais quel rapport ?

Mme Nicole Duranton.  - Mettons plutôt l'accent sur le français ! Avec votre réforme, vous allez ajouter 54 heures de travail aux élèves de 5e. Nos élèves suivent 1 000 heures de cours par an, contre 900 à l'étranger : les performances n'ont donc rien à voir avec le volume horaire.

De même, ce n'est pas en supprimant l'enseignement du grec et du latin qu'on améliorera les choses. C'est pourquoi j'ai cosigné la proposition de loi de M. Grosperrin, dont l'article 3 propose de réserver l'accès du collège aux élèves justifiant d'une maîtrise suffisante de notre langue.

Il n'est en effet pas concevable d'accéder au collège sans un niveau suffisant de français. Aucun apprentissage des autres savoirs n'est possible autrement. Les performances de la France dans les classements internationaux ne cessent de se dégrader : moins de bons élèves, 20 % de décrocheurs à 15 ans. Je réitère tout mon soutien à la proposition de loi de M. Grosperrin. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Guy-Dominique Kennel.  - Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Lorsqu'en janvier 2015, certains élèves ont refusé de respecter la minute de silence, une commission d'enquête sénatoriale a été créée ; nous fûmes plusieurs à nous interroger sur ses motivations réelles, étant donné son intitulé.

Refusant les procès d'intention a priori, avec les sénateurs socialistes, j'ai voulu participer à sa réflexion, afin de consolider la dynamique restaurée ces deux dernières années pour faire de l'éducation, la première, la deuxième et la troisième priorité, pour paraphraser Michelet.

Or les conclusions de la commission d'enquête, comme le titre de son rapport, loin de correspondre à nos attentes, justifient les soupçons de certains d'entre nous quant à son instrumentalisation.

Alors, je souhaite remettre ici les faits en perspective.

Oui, l'école va mal : nos principes y sont malmenés, le mal-être enseignant est réel, nos performances, telles qu'évaluées par le programme Pisa, sont médiocres. Mais Pisa ne mesure nos résultats que jusqu'en 2011 et depuis 2003 !

Depuis 2012, le Gouvernement s'efforce de redresser la barre, de redonner un cap : il le fallait ! Ainsi, 35 000 postes ont été créés - ils seront 60 000 fin 2017 - lorsque 80 000 avaient été supprimés entre 2002 et 2012...

Mme Maryvonne Blondin.  - Eh oui !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - L'accent a été mis à nouveau sur la formation initiale et continue, que la droite avait saccagée. Comment penser qu'un diplôme de niveau master 1, si exigeant soit-il, est suffisant pour devenir enseignant ? Enseigner, ce n'est pas seulement transmettre un savoir académique, mais des valeurs et un savoir-être, aider les élèves à s'émanciper. Ceux qui pensent le contraire confondent l'éducation nationale de 2015 avec l'instruction publique de 1932. (Exclamations à droite)

Je ne parle pas des propos d'un ancien président de la République qui affirmait la prépondérance du prêtre sur l'enseignant pour transmettre des valeurs ! Triste vision de notre école ! Triste discours de Latran, qui témoigne du mépris dans lequel certains tiennent notre système éducatif et la conception laïque de la République. (On le déplore sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Je salue l'action du Gouvernement qui a rendu obligatoire, dès le 8 juillet 2013, grâce à la loi de refondation de l'école, l'affichage de la charte de la laïcité, a formé les enseignants à son sujet et a prévu un enseignement moral et civique du primaire à la terminale.

Il y aurait encore tant de faits à remettre en perspective...

Contre les déclinistes de tous bords, nous soutenons le Gouvernement qui entend remettre l'école au coeur de notre pacte républicain, en refusant de la stigmatiser pour lui faire porter l'ensemble des maux de notre société.

C'est pourquoi nous n'adhérons ni aux conclusions du rapport de cette commission d'enquête ni à nombre de ses préconisations. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - La parole est à Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire...

Mme Françoise Férat.  - Voilà qui va nous aider !

M. David Rachline.  - Et l'éducation ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - Je vous prie d'excuser l'absence de la ministre de l'éducation nationale, retenue dans les Alpes-Maritimes, où elle se tient auprès du personnel de l'éducation nationale éprouvé par les conséquences des inondations récentes.

Oui, l'école forme les citoyens de demain. Elle est au coeur de la République, c'est pourquoi la loi de refondation du 8 juillet 2013 a mis l'accent sur les valeurs républicaines.

Les attentats de janvier ont été un traumatisme ; mais dès le lendemain, la ministre a rencontré l'ensemble des acteurs et, le 22 janvier, elle annonçait onze mesures innovantes.

Quelque 200 incidents - il y en a eu d'autres - ont été recensés lors de la minute de silence, ils sont graves, révèlent quelque chose des fractures de notre société ; les équipes pédagogiques y ont répondu avec fermeté et pédagogie, conformément à la volonté de la ministre de ne laisser aucun incident sans suite.

L'école, c'est le rempart des valeurs de la République, le creuset de la citoyenneté. Les rencontres conduites au lendemain des attentats l'ont montré : la laïcité est la condition d'appropriation des autres valeurs.

La loi de 2013 a mis en oeuvre un parcours citoyen : 300 heures d'enseignement moral et civique de la primaire à la terminale, destiné à développer l'esprit critique, apprendre à trier les informations et utiliser les outils numériques. Les parents doivent signer la charte de la laïcité depuis cette rentrée. L'accent a été mis aussi sur l'enseignement laïque du fait religieux. Le parcours citoyen doit faciliter en outre l'apprentissage du pluralisme, la participation des jeunes à la vie de l'école, l'éducation aux médias.

L'apprentissage du français est fondamental. Dans les nouveaux programmes qui entreront en vigueur à la rentrée prochaine, la maîtrise du langage est prioritaire et une évaluation interviendra au cours du premier trimestre de CE2 afin de vérifier les acquis et adapter l'enseignement. Au collège aussi, l'acquisition des fondamentaux et notamment du français sera mise en valeur. Le développement du travail en petits groupes prévu par la réforme du collège, ainsi que les enseignements pratiques interdisciplinaires renforceront la maîtrise de notre langue, la capacité à débattre et à devenir citoyen à part entière.

Afin d'accompagner les enseignants dans la mise en place de ce parcours citoyen, 1 200 cadres de l'éducation nationale ont été formés en avril et mai, qui formeront à leur tour les enseignants.

Le Conseil d'État a précisé que les parents accompagnateurs de sorties scolaires n'étaient pas des collaborateurs du service public, et n'étaient donc pas soumis au principe de neutralité religieuse.

Le refus de principe opposé à des parents accompagnateurs de sorties scolaires au motif de signes d'appartenance religieuse n'étant pas fondé en droit, l'acceptation de leur présence doit être la règle. Toutefois, les équipes éducatives doivent interdire leur présence en cas de provocation ou de prosélytisme.

Si la laïcité doit être protégée avec la plus grande fermeté, la bonne volonté de parents qui, en encadrant une sortie scolaire, manifestent leur intérêt pour la scolarité de leur enfant et leur désir de coopération avec l'école doit rencontrer le dialogue et non la fermeture.

Ce sont les enseignants qui incarnent ce dialogue au sein de l'école. C'est à travers eux que la plupart des élèves rencontrent pour la première fois la République. C'est pourquoi nous entendons rétablir l'autorité des enseignants, et pour cela, d'abord renforcer leur formation. C'est ce que fait le Gouvernement.

Il importe, dans le même esprit, de ne faire preuve d'aucune faiblesse à l'égard des entorses aux règles : celles-ci seront affichées dans tous les établissements.

Pour améliorer le sentiment d'appartenance des élèves à la République, qui a ses rites et ses symboles, la ministre a souhaité par ailleurs rétablir des rituels au sein des établissements scolaires. Ainsi, une journée de la laïcité sera célébrée chaque 9 décembre.

Les projets d'écoles et d'établissements scolaires définiront précisément les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques ainsi qu'aux semaines de l'engagement et de lutte contre le racisme. La ministre a souhaité que l'organisation solennisée d'un temps annuel d'échanges avec l'ensemble de la communauté éducative, la valorisation des réussites des élèves, les spectacles de fin d'année soient systématisés.

Premier examen et premier diplôme, le diplôme national du brevet sera d'ailleurs remis lors d'une cérémonie officielle et républicaine à chaque élève par son établissement dès la fin de cette année scolaire, comme l'a annoncé récemment la ministre.

L'école est au coeur de la société, mais toute la société doit l'aider. Un service civique a été créé : 37 000 volontaires pourront faire bénéficier l'école de leur expérience. 5 000 y interviennent déjà. Le témoignage de ces réservistes aide à lutter contre la radicalisation en montrant comment s'insérer dans la vie active. Contre la radicalisation, l'interdiction n'est pas suffisante : mieux vaut développer le sens critique et de l'analyse ; favoriser le repérage précoce. Un livret spécifique a été édité à cette fin. La circulaire du 23 juillet 2013 renforce en outre le contrôle opéré sur les établissements d'enseignement privé.

Simultanément, la mission de prévention des phénomènes sectaires a vu son rôle élargi à la lutte contre le radicalisme religieux.

L'action de l'école s'inscrit dans le temps.

Nous recrutons 60 000 enseignants, réformons l'éducation prioritaire avec le dispositif « plus de maîtres que de classes » ; nous facilitons la scolarisation des moins de trois ans. Le Gouvernement soutient les enseignants en étoffant les ressources éducatives à leur disposition. L'école, au coeur de notre société, devrait nous rassembler, au-delà de toute polémique politicienne : c'est la nation toute entière qui doit se mobiliser pour une école plus forte et plus juste, au climat apaisé. (Applaudissements sur la plupart des bancs à gauche)

Commission (Nominations)

Mme la présidente.  - Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté des candidatures pour la commission des lois, la commission de la culture et la commission des affaires européennes.

Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré.

La Présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. Alain Vasselle, membre de la commission des lois en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé ; Mme Anne Chain-Larché, membre de la commission de la culture, en remplacement de M. Alain Vasselle, démissionnaire ; M. Alain Vasselle, membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé.

Délégation (Nomination)

Mme la présidente.  - Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré.

La Présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Catherine Procaccia, membre de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, en remplacement de M. Alain Fouché, démissionnaire.

La séance, suspendue à 17 h 35, reprend à 17 h 40.

Dématérialisation du Journal officiel (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi et la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française, présentées par M. Vincent Eblé et les membres du groupe socialiste et républicain.

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes seraient examinés, conjointement, selon la procédure d'examen en commission prévue par l'article 47 ter du Règlement du Sénat. Il s'agit donc d'une première.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du ou des textes adoptés par la commission.

La commission des lois, saisie au fond, s'est réunie le mercredi 7 octobre pour l'examen des amendements et des articles et l'établissement des deux textes. Le rapport a été publié le même jour.

Avant de mettre successivement aux voix l'ensemble de chacun des deux textes adoptés par la commission, je vais donner la parole, conformément à l'article 47 ter, alinéa 11, de notre Règlement : au rapporteur de la commission, pendant dix minutes, puis au Gouvernement, et, enfin, à un représentant par groupe pendant sept minutes.

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois .  - « Nul n'est censé ignorer la loi » : chacun connaît cet adage, simple et percutant ; sa mise en oeuvre reste pourtant compliquée. Sous l'Ancien Régime, elle se faisait à son de trompe ou au roulement du tambour. Puis, la Révolution française a inventé le Bulletin des lois, remplacé en 1870 par le Journal officiel de la République française. Irons-nous au-delà de la version papier du Journal officiel ?

Grâce à l'ordonnance du 20 février 2004, une version électronique du Journal officiel est reconnue d'ores et déjà. Avant même cette ordonnance, Légifrance publiait sur son site un certain nombre de textes, ce qui signifie que depuis l'ordonnance déjà la version électronique a la même valeur probante que la version papier.

Cependant, certains actes relevant du droit des personnes, définis par le décret du 28 mai 2004, restent publiés uniquement sur papier : changement de nom, francisation d'un nom ou d'un prénom, attribution d'un prénom, acquisition, réintégration, perte ou déchéance de la nationalité française, etc.

La logique est claire : protéger les données sensibles de l'individu. Ces textes ne représentent que 8 % de l'ensemble des textes publiés au Journal officiel.

À l'inverse, un certain nombre d'actes sont publiés uniquement sous forme électronique : actes réglementaires et décisions individuelles relatifs à l'organisation administrative de l'État, ainsi que certaines décisions budgétaires.

L'objet des deux propositions de loi est simple : mettre un terme à la version papier du Journal officiel, dès le 1er janvier 2016. La numérisation concernera l'ensemble du territoire métropolitain, mais aussi les collectivités ultramarines, d'où la proposition de loi organique. La version papier du Journal officiel en Polynésie française ne sera pas visée.

Cette réforme est espérée depuis longtemps. En 2014, la Cour des comptes demandait déjà la réduction du nombre d'exemplaires papier du Journal officiel. Entre 2004 et 2011, la diffusion de la version papier a chuté de 33 500 à 2 261 abonnés, essentiellement constitués par des administrations. Il reste seulement 220 abonnés individuels. Cela relativise les craintes sur la « fracture numérique » !

Parallèlement, le nombre d'abonnés à la version électronique a augmenté jusqu'à 67 000. La révolution est déjà passée dans les moeurs ; 40 % des textes sont d'ailleurs publiés uniquement au format électronique.

La dématérialisation a d'abord pour avantage la gratuité, contre 360 euros environ par an pour un abonnement papier. Elle offre également une diffusion rapide sur l'ensemble du territoire, dans l'Hexagone et outre-mer. À cela s'ajoute une petite économie, la version papier coûte un million d'euros tandis que les abonnements rapportent 600 000 euros, d'où un solde économisé de 400 000 euros.

Grâce à l'accord avec la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels (Sacijo), aucun emploi ne sera supprimé en raison de la dématérialisation.

Certains s'inquiètent de la difficulté qu'il pourrait y avoir à accéder au Journal officiel électronique en raison de la fracture numérique. Bien sûr, il reste des zones qui ne sont pas couvertes en France. Cependant, l'acheminement de la version papier n'allait pas non plus sans difficulté, dans certaines parties du territoire, avec la nécessité de trouver les moyens de transport nécessaires et les coûts y afférents. Le Conseil constitutionnel sera saisi pour apprécier le respect par ce dispositif de nos principes constitutionnels.

Notre commission des lois a adopté un amendement déposé par M. Collombat permettant à chacun d'obtenir une version papier d'une disposition. La navette parlementaire sera utile pour affiner le dispositif.

Pour prévenir les atteintes à la vie privée, nous avons prévu de protéger certaines dispositions contre le balayage des moteurs de recherche et adopté le dispositif Captcha.

Conformément aux articles 74 et 77 de la Constitution, le président du Sénat a consulté l'ensemble des assemblées des collectivités d'outre-mer concernées par la proposition de loi organique. Nous avons reçu seulement l'avis favorable de Wallis et Futuna, ce qui signifie que les autres avis sont réputés positifs. Je vous invite à adopter ces textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - Je me félicite du consensus sur cette proposition de loi et cette proposition de loi organique, adoptées la semaine dernière par la commission des lois. Je l'en remercie.

La commission a aussi adopté un amendement selon lequel, « sur demande faite par un administré, l'administration communique sur papier l'extrait concerné du Journal officiel de la République française ».

Le Gouvernement n'y était pas favorable. Internet a en effet considérablement amélioré l'accès à la loi.

L'exposé des motifs de l'amendement précise qu'il « vise à prendre acte de la dématérialisation du Journal officiel, tout en aménageant la possibilité pour un citoyen-administré, qui ne bénéficie pas d'un accès aisé à internet, de demander que lui soit envoyé un extrait du Journal officiel ».

Sur la dématérialisation, nous sommes donc tous d'accord : elle sera appliquée dès le 1er janvier.

Je comprends la démarche du Sénat et son amendement ; que la numérisation ne laisse personne au bord de la route.

Toutefois le terme « administration », très général, mérite des précisions. De plus, il faut se prémunir contre les campagnes menées sur la toile pour exiger la copie en nombre déraisonnable de pages du Journal officiel. Mon cabinet et le Secrétariat général du Gouvernement poursuivent leur travail d'expertise et de réflexion sur ce sujet. Nous nous efforcerons, lors des prochaines étapes de la procédure législative, de trouver une solution satisfaisante et j'en tiendrai le président de la commission des lois informé.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Je vous en remercie.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Dans l'immédiat, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. François Fortassin .  - S'il ne reste qu'un parlementaire fâché avec le numérique, ce sera moi ! (Sourires) Heureusement, je sais m'entourer de « petites mains » agiles et expertes !

Le Journal officiel constitue le bréviaire de tout un chacun dans les administrations françaises, centrales et territoriales.

Depuis la Révolution française, le Journal officiel, héritier de La Gazette, est le véhicule des débats parlementaires et de la loi, en rupture avec l'opacité de l'Ancien Régime. Son rôle s'est accru avec la reconnaissance de la liberté de la presse, et a permis de donner réalité au principe « Nul n'est censé ignorer la loi ».

L'évolution rapide des technologies rend la dématérialisation du Journal officiel inéluctable. Le groupe du RDSE approuve cette mesure de simplification. Nul n'est toutefois censé ignorer la loi : nous proposons donc de conserver la possibilité de se voir communiquer un extrait papier. D'un coût modeste, cette disposition palliera les désagréments causés par l'existence de zones grises et blanches.

La dématérialisation crée des enjeux nouveaux ; le Gouvernement prévoit des dispositifs techniques de protection de la vie privée, dans le respect des préconisations de la Cnil.

Si la dématérialisation épargne les forêts, elle accroît les dépenses énergétiques - qu'il faudrait chiffrer. Les data center sont d'aussi gros consommateurs d'énergie que les villes de 100 000 habitants.

Le groupe RDSE soutiendra ce texte dans la version adoptée par le Sénat, et je félicite le président, le rapporteur et les membres de la commission pour leur approche très mesurée et pragmatique. Malgré mon sentiment profond, je suivrai mon groupe. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est tout à votre honneur !

Mme Jacky Deromedi .  - Si nul n'est censé ignorer la loi, encore faut-il que les citoyens y aient accès. Le choix d'un mode de publication unique sous forme imprimée pour tout l'Hexagone ne s'est imposé que progressivement, perçu comme une conquête révolutionnaire pour les administrations comme pour les citoyens. C'est l'Assemblée constituante qui a introduit un seul mode de publication des lois et règlements pour l'ensemble de la République. La publication par lecture publique, réimpression ou affiche ainsi qu'à son de trompe ou bruit de tambour n'a été supprimée qu'en 1795. Le code civil de 1803 a consolidé ces règles. Le Bulletin des lois a subsisté jusqu'en 1931.

La dématérialisation du Journal officiel a commencé avec l'ordonnance du 20 février 2004, qui a simplifié et unifié les règles de publication. Un délai unique existe pour tout le territoire national, hors les collectivités d'outre-mer du Pacifique sud. Le principe de la double publication souffre deux exceptions : les actes individuels sont exclusivement publiés sous forme papier ; certains actes administratifs, limitativement énumérés, le sont uniquement sous forme électronique.

Le nombre d'abonnés au Journal officiel papier n'a cessé de chuter ; seules 200 personnes physiques reçoivent encore le Journal officiel 12 outre-mer. À l'inverse, 65 000 personnes sont abonnées à la version électronique, 1,6 million de personnes visitent quotidiennement les pages internet du Journal officiel. Certes, la fracture numérique perdure. Selon l'Insee, 83 % des ménages ont accès à internet en 2015 - ils étaient 12 % en 2000, 56 % en 2008. Recherche par mots clés, thématiques, accès direct hors les heures d'ouverture des bureaux, la dématérialisation présente des avantages pratiques. Le gain économique escompté - 400 000 euros - n'est pas négligeable. Un protocole a été signé avec les syndicats le 29 juin.

La communication papier d'un extrait spécifié restera possible, même si le dispositif reste à préciser pour éviter les demandes répétitives ou abusives. Notre groupe, pour toutes ces raisons, soutiendra ce texte.

Mme Françoise Férat .  - Nous sommes tous attachés à la qualité de la diffusion de la loi. Le Journal officiel est un outil d'égalité et le souvenir des conquêtes civiques. Ce texte l'adapte à l'évolution technologique, qui a précipité celle des comportements - la chute des abonnements papier et le bond enregistré par les visites des sites dédiés. Ce phénomène irréversible touche toutes les formes de publication officielle de l'État.

Le Gouvernement a annoncé dès 2013 la simplification des procédures administratives, démarche encouragée par la commission des finances et la Cour des comptes en 2014. L'économie nette attendue, de 400 000 euros, n'est pas négligeable ; l'économie de papier ne l'est pas moins.

Quelques remarques toutefois. D'abord, le taux d'accès à internet n'atteindra jamais 100 % ; il faudra rester vigilant de sorte que chacun puisse s'informer. Le dispositif retenu, à la suite de l'amendement de MM. Mézard et Collombat, est équilibré et sécurisé au regard des exigences constitutionnelles.

Ensuite, la sécurité informatique... Sophie Joissains a proposé la conservation systématique des archives papier : c'est de bon sens, et ne requiert pas de légiférer.

Le Sénat a expérimenté à l'occasion de ces deux textes la nouvelle procédure d'examen en commission (PEC), dont la mise en oeuvre n'a posé aucune difficulté ; le groupe UDI-UC félicite les services du Sénat qui ont permis son succès. Nous espérons qu'elle ne tombera pas en désuétude.

Le groupe UDI-UC votera ces textes.

M. Thierry Foucaud .  - Ces deux textes examinés selon une procédure que nous n'avons pas approuvée, marquent un épisode dans l'histoire des impressions légales et administratives. La chute des abonnements papier face au succès, cependant relatif, de la version électronique, ainsi que la gratuité expliquent ces deux propositions de loi. Les évolutions technologiques justifient l'objectif fixé par le texte. L'impression des Journaux officiels a fait l'objet d'investissements qui auraient mérité d'être pleinement utilisés. Le regroupement de l'ancienne direction de la Documentation française et de la Direction des Journaux officiels n'a pas conduit à un vrai développement de l'activité. De 203 millions, le budget est passé à 197 millions d'euros ; depuis 2010, la structure unique - la Direction de l'information légale et administrative (Dila) - fait du surplace. Les effectifs de la Sacijo ont fondu de moitié ces dernières années, à la faveur de mesures d'âge. Le nouveau protocole d'accord de juin n'est pas une fin en soi, mais un modus vivendi, puisqu'on prévoit des départs volontaires avec incitations financières. La question du devenir du pôle d'impression public reste posée ; la recherche d'activités s'impose. La qualité de la formation et l'expérience des salariés devraient inciter à étudier sérieusement la possibilité de reprendre les travaux d'impression publics réalisés aujourd'hui par des établissements privés. Il y a urgence à en débattre pour répondre aux préoccupations des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. André Gattolin .  - Grâce à Vincent Eblé, le Sénat sera ce soir à l'origine d'une petite révolution administrative. Camus, en août 1944, écrivait qu'« un journal, c'est la conscience d'une nation ». Il aurait sans doute qualifié le Journal officiel de mémoire vive de la République... Transformer le Journal officiel a quelque chose de solennel ; cette solennité est présente ici dans l'hémicycle, et il faut en remercier Vincent Eblé.

Pour les amoureux du papier, dont je suis, une bibliothèque sans livres n'est pas une bibliothèque... La version électronique du JO n'a pas la même saveur de lecture que sa forme physique, on perd la texture du papier et l'odeur de l'encre...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est poétique !

M. André Gattolin.  - Si la version papier doit continuer à vivre...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Les forêts aussi !

M. André Gattolin.  - ... il faut aussi accepter le réel. Tandis que les abonnements chutaient, la volumétrie du Journal officiel ne cessait de croître : 28 829 pages l'an passé, contre 15 000 dans les années 1980. Comment le citoyen saurait-il se retrouver dans cette sédimentation chaque jour plus baroque, lui qui n'est pas censé ignorer la loi ?

La numérisation, associée à des moyens de recherche intégrés, facilitera l'accès des citoyens - pourvu qu'ils aient accès à un ordinateur... Le site du Journal officiel devra être performant, ergonomique, intégrer des outils de recherche par mot clé, ainsi que la consultation du Journal officiel de l'Union européenne ! Ce serait bien le moins, et nul besoin de passer par la loi pour cela. La sécurité du site doit en outre être maximale et sous contrôle permanent, car des piratages sont possibles - voyez ceux, avant-hier, des sites du Premier ministre belge ou du Parlement bruxellois. Au-delà des assurances apportées aux salariés, une réflexion managériale doit s'engager sur un centre de compétence interne, pour répondre aux aléas techniques comme aux besoins des citoyens ; à cet égard, l'amendement Collombat-Mézard est bienvenu.

Cette réforme ne résoudra pas le problème de la fracture numérique, mais renforcera la prise de conscience du problème. La dématérialisation totale ne sera révolutionnaire que si elle engage un véritable passage à l'e-administration. Animés de cet espoir, nous voterons ce texte.

M. Vincent Eblé .  - Auteur des deux textes examinés ce soir, il me revient de clore ces explications de vote.

La dématérialisation est vertueuse. Je le sais pour avoir, à la tête d'un conseil général, intégralement dématérialisé la paye de 5 000 agents territoriaux et tous les actes des instances de gouvernance.

Cette réforme allège et simplifie. Elle acte, à sa modeste place, du passage vers un État sobre et économe : des ressources - papier, encre - et du temps - délais, accessibilité. Le processus est en cours depuis le lancement des procédures télématiques en 1982-1983 et fait suite à l'édition en 2004 d'un Journal officiel authentifié. Depuis cette date, les consultations en ligne ont fortement progressé.

Nous devions aller plus loin pour que l'accès au droit soit garanti et facilité, que la sauvegarde plutôt que l'archivage par stocks soit sécurisé, que les droits individuels des personnes soit assurée. La réforme a été conduite en étroite coordination avec le Gouvernement. Les changements organisationnels à la Dila ont été anticipés ; les représentants des salariés ont été associés à ces transformations et sont favorables à un ajustement du droit qui accompagne l'ultime réorganisation des process et des modalités de travail.

En 2014, la Cour des comptes demandait déjà la réduction du nombre d'exemplaires papier du Journal officiel et jugeait sa dématérialisation inéluctable. Philippe Dominati l'a souligné également au nom de la commission des finances ; les courbes d'abonnés au papier et au format électronique se sont croisées, la révolution des usages a eu lieu.

Le numérique offre un accès direct, gratuit, immédiat et permanent aux informations ; 400 000 euros seront économisés et l'impact écologique ne sera pas nul. Certes, la fracture numérique fait obstacle à l'accès de tous au droit ; mais la livraison papier n'allait pas non plus sans difficulté et était coûteuse. Les amendements Collombat-Mézard ont levé les inquiétudes. Pour protéger les données individuelles, le Gouvernement a envisagé divers dispositifs, l'accès exclusif par date de publication sans indexage alphabétique ou le recours au système de cryptogrammes Captcha pour accéder à certains contenus.

Le groupe socialiste votera ces textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Vote sur la proposition de loi

La proposition de loi ordinaire est adoptée.

Vote sur la proposition de loi organique

La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°9 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 323
Contre      1

Le Sénat a adopté.

La séance est suspendue à 18 h 45.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Protection de l'enfant (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Fort du travail remarquable de Mmes Meunier et Dini, ce texte réforme encore le dispositif de protection de l'enfance. Ni effets d'annonce ni mesures cosmétiques, une feuille de route et des avancées concertées. Une étape supplémentaire doit être franchie. Les acteurs de la protection de l'enfance apportent une aide efficace dans la très grande majorité des cas. Mais il faut penser aux autres, à ceux qui sont passés à travers les mailles du filet, à Marina, Lorenzo, Bastien, et à d'autres victimes apparues dans différentes affaires judiciaires. Je ne ferai pas de sentimentalisme. Je n'en appelle pas à votre bon coeur, mais à la responsabilité collective : celle des départements, celle de l'État, garant d'un traitement équitable sur tout le territoire. Des disparités existent entre les départements, qui privilégient tantôt le maintien en famille, tantôt le placement.

J'avais promis de suivre les demandes du rapport de Mmes Meunier et Dini. Pendant un an, une concertation avec tous les acteurs de la protection de l'enfance - professionnels, élus, enfants de l'Aide sociale à l'enfance - a été organisée. Résultat, une feuille de route concertée, coconstruite, pour 2015-2017, que j'ai présentée d'abord aux professionnels en mai. J'ai pris le temps d'écouter ceux qui n'ont pas la parole : les enfants placés et les familles. Il est temps de mieux prendre en compte les intérêts de l'enfant.

Dès demain l'Assemblée nationale examine le troisième protocole de défense des droits de l'enfant.

Je suis attachée à la continuité du parcours de l'enfant. Ceux placés à l'Aide sociale à l'enfance ont les mêmes besoins et droits que les autres. Notre feuille de route débouchera sur une conférence de consensus sur les besoins de l'enfant.

La définition d'une politique de l'enfance, articulée autour de ces besoins, est au coeur de cette loi. Personne ne saurait soutenir que la bataille contre la maltraitance est gagnée, d'autant qu'il est parfois difficile de la déceler.

Comme le disait Boris Cyrulnik, la famille est à la fois un havre de sécurité et le lieu d'une violence extrême. Il est parfois difficile d'imaginer que son voisin ou son patient est un parent maltraitant ; il l'est aussi de concilier lutte contre la maltraitance et respect de la vie privée.

J'ai été surprise de voir de nombreuses dispositions supprimées par la commission des affaires sociales, au motif qu'elles porteraient atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Comme ancienne sénatrice et élue locale, j'y suis naturellement attachée. Mais, ministre de la République, je suis aussi pragmatique et consciente que l'État est garant de l'intérêt général. Les enquêtes ont montré l'isolement des départements, le cloisonnement des politiques et l'absence de lisibilité des dispositifs.

Ce texte n'instaure pas un État tutelle, mais un État partenaire au côté des départements, soucieux du respect de ses engagements internationaux qui exigent une stratégie globale pour l'enfance. Comment refuser d'écrire dans la loi l'obligation d'accompagner les sorties de placement - inégalement appliquée aujourd'hui selon les territoires ? Comment ne pas examiner toute la fratrie en cas de maltraitance d'un enfant ? Certains départements le font déjà, d'autres non. L'enjeu est de parvenir à agir à temps.

Autre enjeu : aider les jeunes à accéder à l'autonomie lorsqu'ils quittent les dispositifs de l'Aide sociale à l'enfance. Avec ce texte, les jeunes devront, un an avant leur sortie, rédiger avec l'aide des professionnels un projet d'accès à l'autonomie ; à leur majorité, ils percevront un petit pécule lors de la rentrée scolaire. Nous mettons aussi l'accent sur la prévention des difficultés - car lutter contre la maltraitance n'est pas seulement réparer - la lutte contre l'isolement et le soutien aux parents ; nous rétablissons ainsi l'entretien prénatal du quatrième mois, développons les centres parentaux et l'action spécialisée.

« On est de son enfance, comme on est d'un pays » disait Saint-Exupéry. Je souhaite que nos enfants aient une belle enfance dans un beau pays. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - On ne peut que se féliciter lorsqu'une initiative émanant de notre Haute Assemblée est reprise par l'Assemblée nationale, encouragée par le Gouvernement et nous revient pour une deuxième lecture. C'est le cas aujourd'hui de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant que j'avais déposée il y a un peu plus d'un an avec notre ancienne collègue Muguette Dini.

L'objet de cette proposition de loi était d'apporter les précisions et les ajustements nécessaires pour que le dispositif de la protection de l'enfance, réformé par la loi du 4 mars 2007, soit amélioré, en tant que de besoin, et puisse enfin porter pleinement ses fruits sur l'ensemble du territoire national.

Depuis nos travaux de première lecture, plusieurs événements dramatiques sont venus rappeler combien il est nécessaire d'agir pour que cette politique soit mieux pilotée et plus efficace.

Alors que le texte adopté à l'unanimité par le Sénat ne comptait que seize articles, il en compte aujourd'hui cinquante. Parallèlement à l'examen du texte par le Sénat en première lecture et avant sa transmission à l'Assemblée nationale, Laurence Rossignol a mené une large concertation associant les professionnels, les élus et l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance. À la clé, une feuille de route et un certain nombre de propositions dont certaines ont enrichi le texte lors de son passage à l'Assemblée nationale.

Dans l'ensemble, les députés n'ont pas remis en cause les dispositions que nous avions adoptées. Si aucun article n'a été adopté conforme, les modifications apportées sont souvent purement rédactionnelles.

Sur certains points, l'Assemblée nationale a fait des choix différents de ceux du Sénat. Je pense notamment aux dispositions relatives à l'adoption simple ou à l'introduction de la notion d'inceste dans notre code pénal. Je pense également à la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance, chargé de conseiller le Gouvernement sur les orientations nationales de cette politique, proposition forte de notre rapport d'information.

L'Assemblée nationale a également souhaité aller plus loin que les pistes d'amélioration identifiées par notre rapport d'information. La problématique des jeunes majeurs sortant des dispositifs de protection de l'enfance sans parvenir à s'insérer socialement et professionnellement, ou celle des mineurs étrangers isolés, dont l'actualité montre à quel point elle est aiguë, étaient en effet en dehors du champ du rapport et de la proposition de loi initiale. Plusieurs articles additionnels visent à y apporter des réponses.

Enfin, les députés ont introduit des dispositions relatives à la prévention qui doit s'exercer auprès des parents susceptibles de rencontrer des difficultés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, avant même la naissance de l'enfant.

La loi du 4 mars 2007 a renforcé le rôle du département dans la protection de l'Aide sociale à l'enfance. Cette proposition de loi ne remet pas en cause la décentralisation, ni n'impose de nouvelles obligations aux services. Néanmoins l'État est garant d'une application uniforme de la loi. Nous devons à tous les enfants protection.

Ainsi le projet pour l'enfant prévu en 2007 n'est pas toujours appliqué. La proposition de loi définit des bonnes pratiques. Rien ne changera pour les départements en pointe, mais le texte aidera les autres à améliorer leurs pratiques.

La commission des affaires sociales a supprimé neuf articles et en a modifié vingt-deux. Ce texte est plus riche, plus complet. J'espère que nous retrouverons l'esprit de consensus qui avait présidé en première lecture. (Applaudissements)

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La loi fondatrice de mars 2007 avait été l'oeuvre de Philippe Bas, alors ministre de la santé. La commission des lois s'est saisie à nouveau des articles déjà examinés ainsi que du tiers de la trentaine de nouveaux articles. Elle a souhaité conserver au juge son pouvoir d'appréciation et a clarifié la responsabilité des différents acteurs afin de préserver l'orfèvrerie qu'est le droit dans ce domaine. Puisqu'aucun élément nouveau n'est apparu, elle a proposé de revenir à la rédaction du Sénat en première lecture, tout en suggérant la levée de certaines incertitudes juridiques. Elle s'est montrée réticente sur l'extension de la qualification d'inceste. Nous invitons sur ce point à une réflexion plus approfondie.

Je réaffirme mon espoir de parvenir à un vote unanime. (Applaudissements)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Ce texte a été largement remanié à l'Assemblée nationale. La commission des affaires sociales, après quatre heures de discussion, a adopté 50 amendements. C'est dire l'importance de l'enjeu. Le rapporteur de la commission des lois a participé à nos échanges nourris. Je rends hommage au travail accompli par Mmes Dini et Meunier.

Une réflexion s'impose sur le problème de l'Aide sociale à l'enfance, surtout sur l'angle mort que sont les placements longs. Un tiers des 150 000 enfants placés passeront leur enfance en placement sans réintégrer leur famille. La collectivité doit se porter garante à la fois des conditions de placement et de l'avenir des enfants. Un enfant placé pendant dix ans fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative renouvelée cinq fois. Il n'est accompagné que jusqu'à 18 ans.

Lorsqu'il atteint sa majorité, l'accès à un contrat jeune majeur dépend d'une multitude de critères dont il ignore tout et sur lesquels il n'a aucune prise. Comment se projeter, se construire comme adulte ? Il est normal d'aider les jeunes qui ont été placés à suivre un cursus normal après leur majorité. Il faut trouver l'équilibre entre protection des jeunes et respect de l'autonomie des départements.

Je ne doute pas que nos débats permettront d'avancer en ce sens. J'espère que nous saurons nous rassembler pour que ce texte poursuive son chemin. (Applaudissements)

Mme Élisabeth Doineau .  - La protection de l'enfance est un sujet majeur pour notre société. Permettre à des enfants abandonnés ou maltraités de connaître un avenir serein est une lourde charge. À chaque nouveau drame, on pose la même question lancinante : aurions-nous pu l'éviter ? Je remercie Mmes Dini et Meunier pour cette proposition de loi ; huit ans après la loi de 2007, des aménagements étaient effectivement devenus nécessaires.

Le nombre de placements a augmenté de 10 %, ainsi que leur durée. Les mineurs étrangers représentent 10 % du total, dans un contexte de restrictions budgétaires. Les succès inégaux de la loi de 2007 sont dus à ces difficultés.

La création d'un Conseil national de la protection de l'enfance est une belle idée ; mais ne s'agit-il pas d'une réponse convenue dès lors qu'un problème se pose ? Combien de comités, de conseils, d'observatoires avons-nous créés ces dernières années ? L'Assemblée des départements de France recherche des représentants au sein de 200 organismes ! C'est folie. L'Office national de l'enfance en danger existe déjà. Pourquoi ne pas élargir ses missions ?

Tous les départements ne sont pas au même niveau. Certes, presque tous ont mis en place des cellules de dépistage, des comités de pilotage, des observatoires départementaux et étoffé leurs équipes d'action sociale de proximité.

Les contrôles de l'Igas sont une aide à la décision pour établir des protocoles, diffuser les bonnes pratiques. La décentralisation, c'est cela. La loi donne le rythme, les territoires jouent les notes. L'État doit renforcer les moyens en pédopsychiatrie ; lever l'ambiguïté sur sa responsabilité en matière d'accueil des mineurs étrangers.

Je voterai les mesures protégeant l'enfant et le jeune, mais contre celles qui vont à l'encontre de la liberté des collectivités territoriales sans moyens supplémentaires. La protection de l'enfance est une école de rigueur, de volonté, d'humilité. Je salue tous ceux qui s'y investissent. Mais l'envie ne suffit plus. Il faut des moyens. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Laurence Cohen .  - À mon tour de remercier Mmes Dini et Meunier. Nous soutenons la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance, instance de pilotage auprès du Premier ministre, qui améliorera la coordination et donnera plus de lisibilité à cette politique. Nous saluons la place accrue donnée au projet de l'enfant. L'établissement d'un programme pluriannuel des professionnels de la petite enfance est bienvenu, ainsi que la désignation d'un médecin référent dans chaque département, comme le groupe communiste républicain et citoyen l'avait proposé en 2007, pour assurer une meilleure coordination des soins.

Le placement des fratries est conforme aux recommandations du Défenseur des droits du 27 novembre 2014. Toutefois, la question des moyens n'est pas posée. Les dotations sont réduites, la prévention risque d'être la première victime de ces coupes sombres et l'inégalité entre les territoires de s'accroître.

Rien ou presque, non plus, sur les mineurs étrangers isolés. Nous proposerons d'interdire les tests osseux pour déterminer l'âge des mineurs étrangers. À tout prendre mieux vaut aider un jeune majeur que de le laisser livré à lui seul, démuni. Ces jeunes ne sont pas des profiteurs mais des êtres en danger, comme le dit le Défenseur des droits. Celui-ci ne saurait être placé en centre de rétention administrative. Pourtant ces placements se multiplient. Nous proposerons, par humanisme, de les interdire. Je rappelle que c'était l'un des engagements du candidat Hollande.

J'espère que nous saurons surmonter nos divergences pour adopter ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Aline Archimbaud .  - La loi de 2007 avait marqué un progrès mais beaucoup restait à faire. Le rapport de Mmes Meunier et Dini nous a éclairés.

L'enjeu de la protection de l'enfance est de prévenir les difficultés en amont. Pour cela, l'information doit circuler entre les acteurs. Or les cloisonnements sont encore trop nombreux, les procédures trop lourdes, la formation pas toujours suffisante, et grand l'isolement des acteurs. Décloisonnons. Aidons l'Aide sociale à l'enfance à discuter avec l'école, les familles, les médecins.

La transversalité s'impose. Il appartient aux médecins de jouer leur rôle de lanceurs d'alerte ; or la médecine scolaire reste toujours un parent pauvre de notre système de santé.

Rien dans ce texte sur les mineurs étrangers. Les tests osseux sont peu fiables, avec une marge d'erreur de dix-huit mois. Plusieurs départements refusent d'accueillir ces jeunes. Une répartition plus juste est à prévoir par la loi au niveau national dans le respect des orientations de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Je regrette les modifications et les suppressions de la commission des affaires sociales. Ainsi l'accompagnement des jeunes sortis de l'Aide sociale à l'enfance est insuffisant. En Île-de-France, 30 % des SDF de moins de 30 ans ont fait un passage dans les services de la protection de l'enfance.

Les verts conditionnent leur vote aux évolutions des débats en séance.

Mme Hermeline Malherbe .  - Madame la ministre, je vous ai présenté en première lecture le neuvième rapport de l'Observatoire de l'enfance en danger ; le dixième vient d'être publié.

Le nombre de jeunes concernés par l'Aide sociale à l'enfance atteint 284 000. Les situations varient selon les départements : 1 330 jeunes placés dans la Creuse, 9 333 dans les Hauts-de-Seine. Cette proposition de loi vise à améliorer la protection de l'enfance sur tout le territoire. Elle est conforme aux principes de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le texte du Sénat contenait 16 articles ; l'Assemblée nationale en a ajouté 30... Certains d'entre eux enrichissent le texte, reprennent les positions de notre commission des affaires sociales ; les députés ont ainsi rétabli l'irrévocabilité de l'adoption simple, et renforcé l'accompagnement des enfants sortis de la protection de l'enfance.

La commission des affaires sociales a adopté conformes 19 articles et en a supprimé 9, qui entrent un peu excessivement dans le détail du fonctionnement des services départementaux. Je reste attachée aux principes de la décentralisation. Des textes réglementaires resteront à prendre pour rendre l'application de la loi effective rapidement - à la création de l'Oned, ce ne fut pas le cas.

Mais sur certaines mesures, le projet pour l'enfant par exemple, un renvoi au décret ne s'impose pas ; laissons faire les services départementaux.

Cette proposition de loi est une belle occasion d'améliorer la loi de 2007, de faciliter le travail des professionnels qui interviennent auprès de l'enfance en danger, et d'améliorer le quotidien des enfants. (Applaudissements au centre, ainsi que sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Je me bornerai à l'impact de ce texte sur les finances locales.

Depuis la première lecture, deux événements majeurs sont intervenus. Le nombre d'articles a doublé, à l'initiative, pour moitié, du Gouvernement.

Privées des ressources de l'État, les finances des départements ont été amputées de 4 milliards d'euros. Je rappelle que la protection de l'enfance représente 20 % des dépenses départementales d'action sociale : ce n'est pas rien ! Et l'État ne cesse d'ajouter des contraintes à des conseils départementaux exsangues.

Nous proposons de limiter les contraintes pesant sur les départements : supprimer le conseil national prévu à l'article premier, qui fera doublon avec les structures existantes. Nous avons également réécrit l'article 2.

L'article 4 part d'un bon principe, mais encore faudra-t-il tenir compte des difficultés de certains départements et trouver des médecins disponibles, dans le contexte, que nous connaissons, de pénurie médicale !

L'article 7, sur les commissions disciplinaires départementales, est une usine à gaz. L'arbitrage des services arrivera avant celui du juge : je n'y vois que complexité supplémentaire.

Il faut certes accompagner les mineurs étrangers isolés. Mais l'on se heurte toujours au problème du financement par les départements. L'article 40 de la Constitution nous empêche certes de transférer cette charge sur l'État, mais l'article 72-2 impose au Gouvernement de clarifier le dispositif ici proposé, de respecter l'autonomie des départements et de ne pas leur imposer de nouvelles contraintes financières.

Donner un petit pécule au jeune devenu majeur, pourquoi pas, mais ce faisant, on détourne l'allocation de rentrée scolaire de sa fonction. Mieux vaudrait, comme l'ont proposé Christophe Béchu et Catherine Deroche créer une allocation ad hoc, ou transférer au département une fraction des allocations familiales.

Je crains que les complexités administratives et financières ne limitent l'efficacité des mesures proposées. Nos amendements visent à les simplifier, dans un objectif partagé de protection de l'enfance. Nous espérons être entendus. Si c'est le cas, nous voterons le texte. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Claire-Lise Campion .  - Nous examinons ce soir un texte complété, affiné par l'Assemblée nationale. Il poursuit l'ambition d'un système plus efficace, et s'appuie sur la large concertation menée par Mme la ministre. L'évolution est attendue par les professionnels, les médecins, les services des départements, les familles. Ce texte en propose une, qui s'appuie sur une doctrine et une philosophie fortes.

Les conditions d'une plus grande égalité de traitement sont réunies. Je regrette toutefois le rejet du dispositif d'alerte que je préconisais, dont l'actionnement aurait incombé au préfet. La libre administration des collectivités territoriales y fait semble-t-il obstacle, c'est dommage.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai.

M. Jacques Chiron.  - Eh oui !

Mme Claire-Lise Campion.  - La stabilité des parcours est renforcée, de même que la prévention des ruptures. L'organisation d'un entretien à 17 ans va dans le bons sens. Même si certains départements suivent les jeunes adultes jusqu'à 21 ans, les inégalités demeurent grandes. 40 % des SDF de 18-25 ans sont issus de l'ASE, ne l'oublions pas ! Aider ces jeunes à s'insérer dans la vie est une mesure de bon sens.

L'attribution d'un petit pécule pour aider le démarrage dans la vie des jeunes adultes eût été souhaitable, je regrette que la commission l'ait rejetée. Il aurait été souhaitable de la verser directement aux jeunes, sur un compte tenu par la Caisse des dépôts et consignations.

La proposition de loi s'est aussi enrichie d'un article renforçant la prévention au stade du quatrième mois de grossesse. Ce texte concourt à donner un cadre, des repères. L'existence des enfants en sortira améliorée.

J'adresse une pensée amicale à Mme Dini, qui suit nos travaux. J'espère que ce texte fera consensus. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Mme Corinne Imbert .  - Cette proposition de loi est à la fois utile et ambitieuse ; elle replace l'intérêt supérieur de l'enfant au coeur du dispositif. Je salue l'initiative de Mmes Dini et Meunier.

La protection de l'enfance doit nous unir, car c'est un sujet grave, et une lourde responsabilité pour les conseils généraux.

Le paradigme a toutefois changé depuis le passage du texte à l'Assemblée nationale. Je suis sûre que la majorité sénatoriale saura limiter les contraintes surajoutées par les députés et préserver le rôle des départements dans la protection de l'enfance.

La compétence des départements doit être réaffirmée, dans l'intérêt même de cette politique. L'attribution d'une fraction de l'allocation de rentrée scolaire aux jeunes était un non-sens qui déresponsabilise encore davantage les familles. Je soutiendrai l'amendement de suppression courageux déposé sur ce point.

La question des mineurs étrangers est un vrai sujet. D'aucuns estiment qu'elle ressortit à la politique migratoire de l'État. Les tests osseux sont un outil nécessaire pour déterminer l'âge des mineurs étrangers.

Je remercie la commission des affaires sociales d'avoir adopté mon amendement sur la création d'une commission mixte département-préfecture chargée de statuer sur la minorité des individus, en ayant accès aux fichiers nécessaires, afin de recouper les renseignements.

Les départements n'entendent pas se défiler devant leurs responsabilités, mais la multiplication des mesures judiciaires de placement et des mineurs étrangers isolés les place dans une position délicate. L'intérêt de l'enfant doit toujours prévaloir. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je ne dérogerai pas aux coutumes, en adressant mes compliments à Mmes Dini et Meunier. Les rapports sont toujours utiles, mais ils le sont encore davantage qu'ils débouchent sur des textes finissant par être votés...

Sécuriser le parcours des enfants placés est une priorité, afin qu'ils ne soient pas indéfiniment ballotés de familles en foyers. Tout ce qui met en avant un projet discuté, un tiers de confiance, la saisine du juge lorsque c'est nécessaire, va dans le bon sens.

Sur l'adoption, je diverge avec le rapport de François Pillet. Les associations rassemblant les familles adoptantes sont réticentes. La révocation de l'adoption simple ne devrait pouvoir être demandée que par le juge lorsque l'enfant est mineur.

Sécuriser l'adoption simple, c'est faciliter l'intégration des jeunes, sans que les familles d'origine puissent la remettre en cause, une fois le mineur devenu majeur.

Un mot sur l'inceste enfin : ce qui a été proposé au terme d'une longue réflexion me semble sage. La rapporteure a suivi la commission des lois sur ce point. Délimiter strictement cette notion à sa commission par les ascendants ou autres personnes de la famille sans condition d'autorité de droit ou de fait sur la victime répondra aux exigences fixées par le juge constitutionnel.

Nous aimons tous l'État et les collectivités territoriales. Puissions-nous arriver à l'accord le plus large possible sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État .  - Merci à tous pour vos interventions. Mme la rapporteure ainsi que le président de la commission et Mmes Cohen, Archimbaud, Campion, M. Sueur ont fait montre d'une démarche constructive et je les en remercie particulièrement.

Certains ont évoqué les tests osseux ; je ferai remarquer que le texte contient aussi l'interdiction des tests gynécologiques, ce qui constitue une avancée notable.

Je n'ai pas pris le Sénat par surprise ; j'ai toujours annoncé que, partant de l'observation du terrain, je proposerais une évolution de la loi de 2007 ; les amendements du Gouvernement émanent directement de la concertation menée.

De celle-ci, il ressort d'abord la grande disparité de politiques menées par les départements.

J'ai poursuivi le dialogue entamé avec les départements ; je les sais attachés à la libre administration des collectivités territoriales, mais je connais aussi leur demande de pilotage strict au plan national, d'une assise doctrinale et philosophique de cette politique.

Les contraintes financières et budgétaires des départements ne me sont bien sûr pas inconnues, et je regrette que vous n'ayez pas considéré le texte dans sa globalité, car ses effets sont autres de ceux que vous dénoncez. Songez que dix ou quinze professionnels médicaux-sociaux, travailleurs sociaux, représentants d'administrations de l'État ou de la justice, de services différents interviennent parfois dans une même famille. Le décloisonnement est une source d'efficacité et d'économies considérables !

Les mesures sur lesquelles vous insistez ont, au demeurant, un impact budgétaire assez modeste, au point que l'on peut s'étonner qu'elles ne soient pas déjà en vigueur. Un enfant placé coûte entre 40 000 et 60 000 euros par an : améliorer la prévention en amont ne peut être que gage d'économies.

Le calendrier a dû impacter l'image que vous avez de ce texte, alors que le bouclage des budgets locaux approche.

Considérez l'échec des politiques de protection de l'enfance. Lorsqu'un drame survient, l'on s'interroge, systématiquement, sur les éventuels dysfonctionnements de l'Aide sociale à l'enfance et des services de l'État. Ne nous le cachons pas : ils existent. Vers qui se tourne-t-on alors pour demander des comptes ? La ministre ! À chaque fois, je me suis montrée solidaire des départements ; jamais je n'ai opposé les acteurs de la protection de l'enfance entre eux. Je ne laisserai donc pas dire que j'en ai après les services départementaux. Je pense, avant tout, aux enfants. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, MM. Kern et Canevet, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Gabouty, Mme Férat, MM. Morisset, Pierre, Chasseing, Détraigne et Commeinhes, Mme Lopez, MM. Houpert, Longeot et L. Hervé, Mme Billon, MM. Lasserre et Luche, Mme Gatel, MM. Danesi, J.L. Dupont, Cigolotti, Laménie et Pellevat et Mme Deromedi.

Supprimer cet article.

Mme Élisabeth Doineau.  - Je ne vois pas l'intérêt de la réécriture de l'article L. 112-3 du code de l'action sociale ici opérée. Un Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) ne me semble pas indispensable. Je vous donnerais bien rendez-vous dans cinq ans pour le constater. À quoi donc servira ce nouveau comité Théodule ? Élargissons les missions de l'Oned, devenu ONPE, qui a fait ses preuves.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Cet article premier pose l'ossature de ce texte. La nouvelle définition retenue met en avant l'intérêt supérieur de l'enfant, substitué aux carences éducatives des parents.

Le CNPE est utile, et pensé sur le même modèle que le Conseil national de lutte contre l'exclusion, ou le Haut Conseil de la famille. L'ONPE, lui, a un tout autre rôle, non opérationnel, puisqu'il sera chargé de collecter des données. Le CNPE remplace de plus le Comité technique des partenaires spécialisés et le Comité interministériel de l'enfance maltraitée. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Vous avez tous évoqué l'intérêt de l'enfant. L'article L. 112-3 actuel du code de l'action sociale et des familles ne dit pas un mot de l'intérêt de l'enfant en tant que tel ! Centrer la protection de l'enfance sur l'intérêt de l'enfant plutôt que sur les carences des parents est un changement de paradigme complet, puisque l'on pose que les enfants placés ont, comme les autres, droit à la protection, l'accès à la santé, à l'épanouissement, etc.

L'Oned est un observatoire. En matière d'observation, il y a encore des progrès à faire. Le CNPE est tout autre chose : un lieu d'échanges et de coordination entre tous les professionnels, que ceux-ci demandent, pour échanger les bonnes pratiques. Les exécutifs locaux ne sont pas les cibles prioritaires de ce dispositif, qui s'adresse d'abord aux équipes opérationnelles. Ce n'est en aucun cas un énième comité Théodule, comme vous dites.

Mme Hermeline Malherbe.  - Je préside l'Oned. Ne confondons pas son action avec celle des observatoires départementaux : l'Oned est un groupement d'intérêt public (GIP), qui associe donc à parité l'État et ses partenaires. Sa mission est autre que celle du CNPE ; je ne voterai pas l'amendement.

M. Yves Daudigny.  - Je n'ai pas bien compris quels arguments emporteraient la suppression de cet article premier : maintenons-le !

Mme Élisabeth Doineau.  - L'enfant est au coeur du dispositif... dans l'article suivant du code de l'action sociale et des familles. Je ne vois donc pas l'intérêt de cet article. Et j'ajoute que l'observation et l'information sont du ressort d'autres structures existantes, comme l'Observatoire national de l'action sociale (Odas).

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'Odas, actif durant la concertation que j'ai menée, soutient la création du CNPE.

Mme Claire-Lise Campion.  - Cet article est absolument essentiel. C'était une proposition importante du rapport Dini-Meunier. Le CNPE limitera l'hétérogénéité des politiques menées par les conseils généraux. Un pilotage national ne portera aucunement atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Enfin, cela a été dit, le CNPE remplace des structures existantes.

Mme Laurence Cohen.  - Je souscris totalement aux propos de Mme la ministre. Coordonner les actions, au niveau départemental et national, ne peut être que positif.

L'amendement n°16 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge.

Mme Claire-Lise Campion.  - Cet amendement rétablit la disposition supprimée par la commission des affaires sociales, selon laquelle les enfants privés de la protection de leur famille relèvent de la protection de l'enfance. Dès lors qu'un mineur est privé de sa famille, il encourt un danger et relève de ce fait du dispositif de protection de l'enfance, conformément à la Convention internationale des droits de l'enfant.

Le rôle de l'Aide sociale à l'enfance est de prendre en charge les mineurs en danger ou en risque de danger, conformément aux lois de décentralisation de 1983 et 1986.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable. Tous les mineurs sont visés et non les mineurs étrangers spécifiquement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable. La commission des affaires sociales a dû, au moment de voter, penser aux mineurs isolés étrangers. Mais, d'une part, ils ne sont pas seuls concernés, d'autre part, la France doit respecter ses engagements internationaux, qui lui imposent de protéger tous les mineurs sur son territoire, quels que soient leur origine ou leur parcours.

L'amendement n°46 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny, Imbert, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. Retailleau, D. Robert, Savary et Mandelli.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Madame la ministre, vous avez noté des disparités selon les départements. Peut-être est-ce dû à la différence de moyens financiers... Certaines dispositions de ce texte vont aggraver les choses.

Cet amendement supprime l'alinéa 6 et le fameux CNPE. N'empilons pas les structures. Le coût n'est pas négligeable. Les acteurs de la protection de l'enfance doivent pouvoir travailler ensemble au sein d'une structure élargie.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - La commission des affaires sociales a émis un avis favorable, mais j'y suis défavorable à titre personnel, pour les raisons évoquées tout à l'heure.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'expérience montre qu'il n'y a pas toujours corrélation entre les moyens et les résultats. Les disparités tiennent moins aux moyens qu'aux pratiques. Pour dire les choses rapidement, plus on place, plus cela coûte cher ; plus on favorise la prévention, moins cela coûte.

J'ai déjà dit la position du Gouvernement sur le CNPE. Comme vous je cherche l'efficacité. Dans le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, je fusionne trois conseils en un. Mais l'Oned doit continuer à construire son expertise, nous disposons encore de peu de travaux de recherche sur le sujet. Et il faut à côté une structure pluridisciplinaire.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°23 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°10 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 188
Contre 155

Le Sénat a adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, MM. Kern, Gabouty et Bonnecarrère, Mme Loisier, M. Canevet, Mme Férat, MM. Morisset, Pierre, Chasseing, Détraigne et Commeinhes, Mme Lopez, MM. Houpert, Longeot et L. Hervé, Mme Billon, MM. Lasserre et Luche, Mme Gatel, MM. Danesi, J.L. Dupont, Cigolotti, Laménie et Pellevat et Mme Deromedi.

Supprimer cet article.

Mme Élisabeth Doineau.  - La protection de l'enfance est affaire de volonté et de conviction. Un protocole ? Mais certains départements en ont déjà établi un. D'autres ne l'ont pas fait ? L'Igas peut exercer son contrôle.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable de la commission, défavorable à titre personnel. Il s'agir d'organiser, de coordonner, non d'imposer quoi que ce soit au président du conseil départemental. Dans les deux tiers des départements, les choses se passent bien ; mais il y a les autres...

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. La commission des affaires sociales a amélioré la rédaction de cet article en mentionnant les schémas départementaux, qui me convient parfaitement. Ce protocole sera utile pour éviter le saupoudrage des financements et le gaspillage d'énergie. Quant au recours à l'Igas, je préfère la concertation et la feuille de route.

Mme Aline Archimbaud.  - L'article premier bis pose un principe, celui de la coordination, du rassemblement, de la coordination. La mise en oeuvre concrète restera aux mains des départements. L'Igas peut contrôler, mais si la loi ne fixe pas le cadre, qui le fera ?

M. Jean-Marie Morisset.  - Chaque département a son histoire. Laissons-les chacun organiser les modalités de coordination.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Cet article n'a pas été écrit pour contraindre les départements, mais pour encadrer la coordination avec les services de l'État. Dans bien des cas, les départements sont demandeurs de tels protocoles.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°17 rectifié bis, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

départemental en faveur de l'enfance et de la famille

par les mots :

d'organisation sociale et médico-sociale prévu à l'article L. 312-4 pour les établissements et services mentionnés au 1° du I de l'article L. 312-1

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Amendement rédactionnel.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°51 est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

des professionnels de la protection de l'enfance dans le département

par les mots :

de tous les professionnels concourant dans le département à la protection de l'enfance

Mme Hermeline Malherbe.  - Amendement de précision. Les programmes pluriannuels de formation doivent concerner l'ensemble des professionnels qui concourent à la protection de l'enfance dans le département.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable : cet amendement apporte de la lisibilité.

L'amendement n°10 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. Retailleau, D. Robert, Savary et Mandelli.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

qui fait l'objet d'une convention de financement avec la région

M. Jean-Noël Cardoux.  - La formation relève de la compétence des régions. Si un état des lieux et l'établissement d'un programme de formation sont nécessaires, c'est à ces dernières de les financer. Cela va sans dire, diront certains, mais je crois que cela va mieux en le disant.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Après rectification, avis favorable ; défavorable à titre personnel car l'article 2 confie à l'observatoire départemental le soin de réaliser un bilan annuel et un programme des besoins de formation. Il n'est pas question ici des programmes de formation, qui sont de la compétence des régions.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Cet article ne procède à aucun transfert de compétence de la région vers le département du financement de la formation des professionnels de la protection de l'enfance. Avis défavorable.

M. le président.  - Il est minuit. Je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu'à minuit et demi. (Assentiment)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°24 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°11 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 188
Contre 155

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 4

Après le mot :

pluri-institutionnelle

insérer le mot :

minimale

Mme Hermeline Malherbe.  - Un ODPE existe déjà dans beaucoup de départements. Laissons-les choisir les membres qui en font partie, sans exclure aucun acteur. Ainsi, dans les Pyrénées-Orientales, l'université est partenaire de l'ODPE.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable. L'article 226-3-1 du code de l'action sociale et des familles donne déjà une liste minimale des membres de l'ODPE, qui sera encore précisée par décret.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Là encore, la loi n'a pas pour but de contraindre, mais d'associer tous les acteurs, notamment l'Ordre des médecins et celui des avocats. J'ajoute qu'aucun décret visant les départements ne sera rédigé sans eux. Retrait ?

L'amendement n°9 rectifié est retiré.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 2 bis A est adopté.

L'article 2 bis demeure supprimé.

L'article 2 ter demeure supprimé.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans chaque département, un professionnel de la protection de l'enfance, de préférence un médecin, est désigné comme référent "protection de l'enfance", au sein d'un service du département. Il est chargé d'organiser des modalités de travail régulier et les coordinations nécessaires entre les services départementaux et la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes, d'une part, et les médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département, d'autre part, dans des conditions définies par décret. »

Mme Hermeline Malherbe.  - Le référent « protection de l'enfance » ne doit pas nécessairement être un médecin car les départements ont du mal à en recruter.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, MM. Morisset, Pierre et Kern, Mme Loisier, MM. Gabouty, Bonnecarrère et Canevet, Mme Férat, MM. Chasseing, Détraigne et Commeinhes, Mme Lopez, MM. Houpert, Longeot, L. Hervé et Maurey, Mme Billon, MM. Lasserre et Luche, Mme Gatel, MM. Danesi, J.L. Dupont, Cigolotti, Laménie et Pellevat et Mme Deromedi.

Alinéa 2

Après les mots :

un médecin

insérer les mots :

ou un professionnel de santé

Mme Élisabeth Doineau.  - Cet amendement étend à l'ensemble des professionnels de santé et non pas seulement aux médecins, la fonction de « référent ».

Beaucoup de départements ont du mal à recruter des médecins ; une puéricultrice, un infirmier, peuvent très bien remplir le rôle que leur donne la loi.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert, Savary et Mandelli.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

désigné

par les mots :

peut être désigné

et les mots :

est chargé d'

par le mot :

pour

M. Jean-Noël Cardoux.  - Mon amendement procède du même constat : compte tenu des difficultés de recrutement, transformons l'obligation en faculté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - L'article n'oblige pas à recruter un nouveau médecin mais prévoit la désignation d'un médecin référent, pas nécessairement dans les services de PMI. Les médecins échangent plus volontiers entre confrères...

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - J'aurais aimé donner un avis favorable, mais cet article constate le fait que les médecins parlent aux médecins. Entre eux, ils lèvent plus facilement le secret et le texte vise justement à les impliquer, notamment les médecins de ville. Cette rédaction est celle de l'efficacité. Beaucoup de choses peuvent être faites par un professionnel de santé, mais les médecins ne leur font pas toujours confiance... Avis défavorable.

M. Alain Milon, président de la commission.  - L'amendement de Mme Doineau n°18 rectifié bis, permet de trouver une solution en cas de pénurie de médecins ; il a ma préférence. Quant à l'argument « les médecins parlent aux médecins », n'oublions pas que la semaine dernière, le Sénat a voté le dossier médical partagé...

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

À la demande du groupe UDI-UC, l'amendement n°18 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°12 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 204
Contre 139

Le Sénat a adopté.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

L'article 4, modifié, est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 11 amendements. Il en reste 44 à examiner.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 13 octobre 2015 à 9 h 30.

La séance est levée à minuit vingt.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 13 octobre 2015

Séance publique

À 9 h 30

Présidence : M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard - M. Christian Cambon

1. Vingt-quatre questions orales.

À 14 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président

2. Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.

De 15 h 15 à 15 h 45

Présidence : M. Gérard Larcher, président Secrétaires : M. Jean Desessard - M. Christian Cambon - Mme Catherine Tasca

3. Vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.

Ce scrutin sera organisé en salle des Conférences, avec la possibilité d'une seule délégation de vote par sénateur.

Conformément à l'Instruction générale du Bureau, le délai limite pour la transmission des délégations de vote expire à 13 h 15.

Ces délégations doivent être transmises dans le délai précité à la direction de la Séance (division des dépôts, des publications et des scrutins).

À 15 h 45

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : M. Jean Desessard - M. Christian Cambon

4. Proclamation du résultat du scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.

À 16 heures

Présidence : M. Jean-Pierre Caffet, président

5. Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 32, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 33, 2015-2016).

Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 718, 2014-2015).

À 18 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

6. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2015.

Le soir et la nuit

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président

7. Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 32, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 33, 2015-2016).

Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 718, 2014-2015).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 9 sur l'ensemble de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :324

Pour :323

Contre :1

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 2

Contre : 1 - M. Jean Louis Masson

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n°10 sur l'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues, à l'article premier de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :188

Contre :155

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n°11 sur l'amendement n° 24 rectifié bis, présenté par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues, à l'article 2 de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :188

Contre :155

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 12 sur l'amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mme Élisabeth Doineau et plusieurs de ses collègues, à l'article 4 de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :204

Contre :139

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier