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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions prioritaires de constitutionnalité

Lutte contre le gaspillage alimentaire (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Évelyne Didier

Mme Nicole Bonnefoy

M. Joël Labbé

Mme Annick Billon

M. Daniel Gremillet

M. Roland Courteau

Mme Agnès Canayer

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Joël Guerriau

ARTICLE 3

M. Joël Guerriau

M. Marc Laménie

Interventions sur l'ensemble

Mme Chantal Jouanno, rapporteure

M. Joël Labbé

M. Alain Fouché

M. Louis Nègre

Mme Évelyne Didier

Mme Nicole Bonnefoy

M. Joël Guerriau

M. François Fortassin

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. André Vallini, secrétaire d'État

Retrait d'une question orale

Avis sur une nomination

Engagement de la procédure accélérée

Droit à la formation des élus (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi

Hommage à une délégation québécoise

Droit à la formation des élus (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. René Vandierendonck

M. Ronan Dantec

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Jacqueline Gourault

M. Christian Favier

M. Antoine Lefèvre

Mme Nicole Duranton

M. Jackie Pierre

Mme Marylise Lebranchu, ministre

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

M. Claude Kern

M. Didier Guillaume

M. René Danesi

Interventions sur l'ensemble

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Françoise Gatel

M. Pierre-Yves Collombat

M. René Vandierendonck

CMP (Candidatures)

Laïcité (Proposition de loi constitutionnelle)

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Mme Esther Benbassa

M. David Rachline

Mme Françoise Laborde

Mme Jacqueline Gourault

Mme Éliane Assassi

M. Didier Marie

M. Roger Karoutchi

M. François Grosdidier

M. Dominique de Legge

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. Claude Kern

M. André Reichardt

Mme Patricia Schillinger

M. René Danesi

M. Yves Détraigne

M. Patrick Abate

M. Jacques Mézard

M. Patrick Kanner, ministre

CMP (Nominations)

Missions temporaires des parlementaires

Discussion générale

M. Pierre-Yves Collombat

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

M. Jean-Claude Requier

M. Michel Mercier

Mme Éliane Assassi

M. Michel Delebarre

Mme Aline Archimbaud

Mme Nicole Duranton

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Interventions sur l'ensemble

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Ordre du jour du jeudi 4 février 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mercredi 3 février 2016

61e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Jean-Pierre Leleux.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 3 février, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur le critère de l'audience des organisations professionnelles d'employeurs pour l'appréciation de la représentativité ; l'application du régime fiscal des sociétés mères aux produits de titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote.

Acte est donné de ces communications.

Lutte contre le gaspillage alimentaire (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (demande du groupe socialiste et républicain). Nous avions commencé l'examen de cette proposition de loi lors de la séance du 13 janvier dernier.

Discussion générale (Suite)

Mme Évelyne Didier .  - Cette proposition de loi porte sur le gaspillage alimentaire, défini par le pacte national contre le gaspillage alimentaire qui définit comme gaspillée toute nourriture jetée, perdue ou dégradée. Nous avons débattu de l'obligation des dons alimentaires, dans la loi « Macron », nous avons aménagé le don alimentaire en loi de finances - il s'agit ici d'aller plus loin.

Chaque Français jette en moyenne vingt à trente kilos d'aliments chaque année, dont sept kilos encore emballés : l'équivalent de 12 à 20 milliards d'euros sont ainsi jetés. À l'échelle mondiale, on estime que près d'un tiers de la production alimentaire serait jetée, le gaspillage est le troisième émetteur de gaz à effet de serre, alors même que la malnutrition se développe. En France même, 3,5 millions de personnes bénéficient de l'aide alimentaire ; beaucoup plus souffrent de la faim quand 8,5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Des associations caritatives, dont je salue l'action, ont mis en place depuis longtemps des circuits de distribution alimentaire. Ils reposent sur les dons volontaires de particuliers, mais également sur des accords avec des distributeurs ou des producteurs.

Il faut les aider, dans le cadre du fonds européen d'aide, ou dans le cadre national.

Cette proposition de loi inscrit, dès l'article premier, le principe d'une convention entre les grandes surfaces et des associations agréées pour éviter le gaspillage. Un crédit d'impôt de 60 % est prévu, dans la limite de 0,5 % du chiffre d'affaires hors taxe, avec la possibilité d'un report sur cinq exercices.

Le transport et le stockage sont également concernés par la défiscalisation. Or, ce système repose sur une approche quantitative. Il importe d'établir un bilan de la qualité des dons, et d'en assurer un suivi régulier, car manque un outil de mesure fiable. Sera-ce la fonction de l'Ademe ?

Les articles premier et 2 permettent le don de produits sous marques de distributeurs et proscrivent la javellisation, sous peine complémentaire d'affichage, plus dissuasive que des sanctions financières limitées : c'est bienvenu. De même nous saluons la sensibilisation à l'école, mais il faut aller plus loin : l'essentiel est de valoriser les productions agricoles et de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, que continuent à réclamer, à juste titre, les agriculteurs.

Cette proposition n'aborde cependant pas la question du glanage. Le rapport Garrot proposait qu'une circulaire pénale recommande la clémence pour des actions illégales liées à la récupération d'aliments qui n'ont pas entraîné de préjudice pour les distributeurs. Le Gouvernement entend-il aller dans cette voie ? Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Reprenant plusieurs dispositions de la loi de transition énergétique adoptées à l'unanimité, cette proposition de loi s'inscrit dans le même consensus politique que celui exprimé à l'Assemblée nationale.

Elle est cohérente avec la résolution du 9 juillet 2015 du Parlement européen qui demandait à la Commission des mesures pour diminuer de 30 % le gaspillage alimentaire d'ici à 2025 et encourager des conventions nationales.

Le gaspillage est un scandale éthique, économique et écologique : un tiers de la production mondiale est jeté. Chaque année, en France, cette perte représente de 12 à 20 milliards d'euros, soit cent euros par personne.

Cette lutte contre le gaspillage participe d'une lutte plus globale contre le réchauffement climatique, dans le sillage de la COP21. Ce texte sert de base à notre réflexion en vue de redéfinir nos normes de production. Ne soyons pas naïfs. Nous devrons les changer et les normes sociales et éthiques ne constituent pas en elles-mêmes un frein à la production.

Il convient de modifier nos pratiques. La COP21 a marqué un premier pas. Allons plus loin. Je salue le plan ambitieux de lutte contre le gaspillage alimentaire de la ville de Paris. D'autres collectivités territoriales ont fait de même. Encourageons les mesures volontaristes et les circuits courts.

Je me réjouis que cette proposition de loi instaure, à l'article 3, une sensibilisation au gaspillage alimentaire à l'école, conforme à un amendement que j'avais déjà fait adopter au sein du code de l'éducation.

Le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendements et votera ce texte sans réserve. (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)

M. Joël Labbé .  - Je salue les auteurs de cette proposition de loi consensuelle, signée par 300 parlementaires. Un milliard de personnes souffrent de malnutrition sur la planète quand un tiers de la production est gaspillée. Pourtant le droit à l'alimentation est un droit de l'homme, comme le rappelle le rapporteur de l'ONU. Cela signifie que l'alimentation doit être disponible, accessible, en toute circonstance, et propre à la consommation. Cela vaut aussi pour la France.

Le gaspillage en France représente 20 à 30 kg par an et par personne, dont 7 kg de nourriture emballée.

Cette proposition de loi prévoit que les invendus seront donnés ou retransformés. Elle soutient aussi les initiatives de compostage. Il faut associer résolument les opérateurs de restauration scolaire.

La ville de Mouans-Sartoux a ainsi baissé le coût par repas de 2,02 euros à 1,86 euro en un an, c'est un bon résultat qui démontre que l'on peut agir rapidement.

Je n'hésite pas à ajouter, même en cette crise de l'élevage, qu'il nous faut aussi limiter la consommation de produits carnés : moins de quantité, mais de meilleure qualité !

Les projets alimentaires territoriaux sont un outil clef. Aux élus de soutenir les projets locaux. Je le ferai bientôt dans le Morbihan. Je suis fier d'avoir été désigné rapporteur sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité, sur l'ancrage territorial de l'alimentation, que nous examinerons prochainement.

En attendant, le groupe écologiste votera ce texte. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Annick Billon .  - Cette proposition de loi reprend des mesures figurant initialement dans la loi sur la transition énergétique et la loi Macron, qui avaient été censurées dans la première par le Conseil constitutionnel car il s'agissait de cavaliers législatifs, et retirées par l'Assemblée nationale de la seconde.

Deux textes avaient été déposés, l'un déposé par les députés du groupe Les Républicains Frédéric Lefebvre et Jean-Pierre Decool et l'autre par Guillaume Garot pour le groupe socialiste. Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, résulte de la fusion de ces deux textes, adoptée à l'unanimité le 9 décembre 2015 par l'Assemblée nationale, et s'inspire aussi des mesures proposées par notre collègue Nathalie Goulet, introduites à l'origine dans la loi Macron, puis transformées en proposition de loi, déposée le 17 août 2015. Notre collègue Chantal Jouanno devait en être la rapporteure : elle l'est à présent du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Ce texte est complet : méthanisation, facilitation des dons, interdiction de la javellisation, sensibilisation à l'école.

Notre groupe proposera des améliorations de l'alinéa 13 de l'article premier pour assurer l'intégrité et la qualité des invendus alimentaires, autrement ils finiront dans le circuit des déchets à la charge du contribuable local. Leur qualité assurera une meilleure distribution et réduira les déchets.

À l'alinéa 15 du même article, les conventions entre distributeurs et associations devront prévoir une clause de reprise par le commerce de détail alimentaire, là aussi pour éviter de faire supporter un coût supplémentaire au contribuable local. Dans le même objectif, nous proposons ensuite d'ajouter un alinéa pour déterminer les modalités de la valorisation ou de l'élimination de tous les dons alimentaires qui n'ont pas été distribués par l'association.

Nous espérons que ces propositions seront entendues. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Daniel Gremillet .  - Je salue cette initiative parlementaire. Chacun, comme citoyen, est responsable du gaspillage alimentaire.

Nous n'éduquons plus nos enfants et nos petits-enfants à la lutte contre le gaspillage. Trop souvent les aliments finissent à la poubelle. La standardisation des normes de calibrage créent eux-mêmes du gaspillage dès lors que des produits non conformes sont jetés ; ces normes pourtant ne sont plus obligatoires depuis 2009 ; mais des producteurs continuent de les appliquer, et les consommateurs de choisir les fruits et légumes leur correspondant : nous avons bien des progrès à faire.

Au fil des crises, les normes n'ont cessé d'évoluer.

Toutefois, nous avons pris l'habitude de durcir les directives européennes et les normes, pénalisant nos entreprises. Veillons à ce que cette proposition de loi s'inscrive dans une démarche d'harmonisation européenne.

Cette proposition de loi crée des conventions de dons des invendus. Je m'interroge sur l'article 2, qui transfère la responsabilité des produits défectueux du distributeur au producteur. Attention à l'excès de normes, dont la France est friande, au nom du principe de précaution.

À l'heure où notre gastronomie est reconnue, relevons le défi du gaspillage alimentaire, pour redonner à la table française ses lettres de noblesse. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Roland Courteau .  - Les générations précédentes avaient le plus grand respect pour la nourriture. Aujourd'hui, le gaspillage est choquant, inacceptable alors que des femmes, des enfants et des hommes meurent de faim : le simple civisme et la solidarité commandent de lutter contre le gaspillage alimentaire.

Une action publique était nécessaire, par respect pour les producteurs et ceux qui souffrent de la faim, d'où cette proposition de loi.

Le gaspillage est le troisième émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis.

Songez-y : jeter une baguette c'est vider l'équivalent d'une baignoire d'eau !

La lutte contre le gaspillage est à l'ordre du jour ; la lutte contre l'insécurité alimentaire est un enjeu planétaire crucial.

La loi oblige les distributeurs à signer des conventions pour éviter le gaspillage des invendus. Celles-ci doivent être justes, tenir compte des questions logistiques : tri, transport, etc.

Les consommateurs devront être sensibilisés : ils sont le fait de 60 % du gaspillage. Beaucoup de travail reste à faire !

La sensibilisation dès l'école est une bonne chose, tout à fait nécessaire. Le groupe socialiste votera ce texte précieux. (Applaudissements à gauche)

Mme Agnès Canayer .  - Selon l'Ademe, le gaspillage alimentaire a été multiplié par deux depuis 1974, pour un coût de 150 euros par an et par personne dans notre pays.

Les collectivités locales, gestionnaires de la restauration scolaire et gérant les acteurs de solidarité, sont en première ligne.

Depuis 2010, dans le cadre de l'agenda 21, l'agglomération du Havre mène des actions de prévention à l'école, et dans les cantines scolaires, où sont servis chaque jour quelque 8 600 repas : confection sur place, installation d'un recycleur, menus variés et composés des aliments en filières courtes et adaptées. Les restes de stocks sont distribués en fin d'année à la Banque alimentaire. Pour les années à venir, 2017-2020, dans le cadre du programme « Territoire zéro déchet », des axes d'effort supplémentaires seront dégagés afin de poursuivre la dynamique.

Nous sensibilisons les familles avec des livrets de recettes, des ateliers de formation pour accommoder des restes par exemple.

Les associations caritatives ont besoin de collecter davantage de denrées. Encore faut-il s'assurer de la qualité des produits. Il ne faut pas que la responsabilité des produits périmés soit transférée aux associations.

Trop souvent les dates de péremption des produits donnés sont trop proches de la date de consommation optimale. Faute d'ailleurs d'une bonne distinction entre ces deux notions, beaucoup de produits finissent à la poubelle. Ce texte est bienvenu. Nous le voterons. (Applaudissements à droite, au centre, ainsi que sur quelques bancs à gauche)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - En adoptant ce texte, vous placerez la France en pointe dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Merci à tous pour votre participation et merci à Mme Jouanno. Je salue aussi Guillaume Garot, rapporteur de l'Assemblée nationale, présent en tribunes. J'excuse la ministre de l'écologie retenue par un engagement antérieur. L'Ademe a publié des guides de sensibilisation et aide financièrement 154 territoires « zéro déchet » couvrant 30 millions d'habitants. Je peux aussi vous rassurer sur le fait que des instructions seront données en matière de glanage, contre une répression trop sévère. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Joël Guerriau .  - Cette loi facilitera la vie des près de dix millions de Français issus de la classe moyenne invisible, des quatre millions de mal-logés, du million de travailleurs précaires gagnant moins de 800 euros par mois. Elle montre l'exemple en Europe. Chaque jour, chaque supermarché jette en moyenne 50 kilos des invendus qui permettraient de nourrir une centaine de personnes. Je voulais rendre hommage à M. Arash Derambarsh, élu de Courbevoie, présent lui aussi dans nos tribunes, et dont la pétition a recueilli 750 000 signatures et a été soutenue par la Croix Rouge ; il a été l'aiguillon de ce texte et mérite notre salut ! (Applaudissements)

Cette proposition de loi rend obligatoire la signature de conventions entre les surfaces commerciales de plus de 400 mètres carrés et les associations caritatives, sous peine d'une amende de 3 700 euros. La javellisation est interdite. Nous devrons suivre avec attention l'application de la loi.

Alors que notre continent compte 80 millions de démunis, je lance un appel solennel au président de la République, ainsi qu'à M. Jean-Claude Juncker, pour que ce texte soit décliné dans toute l'Europe. La fraternité a du sens dans notre pays. C'est un sourire à partager. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Billon et MM. Longeot, Kern et Détraigne.

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

ou denrées dont l'intégrité n'est plus assurée

Mme Annick Billon.  - Cet amendement répond à des enjeux éthiques et économiques : il garantit l'intégrité des produits donnés. (Applaudissements au centre)

Mme Chantal Jouanno, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Retrait ? Cette mesure relève des conventions. Une convention-cadre est en cours de négociations entre tous les acteurs. Où en est-on, monsieur le ministre ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Retrait. En effet, une convention est en cours d'élaboration. Elle vous donne satisfaction. Par exemple, un magasin ne pourra donner des denrées non susceptibles de supporter le transport.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette convention assure une garantie de reprise par le commerce de détail alimentaire des denrées alimentaires données aux associations et non distribuées.

Mme Évelyne Didier.  - Les associations ne veulent pas devenir les centres de tri des distributeurs, pour faire la part entre données consommables et les autres.

C'est pourquoi notre amendement assure une garantie de reprise par le commerce de détail des denrées données.

M. le président.  - Amendement identique n°4, présenté par Mme Billon et MM. Détraigne, Longeot et Kern.

Mme Annick Billon.  - Amendement identique. J'ai vu une livraison de denrées aux Restos du Coeur : les salariés et les bénévoles devaient porter des masques et des gants pour se protéger car les produits étaient en train de pourrir...

Mme Chantal Jouanno, rapporteure.  - Là encore, cette question sera traitée dans les conventions. Chacun partage l'objectif de cet amendement : il ne faut pas que les distributeurs se déchargent de leurs obligations de tri ou de destruction au détriment du contribuable. Les associations ne doivent pas devenir le déversoir des invendus non consommables.

C'est pourquoi il importe que le Gouvernement définisse des indicateurs. Où en est la convention-cadre ? Pourquoi pas une clause de revoyure ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - La convention-cadre prévoit que les denrées données devront être de bonne qualité ; la date de péremption devra aussi toujours courir pendant plus de 48 heures après le don. Retrait.

Mme Évelyne Didier.  - Merci pour ces précisions. Les collectivités territoriales risquent d'avoir à gérer les déchets issus des produits donnés. Les distributeurs bénéficient déjà d'une aide fiscale conséquente. Il ne faut pas qu'ils gagnent sur tous les tableaux. Leur responsabilité doit être posée. Je retire l'amendement.

Mme Annick Billon.  - Il faut penser aux produits périssables... Mais je retire l'amendement n°4.

Les amendements identiques nos1 et 4 sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaire et non distribuées par les associations sont traitées conformément au code de l'environnement en respectant la hiérarchie des modes de traitement et conformément à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.

« Dans le cas où la gestion des denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaire et non distribuées par les associations induit l'intervention d'une collectivité territoriale, celle-ci est associée à la convention mentionnée au III de l'article L. 541-15-5 du présent code. »

Mme Évelyne Didier.  - Nous rappelons que la hiérarchie des modes de traitement des déchets doit être respectée pour les dons - et nous associons la collectivité territoriale à la convention, ce sera utile.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Billon et MM. Kern, Détraigne et Longeot.

Après l'alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaire et non distribuées par les associations sont traitées conformément au code de l'environnement en respectant la hiérarchie des modes de traitement et conformément à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.

« Dans le cas où la gestion des denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaire et non distribuées par les associations induit l'intervention d'une collectivité territoriale, celle-ci est associée à la convention de partenariat mentionnée au III de l'article L. 541-15-5 du présent code.

Mme Annick Billon.  - Même objet, la collectivité territoriale ne doit pas supporter un coût qu'elle répercuterait sur le contribuable.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Billon et MM. Longeot, Kern et Détraigne.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La convention détermine, en relation avec les acteurs concernés, les modalités selon lesquelles les dons alimentaires non distribués par l'association bénéficiaire seront valorisés ou éliminés en conformité avec la règlementation en vigueur en matière de gestion des déchets.

Mme Annick Billon.  - Défendu.

Mme Chantal Jouanno, rapporteure.  - La présence des collectivités territoriales est déjà possible. Un suivi de la loi serait très utile, avec des indicateurs, dont l'Ademe pourrait se charger. Retrait.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Je retiens cette suggestion d'une mission pour l'Ademe et en ferai part à Mme Royal. Les amendements sont satisfaits, il n'est pas nécessaire d'associer systématiquement la collectivité territoriale à la convention même si cela est possible. Retrait.

Je reçois à l'instant la convention type, je vais vous la faire passer.

L'amendement n°2 est retiré, de même que les amendements nos5 et 6.

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. Joël Guerriau .  - La lutte contre le gaspillage à l'école est difficile. Ma commune compte 7 groupes scolaires ; nous avons fait un diagnostic : 51 % des denrées y sont gaspillées. Nous avons engagé un plan pluriannuel pour ramener ce chiffre à 20 %. Il faut certes dialoguer avec les enfants, les sensibiliser ; mais ces bonnes intentions ne peuvent suffire, il faut aussi concocter des menus plus équilibrés, plus sains. Une circulaire de 2011 le prévoit, mais la diversification alimentaire crée du gaspillage - l'éducation au goût prend du temps.

Depuis le 1er janvier 2016, une recommandation favorise la mise en place, dans les restaurants, du doggy bag ; elle permet aux restaurateurs de réduire le volume de leurs biodéchets. Les Français n'en sont pas coutumiers... En Rhône-Alpes, un slogan a été lancé - « c'est si bon, je finis à la maison » et le doggy bag s'appelle le « gourmet bag »... Une extension à la restauration scolaire aurait des effets positifs. Éduquer et informer ne suffiront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Marc Laménie .  - Je m'associe à cet article méritoire, la sensibilisation à l'école est utile, dans le monde rural comme en ville, les enseignants comme les parents ont tout leur rôle à jouer - pour une prise de conscience de toutes et tous.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Chantal Jouanno, rapporteure .  - Nous voici au terme - rapide - de l'examen de cette proposition de loi, dans une belle unanimité. Ce texte ne traite que d'une partie de la lutte contre le gaspillage, nous devons continuer dans la voie d'une consommation réfléchie. Voilà un petit texte dont la portée peut être grande.

M. Joël Labbé .  - Comme membre du plus petit groupe de cette assemblée, je suis très heureux de notre consensus : nous avançons ensemble, les populations l'attendent de nous. Le gaspillage, il faut le dire, est l'effet d'un système de grande production et de grande distribution.

Mme Isabelle Debré.  - Et d'un manque d'éducation.

M. Joël Labbé.  - Il faut favoriser les circuits courts, les petits magasins de proximité ou de producteurs, les marchés... Ce texte en annonce d'autres et redonne confiance en la politique.

M. Alain Fouché .  - Je suis très heureux, moi aussi, de ce consensus, qui est aussi celui du Parlement européen. Il est important que la grande distribution, qui n'est pas malheureuse, participe à l'effort de solidarité envers les plus démunis. Il faudra réfléchir aussi à ce qui se passe dans les écoles, les hôpitaux, les réceptions. C'est un premier pas, allons plus loin. Un grand bravo à tous ! (Applaudissements)

M. Louis Nègre .  - Belle unanimité, exceptionnelle même ! Le texte obéît à la même logique que le Grenelle et la loi de transition énergétique pour une économie sobre. Le message est clair : on ne peut plus continuer à gaspiller.

La pauvreté progresse, mais chaque Français jette 20 kg de denrées alimentaires par an : il faut agir, éduquer - même si nous le faisons depuis... la directive de 1975. L'unanimité d'aujourd'hui est à l'honneur du Sénat ! (Applaudissements)

Mme Évelyne Didier .  - Nous voterons ce texte, les dons alimentaires, vertueux, aident les associations qui font tous les jours un travail extraordinaire - ce sont elles qu'il faut applaudir ! (Applaudissements) Notre société ne tiendrait pas sans elles.

Il ne faudrait pas que nous nous donnions bonne conscience à moindre coût... Le gaspillage est absurde face à la famine et à la pauvreté, on voit là toutes les limites de la société de consommation. Ne considérons pas que nous accomplissons un acte héroïque. (Applaudissements)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Je suis heureuse et fière de cette loi de bon sens et attendue. Je partage ce plaisir avec Guillaume Garot. J'espère que nous trouverons d'autres accords sur d'autres textes importants ! (Applaudissements)

M. Joël Guerriau .  - Alors qu'il existe 80 millions de démunis en Europe, notre acte d'aujourd'hui est historique à défaut d'être héroïque. Il faut que l'Europe agisse aussi, l'enjeu est continental, mondial. Je me réjouis de notre unité, nous devons en être fiers. Mais beaucoup reste à faire. (Applaudissements)

M. François Fortassin .  - Je voterai ce texte qui est à l'honneur du Sénat. L'excès de réglementation produit du gaspillage. Voyez les melons : trop petits, ils sont jetés à la décharge... Tandis que des chaines de restaurants qui proposent de la nourriture - passez-moi l'expression - dégueulasse, sont parfaitement en règle : où est la logique ? Il faudrait aussi un peu de souplesse dans les dates de péremption... Peu de gens s'empoisonnent en mangeant un steak de blonde d'Aquitaine, dont la viande est particulièrement goûteuse...

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

(Applaudissements)

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Merci de cette belle unanimité pour un vote conforme, et merci aussi à ceux qui ont retiré leurs amendements, par souci de voir le texte entrer rapidement en application. Le gaspillage est insupportable et, si ce texte ne règlera pas tout, c'est un progrès. Nous devons aller plus loin par l'éducation, la formation, la sensibilisation : l'époque du gaspillage est révolue, il faut le dire ! (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État .  - Merci à tous, le Gouvernement se réjouit de l'unanimité sur ce texte petit par la taille mais grand par l'objet, qui fait avancer une très belle cause. Il fera date. (Applaudissements)

Retrait d'une question orale

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question orale n°1348 de M. Jean-Marie Bockel est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16 h 5.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et des lois organiques du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis un vote favorable (28 voix pour, 9 voix contre, 6 bulletins blancs) pour la nomination de Mme Agnès Buzyn aux fonctions de président de la Haute Autorité de santé.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, déposé sur le Bureau du Sénat le 3 février 2016 et du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 3 février 2016.

Droit à la formation des élus (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi .  - Il y a quelque temps, ce devait être en 1991, je présentais, jeune secrétaire d'État aux collectivités locales, la première loi relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, c'est-à-dire à ce que l'on a coutume de nommer le statut de l'élu. On en parle parfois comme d'un statut complet mais la réalité est tout autre. Nous avons instauré en 1991 un droit à la formation, un droit à la retraite, revu les indemnités ; des améliorations ont été apportées depuis, la dernière en date par la proposition rédigée avec Mme Jacqueline Gourault - qui faisait suite aux États généraux de la démocratie locale où nous avions interrogé un très grand nombre d'élus et leurs associations.

Notre objectif, c'est que tous les Français puissent accéder aux responsabilités électives, ce n'est pas le cas aujourd'hui : les salariés du privé et les indépendants y accèdent bien plus difficilement que les retraités et les fonctionnaires. Nous voulions compenser cet état de fait. Un amendement d'Antoine Lefèvre, reprenant l'idée d'une association d'élus locaux, a étendu le congé individuel de formation (CIF) aux élus locaux : excellente initiative, approuvée par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Le rapport de Mme Di Folco l'expose parfaitement : le CIF est en vigueur depuis le 1er janvier 2016, mais l'organisme gestionnaire n'a pas été désigné, non plus que le fonds n'a été constitué. Mme Lebranchu avait déposé un amendement, dont on pouvait espérer qu'il fût soutenu par le secrétaire d'État au budget, mais ce n'a pas été le cas - d'où cette proposition de loi, pour que la loi s'applique concrètement.

Puis il y a l'acte II : la loi NOTRe a supprimé les indemnités des présidents et vice-présidents de syndicats dont le périmètre est inférieur à celui des communautés de communes. Supprimer des syndicats qui font doublons, oui ; mais certains conservent leur pertinence : c'est le cas des syndicats scolaires, les élus concernés ne sont pas toujours favorables, au nom de la proximité, à un basculement de la gestion des écoles vers la communauté de communes. Dès lors, la suppression des indemnités était peu compréhensible au regard du dévouement des élus concernés. Mme Lebranchu, à laquelle je rends hommage, a ensuite déposé un amendement en loi de finances, que le Conseil constitutionnel a censuré pour être un cavalier budgétaire. Je remercie le Gouvernement de tirer parti de notre texte pour y revenir. J'espère que nous règlerons la question pour au moins deux ans, sinon jusqu'au terme du mandat. (Applaudissements)

Hommage à une délégation québécoise

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et les ministres se lèvent) Je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom, la présence dans notre tribune d'honneur, d'une délégation conduite par M. Jacques Chagnon, président de l'Assemblée nationale du Québec, qui est accompagné par M. Geoffrey Kelley, ministre du Gouvernement du Québec, chargé des affaires autochtones.

La délégation est accompagnée par M. Jean-Claude Carle, président du groupe d'amitié France-Québec.

Le président Jacques Chagnon s'est vu remettre hier par M. Gérard Larcher, président du Sénat, les insignes d'Officier de la Légion d'honneur, distinction accordée aux personnalités étrangères auxquelles la Nation française souhaite accorder sa reconnaissance.

Nous lui adressons les chaleureuses félicitations du Sénat et le remercions pour sa défense infatigable de la langue et de la culture française au sein des instances interparlementaires et internationales de la francophonie dont il est depuis très longtemps un des piliers.

Nous souhaitons à nos amis québécois la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements)

Droit à la formation des élus (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - Ce texte est attendu. Notre délégation aux collectivités territoriales en a recommandé le dispositif et la commission des lois l'a approuvé en le modifiant.

Le droit individuel à la formation (DIF) des élus est de vingt heures sur la durée du mandat, financé par une cotisation obligatoire collectée par un organisme national ad hoc. Cependant, le décret en Conseil d'État nécessaire pour sa mise en oeuvre n'a pas été pris. D'où cette proposition de loi qui crée le fonds de financement du DIF, alimenté par un versement de 1 % maximum sur les indemnités perçues par 190 000 des 550 000 élus. Le texte en confie la gestion à la Caisse des dépôts et consignations et en règle les modalités techniques, en particulier les cotisations et leur usage.

Formations qualifiantes et professionnalisantes seraient accessibles et la formation pourrait être délivrée après la fin du mandat, dans un délai cependant limité. Un plafonnement serait instauré.

La commission des lois a clarifié le texte, notamment pour bien distinguer le financement et les bénéficiaires. Le financement est assis sur les cotisations mais le dispositif est accessible à tous les élus.

Un amendement du Gouvernement à la loi de finances rectificative pour 2015, censuré par le Conseil constitutionnel, est repris par l'article 3 de ce texte. Nous avons modifié l'intitulé en conséquence.

Le Gouvernement entend reporter l'application de l'article 42 de la loi NOTRe, en lien avec la rationalisation de la carte des EPCI ; cependant, il n'est guère équitable de changer les règles en cours de mandat pour les élus actuels : pourquoi ne pas étendre les règles jusqu'en 2020 ? Nous attendons une ouverture du Gouvernement ; nous comptons sur vous, madame la ministre ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Le Gouvernement a prêté beaucoup d'attention à cette belle proposition de loi. Nous avons toujours été un peu en retard en ce qui concerne le statut de l'élu.

On ne dit pas assez que beaucoup d'élus sont bénévoles, que d'autres n'ont que de très faibles indemnités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Voire pas d'indemnités du tout !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Leur droit à la formation est très limité, ce qui handicape certains dans l'exercice de leur mandat ; des élus de petites communes sont souvent démunis face à des questions simples.

L'article premier, très bien travaillé, crée un fonds dont la question est confiée, en toute transparence, à la Caisse des dépôts et de consignation, très proche des collectivités locales. C'était un oubli de la loi NOTRe.

On nous a demandé de réparer les effets d'un accident parlementaire. Les présidents de certains syndicats intercommunaux ont perdu leurs indemnités. Le Gouvernement a donc accepté de reporter l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2018. J'ai un arbitrage qui suit ce qui est dans la loi. C'était soit le 1er janvier 2018, soit 2020. C'était lié à la question du transfert de compétences. D'ici 2020, nous avons le temps de voir s'il convient de faire subsister certains syndicats de périmètre inférieur à celui de l'intercommunalité. Le Sénat se saisira sans doute du sujet. Ma proposition personnelle était 2018 ; il faudra revoir l'entièreté du sujet : nos concitoyens sont très attentifs à ces questions, et les syndicats concernés doivent répondre à une réelle utilité - et non parer à la disparition de vice-présidences... Il faudra revoir cela de près.

Aujourd'hui, les comptables ne peuvent plus légalement payer les présidents de syndicat ; Christian Eckert, dans sa grande sagesse, leur a pourtant demandé de le faire, dans l'attente de cette proposition de loi. Il faut donc aller vite, et espérer un vote conforme. Le texte doit rester principalement consacré au droit individuel à la formation. (Applaudissements)

M. René Vandierendonck .  - Ce texte vient utilement compléter le volet formation de la loi du 31 mars 2015. La question du statut de l'élu est récurrente. Lors des États généraux de la démocratie locale, la grande majorité des élus, tout en disant que l'exercice de leur mandat leur apportait beaucoup de satisfaction, avait exprimé des attentes à ce sujet. Aucun véritable statut de l'élu n'avait en effet vu le jour, malgré la loi du 2 mars 1982.

La loi Sueur-Gourault du 31 mars 2015 a marqué une nouvelle étape : création d'un statut de salarié protégé, facilitation de l'accès des salariés du privé aux fonctions électives, crédit d'heures, validation des acquis de l'expérience lors de l'exercice d'un mandat local, etc...

Les élus peuvent ainsi mieux concilier leurs activités professionnelles et l'exercice de leur mandat. Cette loi a aussi étendu aux élus de la DIF, dont la présente proposition de loi définit les modalités. Merci à la rapporteur d'avoir apporté des précisions à l'article premier.

En 1982, Marcel Debarge affirmait ici même que la formation des élus était la conséquence nécessaire de la fin de la tutelle de l'État et des nouvelles missions qui leur étaient confiées.

Il faut aussi penser à tous ceux qui hésitent à se présenter aux élections de peur de ne pas retrouver du travail à l'issue de leur mandat. Le DIF leur permettra de préparer leur réinsertion professionnelle.

À cette question s'est greffée celle des syndicats intercommunaux de petite taille, dont les présidents et vice-présidents ont vu leurs indemnités supprimées du jour au lendemain, à la suite d'un amendement parlementaire à l'Assemblée nationale.

Il faut donc rétablir l'équité. N'oublions pas que ces syndicats emploient aujourd'hui 65 000 agents, soit un tiers du personnel des EPCI. Les schémas de coopération intercommunale créés par la loi NOTRe seront un facteur de rationalisation.

Vous vous entêtez, madame la Ministre, malgré le Premier ministre, à ne pas vouloir rétablir l'intégralité de ces indemnités jusqu'en 2020. Je demande que soit respecté l'engagement du Premier ministre. C'est en faisant confiance aux élus locaux - et aux préfets - que nous atteindrons l'objectif de rationalisation. (Applaudissements)

J'ai passé la moitié de la nuit à tenter de vous convaincre, madame la Ministre. Je vous estime mais, comme vous, je le dis quand je ne suis pas d'accord.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Mon amendement a été déposé !

M. Ronan Dantec .  - Cette proposition de loi répond à la volonté de voir mettre en oeuvre rapidement le DIF des élus, qui leur servira notamment à préparer leur réinsertion professionnelle. Le DIF contribue à la construction d'un statut de l'élu, encore bien maigre... Nous ouvrirons ainsi l'accès aux mandats locaux et améliorerons la représentativité des assemblées. Tout citoyen devrait pouvoir s'emparer de la chose publique ! Ce texte est aussi un message à l'adresse des 550 000 élus locaux qui se démènent au préjudice, parfois, de leur vie professionnelle et familiale.

La petite musique selon laquelle « il y a trop d'élus, trop payés » devient assourdissante. Pourtant, la plupart des élus sont bénévoles ! Je regrette que certains conseils régionaux aient décidé de réduire les indemnités de leurs membres, alimentant ce discours. Une grille nationale définie par le Parlement serait préférable, tant les situations sont aujourd'hui hétérogènes. (Assentiment sur divers bancs)

Certains élus rencontrent des difficultés pour se faire rembourser leurs formations d'élus : frais de transport, formation des élus d'opposition. Ne pourriez-vous adresser un courrier à ce sujet aux exécutifs locaux, madame la Ministre ?

Le groupe écologiste soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Mon intervention sera en mode mineur... (Sourires)

M. Michel Mercier.  - Pourvu que ça dure ! (Sourires)

Mme Jacqueline Gourault.  - Cela m'étonnerait !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il s'agit ici d'une proposition de rattrapage, qui complète la loi de mars 2015 et répare l'un des dégâts causés par la loi NOTRe... Il n'y a pas lieu de gloser.

Compte tenu cependant de la modicité des indemnités de la plupart des élus - non revalorisées depuis 2002, et désormais assujetties à cotisations sociales - il est choquant de leur imposer une nouvelle cotisation pour assurer la couverture d'un risque découlant de leur engagement civique.

D'où mon amendement de suppression des alinéas 7 à 10 de l'article premier.

Devant les États généraux de la démocratie locale, François Hollande déplorait l'absence d'un statut de l'élu, singularité française qui subsiste. Le quinquennat va même se solder par une baisse de fait des indemnités !

Certains élus seront même privés de leurs indemnités syndicales. Et l'on y ajoute la litanie moralisatrice de la charte de l'élu local ! Fleurs et litanies, cela va finir par devenir funéraire...

La grande majorité du RDSE s'abstiendra.

Mme Jacqueline Gourault .  - La proposition de loi que j'avais déposée avec M. Sueur a conforté plusieurs aspects du statut de l'élu local - car il existe bel et bien, monsieur Collombat : conciliation du mandat avec l'activité professionnelle, DIF, préparation de la réinsertion professionnelle des élus : telles étaient nos priorités. Ne prétendons pas que rien n'existe, alors que certains élus ignorent leurs droits - on fait face à des maires récalcitrants ! Un document récapitulatif du ministère serait utile.

Merci à Antoine Lefèvre qui est à l'origine du DIF des élus, à Catherine Di Folco qui en a précisé le contenu, à Jean-Pierre Sueur qui a rédigé cette proposition de loi pour rendre le DIF effectif.

Nous en profitons pour régler un problème surgi lors de l'examen en deuxième lecture de la loi NOTRe... à l'Assemblée nationale. J'appellerai cela une malfaçon : les présidents et vice-présidents de syndicats infracommunautaires ne pouvaient plus percevoir d'indemnités ! Du fait de l'article 40, seul le Gouvernement pouvait y remédier et je le remercie de l'avoir fait. Réduire le nombre de syndicats est légitime : certains sont des coquilles vides, d'autres ont le même périmètre que des intercommunalités à naître et certaines de leurs compétences seront désormais assumées de droit par les intercommunalités, comme l'eau ou l'assainissement. Mais on aura encore besoin de syndicats, scolaires notamment. Il est normal que les présidents et vice-présidents soient rémunérés.

Mme Catherine Di Folco.  - Indemnisés.

Mme Jacqueline Gourault.  - Leur dévouement doit être reconnu. La situation n'est pas la même en Île-de-France et dans le Loiret...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Ou le Finistère !

Mme Jacqueline Gourault.  - Reste la question de la date... Sortirez-vous de votre poche l'amendement 2020, madame la ministre ? Cela nous ferait grand plaisir. (Applaudissements)

M. Christian Favier .  - L'article 15 de la loi du 31 mars 2015 a instauré un DIF des élus locaux destiné, par exemple, à préparer leur reconversion professionnelle. Un décret en Conseil d'État devait en déterminer les modalités d'application, il n'est jamais venu - le décret du 26 octobre 2015 ne traite que du crédit d'heures des élus municipaux et communautaires. Cette proposition de loi supplée-t-elle à ce décret ? Est-ce la raison de l'engagement de la procédure accélérée ? Un décret restera nécessaire...

Et cette proposition de loi sert de véhicule pour revenir sur la suppression des indemnités des présidents et vice-présidents de certains syndicats par la loi NOTRe. L'objectif de supprimer les petits syndicats n'est pas remis en cause. Nous y restons hostiles : pourquoi remplacer des syndicats construits sur la base de projets partagés par des intercommunalités trop grandes ? Nous défendrons la prolongation du versement des indemnités jusqu'en 2020.

Pourquoi, en outre, faire payer leur formation aux élus ?

Malgré tout, le groupe CRC votera ce texte, en rappelant que la question du statut de l'élu reste d'actualité. (Applaudissements à gauche)

M. Antoine Lefèvre .  - Tout arrive... Merci aux auteurs de cette proposition de loi qui donnera enfin aux élus accès à la formation à laquelle ils ont droit, trente ans après les premières lois de décentralisation, vingt ans après la loi de 1992.

Il a fallu un an à l'Assemblée nationale pour inscrire à son ordre du jour la proposition de loi Sueur-Gourault, qui n'a été votée qu'en 2015... et reste inappliquée, l'organisme collecteur du versement destiné à financer le DIF n'ayant pas été désigné. Il n'est que temps de prendre les décrets d'application et de voter cette proposition de loi.

La gestion d'une collectivité territoriale ne s'improvise pas. Or la démocratie représentative suppose que chaque citoyen puisse être élu, et pas seulement les sachants - d'où la nécessité de développer pour tous la culture de la formation.

La Caisse des dépôts et de consignation est un choix évident pour gérer le dispositif, puisqu'elle est déjà en charge du DIF dont disposent tous nos concitoyens.

Je ne reviendrai pas sur la saga des indemnités des présidents et vice-présidents de syndicats, me contentant de dire que je me réjouis de la perspective d'issue positive. (Applaudissements)

Mme Nicole Duranton .  - Cette proposition de loi conforte un dispositif voulu par le Sénat, soit le DIF, par lequel les élus peuvent préparer leur réinsertion professionnelle. Au-delà, la formation des élus est essentielle, comme le rappelait Antoine Lefèvre dans son rapport de 2012, vu la complexité de leurs tâches et la variété des compétences des collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation.

L'autre enjeu est celui de l'après-mandat. Les États généraux de la démocratie locale ont révélé la nécessité de créer un véritable statut de l'élu. S'engager dans un mandat local, c'est mettre entre parenthèses sa carrière professionnelle et, surtout si l'on est jeune et encore sans beaucoup d'expérience professionnelle, prendre un gros risque. Le mandat d'élu est assimilable à une profession qui pourrait s'interrompre du jour au lendemain !

Confier la gestion du fonds à la Caisse des dépôts et de consignation est un gage d'efficacité. Le DIF participe aussi au renouvellement de la classe politique, contre la monopolisation et le cumul des mandats dans le temps.

Bref, je suis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements)

M. Jackie Pierre .  - Le proposition de loi Sueur-Gourault reprenant en partie de celle de Mme des Esgaulx et M. Saugey, vise à faciliter l'exercice pour les élus locaux de leur mandat. Une charte de l'élu local prévoit désormais ses droits et ses devoirs, définit la notion de prise illégale d'intérêt. Une meilleure conciliation entre mandat et vie professionnelle a été recherchée, ainsi que des garanties pour la réinsertion professionnelle et un droit à la formation.

Nombre d'élus ont dû renoncer à leurs activités professionnelles. Grâce à Antoine Lefèvre, les élus locaux bénéficient désormais d'un DIF pour préparer leur réinsertion. Le décret du 26 octobre 2015 a précisé la mise en oeuvre du dispositif.

Ce texte complète la loi du 31 mars 2015 en désignant la Caisse des dépôts et consignations come organisme collecteur. Elle a fait la preuve de son expérience en la matière.

Je voterai cette proposition de loi. J'espère qu'elle suscitera des vocations chez les jeunes qui souhaitent s'engager en politique. (Applaudissements au centre et à droite et sur quelques bancs)

Mme Marylise Lebranchu, ministre .  - Monsieur Favier, on ne pouvait désigner par décret un organisme collecteur. Une loi est nécessaire. J'entends vos propositions. Nous travaillons à mieux former les élus sur leurs droits.

Il ne s'agit pas de favoriser les élus comme certains le prétendent sur Internet. Les élus dans les petites communes doivent gérer des questions très variées et complexes sans avoir de services à leur disposition. Ayons le courage de le réaffirmer : nos élus font un travail essentiel en particulier dans nos petites communes où ils ne disposent pas souvent de moyens suffisants, ils sont les relais de la République dans nos territoires.

Je suis d'accord avec la proposition de Mme Gourault pour effectuer un travail transpartisan sur la réalité des indemnités, les choses sont très éloignées de ce qu'on en dit ici ou là !

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Didier Guillaume.  - C'est clair !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - C'est pourquoi j'avais proposé dans la loi NOTRe l'automaticité des indemnités, pour ne pas avoir à les négocier au coup par coup, ce qui nourrit le populisme. Les indemnités sont nécessaires au renouvellement des élus, à la démocratie elle-même. Le gel du point d'indice s'ajoute au problème des indemnités et les élus sont pénalisés deux fois. Ce n'est pas juste.

L'objectif est de parvenir à un vote rapide pour réparer une lacune s'agissant des présidents de syndicats. Après discussion avec les parlementaires, la date de 2020 a été arrêtée. Attention toutefois à parvenir à un vote conforme.

Il faudra aussi regarder dans les détails : parfois l'indemnité perçue en tant que président d'un syndicat est supérieure à celle perçue en tant que maire. Sur les 14 000 syndicats, 5 000 sont visés.

Il faut aussi regarder compétence par compétence : certains syndicats infracommunautaires exercent des compétences qui ne sont pas exercées par d'autres instances. Une mise à plat est donc nécessaire.

N'est-ce pas le rôle du Sénat ? En tout cas les préfets discutent avec les élus et sont prudents. Les propositions des élus locaux sont d'ailleurs souvent plus ambitieuses.

Ne nous laissons pas influencer par les commentaires populistes qui prolifèrent sur certains sites et sur ceux-ci seulement : nos concitoyens sont la plupart du temps très satisfaits du travail de leurs élus, loin des caricatures véhiculées dans certains médias. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Vous avez dit que dans certains cas les propositions des élus locaux allaient souvent plus loin que celles du préfet.

Nous avons longuement débattu de la question du seuil des intercommunalités. Or nous nous apercevons à présent que souvent l'esprit de la loi n'est pas respecté : bien des schémas préfectoraux créent des intercommunalités dont la population est très supérieure aux seuils légaux. Je vous mets en garde contre des lendemains difficiles. La taille n'est pas tout. Une intercommunalité suppose une affectio societatis. Plus le territoire est vaste, plus l'harmonie est nécessaire. (Applaudissements à droite)

M. Alain Vasselle.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 2123-12-1 est ainsi rédigé :

« Les membres du conseil municipal bénéficient chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Le montant annuel des crédits qui y sont consacrés ne peut être inférieur à 1 % des indemnités des élus. Ces crédits sont collectés par un organisme collecteur national. » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 3123-10-1 est ainsi rédigé :

« Les membres du conseil départemental bénéficient chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Le montant annuel des crédits qui y sont consacrés ne peut être inférieur à 1 % des indemnités des élus. Ces crédits sont collectés par un organisme collecteur national. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 4135-10-1 est ainsi rédigé :

« Les membres du conseil régional bénéficient chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Le montant annuel des crédits qui y sont consacrés ne peut être inférieur à 1 % des indemnités des élus. Ces crédits sont collectés par un organisme collecteur national. »

II.- La perte de recettes résultant du I pour le fonds pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux prévu à l'article L. 1621-3 du code général des collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le DIF ne doit pas être financé en ponctionnant les indemnités des élus. Après avoir entonné ce bel hymne aux élus locaux, justifiant pleinement leurs indemnités, comment ne pas donner un avis favorable à mon amendement, madame la Ministre ? Non seulement, elles n'ont pas été réévaluées depuis 2002, mais elles ont baissé. Voilà l'occasion de les réévaluer.

Vous appelez à une réflexion transpartisane. Mais lorsque le Gouvernement nous a imposé la loi NOTRe, que je n'ai pas votée, avec la suppression des syndicats et des indemnités, il ne nous a pas consultés !

Les hymnes aux élus locaux sont touchants, mais le temps est venu de mettre enfin des actes en accord avec les paroles !

Les citoyens ne sont pas dupes. Ils connaissent le travail de leurs élus, se représentent l'engagement qu'il exige, en tout cas dans les collectivités que je connais bien, les petites communes.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement ne précise pas de financement pour remplacer le prélèvement sur les indemnités.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Avis défavorable. Il est vrai que la rédaction du texte est ambiguë. Comment affirmer que le DIF est obligatoire et demander aux élus de le financer ? Il nous faudra examiner cette question.

Il faudra aussi revoir la grille des indemnités. Je continuerai à travailler sur ce sujet. Mais cela demande du temps.

M. Alain Vasselle.  - Les collectivités territoriales ont l'obligation de financer la formation des élus dans la limite de 20 % des indemnités. Certes la loi n'a pas précisé que ces crédits dédiés couvraient le DIF des élus, mais des associations départementales de maires l'ont compris ainsi, en diffusant des brochures proposant des formations à ce titre, dont les élus déduisent, c'est le cas dans l'Oise, qu'ils pourront exercer leur droit individuel à la formation sans prélèvement sur leurs indemnités. Je voterai cet amendement.

Pourquoi ne pas profiter du temps qui nous reste jusqu'à la CMP pour préciser que l'assiette est celle des indemnités versées par les collectivités territoriales, en excluant les indemnités des maires et des adjoints ?

M. Gérard Bailly.  - L'État demande des économies aux collectivités territoriales mais les oblige à prendre la totalité des indemnités des élus.

La collectivité territoriale est libre de fixer le montant des indemnités dans le respect d'un plafond. Pourtant les préfets parfois refusent, comme dans le Jura, obligeant les maires de communes de moins de mille habitants à percevoir la totalité de leurs indemnités, même lorsqu'ils ne le souhaitent pas.

Le Gouvernement entend-il donner des instructions aux préfets afin de clarifier la situation des maires des communes de moins de mille habitants ?

M. Éric Doligé.  - Je souscris aux propos de MM. Collombat et Vasselle. Si nous ne votons pas l'amendement de M. Collombat, nous devrions changer le titre de la loi, celui-ci devenant « baisse des indemnités des élus ».

De plus, il serait pertinent de fusionner les différents régimes de formation existants - DIF et formation des maires et adjoints. (Applaudissements à droite)

M. François Pillet.  - Je ne puis pas ne pas réagir. Il est inadmissible de reprocher à des maires de petites communes de percevoir une indemnité, surtout quand on en connaît le montant, alors même que souvent ils renoncent à se faire rembourser les frais de transports auxquels ils ont droit.

La loi a clarifié heureusement les choses et fixe les modalités de versement des indemnités. C'est tant mieux. Un maire qui se trouve réellement dans une situation telle qu'il n'exerce son mandat que pour le plaisir peut toujours faire don de son indemnité au Centre communal d'action sociale (CCAS), à une association locale voire à sa commune. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Mercier.  - Je ne suis pas spécialiste de ces questions mais je suis sûr d'une chose : il ne peut y avoir de démocratie sans élus. Il est aussi normal qu'ils soient indemnisés.

Souvenez-vous de ce mot d'Alphonse Baudin, juché sur une barricade lors du coup d'État du 2 décembre 1851, qui jeta, avant de s'effondrer mortellement blessé par une balle : « Vous allez voir comment l'on meurt pour 25 francs par jour ! ». C'était le montant de l'indemnité parlementaire de l'époque.

Après les régionales, certains ont décidé de baisser leurs indemnités, de 10 %, par exemple, sur un montant de 3 000 euros, et cela descend en cascade. Un élu local, avec peu de ressources, se voit contraint de céder à la démagogie ambiante et de subir une baisse de ses indemnités.

Il faudrait prévoir que ces indemnités soient versées par un centre de gestion, sans prévoir une délibération de l'ensemble du conseil municipal, afin d'éviter de céder à la démagogie ambiante. Autrement, les élus n'auront bientôt plus aucun droit ! (Applaudissements au centre)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le débat est révélateur de la culpabilisation des élus à laquelle nous assistons. La création d'une charte des élus va dans le même sens. Qu'il s'agisse d'indemnités, de patrimoine, de liens familiaux, de je ne sais quoi encore, il s'agit de ne cesser de battre notre coulpe, de nous flageller en permanence, et avec le sourire !

Les élus passent leur temps à faire des déclarations. C'est l'ère du soupçon généralisé. Où allons-nous de la sorte ? Que devient le respect dû à notre République et à ceux qui la servent ? Il faut en finir avec l'autoflagellation ! (Applaudissements au centre)

M. Ronan Dantec.  - Pour mettre un terme au populisme, le législateur doit se saisir de cette question et réfléchir en effet, comme nous y a invités la ministre, à la fixation d'une nouvelle grille indemnitaire. Libre à chacun d'en rétrocéder une partie, mais au moins chacun aura le choix d'exercer ou non cette faculté.

Ne confondons pas toutefois formation des élus pour assurer leur mandat et DIF. C'est pourquoi je ne voterai pas cet amendement. (M. Alain Vasselle s'exclame)

Mme Jacqueline Gourault.  - Pendant des années, lorsque j'en étais vice-présidente, l'AMF a réclamé, avec le soutien de l'association des maires ruraux, l'automaticité du versement des indemnités. J'avais même déposé une proposition de loi... Il faut encourager les jeunes à assurer des mandats locaux. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir le faire.

Une dotation de l'élu rural a été créée pour compenser les frais des maires des petites communes.

M. Alain Vasselle.  - Partiellement.

Mme Jacqueline Gourault.  - Certes. Libre à chacun néanmoins de rétrocéder une partie de ses indemnités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC, à droite et sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - On s'éloigne du texte... Mais je suis prête à ouvrir ce chantier. En attendant, il est urgent de voter ce texte et de trouver un accord avec l'Assemblée nationale.

Monsieur Collombat, la rédaction de votre amendement, je le maintiens, est imprécise. Il manque le financeur. Retrait ?

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéas 7 à 10

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le chantier à peine ouvert est aussitôt refermé ! Cet amendement est défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Avis défavorable.

M. Alain Vasselle.  - Mme la ministre a ouvert la porte à une réflexion. J'y insiste, trouvons une solution d'ici la CMP.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Je lève le gage.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - La commission des lois n'a pas examiné cet amendement mais il me paraît sage.

L'amendement n°4 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

ARTICLE 3

M. Claude Kern .  - Je salue l'initiative de notre rapporteur qui a inclus cet article 3. L'article 15 de la loi NOTRe a suscité l'incompréhension des élus locaux. Les syndicats sont appelés à se multiplier à cause de l'extension de leurs compétences.

Le Gouvernement a reconnu son erreur. J'avais déposé une proposition de loi. L'article 3 apporte une solution. Je le voterai.

M. Didier Guillaume .  - L'amendement du Gouvernement est important. L'erreur de la loi NOTRe pose beaucoup de problèmes. Les élus des petits syndicats ont beaucoup de responsabilités et n'ont souvent pas l'assistance de services techniques dédiés. Leurs présidents sont sans cesse sur le terrain, aux côtés des ingénieurs ou des responsables de travaux.

Nous aurions souhaité que l'on aille jusqu'à la fin du mandat municipal. Mais comme il nous faut parvenir à un vote conforme, nous voterons cet article qui constitue une avancée. Le Sénat tout entier y a contribué. Nous aurons le temps d'approfondir la réflexion. Je ne doute pas du vote de l'Assemblée nationale.

M. René Danesi .  - Dans mon département, nous fusionnons les sept communautés de communes qui constituent notre pays. L'idéal serait de donner à l'intercommunalité les compétences stratégiques, économie et développement durable, eau et assainissement, urbanisme, et de confier les autres à des syndicats spécialisés.

Les difficultés dues au climat actuel sont du pain bénit pour les opposants à cette fusion. Ce texte est bienvenu.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il nous reste très peu de temps pour adopter un texte qui puisse ensuite être voté conforme. Le contre-la-montre est commencé !

M. le président.  - Merci de ce rappel utile !

Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 1 et 5

Remplacer les mots :

deux ans après la publication de la loi précitée

par les mots :

à compter du 1er janvier 2020

II.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

à l'expiration du délai de deux ans fixé au I

par les mots :

au 31 décembre 2019

III.  -  Alinéa 6

Remplacer les mots :

à l'expiration du délai de deux ans fixé au IV

par les mots :

au 31 décembre 2019

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Il est défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - La commission des lois n'a pu examiner cet amendement déposé cet après-midi. Mais il semble qu'il vous donne largement satisfaction, même s'il ne va que jusqu'au 1er juin 2020.

L'amendement n°5 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - La suppression des indemnités avait été adoptée nuitamment de manière scandaleuse. Elle accréditait l'idée que les élus étaient des profiteurs, gavés d'indemnités. Je suis bien content de n'avoir pas voté la loi NOTRe. J'espère que le Gouvernement tiendra ses engagements sur les indemnités. Les syndicats font un travail réel et essentiel.

Mme Françoise Gatel .  - Je suis heureuse que nous corrigions une telle erreur. Il est inadmissible aussi de modifier en cours de mandat les indemnités des élus ! (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Ce n'est pas une avancée mais un moindre recul : pour l'après-2020, le problème reste entier !

M. Didier Guillaume.  - S'il n'y avait que celui-là !

M. René Vandierendonck .  - En partant exercer ses fonctions au Conseil constitutionnel, M. Hyest nous a invités à rationaliser la loi et... à corriger cette boulette.

J'ai discuté ensuite une partie de la nuit avec M. Dussopt, rapporteur de l'Assemblée nationale. Je ne doute pas qu'elle votera ce texte conforme.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

CMP (Candidatures)

M. le président.  - La commission des affaires économiques a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 30.

Laïcité (Proposition de loi constitutionnelle)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article premier de la Constitution.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - Notre groupe n'est pas favorable par principe aux révisions constitutionnelles fréquentes, tant la Constitution est un facteur de stabilité institutionnelle. Si, héritiers de la gauche démocratique, nous avons déposé cette proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire dans la Constitution le titre premier de la loi du 9 décembre 1905, c'est pour porter une nouvelle fois le message que notre groupe a toujours porté sous trois républiques successives.

Après les événements dramatiques de janvier et novembre derniers, il nous paraît nécessaire de donner valeur constitutionnelle, non pas à toute la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, mais à son seul titre premier, afin que cette loi devienne inamendable. Car le principe de laïcité ne saurait être affaibli par des adjectifs qui le dénaturent, laïcité inclusive, accommodante, positive... et j'en passe. J'ai cru entendre ce matin en commission qu'il pouvait y avoir une laïcité concordataire...

Il est absurde d'opposer la laïcité à la religion puisque la première est la liberté des consciences et des cultes. Elle est consubstantielle à la liberté - la constitution de l'An III l'avait intégrée. Ferdinand Buisson résumait ainsi le sens de la loi de 1905 : « l'Église libre dans l'État souverain ». Or, de même que Pie X s'opposait à la loi de 1905, l'islam radical défie aujourd'hui le modèle républicain. Quand on invoque la liberté, il faut concilier le strict respect de principes non négociables et le bon sens. Clemenceau le disait en 1906 à l'occasion des inventaires, « compter le nombre de chandeliers ne vaut pas une vie d'homme » - voilà le mot d'un grand homme d'État, espèce en voie de disparition malgré la loi sur la biodiversité... (Sourires)

S'il peut être raisonnable de proposer un menu alternatif dans les cantines, il ne l'est pas d'y servir une nourriture halal ou kasher. (M. Loïc Hervé approuve) Si l'on peut accepter baux emphytéotiques et garanties d'emprunt, il convient de ne pas aller au-delà.

Je respecte l'opinion de nos collègues d'Alsace-Moselle, si je ne la partage pas. Le concordat ne s'applique pas à l'islam, certes. Et il m'est difficile de concevoir que le délit de blasphème soit encore applicable à ces trois départements, pourtant partie intégrante du territoire de la République.

M. René Danesi.  - Il n'est plus appliqué depuis un siècle !

M. Jacques Mézard.  - Le danger qui menace les fondements de notre société, c'est le communautarisme - doctrine selon laquelle la société s'organise sous la forme de communautés de personnes partageant une identité culturelle, ethnique ou religieuse. Fait révélateur, le mot est un néologisme des années 1980...

Le président Jacques Chirac a eu raison de faire adopter la loi encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires, comme il avait eu raison de déclarer le 17 décembre 2003 que « le communautarisme ne saurait être le choix de la France ».

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est vrai !

M. Jacques Mézard.  - Incarnation du populisme, clone de l'inculture, intolérant, le communautarisme n'est pas fongible dans la laïcité ; là où la laïcité émancipe, il enferme l'individu dans son identité étroite. À chaque fois qu'il progresse, la laïcité s'affaiblit et avec elle la démocratie. Chaque renoncement se paie cash au détriment de l'unité nationale et de la République. Trop d'élus de toutes sensibilités y ont cédé par électoralisme, devenant les prisonniers de leurs propres turpitudes et compliquant la tâche de leurs collègues plus courageux... Il appartient à l'État d'être moins laxiste - le contrôle de légalité doit encore avoir son utilité. Les principes laïcs sont le seul moyen de protéger les minorités et les diversités.

Je m'interrogeais le 16 novembre 2015 devant le Congrès, rappelant que la IIIe République avait fait preuve de fermeté : « pourquoi la Ve République n'applique-t-elle pas la même loi contre ceux qui prêchent la haine et la mort ? » Assez de frilosité, de fausse pudeur, de lâcheté ; nos nations sont en guerre contre un fanatisme djihadiste barbare, qui menace tout ce qui fait notre société, notre vie : nous ne pouvons cautionner le message laxiste d'une laïcité molle, nous devons combattre ceux qui veulent, au nom de la religion, réduire à néant des droits universels. Comme Élisabeth Badinter et Régis Debray, je considère insupportable le chantage à l'islamophobie. Nous n'avons pas de leçon de démocratie à recevoir de ceux qui font l'apologie de régimes dans lesquels la religion d'État impose une chape de plomb à ceux qui croient autrement ou ne croient pas. Il n'est point de liberté sous le fouet.

Comme le dit jean Glavany, « être laïque, ce n'est pas tout accepter des religions sous prétexte que la laïcité n'est pas et ne sera jamais antireligieuse ; c'est être exigeant avec elles pour qu'elles se démarquent sans ambigüité de leurs intégrismes respectifs. C'est ainsi qu'elles montreront leur fidélité à la République ». La séparation des Églises et de l'État, c'est la paix civile : imaginez le débat sur la loi Veil sans cette séparation, ou encore sur le mariage pour tous ? Comment accepter de remettre en cause l'égalité entre les hommes et les femmes ?

L'importance de la laïcité comme principe constitutif de la construction et de l'identité de notre République doit être plus que jamais proclamé, contre tout renoncement intellectuel ou d'interprétation. Il ne doit souffrir aucune contestation. C'est la raison de cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois .  - L'initiative du président Mézard provoque un débat pertinent dans le contexte particulier que connaît le pays après les attentats. Pour assurer la profondeur de notre réflexion, nous devons nous extraire des querelles de l'instant et nous en tenir à une analyse juridique rigoureuse. C'est ce à quoi je me suis employé.

L'apport de la loi de 1905, c'est d'avoir laïcisé les institutions sans avoir laïcisé la société. Que change ou ne change pas l'incorporation du titre premier de la loi de 1905 dans la Constitution ? Le principe de laïcité, même si le mot n'y figure pas, est contenu dans la déclaration des droits de l'homme et dans l'article premier de la Constitution. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 février 2013, a noté que « le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il en résulte la neutralité de l'État, qu'il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu'il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ».

L'intégration des articles premier et 2 de la loi de 1905 dans la Constitution n'organiserait que des modalités de séparation entre les Églises et l'État - la séparation entre deux personnes morales en quelque sorte... Elle ne règlerait pas les relations entre les particuliers et l'État, non plus que l'application d'un éventuel principe de laïcité dans la sphère privée, non plus que les comportements à connotation religieuse des citoyens hors leur domicile.

La constitutionnalisation répondra-t-elle aux débats actuels ? Juridiquement, non. En revanche, elle bouleverserait le pacte social et la paix civile, le droit applicable dans les territoires concordataires et certaines dispositions favorables aux cultes confortées par la jurisprudence.

Le Conseil constitutionnel a noté, le 21 février 2013, que la Constitution de 1958 « n'a pas entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République (...) relatives à l'organisation de certains cultes et notamment à la rémunération de ministres du culte ». Si la proposition de loi était adoptée, les particularités locales anciennes au bénéfice de certains cultes en Alsace-Moselle et dans certains territoires outremer, Polynésie, Guyane, Mayotte, disparaîtraient à la première question prioritaire de constitutionnalité...

Le Conseil constitutionnel n'a pas non plus constitutionnalisé l'interdiction de subventionner les cultes, les dispositions législatives amodiant celle-ci sont la condition d'une situation pacifiée. Si la proposition de loi était votée, les avantages fiscaux, les baux emphytéotiques et les garanties d'emprunt accordés deviendraient inconstitutionnels.

Nous sommes parvenus à un équilibre, un consensus ; cette proposition de loi ferait en définitive naître bien des incertitudes juridiques sans répondre au débat actuel sur le communautarisme.

J'ai la certitude que la laïcité, qui est volonté de protéger la liberté de conscience, veut aujourd'hui expressément renforcer cette liberté contre les risques que certaines attitudes communautaires lui font encourir. Si telle est aussi votre préoccupation, la proposition de loi constitutionnelle n'y répond pas. La commission des lois en recommande le rejet. Je vous invite à proclamer ensemble que « laïcité » est exclusivement un mot porteur de paix. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Notre rapporteur est si clair et si profond que je me contenterai de quelques mots. La question de la séparation des Églises et de l'État est tranchée depuis longtemps. Mais la laïcité a connu, dès 1906, des tempéraments pour en rendre l'application plus facile. Alsace-Moselle, distinction entre la subvention des constructions de lieux de culte et salaire des ministres du culte - bien des points ont été précisés. Avec cette proposition de loi, toutes ces dispositions législatives deviendraient inconstitutionnelles : c'est pourquoi l'engagement du président de la République pendant sa campagne n'était pas raisonnable.

M. François Grosdidier.  - Ce n'était pas le seul !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Le principe de la laïcité, pour autant, ne devrait-il pas être débattu ? S'il ne faut pas raviver les querelles du passé, notre société a évolué, en particulier avec les revendications communautaristes - le président Mézard y a fait référence.

La conception française de la laïcité a pour principale vertu de faire vivre, autour des valeurs de la République et de ses lois, ceux qui se rattachent à des systèmes de pensée religieuse irréductibles entre eux. C'est ce principe qui est remis en cause par ceux qui exigent des règles particulières qui prévaudraient sur la règle commune. C'est, en particulier, le fait de l'islamisme radical - que je ne confonds pas avec l'islam -, conception toxique pour le vivre ensemble.

C'est pourquoi nous devons donner un coup d'arrêt à ces revendications qui portent en elles la subversion de la loi républicaine, et rappeler des repères qui parfois se perdent de manière inquiétante.

J'ai pensé proposer un amendement... Il disait que nul individu, nul groupe ne peut se prévaloir de sa croyance ou de son origine pour s'exonérer de l'application de la règle commune. C'est bien le moins, chacun de vous, j'en suis sûr, le voterait. Mais j'ai considéré que les choses n'étaient pas mûres. La loi fondamentale ne doit être révisée que pour des motifs impérieux.

M. Jacques Mézard et Mme Françoise Laborde.  - Certes !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je continue à penser que s'il y avait consensus entre nous, nous pourrions réaffirmer ainsi les principes du vivre ensemble - mais je veux bien attendre, travailler encore pour y parvenir.

Dans cette attente, malgré l'intérêt de cette proposition de loi, je crois plus raisonnable de ne pas l'adopter. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports .  - Veuillez excuser M. Urvoas, qui m'a demandé de le remplacer. Cette proposition de loi touche à cette question essentielle de la laïcité - son principe et efficacité. La commission a rejeté ce texte mais la qualité de ses travaux nous offre de nouveaux éclairages.

La séparation de l'Église et de l'État figure déjà dans notre Constitution. L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi. L'article premier de la Constitution dispose que la France est une République laïque, ce qui rend non conformes aux lois de la République toute revendication de nature identitaire. La liberté de conscience a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental dans sa décision du 23 novembre 1977.

La proposition de loi ne changerait donc pas le droit positif. Mais elle interdirait toute subvention aux cultes alors que plusieurs exceptions légales existent aujourd'hui. Elle remettrait en cause les équilibres juridiques et politiques - y compris en Alsace-Moselle alors qu'une question prioritaire de constitutionnalité a reconnu la constitutionnalité du concordat. Même chose pour les régimes particuliers outre-mer, dont certains remontent au XIXe siècle - une ordonnance de 1828 pour la Guyane.

La loi de 1905 elle-même comporte des exceptions : son article 13 autorise les communes à financer l'entretien des édifices de culte dont elle est propriétaire - c'est le cas de 87 cathédrales - et son article 19, à subventionner les associations cultuelles pour la réparation des édifices.

Cette proposition de loi fait un tri dangereux dans la loi de 1905, elle bouleverserait les équilibres auxquels nous sommes parvenus. Les tempéraments que le législateur a apportés à la loi de 1905 permettent un exercice convenable des cultes, dont la laïcité garantit la liberté.

Cette proposition de loi reviendrait sur ces principes que le Gouvernement ne veut pas mettre en péril, surtout quand notre pays est attaqué : ce n'est pas le moment de fragiliser inutilement notre société.

La vraie question est celle du respect des lois de la République - cela requiert des actions fortes, pas de lois nouvelles. Le Gouvernement agit, avec un plan de formation à la laïcité des acteurs de la politique de la ville : 10 000 personnes seront formées. (M. Jacques Mézard s'esclaffe) L'enseignement civique et moral...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pas beaucoup !

M. Patrick Kanner, ministre.  - ... l'enseignement à la tolérance, à l'égalité entre les sexes, c'est ce qui prépare les jeunes à la citoyenneté. Même chose pour le service civique, même chose pour la réserve citoyenne.

Sans doute peut-on renforcer ces actions, mais il n'est nul besoin de cette proposition de loi. « La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 ». Je reprends ce qu'on peut lire dans votre exposé des motifs, monsieur le président Mézard, mais pour inviter le Sénat à ne pas adopter ce texte. (Applaudissements au centre et à droite ; M. René Vandierendonck applaudit aussi)

Mme Esther Benbassa .  - Freud a écrit : « Pas de culture sans censure ». Régis Debray et Didier Leschi, dans la préface de leur petit guide pratique, La laïcité au quotidien, ne disent pas autre chose : « Pas de civilité sans autodiscipline. (...) Un pouvoir qui ne pose pas de bornes à ses prérogatives, comme une société qui ne se donne pas des normes à respecter (...) verse vite dans la tyrannie du plus fort, du plus riche ou du plus nombreux. Toute coexistence pacifique exige que soient établies et préservées certaines distances de sécurité entre partenaires et concurrents, avec des digues pour empêcher les débordements »

La séparation entre Dieu et César favorise la paix civile. La loi de 1905 assure la liberté de conscience et le libre exercice des cultes - sans parler de laïcité. Le petit père Combes, sénateur, ancien séminariste, avait fait voter l'année précédente une loi interdisant toute activité d'enseignement aux congréganistes. La laïcité de Combes était une religion civile à la Rousseau...

Mme Françoise Laborde.  - Cela faisait longtemps !

Mme Esther Benbassa.  - C'est contre cette conception que, pour réconcilier les deux France, fut adoptée la loi de 1905, plus libérale, et dont le rapporteur était Aristide Briand.

En 1946, nouvel accord pour inscrire la laïcité dans le préambule de la Constitution - dans un large consensus politique, des communistes au MRP.

La laïcité figure à l'article premier de la Constitution de 1958. Le Conseil constitutionnel a jugé que le principe figurait au nombre des libertés que la Constitution garantit et qu'il était compatible avec les aménagements qui y ont été apportés.

Pourquoi, alors, cette proposition de loi ? En ces jours d'incandescence politique, elle risque de réveiller de vieux antagonismes tout en contribuant à la stigmatisation des musulmans modérés, alors que l'islam est une religion minoritaire - à l'inverse du catholicisme que Combes et Briand combattaient.

Ne vaut-il pas mieux une laïcité ouverte, inclusive, qui unit et intègre plutôt que divise ? Combes contre Briand et Jaurès, c'est un combat d'un autre temps, nul besoin de le relancer. (Applaudissements au centre et à droite, sur les bancs de la commission ; M. René Vandierendonck applaudit aussi)

M. David Rachline .  - Comme l'a dit M. Cazeneuve, la laïcité est un vecteur de liberté. Qu'il faille rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César, cela fait 2 000 ans au moins qu'on le sait... Mais ne confondons pas la laïcité avec le laïcisme, qui interdit toute référence à la transcendance.

Ne nous voilons pas la face : le problème ne vient pas de quelques évêques gauchisants qui s'en prennent au premier parti de France, mais des islamistes. Pour certains musulmans, la laïcité est une valeur à combattre : horaires des piscines aménagés, menus spéciaux dans les cantines scolaires, programmes adaptés dans certaines matières scolaires - trop d'aménagements et de coups de canifs, par bien-pensance ou soi-disant antiracisme, alors que se développent, au nom d'une lecture rigoriste de l'islam, des pratiques dont les Français ne veulent plus.

Cette proposition de loi ajoute une couche : la laïcité est déjà dans la Constitution, appliquons nos lois - et ceux qui n'y croient pas peuvent aller voir ailleurs !

Mme Françoise Laborde .  - Pourquoi cette proposition de loi ? Pour réaffirmer nos principes fondamentaux, pour en finir avec les ambigüités qui laissent prospérer le communautarisme, pour affirmer la neutralité de l'espace public en le protégeant contre toute forme de prosélytisme.

La loi de 1905 comprend 44 articles, nous ne proposons d'en constitutionnaliser que deux, ceux qui énoncent les principes.

C'est l'occasion de renforcer le deuxième terme de notre devise nationale : l'égalité. La République s'interdit de distinguer entre les citoyens selon leur religion, leurs origines, leur sexe. La laïcité est un outil d'émancipation.

Nous appelons ainsi à une clarification. La République étant une et indivisible, il faudra bien un jour en finir avec les arrangements appliqués outre-mer ou en terre concordataire. (Mouvements divers) Sinon, comment en refuser d'autres ? On peut sortir du régime concordataire progressivement... (M. Claude Kern s'exclame)

Notre proposition de loi ne fait que donner corps à un engagement du président de la République, alors que les accommodements déraisonnables nourrissent les incompréhensions. On l'a vu à l'occasion du débat sur le mariage pour tous. La jurisprudence du Conseil d'État sur les crèches dans les écoles est contradictoire.

Être laïque, ce n'est pas être islamophobe ou anticlérical. C'est le contraire : la lutte contre toutes les phobies à l'égard de l'étranger. Non, Élisabeth Badinter n'est pas islamophobe, elle est laïque.

L'absence de séparation stricte entre l'Église et l'État ne fait que renforcer les fondamentalismes. Donnons valeur constitutionnelle à la loi de 1905, l'une des plus émancipatrices et progressistes de nos lois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques autres bancs à gauche)

Mme Jacqueline Gourault .  - Pour l'écrasante majorité des Français, le principe de laïcité est devenu l'évidence même, comme la liberté de la presse ou d'association. Merci à Jacques Mézard de nous permettre d'évoquer ce texte emblématique qu'est la loi de 1905, auquel il rend un hommage inquiet.

Huit propositions de loi avaient été déposées en 1903 ; c'est finalement la ligne des modérés qui l'emporta, grâce à Aristide Briand, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et à Maxime Lecomte, rapporteur pour le Sénat.

M. Pierre-Yves Collombat.  - N'oubliez pas Jaurès !

Mme Jacqueline Gourault.  - Leur modération a conféré à ce texte sa longévité.

La laïcité s'impose à l'État non à la société. La loi de 1905 a encouragé le pluralisme dans l'Église : Mme Benbassa a mentionné le MRP, on peut aussi penser à l'Action catholique ouvrière.

La laïcité est aujourd'hui menacée par les revendications communautaristes, auxquelles les maires sont particulièrement confrontés, mais aussi les fonctionnaires, à l'école ou à l'hôpital.

Partageant les inquiétudes de Jacques Mézard, nous ne croyons pas que cette proposition de loi y réponde. L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article premier de la Constitution de 1958 garantissent déjà la laïcité. Constitutionnaliser la loi de 1905, qui demeure de référence, n'apporterait rien. La Constitution n'a pas vocation à devenir un simple code de la République. Il n'est pas prudent non plus de mettre en cause les règles dérogatoires applicables en Alsace-Moselle ou en outre-mer, non plus que l'autorisation des subventions ou baux emphytéotiques aux associations culturelles.

Le groupe UDI-UC ne votera pas cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Éliane Assassi .  - Belle initiative que celle du groupe RDSE, car elle pose une vraie question. Attention cependant à la stabilité de notre Constitution, alors que la polémique fait rage sur le projet de loi constitutionnelle du Gouvernement.

Faut-il inscrire dans la Constitution une loi ordinaire ? Qu'adviendrait-il si elle était modifiée ?

Il n'y a pas de laïcité « ouverte » ou « fermée ». Avec ces adjectifs, le mot est devenu trop élastique. D'un point de vue juridique, nous partageons les conclusions de la Commission des lois : l'équilibre auquel est parvenu le droit des cultes en France fait l'objet d'un relatif consensus, qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause, sauf à vouloir susciter des débats houleux.

« La France n'est pas schismatique, elle est révolutionnaire » a dit Jaurès lors de la discussion de la loi de séparation des Églises et de l'État, « la plus grande réforme qui ait été tentée depuis la Révolution ».

La laïcité est un pilier du socle de notre communauté nationale, par opposition à une multiplication des communautés dans la nation. Il ne s'agit pas de taire les dérives idéologiques, ni les stratégies de radicalisation se prévalant de l'islam, mais de veiller à ce que la laïcité ne soit pas identifiée à la sauvegarde d'une identité nationale refermée sur elle-même, exclusive de toute influence qui viendrait la pervertir, hostile à toute immigration, à toute singularité culturelle ou cultuelle.

Avant même la séparation de l'Église et de l'État, la loi Ferry de 1880 laïcisait l'enseignement public, l'éducation reste essentielle. La neutralité des services publics est, elle aussi, la garantie de l'égalité des citoyens. La question des menus des cantines scolaires, régulièrement agitée dans les médias, ne serait nullement résolue par la constitutionnalisation de la loi de 1905.

La question ne se pose plus dans les mêmes termes qu'en 1905. Car, comme dit Jean Baubérot, « elle n'est plus liée à un conflit hexagonal, mais à la peur d'une mondialisation anglo-saxonne, des flux migratoires et de l'islamisme politique international ». C'est pourquoi, s'il n'est pas inutile de rappeler les fondements de notre laïcité, il n'est pas nécessaire d'en préciser la portée, étant donné que sa valeur constitutionnelle est déjà reconnue. Dans un souci d'apaisement, nous nous abstiendrons.

M. Didier Marie .  - En 2015, notre pays a été attaqué au nom d'une religion dévoyée. Ce que les terroristes ont visé, ce sont les valeurs de la République, notre projet humaniste et notre histoire. La laïcité plonge ses racines dans la lutte pour la liberté du XVIIIe siècle. C'est avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que meurt la société aristocratique et cléricale de l'Ancien Régime, pour laisser place à une société d'égalité. Au XIXe siècle, déjà, Victor Hugo appelait à mettre la religion à sa juste place.

La IIIe République cesse de considérer que la religion a plus d'utilité sociale que l'athéisme humaniste ; elle se place hors de la sphère religieuse, pour laisser à chacun sa liberté de conscience. La loi de 1905 parachève ce mouvement. La laïcité, disait Jaurès, est consubstantielle à la démocratie - il les identifiait même.

Aujourd'hui, partout dans le monde, on assiste à un retour en force du religieux dans le domaine politique : théocratie, djihadisme, mais aussi victoire d'un ultraconservateur religieux au caucus républicain de l'Iowa ce week-end, des conservateurs proches de l'Église en Pologne et en Russie.

On parle de laïcité « ouverte », « positive », comme si elle avait besoin de qualificatifs. Un restaurant Kebab est attaqué à Ajaccio, un enseignant juif qui porte la kippa est agressé à Marseille.

Si la France a changé, la laïcité conserve toute sa modernité. Le vivre ensemble reste une lutte de tous les jours. Comme les extrémismes religieux, l'extrême droite est l'expression de l'hostilité à l'autre - et elle voudrait donner des leçons de laïcité !

Le communautarisme se développe dans des quartiers ghettoïsés, souvent sinistrés. Des jeunes, manipulés par des prédicateurs, se construisent une identité en s'opposant à la République.

Il faut briser cet engrenage. Comme disait Jaurès, la laïcité, c'est la promesse de la République sociale, avec ses droits concrets : aide sociale, éducation, accès à la culture... C'est le sens de la politique du Gouvernement. (M. Roger Karoutchi ironise)

Faut-il constitutionnaliser le titre premier de la loi de 1905 ? L'intention est louable. Mais la laïcité a déjà valeur constitutionnelle. Le juge constitutionnel a fait des libertés de conscience et de culte des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. En 2013, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, il a constitutionnalisé le principe de laïcité - après l'élection de François Hollande.

Dès lors, pourquoi surajouter à la Constitution ? D'autant que cela remettrait en cause l'équilibre trouvé au prix de onze modifications de la loi de 1905, le régime alsacien-mosellan notamment. Le principe de non-subventionnement des cultes a fait, lui, l'objet de nombreux tempéraments et n'a pas valeur constitutionnelle.

Le groupe socialiste et républicain, souhaitant apaiser plutôt qu'ouvrir de nouveaux fronts, s'abstiendra sur cette proposition de loi. La laïcité doit être défendue. C'est une langue vivante, faisons en sorte que tous ceux qui vivent dans notre pays la comprennent et la parlent couramment. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi .  - Voici un débat dont le Sénat a le secret... Si j'étais sûr qu'inscrite dans la Constitution, la laïcité serait strictement appliquée et qu'elle freinerait le communautarisme, je voterais le texte. Mais on ne cesse d'ajouter à la Constitution, et on la respecte de moins en moins. Une « République sociale », par exemple, qu'est-ce à dire ?

La laïcité a connu des évolutions. Non, la loi de 1905 n'était pas une loi d'apaisement, de liberté, ni de fraternité, ne récrivons pas l'histoire : au cours des années suivantes, on a envoyé la cavalerie contre les congrégations en Bretagne pour briser le pouvoir de l'Église catholique. Depuis, on a trouvé des accommodements, en Alsace-Moselle et outre-mer notamment.

Aujourd'hui, le problème tient au développement incontrôlé du communautarisme, et au fait que l'autorité de l'État ne s'exerce plus. « N'attisons pas les braises », dit-on depuis vingt ou trente ans et l'on verse dans le compromis, dans la compromission.

Je ne voterai pas ce texte, car ce à quoi vous appelez en réalité, monsieur le président Mézard, c'est à ce que l'autorité de l'État ne puisse plus être bravée. Les gouvernements successifs ont eu peur de se faire accuser de racisme ou d'autoritarisme, et ont laissé la situation dégénérer. Que chacun pratique la religion qu'il veut, mais dans le cadre de la République, toute la République, rien que la République ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du groupe RDSE)

M. François Grosdidier .  - La Constitution dispose déjà que la France est une République laïque, cette proposition de loi est donc superflue. Le débat n'est pas inutile, cependant. La laïcité, c'est la liberté de chacun de professer les opinions de son choix, la fraternité et la neutralité de l'État. Aujourd'hui, certains voudraient subordonner les lois au fondamentalisme religieux...

Les problèmes actuels ne résident pas dans le régime d'Alsace-Moselle ou les menus scolaires : c'est la soustraction de certains enfants aux obligations scolaires, la remise en cause de l'égalité entre les femmes et les hommes, le sexisme dans les transports publics, dans les hôpitaux.

La laïcité n'est pas un dogme, c'est le fondement de la concorde. En 1905, le législateur n'imaginait pas que l'islam deviendrait la deuxième religion de France. Mais, dans sa sagesse, il autorisait les subventions aux cultes, les baux emphytéotiques... Nous n'avons plus le même pragmatisme en ce qui concerne l'islam de France.

Schizophrène, la République exige que l'islam pratiqué en France demeure un Islam de France, mais faute de financement, elle oblige à ce que les mosquées soient financées par des États étrangers : la Fondation des oeuvres de l'islam de France doit fonctionner !

J'aurais voté la constitutionnalisation de l'article premier de la loi de 1905 qui s'en tient aux principes, mais non de l'article 2 qui fixe leurs modalités d'application. Laissons la porte ouverte à des évolutions sur ce point ! Ne tuons pas la laïcité en la congelant ! (Applaudissements à droite)

M. Dominique de Legge .  - Sans doute n'avons-nous pas tous la même conception de la laïcité. Le mot « laïc » a d'abord désigné, au XIIIsiècle, tout membre d'une communauté ecclésiastique qui n'est ni clerc, ni religieux. Il y a quelque paradoxe à lui donner une signification antireligieuse...

La loi de 1905 visait à abattre la puissance de l'Église catholique, notamment dans l'éducation. Elle a eu le mérite de réparer le temporel du spirituel, et l'Église s'y est adaptée. Combes mériterait d'avoir sa statue dans toutes les églises de France !

Aujourd'hui, c'est l'Islam radical qui remet en cause la séparation de l'État et de l'Église, revendiquant des horaires spécifiques dans les piscines, des menus halal... Le pacte républicain est remis en cause. L'aspiration à la transcendance n'a rien de condamnable. La laïcité n'est pas l'opposition au religieux. Mais l'État doit faire respecter la séparation du politique et du religieux. C'est l'action et la pédagogie qu'il faut privilégier. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. Claude Kern .  - Le groupe RDSE prend prétexte des attentats de 2015 pour proposer de constitutionnaliser la loi de 1905. Cela n'apporterait rien à la défense de la laïcité, mais signerait l'arrêt de mort du régime alsacien-mosellan, qui a portant fait la preuve qu'il contribue à une laïcité apaisée. Faisons plus simple, en imposant, par exemple, la déclaration domiciliaire.

Je voterai contre cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Reichardt .  - J'ai du mal à comprendre cette proposition de loi constitutionnelle, qui n'apporterait rien à l'article premier de la Constitution mais mettrait en péril les particularités du régime des cultes applicable en Alsace-Moselle comme dans plusieurs collectivités d'outre-mer. Le régime concordataire, en Alsace-Moselle, est le gage du dialogue interreligieux, y compris avec l'islam, et d'une vraie laïcité.

Ce texte n'offre en outre aucune arme contre le communautarisme qui progresse. Les Français n'en peuvent plus de ces écrans de fumée qui ne règlent ni le problème du chômage, ni celui de l'insécurité ! (Applaudissements à droite)

Mme Patricia Schillinger .  - Cette proposition de loi constitutionnelle précise le sens de la laïcité, mais est-elle nécessaire ? Non, puisque la Constitution reconnait déjà la laïcité. L'adopter condamnerait le régime concordataire, alors que les Alsaciens et les Mosellans y sont très attachés, comme à l'équilibre exemplaire qui est ainsi respecté, facteur de paix sociale. Sous oublier les adaptations outre-mer.

Le débat est donc sain, mais sans pour autant détruire nos équilibres : je voterai contre, comme MM. Bigot et Masseret.

M. René Danesi .  - Le président de la République a eu la sagesse d'abandonner cet engagement qui nous revient via le RDSE et qui détruit le régime concordataire, ciment d'une laïcité apaisée en Alsace-Moselle et parfaitement constitutionnelle. Le vivre ensemble exige des pratiquants de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu : les musulmans doivent le faire à leur tour.

M. Yves Détraigne .  - Montesquieu disait que les lois inutiles affaiblissaient les lois nécessaires : inspirons-nous de ce sage principe. La loi de 1905 pose-t-elle des difficultés d'application, qui seraient résolues par sa constitutionnalisation ? Non. Cette proposition de loi est donc inutile, sans compter qu'elle nous ferait modifier la Constitution sous couvert de l'émotion. Je voterai contre. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Patrick Abate .  - Ajouter l'islam parmi les cultes concordataires ? Je ne crois pas que ce soit une solution - ni que la défense du concordat soit un combat de tous les jours des Alsaciens et Mosellans. Ce n'est pas non plus un régime intouchable - je pense à l'enseignement, à la fiscalité, au délit de blasphème. Ne peut-on aller plus loin, par la voie de l'égalité ? Je le dis aussi comme mosellan.

M. Jacques Mézard .  - L'intérêt de ce débat est évident, la Haute Assemblée s'en honore - contre les méfaits du politiquement correct.

Chacun s'accorde à dire qu'il faut combattre le communautarisme, un danger pour la République. Une loi inutile ? Vous vous y connaissez comme rapporteur, monsieur Détraigne ! Ne pas allumer le feu ? Surtout pas de vagues médiatiques, comme nous y invite le ministre ? (Mme Esther Benbassa s'exclame) Tant qu'il existe des assemblées parlementaires, il est normal que nous soulevions les problèmes ! De grâce, ne dites pas que débattre serait inutile : oui, il faut résorber le chômage, mais nous devons gagner aussi contre le communautarisme. La loi de 1905 comme celle de 1881 ou la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont des textes fondateurs de notre République, dont nous pouvons être fiers. Il n'est pas inconvenant de vouloir leur reconnaître une place éminente. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Patrick Kanner, ministre .  - La position du Gouvernement contre ce texte n'est pas un signe de laxisme : rénover la ville, renforcer l'éducation, refonder l'école, dissoudre des groupes incitant à la haine, c'est combattre le communautarisme au quotidien, au service de notre République !

L'amendement n°3 n'est pas défendu.

L'article unique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°138 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 221
Pour l'adoption 20
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 20 h 50.

présidence de M. Hervé Marseille, vice-président

La séance reprend à 22 h 20.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.

N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, comme membres titulaires, MM. Jean Claude Lenoir, Michel Houel, Mme Sophie Primas, Anne-Catherine Loisier, MM. Yannick Vaugrenard, Martial Bourquin, Jean Pierre Bosino ; et, comme membres suppléants, MM. Gérard Bailly, Alain Bertrand, Roland Courteau, Serge Dassault, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Jean Jacques Lasserre.

Missions temporaires des parlementaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Discussion générale

M. Pierre-Yves Collombat .  - L'objet de cette proposition de loi du groupe RDSE est de supprimer les missions temporaires confiées à un parlementaire, en français standard, les parlementaires en mission. Pourquoi cette idée saugrenue ? La réponse demande d'effectuer quelques détours.

D'abord, qu'est-ce qu'un parlementaire en mission ? C'est un député ou un sénateur chargé discrétionnairement d'une mission par le Gouvernement. Celle-ci se limite généralement à la rédaction d'un rapport mais peut consister en de véritables fonctions administratives dont l'on ne retrouve parfois aucune trace. Si elle excède six mois, le parlementaire est remplacé par son suppléant ou son suivant de liste sans que soit organisée une élection partielle. Sa nomination prend la forme d'un décret, qui n'est pas toujours publié, et peut rester muet sur l'objet de la mission.

Si le parlementaire en mission appartient le plus souvent à la majorité présidentielle ou à ses franges, il peut aussi appartenir à l'opposition, pourvu les opinions de la majorité. Mais le fin du fin, c'est la nomination de binômes association majorité et opposition, divergeant seulement sur les détails.

Enfin, séparées par de brèves interruptions, ces missions peuvent se succéder dans le temps pour un même parlementaire.

On l'aura remarqué, cette pratique représente une violation assumée de la séparation des pouvoirs et des fonctions et une entourloupe au suffrage universel sur lesquelles le Parlement n'a pas son mot à dire. Autant de raisons qui ont conduit la commission des lois à soutenir cette proposition de loi du RDSE. Elle l'a fait d'autant plus volontiers que cette pratique, d'occasionnelle et parfois justifiée par les aptitudes de la personne nommée - ce fut le cas pour la première en 1849 en pleine affaire de Rome - est devenue habituelle : 76 parlementaires en mission durant la législature 1997-2002, 108 durant la législature 2002-2007,113 durant la législature 2007-2012 et déjà 100 depuis 2012. Nous avons comme l'impression d'une accélération de l'histoire... Cette inflation montre qu'elle est plus souvent une décoration qu'un moyen d'améliorer la pratique gouvernementale ou d'enrichir la vie parlementaire. J'y vois un moyen de contrôle soft du Parlement qui s'ajoute à l'encadrement constitutionnel connu sous le nom de « parlementarisme rationalisé », à l'autocensure que le Parlement s'impose à lui-même ou qu'il accepte de se voir imposer par sa propre administration - je parle en connaissance de cause - , un Parlement désormais converti à l'usage extensif des article 40 et 41, parfois de l'article 34 et de la règle de « l'entonnoir » inventée par cet infatigable gardien des prérogatives gouvernementales qu'est le Conseil constitutionnel.

Et je ne dis rien des conseils discrets et amicaux des membres de cabinets ministériels aux rapporteurs... C'est évidemment pour le bien du Parlement dont la cote de popularité se mesure désormais à la rapidité avec laquelle les textes gouvernementaux sont adoptés.

Autre déviation, le prolongement des missions au-delà de six mois pour organiser l'exfiltration de l'intéressé vers des fonctions plus prestigieuses ou plus lucratives sans prendre le risque d'une élection partielle. Pour nous en tenir à la chronique récente, la dernière affaire de la « présidence normale » fut la migration de François Brottes de la présidence de la commission des affaires économique de l'Assemblée nationale à la présidence du directoire de RTE par l'entremise d'une mission hautement formatrice sur « la sécurité de l'approvisionnement électrique ». Cela ne s'invente pas ! (Rires sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen)

Aux collègues tentés de conserver la pratique en corrigeant ses dérives les plus voyantes, je veux rappeler qu'elle est l'arbre qui cache la forêt : un Parlement aux pouvoirs réduits comme peau de chagrin. Cette proposition de loi cherche modestement à desserrer l'un des liens qui, subtilement, permettent à l'exécutif de neutraliser le peu qui lui reste. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, communiste citoyen et républicain ; MM. Michel Mercier et Hugues Portelli applaudissent aussi)

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois .  - Les parlementaires en mission sont un sujet peu traité, y compris dans les facultés de droit. Pourtant, cette catégorie est fort intéressante. Le premier utilisateur de cette procédure n'est autre qu'Alexis de Tocqueville ; non le premier bénéficiaire mais le premier instigateur. Légère entorse à la stricte séparation des pouvoirs sous la IIe République - si stricte qu'elle s'est terminée en coup d'État, elle est apparue dans une loi votée fort opportunément en 1849 pour envoyer Francisque de Corcelle en tant que ministre plénipotentiaire à Rome.

Après une longue éclipse, elle a réapparu dans l'ordonnance de 1958 en ces premiers mois bénis de la Ve République où le Gouvernement Debré élaborait toutes les lois, y compris organiques, qu'il lui plaisait alors que le Sénat n'avait pas encore été réuni. Il faut attendre les années 1970 pour que la pratique se développe, avec une première grande vague de parlementaires en mission sous Pompidou. Depuis une vingtaine d'années, la pratique est devenue exponentielle : onze parlementaires nommés depuis le 1er janvier dernier !

M. Jacques Mézard.  - Et non des moindres !

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Le parlementaire en mission est un parlementaire de plein exercice - indemnités, immunité et droit de vote, en plus de remplir une mission publique non élective. Constitutionnellement parlant, cette mission ne doit pas excéder six mois. C'est une exception à la règle d'incompatibilité, pouvant mener à de très hautes fonctions. M. Christian Nucci, bien connu de la police et de la magistrature, a ainsi été nommé Haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie avec rang préfectoral.

Quand la mission s'achève, le parlementaire en mission peut redevenir simple parlementaire ou voir sa mission prolongée. Dans ce dernier cas, son mandat tombe, sauf exception notable - Edgar Faure a conservé le sien, le Conseil constitutionnel s'étant déclaré incompétent parce que saisi par un électeur du Doubs, et non par l'Assemblée nationale.

Le Conseil d'État, tout en refusant de se prononcer sur le fond et de classer les nominations de parlementaires en mission dans les actes du Gouvernement, a souhaité définir ce que pouvait être une vraie mission : il y faut au moins un rapport. Dans la vraie vie, il arrive que les rapports se perdent comme les décrets (Rires).

Cette pratique fait litière des traditions de la Ve République : l'incompatibilité est l'outil de la séparation des pouvoirs même s'il a été assoupli dans la révision constitutionnelle de 2008 pour autoriser les ministres à retrouver leur siège de parlementaire en évitant des élections partielles fâcheuses. En commission des lois a été cité l'exemple britannique. La comparaison ne vaut pas : au Royaume-Uni, nul ne peut être ministre s'il n'est pas parlementaire en exercice... et chacun le reste.

Cette bizarrerie juridique est contraire tant au texte de la Constitution qu'à la pratique parlementaire. On me rétorquera que les parlementaires en mission enrichissent la vie parlementaire. Soit, mais pourquoi ne pas inverser les choses et faire en sorte que le Parlement, comme il peut saisir la Cour des comptes depuis 2008, saisisse le Gouvernement ? Voilà pourquoi la commission des lois a voté cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs de la commission, des groupes RDSE et communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Votre rapporteur, avec son souci de l'histoire du droit et son goût pour les anecdotes, a souligné tout l'intérêt de la question des parlementaires en mission.

L'histoire de cette pratique en fait saisir l'esprit. Initiée sous la IIe République pourtant marquée par une stricte séparation des pouvoirs, elle se poursuit sous les IIIe et IVe Républiques : les parlementaires peuvent alors se voir confier des missions rémunérées ainsi que des responsabilités administratives très élevées en ambassade ou dans les préfectures tandis que les ministres conservent leur mandat de parlementaires.

La Ve République a interdit les cumuls entre les fonctions parlementaires, ministérielles et administratives. Toutefois, les relations constructives entre pouvoirs législatif et exécutif sont, non seulement permises, mais souhaitables.

Le parlementaire qui accepte une mission reste libre de l'organisation de ses travaux et ses conclusions, il ne peut recevoir aucune indemnité. Enfin et surtout, un véritable intérêt commun motive l'association des parlementaires aux travaux techniques réalisés à la demande du Gouvernement par l'administration centrale, les inspections générales, le Conseil d'État ainsi que par des institutions indépendantes comme la Cour des comptes. L'apport d'un regard souvent plus proche du terrain et l'association de parlementaires de l'opposition facilitent le consensus, l'adoption et la mise en oeuvre des réformes.

Nombreuses sont celles qui ont été inspirées par des parlementaires en mission : la création de la CMU en 1999 après le rapport de Jean-Claude Boulard de 1998, la loi sur la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques après le rapport de Richard Ferrand sur les professions réglementées ou encore le rapport de Martine Pinville sur le vieillissement. Les exemples ne manquent pas où les travaux parlementaires ont éclairé utilement le Gouvernement.

Ces missions préparent parfois un accord entre les deux assemblées : ainsi les travaux d'Alain Claeys et Jean Leonetti sur les droits des malades en fin de vie. Les travaux d'Alain Bertrand, sénateur du groupe RDSE, sur l'hyper-ruralité ont eu beaucoup d'écho...

M. Jacques Mézard.  - ...mais sont restés sans effet !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - La semaine dernière Élisabeth Lamure, Jérôme Bignon et René Vandierendonck se sont vu confier une mission sur le renforcement de l'attractivité et de la compétitivité des principales portes d'entrée maritime françaises. Cela ne peut que renforcer le bicamérisme, comme l'ont fait les travaux de Patricia Schillinger et André Reichardt sur le régime local d'assurance-maladie en Alsace-Moselle

L'expérience des parlementaires est indispensable au bon fonctionnement de nos institutions. Le Gouvernement ne peut être favorable à la suppression des parlementaires en mission d'autant que leur nombre est resté stable sur les dernières législatures : une centaine environ.

M. Jean-Claude Requier .  - Le 26 août 1789, les représentants du peuple français adoptaient la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, référence absolue de notre démocratie.

Son article 16 pose le principe de la séparation des pouvoirs qui nous vient de Montesquieu. Il ne doit souffrir aucune entorse, sous peine d'entraîner la confusion des pouvoirs et d'amoindrir la confiance des citoyens envers leurs représentants.

Notre proposition, simple et concrète, remet de l'ordre démocratique en mettant fin à une pratique d'un autre âge que le Conseil constitutionnel n'a jamais examinée. On ne badine pas avec les principes.

Ce texte prend place dans un corpus, celui des réformes que le groupe RDSE propose pour un bicamérisme modernisé : le septennat non renouvelable, la limitation du mandat parlementaire dans le temps, la limitation horizontale des cumuls, le non-cumul des indemnités...

M. Michel Mercier.  - Tout le contraire de ce qu'on fait depuis des années !

M. Jean-Claude Requier.  - Avec lui, la plus vieille famille politique française est à l'avant-garde de la République !

Les rapports commis par les parlementaires en mission sont-ils des rapports parlementaires ? Non, ce sont des rapports ministériels parce que rédigés grâce à des moyens ministériels.

Pour m'en tenir au seul argument du non respect du principe de la séparation des pouvoirs, je n'évoquerai pas l'intérêt très relatif de ces rapports de mission : ils ont une espérance de vie de quelques jours avant de prendre pour l'éternité la direction d'une étagère, voire d'un placard. Parfois le parlementaire s'est battu pour obtenir cette mission et produire ce rapport dans l'espoir de se distinguer. Le plus souvent, l'exécutif y a vu le moyen de faire exister un parlementaire ou de le remercier, tout en préparant le terrain avant de formaliser un projet de loi rédigé par le fonctionnaire du ministère qui aura prêté sa main au parlementaire en mission nommé rapporteur ! Avec cette circularité, on est très loin de l'indépendance du parlementaire. Rien ne justifie que l'on maintienne cette pratique abusive.

Je suis convaincu que la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse et l'esprit d'indépendance qui est le sien, suivra la commission des lois en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, communiste républicain et citoyen ; M. Hugues Portelli, rapporteur, applaudit aussi)

M. Michel Mercier .  - Il est incongru qu'un parlementaire radical critique la participation des parlementaires au pouvoir exécutif, alors que ce sont des parlementaires radicaux qui ont construit la République en participant régulièrement au Gouvernement !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le régime était alors parlementaire, il n'était pas consulaire !

M. Jacques Mézard.  - Et l'adjectif consulaire est un euphémisme...

M. Michel Mercier.  - Nous sommes en France, pas aux États-Unis. Heureusement que nous n'appliquons pas trop souvent l'article 16, une stricte séparation des pouvoirs engendre un conflit des pouvoirs. La IIe République s'est terminée par l'Empire. Moi qui suis un véritable républicain, je suis favorable à une collaboration des pouvoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe RDSE)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais aujourd'hui, c'est la confusion des pouvoirs !

M. Michel Mercier.  - Et si vous commenciez par laisser les parlementaires qui ne sont pas en mission s'exprimer avant de vouloir supprimer les parlementaires en mission ?

L'institution du parlementaire en mission est bénéfique et utile. Au mois de janvier, 11 parlementaires ont été désignés - aucun n'a refusé, de quelque groupe que ce soit...

Mme Éliane Assassi.  - Zéro pour nous !

M. Michel Mercier.  - Pas plus pour le groupe centriste. Nous pouvons donc en parler plus librement. Une mission permet aux parlementaires de mieux connaître les rouages de l'administration, au Gouvernement d'entendre un homme de terrain. Le rapport de M. Bertrand sur l'hyper-ruralité a eu une forte résonnance...

M. Jacques Mézard.  - Je ne vous le fais pas dire ; mais il faudrait passer aux actes !

M. Michel Mercier.  - ...comme le rapport de Jean Arthuis sur la mise en place de l'euro. Le Parlement dispose, depuis 2008, d'un droit de regard sur les nominations par le président de la République.

En revanche, nous sommes contre le dévoiement du parlementaire en mission pour organiser une succession au Parlement. Il n'y a aucune raison de refuser au parlementaire en mission plus de six mois de retrouver son mandat quand un ministre peut le faire depuis 2008. Sous cette réserve, il faut garder cette bonne institution. (M. Yves Détraigne applaudit.)

Mme Éliane Assassi .  - Le parlementaire en mission est une infraction à la règle de séparation des pouvoirs. Certains prétendent que c'est un atout pour le Parlement. C'est en réalité une utilisation du parlementaire par l'exécutif. Geste considéré comme une gratification, il est contraire à notre vision d'un Parlement rénové dominant la vie politique et institutionnelle avec une participation active des citoyens. Dans ce cadre, l'idée même d'un parlementaire au service du Gouvernement n'a pas de sens ; elle serait un aveu d'impuissance des deux assemblées.

Aujourd'hui, cette pratique s'ajoute au rythme des débats, à l'inflation législative, à la maîtrise budgétaire par Bruxelles, à l'encadrement par le Conseil Constitutionnel et les questions prioritaires de constitutionnalité pour réduire à peu de choses les pouvoirs du Parlement.

Supprimons-la aussi parce qu'au parlementaire en mission plus de six mois succède son suivant de liste ou son suppléant sans que soit organisée une élection. C'est démocratiquement inacceptable, on l'a vu dans le cas de François Brottes. Comme l'est la conservation du droit de vote à des parlementaires en mission qui exercent parfois de hautes fonctions administratives ou le droit d'un ministre à retrouver son mandat parlementaire ... Il faudra y remédier un jour.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est ce que de Gaulle pensait aussi !

Mme Éliane Assassi.  - J'en suis fort aise ! Le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et RDSE)

M. Michel Delebarre .  - Le parlementaire en mission a été introduit par la IIe République, pourtant marquée par la séparation des pouvoirs. Le nombre de nominations a été constant sous la Ve République: 100 par législature. Moi-même, j'ai été saisi, avec Ronan Dantec, d'une mission sur le rôle des collectivités locales dans les négociations climatiques. J'espère que ces travaux auront servi à la COP21. Une importante réflexion vient d'être confiée à nos collègues sénateurs sur l'attractivité des principales portes d'entrée maritimes françaises.

Dans la conduite de ses réformes, le Gouvernement doit pouvoir s'appuyer sur un éclairage que les services ne lui donneraient pas toujours. C'est souvent l'occasion de déminer le terrain : le député Laurent Grandguillaume s'était ainsi vu confier la patate chaude de la réforme du régime de l'auto-entrepreneur.

Le cadre de ces missions peut être interrogé mais la suppression pure et simple n'est pas souhaitable. Elle serait disproportionné au regard des griefs.

L'affaiblissement du pouvoir parlementaire tient autant à la nomination de parlementaires pour siéger au sein de comités, autorités, observatoires et autres commissions. Ces instances, qui étaient au nombre de deux en 1980, ont proliféré ; leurs pouvoirs sont de plus en plus étendus si bien qu'elles sont devenues une sorte de parlement bis qui prive le Parlement de ses moyens de contrôle.

Le groupe socialiste ne peut pas souscrire à cette proposition de loi. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme Aline Archimbaud .  - Nous entendons bien les critiques faites aux parlementaires en mission. Les écologistes sont très attachés à la séparation des pouvoirs. Les missions peuvent susciter le doute lorsqu'elles prennent la forme d'un haut-commissariat ; mais ce n'est pas le cas des travaux d'études, d'enquêtes, d'auditions, donnant lieu à des rapports.

Les missions confiées aux membres de notre groupe ont été menées en toute indépendance et utilement. Elles sont utiles quand elles débouchent sur des rapports permettant de défricher des sujets sensibles, parfois sur l'interpellation des parlementaires eux-mêmes. Ce fut le cas pour moi en 2013 sur l'accès aux soins des plus démunis, mes travaux ont donné lieu à de nombreux amendements repris dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale ou dans la loi de santé.

D'autres rapports permettent d'appréhender des phénomènes dans toutes leurs dimensions en croisant différentes disciplines, comme celui que j'ai rédigé sur le taux de suicide des jeunes Amérindiens, pour lequel j'ai intégré les approches de santé, culturelles, sociales, économiques, avec le concours de nombreux ministères, outre celui de l'outre-mer : nous avons travaillé en toute indépendance, sans pression, à la recherche de solutions.

La collaboration entre Assemblée et Sénat permet d'ouvrir les horizons. Les missions sont complémentaires des moyens dont les parlementaires disposent pour leurs fonctions de contrôle ou d'initiative.

Nous rejoignons cependant la position selon laquelle le contournement du suffrage universel si les parlementaires ne terminent pas leur mission en temps et en heure n'a pas lieu d'être. Mais nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le parlementaire en mission est né en 1849 d'une amitié entre Alexis de Tocqueville, alors ministre des affaires étrangères...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ancien président du conseil général de la Manche...(Marques d'appréciation à droite)

Mme Nicole Duranton.  - ...et Francisque de Corcelle, député, et non de l'intérêt intrinsèque de ladite mission. C'était déjà une dérive !

Aujourd'hui, le nombre de parlementaires en mission se multiplie dans la plus grande discrétion, leur nomination étant le fait du Gouvernement.

Cette fonction est noble, de l'examen d'un sujet donnant lieu à proposition de loi, au suivi d'une loi en vigueur, ou à la préparation d'une transposition de directive. Cependant, les termes de la mission sont souvent flous, parfois sans lettre de mission les explicitant, même lorsqu'un décret a été publié - au point de poser des problèmes de constitutionnalité.

En réalité il s'agit d'une passerelle entre l'exécutif et le législatif. Certes, il y a des avantages : moyens techniques d'un côté, les parlementaires pouvant bénéficier de l'appui d'un haut-fonctionnaire ; avantage politique de l'autre - mais parfois contre l'esprit de la démocratie, qu'il s'agisse d'ajuster des votes, lorsque la majorité est faible, grâce aux délégations des parlementaires en mission ou encore d'en exfiltrer certains, en leur substituant leur suppléant, sans avoir à passer par une élection partielle...

Certes, le Parlement doit mieux anticiper les réformes à venir, mais il peut parfaitement y parvenir lui-même...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

Mme Nicole Duranton.  - Pourquoi ne confierait-il pas de sa propre initiative des missions à ceux qui deviendront rapporteurs de projets de loi ? Il n'a pas besoin de l'autorisation du Gouvernement et il dispose des moyens humains et des pouvoirs d'enquête pour ce faire.

Défavorable au mécanisme actuel, que je crois contraire à l'esprit de la Constitution et de la séparation des pouvoirs, je voterai ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux autres bancs)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mmes Gourault et M. Mercier.

I.  -  Alinéas 2, 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Aux seconds alinéas des I et III de l'article 8 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, après la référence : « L.O. 141-1 », sont insérés les mots : « , la prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement ».

M. Michel Mercier.  - Défendu.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Défavorable à cet amendement qui revient sur le texte adopté par la commission.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Défavorable.

À la demande du groupe RDSE, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°139 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption   45
Contre 293

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mmes Gourault et M. Mercier.

I.  -  Alinéas 2 et 4

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Aux seconds alinéas des I et III de l'article 8 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, après la référence : « L.O. 141-1 », sont insérés les mots : « , la prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement ».

M. Michel Mercier.  - Défendu.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Défavorable.

À la demande du groupe RDSE, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°140 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption   35
Contre 302

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mmes Gourault et M. Mercier.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi organique encadrant le recours et le remplacement aux missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires

M. Michel Mercier.  - Défendu.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Défavorable.

À la demande du groupe RDSE, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°141 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption   35
Contre 303

Le Sénat n'a pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Pierre-Yves Collombat .  - Quel est l'enjeu, au fond ? Élections après élections, nous constatons que nos institutions sont près d'être bloquées, nos concitoyens n'y croient plus : ils pensent qu'il ne se passera rien - car tout le pouvoir est entre les mains de l'exécutif, plus précisément à l'Élysée. Pour autant, nous ne sommes pas tant dans un régime présidentiel, que proches d'un régime consulaire où le Parlement joue largement les figurants. Au-delà du parlementarisme rationalisé, le Parlement lui-même s'autocensure, et je ne parle pas des liens subtils que tissent les gouvernements successifs, dont font partie ces missions : notre texte ne lèvera pas tous les blocages, mais ce serait un premier pas pour la réforme nécessaire de nos institutions républicaines.

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je comprends l'intérêt de traquer le dévoiement des parlementaires en mission ; mais supprimer le dispositif, ce serait excessif. Pour avoir longtemps collaboré avec des ministres, je peux témoigner de son utilité pour les éclairer - je pense à la préparation de la loi sur les contrats d'avenir avec les buralistes en 2006, grâce à la mission des parlementaires Richard Mallié et Yves Bur, qui a aidé le Gouvernement à prendre ses décisions.

La coproduction législative existe, en tout cas elle a existé et j'en veux pour preuve la proposition de loi sur l'interdiction du port du voile intégral dans l'espace public, d'initiative parlementaire. Il est d'ailleurs curieux qu'un ancien président de la République s'en targue aujourd'hui, qui y était farouchement opposé à l'époque...

Le parlementaire en mission peut être utile au Gouvernement comme à un meilleur exercice de la fonction parlementaire. Je ne voterai donc pas ce texte.

La proposition de loi organique est soumise, de droit, au scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 186
Contre 150

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, communiste républicain et citoyen et sur certains bancs à droite)

Prochaine séance demain, jeudi 4 février 2016, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 50.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du jeudi 4 février 2016

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Tasca - M. Bruno Gilles

1. Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement (n°115, 2015-2016).

Rapport de MM. Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul, fait au nom de la commission des affaires européennes et texte de la commission (n°201, 2015-2016).

Rapport de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques et texte de la commission (n°270, 2015-2016).

À 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Présidence : M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

2. Proposition de loi favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre (ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen).

Rapport de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n°326, 2015-2016).

Résultat des travaux de la commission (n°327, 2015-2016).

Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°328, 2015-2016).

3. Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (n°225, 2015-2016) et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n°226, 2015-2016).

Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (n°332, 2015-2016).

Textes de la commission (nos333 et 334, 2015-2016).

Avis de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°313, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 138 sur l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article premier de la Constitution

Résultat du scrutin

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :221

Pour :20

Contre :201

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 3 - Mme Delphine Bataille, MM. Roland Courteau, Bernard Lalande

Contre : 3 - MM. Jacques Bigot, Jean-Pierre Masseret, Mme Patricia Schillinger

Abstentions : 104

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 41

Abstention : 1 - Mme Sophie Joissains

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 5

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Navarro

Scrutin n° 139 sur l'amendement n°2, présenté par Mme Jacqueline Gourault et M. Michel Mercier, à l'article premier de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :338

Pour :45

Contre :293

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 35

Contre : 2 - MM. Jean-Marie Bockel, Gérard Roche

N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Daniel Dubois, Mme Nathalie Goulet, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mme Anne-Catherine Loisier

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Jean Louis Masson, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 140 sur l'amendement n°3, présenté par Mme Jacqueline Gourault et M. Michel Mercier, à l'article premier de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :337

Suffrages exprimés :337

Pour :35

Contre :302

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 141

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard, Mme Marie Mercier

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 35

Contre : 2 - MM. Jean-Marie Bockel, Gérard Roche

N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Daniel Dubois, Mme Nathalie Goulet, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mme Anne-Catherine Loisier

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 141 sur l'amendement n°4, présenté par Mme Jacqueline Gourault et M. Michel Mercier, portant sur l'intitulé de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :338

Pour :35

Contre :303

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 35

Contre : 2 - MM. Jean-Marie Bockel, Gérard Roche

N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Daniel Dubois, Mme Nathalie Goulet, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mme Anne-Catherine Loisier

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 142 sur l'ensemble de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :338

Suffrages exprimés :336

Pour :186

Contre :150

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

Contre : 1 - M. Jean-Baptiste Lemoyne

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 6 - MM. Olivier Cadic, Yves Détraigne, Jean-Léonce Dupont, Mme Sophie Joissains, MM. Claude Kern, François Zocchetto

Contre : 29

Abstentions : 2 - MM. Jean-Jacques Lasserre, Gérard Roche

N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Daniel Dubois, Mme Nathalie Goulet, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mme Anne-Catherine Loisier

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Pour : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier