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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Fermeture des maternités de proximité

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Incohérences dans le nombre d'assurés sociaux

Mme Nathalie Goulet

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Nutri-score

Mme Antoinette Guhl

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Difficultés des missions locales en Normandie

M. Didier Marie

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Avenir du GHT Grand Paris Nord-Est

M. Adel Ziane

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Hommage national en mémoire des victimes du covid-19

M. Cédric Chevalier

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Délais de traitement des dossiers par la MDPH des Hauts-de-Seine

Mme Marie-Do Aeschlimann

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Fin de contrat des assistants familiaux

Mme Laurence Muller-Bronn

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Protection de l'enfance

Mme Michelle Gréaume

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Réduction des contrats « parcours emploi compétences »

Mme Amel Gacquerre

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Prise en charge des détenus en psychiatrie

M. Franck Menonville

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Aide au permis de conduire pour les apprentis de moins de 18 ans

M. Yves Bleunven

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise

Mme Véronique Guillotin

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Projet solaire en coactivité agricole

M. Jean-François Longeot

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Renouvellement des concessions hydroélectriques

M. Raphaël Daubet

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Double imposition des travailleurs frontaliers luxembourgeois

Mme Silvana Silvani

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Double imposition des travailleurs transfrontaliers de l'hôpital de Cerdagne

Mme Lauriane Josende

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Difficultés des élus locaux face aux implantations d'antennes 5G

M. Didier Rambaud

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Réforme du CAS Facé

Mme Maryse Carrère

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

Crise de la Fédération française de karaté

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

Valorisation de la culture régionale bretonne

M. Simon Uzenat

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

Révision de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales

Mme Mireille Jouve

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

L'entreprise Ritleng Revalorisations

M. Jacques Fernique

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

Fin de l'exonération des cotisations patronales pour certains armateurs français

Mme Agnès Canayer

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

Interdiction du plomb dans les munitions pour la chasse

M. Pierre Cuypers

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Digues domaniales transférées aux collectivités

Mme Martine Berthet

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

Normes applicables aux appareils de chauffage au bois

M. Jean-Claude Anglars

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires

M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Congés menstruels dans la fonction publique

M. Pascal Savoldelli

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Responsabilité financière des gestionnaires publics

M. Fabien Genet

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Délais de traitement et de paiement des dossiers de MaPrimeRénov' et de certificats d'économie d'énergie

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Compétence mobilité des communautés de communes

Mme Florence Lassarade

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Loi SRU et crise immobilière

M. Éric Dumoulin

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Projet de port industriel à Vigneux-sur-Seine

M. Laurent Lafon

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville

Non-application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer

Mme Audrey Bélim

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Manque de statistiques fiables sur les infanticides

Mme Laurence Harribey

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Téléconsultation pour les personnes placées en garde à vue

M. Édouard Courtial

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Immatriculation des motos de collection

Mme Else Joseph

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Nouvelles brigades de gendarmerie dans l'Aisne

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Section aérienne de gendarmerie de Limoges

Mme Isabelle Briquet

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Relocalisation urgente de la direction départementale de la police nationale à Foix

M. Jean-Jacques Michau

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Délai de livraison d'un hélicoptère H145 à Briançon

M. Jean-Michel Arnaud

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Prolifération des commerces de blanchiment d'argent à Paris

Mme Agnès Evren

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Livre blanc de la Commission européenne sur la défense

M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains

M. Jean-Pierre Grand

M. Jean-Luc Ruelle

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. André Guiol

M. François Bonneau

Mme Michelle Gréaume

M. Guillaume Gontard

M. Didier Marie

M. Stéphane Ravier

Mme Marta de Cidrac

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Catherine Belrhiti

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe

M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains

Accord en CMP

Moyens de contrôle des sénateurs et droits des groupes politiques

Discussion générale

Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la proposition de résolution

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois

M. Stéphane Sautarel

Mme Patricia Schillinger

M. Michel Masset

Mme Olivia Richard

Mme Cécile Cukierman

M. Guy Benarroche

M. Éric Kerrouche

M. Christopher Szczurek

M. Dany Wattebled

Mme Catherine Belrhiti

Discussion des articles

Après l'article 1er

Après l'article 2

Après l'article 3

Article 5

Après l'article 5

Article 6

Après l'article 6

Article 8

Après l'article 8

Après l'article 9

Après l'article 10

Article 12

Article 14

Article 16

Après l'article 16

Article 17

Après l'article 17

Article 19

M. Jean-François Rapin

M. Didier Marie

Après l'article 19

Article 20

Après l'article 20

Article 21

Après l'article 22

Vote sur l'ensemble

M. Éric Kerrouche

M. Guillaume Gontard

Mme Sylvie Vermeillet

Ordre du jour du mercredi 9 avril 2025




SÉANCE

du mardi 8 avril 2025

78e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 09 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Fermeture des maternités de proximité

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Récemment, en Dordogne, une femme accouchait dans sa voiture, en pleine campagne, d'un bébé né avec le cordon autour du cou. Elle devait faire une heure et quart de route pour rejoindre la maternité de Périgueux, car celle de Sarlat, plus proche, ne pratique plus d'accouchements depuis octobre 2024.

Ce n'est pas un cas isolé. En cinquante ans, les trois quarts des maternités ont disparu. Or la mortalité néonatale est quatre fois plus élevée lors d'accouchements extrahospitaliers ou à plus de 45 km d'un établissement. Entre 1997 et 2019, le nombre de femmes en âge de procréer vivant à plus de 45 minutes d'une maternité a plus que doublé.

Alors que la mortalité infantile stagne, la Cour des comptes préconise de poursuivre les fermetures des petites maternités, renforçant le sentiment d'abandon des territoires ruraux. Alors que le Président de la République appelle à un réarmement démographique, les déserts obstétricaux s'étendent. Sous prétexte de sécurité, on met les parturientes en danger. Alors que nous manquons de praticiens, ces fermetures font fuir les gynécologues.

Allez-vous revenir sur cette vision purement comptable qui nuit au maillage de l'offre de soins et à la sécurité des mères et des enfants ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'accès à une prise en charge périnatale de qualité en tout point du territoire est un sujet d'attention, alors que les maternités connaissent des tensions liées au manque de personnel soignant. Le ministre de la santé a rencontré les sénatrices Jacquemet et Guillotin, auteurs d'un rapport d'information sur l'avenir de la santé périnatale.

Lorsqu'une maternité ferme faute de personnel, l'ARS se mobilise, en lien avec les acteurs locaux, pour continuer à proposer un suivi de grossesse et une prise en charge postnatale à proximité.

Je réfute l'idée que nous fermons des maternités en raison d'un faible nombre d'accouchements. Une vingtaine de maternités à moins de 300 naissances par an sont maintenues dans des territoires isolés. Lorsque nous fermons une maternité, à contrecoeur, c'est pour la sécurité des mères et des nouveau-nés.

Des centres périnataux de proximité prennent le relais pour offrir un panel de soins et éviter de longs déplacements aux femmes et à leurs nouveau-nés. Ils sont plus d'une centaine. Par ailleurs, depuis 2019, un hébergement non médicalisé à proximité des maternités de référence est proposé aux femmes qui résident à plus de 45 minutes de là, financé par l'assurance maladie. Le ministre y est attentif.

Incohérences dans le nombre d'assurés sociaux

Mme Nathalie Goulet .  - Je ne me résous pas aux incohérences dans le décompte des assurés sociaux. Selon les organismes de sécurité sociale, on compte 60,3 millions de bénéficiaires ; selon l'Insee, 55,4 millions. Quand on distribue 850 milliards d'euros de prestations sociales, avoir une base vérifiée est un minimum ! L'IGF regrette que les outils ne soient pas articulés. Combien de personnes exactement sont bénéficiaires de prestations et inscrites au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Le Gouvernement salue votre engagement contre la fraude sociale, qui mine notre pacte social, et examine attentivement vos propositions pour renforcer les contrôles et les échanges de données.

Résidents au sens de l'Insee et assurés ne se recoupent pas totalement : les bases n'intègrent pas les mêmes informations et ne poursuivent pas les mêmes finalités. Le fichier de l'Insee recense les populations résidentes au terme d'une estimation statistique, après une collecte de données étalée sur cinq ans. Le répertoire national inter-régime des bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM), quant à lui, permet la gestion des droits à l'assurance maladie.

Les assurés recensés n'ont pas forcément de droits ouverts à l'assurance maladie. Ainsi, les personnes décédées ou parties définitivement à l'étranger demeurent inscrites au RNIAM pour un maximum de deux ans ; en revanche, leurs droits sont bien fermés dans les bases de gestion des CPAM et organismes d'assurance. Des dépenses d'assurance maladie peuvent être traitées jusqu'à deux ans après le décès ou la fin des droits : supprimer immédiatement les comptes pénaliserait les prestataires de santé.

L'assurance maladie a toutefois mis à jour les fins de droits dans ce répertoire, avec une remontée du stock à partir de mi-2022 et une reprise du stock conclue en septembre 2023, soit plus de 670 000 dossiers fermés. Nous gérons au fil de l'eau.

Mme Nathalie Goulet.  - Selon le rapport de l'Igas et de l'IGF, 500 000 personnes bénéficient de droits alors que leur titre de séjour est caduc. Il faut absolument que la carte de séjour soit également la carte qui ouvre droit aux soins, car beaucoup de prestations sont liées au séjour régulier ; quand celui-ci expire, les droits doivent expirer en même temps. Une coordination s'impose, avec un contrôle systématique du séjour, comme peuvent le faire les organismes de sécurité sociale.

Nutri-score

Mme Antoinette Guhl .  - L'arrêté interministériel encadrant les nouvelles modalités de calcul du Nutri-score a enfin été publié. Il permet de mieux prendre en compte la qualité nutritionnelle des aliments ultra-transformés.

D'autres pays européens avaient déjà franchi le pas, mais en France, pourtant pionnière en la matière, silence radio. Ici même, la ministre de l'agriculture avait assumé bloquer la publication de l'arrêté. Au bénéfice de qui ? Ni des consommateurs, ni des entreprises transparentes, ni des politiques publiques de santé et de prévention qui fixent l'obésité comme grande cause nationale 2026.

Que de temps perdu ! Le Gouvernement doit affirmer son indépendance et rendre le Nutri-score obligatoire. Chaque recul face aux lobbys agroalimentaires sape notre crédibilité. Quand la santé des Français passera-t-elle avant les intérêts des géants de l'industrie ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Je vous confirme que les ministres Yannick Neuder, Catherine Vautrin, Annie Genevard, Éric Lombard et Véronique Louwagie ont bien signé cet arrêté le 14 mars dernier.

Alors qu'un Français sur deux est en situation d'obésité ou de surpoids, promouvoir une alimentation équilibrée est une priorité de santé publique.

Depuis 2017, le Nutri-score permet d'éclairer les choix des consommateurs. Dans le cadre de la gouvernance européenne, un comité scientifique d'experts indépendants a évalué les modalités de calcul pour proposer des évolutions, sur la base de la littérature scientifique. Il s'agit de mieux différencier les aliments selon leur teneur en sel et en sucre, leur teneur en fibre, leur caractère raffiné ou transformé, d'améliorer la classification des poissons gras et des huiles moins riches en acides gras saturés, ou de tenir compte de la présence d'édulcorants dans les boissons. Ce sont des évolutions notables par rapport à la version initiale de 2017.

Difficultés des missions locales en Normandie

M. Didier Marie .  - Les missions locales jouent un rôle clé pour l'accompagnement social et professionnel des jeunes de 16 à 25 ans. Avec le déploiement du contrat d'engagement jeune (CEJ), qui s'accompagnait de financements supplémentaires, elles ont recruté pour répondre à l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

À ce stade, les missions locales normandes n'ont pas confirmation des dotations de l'État pour 2025. La direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités leur a annoncé une éventuelle baisse de 5,9 % en 2025, ce qui menace la pérennité de leurs missions, alors que le taux de chômage des jeunes augmente en Normandie : 7,2 % au troisième trimestre 2024, avec une hausse de 8,3 % du nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans sur un an.

Dans ce contexte, il apparaît crucial de renforcer les missions locales qui anticipent une augmentation du nombre de jeunes accueillis. Comment le Gouvernement compte-t-il leur permettre d'accompagner les jeunes vers l'emploi ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - J'ai effectué plusieurs déplacements auprès des missions locales, à Noyon, à Hem, à Douai, mais aussi en Normandie.

Leur financement par l'État s'est nettement accru ces dernières années. En 2025, il baisse de 5,8 %, mais reste supérieur de 27 % à celui d'il y a quatre ans. Leurs effectifs au niveau national ont crû depuis sept ans de 20 à 25 %.

Cette mesure d'économie est assortie du report d'une partie des versements de 2025 à 2026, compte tenu du niveau de trésorerie. Nous tenons compte, au cas par cas, de la situation financière des structures, notamment rurales.

Des versements fin mars ont sécurisé la trésorerie des missions locales en début de gestion. Les soldes au titre du CEJ ont vocation à être versés en avril.

J'échange régulièrement avec l'Union nationale des missions locales sur les irritants, comme les obligations de reporting.

Ce soutien est exigeant. Il faut réfléchir non seulement au nombre d'entrées en CEJ mais aussi à la qualité de la sortie. Sur les 200 000 CEJ suivis par les missions locales, le taux de sortie en emploi est de 45 % environ, et de 30 % en emploi durable. Il nous faut créer des solutions structurantes positives pour nos jeunes. C'est un vrai changement de logiciel.

M. Didier Marie.  - L'augmentation des financements correspondait aussi à une commande de l'État. La baisse de 5,8 % s'ajoute à la baisse des crédits accordés par les collectivités - en Normandie, c'est 180 000 euros de moins. Réduire les moyens de ces organismes fragilisera leur capacité d'action, à rebours des politiques d'insertion.

Avenir du GHT Grand Paris Nord-Est

M. Adel Ziane .  - L'accès aux soins ne cesse de se dégrader en Seine-Saint-Denis. Le groupement hospitalier de territoire (GHT) Grand Paris Nord-Est, qui réunit les hôpitaux d'Aulnay, Montfermeil et Montreuil, incarne les contradictions de notre politique de santé. Financièrement fragiles, ces établissements font l'objet d'un plan de 590 millions d'euros, avec des investissements importants, comme la reconstruction de l'hôpital de Montfermeil - mais il repose sur un emprunt de plus de 200 millions d'euros, qui mettra en danger le fonctionnement des hôpitaux. Les conséquences sont déjà là : à Aulnay, le service de diabétologie a fermé.

Les syndicats hospitaliers, dont la CGT 93, dénoncent une « régression sociale », tant pour les personnels que pour les usagers, et appellent à une réponse de l'État fondée sur l'égalité républicaine et non sur une logique purement comptable.

Garantissez-vous que la transformation du service hospitalier ne se traduira pas par des suppressions de services, une perte d'attractivité pour les professionnels et un recul de l'accès aux soins ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Les trois établissements du GHT Grand Paris Nord-Est s'inscrivent dans des dynamiques contrastées, plus ou moins dégradées. Le plan de transformation lancé en 2019 comprend la reconstruction de l'hôpital du Raincy-Montfermeil, le projet de campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord, la rénovation de l'établissement public de santé de Ville-Évrard, ou encore des actions relatives aux déterminants de santé ou incitatives pour la démographie médicale. Autant de démarches pour renforcer l'accès aux soins et réaliser la promesse républicaine sur ce territoire.

Le plan de financement 2024-2034 prévoit un recours à l'emprunt à hauteur de 217 millions d'euros, ainsi que des aides en capital à hauteur de 339 millions et un autofinancement de 21 millions. S'ajoutent des aides régionales en exploitation pour 47,1 millions d'euros afin de sécuriser la trésorerie.

Dans le cadre de la fusion administrative des trois établissements, au 1er janvier 2026, l'ARS continuera d'assurer un suivi et un accompagnement. Le ministère de la santé y veillera tout particulièrement, en associant les élus du territoire.

M. Adel Ziane.  - Cet emprunt de 200 millions d'euros fait courir un danger au GHT. Dans un territoire marqué par une forte pression sur les établissements, toute mesure doit s'accompagner de garanties solides. L'objectif doit rester l'amélioration de l'accès aux soins, dans des conditions soutenables pour les établissements comme pour les professionnels de santé. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre de ces mesures.

Hommage national en mémoire des victimes du covid-19

M. Cédric Chevalier .  - Le 29 mars 2020, M. Lionel Petitpas a perdu son épouse, emportée par le covid-19. Face à cette tragédie, il a créé l'association Victimes du covid-19, pour honorer leur mémoire et offrir à leurs proches un lieu de recueillement. Depuis, à Cormontreuil, à Châlons-en-Champagne, à Taissy ou à Reims, il s'est attaché à convaincre les collectivités de mettre en place des lieux de mémoire : stèles, arbres ou plaques commémoratives. Chaque installation a donné lieu à d'émouvants hommages locaux.

Cinq ans après l'annonce du premier confinement, il y a besoin d'un hommage national à la mémoire des victimes de cette pandémie qui a profondément marqué notre pays et endeuillé des milliers de familles - souvent sans adieux, sans cérémonies, sans avoir pu accompagner leurs proches dans leurs derniers instants. Les cicatrices sont profondes. D'où le besoin d'un moment de reconnaissance collective, d'un temps de recueillement, afin d'affirmer l'importance du devoir de mémoire, du lien entre les générations, et de notre capacité à nous rassembler dans les épreuves.

Le Gouvernement entend-il inscrire cet hommage dans la durée, sous la forme d'un rendez-vous annuel ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Nous sommes rentrés dans une nouvelle ère, celle des chocs externes - des crises sanitaires mais aussi des chocs géopolitiques, des chocs inflationnistes, qui mettent à l'épreuve notre résilience nationale.

Votre proposition touche à la question de la mémoire collective. Chacun se rappelle le moment où le Président de la République a annoncé le confinement, où le pays s'est arrêté. Des familles ont perdu des proches sans pouvoir leur dire adieu. Ces traumatismes intimes et collectifs appellent un geste fort de la République. Un hommage solennel serait un acte de reconnaissance, d'unité et de résilience. Il pourrait rassembler autour de notre histoire récente nos douleurs partagées, ce que nous avons appris ensemble, réaffirmer le rôle de l'État, de nos maires, garants du lien social et de la mémoire nationale. Cette mémoire ne doit pas être figée, mais nous permettre de tirer des leçons sur la façon d'affronter les chocs externes.

S'agissant de votre proposition d'une journée nationale d'hommage, je ne peux m'engager formellement, mais le Gouvernement souhaite qu'un débat s'ouvre, dans un esprit d'écoute et de dialogue.

Délais de traitement des dossiers par la MDPH des Hauts-de-Seine

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine est en proie à de graves difficultés. Alors que le délai d'instruction d'un dossier ne devrait pas excéder quatre mois, il atteint, au troisième trimestre 2024, huit mois et demi en moyenne, et parfois jusqu'à douze mois !

La structure ne compte que dix médecins, quand il en faudrait quinze. Des opérations « coup de poing » ont été menées pour absorber les dossiers en attente, au détriment des rendez-vous et des visites à domicile. Forcément, la satisfaction des usagers a chuté, et les conditions de travail se dégradent.

Lors de son déplacement dans les Hauts-de-Seine vendredi dernier, le Premier ministre a rappelé le parcours du combattant imposé aux familles confrontées au handicap et la nécessité de réduire la complexité administrative.

Vingt ans après la loi Handicap, avez-vous un plan d'urgence pour garantir un meilleur fonctionnement de la MDPH des Hauts-de-Seine, afin d'éviter à nos concitoyens en situation de handicap de subir une double peine ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Depuis leur création en 2006, les MDPH ont vu leur activité tripler, et cette tendance se poursuit ; la MDPH 92 a enregistré une augmentation des demandes de plus de 25 % en un an. Parallèlement, le nombre de postes budgétaires a augmenté, mais on peine à pourvoir les postes vacants. L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation, qui représente 59 % des postes budgétaires, est particulièrement touchée par ces difficultés de recrutement.

Bien que la réglementation impose un délai de réponse de quatre mois, ce qui est déjà beaucoup, le délai moyen au niveau national est de 4,7 mois au deuxième trimestre 2024, avec des écarts selon les territoires et la complexité. Les dossiers PCH (prestation de compensation du handicap) nécessitent par exemple jusqu'à 5,9 mois de traitement.

Comment font les familles en attendant ? S'endettent-elles ? Arrêtent-elles de travailler pour accompagner leur proche en situation de handicap ? Face à ces défis, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a alloué 15 millions d'euros supplémentaires par an aux MDPH et instauré un nouveau mode de financement. Un décret de 2021 garantit un financement supplémentaire de 10 % pour chaque MDPH et des actions sont menées pour réduire les délais et améliorer la qualité de service, notamment à travers la garantie délai. Mais cela ne suffit pas.

La MDPH des Hauts-de-Seine devrait profiter en 2025 de ces mesures pour optimiser son fonctionnement. L'amélioration des délais et l'équité de traitement restent une priorité ; des simplifications du parcours sont à l'étude, et une task force a été lancée.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi.  - Nous pourrons en rediscuter, vu l'importance de cette question pour les familles.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je prends acte de ces bonnes nouvelles. Je sais votre mobilisation et je viendrai vous voir avec plaisir pour tâcher de faire avancer ce dossier.

Fin de contrat des assistants familiaux

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Ma question porte sur le statut des assistants familiaux en cas de rupture de contrat à leur demande. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir renoncer à leur agrément et à solliciter son retrait par les départements, le but étant de percevoir des allocations d'assurance chômage. C'est le seul moyen, pour eux, de toucher ces allocations. Pour les départements, cette situation est confuse, et va à l'encontre de leurs missions.

Dans un jugement du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a considéré que si le département fait droit à la demande de l'assistant familial de retrait de l'agrément, il doit le licencier ; la rupture de contrat est alors considérée comme étant à l'initiative de l'employeur.

Les départements ont donc deux options : refuser la demande, ce qui risque de compromettre l'accueil des mineurs, ou y faire droit et donc licencier. Les départements doivent alors respecter la procédure de licenciement, et donc saisir la commission consultative paritaire, et verser une indemnité de licenciement, voire des allocations de retour à l'emploi.

Ainsi, certains assistants demandent le retrait de leur agrément pour bénéficier de l'ensemble des droits liés au licenciement. Comptez-vous clarifier la situation ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'agrément peut être retiré si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies - présenter les garanties nécessaires au bon développement de l'enfant accueilli, passer un examen médical et disposer d'un logement - ; le retrait peut alors être décidé après consultation de la commission consultative paritaire. Dans ce cas, l'assistant familial ne pourra plus exercer.

Le souhait même de l'assistant n'est donc pas un motif légitime de retrait de l'agrément. Pour mettre fin au contrat de travail de son chef, seules la rupture conventionnelle et la démission restent possibles.

La question sera soulevée dans le cadre des prochains travaux sur les assistants familiaux, pour envisager des évolutions réglementaires. Une concertation est prévue au premier semestre 2025 avec les départements et les associations professionnelles.

Protection de l'enfance

Mme Michelle Gréaume .  - Le procès du drame d'Amandine, une jeune fille de 13 ans morte de faim et de mauvais traitements infligés par sa mère, a mis en lumière la situation dramatique de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Pourquoi l'État n'a-t-il pas pu ou su protéger cette enfant ? Je pense aussi à l'affaire Le Scouarnec : comment un ex-chirurgien, accusé de viols et d'agressions sexuelles sur près de 300 victimes a-t-il pu passer sous les radars ?

Depuis des années, magistrats, professionnels, élus et familles d'accueil nous alertent, tout comme le Cese ou encore la Défenseure des droits, qui dénonce la dégradation de plus en plus préoccupante de la protection de l'enfance. Près de 400 000 mineurs ou jeunes majeurs sont pris en charge par l'ASE, mais 30 000 postes sont vacants dans le médico-social et 70 % des juges ont déjà renoncé à des placements, faute de solutions.

Les départements, étranglés financièrement, peinent à assumer leurs responsabilités.

La responsabilité de l'État est flagrante. L'obsession sécuritaire à l'encontre des mineurs a pris le pas sur le devoir de protection des plus faibles.

Que compte faire le Gouvernement pour garantir à chaque enfant la protection à laquelle il a droit ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Une refondation en profondeur de l'ASE est urgente. Nous ne pouvons continuer ainsi.

Le Gouvernement renforce la prévention et le soutien à la parentalité, notamment auprès des pères, avec un plan de prévention de la périnatalité : nous ciblons les familles en difficulté. Nous renforçons les conditions de placement et contrôlons les établissements, comme les pouponnières, qui ont fait l'objet de témoignages terrifiants. Un bilan psychologique et somatique sera systématique dès la prise en charge, souhait de Mme Vautrin. Enfin, le placement à dimension familiale doit être privilégié.

Nous devons améliorer le recrutement des assistants familiaux, simplifier les démarches et réviser les modalités d'adoption.

Une gouvernance repensée s'impose. Un comité des financeurs se tiendra fin avril et un comité interministériel dédié à l'enfance se réunira à l'été. Le Gouvernement mesure l'urgence et la gravité de la situation.

Réduction des contrats « parcours emploi compétences »

Mme Amel Gacquerre .  - On a annoncé une réduction drastique du nombre de contrats aidés parcours emploi compétences (PEC) dans les collectivités. Or ces contrats facilitent l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi. Pour des milliers de citoyens, ils constituent l'unique moyen de trouver du travail.

Ces salariés, au plus près des habitants, sont essentiels pour assurer des missions indispensables de service public - accueil, restauration scolaire, services techniques. Ces contrats sont un outil majeur pour les collectivités, notamment rurales.

En 2023, les contrats PEC ont diminué de 25 % par rapport à 2022, soit 31 700 contrats en moins. Dans le Pas-de-Calais, malgré un taux de chômage plus important que la moyenne nationale, un maire m'a interpellée : 75 % en moins de nouveaux contrats PEC dans sa commune en 2025 !

Face à cette baisse brutale et sévère du nombre de contrats PEC, comment le Gouvernement soutiendra-t-il les collectivités territoriales ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Pour les politiques d'insertion et d'emploi, nous devons passer d'une logique d'entrée à une logique de sortie, en assurant un meilleur accompagnement. Quelques chiffres : le taux de sortie en emploi est de 54 % pour les contrats aidés, de 45 % pour l'insertion par l'activité économique et de 52 % pour les contrats d'engagement jeune. Voilà le problème ! Les logiques d'entrée n'y répondent pas.

Dans un contexte de baisse des crédits, il faut améliorer l'accompagnement à la sortie. J'ai aussi laissé plus de souplesse aux préfets pour répartir les crédits entre dispositifs, au plus près des territoires. J'y insiste : améliorons le taux de sortie en emploi.

Mme Amel Gacquerre.  - Je parle de personnes très éloignées de l'emploi et de service public, vous me parlez d'entrée et de sortie... L'expérience du terrain montre qu'il faut accompagner, sans quoi ces personnes ne trouveront pas d'emploi.

Prise en charge des détenus en psychiatrie

M. Franck Menonville .  - Si les détenus bénéficient d'escortes sécurisées lors de consultations hospitalières conventionnelles, ce n'est pas le cas lorsqu'ils présentent des troubles psychiatriques nécessitant une hospitalisation. L'arrêté de soins psychiatriques sur décision d'un représentant de l'État (SDRE), signé par le préfet, détermine la nature de l'escorte, mais, très fréquemment, les soignants sont contraints d'assurer le transport de ces patients, s'exposant à des risques majeurs pour leur sécurité.

S'il y a hospitalisation, un transfert de responsabilité s'opère : devenu patient, le détenu dispose de droits liés au code de la santé publique, non régis par le code pénitentiaire.

Les personnels soignants n'ont alors aucune information sur la nature de la détention ni la dangerosité de l'individu. L'hôpital est en sous-effectifs et l'insécurité de ces opérations est préoccupante. Comment comptez-vous renforcer la sécurité des personnels soignants ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Dans le cadre de la feuille de route Santé des personnes placées sous main de justice, une action est dédiée à l'amélioration du parcours de soins en santé mentale.

Les détenus nécessitant des soins psychiatriques sont pris en charge dans les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), mais aussi souvent dans d'autres services au sein des établissements autorisés en psychiatrie.

Ainsi, nous avons publié à l'automne dernier un guide de bonnes pratiques, réalisé avec tous les professionnels de la psychiatrie et du monde pénitentiaire, qui permet d'accompagner les professionnels soignants et les directions hospitalières. Il propose des réponses concrètes à leurs difficultés, rappelle les règles applicables en matière d'escorte et les modalités d'application des droits fondamentaux des patients.

Parallèlement, le ministère de la santé et celui de la justice copilotent le déploiement de la seconde tranche de trois nouvelles UHSA, soit 160 lits supplémentaires, en sus des 440 lits existants.

De plus, la mission d'évaluation de la prise en charge des troubles psychiques des personnes placées sous main de justice, dont Mmes Courneloup et Leboucher sont les rapporteures, permettra d'appuyer l'action de l'État.

Aide au permis de conduire pour les apprentis de moins de 18 ans

M. Yves Bleunven .  - J'appelle votre attention sur une incohérence réglementaire qui pénalise nos jeunes apprentis.

Depuis le 1er janvier 2024, le permis de conduire est accessible dès 17 ans. Malgré cette avancée, l'aide au financement du permis de conduire prévu par le décret de 2019 reste réservée aux apprentis de 18 ans révolus. Résultat : un apprenti de 17 ans peut passer le permis, mais il ne peut pas bénéficier de l'aide.

Dans un souci d'équité et de cohérence, envisagez-vous d'étendre cette aide aux apprentis de 17 ans, afin qu'ils puissent eux aussi accéder à l'autonomie que représente le permis de conduire ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - La question des transports, principal frein à l'emploi, est fondamentale. L'aide pour les apprentis majeurs afin qu'ils préparent le permis de conduire, de 500 euros, vient en complément d'autres dispositifs déployés par des régions et des départements.

L'objectif de cette aide est de faciliter le déplacement des apprentis dans le cadre de leur formation et de leurs stages. Elle facilite leur insertion professionnelle à la fin des contrats d'apprentissage, ce qui est fondamental.

Nous envisageons l'élargissement de cette aide aux apprentis de 17 ans, et j'espère que nous pourrons corriger cette anomalie. Si l'extension de l'aide doit être envisagée au regard des contraintes budgétaires, elle reste absolument essentielle pour encourager la mobilité des apprentis, notamment en milieu rural.

Nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise

Mme Véronique Guillotin .  - La nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg, signée en 2018, avait un objectif simple : éviter la double imposition et lutter contre la fraude fiscale. Son entrée en vigueur a été repoussée, et le ministre Bruno Le Maire s'était engagé à lancer une étude d'impact. Son application sur les revenus de 2024 fait naître de vives inquiétudes chez les contribuables frontaliers, particulièrement chez les retraités et ceux à revenus mixtes.

Une projection : un couple qui payait 2 000 euros d'impôts sur des revenus luxembourgeois et français pourrait désormais payer 2 600 euros. L'appréhension est légitime. Dans le Grand Est, 150 000 travailleurs frontaliers sont concernés. Dès 2018, les parlementaires vous alertaient, tout comme, plus récemment, Franck Leroy, président de la région.

Comptez-vous engager cette étude d'impact ? Il nous faut une évaluation transparente avant l'application de cette convention.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La nouvelle convention nous fait passer du régime de l'exemption, qui ne permet pas d'éviter les doubles exonérations, à un régime que nous appliquons depuis les années 1990 avec l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni : celui de l'imputation.

Ainsi, les revenus au Luxembourg restent imposés au taux prévu par la législation luxembourgeoise. Concernant les revenus perçus en France, la méthode d'exemption limitait la progressivité de l'impôt sur les revenus imposables en France. La nouvelle convention crée plus de justice entre nos concitoyens : les revenus de source française des foyers ayant des revenus luxembourgeois seront imposés au même taux que les foyers qui, à montant équivalent, ne disposent que de revenus de source française. C'est donc une réforme d'équité et de justice fiscale entre les transfrontaliers et les autres résidents.

Après quatre ans de période de transition, prévue pour que les ménages s'adaptent, la convention de 2018 s'appliquera pleinement sur les revenus de 2024.

Le guichet spécial au sein de la DGFiP de la Moselle accompagne les contribuables, et mes services sont à disposition de tous ceux qui ont des questions.

Projet solaire en coactivité agricole

M. Jean-François Longeot .  - Le projet en coactivité d'Accolans, dans le Doubs, déposé en novembre 2023, en est un parfait exemple. Ce projet de photovoltaïque au sol a été initié par la municipalité. L'exploitant agricole partenaire, qui vit de l'élevage bovin, a proposé la création d'un atelier ovin sur la parcelle retenue. Alors que l'ensemble des parties prenantes du projet est d'accord, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a émis un avis consultatif défavorable en avril 2024.

Alors que le projet d'Accolans a été déposé avant la publication du décret du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme prévu par la loi APER du 10 mars 2023, les services locaux de l'État cherchent à lui appliquer le nouveau cadre réglementaire.

Je pourrais vous citer des dizaines d'autres exemples. Comment résoudre ce problème ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - La loi APER a défini deux types d'installations pouvant s'implanter dans les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) : l'agrivoltaïsme et le photovoltaïque compatible. Le décret d'application précise que la loi concerne les projets d'installation agrivoltaïque ayant déposé une demande d'autorisation à partir du 9 mai 2024, et les projets d'installation photovoltaïque compatible ayant déposé une demande d'autorisation à partir de la publication du document cadre de la chambre d'agriculture du territoire concerné. Le projet que vous mentionnez n'est pas soumis au nouveau cadre. (M. Jean-François Longeot le conteste)

Différents groupes de travail ont été organisés. Nous avons désormais un cadre réglementaire adapté aux spécificités du terrain depuis avril 2024, complété en juillet 2024. Un guide de clarification a été publié en février 2025 à l'adresse des services instructeurs.

Nous restons à l'écoute des différents acteurs afin de lever les barrières au développement d'un agrivoltaïsme raisonné.

M. Jean-François Longeot.  - Merci.

Renouvellement des concessions hydroélectriques

M. Raphaël Daubet .  - La souveraineté et les ambitions énergétiques de la France sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens et des élus. Il est urgent de sortir le dossier du renouvellement des concessions hydroélectriques de l'enlisement dans lequel la directive Concession l'a plongé en 2014, en imposant la mise en concurrence lors du renouvellement des contrats. Depuis une décennie, la France, de manière transpartisane, y résiste.

L'hydroélectricité est la deuxième source de production électrique, derrière le nucléaire, et la première source d'électricité renouvelable, stockable, pilotable et dotée d'une technologie mature. Les barrages contribuent à atténuer la pénurie d'eau et prévenir les inondations. Ils jouent un rôle d'aménagement majeur de vallées entières, comme dans mon département du Lot.

Nous sommes bloqués dans un précontentieux avec la Commission européenne. Sans visibilité ni stabilité pour les exploitants, l'ambition d'augmenter les capacités de grande hydroélectricité sera vaine. Les pistes étudiées - quasi-régie, basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation - se sont toutes heurtées à des blocages juridiques ou financiers. Comment sortir de ce précontentieux ? Où en sont les négociations avec la Commission ? Avez-vous entamé des discussions sur la révision de directive « concession » de 2014 ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Nous sommes, au Gouvernement, convaincus que l'hydroélectricité est une source d'énergie renouvelable cruciale, qui jouera un rôle croissant dans le mix énergétique. Prévisible et pilotable, elle est un élément clé de la stabilité du système électrique. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit d'augmenter les capacités de 2,8 gigawatts à horizon 2035.

Nous avons un contentieux avec la Commission européenne, qui nous impose la mise en concurrence. Beaucoup de solutions sont à l'étude, dont le basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation. Les députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel sont chargés d'une mission d'information sur le sujet. Toutes les solutions ont des enjeux juridiques et financiers importants. Nous échangeons de façon intense avec la Commission européenne.

La révision de la directive est une option mais son calendrier est tel que cela ne peut pas être une solution de court terme.

Double imposition des travailleurs frontaliers luxembourgeois

Mme Silvana Silvani .  - Le nouveau mode d'imposition des contribuables français ayant des revenus de source mixte, française et luxembourgeoise, devait ne pas avoir d'impact financier, selon les engagements de M. Le Maire, et être précédé d'une étude d'impact.

Or, malgré le report de l'entrée en vigueur de cette réforme de 2021 à 2024, les conditions de son acceptabilité sociale ne sont pas réunies. Aucune étude d'impact n'a été réalisée, ce qui est d'autant plus surprenant que l'avenant à la convention fiscale entre la France et la Suisse, examiné par notre assemblée jeudi dernier, a bénéficié d'une telle étude. Des cas concrets de hausse d'impôt m'ont été rapportés.

Envisagez-vous de suspendre l'application de cette mesure le temps de réaliser une étude d'impact approfondie ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Quand les modalités de calcul de l'impôt changent, des questions se posent. La convention a été signée en 2018 et son application reportée : elle s'appliquera sur les revenus de 2024. C'est essentiel pour l'équité fiscale.

La convention prévoit que les revenus perçus au Luxembourg soient taxés au Luxembourg. En revanche, quand un couple travaille, pour l'un des membres, au Luxembourg, et, pour l'autre, en France, les revenus de celui qui travaille en France seront imposés comme si les revenus de l'autre avaient été générés en France. Ainsi, les revenus perçus en France seront imposés de la même manière, qu'il y ait ou non des revenus perçus au Luxembourg par ailleurs.

L'imputation est le régime appliqué dans toutes les conventions fiscales en vigueur.

Les contribuables peuvent solliciter la direction départementale des finances publiques (DDFiP) de Moselle. En outre, il est possible de télétravailler en France pendant trente-quatre jours au lieu de vingt-neuf en restant intégralement imposable au Luxembourg. En cas de dépassement, la portée n'est que fiscale. Le prélèvement à la source à la charge de l'employeur a été remplacé par un système d'acomptes contemporains par la loi de finances pour 2023.

Il est utile que les conventions signées s'appliquent.

Mme Silvana Silvani.  - Il ne s'agit pas de mettre en cause l'impôt, mais bien son mode de calcul : il va à l'encontre de l'équité fiscale, puisqu'il y a double imposition.

Double imposition des travailleurs transfrontaliers de l'hôpital de Cerdagne

Mme Lauriane Josende .  - Depuis 2023, trente-deux salariés espagnols de l'hôpital transfrontalier de Cerdagne, résidant en France, subissent une situation aussi absurde qu'injuste. Ils sont imposés deux fois : par la France, où ils vivent, et par l'Espagne, qui, au motif que l'hôpital se situe du côté espagnol alors qu'il est transfrontalier, leur réclame l'impôt sur le revenu des non-résidents, à hauteur de 19 % de leur salaire - de surcroît, rétroactivement.

Cette double imposition est une violation manifeste de l'accord entre nos deux pays. Malgré des mois de démarches, la situation s'aggrave. Ces salariés reçoivent des relances du fisc espagnol ; la dernière, du 10 mars, leur réclame des intérêts de retard.

L'administration française est informée et une procédure amiable a été ouverte, ainsi qu'un moratoire annoncé, mais avec quel résultat concret ? Aucun. L'administration espagnole vient d'écrire à la direction de l'hôpital, souhaitant rendre celui-ci responsable du paiement de l'impôt de ses salariés.

Cette double imposition met ces salariés en grande difficulté. Ce n'est pas l'idée que nous faisons d'une coopération européenne. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre rapidement pour mettre fin à cette situation inacceptable ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Cette situation a été portée à la connaissance de la direction générale des finances publiques (DGFiP) il y a un an.

L'Espagne fait référence à l'article 19 de la convention fiscale franco-espagnole. Mes services, la direction de l'hôpital et les salariés sont dans leur bon droit de considérer que cet article ne s'applique pas.

Saisi de la situation par les intéressés, le service en charge de la résolution des différends internationaux de la DGFiP, sous mon autorité, a bien pris attache avec son homologue espagnol pour trouver au plus vite une solution à cette situation inacceptable. De très nombreuses discussions bilatérales ont déjà eu lieu. Néanmoins, il subsiste toujours une divergence profonde.

Notre ambassadrice à Madrid écrira prochainement à la ministre espagnole des finances pour qu'un accord soit conclu rapidement. Si cette démarche n'aboutit pas, je m'engage à m'adresser personnellement à mon homologue espagnol pour régler cette situation absurde.

Mme Lauriane Josende.  - Merci de votre engagement personnel. Cette situation ubuesque justifie que nous réfléchissions à un statut de salarié spécifique.

Difficultés des élus locaux face aux implantations d'antennes 5G

M. Didier Rambaud .  - Depuis plusieurs mois, je suis alerté par des maires sur leurs difficultés lors de l'implantation d'antennes relais pour la 5G.

D'une part, le code de l'urbanisme prévoit que les opérateurs ou les TowerCo, les sociétés de gestion des infrastructures, déposent une déclaration préalable de travaux pour l'installation d'un mât ou d'une antenne. D'autre part, l'arrêté du 12 octobre 2016, en application du code des postes et des communications électroniques, impose aux opérateurs de transmettre un document d'information mairie (DIM) à la collectivité concernée.

Toutefois, l'autorisation d'urbanisme n'étant pas conditionnée au dépôt du DIM, une déclaration préalable de travaux peut être acceptée même si la mairie n'a pas eu connaissance du projet. Les élus, découvrant le projet d'implantation au dernier moment, n'ont alors plus la capacité d'informer leurs administrés dans de bonnes conditions, ce qui crée incompréhension et frustration.

Pourrait-on envisager de rendre obligatoire la prise en compte du DIM dans l'instruction des demandes d'urbanisme ou d'instaurer un délai minimal entre la transmission du DIM et le dépôt de la demande ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - L'existence de plusieurs réglementations dont les objectifs diffèrent donne une apparence de complexité, mais garantit des implantations raisonnables et raisonnées.

Le code de l'urbanisme définit les règles applicables aux constructions et donne compétence au maire en matière d'autorisation d'urbanisme. Le code des postes confie au ministre chargé des communications, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et à l'Agence nationale des fréquences (ANFR) le soin de déterminer les modalités d'implantation des antennes sur l'ensemble du territoire. Le DIM a pour seul objet d'informer la population.

Il n'y a ni incohérence de la réglementation ni dépossession des maires de leur pouvoir de police. Effectivement, les élus locaux font part de difficultés. C'est pourquoi le Gouvernement avait prévu, dans la version initiale du projet de loi de simplification de la vie économique, un droit des maires de ne pas revenir sur une décision favorable à l'implantation d'une antenne relais, que votre assemblée a supprimé.

Je comprends que le délai d'un mois pour le DIM est insuffisant, d'autant que, dans certains cas, les opérateurs demandent à le raccourcir. Je suis très attachée à la bonne information des élus locaux comme de la population. Si certaines difficultés locales persistent, je vous propose de les faire connaître au cabinet de mon collègue Ferracci.

Réforme du CAS Facé

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ma question porte sur les conséquences de la suppression de la contribution des gestionnaires de réseau de distribution d'électricité au compte d'affectation spéciale « Fonds de financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (CAS Facé), remplacée par une fraction de l'accise sur l'électricité.

Cette remise en question d'un mécanisme de financement historique des syndicats d'énergie met en péril leur capacité à financer les investissements dans les zones rurales. C'est une véritable menace pour l'économie rurale, qui repose sur des infrastructures énergétiques fiables et résilientes. Cette réforme risque d'affecter les marchés publics des entreprises locales chargées de la modernisation et du renforcement des réseaux électriques, donc l'emploi local.

C'est en réalité l'existence même du CAS Facé qui est menacée, car la réforme déconnecte le financement des réseaux des besoins réels et accentue les disparités entre zones rurales et urbaines.

Comment le Gouvernement compte-t-il garantir aux syndicats d'énergie la pérennité de la maîtrise d'ouvrage locale des travaux d'électrification rurale, le maintien et l'actualisation des volumes financiers consacrés à l'électrification et la prise en compte des spécificités locales dans la répartition des financements ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er août prochain, nous mettra en conformité avec le droit européen et assurera une plus grande transparence dans les schémas de financement du CAS Facé.

Le Gouvernement a déposé un amendement pour garantir le montant pour l'année 2025, à 377 millions d'euros, et un autre pour indexer ce montant sur l'inflation.

La loi de finances a non seulement maintenu le CAS Facé, mais l'a renforcé juridiquement.

Les modalités d'attribution des aides restent inchangées. La répartition des donations entre départements n'est pas modifiée. Le Facé continuera à être une politique structurante dans les territoires ruraux. C'est un gage de cohésion entre territoires urbains et ruraux et une partie intégrante du service public de l'électricité, qui vise à garantir un approvisionnement partout sur notre territoire, y compris en bout de ligne, dans les lieux-dits, dans lesquels nous devons garantir la qualité du réseau.

Crise de la Fédération française de karaté

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - La Fédération française de karaté et des disciplines associées (FFKDA) connaît de graves dérives. L'élection de son président a concentré les critiques et le Comité national olympique et sportif français a recommandé l'organisation d'un nouveau scrutin, ce qu'a refusé la présidence de la FFKDA. En juin 2024, l'Agence française anticorruption a recommandé la tenue d'une inspection générale, restée sans suite.

Depuis, la FFKDA poursuit ses manquements au contrat de délégation, comme l'absence de plan de prévention, de lutte et de formation contre les violences sexuelles et sexistes ou de transparence financière. Quelque 250 000 licenciés attendent que l'État se tienne à leurs côtés.

L'héritage des jeux Olympiques, c'est aussi le respect de règles. Allez-vous diligenter une inspection ? Envisagez-vous d'autres mesures pour garantir aux licenciés une fédération plus démocratique, éthique et agissant de manière légitime ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Je suis régulièrement saisie de signalements ayant trait aux dysfonctionnements de la FFKDA. Après le refus du président élu, M. Bruno Verfaillie, d'un nouveau scrutin, les opposants peuvent contester le résultat en justice.

En janvier 2024, le parquet de Grenoble a ouvert une enquête préliminaire pour abus de confiance et opacité financière visant le comité départemental de karaté de l'Isère et son président, M. Thierry Lombardi. La FFKDA y est citée pour avoir perçu des fonds liés à la liquidation de la zone interdépartementale du Dauphiné Savoie.

Sur la lutte contre les violences, la direction des sports a adressé le 23 décembre 2024 à la FFKDA un courrier exigeant une mise en conformité. Sans réponse favorable d'ici au 30 avril 2025, son agrément lui sera retiré. Le 5 juillet 2024, la FFKDA a été auditionnée dans le cadre de la mission d'inspection générale sur les sports de combat. Nous serons vigilants sur les suites à donner.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Votre action ramènerait de la sérénité au sein de la FFKDA.

?Valorisation de la culture régionale bretonne

M. Simon Uzenat .  - La confédération Kenleur oeuvre à la transmission et à la valorisation des danses, du patrimoine vestimentaire, du chant, de la musique et des langues de Bretagne.

Forte de 15 000 adhérents, mobilisant près de 1 600 élèves de l'école élémentaire au collège, elle est exclue du programme de mécénat sur la pratique de la danse de la Caisse des dépôts et consignations, alors qu'elle répond aux critères de fond.

Cela illustre l'insuffisance du soutien de l'État à la valorisation de la matière culturelle bretonne et à ses acteurs, essentiellement financés par des aides locales, alors qu'ils jouent un rôle déterminant dans le bien vivre ensemble et la transmission de notre patrimoine immatériel. Cela concerne aussi la musique et les bagadoù.

Alors que la direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne accompagne la confédération Kenleur, comment justifier que la CDC n'en fasse pas de même ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Les arts et traditions populaires ont souvent été l'angle mort des politiques culturelles. La consultation menée pour le Printemps de la ruralité en 2024 témoigne de ce besoin de reconnaissance. Il y a été répondu par la mesure « Villages en fête », le plan Culture et ruralité et par l'élargissement, en mars dernier, du plan Fanfare aux musiques et danses traditionnelles ainsi qu'aux pratiques inscrites au patrimoine culturel immatériel, comme le fest-noz.

La Drac Bretagne a noué des relations étroites avec la confédération Kenleur dont elle soutient les actions et lui a accordé 40 500 euros d'aides en 2024. Elle soutient aussi d'autres acteurs : des bagadoù comme l'association Bodadeg Ar Sonerion, des équipes artistiques comme la compagnie C'hoari, des lieux de diffusion comme la Grande Boutique ou des structures de valorisation de la culture bretonne comme l'association Bretagne Culture Diversité.

Le ministère de la culture suit de près la situation de la confédération Kenleur.

?Révision de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales

Mme Mireille Jouve .  - Aujourd'hui, je pense avec émotion à Olivier Frégeac, maire de Peyrolles-en-Provence, qui nous a brutalement quittés il y a dix jours ; il bataillait sans relâche sur le dossier des aménités rurales.

Comme nombre de maires ruraux, il était inquiet de la révision abrupte des critères d'éligibilité à cette dotation qui a fait fondre comme neige au soleil les enveloppes déjà intégrées dans les budgets prévisionnels. Contrairement au but indiqué dans la note d'information du 11 juillet dernier - valoriser les services environnementaux rendus par les communes rurales -, il s'agit d'exclure des communes du dispositif, de faire des économies sur leur dos et celui de la protection de l'environnement. Dans les Bouches-du-Rhône, quinze communes ont été exclues et quelque 550 000 euros de dotation se sont évaporés.

Que comptez-vous faire pour aider ces communes ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - La réforme a ciblé les communes rurales appartenant aux catégories 5, 6 et 7 selon la grille de densité de l'Insee, soit les bourgs ruraux, la ruralité à habitat dispersé et la ruralité à habitat très dispersé.

Quelque 146 communes qui percevaient la dotation mise en place en 2019 ont ainsi été exclues, mais 2 680 communes non éligibles en 2023 ont été intégrées, pour un total de 8 921 communes rurales éligibles à la dotation 2024 et un montant qui est passé de 41,6 à 100 millions d'euros de 2023 à 2024.

Cette réforme vise à reconnaître la contribution des communes rurales aux objectifs de transition écologique et à inciter ces dernières à poursuivre leur action pour couvrir le territoire national de 30 % d'aires protégées bien gérées et de 10 % d'espaces en protection forte.

S'y ajoute l'accompagnement de l'Office français de la biodiversité, via les Atlas de la biodiversité ou les Territoires engagés pour la nature, financés jusqu'à 80 % de leur montant.

L'entreprise Ritleng Revalorisations

M. Jacques Fernique .  - L'entreprise alsacienne Ritleng Revalorisations, l'une des plus importantes sociétés de traitement des déchets de plâtre de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB), commet de graves manquements.

En septembre 2024, des salariés ont exercé leur droit de retrait après des contrôles positifs à l'amiante et les riverains sont exposés à des poussières potentiellement toxiques. Des mises en demeure et des amendes ont été infligées, mais rien ne change. Le pire serait la réintroduction sur le marché de plâtre contenant de l'amiante. Enfin, le représentant du personnel CGT qui a, le premier, dénoncé ces pratiques, a fait l'objet d'une procédure de licenciement, invalidée ensuite par l'inspection du travail.

Or l'entreprise contracte avec l'éco-organisme Valobat, ce qui révèle les failles du système instauré par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec).

Comment comptez-vous renforcer les contrôles dans la filière REP PMCB ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Ce site fait l'objet d'un suivi renforcé des services de l'inspection des installations classées pour l'environnement.

Depuis 2022, trois mises en demeure ont été adressées à l'exploitant et deux amendes administratives ont été signées par le préfet. L'inspection du travail effectue un suivi spécifique de l'entreprise : elle a rappelé à l'employeur les principes généraux de prévention et l'obligation générale de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs et a demandé des mesures adaptées pour protéger les salariés des émissions de poussière et d'amiante.

À la suite des alertes, l'éco-organisme Valobat a rappelé à l'entreprise et à ses prestataires les bonnes pratiques, les consignes de tri et a conçu un programme d'audit auprès de ses prestataires gérants des déchets. L'entreprise est inscrite à ce programme et fera prochainement l'objet des vérifications qui s'imposent.

?Fin de l'exonération des cotisations patronales pour certains armateurs français

Mme Agnès Canayer .  - Voilà bientôt dix ans, la loi pour l'économie bleue a instauré une exonération de cotisations patronales pour les armateurs français afin de renforcer leur compétitivité, dont le champ d'application a malheureusement a été réduit par le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Les armateurs français exclus de ce dispositif, comme tout l'écosystème portuaire havrais, alertent les pouvoirs publics sur les risques induits pour l'emploi des marins français et le maintien de notre pavillon et de notre place dans la transition écologique maritime.

Cette hausse des coûts d'exploitation de 25 % provoque un surcoût non budgété de 2,2 millions d'euros pour les armateurs havrais et met en péril leur modèle économique. Ainsi de l'entreprise TOWT qui développe un transport français à la voile avec zéro émission et prévoyait la mise en service de six nouveaux voiliers cargos d'ici à 2027.

Envisagez-vous de revenir sur ces exonérations dès cette année ou lors du budget 2026 ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Depuis le 1er mars 2025, seuls les armateurs de navires de transport de passagers, de navires câbliers et de navires dédiés aux énergies marines renouvelables bénéficient de la totalité des exonérations des contributions patronales ; les autres perdent l'exonération des parts chômage et famille, mais conservent la part dite Enim (Établissement national des invalides de la marine) portant sur les cotisations pour les gens de mer affiliés au régime d'assurance vieillesse des marins, qui demeure prépondérante. Cette mesure contribue à l'effort collectif de redressement des finances publiques.

Toutefois, ses effets sont significatifs ; des armateurs, notamment dans la filière vélique, ont annoncé leur intention de changer de pavillon. Une évaluation approfondie du dispositif est donc prévue et le Gouvernement n'exclut pas de rouvrir le débat lors du PLFSS 2026.

Mme Agnès Canayer.  - Les armateurs français sont aussi soumis à l'évolution des droits de douane. J'espère que des mesures rassurantes seront prises.

Interdiction du plomb dans les munitions pour la chasse

M. Pierre Cuypers .  - Le projet de modification du règlement européen concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances, publié le 27 février 2025, vise à éliminer le plomb dans les munitions pour la chasse dans un calendrier très serré : dans les dix-huit mois suivant l'entrée en vigueur du texte pour les balles à percussion de calibre supérieur à 5,6 mm et dans les trois ans pour les plombs de chasse.

En tant que président du groupe d'études sur la chasse du Sénat, je crains une baisse du nombre de chasseurs et je m'interroge sur la pertinence de cette nouvelle contrainte pesant sur les professionnels de l'armement à l'heure où l'Europe doit augmenter ses capacités militaires.

La dépendance du secteur de l'armement à l'égard de la Chine pour les matières premières dites sans plomb, en cas de non-report, risque d'augmenter. Un report de dix ans de ces mesures semble indispensable. Quelle est la position de la France ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Ce projet de texte fait suite à l'interdiction de l'usage de munitions au plomb dans les zones humides, entrée en application le 15 février 2023. Il sera discuté et évoluera sans doute avant sa publication. Les délais évoqués ont été proposés par la Commission européenne, qui considère que des alternatives existent. Mais il faut vérifier leur disponibilité en France, dans le nouveau contexte géopolitique.

S'agissant des forces armées, aucune restriction de mise sur le marché pour les balles de plomb n'est prévue et l'usage des balles resterait autorisé dans les centres de tir.

Si le Gouvernement partage l'ambition du texte, ses impacts socio-économiques sur les chasseurs doivent être considérés, ainsi que les conséquences sur la filière de la production de munitions.

M. Pierre Cuypers.  - Le monde de l'armurerie conteste ces solutions de remplacement. Le monde de la chasse serait dans une situation catastrophique.

Digues domaniales transférées aux collectivités

Mme Martine Berthet .  - Certaines collectivités auxquelles l'État a transféré la gestion des digues domaniales en janvier 2024 sont en difficulté. C'est le cas, malgré mes alertes, du syndicat mixte de l'Isère et de l'Arc en Combe de Savoie (Sisarc).

La loi Maptam avait prévu que l'État transfère des ouvrages conformes. Or, dans le cas du Sisarc, les mises aux normes n'ont pas eu lieu : c'était à prendre ou à laisser ! Les subventions prévues au fonds Barnier sont insuffisantes. Le plafond à 80 % des dépenses ne concernera que les dossiers validés avant 2027 ; ce sera 40 % ensuite. Pour le Sisarc, les 90 kilomètres transférés nécessitent près de 110 millions d'euros de travaux ; or la taxe Gemapi, jamais revalorisée depuis 2014, ne permettra d'en financer que 14 millions. Le ministre Béchu avait promis d'aider jusqu'à 95 % du montant des travaux. Le Gouvernement respectera-t-il son engagement de financer la quasi-intégralité des travaux ?

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - La loi Maptam de 2014 avait prévu une période de transition de dix ans au cours de laquelle l'État a poursuivi la gestion des digues domaniales. Cette période de transition a pris fin le 28 janvier 2024 et la très grande majorité de ces ouvrages a été transférée aux collectivités « gemapiennes ».

En Savoie, le Sisarc s'est ainsi vu confier un linéaire d'ouvrages d'environ 71 kilomètres. Des travaux de réhabilitation sont en cours, financés en totalité par le fonds Barnier, à hauteur de 6 millions d'euros. D'autres travaux prioritaires ont été programmés pour 46 millions d'euros, financés par le Sisarc sans reste à charge, grâce aux subventions bonifiées du fonds Barnier et grâce à une soulte de 10,5 millions d'euros. Si en 2030 des travaux complémentaires sont encore nécessaires, le Gouvernement maintiendra son soutien au Sisarc, afin que le reste à charge soit aussi réduit que possible.

Par ailleurs, compte tenu du rôle joué par ces ouvrages pour protéger des infrastructures routières et ferroviaires stratégiques, d'autres contributeurs pourraient participer au plan de financement à plus long terme.

Normes applicables aux appareils de chauffage au bois

M. Jean-Claude Anglars .  - Le chauffage au bois est apprécié en milieu rural. L'exploitation de la forêt paysanne favorise une filière locale de bois-énergie, bon marché et durable.

Mais le projet de réforme envisagé par la Commission européenne, qui abaisse les seuils d'émission de particules fines, d'oxyde d'azote et de monoxyde de carbone et impose des rendements énergétiques minimums, inquiète. Les professionnels pourraient être contraints de revoir leurs gammes de produits et les consommateurs d'investir dans de nouveaux équipements.

La réforme, reportée en raison d'incertitudes sur sa faisabilité technique et économique, crée de l'incertitude pour les acteurs du secteur : quels seuils ? Quels délais de mise en conformité ? Pour ne pas fragiliser des milliers de foyers ni compromettre l'avenir d'une filière économique, il ne peut y avoir d'interdiction sans solution !

Quel est le contenu de la réforme ? Quels aménagements sont-ils prévus pour soutenir les professionnels et les ménages concernés ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - La réglementation de la mise sur le marché des équipements de chauffage au bois vise à améliorer leur efficacité énergétique et à réduire leurs émissions de polluants atmosphériques, sans interdire leur installation ni imposer le remplacement des équipements existants. Elle simplifie l'accès au marché européen pour les fabricants en uniformisant les normes.

Les règlements en vigueur depuis 2020 pour les chaudières fonctionnant à la biomasse et depuis 2022 pour les poêles à bois font l'objet d'une mise à jour. Les documents de travail préliminaires, publiés en janvier 2025 par la Commission européenne, sont destinés à recueillir l'avis des experts et des parties prenantes. L'analyse de 14 000 produits vendus en Europe, réalisée en 2023, est publique. La finalisation des travaux est prévue pour 2026, avec un délai d'application permettant aux fabricants d'adapter leur gamme de produits si nécessaire.

Le Gouvernement veillera à une approche équilibrée conciliant exigences environnementales et réalité économique et accompagnera les professionnels et les ménages dans cette transition.

Suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires

M. Christian Redon-Sarrazy .  - Comme prévu par la loi de finances pour 2024, le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) sera supprimé à compter de la rentrée 2025. Or certaines communes en ont encore besoin. Ce fonds finance les activités périscolaires lorsque le temps scolaire est organisé sur huit ou neuf demi-journées, dont cinq matinées. Ses aides sont calculées en fonction du nombre d'élèves éligibles, avec un montant forfaitaire et une majoration pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine cible ou à la dotation de solidarité rurale cible.

En Haute-Vienne, quatre communes ont conservé une organisation sur cinq matinées et proposent des activités périscolaires de grande qualité, gratuites de surcroît. Il est indispensable de préserver de tels services à la population et de soutenir les communes rurales qui les mettent en oeuvre.

Le Gouvernement va-t-il revenir sur la suppression du FSDAP ou, a minima, prévoir un mécanisme de compensation ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Le FSDAP avait pour objectif de contribuer à mettre en place des activités périscolaires au moment du passage à l'organisation scolaire sur quatre jours et demi. La loi de 2013 avait été très claire : la durée de vie du fonds était limitée. Depuis le décret du 27 juin 2017, la majorité des communes ont opté pour une organisation du temps scolaire sur quatre jours. En 2016-2017, 20 000 communes avaient bénéficié du FSDAP, pour 380 millions d'euros ; leur nombre a, depuis, été divisé par 20 et le coût par 10, à 37 millions d'euros -  dont 5 millions d'euros pour Paris.

L'extinction du fonds, programmée pour la rentrée 2023, a été reportée pour permettre aux collectivités de s'adapter. Mais un nouveau report n'est pas envisageable, a fortiori par voie réglementaire.

Dans un contexte budgétaire contraint, la ministre Élisabeth Borne a fait le choix de recentrer ses crédits sur d'autres priorités, notamment la refondation de Mayotte. Bien entendu, dans le cadre de la préparation du budget 2026, nous sommes à l'écoute de vos propositions.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Je ne me faisais pas beaucoup d'illusions...

Une nouvelle fois, vous faites porter l'effort budgétaire sur les collectivités qui ont choisi de conserver ces cinq matinées, alors que leurs finances sont déjà très contraintes. Ce sera au détriment des enfants, que l'on prive d'une émancipation culturelle.

Congés menstruels dans la fonction publique

M. Pascal Savoldelli .  - L'endométriose touche 2 millions de femmes en France. Un rapport de 2023 de la délégation du Sénat aux droits des femmes en a fait un sujet central de l'égalité professionnelle.

Alors que certaines entreprises privées ont pris des mesures, le secteur public est en retard. Le 20 novembre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu les délibérations de deux collectivités qui avaient instauré un congé menstruel. C'est ubuesque : on empêche les maires de mettre en place une mesure d'égalité. Je salue la présence en tribune de M. le maire de Gentilly, accompagné d'agents territoriaux.

Allez-vous publier un décret pour permettre l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique, en cas de règles douloureuses, d'endométriose, d'adénomyose, de dysménorrhée ou de syndrome des ovaires polykystiques ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Plusieurs collectivités ont décidé de mettre en place de telles autorisations spéciales d'absence (ASA), afin de permettre aux femmes concernées -  et c'est heureux  - de s'absenter de leur service sans effet sur leurs droits à congés annuels.

Toutefois, en l'état actuel du droit, les collectivités locales ne sont pas compétentes pour créer une nouvelle catégorie d'ASA pour raison de santé. Le code général de la fonction publique ne prévoit d'ASA que pour des motifs spécifiques tels que la parentalité ou certains événements familiaux -  pas pour raison de santé. C'est pourquoi le tribunal administratif de Toulouse a suspendu lesdites délibérations, les estimant contraires au droit existant.

La direction générale de l'administration et de la fonction publique travaille à l'identification de solutions juridiques permettant de mieux prendre en compte ces situations, afin de leur apporter une réponse adaptée.

M. Pascal Savoldelli.  - Mais le Gouvernement s'était opposé à l'adoption d'une proposition de loi sur la question ! L'Espagne, le Japon, l'Indonésie ont instauré un tel congé menstruel. Alors, rédigez un décret ou soutenez nos initiatives législatives !

Responsabilité financière des gestionnaires publics

M. Fabien Genet .  - Issu d'une ordonnance du 23 mars 2022, le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Depuis, les mises en cause de directions générales se multiplient dans les collectivités territoriales, soulevant de nombreuses inquiétudes.

La principale incertitude porte sur la notion de « faute grave » qui n'est pas précisément définie dans l'ordonnance. Selon M. Serge Barichard, de la Cour des comptes, cette notion serait progressivement clarifiée par la jurisprudence. Autrement dit, le champ des responsabilités sera affiné au fur et à mesure par les juges...

Dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d'État a rappelé que la protection fonctionnelle bénéficie aux agents publics poursuivis pénalement. Or les sanctions financières de la Cour des comptes ne sont pas considérées comme pénales. Ce manque de garanties pourrait nuire à l'attractivité de la fonction publique territoriale.

Qu'envisagez-vous pour mieux encadrer la responsabilité des gestionnaires publics et garantir leur protection face aux risques liés à l'exercice de leurs fonctions ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Le ministre Laurent Marcangeli s'est engagé à renforcer la protection fonctionnelle des agents publics. C'est pourquoi le Gouvernement soutient la proposition de loi de Violette Spillebout, qui permettra à l'administration de porter plainte au nom de l'agent victime, d'étendre la protection fonctionnelle à titre conservatoire pour les ayants droit de l'agent et de l'octroyer à l'agent entendu librement dans le cadre d'une procédure pénale.

L'agent public ne bénéficie pas de la protection fonctionnelle en cas de procédure devant les juridictions financières, car il n'est alors ni victime ni mis en cause dans une procédure civile ou pénale. Le Conseil d'État l'a confirmé dans une décision du 29 janvier 2025, tout en soulignant que l'administration peut néanmoins lui apporter un soutien dans la préparation de sa défense.

Dans son récent rapport, Christian Vigouroux souligne que l'élargissement de l'octroi de la protection fonctionnelle en cas de procédure devant les juridictions financières nécessiterait une réflexion approfondie. Les services du Premier ministre ont engagé cette réflexion, en concertation avec la Cour des comptes.

M. Fabien Genet.  - Merci pour cette réponse très technique. Je ne suis pas certain qu'elle rassurera les intéressés. L'actualité le montre : il n'est pas toujours bon que le juge définisse la portée des infractions... C'est au Parlement et au Gouvernement de le faire.

Délais de traitement et de paiement des dossiers de MaPrimeRénov' et de certificats d'économie d'énergie

Mme Anne-Sophie Romagny .  - Les mesures contradictoires sur la rénovation énergétique ont conduit les particuliers et les entreprises à différer leurs projets. Ma question date d'avril 2024, mais le Gouvernement ne m'a pas répondu et la situation ne s'est pas améliorée...

Les délais d'instruction des dossiers de MaPrimeRénov' et de certificats d'économie d'énergie sont de plus de deux mois, ce qui allonge d'autant les délais de paiement. Documents aléatoires à fournir, insuffisante formation des instructeurs, formulaire obsolète, contrôle déficient : autant d'exemples kafkaïens à l'origine de retards dans l'instruction, qui affectent gravement la trésorerie des entreprises du bâtiment.

Comment comptez-vous réduire ces délais d'instruction et de paiement ? Il y va de la compétitivité de nos entreprises artisanales. La Capeb et la FFB ont des propositions simples et pragmatiques.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Depuis le lancement de MaPrimeRénov' en 2020, les travaux de plus de 2,4 millions de logements ont été aidés, pour 11,7 milliards d'euros d'aides publiques. Dans un contexte marqué par une forte demande, certains dossiers ont abouti dans des délais inhabituels. Il s'agit toutefois d'un nombre limité de dossiers, au regard des 540 000 dossiers instruits en moyenne chaque année par l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

L'intensification des contrôles réalisés par l'Anah a pu conduire à un allongement des délais d'instruction et de traitement des dossiers. L'Agence a donc mis en place une équipe dédiée pour les situations les plus complexes : les dossiers en difficulté font l'objet d'un suivi individualisé, dans le cadre d'une démarche proactive d'identification en amont.

Le Gouvernement met tout en oeuvre pour garantir la qualité et la rapidité de traitement et d'instruction des dossiers.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Je vous en remercie. La viabilité de nos entreprises artisanales est en jeu.

Voici un document de quatre pages, qui liste des dysfonctionnements auxquels il pourrait être aisément remédié. Je suggère qu'une réunion soit organisée avec les artisans et les entreprises du bâtiment pour trouver des solutions pragmatiques. (Mme Anne-Sophie Romagny remet un document à Mme Juliette Méadel.)

Compétence mobilité des communautés de communes

Mme Florence Lassarade .  - La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) a instauré une couverture nationale par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Elle a offert aux communautés de communes la possibilité d'assumer cette compétence jusqu'au 31 mars 2021. Au-delà de cette date, pour celles qui n'ont pas pris de décision en ce sens, la compétence a été automatiquement transférée aux régions.

Les choix des communautés de communes ont été contrastés : alors que plus de 80 % d'entre elles ont choisi d'exercer cette compétence dans les Pays de la Loire, la Bretagne, la Normandie, le Grand Est et les Hauts-de-France, elles sont moins de 30 % en Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Nouvelle-Aquitaine, et trois seulement en Occitanie. Crise sanitaire, report des élections municipales, réticence de certaines régions souhaitant garder cette prérogative, manque de temps pour évaluer les enjeux d'une telle prise de compétence : les raisons de ce phénomène sont multiples.

Une modification de la LOM donnerait aux EPCI la possibilité de délibérer à nouveau sur ce sujet, pour que les territoires puissent se rendre compétents lorsqu'ils le souhaitent. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - L'application de la LOM a effectivement abouti à des situations contrastées, les EPCI n'ayant pas conservé la compétence se trouvant en difficulté lorsqu'ils souhaitent voir se développer une offre de mobilité sur leur territoire.

La délégation de compétence, quoique souple, n'est pas toujours satisfaisante. Cependant, rouvrir aux communautés de communes la possibilité de se doter de la compétence AOM conduirait à revenir sur une organisation territoriale encore très récente, voulue par les acteurs locaux qui ont eu l'opportunité et le temps de choisir. En outre, cela pourrait nécessiter des transferts de lignes de transport existantes, répondant aux besoins des populations.

Le Gouvernement réfléchit toutefois à la possibilité de permettre aux EPCI de délibérer à nouveau. Cela nécessitera au préalable une discussion avec les régions et les EPCI.

Mme Florence Lassarade.  - Je vous remercie d'avoir pris ce sujet en compte. J'ai pu constater à l'époque la précipitation dans laquelle la décision de se doter ou non de la compétence mobilité a dû être prise.

Loi SRU et crise immobilière

M. Éric Dumoulin .  - L'accomplissement des objectifs triennaux de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) imposant 25 % de logements sociaux s'avère irréalisable, voire chimérique, dans de nombreux cas. De nombreuses villes carencées sont confrontées à une situation paradoxale, ayant achevé leur développement urbanistique avec des espaces constructibles rares, voire inexistants, tout en étant soumises à des obligations chiffrées et des délais de réalisation inatteignables.

La crise immobilière, aggravée par la flambée des coûts de construction, des taux d'intérêt élevés qui freinent les investissements et une raréfaction des financements publics comme privés, complique encore davantage la situation. Nombre d'opérateurs se désengagent ainsi de projets pourtant largement avancés.

Les objectifs de la période 2023-2026 sont compromis et s'avèrent encore plus qu'avant déconnectés de la réalité. Quelles mesures envisagez-vous pour ne pas aggraver, voire pour alléger les pénalités qui seraient dues par les communes carencées dans le cadre de la période triennale, a fortiori dans le contexte de tension budgétaire que nous connaissons ? Comptez-vous faire évoluer la législation pour mieux prendre en compte les spécificités territoriales ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - L'article 55 de la loi SRU a créé un dispositif permettant d'orienter près de 50 % de la production de logements sociaux vers les communes déficitaires. Nous restons attachés au développement d'une offre sociale équilibrée sur le territoire.

Les objectifs triennaux ont été réduits en 2022 par la loi 3DS, qui a en outre ouvert la possibilité d'abaisser encore les objectifs dans le cadre de contrats de mixité sociale. Sur les 1 153 communes déficitaires, 343 contrats ont été signés, dont 187 prévoient un abaissement des objectifs. Les préfets prennent en compte le volontarisme et les difficultés des communes. Ces considérations seront reconduites pour l'analyse du bilan 2023-2025.

Avec la baisse récente des taux d'intérêt, la construction reprend. Il faut amplifier ce rebond, notamment dans les communes déficitaires. C'est le sens des mesures que Valérie Létard a présentées dans le cadre de la loi de finances pour 2025 et de la feuille de route qu'elle a signée avec les fédérations du logement social en février dernier.

Projet de port industriel à Vigneux-sur-Seine

M. Laurent Lafon .  - Le projet de port industriel de Vigneux-sur-Seine porté par l'établissement public Haropa Port suscite de vives inquiétudes dans le Val-de-Marne et en Essonne. L'objectif affiché est de renforcer l'activité industrielle et portuaire de l'axe Seine, mais le maire d'Ablon-sur-Seine, Éric Grillon, et de nombreux élus et habitants dénoncent les impacts négatifs de ce projet de plateforme multimodale à vocation régionale, sur trois plans.

Sur le plan de la mobilité, alors que le réseau routier est déjà saturé, le projet augmenterait le trafic, la congestion et la circulation des poids lourds et entraînerait des nuisances sonores qui affecteraient les riverains. Sur le plan de l'environnement, plus de 50 hectares de zones humides et d'espaces naturels classés se trouveraient artificialisés et 30 hectares déforestés sur l'une des plus belles rives naturelles de la Seine en Île-de-France. Enfin, sur le plan de la concertation, le nécessaire dialogue approfondi avec les élus locaux et les habitants se fait toujours attendre.

Comment le Gouvernement entend-il concilier impératifs écologiques et développement économique ? L'ampleur du projet peut-elle être revue et ses impacts, limités ? Face à la mobilisation citoyenne et à l'inquiétude légitime des élus locaux, quelles garanties concrètes le Gouvernement peut-il offrir pour assurer une véritable concertation ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville .  - Nous comprenons les inquiétudes que vous relayez. Si un terrain d'environ 110 hectares à Vigneux-sur-Seine avait effectivement été acquis dans les années 1990 par Haropa Port avec l'objectif d'y développer une plateforme industrielle portuaire, ce projet n'est plus d'actualité. Le nouveau schéma directeur de la région Île-de-France - Environnemental (SDRIF-E), adopté par le conseil régional le 11 septembre dernier, prévoit une urbanisation à vocation industrielle et multimodale limitée à 35 hectares le long de la voie ferrée et garantit la préservation d'une armature verte en bord de Seine sur la majeure partie du terrain.

Haropa Port est en phase de réflexion préalable. Une fois le nouveau SDRIF-E en application, une concertation approfondie sera engagée avec tous les acteurs du territoire, pour entendre et prendre en compte les préoccupations légitimes dont vous vous faites l'écho.

Le ministre des transports et son cabinet restent à votre disposition pour suivre l'évolution de ce dossier.

Non-application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer

Mme Audrey Bélim .  - La France a choisi d'exclure ses territoires ultramarins du champ d'application de la Charte sociale européenne, qui garantit des droits fondamentaux en matière de santé, logement, éducation, emploi et protection sociale. Cette situation dure depuis plus de soixante ans !

Pourtant, l'extension de la portée de ce texte à nos 3 millions de concitoyens ultramarins ne nécessiterait qu'une notification adressée par le gouvernement français au secrétaire général du Conseil de l'Europe. D'autres pays européens ont fait des choix différents : ainsi, les Pays-Bas appliquent la Charte à Sint-Maarten.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a qualifié cette situation « d'inacceptable » dans un avis adopté à l'unanimité. En mars 2024, une réclamation contre la France a été déposée devant le Comité européen des droits sociaux par plusieurs associations de défense des droits humains.

Cette exclusion soulève la question fondamentale de l'égalité des droits entre les citoyens de l'Hexagone et ceux des outre-mer, alors que les spécificités de nos territoires nécessitent une protection sociale renforcée, par exemple à La Réunion.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre fin à cette discrimination historique ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - J'en prends l'engagement devant vous : une demande sera formulée auprès du Conseil de l'Europe pour étendre l'applicabilité de la Charte sociale européenne aux départements et régions d'outre-mer. Une consultation préalable sera menée dans les collectivités ultramarines.

Les récents rapports du Sénat sur l'action de l'État dans les outre-mer illustrent bien l'ampleur des défis et appellent à un investissement public soutenu.

Le budget des outre-mer a été revalorisé de 11 % en autorisations d'engagement et 6 % en crédits de paiement par rapport au budget initial et l'effort total s'élève à près de 25 milliards d'euros, malgré le contexte budgétaire exigeant.

Les réclamations au titre de la Charte ne peuvent être introduites que par des organismes habilités. Cette procédure, non contraignante, contribue au principe d'État de droit.

Manque de statistiques fiables sur les infanticides

Mme Laurence Harribey .  - La Commission nationale consultative des droits de l'homme a mis en exergue l'absence de recensement précis des enfants tués par leurs parents. Le dernier rapport sur les morts violentes d'enfants au sein des familles, paru en 2018, dénombre 363 victimes par an entre 2012 et 2016, soit un décès tous les cinq jours, mais ce chiffre alarmant ne tient pas compte du chiffre noir des néonaticides non révélés ni des enfants victimes du syndrome du bébé secoué non diagnostiqué. L'absence de données fiables laisse penser que le nombre de morts est en réalité plus élevé.

Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants, présenté par le Gouvernement en 2022, affichait l'objectif louable de bénéficier de meilleures données. Malheureusement, rien n'a évolué. Comment comptez-vous améliorer le recensement des enfants tués par leurs parents ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Les statistiques à la disposition du ministère de la justice ne permettent effectivement pas d'évaluer le nombre d'enfants dans ce cas. Toutefois, en isolant dans le champ infractionnel retenu les seuls ascendants directs, la circulaire du 28 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences sur mineurs fournit des directives afin de mieux appréhender et traiter sur un plan judiciaire les morts violentes de mineurs liées à une infraction volontaire commise dans la sphère familiale ou institutionnelle.

Cette circulaire invite les parquets généraux à informer systématiquement la direction des affaires criminelles et des grâces de la survenance de tels drames, y compris en cas de syndrome du bébé secoué ou de mort en lien avec le suicide des parents. Elle vise également à mettre en oeuvre un retour d'expérience systématique sur ces décès, afin d'analyser a posteriori chaque infanticide commis dans la sphère familiale, de retenir les éléments pertinents en matière de prévention et d'identifier les axes d'amélioration à travailler.

La circulaire encourage aussi la conclusion de partenariats renforcés avec le milieu médical, afin de favoriser les signalements.

Mme Laurence Harribey.  - Merci pour ces éléments. Il serait bon de faire un point officiel sur les éléments à améliorer et de repenser certaines qualifications pénales, pour mieux correspondre à la spécificité criminologique de ces actes.

Téléconsultation pour les personnes placées en garde à vue

M. Édouard Courtial .  - Depuis le 20 février dernier, les personnes dont la garde à vue est prolongée au sein de la compagnie de gendarmerie de Senlis, dans l'Oise, peuvent utiliser une borne de télémédecine pour réaliser une consultation médicale.

Ce dispositif a été rendu possible par la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice de 2023. Cette bonne idée améliore le quotidien de tous, notamment des forces de l'ordre. C'est une aubaine, plus encore pour les territoires ruraux, comme le mien, frappés par la désertification médicale et la saturation des urgences.

Ce dispositif garantit le droit de toute personne de pouvoir consulter un médecin dans les meilleurs délais. Il constitue en outre un gain de temps précieux pour les forces de l'ordre, qui devaient auparavant parcourir un trajet de 20 minutes pour se rendre aux urgences de Creil. Il limite par ailleurs les déplacements des gardés à vue, donc le risque d'évasions.

L'État compte-t-il étendre au-delà de Senlis le recours à la téléconsultation médicale pour les personnes en garde à vue ? La France, particulièrement les zones rurales, aurait beaucoup à y gagner.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, complétée par le décret du 18 novembre 2024 relatif aux modalités de réalisation de l'examen médical à distance en cas de prolongation de la garde à vue, prévoit la possibilité de réaliser l'examen médical de compatibilité de la garde à vue avec l'état de santé de la personne, en cas de prolongation de la mesure, par vidéotransmission ou tout autre moyen de communication audiovisuelle, même si aucun examen médical n'est intervenu au cours des vingt-quatre premières heures. Ces dispositions sont applicables depuis le 21 novembre dernier.

Le recours à la téléconsultation suppose l'installation préalable de bornes de télémédecine au sein des services de police et de gendarmerie. Le ministère de la justice est favorable au déploiement de ces bornes, qui relève toutefois en premier lieu du ministère de l'intérieur. Celui-ci a été sensibilisé au sujet.

Immatriculation des motos de collection

Mme Else Joseph .  - Je croyais que le monde des collectionneurs était préservé de la bureaucratie kafkaïenne : grande naïveté...

Les amateurs de motos anciennes se heurtent à des formalités compliquées, qui les dissuaderaient presque de collectionner, plaisir de l'âme et sain loisir. Obtenir une carte grise les fait devenir verts de rage et rouges de colère, car le site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ne reconnaît pas ces véhicules ! Quant au téléphone, il sonne aux abonnés absents ; et les tentatives d'obtenir un rendez-vous auprès de France Services ou en préfecture se révèlent tout aussi vaines. Des clics et des couacs absurdes pour une démarche qui devrait être toute simple.

Les collectionneurs se croient dans Les douze travaux d'Astérix, à la recherche du formulaire 104... Leur paradis devient un enfer, alors qu'ils veulent tout faire pour rester dans la légalité. Comment le Gouvernement compte-t-il leur permettre d'immatriculer paisiblement leur véhicule ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Certains véhicules anciens disposent toujours d'une immatriculation délivrée avant 2009, dans un format qui n'a plus cours. Un changement de titulaire ou d'adresse nécessite une conversion préalable. Dans certains cas, l'opération peut dérouter l'usager, je vous le concède.

Un parcours guidé est accessible sur le portail de l'ANTS. Près de 10 000 opérations portant sur des véhicules de collection ont été réalisées l'année dernière, dont 2 700 ont impliqué une conversion, à chaque fois menée à terme. Les cas signalés de personnes en difficulté ont été marginaux.

Pour autant, le problème que vous soulevez fera l'objet d'une attention soutenue de la part de l'ANTS, désormais France Titres, qui dispose d'un service efficace d'aide aux usagers, notamment à travers son centre d'appels, implanté dans votre département.

Enfin, le nouveau système d'immatriculation des véhicules sera déployé de façon progressive entre 2025 et 2027 : il devrait permettre de résoudre définitivement les difficultés que vous évoquez.

Mme Else Joseph.  - Merci pour vos réponses concrètes : je suis preneuse du tutoriel... Certains collectionneurs évoquent la possibilité de conserver leur ancienne immatriculation. Quant à la plateforme ANTS installée à Charleville-Mézières, elle fonctionne très bien !

Nouvelles brigades de gendarmerie dans l'Aisne

M. Pierre-Jean Verzelen .  - En octobre 2023, le Président de la République a annoncé la création de 238 nouvelles brigades de gendarmerie, dont trois dans l'Aisne : brigades fixes à Saint-Gobain et Aubenton, brigade mobile à Neuilly-Saint-Front.

Ces communes se sont organisées pour trouver des terrains et imaginer des locaux pour les gendarmeries et les logements des familles. Les bailleurs et les investisseurs sont prêts, et les services immobiliers de la gendarmerie ont donné leur accord pour les trois projets.

Quand les contrats seront-ils signés et quand les travaux commenceront-ils ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - En effet, le chef de l'État a annoncé la création de 239 nouvelles brigades d'ici à 2027.

L'année dernière, 80 premières brigades ont été créées, dans 64 départements métropolitains et 8 départements et collectivités d'outre-mer. Le Gouvernement poursuivra le déploiement de ces brigades cette année, mais le calendrier de création des unités n'est pas totalement arrêté. Il tiendra compte notamment des contraintes budgétaires et des autorisations de recrutement. Les 27 départements n'ayant pas encore bénéficié d'une nouvelle brigade, dont le vôtre, seront prioritaires.

Dans l'Aisne, trois projets ont été retenus - vous les avez rappelés. L'État les accompagnera dans la durée. Nous sommes conscients des interrogations des élus locaux, dont l'implication est un facteur clé de réussite. Le ministre de l'intérieur suit ces projets avec la plus grande attention et fera des annonces dans les prochaines semaines.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - J'entends que la situation budgétaire est complexe et j'attendrai les annonces prochaines du ministre de l'intérieur, mais les communes ont besoin de visibilité. Vous comprenez bien que, le Président de la République ayant pris un engagement, il y va de la parole de l'État.

Section aérienne de gendarmerie de Limoges

Mme Isabelle Briquet .  - La section aérienne de gendarmerie de Limoges connaîtra cette année plusieurs fermetures temporaires, comme celles d'Égletons en Corrèze et Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques : il s'agit d'assurer la maintenance de la flotte d'hélicoptères Écureuil, compte tenu de son obsolescence. Ces fermetures suscitent de vives inquiétudes, car les femmes et les hommes de ce service public jouent un rôle essentiel en matière de maintien de l'ordre et de secours aux personnes dans nos territoires, ruraux comme urbains.

Le ministre Buffet a récemment répondu à mon collègue Stéphane Delautrette, député de la Haute-Vienne, que de nouveaux hélicoptères étaient commandés et seraient - normalement - livrés dans les prochains mois. Alors que le contexte financier est dégradé et que 8 milliards d'euros de crédits ont été annulés dans le budget 2025, pouvez-vous m'assurer que ces nouveaux matériels seront bien livrés et que la section de Limoges en bénéficiera rapidement ? Me confirmez-vous que la pérennité de cette dernière n'est en rien menacée ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La flotte aérienne de la gendarmerie est vieillissante et nécessite une vigilance particulière en matière de maintenance.

Cette année, les visites périodiques seront donc en hausse, ce qui entraînera une croissance des indisponibilités d'hélicoptères EC145. Plus anciens, les Écureuils seront progressivement retirés du service d'ici à 2029. La gendarmerie se trouve ainsi contrainte de fermer temporairement des sections aériennes, dont celle de Limoges.

Dans un premier temps, des redéploiements de machines entre sections permettront de préserver au mieux le fonctionnement de celles-ci. À plus long terme, le renouvellement de la flotte, qui a commencé, assurera une parfaite adaptation aux besoins opérationnels.

Je vous confirme que seize hélicoptères de nouvelle génération H160 et H145 D3 sont commandés pour remplacer les Écureuils réformés. L'affermissement de la tranche conditionnelle du contrat d'acquisition des H145 D3 d'ici à 2027 au profit du ministère de l'intérieur préservera nos capacités d'hélicoptères de sécurité publique.

Mme Isabelle Briquet.  - Merci pour ces réponses. J'espère pouvoir, dans quelque temps, partager votre optimisme... Le renouvellement de la flotte est un impératif.

Les élus sont très attachés à la présence de la gendarmerie dans les territoires et à l'intégrité de ses missions : plus tôt les hélicoptères seront livrés, plus tôt nous serons rassurés sur la pérennité de nos sections aériennes.

Relocalisation urgente de la direction départementale de la police nationale à Foix

M. Jean-Jacques Michau .  - J'attire une nouvelle fois l'attention sur la situation préoccupante des locaux de la direction départementale de la police nationale de l'Ariège, à Foix : dispersés sur trois sites vétustes, ils ne permettent plus aux 90 agents de remplir efficacement leurs missions. Problèmes de salubrité, manque d'espace, non-conformité aux normes de sécurité : autant de contraintes qui pèsent sur le quotidien des policiers.

Alors que les interventions ponctuelles, coûteuses, ne règlent pas les problèmes structurels, le projet de relocalisation dans les anciens locaux de la Banque de France constitue une opportunité unique : sécurisé et fonctionnel, ce bâtiment permettrait de regrouper l'ensemble des services et d'optimiser les coûts à long terme. Au moment où il revient à la vente, il faut agir rapidement pour concrétiser ce projet qui bénéficie d'un large soutien local.

L'État compte-t-il acheter ces locaux dès cette année et engager rapidement les travaux nécessaires à l'installation des agents de la police nationale de l'Ariège ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Chaque jour, les policiers s'engagent sur le terrain pour protéger les Français : ils méritent des locaux dignes et modernes, alors que trop de commissariats sont inadaptés ou vétustes.

À Foix, les locaux sont exigus et très vétustes, en dépit des travaux qui ont été régulièrement réalisés. Tous les acteurs conviennent de la nécessité d'une relocalisation.

Les locaux récemment libérés par la Banque de France permettraient certainement une relocalisation. Des échanges ont eu lieu entre la Banque de France et nos services déconcentrés. Une fois examinés les aspects techniques et budgétaires, il sera possible de prendre une décision.

Dans l'attente d'une solution de relocalisation, le Gouvernement fera tout ce qu'il peut pour que les policiers de Foix disposent de conditions de travail acceptables.

M. Jean-Jacques Michau.  - Il est urgent d'agir. La concrétisation de ce dossier témoignerait de l'engagement de l'État en faveur de la sécurité des Ariégeois et des conditions de travail des fonctionnaires.

Délai de livraison d'un hélicoptère H145 à Briançon

M. Jean-Michel Arnaud .  - Début 2024, le ministère de l'intérieur a passé commande de quarante-deux hélicoptères, dont six pour les forces aériennes de la gendarmerie nationale, auxquelles un premier appareil a été livré en novembre dernier.

La section aérienne de gendarmerie de Briançon-Villar-Saint-Pancrace, dans les Hautes-Alpes, possède depuis 2008 un appareil EC145 que son usage et ses caractéristiques rendent de moins en moins opérant. Or le peloton de gendarmerie de haute montagne de Briançon est la deuxième drop zone de France, avec plus de 1 000 missions aériennes réalisées chaque année, dont certaines requièrent un grand professionnalisme et du matériel performant - ainsi de l'évacuation, le 24 décembre dernier, de 240 skieurs bloqués sur un télésiège à Superdévoluy.

La livraison d'un nouvel hélicoptère H145, plus puissant que la machine actuelle, est nécessaire pour élargir le spectre des opérations réalisables, notamment à l'emport de quantités plus importantes de matériel. Cet appareil facilitera aussi les interventions en cas de vent traversier, fréquent en haute altitude.

Alors que les livraisons doivent s'étaler jusqu'en 2028, la section de Briançon doit être priorisée, d'autant que son hélistation héberge le centre de vol en montagne, destiné à la formation du personnel. Dans quel délai ce nouvel appareil sera-t-il livré ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La flotte aérienne de la gendarmerie nationale est vieillissante : une vigilance particulière est nécessaire en matière de maintenance, ainsi qu'un renouvellement significatif.

Un marché d'acquisition de H145 D3 a été conclu, comprenant une tranche ferme de six appareils et une tranche complémentaire de vingt-deux appareils. Sur les six premiers hélicoptères, deux sont financés par les accords de Sandhurst : ils serviront à la lutte contre l'immigration irrégulière dans la Manche et en mer du Nord. Un autre sera affecté à la section aérienne de Chamonix en 2026, un autre au Centre national d'instruction en 2027. Les deux derniers seront affectés à la section aérienne de Cayenne fin 2027 et début 2028.

Pour le moment, il n'est donc pas prévu de doter la section aérienne de Briançon d'un appareil de ce type avant 2028, si ce n'est ponctuellement.

Convaincu de la nécessité de renouveler le parc des EC145, en particulier en haute montagne, le Gouvernement travaille à ce que la tranche complémentaire du contrat soit affermie avant 2027. La section de Briançon sera alors étudiée en priorité, en raison de l'activité opérationnelle intense que vous avez soulignée.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Merci pour votre réponse, même si elle ne me satisfait pas totalement. Le site de Briançon sera l'un des clusters des jeux Olympiques de 2030 : les personnels, y compris ceux du centre hospitalier, ont besoin de ce nouvel hélicoptère dans un délai qui leur permette de s'y préparer au mieux. J'invite donc le ministre de l'intérieur à accélérer son affectation à Briançon.

Prolifération des commerces de blanchiment d'argent à Paris

Mme Agnès Evren .  - À Paris, riverains, collectifs et associations sont excédés par la prolifération d'ongleries, barber shops et autres épiceries de nuit qui, loin d'être de simples commerces de proximité, sont les vitrines d'un système de blanchiment d'argent au service du crime organisé : particulièrement concentrés dans le nord-est de la capitale, ces établissements alimentent l'insécurité, occasionnent des nuisances permanentes et instaurent une concurrence déloyale avec le commerce traditionnel.

Or que fait la maire de Paris ? Elle ferme les yeux. Par dogmatisme ou lâcheté, Mme Hidalgo refuse d'agir, laissant les réseaux criminels s'enraciner dans nos quartiers.

La proposition de loi visant à mieux lutter contre le narcotrafic prévoit notamment la possibilité pour un maire de demander la fermeture administrative d'un commerce suspecté de blanchiment, mais encore faut-il que les maires s'en saisissent.

Le Gouvernement compte-t-il donner enfin les moyens d'agir aux élus qui y sont prêts, là où d'autres abandonnent sciemment leurs quartiers à la loi du plus fort ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Le blanchiment d'argent est un pan du narcotrafic auquel le ministre de l'intérieur est pleinement attentif.

La proposition de loi sur le narcotrafic, adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale à une large majorité, facilitera la fermeture administrative des commerces liés au trafic de stupéfiants. Ce texte transpartisan est le fruit du travail mené dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat initiée par le groupe Les Républicains.

Le ministre de l'intérieur a publié, le 12 février dernier, une circulaire sur le dispositif Villes de sécurité renforcée, fondé sur un partenariat avec les élus locaux. Ces derniers peuvent agir contre les commerces litigieux grâce à leurs pouvoirs de police, leur droit de préemption, des signalements et leur participation au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

En outre, le ministre a donné instruction au préfet de police de Paris de mettre au jour le travail dissimulé, l'emploi d'étrangers sans titre et la fraude fiscale. Cette action se poursuivra pour saisir leurs biens et ceux de leur entourage, facilitée par la proposition de loi sur le narcotrafic.

La séance est suspendue à midi quarante.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 18 h 30.

Livre blanc de la Commission européenne sur la défense

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le Livre blanc de la Commission européenne sur la défense, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains .  - En Europe, évoquer la défense était iconoclaste ; hors les questions d'élargissement, de marché unique, de zone euro ou d'accords commerciaux, il n'y avait point de salut.

Mais la réalité, violente, nous rattrape : des États ont tout misé sur la puissance, considérant traités et principes comme des barrières de papier. Ainsi, parmi les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, trois sur cinq ont adopté des comportements problématiques.

Dès 2008, la Russie a mené une guerre éclair en Géorgie. Elle s'est ensuite attaquée à l'Ukraine en 2014 puis en 2022. Elle exerce de fortes contraintes dans de vastes zones autour de l'Europe.

De son côté, la Chine se dote rapidement de tous les moyens économiques, technologiques et militaires pour bouleverser l'ordre mondial à son profit.

Quant aux États-Unis, leur attitude inquiète. Donald Trump a accéléré le processus de divergence entre les partenaires transatlantiques et se concentre sur ses objectifs, la Chine et l'Iran, ainsi que son obsession pour l'Arctique qui le conduit à vouloir mettre la main sur le Groenland. Pour la défense de ses intérêts, le président américain semble disposé à sacrifier l'Ukraine et peut-être la sécurité de l'Europe.

Depuis quelque temps, l'Europe réagit. Mais les États membres ne se posent pas tous la question de la défense dans les mêmes termes. La plupart considèrent que la défense européenne relève de l'Otan et du parapluie nucléaire américain, d'où leurs faibles investissements.

Si la défense relève de la souveraineté des États, l'Union européenne n'est pas restée inactive pour tenter de donner corps à l'autonomie stratégique européenne : elle a récemment présenté le plan Réarmer l'Europe et un Livre blanc pour la défense européenne.

Ma première observation portera sur la temporalité : l'horizon de préparation est 2030, ce qui paraît optimiste au regard de la complexité des sujets, du nombre de domaines jugés prioritaires et de l'ampleur des efforts à mener pour faciliter la mobilité militaire.

La mobilisation de moyens financiers extraordinaires est impérative. La Commission européenne annonce un plan de 800 milliards d'euros qui correspond essentiellement à de la dette, nationale mais aussi commune. Il ne faudrait pas que ces mécanismes deviennent un moyen pour Bruxelles de contrôler la défense des États membres. Et quelle sera la marge de manoeuvre des États qui, comme la France, ont déjà une dette élevée ?

Le Livre blanc insiste sur la nécessité d'encourager les financements privés : c'est la reconnaissance d'un problème longtemps occulté. Hélas, je ne suis pas certain que les réticences des acteurs financiers soient toutes durablement levées ; il faut maintenir la pression.

Les défis sont immenses pour produire des volumes importants à moindre coût, tout en sécurisant et diversifiant les filières d'approvisionnement. Si l'accroissement des dépenses militaires se confirme, il devra se faire au profit des entreprises européennes dans un cadre de coopération renforcé. Encore faut-il que les Européens produisent et achètent européen.

Jusqu'ici, la situation est largement profitable aux États-Unis, qui, sous couvert d'interopérabilité avec l'Otan, imposent leurs standards et créent des dépendances. Certains de nos voisins persistent d'ailleurs à maintenir des commandes importantes aux États-Unis, donc une dépendance envers eux pour les deux prochaines décennies. Par ailleurs, toutes les coopérations européennes n'ont pas été fructueuses ; certaines ont abouti à des échecs, des retards ou des surcoûts.

Que certaines acquisitions soient faites à l'étranger en dépit d'alternatives européennes compétitives est évidemment troublant. Ne nous figurons pas que les Américains vont abandonner le marché européen alors qu'un afflux de crédits s'annonce. Sans oublier la Corée du Sud et Israël.

Les questions de concurrence intracommunautaire et les règles d'exportation hors Union européenne doivent aussi être prises en compte.

En général, j'accueille les initiatives de la Commission européenne et de son actuelle présidente avec prudence. Leur propension à se mêler de tout, à interpréter avantageusement les traités et à surréglementer est avérée. La Commission est aussi à l'origine d'une taxonomie qui ne reconnaît pas comme durables les activités liées à la défense, alors que nos concurrents étrangers bénéficient d'un large soutien public et privé. Des simplifications ont été annoncées : nous verrons ce qu'il en est.

Peu de développements sont consacrés au Royaume-Uni. Hors la France, c'est pourtant la seule puissance nucléaire et le seul membre permanent du Conseil de sécurité sur le continent. Ce pays dispose d'un spectre large de compétences et de capacités, ainsi que d'une expérience du combat.

Nous avons eu la clairvoyance de conclure, en 2010, un partenariat de défense avec le Royaume-Uni, qui demeure après le Brexit. Cette initiative bilatérale fonctionne et pourrait servir de modèle à une plus grande échelle. Mais les États-Unis laisseront-ils les autorités britanniques agir comme elles l'entendent ?

Forts de cette prise de conscience des enjeux de sécurité en Europe, nous devons préparer la guerre de demain, qu'il s'agisse d'une guerre de haute intensité ou de la multiplication d'actions multichamps en « zone grise », sous le seuil de conflictualité. Pour aller au-delà des déclarations d'intention, nous devrons être pragmatiques et innovants, travailler avec quelques États en fonction des domaines et en partant des besoins opérationnels, nous défaire des lourdeurs administratives, renforcer la ressource humaine, militaire comme industrielle - certains industriels européens importent de la main-d'oeuvre d'Asie.

Nous sommes à un tournant de l'Histoire : mettons-nous, Français et Européens, en état de compter sur la scène internationale du XXle et de ne pas être la proie des nouveaux empires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe.  - Oui, nous sommes à un moment de bascule historique face à la menace que fait peser la Russie sur nos démocraties et aux incertitudes qui entourent la relation transatlantique et la garantie de sécurité américaine. C'est l'opportunité pour notre pays, pour notre continent, de prendre leur destin en main en investissant massivement pour se réarmer.

Nous partageons votre souci de promouvoir la préférence européenne : les futurs financements doivent donner de la visibilité à nos industriels pour monter en capacité et maintenir leur savoir-faire.

Nous reviendrons certainement lors de ce débat sur la gouvernance et les objectifs des instruments que nous allons mettre en place en Europe pour répondre à ce nouveau contexte géopolitique.

M. Pascal Allizard.  - Plutôt que d'Europe de la défense, je préfère parler de défense de l'Europe. L'Europe est aussi une géographie : n'oublions pas nos voisins britanniques, mais aussi norvégiens et d'autres encore. Nous avons besoin d'une approche collective à l'échelle des États, en incluant bien évidemment l'Union européenne et sans oublier l'Otan - car un travail considérable a été accompli dans ce cadre, et ne pas s'en servir serait une erreur.

M. Jean-Pierre Grand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Des négociations viennent de se tenir en Arabie saoudite entre l'Ukraine, les États-Unis et la Russie - sans l'Union européenne. Situation aussi révoltante que paradoxale, car l'Europe est concernée au premier chef par le conflit en Ukraine.

Après l'Ukraine, ce sont la Pologne, l'Estonie, la Lituanie ou la Lettonie qui pourraient subir l'agression russe. En 2021 déjà, la Pologne et la Lituanie ont été victimes d'une attaque hybride menée par la Russie et la Biélorussie, fondée sur l'exercice d'une pression migratoire ingérable.

L'Union européenne s'est mobilisée, mais pas suffisamment. De fait, ses fondements sont ceux d'une union pour la paix par la prospérité, et non par la force. Les bouleversements géopolitiques récents nous obligent à changer d'approche.

Une prise de conscience avait eu lieu lors du premier mandat de Donald Trump - en témoigne la mise en place du Fonds de défense européen, en 2021. Puis la guerre en Ukraine a donné lieu à de nombreuses initiatives, dont la boussole stratégique européenne. La réélection de Donald Trump nous oblige à aller plus loin.

C'est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté le mois dernier son très attendu Livre blanc sur la défense européenne. Si l'Otan reste la pierre angulaire de la défense du continent, l'Union européenne a désormais le devoir d'assurer sa propre sécurité.

Le soutien à l'industrie européenne est une orientation majeure du Livre blanc, la Commission européenne identifiant les secteurs critiques dans lesquels des projets réunissant au moins deux pays doivent être menés : défense aérienne et antimissile et intelligence artificielle, par exemple.

La Commission européenne préconise aussi d'améliorer la mobilité militaire et de renforcer nos frontières extérieures, notamment avec la Russie et la Biélorussie. Elle appelle à une assistance militaire accrue à l'Ukraine, ainsi qu'à une plus grande intégration des industries européenne et ukrainienne.

Ces mesures s'accompagnent de propositions financières ambitieuses dans le cadre du plan ReArm Europe, destiné à mobiliser jusqu'à 800 milliards d'euros pour notre défense. Il prévoit notamment une dérogation au pacte de stabilité et de croissance (PSC) pour les dépenses en matière de défense. La Commission européenne propose aussi une facilité de prêt pour les dépenses militaires, jusqu'à 150 milliards d'euros. La mobilisation de la Banque européenne d'investissement (BEI) sera également décisive.

Le groupe Les Indépendants soutient les mesures proposées dans ce Livre blanc, mais restera vigilant sur leurs effets concrets. Le mois dernier, le consensus n'a pas pu être réuni, à cause de la Hongrie ; demain, il est possible que d'autres États bloquent les décisions. Et n'oublions pas que, pendant des années, les États membres ont été divisés sur les questions de défense. À nous, Européens, d'être unis et au rendez-vous pour ne pas sortir de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Exclusion possible des dépenses de défense du calcul du déficit, plan SAFE, prêt de 150 milliards d'euros contracté par la Commission européenne, refléchage de certains fonds : le réarmement de notre continent franchit un cap important.

Mais nous devrons aller plus loin et rehausser nos ambitions sur le long terme. Je pense au recours au mécanisme européen de stabilité ou à un possible grand emprunt pour la défense, à l'instar de celui lancé face à la crise Covid pour la relance de notre économie. Ces mesures feront partie des priorités que la France défendra auprès de ses partenaires, à commencer par le nouveau chancelier allemand.

Nous travaillerons, bien sûr, à inclure tous nos partenaires, en particulier les Britanniques et les Norvégiens. Nous le faisons déjà avec le Premier ministre Starmer pour la définition des garanties de sécurité pour l'Ukraine, afin d'assurer une paix juste et durable.

M. Jean-Luc Ruelle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce Livre blanc était nécessaire, parce que le contexte géopolitique a profondément changé depuis la parution de la Boussole stratégique, en 2022 : il est devenu impératif de prendre le virage d'une véritable défense européenne. Très attendu, il est, hélas, décevant.

Sur la forme, ce document est le parangon de ce que peut produire la bureaucratie européenne : défaut de structuration, redondances, banalités, assertions irréalistes.

Sur le fond, il ne propose aucun nouvel axe sérieux et entretient la confusion sur la création d'une véritable industrie de défense européenne et sur la conduite des opérations militaires.

Certes, des mécanismes sont proposés pour améliorer la coopération et la coordination interétatique en vue d'un marché unique, mais aucune structure n'est prévue pour faire converger les actions des États. Quant à une mutualisation des budgets militaires pour des acquisitions conjointes, elle n'est pas même abordée.

Ce ne sont pas là les seules lacunes du Livre blanc. On n'y trouve aucune solution de financement commune novatrice. Un investissement colossal de 800 milliards d'euros est envisagé, mais 150 milliards seraient à la charge des États, sans prise en compte de leur capacité d'endettement. Quant à la possibilité pour les États de renoncer à la TVA dans le cadre de l'instrument SAFE, elle représente des montants ridiculement faibles.

Il faudrait, par exemple, envisager la défiscalisation totale des filières de production de défense et modifier la taxonomie européenne pour inciter le système financier à soutenir l'industrie de défense.

Plus problématique encore : le réarmement européen n'est conçu qu'en réaction au conflit russo-ukrainien, et le cadre stratégique proposé a pour vocation première d'intégrer l'Ukraine dans l'architecture de sécurité européenne. Une fois de plus, les dispositifs envisagés semblent davantage circonstanciels et court-termistes que réfléchis dans une perspective de renforcement durable de la base industrielle et technologique de défense européenne. Entendons-nous bien : je ne remets pas en cause notre aide militaire à l'Ukraine, mais la structuration de la stratégie européenne autour de ce soutien.

Tout aussi problématique est l'affirmation selon laquelle l'Otan reste la pierre angulaire de notre défense. Une articulation entre l'Europe de la défense et l'Otan est à l'évidence nécessaire ; du reste, l'Union européenne ne pourrait se passer de l'Otan à brève échéance. Mais faire de l'Alliance atlantique notre centre de gravité géostratégique est une grave erreur, notamment du fait de l'imprévisibilité américaine.

La vocation de l'Union européenne est d'organiser le marché unique de la défense, tandis que la gestion des personnels et des opérations appartient aux États disposant de capacités militaires effectives, y compris le Royaume-Uni et la Norvège. C'est la seule voie possible vers l'autonomie stratégique.

M. le président.  - Votre temps de parole est écoulé.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Pour fréquenter abondamment les documents de la Commission européenne, je ne puis qu'approuver vos commentaires stylistiques...

Je vous trouve sévère, en revanche, sur la construction de ce document. L'objectif est d'identifier les domaines dans lesquels nous avons des lacunes et des dépendances, notamment vis-à-vis des États-Unis, afin de concentrer nos efforts d'investissement pour rattraper ces retards d'ici cinq à dix ans. Je pense par exemple aux satellites - voyez le rôle joué par Starlink en Ukraine. Bref, il s'agit de hiérarchiser les priorités et d'investir ensemble.

Il n'est pas question de fédéralisation de la défense : les États membres garderont leur souveraineté sur l'outil militaire. Il convient, en revanche, de mettre en commun les priorités et les dépenses.

Je suis parfaitement d'accord avec vous sur la taxonomie. Nous avons d'ailleurs obtenu la modification du mandat de la BEI. Les institutions privées doivent maintenant montrer qu'elles ont intégré ce changement de culture et se départir de leur frilosité à soutenir nos PME et start-up dans le domaine de la défense.

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Maryse Carrère applaudit également.) Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir suscité ce débat utile.

Je déplore vivement qu'un document de cette importance ne soit disponible dans sa version intégrale sur le site de la Commission européenne qu'en anglais. C'est insupportable ! (Nombreuses marques d'assentiment) J'aimerais, monsieur le ministre, que vous relayiez ce coup de gueule, ou plutôt ce carton rouge adressé à la Commission européenne. Sous la présidence française de l'Union européenne, Clément Beaune et moi-même avions confié une mission à Christian Lequesne, qui nous avait remis des propositions concrètes pour faire du multilinguisme une réalité dans les institutions de l'Union européenne.

S'il est le premier du genre, ce document s'inscrit dans la lignée d'exercices précédents s'y apparentant. Mais puisque la notion de Livre blanc est employée en France depuis un demi-siècle pour des documents fixant notre stratégie de défense et de sécurité, je tiens à préciser ce que ce Livre blanc européen n'est pas.

Il n'est ni un document fixant une chimérique stratégie supranationale de défense ni une feuille de route qui poserait les bases d'une armée européenne intégrée. En matière de défense, il ne peut y avoir de supranationalité. Mal en a pris à ceux qui, dans les années 1950, ont imaginé confier les clés de la défense des six pays fondateurs à un ministre de la défense commun, à la tête d'une armée commune sous le commandement ultime du commandement supérieur des forces atlantiques en Europe... Soyons clairs : il ne s'agit pas d'y revenir.

Notre politique de défense nationale repose sur des piliers fondamentaux : une revue nationale stratégique, une loi de programmation militaire, des lois de finances annuelles qui traduisent ces ambitions en moyens. Ce triptyque, qui ne relève que des pouvoirs exécutif et législatif nationaux, existe et continuera d'exister.

J'en viens à ce qu'est ce Livre blanc : une reconnaissance des positions défendues avec constance par la France depuis de nombreuses années. Dès 2017 - le président Patriat s'en souvient -, dans son premier discours de la Sorbonne, le Président de la République constatait : « Nous vivons en Europe (...) un désengagement progressif et inéluctable des États-Unis », précisant qu'en matière de défense, notre objectif devait être la capacité d'action autonome de l'Europe, en complément de l'Otan.

Que d'énergie il a fallu déployer pour faire accepter à tous les États européens ce qui paraît aujourd'hui une évidence : le concept d'autonomie stratégique européenne.

Ce Livre blanc est aussi une validation du choix initié par la France en 2017, et même 2012, d'augmenter les crédits de la défense. Les deux lois de programmation militaire (LPM) ont fait passer ce budget de 34 à 51 milliards d'euros, marquant notre volonté de consolider notre modèle complet d'armée. Les commandes ont été passées, les matériels renouvelés.

Ce Livre blanc est la conséquence du réveil stratégique des Européens qui ont enfin ouvert les yeux sur les menaces conventionnelles ou hybrides. Le réveil est brutal pour ceux qui avaient mis tous leurs oeufs dans le même panier transatlantique, moquant la volonté française d'autonomie européenne comme un ersatz de gaullisme suranné, dans ces années 2000 qui fleuraient bon la fin de l'histoire. Mais la guerre en Ukraine a mis en évidence le caractère imprévisible de l'allié américain. Certes, le Mur de Berlin est tombé et le rideau de fer levé, mais ce n'est pas l'ère de la paix perpétuelle chère à Kant. De nouveaux murs invisibles menacent de diviser notre société à coups d'infox ou d'ingérences.

Le Livre blanc est un bon début, un starter au sens mécanique du terme. Il permet un rattrapage, grâce aux 150 milliards d'euros de prêts SAFE et aux 650 milliards d'euros de dépenses nationales additionnelles. Il enclenchera une dynamique. Mais de grâce, pas de complexification ! La seule norme défendable, c'est le contenu européen des armements commandés. La position de la France, de 80 % et non 65 % de la valeur totale d'un système d'armement d'origine européenne, doit être entendue, car elle est de bon sens.

Il faut faire en sorte que les jeunes pousses et les PME soient encouragées.

J'ai commencé mon propos par un carton rouge ; je le termine par un feu vert à l'égard de la Commission. Il est heureux qu'elle mette en place des outils pour aider les États membres à renforcer la défense européenne. Elle doit mettre les bouchées doubles ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Depuis 2017 et le discours de la Sorbonne du Président de la République, la France a l'ambition de l'autonomie stratégique de l'Union européenne, face à un monde compétitif, aux menaces, aux questions sur l'avenir de la garantie de sécurité américaine. Déjà le président Obama évoquait en son temps le pivot vers l'Asie et avait mis en danger la sécurité de l'Europe par son inaction en Syrie. En 2014, on a vu le début de l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Les Européens doivent réaliser un réinvestissement massif dans leur défense et mettre fin à leurs dépendances technologiques, face au rôle de TikTok ou X dans l'espace public. Nous devons réindustrialiser notre continent et rehausser nos ambitions en soutenant nos entreprises.

Nous continuons de défendre cette ambition haute pour une Europe souveraine capable de se défendre. Beaucoup de nos partenaires, longtemps sceptiques, nous rejoignent. Nous canaliserons cette énergie pour avoir une Europe plus forte. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Des chantiers industriels majeurs seront développés. Nos pépites peuvent être vulnérables financièrement. Il faut les préserver, en protégeant leurs brevets par exemple. La direction de l'industrie de défense à la direction générale de l'armement (DGA) dirigée par Alexandre Lahousse fait un travail remarquable. Nous devons rester vigilants. Le service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) a montré que les alertes vont croissant notamment de la part d'alliés. Suivez mon regard... (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La situation internationale nous pousse à mieux prendre en charge notre souveraineté en matière de défense, en assurant notre autonomie stratégique, prônée par la France depuis des années. L'opportunité de cette initiative est avérée. En vingt ans, la part de l'Europe dans les dépenses militaires mondiales est passée de 27 % à moins de 16 %. La Chine l'a doublée. La Russie consacre plus de 6 % de son PIB à la défense.

Pendant ce temps, l'Europe a réduit ses arsenaux, sous-investi et parié sur les dividendes de la paix.

Depuis que la Russie est devenue une menace existentielle, la compétition entre puissances ne se cache plus derrière les traités. La Russie transforme l'Ukraine en laboratoire de la guerre d'attrition. La Chine étend patiemment ses réseaux logistiques, de l'Indopacifique à la Méditerranée. Les États-Unis assument une lecture purement transactionnelle des alliances, rappelant que l'article 5 de l'Otan n'est plus une promesse inconditionnelle.

La France, seule puissance nucléaire de l'Union, a un rôle à jouer. Nos intérêts vitaux ont une dimension européenne. Il est donc légitime d'associer nos partenaires à la réflexion sur notre dissuasion. Ni partage, ni délégation, mais la marque d'une confiance sans faille en la souveraineté européenne.

Le Livre blanc n'aborde pas encore la question du partage de la dissuasion nucléaire. À terme, il devra intégrer cette réalité. Toutefois, la Commission européenne assume un discours de puissance. Surtout, elle structure un effort budgétaire coordonné. C'est une avancée que le RDSE soutient sans ambiguïté.

La clause dérogatoire au pacte de stabilité permettra aux États membres d'augmenter temporairement leurs dépenses militaires jusqu'à 1,5 % du PIB. Ce levier est indispensable, mais il faudra éviter qu'il ne serve qu'à requalifier des dépenses déjà budgétisées.

L'instrument SAFE est le plus ambitieux des mécanismes du Livre blanc ; nous y sommes favorables. Le principe d'une dette mutualisée est une avancée politique majeure que les pays frugaux commencent à entendre.

Le Livre blanc propose de mobiliser l'épargne privée via la BEI, ce qui n'est pas immédiatement pertinent au regard du modèle social que nous défendons. Avant de solliciter l'épargne des Français, explorons les mécanismes de contribution des entreprises les plus aisées, en particulier celles du secteur de la défense.

Nous souhaitons que le Livre blanc engage une réflexion stratégique, planifiée, sans se limiter à l'expression d'un catalogue capacitaire. N'ayons pas peur d'en faire un instrument politique.

Nous saluons les mesures en faveur de l'Ukraine. Cette solidarité ne doit pas masquer l'essentiel : nous devons préparer l'Europe à un scénario de haute intensité. Cela suppose des stocks, des corridors logistiques protégés, une défense effective des frontières orientales, mais aussi une meilleure préparation aux attaques cyber et aux guerres hybrides.

Ce Livre blanc ne doit pas rester au stade de la déclaration d'intention. Le groupe RDSE soutiendra les instruments budgétaires et financiers qui ancreront cette dynamique dans les politiques publiques des États. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Oui, nous devons favoriser les coopérations individuelles. On connaît les redondances entre armements ; il est donc important de définir des domaines capacitaires où investir en commun.

La meilleure garantie de sécurité pour l'Ukraine sera de disposer d'une armée robuste, forte et indépendante. Cela passe par le programme européen pour l'industrie de la défense (Edip) et le prêt financé sur les intérêts des avoirs gelés de la Russie. Nous devons rapprocher au maximum l'Ukraine de nos industries de défense.

La préférence donnée aux armements européens passe aussi par la maîtrise de l'autorité de conception. En effet, se pose la question de la souveraineté dans l'usage, l'exportation et le savoir-faire technologique de ces armements.

M. André Guiol.  - En tant qu'ancien de la DGA, je suis sensible à la fabrication des armes au niveau européen. Il y a eu de gros échecs, sur le char, l'avion ou l'hélicoptère. Mais le bouclier européen est le sujet qui me préoccupe le plus. Il y a deux écoles : d'un côté les Allemands, associés aux Américains et aux Israéliens ; de l'autre, les Français associés aux Italiens. Il y a quelque chose à faire ensemble, pour garder notre souveraineté.

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Union européenne a tout d'une grande puissance. Elle est peuplée de 450 millions d'habitants, dotée d'un PIB de 18 000 milliards d'euros, elle domine les classements de développement humain, ses écoles attirent le monde entier. L'Union européenne a tout d'une grande puissance, mais c'est un colosse aux pieds d'argile dans le domaine de la défense.

Depuis 1945, les États européens ont privilégié la protection des États-Unis plutôt que d'investir dans leur propre défense.

« Les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts », disait le général de Gaulle. Les yeux de Washington sont rivés sur le Pacifique et la Chine. L'isolationnisme américain a ressurgi. Outre-Atlantique, on s'interroge : pourquoi mourir pour l'Europe ? Nos dollars doivent-ils financer la défense des Européens ?

Le constat pour l'Europe est sévère. Nous avons accumulé un trop grand retard dans nos politiques militaires et ne sommes pas en mesure de faire face aux menaces.

La France a choisi l'autonomie stratégique, se dotant de l'arme nucléaire et d'une armée complète, mais elle ne peut concourir à la course à l'armement que la Chine, la Russie et les États-Unis se livrent.

Nos tentatives de structurer une politique de défense commune au sein de l'Union européenne sont longtemps restées infructueuses, nos partenaires privilégiant la protection américaine. Pourtant, le constat du renforcement et de l'autonomisation de nos forces armées fait désormais consensus. Si les Européens veulent la paix, ils doivent préparer la guerre.

Nous aurions dû anticiper ce réveil brutal de la guerre dès le 24 février 2022 et la violation russe du territoire ukrainien. Qui peut croire que la Russie s'arrêtera à l'Ukraine ? Que le dictateur du Kremlin n'attaquera pas l'Europe si elle est faible ?

La Russie s'arme contre nous et les États-Unis préparent dans notre dos les conditions d'une paix inacceptable pour l'Ukraine dont nous ferons inévitablement les frais.

Si nous voulons nous protéger, les 27 membres de l'Union européenne doivent mener une politique de réarmement, de Lisbonne à Tallinn, de Stockholm à Athènes. Saluons les investissements massifs de l'Allemagne. Cependant, ce réarmement européen ne sera pas immédiat, tant le retard est grand.

La majorité des armées européennes sont structurées comme des soutiens à l'armée américaine et non des forces de projection indépendantes. Leur dotation matérielle dépend de la BITD américaine.

Enfin, notre coordination stratégique doit être renforcée.

Le Livre blanc apporte une réponse à ces défis pour 2030. L'instrument SAFE fournira 150 milliards d'euros sur quatre ans. L'Union européenne activera aussi la clause dérogatoire au PSC pour quatre ans, pour dégager au total 800 milliards d'euros.

Ce Livre blanc cible des priorités pour notre résilience stratégique, tels que les stocks de munitions, les drones, l'innovation technologique ou encore la protection des infrastructures. Veillons à ce que ces armes soient bien fabriquées sur notre sol, tout en respectant la souveraineté des États.

La Commission européenne veut renforcer ses liens avec le Royaume-Uni, la Norvège, le Canada, la Turquie, les États voisins de l'Union, les pays de l'Indopacifique, tout en rappelant que l'Otan reste la pierre angulaire de notre coordination.

Nos relations avec les États-Unis doivent prendre en compte que les intérêts américains ne convergent pas toujours avec les nôtres. En témoigne la question du Groenland. Les forces militaires européennes doivent être en mesure de dissuader les ambitions expansionnistes du 47e président des États-Unis.

Dans un monde qui se réchauffe, et pas seulement climatiquement, les Européens doivent redoubler d'efforts pour se doter d'une force militaire capable de dissuader, d'opérer et de défendre nos valeurs.

Avec la chute de l'Union soviétique, nous avons cru naïvement à la fin de l'histoire, sous la protection du gendarme américain, où nous pourrions devenir des rentiers recevant les dividendes de la paix. Les jours de paix se couchent à l'ouest ; la nuit tombe à l'est, avec son lot de guerres et d'incertitudes. L'Europe est le témoin de ce sinistre crépuscule.

Ensemble, nous sommes plus forts. C'est pourquoi le Livre blanc est un pas en avant historique pour dissuader nos adversaires et nous réarmer moralement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Nos efforts visent à renforcer le pilier européen de l'Otan et l'interopérabilité de nos armements telle que définie par celle-ci. Les domaines capacitaires du Livre blanc correspondent à ceux de l'Alliance.

Des questions se posent sur la posture des États-Unis au sein de l'Otan, quand ils menacent l'intégrité territoriale du Danemark.

Il n'y a pas d'incompatibilité entre le fait de renforcer l'autonomie stratégique européenne et celui de rééquilibrer, dans un partenariat renouvelé, la relation transatlantique, si les États-Unis font le choix de rester ancrés dans la sécurité du continent européen.

M. François Bonneau.  - Le temps presse. L'Europe doit montrer le meilleur d'elle-même et ne pas tomber dans ses travers réglementaires et normatifs. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Philippe Folliot.  - Très bien !

Mme Michelle Gréaume .  - Le Livre blanc traduit un aveuglement sur les causes des conflits actuels. Pire, la Commission européenne ne tire pas les leçons du passé. Le bilan de trente ans d'élargissement de l'Otan vers l'Est tout comme la nécessité d'une évolution des discussions sur notre sécurité collective sont ignorés alors que notre continent s'enfonce dans les tensions avec notre voisin russe.

La plupart des Européens considèrent qu'ils n'ont d'autre choix que la guerre, alors que l'objectif doit être la paix négociée, qui ne soit pas la capitulation de l'Ukraine. La stratégie guerrière laisse derrière elle un bilan dramatique de morts et de sacrifices.

Alors qu'au printemps 2022, à Istanbul, Kiev accepte la neutralité et que Moscou concède le retrait de ses troupes sur les territoires occupés depuis février 2022, les pays occidentaux, plus préoccupés par le cas de Poutine, préfèrent fournir des armes à l'Ukraine plutôt que de répondre aux garanties de sécurité qu'elle demande. Cette stratégie présente un risque : avec un accord de paix ressemblant à une capitulation, ces armes pourraient tomber dans les mains d'un régime ukrainien revanchard souhaitant reconquérir par la force les territoires perdus, au risque de déclencher un nouveau conflit régional.

Le Livre blanc veut avancer sur l'« Europe puissance », mais il contient des contradictions. L'Union européenne souhaite un renforcement des coopérations en accord avec nos valeurs, mais se vautre dans des deals inadmissibles avec la Turquie d'Erdogan ou l'Inde de Modi. Parler de situation fragile à Gaza, c'est méconnaître le génocide qui s'y déroule, reconnu par l'ONU. Ce double standard participe à l'effondrement du droit international. Poutine utilise nos incohérences à son profit, alors qu'il faut détacher la société russe de son emprise.

En réalité, on assiste en Europe au grand retour de l'idéologie atlantiste.

Une étroite collaboration avec l'Otan est nécessaire, selon la Commission européenne, qui ajoute que la course aux armements serait la voie vers une autonomie stratégique budgétaire européenne. Monsieur le ministre, laissez-moi en douter, face à une Allemagne et une Pologne qui souhaitent acheter des armes américaines, au détriment de notre industrie.

Cette référence à l'Otan a surtout pour but d'accorder des Européens divisés en fixant le cap depuis Washington. Pourtant, les États-Unis de Trump et Vance ne sont plus nos alliés.

Même sans les États-Unis, l'Europe surpasse la Russie dans tous les domaines. Les États membres de l'Union européenne dépensent déjà 460 milliards d'euros par an pour la défense, soit quatre fois plus que la Russie. Ces 800 milliards d'euros ne répondent pas à un objectif sécuritaire mais idéologique. Alors que le secteur automobile européen est en difficulté et que l'Allemagne entre en récession pour la troisième année consécutive, l'ère du réarmement d'Ursula von der Leyen apparaît comme la solution miracle. Nous disons non à cette escalade. Perpétuer des rivalités économiques et militaires dans ce contexte n'est pas responsable. Nous appelons à reprendre la voie de la diplomatie, en restaurant ses moyens. Nous ne pouvons donner à notre jeunesse la guerre comme seule perspective.

Quelles dépenses seront sacrifiées sur l'autel de cette politique belliciste ? L'école ? Les hôpitaux ?

Enfin, sur la forme, le Parlement n'a jamais pu se prononcer sur les projets de la Commission européenne, qui n'a aucune légitimité démocratique ni compétence en la matière. Votre chemin n'est pas le nôtre. Si nous voulons la paix, préparons la paix, et un avenir serein pour nos enfants.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Quelle inversion des valeurs et des responsabilités ! On ne prépare pas la paix par la soumission, le défaitisme et le renoncement ! Vous nous parlez d'une Ukraine revancharde ? D'une escalade des Européens à l'égard de la Russie ? Mais c'est la Russie qui a tourné le dos à la diplomatie et a choisi l'agression des Ukrainiens.

Le président Zelensky a accepté le principe d'une trêve de trente jours, mais le président russe persévère : c'est l'effacement de l'Ukraine en tant que nation indépendante que vise la Russie.

C'est nous qui sommes visés, par des attaques cyber, des ingérences, des menaces ; les frontières d'États membres sont menacées. Ne confondons pas les responsabilités. Ne nous autoflagellons pas sur notre rôle.

Pour préserver une Europe de paix et de liberté, nous devons défendre nos intérêts et dissuader l'agresseur d'agir. (M. François Patriat applaudit.)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Après le plan Réarmer l'Europe présenté début mars, la Commission européenne a présenté sa déclinaison opérationnelle : le Livre blanc.

Alors que l'article 122 du traité de l'Union européenne exclut le Parlement de tout droit de regard, il est bienvenu de tenir ici ce débat démocratique.

Nous saluons la volonté de construire les fondations d'une réelle autonomie stratégique. Avec 650 milliards d'euros de dépenses à la seule charge des États membres, le Livre blanc laisse penser que nous allons plutôt vers plus de défense de l'Europe que d'Europe de la défense.

Néanmoins, je noterai quelques points positifs. Le programme SAFE prévoit 150 milliards d'euros levés par l'Union européenne sous forme d'emprunts mutualisés, pour des achats groupés, à 65 % au profit de notre industrie de défense. Monsieur le ministre, je reconnais là le travail d'influence de la France. Je me satisfais de cette jauge ambitieuse. Nous saluons aussi l'ouverture du programme à l'Ukraine, dont la BITD est montée en puissance ces dix dernières années. Ce programme fera évoluer les habitudes nationales, pour avancer collectivement vers un réflexe d'achat européen.

Il faudra articuler ce premier pas de coordination avec la définition parfois trop autocentrée des intérêts nationaux. La réactualisation de la revue nationale stratégique n'intègre pas assez les perspectives de l'Union ; j'espère une nouvelle version avant l'été.

Un mot aussi de l'IA et des drones autonomes. Certaines tournures de phrases nous inquiètent. Nous rappelons notre opposition totale à toute évolution de la législation européenne en matière de drone, qui interdit l'utilisation de toute arme autonome capable de tuer un être humain sans une décision explicite d'un autre être humain.

Concernant les financements, nous sommes inquiets. Jusqu'à 2027, nous sommes contraints de recourir à la dette collective et à celle de chaque État, via un assouplissement temporaire du PSC, qui s'avère insuffisant. Il faut réformer intégralement ce mécanisme, pour y inclure non seulement la défense, mais aussi la transition énergétique, la justice sociale et les investissements d'avenir. Les dépenses militaires ne doivent pas entrer en concurrence avec nos autres dépenses essentielles. L'autonomie stratégique européenne n'existera pas sans transition énergétique : nous devons stopper notre dépendance aux énergies fossiles et à l'uranium russe. Elle n'existera pas non plus si des populations paupérisées placent l'extrême droite alliée de Poutine au pouvoir.

Il nous faut des ressources complémentaires, et de la justice. Nous ne pouvons enrichir éhontément les actionnaires des entreprises de la défense. Leurs dividendes doivent être encadrés. Il faut mettre nos compatriotes les plus aisés à contribution, comme le propose Gabriel Zucman. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Je vous remercie d'avoir salué l'influence de la France, notamment pour la reconnaissance de la préférence européenne au sein de SAFE et d'Edip.

Il n'est pas question de revenir sur la législation sur les drones.

Une harmonisation des règles de l'IA sur le marché européen est aussi prévue, ainsi qu'un encadrement sur les plans éthique et militaire.

Nous porterons une ambition haute pour le budget de l'Union européenne, en particulier sur les volets militaire et spatial, tout en respectant les règles de préférence européenne et en soutenant la compétitivité, l'innovation et la décarbonation. Le rapport Draghi souligne un retard d'environ 800 milliards d'euros par an.

Il faudra des instruments publics, un cadre financier pluriannuel, mais aussi des ressources propres de l'Union européenne et la libération des financements privés. C'est là que je ne vous rejoindrai pas. Ce n'est pas en taxant plus, en instaurant plus de contraintes pour nos entreprises que nous permettrons à l'épargne privée, qui franchit aujourd'hui l'Atlantique, de s'orienter vers nos start-up et nos PME. Au contraire, c'est en rendant notre continent le plus compétitif au monde, en simplifiant nos règles et en unifiant nos marchés de capitaux que nous défendrons notre souveraineté. (M. François Patriat applaudit.)

M. Guillaume Gontard.  - Comment finance-t-on cette défense européenne ? Mais aussi la transition énergétique, essentielle à notre souveraineté ? Comment définir une contribution juste ? La taxe Zucman s'élève à 2 % seulement... Ne pas faire contribuer les plus grandes fortunes ouvrirait la voie à des victoires politiques que l'on ne souhaiterait pas et qui mettraient notre armée dans des mains très dangereuses. (M. Jacques Fernique applaudit.)

M. Didier Marie .  - (Mme Hélène Conway-Mouret applaudit.) Il aura fallu les violations du droit international par la Russie, les menaces de Trump, la mise à l'écart de l'Union européenne des négociations sur l'Ukraine pour que l'idée d'une défense européenne prenne enfin corps. Le parapluie européen menace de se refermer, l'appartenance à l'Otan n'est plus une garantie fiable. Qui peut croire que Trump activera l'article 5 du traité de l'Otan si un pays de l'Union est attaqué ?

Depuis l'agression de l'Ukraine par Poutine, les pays de l'Union européenne ont mené des efforts de réarmement sans précédent, mais de façon dispersée. Les problèmes d'interopérabilité sont patents, tout comme les dépendances aux importations américaines.

Les 450 millions d'Européens ne devraient pas dépendre des 350 millions d'Américains pour se défendre contre les 150 millions de Russes, pour reprendre les mots du commissaire Kubilius.

Notre défense, notre puissance passent par une véritable politique coordonnée.

Le plan présenté par Mme von der Leyen démontre une prise de conscience pour un réveil européen. La volonté de faciliter la circulation des biens de défense au sein de l'Union, d'alléger les charges administratives ou d'encourager les projets conjoints est à souligner.

Ce Livre blanc n'est qu'une première étape sur le chemin de l'autonomie, que l'Union aurait dû franchir bien plus tôt.

Les plans ReArm Europe et SAFE restent insuffisants. Nous avons besoin de beaucoup plus d'argent. Nous regrettons les tergiversations des États membres sur l'emprunt de 500 milliards d'euros, tout comme l'absence de consensus sur l'utilisation des 200 milliards d'avoirs russes gelés pour aider l'Ukraine. N'oublions pas que l'Ukraine est notre première ligne de défense. Dans le face-à-face américano-russe, elle a plus que jamais besoin de solidarité européenne.

Ensuite, l'exigence de la souveraineté militaire ne peut se faire au détriment de nos piliers sociaux et de la lutte pour le climat. Nous ne pourrons construire une Europe puissance en fragilisant nos sociétés.

Ce Livre blanc et ReArm Europe sont une première étape et pointent des priorités. Dépenser mieux et ensemble pour renforcer nos domaines capacitaires, élargir nos partenariats, intégrer la BITD ukrainienne : tout ceci va dans le bon sens. Mais il faut aller plus loin et adopter le programme Edip.

Ce Livre blanc ne peut être la seule stratégie face aux menaces hybrides. La mise en place d'un bouclier démocratique européen est essentielle pour défendre nos valeurs et la place de l'Europe dans le monde. Les dirigeants européens doivent prendre leurs responsabilités et apporter une réponse forte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Je partage votre exigence et votre ambition. Le plan ReArm Europe va dans le bon sens, mais il faudra aller plus loin. Nous avons demandé à la Commission européenne un emprunt commun, comme pendant la crise du covid. Beaucoup nous disaient alors que nous allions nous diviser, tentés par des réponses nationalistes. Au contraire, nous avons su nous unir.

Face à une autre menace existentielle, à nous de prendre des décisions historiques. C'est l'ambition de la France. Un amendement allant dans ce sens a recueilli une majorité de voix favorables au Parlement européen. Les choses vont dans le bon sens.

Les avoirs gelés de la Russie sont utilisés au travers de leurs intérêts ; un prêt de 50 milliards d'euros est ainsi accordé à l'Ukraine. Il y a urgence à accélérer son décaissement, nous devons aller plus vite : c'est l'ambition défendue par la France à Bruxelles.

M. Didier Marie.  - Monsieur le ministre, un emprunt est nécessaire, vous l'avez dit. Mais il faudra le rembourser. Cela renvoie à la question des ressources propres soulevée par Guillaume Gontard. Un peu d'imagination serait bienvenue...

La Russie accentue la pression sur l'Ukraine ; sur le front, la situation est difficile. Les Ukrainiens doivent être urgemment renforcés. Ces 200 milliards d'euros d'avoirs gelés constituent une opportunité.

M. Stéphane Ravier .  - Il y a cinq ans déjà, pendant le covid, chaque État européen a défendu ses intérêts, quitte à marcher sur ses voisins. Puis la Commission non élue de Bruxelles a contracté des dettes pour réindustrialiser. Mais, aujourd'hui, toujours rien !

Mme von der Leyen présente un Livre blanc. Il faudrait la croire sur parole. Mais je suis comme saint Thomas, et comme les Français : je ne crois que ce que je vois. Les bonnes intentions couchées sur ce papier ne peuvent résister à la réalité. Ce seuil de 65 % seulement de composants européens nous laisse dans la main des États-Unis.

Le Livre blanc ouvre la voie à des achats communs avec le Royaume-Uni, le Canada ou l'Australie. L'Australie, par exemple, qui a rompu le contrat historique de douze sous-marins nucléaires il y a quatre ans à peine ! Ils s'en mordent les doigts maintenant. Toutefois, nous prévoyons d'oeuvrer avec eux...

Pas moins de 100 milliards d'euros ont été consacrés à l'avion de combat franco-allemand Scaf, aujourd'hui dans l'impasse, tandis que l'entreprise française LMB Aerospace passe sous pavillon américain.

Ce Livre blanc assume le rapport de force quand il est question de l'est de l'Europe, mais c'est la totale soumission à l'égard du Sud : des islamistes, de l'Algérie, de la pression migratoire.

Quand on parle de réarmer, nous devons aussi pointer du doigt ceux qui ont désarmé. Nous ne pouvons vous faire confiance, vous qui n'avez pas écouté le général de Villiers, et seulement la naïve Commission européenne.

Ne pensez-vous pas que nous avons moins besoin d'un Livre blanc de la Commission européenne que d'un Livre bleu blanc rouge ? Notre armée doit rester aux ordres de Paris, et non être soumise à un conglomérat berlino-bruxellois.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - C'est une grande émotion que d'entendre vos leçons sur la naïveté, quand on se souvient de vos réactions à la suite de l'élection de Trump. C'est frappant de vous entendre parler de naïveté, alors que vous avez prôné l'alliance avec le régime de Poutine et participé à l'observation d'élections truquées en Russie...

M. Stéphane Ravier.  - Pas plus qu'à Marseille !

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Sans naïveté, avec lucidité, au contraire, nous réarmons notre quotidien ; oui, nous sommes capables d'assumer des rapports de force ; oui, nous sommes capables aussi de nous protéger face au défi migratoire.

La meilleure réponse, c'est la coopération européenne, comme nos alliés européens s'en aperçoivent eux-mêmes. C'est de mutualiser nos instruments sur les visas, l'aide au développement, la conditionnalité des accords commerciaux. Même l'Italie de Meloni le demande.

Face aux menaces, nous faisons le choix européen. (M. Didier Marie et Mme Hélène Conway-Mouret applaudissent.)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec ce Livre blanc et son plan ReArm Europe, la Commission acte ce que beaucoup d'entre nous constatent depuis des années : l'ère des dividendes de la paix est révolue. Sans base industrielle solide, pas de puissance stratégique.

Face aux nouvelles menaces, à la guerre en Ukraine, à la fragilité de l'ordre international, l'Europe n'a d'autre choix que de se préparer et de s'armer, sans déposséder les États membres de leurs prérogatives régaliennes.

Les efforts étaient insuffisants, fragmentés, souvent inefficaces. Beaucoup ont nourri les entreprises de l'armement américain, en ignorant les solutions existantes, notamment françaises. Or cet allié américain n'a que ses seuls intérêts comme boussole.

L'heure est à la prise de conscience, tant mieux !

L'Europe ne pourra faire l'économie d'une harmonisation des standards et des procédures, indispensable à l'interopérabilité.

La France a un rôle central à jouer en tant que puissance nucléaire disposant de compétences reconnues et d'un véritable tissu industriel. La France est un acteur important au sein de l'Union et de l'Otan.

La Commission propose 800 milliards d'euros de financements répartis en trois axes : un effort budgétaire national coordonné via la clause dérogatoire au pacte de stabilité, la création de l'instrument SAFE, la mobilisation de l'épargne privée et de la BEI. C'est une avancée majeure.

Ce plan répond à l'urgence, en soutenant concrètement l'Ukraine, et soutient aussi une vision de long terme.

Il y a trois conditions indispensables à sa réussite. L'Europe ne pourra se contenter d'un empilement de dispositions nationales. Il faudra de la lisibilité budgétaire.

Le renforcement de notre BITD ne doit pas être sacrifié sur l'autel d'achats rapides ou d'intérêts particuliers. Le soutien à l'innovation, aux PME, aux capacités critiques doit rester central. Nous devons garantir que chaque euro investi ira bien à la BITD européenne, et non à des industries étrangères.

Enfin, ce plan ne pourra réussir sans une volonté politique forte, constante et partagée par les États membres. La France a une responsabilité historique dans cette dynamique.

S'il ne règle pas tout, ce Livre blanc marque un sursaut : l'Europe ne veut plus subir, mais choisir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Je partage votre constat et vos propositions.

Une cohérence est effectivement nécessaire dans les projets industriels, comme dans le respect de la souveraineté des États membres. Cela fait partie des objectifs du plan SAFE.

Renforcer à long terme notre BITD en soutenant nos innovateurs et nos start-up, notamment dans l'IA et le quantique, en est un autre. Nous devons être véritablement compétitifs à l'échelle internationale. Nous avons raté plusieurs tournants technologiques des années précédentes.

Nous devons combler nos lacunes actuelles et faire en sorte que nous n'en ayons pas d'autres à l'avenir. Cela peut passer par le développement d'une Agence pour les projets de recherche avancée de défense (Darpa) européenne, à l'image de l'institution américaine.

Bien sûr, il faut une volonté politique. La France a une responsabilité et un rang particuliers à tenir. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle porte depuis 2017 cette ambition de l'autonomie stratégique, et elle continuera à le faire.

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Ce Livre blanc, le premier du genre, est l'affirmation d'une volonté politique d'avancer ensemble. Mais l'ambition ne suffit pas : il faut aussi des moyens.

Depuis 2021, les efforts européens en matière de défense ont augmenté de 31 %, mais le compte n'y est pas et nous devons mutualiser nos efforts. Il est possible de structurer une véritable BITD grâce à des coopérations bilatérales ou multilatérales, à l'instar de l'accord CaMo que nous avons conclu avec la Belgique.

Mais un obstacle persiste : la concurrence intra-européenne entre industriels, qui s'ajoute à la concurrence internationale. Pourquoi ne pas envisager un marché intégré de la défense ? L'Union européenne est un puissant levier pour faciliter les coopérations, renforcer l'interopérabilité, réduire les coûts et soutenir les infrastructures à double usage.

Votre collègue Sébastien Lecornu a déclaré que l'argent européen ne pouvait servir à produire sous licence des équipements américains. Je partage cette position. Pouvons-nous encore dépendre d'un standard de liaison de données tactiques de l'Otan, alors que des solutions européennes pourraient émerger ? Que faisons-nous pour sécuriser nos accès aux matériaux critiques et renforcer notre main-d'oeuvre ?

Sur le plan financier, de nombreuses propositions vont dans le bon sens. En revanche, la révision du Feder risque de conduire à subventionner des usines produisant du matériel américain exporté vers les États-Unis.

Ce Livre blanc nous invite à penser l'avenir sous la forme d'une alliance européenne, peut-être étendue au Royaume-Uni et à la Norvège, fondée sur l'acquis otanien et articulée autour des forces de dissuasion franco-britanniques, des capacités terrestres allemandes et polonaises et des capacités navales espagnoles, grecques et italiennes.

Dans ce paysage, la France peut être un moteur avec son modèle d'armée complet et sa dissuasion nucléaire autonome, à condition de prendre des engagements politiques et stratégiques plus fermes.

Nous devons prendre des mesures concrètes avec nos partenaires. Ainsi, n'est-il pas temps d'adosser notre garantie de sécurité au déploiement de troupes et de capacités, par exemple en Pologne ?

Nos lacunes restent nombreuses en matière de commandement, de défense sol-air, de renseignement satellitaire, de frappe dans la profondeur ou encore de guerre électronique. Les combler exigera des investissements colossaux, qui dépassent les capacités d'un seul pays.

Ce Livre blanc devra irriguer nos politiques nationales : ses conclusions seront-elles intégrées dans la prochaine revue nationale stratégique ?

De retour de Washington, je puis vous affirmer que les Américains s'organisent pour renforcer leur industrie et créer des emplois chez eux. Et nous, Européens, quel est notre cap ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Sur le développement d'un marché intégré, j'appelle à la prudence. La défense n'est pas une industrie tout à fait comme les autres : l'aligner sur les règles concurrentielles alors qu'il s'agit d'un instrument de souveraineté ne me paraît pas approprié.

L'indépendance dans le renseignement est essentielle, notamment dans le domaine spatial. Voyez le rôle joué par Starlink en Ukraine et le débat en Italie sur l'utilisation de ce système. Il est urgent d'accélérer le déploiement du système IRIS2.

Enfin, il n'est pas question d'avoir juste des entreprises américaines sous pavillon européen à travers des joint-ventures. Nous devons garder l'autorité de conception et au moins 65 % de composants européens dans les matériels.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Je vous ai interrogé sur le marché intégré non parce que j'y crois, mais parce que je voulais entendre votre réponse.

Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir initié ce débat. Dans un contexte d'inquiétude croissante parmi nos compatriotes, nous avons besoin d'entendre des engagements fermes de la part du Gouvernement, notamment sur les nécessaires coopérations renforcées. Un vrai débat s'impose aussi sur la façon dont la France pourrait faire bénéficier l'ensemble du continent de sa dissuasion nucléaire.

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Livre blanc sur la défense présente des pistes pour renforcer les capacités militaires européennes et coordonner la défense sur notre continent.

Il est essentiel de garder à l'esprit que la défense est une compétence régalienne des États. À cet égard, nous émettons des réserves sur certaines propositions, estimant que le renforcement des défenses européennes ne doit pas être synonyme de dilution de la souveraineté des États membres.

Il est inconcevable que 80 % des dépenses européennes de défense continuent de servir à l'achat de matériels non européens. Nous soutenons donc l'introduction de critères de préférence européenne pour le choix des matériels, afin de mettre un terme à des dépendances dangereuses. Il ne s'agit pas de protectionnisme à outrance, mais de pragmatisme pour garantir l'autonomie stratégique de l'Europe.

Il ne faut pas confondre coopération et intégration supranationale. Nous soutenons une Europe forte et compétitive mais refusons que l'Union européenne impose une vision uniforme de la défense, qui doit rester sous le contrôle exclusif de chaque pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué.  - Nous partageons votre vigilance à l'égard du respect de la souveraineté des États.

M. le président. - Veuillez poursuivre, pour votre conclusion.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je vous remercie pour ce débat de qualité.

À l'heure où nombre de nos partenaires évoluent sur la question de l'autonomie européenne, nous avons tous un rôle à jouer pour accompagner le débat européen et faire entendre la voix de la France. Je sais que vous jouez le vôtre, notamment dans le cadre des groupes interparlementaires d'amitié ou de forums et cercles de réflexion.

J'étais il y a quelques jours à Sarajevo. En Bosnie-Herzégovine, l'unité et l'ordre constitutionnel sont menacés par des velléités de sécession : un terrain de plus où la Russie tente par ses ingérences de répandre le chaos. Nous commémorons cette année les trente ans du génocide de Srebrenica et des accords de Dayton-Paris. On entend beaucoup que la guerre serait de retour en Europe depuis le 24 février 2022. Mais nous avons été dans une forme de déni : la guerre n'a jamais disparu de notre continent. Souvenons-nous que, il y a trois décennies, nous avons dû attendre l'arrivée des États-Unis pour mettre fin à un génocide sur notre sol.

La Russie a attaqué la Géorgie dès 2008. En 2014, ce fut le tour du Donbass et de la Crimée. Ce pays menace aujourd'hui l'ensemble de nos démocraties par de multiples ingérences, des cyberattaques et la mise en cause des frontières.

Les questions qui se posent autour de la garantie de sécurité américaine sont cruciales. Un mouvement de fond est à l'oeuvre, qui dépasse la personne de M. Trump : qu'il s'agisse du pivot vers l'Asie, du protectionnisme ou de l'unilatéralisme, ces tendances existaient déjà sous les administrations précédentes. La France porte toujours le même message : notre continent doit prendre le chemin de l'autonomie et du réarmement, matériel et moral. Car l'Europe a trop longtemps ignoré sa force et la réalité des rapports de force.

L'Europe a connu sa plus longue période de paix, et une guerre entre deux pays de l'Union européenne est inenvisageable. Mais cette paix ne nous a peut-être pas préparés à ce que nos rivaux nous désignent comme leurs ennemis et choisissent la guerre quand nous aurions préféré la diplomatie. Face à ce retour des conflictualités, faisons le choix de l'union et du réarmement pour défendre collectivement nos valeurs et notre sécurité. (Mme Hélène Conway-Mouret applaudit.)

M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 3 juillet 2013, la commission des affaires étrangères et des forces armées publiait le rapport Pour en finir avec « l'Europe de la défense » - Vers une défense européenne, dans lequel elle pointait une idée séduisante parce qu'ambiguë. Dénonçant une impasse conceptuelle, elle n'en estimait pas moins que la défense commune européenne était une impérieuse nécessité.

Douze ans plus tard, où en sommes-nous ? Les conflits se multiplient dans le monde et la guerre est aux portes de l'Europe, tandis que les alliances nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sont remises en cause. La défense commune européenne est plus que jamais d'actualité, mais encore faut-il sortir du concept général pour préciser le mode opératoire. Parle-t-on d'Europe de la défense, soit une action communautaire, ou de la défense de l'Europe, qui renvoie à une union d'États ayant des intérêts communs ? Dans le premier cas, on va vers une Europe fédérale. Dans le second, on construit une Europe des États.

Le Livre blanc ne répond pas à cette question, mais la Commission se propose d'aider les États à identifier les insuffisances et priorités capacitaires et de faciliter l'interopérabilité. Or, en l'état des traités, la Commission européenne n'a formellement ni mandat, ni compétence, ni légitimité pour mettre en place une politique européenne de défense. C'est d'ailleurs par le prisme de ses compétences en matière industrielle que la Commission intervient, en faisant croire qu'il existe une BITD européenne, ce qui est un abus de langage. En effet, l'industrie de la défense ne s'inscrit pas dans une logique de marché et de libre concurrence. Ses clients sont les États à travers les états-majors. Or, à ce jour, il n'existe pas d'État européen. Ce sont là les limites du projet Edip.

En période de tensions, l'heure n'est pas au montage industriel entre pays, mais à la désignation de chefs de file. On peut s'inquiéter que les dotations annoncées, basées sur la demande et étayées par des plans nationaux, doivent être approuvées par la Commission, selon des procédures dont elle a le secret, et qui n'ont pas pour premières caractéristiques la simplicité et la réactivité.

Une défense commune de l'Europe ne peut être pilotée qu'au niveau du Conseil, comme le préconisait déjà le rapport de la commission des affaires étrangères il y a douze ans.

Le financement pose aussi problème. Il y a trois mois, on ne parlait que du déficit de 3 300 milliards d'euros. Il n'en est plus question, et les milliards sont de sortie : 800 milliards d'euros pour Mme von der Leyen, 100 milliards d'euros pour le ministre Lecornu.

En réalité, les milliards de Mme von der Leyen n'existent pas : c'est de la dette supplémentaire pour les États. Chacun sait que la France a déjà explosé tous les compteurs. Peut-on encore augmenter le déficit ? Poser la question, c'est y répondre. Commençons par payer nos fournisseurs, alors que nous avons 8 milliards d'euros de reports de charges. Essayons aussi de respecter la LPM et les financements prévus. Le programme 146 aurait été amputé de près de 1 milliard d'euros en 2024.

Il y a urgence. Sachons transformer une crise en opportunité pour bâtir un projet commun. Notre réponse ne peut se faire dans un cadre approximatif et instable. Le moment est venu de répondre aux questions de fond : où se prennent les décisions, sous quelle forme, avec quelles procédures ?

La France est le seul pays à disposer de l'arme nucléaire et d'une véritable BITD. Cela nous confère des responsabilités, mais aussi une force. Sachons nous montrer à la hauteur de nos ambitions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Accord en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

La séance est suspendue à 20 h 25.

Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 55.

Moyens de contrôle des sénateurs et droits des groupes politiques

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification, présentée par M. Gérard Larcher et Mme Sylvie Vermeillet.

Discussion générale

Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions) Le président Larcher, que je remercie pour sa confiance, m'a confié en janvier 2024 une mission sur l'évolution du travail parlementaire, en ma qualité de présidente de la délégation du Bureau en charge du travail parlementaire et des conditions d'exercice du mandat de sénateur.

J'ai entendu tous les présidents de commission, de délégation et de groupe, ainsi que des personnalités extérieures, notamment des parlementaires italiens.

D'où dix-sept propositions adoptées par la conférence des présidents et réparties en quatre axes : conforter notre procédure législative pour renforcer le rôle du Parlement ; renforcer nos moyens de contrôle, simplifier l'agenda des collègues ; poursuivre l'adaptation de notre règlement aux évolutions de nos pratiques.

Certaines de ces propositions ont déjà été mises en oeuvre par la conférence des présidents. Tel est le cas de la nouvelle organisation des mardis après-midi des semaines de contrôle, désormais consacrés aux travaux des délégations, structures temporaires et commissions. Nous voulons ainsi renforcer le contrôle, mais aussi faciliter la présence aux réunions, qui avaient tendance à se chevaucher.

L'espace réservé du mercredi après-midi de la semaine d'initiative a été déplacé au mercredi de la semaine de contrôle, pour éviter le saucissonnage des textes et expérimenter deux espaces transpartisans -  19 mars et 14 mai  - pour des textes faisant l'objet d'un large consensus.

D'autres propositions, qui modifient la loi organique du 15 avril 2009 et l'ordonnance du 17 novembre 1958, devront être adoptées par l'Assemblée nationale. Ainsi de l'enrichissement des dispositions relatives aux études d'impact, notamment.

Les mesures qui modifient notre règlement sont soumises à votre approbation ce soir. Plusieurs d'entre elles visent à conforter les droits des groupes politiques. Ainsi, en cas de changement de groupe d'un sénateur, le groupe resterait propriétaire du poste au Bureau, en commission ou dans les structures temporaires. Le Bureau devra édicter la même règle pour les groupes d'études et d'amitié.

Plusieurs mesures visent à renforcer nos pouvoirs de contrôle, à la suite des travaux de la mission de réflexion sur le contrôle sénatorial, menée par Pascale Gruny. C'est ainsi que l'article 7 simplifie l'octroi des prérogatives de commission d'enquête aux commissions permanentes. L'article 19 clarifie la procédure d'examen des propositions de résolutions européennes. En complément, j'ai proposé qu'un vade-mecum recense les bonnes pratiques de rédaction de ces propositions de résolutions, pour favoriser les interactions entre la commission des affaires européennes et les commissions permanentes.

Diverses dispositions visent à sécuriser notre règlement. Ainsi de l'article 21, qui en modifie l'article 96, pour renforcer le caractère collégial et contradictoire de la procédure de sanction en matière de censure, en transférant le pouvoir de proposition de cette sanction du président du Sénat au Bureau, afin de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Nous voulons aussi actualiser notre règlement pour le rendre plus conforme aux pratiques, qu'il s'agisse du rôle des secrétaires, avec l'article 11, ou des cadeaux, avec l'article 20.

Enfin, plusieurs articles suppriment des mesures obsolètes. L'article 22 abroge ainsi l'article 106 du règlement relatif aux députations, qui n'a jamais été utilisé depuis 1959.

Nous devrons encore faire évoluer notre règlement pour nous adapter aux évolutions de l'intelligence artificielle. Ainsi, au Sénat italien, un vice-président a déposé 83 millions d'amendements ! (Sensation) Or, chez nous, seul le Gouvernement pourrait agir. Le Sénat doit pouvoir anticiper les grandes évolutions, mais aussi réagir rapidement.

L'amélioration des conditions du travail parlementaire est un objectif qui nous rassemble. Plus que jamais, le Sénat doit continuer d'incarner une assemblée efficace, au service de tous nos concitoyens, qui ne transige jamais sur la qualité du débat, veille au respect de nos différences et transcende les clivages au nom de l'intérêt général.

Bonne séance de nuit, chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et du GEST ; M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Point de ministre, pour une fois ! (Sourires)

Le travail de Sylvie Vermeillet a été bien plus large que cette proposition de résolution ; mais elle s'est attachée à ce que ce texte soit consensuel, ne retenant que les mesures qui convenaient à tous.

Cette proposition contient deux dispositions majeures : la propriété des postes ; une clarification de la procédure applicable aux propositions de résolutions européennes, qui facilitera le travail de la commission des affaires européennes. La commission permanente et la commission des affaires européennes ne se réuniront pas en même temps : nous avons supprimé cette disposition, car les modalités de vote auraient été très complexes. Les deux commissions peuvent travailler ensemble : nous l'avons vu sur Frontex, par exemple. Laissons un peu de souplesse !

Autre mesure intéressant tous les sénateurs : les avantages, dons ou cadeaux pouvant nous être remis par des tiers. Quelques amendements éclairciront encore les règles déontologiques qui s'imposent à nous.

Comme Sylvie Vermeillet, l'esprit de consensus m'a guidée, car il s'agit de nos règles de travail communes. Sur les mesures qui ne font pas consensus, j'émettrai un avis de sagesse et le Sénat statuera.

Certes, il est sain que nous puissions réexaminer nos règles communes, mais gardons de la souplesse : rigidifier le règlement serait contre-productif.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je suis assez défavorable...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - À tout !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - ... à un certain nombre d'amendements trop rigides.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il s'agit d'un règlement !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Cette souplesse fait l'agrément de nos relations sénatoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dix-sept propositions ont été adoptées en conférence des présidents. La présente proposition de résolution vise à inscrire dans le règlement celles qui en relèvent, pour plus d'efficacité - c'est le maître mot.

Le groupe Les Républicains adoptera cette proposition de résolution pour rendre nos travaux encore plus efficaces, dans la sérénité qui caractérise notre assemblée.

Cette proposition de résolution porte essentiellement sur le travail parlementaire. La période récente a montré combien il était précieux de faire confiance au Parlement -  surtout au Sénat  - en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale.

Il faut accroître nos moyens propres d'investigation et de travail, pour mieux légiférer, sans dépendre du Gouvernement.

Notre trajectoire de transparence de la vie politique me préoccupe. Même l'ancien député René Dosière, le Monsieur Propre de l'utilisation de l'argent public, s'en inquiétait : « Je suis très inquiet de la manière dont se passent les choses. La transparence est un moyen de mieux faire fonctionner la démocratie quand il s'agit d'argent public, mais la transparence sur la vie privée, c'est un régime dictatorial ou moralisateur. »

Bien sûr, la probité en politique est essentielle. Mais attention à l'effet balancier : ceux qui s'engagent sont victimes d'un a priori de culpabilité. Devrions-nous nous excuser tous les jours du coût de notre démocratie parlementaire ? Faire de la politique, c'est se mettre à nu, mettre en difficulté ses proches, exposer sa vie d'avant et hypothéquer sa vie d'après. Quoi qu'on fasse en matière de transparence, cela ne sera jamais assez !

L'article 20 poursuit cette trajectoire, sans envisager un autre système, que l'air du temps n'autorise sans doute pas. Je m'y résous...

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de résolution qui vise l'efficacité, la souplesse et la transparence, dans un esprit de consensus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de résolution est importante. Je salue Sylvie Vermeillet qui a mené sa réflexion avec rigueur et ouverture, s'appuyant sur une concertation approfondie, dans le respect des équilibres internes du Sénat.

Cette proposition de résolution n'est pas qu'une simple révision technique et elle intervient à un moment loin d'être anodin pour le rôle du Sénat. Alors que le politique est mis en cause, que la confiance se délite, nous devons être à la hauteur de nos missions, plus que jamais.

L'Assemblée nationale ne disposant pas de majorité claire, le rôle du Sénat est renforcé. Ici, les débats sont plus apaisés et les compromis sont possibles. Cette capacité à nous extraire des logiques partisanes est notre force.

Cette proposition de résolution renforce les prérogatives des commissions, facilite l'octroi des pouvoirs de commissions d'enquête, introduit des créneaux de contrôle plus lisibles et permet d'auditionner à mi-parcours les personnalités nommées au titre de l'article 13 de la Constitution. Ces outils traduisent une exigence de transparence et de rigueur, au coeur d'une démocratie vivante.

Le texte reconnaît le rôle structurant des groupes politiques et clarifie les règles. Il simplifie, modernise et supprime ce qui est obsolète.

Dans un État de droit, le parlementaire n'est pas un spectateur, mais un garant, un acteur, un garde-fou. Quand les équilibres sont fragiles, le rôle du Sénat devient central. Ce texte nous permet de jouer ce rôle avec plus de force, de clarté, et de responsabilité. Ce texte sert non pas l'entre-soi, mais l'intérêt de tous : il renforce la démocratie, en permettant au Sénat de mieux servir nos concitoyens.

Le RDPI votera cette proposition de résolution...

M. Antoine Lefèvre.  - Très bien !

Mme Patricia Schillinger.  - ... qui renforce le Sénat et répond aux attentes de nos concitoyens : des parlementaires utiles et pleinement engagés.

Et cessons le travail de nuit ! (« Très bien ! » sur plusieurs travées ; applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes Les Républicains et UC)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le parlementarisme est l'acte fondateur de la démocratie moderne. C'est une promesse -  que l'intérêt général guide toujours notre action  - et une exigence -  des parlementaires libres et éclairés.

Les vingt-deux articles de cette proposition de résolution vont dans le bon sens. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

L'article 2 attribue la propriété des postes aux groupes politiques : c'est une bonne chose, à condition que la répartition proportionnelle soit respectée, car le droit de propriété ne vaut que tant que les effectifs des groupes n'évoluent pas de façon substantielle durant le triennat...

Le RDSE n'est pas opposé à l'article 19, mais souhaite toutefois que les groupes politiques puissent demander à la commission de se prononcer sous un délai d'un mois, pour permettre à certains textes d'être adoptés rapidement.

Nous renouvellerons ce soir nos propositions faites en commission, faute de réponse convaincante. Nous voulons que le délai de deux semaines entre l'examen d'un texte en commission et son passage en séance soit respecté. Le 19 mars dernier, deux textes ont bénéficié du délai normal, alors que dix-huit autres y dérogeaient : l'exception est devenue la règle !

De même, l'examen des conclusions de CMP intervient trop souvent au lendemain de la réunion.

Pourquoi l'ensemble des groupes ne seraient-ils pas représentés au sein des CMP ? L'Assemblée nationale est bien parvenue à trouver un équilibre, grâce aux postes de suppléants !

Le RDSE votera cette proposition de résolution, mais s'interroge : suffira-t-elle vraiment à améliorer notre travail ? Depuis la dissolution, le Gouvernement reporte ses attentes sur le Sénat. Mais efficacité ne rime pas avec précipitation : ne faudra-t-il pas réfléchir à de nouveaux ajustements constitutionnels ?

Depuis quelques années, la machine parlementaire s'est emballée, de jour comme de nuit. Mais l'excès d'activité n'est pas synonyme de qualité, selon les mots de Jacques Toubon. Trente ans plus tard, il faut toujours faire mieux pour renforcer notre système démocratique, qui en a bien besoin ! (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cent textes en cent jours : voilà le beau bilan de l'activité parlementaire, à en croire le Gouvernement. Mais devons-nous vraiment nous féliciter de cette suractivité parlementaire ?

Voilà pourquoi l'amendement tendant à supprimer les votes par scrutin public par groupe n'est pas bienvenu. Oui, nos votes doivent rester personnels, mais il est illusoire de croire que nous pouvons prendre une part active ou même éclairée à l'ensemble des travaux parlementaires : nous ne pouvons et ne devons pas être partout.

Ce texte réunit des propositions consensuelles et des avancées notables : ainsi de la clarification de la procédure applicable aux propositions de résolutions européennes. Nous saluons également la propriété des postes reconnue aux groupes : cela coule de source, mais mérite d'être écrit.

Les amendements nourriront la réflexion dans la perspective de prochaines évolutions. Nous parlerons ainsi des droits des groupes minoritaires. Il est toujours aisé pour la majorité de faire l'impasse sur ce sujet. Mais des compromis sont nécessaires -  l'espace transpartisan en est une bonne illustration. Gardons à l'esprit que la majorité d'aujourd'hui peut être la minorité de demain...

Les sénateurs représentant les Français de l'étranger se voient appliquer les mêmes règles de présence que les sénateurs des départements de métropole, alors que leur circonscription est le monde. Nos élus, les conseillers des Français de l'étranger, font un travail de terrain et nous les accompagnons de notre mieux, à distance. Mais rien ne saurait remplacer les déplacements, alors que le système actuel ne nous laisse que quatre jours pour partir : mes enfants se trouvent alors en compétition avec les élus...

Les membres de nos délégations gagnent rapidement en compétence. Aussi chaque sénateur mériterait de réaliser un stage au sein de la délégation aux droits des femmes. Je me réjouis de la création d'une mission commune entre la commission des lois et la délégation aux droits des femmes sur la prévention de la récidive en matière d'infractions sexuelles : ces regards croisés sont très enrichissants. Sachons renforcer nos compétences, en nous appuyant sur les structures existantes.

Je remercie Sylvie Vermeillet, pour son travail sur ce texte, que le groupe UC votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - Une réforme du règlement du Sénat n'est pas anodine, car ce document garantit notre fonctionnement démocratique.

Une nouvelle fois, on aurait pu craindre une restriction du droit d'amendement et du temps d'expression. Mais les ambitions du texte ont été revues à la baisse, grâce à la prise en compte, inédite, des remarques des différents groupes et grâce à l'évolution de la situation politique, qui confère au Parlement une responsabilité nouvelle. À chaque réforme du règlement, nous soulignons l'incongruité de voir une assemblée parlementaire voter elle-même la réduction de ses prérogatives, favorisant ainsi le pouvoir exécutif.

D'année en année, déposer un amendement est devenu un exercice difficile, argumenter est devenu une gageure dans un temps restreint. Cela abaisse le débat démocratique.

Depuis la dissolution, Emmanuel Macron a été mis en forte minorité. Le Parlement est au centre du jeu, même si la tentation de le contourner est grande, comme le reconnaît François Bayrou. La recherche de majorités texte par texte exige des débats approfondis et l'expression précise de chaque groupe, notamment au Sénat.

Je m'étonne que l'on veuille réduire les possibilités d'expression contre les conclusions des CMP. C'est d'autant plus inquiétant que la composition des CMP est favorable au Gouvernement... La multiplication de CMP conclusives au terme d'une procédure accélérée exige un vrai débat sur le travail des quatorze parlementaires qui légifèrent dans des conditions de transparence modeste.

Dans ce contexte éruptif, il était difficile de corseter plus encore le travail parlementaire. La démocratie est crise. Il faudra se pencher prochainement sur notre Constitution.

L'hyperprésidentialisation d'Emmanuel Macron a causé des dégâts considérables. Le maintien d'un gouvernement démissionnaire pendant 50 jours et le vote d'un budget censuré et présenté par un pouvoir battu aux élections interrogent sur le rapport des institutions avec les réalités du pays. Débattre du règlement du Sénat peut paraître anecdotique et technique dans le désordre ambiant, mais c'est clé pour la restauration des prérogatives parlementaires.

Nous présenterons quelques amendements -  bien loin des millions d'amendements italiens  - , pour défendre la démocratie parlementaire. Nous nous abstiendrons sur cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Élu sénateur voilà quatre ans, j'ai pu apprécier la qualité de nos échanges grâce aux règles qui encadrent nos travaux. Et j'ai pu observer les problématiques liées à l'appartenance à un groupe d'opposition. Ce texte prétend s'atteler au sujet des droits des groupes politiques. Membre du groupe de réflexion sur l'organisation de nos travaux, j'ai pu faire remonter les difficultés des plus petits groupes.

Le texte de Sylvie Vermeillet est transpartisan et je salue la méthode de travail de la rapporteure.

Ce texte accède à une demande du GEST sur la sécurisation des postes attribués aux groupes, grâce à l'article 2. Nous accueillons aussi très favorablement l'article 20 : les obligations déontologiques seront renforcées, notamment sur la question des voyages.

En dépit de son titre, cette proposition de résolution est assez maigre sur le sujet des droits des groupes politiques et pourrait aller plus loin notamment sur le statut et le cadre de travail des collaborateurs. Nous avons tous conscience que le travail de nos collaborateurs nous permet de faire le nôtre au mieux ; je regrette que l'on s'intéresse si peu à leurs conditions de travail et de rémunération. (M. Antoine Lefèvre proteste.)

Le GEST présentera des amendements pour autoriser la participation des collaborateurs du groupe à certaines réunions de commission, même en l'absence de sénateurs du groupe. (M. Jean-François Husson proteste.)

Depuis que je suis sénateur, je n'ai jamais été rapporteur au sein de ma commission. Nous proposerons un système d'attribution des rapports plus équilibré et plus transparent, ainsi que la possibilité d'être remplacé en commission.

Le rapport, voté le mercredi, n'est souvent disponible que le vendredi, ce qui est trop tard pour servir de base de réflexion à l'écriture des amendements -  dont le délai limite est souvent fixé au lundi. Nous proposerons un meilleur accès aux documents, comme les questionnaires des auditions des rapporteurs, et le rapport lui-même.

Avec le groupe SER, nous défendrons un amendement sur les scrutins publics, afin d'éviter qu'un sénateur puisse voter pour l'ensemble de son groupe.

Ce texte présente des avancées et nos amendements en proposent d'autres, attendues de longue date.

Nous serons attentifs à aboutir à un consensus large pour un meilleur fonctionnement du Sénat et pour une place plus juste pour les groupes politiques minoritaires. Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Le changement, c'est maintenant. En tout cas, dans notre règlement, c'est ce soir. Le texte est acceptable dans son ensemble : nous ne nous y opposerons pas.

Quelque quatorze articles de la proposition de résolution sur vingt-deux ne présentent pas à nos yeux d'enjeu particulier. L'article 2 est une avancée et remédie à des dysfonctionnements. L'article 20 est aussi un bon équilibre. Mais nous avons aussi des réserves et des interrogations.

En outre, certains thèmes qui nous sont chers n'ont pas été abordés et nous souhaitons en débattre : commission des affaires européennes, droits de l'opposition et parité.

Nous sommes réservés sur la réécriture de l'article 19 sur la commission des affaires européennes. Cette réécriture, qui aurait dû mettre en avant le rôle de cette commission qui n'a cessé de croître, va rendre les procédures plus complexes. On laisse penser que qu'elle ne se saisirait que par défaut. C'est inopportun, alors que cette commission est un atout à préserver et à renforcer.

Les droits des groupes d'opposition nous sont chers. La présidence de la commission des finances résulte d'un gentlemen's agreement, mais mieux vaut l'inscrire dans le dur dans notre règlement, comme à l'Assemblée nationale. Verba volant, scripta manent ! (« Oh ! » à droite)

Autre boussole du groupe socialiste : la parité réelle, que ce soit au Bureau, comme dans les présidences de commission.

Le vote par assis et levé, qui pouvait être considéré comme stigmatisant pour les personnes à mobilité réduite, a été aboli à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Marie-Pierre de La Gontrie et Guy Benarroche ont déposé des amendements ayant le même objet.

Quant à la pratique sénatoriale du scrutin public, elle constitue une anomalie de taille en ce qu'elle admet qu'un sénateur vote pour l'ensemble de son groupe, ce qui est de toute évidence contraire à l'article 27 de la Constitution.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument !

M. Éric Kerrouche.  - Il nous semble essentiel de revenir à la stricte application de la règle énoncée par cet article, comme à l'Assemblée nationale.

Enfin, nous souhaitons instaurer une règle de révision de l'enveloppe allouée à nos collaborateurs. Alors que notre chambre a retrouvé une place centrale dans nos institutions et que nos besoins d'expertise vont croissant, nos équipes sont notoirement trop peu nombreuses et leurs rémunérations, bien trop contraintes. Les crédits destinés à nos collaborateurs doivent être, au minimum, indexés sur l'inflation.

Nous adhérons globalement à la philosophie de ce texte, mais souhaitons défendre des principes qui nous paraissent essentiels dans une assemblée moderne : les droits de l'opposition, la parité, l'égalité, la transparence.

Il n'y a pas d'amour, seulement des preuves d'amour. À défaut d'amour, nous espérons un peu de compréhension à l'égard de nos amendements, ce qui nous permettrait de voter la proposition de résolution. Sinon, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - Je suis honoré de prendre part à ce débat au nom de la réunion administrative des sénateurs n'appartenant à groupe (Rasnag).

Notre règlement est bien plus qu'un recueil de procédures, c'est la colonne vertébrale de notre travail. Il ne faut le modifier qu'avec parcimonie.

Je remercie Sylvie Vermeillet pour son travail de concertation parfaitement oecuménique. Nous faisons face à une défiance généralisée et profonde de nos concitoyens à l'égard du Parlement, des politiques, de la politique en général. Notre règlement doit conforter l'efficacité de notre travail et les droits des législateurs, de la majorité comme de l'opposition.

Nous saluons la clarification apportée à la notion de propriété politique des sièges au sein des commissions. Cette mesure peut apparaître comme une réponse logique à des pratiques parfois ambiguës.

S'agissant de la fluidification des débats et de la rationalisation du temps passé dans l'hémicycle, j'imagine qu'aucun de nous ne songerait à soutenir que nous travaillerions trop : aucun de nos compatriotes ne le comprendrait, à raison. Mais il a pu arriver que des débats s'éternisent de manière artificielle, en particulier sur des projets de loi de finances. Or passer du temps sur le terrain, au côté des élus et de nos concitoyens, fait aussi partie de notre mission.

Le véritable problème se situe ailleurs, et la réponse relève plutôt de la discipline individuelle et collective : la place croissante des réseaux sociaux dans la vie politique a modifié nos pratiques, parfois en bien en démocratisant l'accès à l'information, souvent en mal en faisant la part belle aux egos et à la tentation de faire de l'amendement pour nourrir les profils de vidéos.

Par ailleurs, l'absence de majorité à l'Assemblée nationale nous confère un rôle central, et nous avons tendance à rejouer les matchs. Je ne jette évidemment la pierre à personne : nous cédons tous, à des échelles différentes, à de mauvaises pratiques. Ce sont des phénomènes sur lesquels, hélas, aucune réforme réglementaire n'aura véritablement de prise.

Nous n'avons aucune raison de nous opposer à ce texte, qui préserve les droits de la Rasnag. Nous le voterons donc. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. Dany Wattebled .  - Dans un contexte politique troublé, le Parlement, et singulièrement le Sénat, revient au premier plan.

Pour mener à bien ses missions, notre assemblée doit veiller en permanence à l'efficacité de ses méthodes. Cette proposition de résolution, fruit du travail mené par Mme Vermeillet à l'instigation du président Larcher, vise à faire évoluer certaines de nos règles dans un esprit de continuité et de responsabilité.

Le groupe Les Indépendants salue la méthode suivie et l'écoute accordée à l'ensemble des présidents de groupe, de commission et de délégation.

Afin de renforcer nos outils de contrôle, il est notamment proposé de simplifier la procédure confiant à une commission permanente les pouvoirs d'une commission d'enquête et de fluidifier la désignation des membres des CMP.

En ce qui concerne les propositions de résolution européenne, le régime prévu apporte davantage de clarté, de souplesse et d'efficacité.

Une attention particulière a été accordée aux droits des groupes. Le texte clarifie notamment l'attribution des sièges dans les organes du Sénat, en assurant une meilleure lisibilité lors des changements d'appartenance politique. Ces dispositions contribueront à garantir une représentation plus fidèle de nos équilibres internes.

Par ailleurs, plusieurs dispositions améliorent la lisibilité et la cohérence de notre règlement, comme celles liées à l'évolution des outils de vote et des modalités de prise de parole en séance.

L'encadrement des cadeaux et déplacements offerts aux sénateurs est renforcé, conformément aux propositions de notre comité de déontologie parlementaire. Au nom de la transparence et afin de faire progresser la probité, nous saluons la suppression du régime dérogatoire pour les invitations à des manifestations culturelles ou sportives.

Enfin, cette révision supprime certaines dispositions devenues obsolètes ou redondantes ; ce toilettage participe pleinement de l'objectif de simplification.

Cette proposition de résolution s'inscrit dans une démarche d'amélioration continue, au service de notre institution. Conscient de ses responsabilités et soucieux de son image, le Sénat se donne les moyens d'assumer plus efficacement encore les missions que lui confie la Constitution. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Catherine Belrhiti .  - Ce texte s'inscrit dans une démarche de modernisation continue de notre institution pour des débats transparents et adaptés aux enjeux contemporains. Je salue le travail de Muriel Jourda.

La simplification de l'élection du Président du Sénat en cas de vacance vise à rendre ce processus plus fluide.

L'examen décentralisé de la recevabilité des demandes de création de commissions d'enquête par la commission des lois garantira une plus grande transparence dans la gestion des demandes.

La réforme du renouvellement des commissions spéciales est également bienvenue.

La simplification de la nomination des membres des CMP permettra un gain de temps et d'efficacité.

En matière de déontologie, les règles à suivre en matière de cadeaux sont clarifiées.

La réécriture des dispositions relatives à la commission des affaires européennes a pour objectif de simplifier l'examen des propositions de résolution européenne en permettant un traitement conjoint avec la commission compétente au fond. Ce dispositif renforcera l'efficacité de notre travail et notre capacité à répondre aux enjeux européens.

Enfin, en confiant au Bureau la responsabilité de prendre des sanctions, nous renforcerons la collégialité et la transparence.

Je voterai cette proposition de résolution, qui répond à nos préoccupations. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC)

Discussion des articles

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°2 de M. Kerrouche et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous souhaitons garantir la parité effective au sein du Bureau. L'objectif fait, je crois, consensus et la méthode proposée est simple. Aujourd'hui, douze membres du Bureau sur vingt-cinq sont des femmes. Mais il s'agit d'éviter les régressions, toujours possibles.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. La parité a vocation à s'inscrire dans les moeurs. Or, au sein de notre Bureau, sur vingt-cinq membres, douze sont des femmes : nous avons donc réussi à faire entrer la parité dans nos moeurs, et point n'est besoin de prescriptions rigides.

M. Éric Kerrouche.  - Si cela se fait tout seul, autant faire en sorte que cela se maintienne... Je rappelle que notre hémicycle comptait seulement 5 % de femmes en 1998 ; aujourd'hui encore, il n'en compte qu'un peu plus de 36 %. Nous voulons garantir la parité aux postes de responsabilité. Rien là de compliqué : faisons-le !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous avons presque atteint la parité au sein du Bureau, alors que nous sommes 37 % de femmes au Sénat, ce qui est déjà bien. (Exclamations sur les travées du groupe SER) Continuons à faire ce que nous faisons spontanément.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - (Marques d'impatience à droite) J'ai apprécié le cri du coeur de la rapporteure, disant que 37 % de femmes sénatrices, c'est déjà bien... (MM. Jean-François Husson et Bruno Sido protestent.)

La rapporteure nous oppose systématiquement le même argument : puisque cela se fait déjà, pourquoi l'inscrire dans le règlement ? C'était d'ailleurs le même qu'avançaient certains pour s'opposer à la constitutionnalisation de l'IVG. (Exclamations à droite)

Résultat : les progrès que nous proposons en matière de parité et de droits des minorités ne se feront pas.

Pourtant, en ce qui concerne les nominations dans les organismes extraparlementaires, la présidence du Sénat impose aux groupes de respecter la parité. Pourquoi n'appliquerions-nous pas ce principe à nos propres instances ?

Nous constatons ce soir que le Sénat ne veut pas soutenir la parité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)

M. Laurent Somon.  - Quel raisonnement biaisé...

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°80 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement prévoit que les bureaux des commissions permanentes se réunissent au moins deux fois par an, même si nombre de commissions fonctionnent déjà ainsi, voire mieux.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - En effet, c'est ce qui se fait déjà... (On ironise à gauche.) Ne rigidifions pas notre fonctionnement. Avis défavorable.

M. Bruno Sido.  - Très bien !

L'amendement n°80 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°82 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Nous proposons que les groupes d'opposition et minoritaires puissent formuler des propositions d'audition auprès des présidents de commission.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Là encore, cela se pratique déjà.

M. Laurent Somon.  - Ça devient ridicule...

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - J'ai le souvenir d'avoir demandé l'audition du président de la Cour des comptes à propos du rapport sur les contrôles d'identité : c'est idiot, cela n'a jamais pu se faire...

M. Stéphane Piednoir.  - Il s'agit d'une demande, pas d'une obligation !

Mme Audrey Linkenheld.  - Précisément... On voit que vous suivez !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il serait bon que, parfois, les présidents de commission accèdent aux demandes qui leur sont faites.

M. Stéphane Piednoir.  - Les nôtres ne sont pas toujours exaucées non plus.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous voulons l'inscrire dans le règlement.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Ce n'est pas ce que prévoit l'amendement.

L'amendement n°82 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°79 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Les comptes rendus des auditions menées par les rapporteurs doivent être diffusés auprès des secrétariats généraux des groupes, pour assurer la bonne information des groupes minoritaires.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Ces comptes rendus n'existent pas, car nos administrateurs n'auraient pas le temps de les établir. Avis défavorable.

L'amendement n°79 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°3 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Nous proposons qu'interviennent deux votes distincts sur les rapports des instances temporaires : l'un sur leur contenu, l'autre sur leur publication. Les pratiques pourraient varier selon les circonstances. Un amendement ayant le même objet avait été déposé par le RDPI lors de la précédente révision du règlement. Il avait été indiqué que Mme Gruny, alors vice-présidente, travaillerait sur le sujet, mais cela ne s'est jamais fait.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Les deux vont de pair. Voter les conclusions, mais pas la publication, n'aurait pas de sens. Là encore, notre pratique convient : n'en changeons pas.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°81 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit, là aussi, de faire entrer un usage dans le règlement : chaque groupe peut faire figurer une contribution dans les rapports des commissions d'enquête et missions d'information.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Cela se fait et continuera à se faire. Laissons les choses en l'état. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.)

L'amendement n°81 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°74 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement crée un système de suppléance pour les réunions et les votes de commission : le suppléant, du même groupe que le titulaire, pourrait le remplacer en cas de besoin.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Toutes les commissions se réunissant en même temps, on viderait une commission pour en remplir une autre. Je sais que cela a cours ailleurs, mais ne suis pas sûre que ce soit une bonne pratique. Avis défavorable.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°4 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - La liste des membres d'une CMP doit nous être transmise par voie électronique. L'article prévoit que le président de séance ne fera plus état de l'affichage de la liste. Mais, à trop simplifier les procédures, on risque de porter atteinte au droit de faire opposition à la liste dans un délai d'une heure. La publicité sous forme électronique est prévue par l'IGB, mais elle est facultative ; nous souhaitons qu'elle soit obligatoire.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. D'une part, la question relève de l'IGB. D'autre part, si on modifiait la règle, il faudrait le faire pour tous les affichages.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Après l'article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°34 de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Les changements du paysage politique et l'abaissement du nombre minimal de membres ont fait passer le nombre de nos groupes politiques de cinq en 2008 à huit depuis 2020. Résultat : un groupe est actuellement privé de toute représentation en CMP, ce qui est une atteinte au pluralisme. Nous demandons que tous les groupes disposent au moins d'un poste de suppléant, comme le prévoit le règlement de l'Assemblée nationale.

Mme la présidente.  - Amendement n°36 de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Amendement de repli, qui prévoit un poste d'observateur sans droit de parole ni de vote. Il s'agit de garantir l'information de tous les groupes sur le texte adopté en CMP, souvent porté en séance publique dans un délai très bref.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je comprends votre position, mais ces règles ne pourraient être modifiées qu'en liaison avec l'Assemblée nationale. Avis défavorable.

L'amendement n°34 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°36.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Pas de chance, madame la rapporteure : les dispositions prévues par cet amendement ne correspondent pas à l'usage en vigueur... Il s'agit d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes à la tête des commissions permanentes. À ce jour, deux d'entre elles seulement sont présidées par une femme. Puisque la parité est réalisée pour le Bureau, pourquoi pas pour les présidences de commission ? Ce n'est qu'une question de volonté.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est très différent : le Bureau reflète la composition de notre assemblée, mais chaque commission se choisit son président de manière isolée ; nous ne pouvons pas porter atteinte à la liberté de vote de ses membres.

J'observe que certains groupes font des choix : ainsi, la présidence du groupe communiste est toujours féminine, quand celle du groupe socialiste est toujours masculine. (On ironise à droite.)

M. Mickaël Vallet.  - Et la présidence du Sénat ?

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Nous voulons inscrire dans le règlement l'usage selon lequel la présidence de la commission des finances revient à un membre d'un groupe d'opposition. Cette coutume que Nicolas Sarkozy a imposée à l'Assemblée nationale ne repose au Sénat que sur un gentlemen's agreement. Nous ne faisons pas de procès d'intention, mais nul ne peut savoir comment les choses évolueront d'ici dix ans. Il s'agit d'une garantie collective.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable, pour ne pas rigidifier les choses. Nommer à la présidence de la commission des finances un membre de l'opposition, oui, mais de l'opposition au Gouvernement, pas de l'opposition à la majorité sénatoriale. (On le conteste sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche.  - Votre raisonnement est spécieux. En 2011, Philippe Marini, élu président de la commission des finances, n'était pas dans l'opposition au gouvernement Fillon, mais il siégeait au Sénat dans un groupe d'opposition.

M. Mickaël Vallet.  - Si Philippe Marini était de gauche, cela se saurait...

M. Éric Kerrouche.  - Il n'y a aucune façon de mal comprendre notre amendement. Je déplore votre mauvaise volonté sur ce sujet.

M. Patrick Kanner.  - Madame la rapporteure, tout le monde peut se tromper. Je vous invite à reconnaître que c'est votre cas.

Il ne doit y avoir aucune ambiguïté : la présidence de la commission des finances revient au premier groupe d'opposition à la majorité sénatoriale.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La rapporteure ne répond pas ?

À la demande du groupe SER, l'amendement n°6 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°254 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 114
Contre 206

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°7 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Il s'agit de supprimer l'article 6, qui fait disparaître la mention au Journal officiel des membres excusés lors des séances de commission. La suppression de cette mention ne permettrait plus de distinguer les membres excusés de ceux absents, mais non excusés.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Sagesse.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

Après l'article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°38 de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Il est difficile pour nos collègues ultramarins d'être physiquement présents à chaque réunion hebdomadaire de commission. Ils devraient pouvoir suivre les travaux de la commission à laquelle ils appartiennent par visioconférence. Cette modalité de participation ne leur permettrait pas d'exercer leur droit de vote ni d'être comptabilisés comme présents.

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission.  - On peut aussi ne pas se présenter aux élections...

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous pouvons y réfléchir, mais nos collègues d'outre-mer bénéficient déjà d'un régime dérogatoire. Normaliser la visioconférence n'est pas souhaitable, car cela pourrait encourager à ne pas participer aux réunions.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Nous proposons que les groupes politiques soient représentés de façon équilibrée dans la désignation des rapporteurs. Certaines commissions s'efforcent d'assurer une juste répartition, d'autres non : il faudrait une pratique homogénéisée. Au reste, c'est le cas pour les rapports budgétaires.

Mme la présidente.  - Amendement n°76 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement s'inscrit dans le même esprit. Il s'agit de renforcer les opportunités des groupes minoritaires.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Désigner un rapporteur est un acte politique : il n'y a pas de représentation systématiquement proportionnelle des groupes à prendre en compte. Avis défavorable. (M. Mickaël Vallet proteste.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement est motivé par la grande disparité dans les désignations de rapporteurs au sein des commissions. Nous ne sommes même pas nommés rapporteurs de nos propres textes dans nos niches : ni la parité ni les droits de l'opposition ne figurent parmi les priorités de ce Sénat dont vous prétendez afficher la modernité.

L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°76.

Mme la présidente.  - Amendement n°56 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement inscrit dans le règlement que lorsqu'une proposition de loi est examinée dans le cadre d'un ordre du jour réservé à un groupe de l'opposition ou minoritaire, le rapporteur en est membre.

Cela va dans le sens de la révision constitutionnelle de 2008, et permet à ces groupes de mener un travail approfondi, et, partant, de répondre au titre de cette proposition de résolution, car l'on cherche encore les dispositions qui renforcent les droits des groupes !

Mme la présidente.  - Amendement n°8 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Comment expliquer que ce qui est possible dans une commission ne l'est pas dans une autre ? Le droit de désignation du rapporteur accordé au groupe déposant le texte serait le prolongement du gentlemen's agreement qui prévoit que le texte ne peut pas être dénaturé par son passage en commission.

Mme la présidente.  - Amendement n°75 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Nous souhaitons que le rapporteur d'un texte présenté dans une niche parlementaire puisse être du même groupe que ses auteurs. Cela permet d'approfondir le texte, grâce au travail sur le rapport.

Ces amendements sont importants pour renforcer les droits des groupes politiques, mais aussi l'initiative parlementaire.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Mon avis s'inscrit dans la lignée des avis précédents : les nominations relèvent d'un acte éminemment politique. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

Lorsqu'un groupe minoritaire dépose une proposition de loi, cette dernière n'est jamais modifiée en commission.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Justement !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La volonté du groupe politique dépositaire est donc respectée.

Dans les espaces transpartisans, le groupe auteur de la proposition de loi a le choix entre le poste de rapporteur ou les dix minutes de temps de parole en discussion générale en séance.

Mme Cécile Cukierman.  - J'ai toujours respecté le fait majoritaire. Mais n'utilisez pas des arguments qui n'en sont pas. Ces amendements portent sur les textes inscrits dans les espaces réservés, distincts des espaces transpartisans, dont on n'a eu qu'une seule expérience -  je ne sais pas d'où vient la jurisprudence citée par la rapporteure.

La politique, ce n'est pas à la carte ! La question n'est pas de disposer de dix minutes supplémentaires pour blablater à la tribune, mais de donner les moyens nécessaires à l'approfondissement du texte aux groupes minoritaires.

Madame la rapporteure, vous l'avez rappelé : il n'y a pas de réécriture si le groupe dépositaire n'est pas d'accord.

Pardonnez mon ironie, mais parfois, les rapporteurs ne sont pas d'accord avec leur groupe !

C'est éminemment politique, quand on incarne le fait majoritaire, de respecter l'opposition et la minorité. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Nathalie Goulet.  - Une réforme du règlement est intervenue il y a quelques années, car rien n'assurait au groupe détenteur d'un droit de tirage d'obtenir le rapport.

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

Mme Nathalie Goulet.  - Or le rapport est le plus important. Il a fallu une réforme du règlement, sinon l'ancienneté ou la pression politique primaient.

C'est le même cas ici : lorsqu'une proposition de loi émane d'un groupe, il est naturel que le rapport lui soit attribué. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie acquiesce.)

L'amendement n°56 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos8 et 75.

Mme la présidente.  - Amendement n°87 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - La plupart des réunions de travail ne sont ni retransmises ni enregistrées. Si cela permet des discussions apaisées et constructives, cette pratique n'est pas sans effets de bord, dont celui d'être tenu éloignés du contenu des réunions auxquelles nos agendas chargés nous empêchent de nous rendre. Dans nos départements, nous savons pouvoir compter sur la présence de collaborateurs aux réunions pour rendre compte de leur contenu.

Au Sénat, les auditions du rapporteur sont utiles, mais nos collaborateurs en sont exclus.

Cet amendement garantit la présence d'un collaborateur par groupe aux réunions de commission et auditions du rapporteur.

Mme la présidente.  - Amendement n°73 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°29 rectifié de Mme Carrère et alii.

M. Christian Bilhac.  - Les petits groupes font face à de grandes difficultés : c'est plus dur à deux qu'à quinze ! Or le travail est le même. Bien sûr, il y a le compte rendu, mais souvent, celui-ci arrive après la séance publique. La retransmission sur la chaîne du Sénat n'est pas systématique.

Il s'agit d'une question d'égalité : cela représenterait une chaise dans la salle de la commission, ce n'est pas grand-chose !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'avis de la commission est dicté par la procédure ; cela relève d'une instruction générale du Bureau. Posez la question à ses membres !

Je comprends les difficultés des petits groupes. Mais prenons garde à ce que plus personne ne vienne aux réunions, se contentant d'y envoyer des collaborateurs.

En outre, les collaborateurs de groupe sont admis en commission et le collaborateur du rapporteur l'est en audition du rapporteur.

Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ne nous racontons pas d'histoires : le problème se pose pour les petits groupes - le terme n'est pas sympathique.

En commission, on nous a dit que deux membres par commission, c'était bien suffisant. En commission des lois, Patricia Schillinger est parfois la seule du RDPI, car ses deux collègues sont ultramarins.

Pourquoi ne pas modifier le règlement ?

En fait, vous ne voulez pas que les petits groupes, qui peuvent par ailleurs appartenir à la majorité, disposent des moyens suffisants pour agir. Voilà la position de la droite sénatoriale !

Notre groupe ne connaît pas ces difficultés : toutefois, nous soutenons la demande des petits groupes, qui sont tout autant sénateurs que nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDSE ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

L'amendement n°87 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos73 et 29 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°30 rectifié de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - L'article 17 bis du règlement est clair : il faut deux semaines entre l'examen en commission et celui en séance. Pourtant, l'exception est devenue la règle : la plupart des textes sont examinés en séance au bout d'une semaine, aux termes de la dérogation prévue par notre règlement. La conférence des présidents du 19 mars en témoigne : un délai d'une semaine est prévu pour dix-huit textes et seulement deux textes bénéficient d'un délai de deux semaines.

L'exigence de qualité est parfois difficile à satisfaire dans des délais aussi contraints. En outre, cette situation est surtout défavorable aux plus petits groupes.

Cet amendement impose le respect de la règle générale, certes de manière un peu rigide.

Mme la présidente.  - Amendement n°27 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Même principe que l'amendement précédent, mais dans une version plus souple. Le délai de deux semaines n'est pas une disposition de confort, mais le temps nécessaire pour travailler sur les textes. Cela doit rester la règle.

Nous comprenons que ce ne soit pas le cas, en cas de procédure accélérée, mais il n'est pas tolérable que l'exception devienne la règle.

Mme la présidente.  - Amendement n°31 de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Amendement de repli : nous proposons de rendre exceptionnel le caractère dérogatoire de l'examen en séance une semaine seulement après le passage en commission.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. (On ironise à gauche.)

Effectivement, le délai prévu est de deux semaines, mais les dérogations sont nombreuses.

Je ne pense pas qu'il faille introduire plus de rigidité, selon le mot de la présidente Carrère. Rappelez-vous des textes examinés lors du covid : il fallait agir vite. En outre, le Gouvernement dispose de prérogatives constitutionnelles en matière d'ordre du jour.

Mme Cécile Cukierman.  - Aucun groupe n'a émis de grandes critiques sur cette proposition de résolution. Toutefois, il faut des arguments à la hauteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est charmant.

Mme Cécile Cukierman.  - Ne faisons pas référence à la législation votée durant le covid pour en tirer des conclusions pour notre règlement : ces temps, très particuliers, ne sont pas majoritaires durant un mandat.

Cette question des deux semaines rejoint tous les débats précédents.

Lors d'une même semaine, le Sénat peut examiner quatre ou cinq propositions de loi, faute de projets de loi.

Lors de mon arrivée en 2011, la question de ne pas pouvoir disposer de rapport ne se posait pas. Le délai de deux semaines était respecté : cela permettait de publier les comptes rendus et de mener un travail de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Très bien !

L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos27 et 31.

Mme la présidente.  - Amendement n°55 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Le Gouvernement devrait lui aussi être tenu à un délai pour déposer ses amendements : trop souvent, il les dépose au dernier moment, rendant toute expertise impossible. Nous avons tous en mémoire des dépôts tardifs d'amendements de plusieurs pages qui auraient pu être des projets de loi.

Nous prévoyons aussi la publication des amendements déclarés irrecevables par la commission : rejeter un amendement est un acte politique et il doit en être fait état au compte rendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Notre amendement reprend la deuxième mesure présentée par Cécile Cukierman.

Pourquoi une différence de traitement entre les amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 45, toujours visibles, et ceux déclarés irrecevables au titre de l'article 40, qui disparaissent.

Faute de publicité, on ne peut pas comparer les choses. On verrait ainsi s'il existe des variations dans l'application de l'article 40.

Mme la présidente.  - Amendement n°65 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Lorsque les amendements sont déclarés irrecevables, ils ne sont pas publiés. Or cela relève d'une décision qui doit être connue. En outre, nous devons pouvoir montrer notre travail à nos électeurs.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Astreindre le Gouvernement au respect d'un délai limite serait inconstitutionnel : il tire son droit d'amendement de la Constitution. J'imagine mal le règlement du Sénat contraindre la Constitution.

C'est le président de la commission des finances qui prononce l'irrecevabilité au titre de l'article 40. En revanche, c'est la commission elle-même qui décide de l'irrecevabilité au titre de l'article 45, sur proposition du rapporteur. Il est normal que les amendements éliminés sur le fondement de l'article 40 n'apparaissent plus au stade de l'examen en commission, tandis que ceux qui seront éliminés sur le fondement de l'article 45 apparaissent encore, puisqu'ils n'ont pas encore été déclarés irrecevables.

Le Conseil constitutionnel est clair sur ce sujet : il s'est déjà prononcé. Avis défavorable aux amendements nos55, 10 et 65 rectifié.

M. Thomas Dossus.  - Nous sommes nous-mêmes astreints à des délais. Le respect d'un délai limite par le Gouvernement n'entraverait pas son action. Nous voulons éviter le dépôt d'amendements « sur table », que nous avons massivement connu durant la dernière séquence budgétaire, plutôt baroque... Nous n'avions aucun moyen de les expertiser.

Idem pour les zones d'accélération, dans la loi APER : nous avons voté une véritable usine à gaz. Nous légiférons mal dans ces conditions.

Mme Nathalie Goulet.  - Madame la rapporteure, ce n'est peut-être pas le bon texte ni le bon moment, mais il faudra bien lisser l'interprétation de l'article 40, différente d'un texte à l'autre ou d'un auteur à l'autre, ce qui entraîne déconvenues et incompréhensions. Vous avez évoqué la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'amendement n°10, mais il doit bien y avoir une voie.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Pour répondre à M. Dossus, le délai limite pour le dépôt des amendements de sénateurs relève d'une loi organique.

Madame Goulet, le président de la commission des finances motive par écrit sa décision prise au titre de l'article 40. Est-ce une jurisprudence uniforme ? Je suis incapable de le dire, mais j'imagine que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

L'amendement n°55 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos10 et 65 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°89 de M. Benarroche et alii.

M. Thomas Dossus.  - Nous revenons au débat précédent relatif aux délais de dépôt des amendements et du rapport avant son passage en commission.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le rapport reprend les résultats des travaux de la commission et son compte rendu. Le jour de la commission, nous disposons du texte et de l'Essentiel. Le compte rendu est publié un jour et demi après. Il est difficile de faire mieux étant donné qu'il doit reprendre les travaux de commission. Avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Les services du Sénat sont très performants ; nous aurons le compte rendu de nos débats dans la nuit. C'est donc une question de moyens. Il faut trouver des solutions. Le rapport étant publié le vendredi pour un dépôt d'amendements avant le lundi midi, les équipes doivent travailler le week-end. Ce n'est pas acceptable.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°85 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - La chasse aux cavaliers législatifs et l'application de l'article 45 sont de plus en plus strictes. Le dépôt d'amendements est très encadré. Nous proposons qu'en première lecture, ce soit le lien direct ou indirect avec le texte de loi qui prévale et non l'application effective au texte.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'article 44 bis du règlement pose deux conditions cumulatives : l'application au texte en discussion et le lien, même indirect, avec ce texte. Si l'on en faisait une alternative, ce serait contraire à la Constitution. Avis défavorable.

L'amendement n°85 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°88 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Nous sommes nombreux à avoir reçu avec étonnement des décisions d'irrecevabilité au titre de l'article 45. Celles-ci se sont multipliées et le périmètre défini pour le texte concerné n'apporte pas un éclairage suffisant. Nous regrettons qu'il n'y ait pas d'explication à ces décisions. C'est pourquoi nous proposons qu'un sénateur puisse en demander deux fois par session une justification renforcée.

Certaines décisions doivent davantage inclure les oppositions. Réfléchissons à de nouvelles règles s'agissant de la recevabilité des amendements.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La disposition proposée est difficile à appliquer. Pourquoi deux fois par session, et pas trois ? La discussion sur le périmètre peut avoir lieu, quand elle est sollicitée.

La conférence des présidents n'est pas une instance d'appel d'une décision de commission. Avis défavorable.

L'amendement n°88 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°63 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous réitérons une proposition déjà formulée lors de la dernière réforme du règlement, car aucune modification n'a été apportée sur l'irrecevabilité au titre de l'article 40. Parfois, 20 % des amendements sur un texte sont évincés.

Cette proposition est raisonnable. Je rappelle que nous étions allés jusqu'à demander la suppression de l'article 40 de la Constitution dans le cadre de l'un de nos espaces réservés.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'amendement est en partie satisfait : toutes les décisions d'irrecevabilité du président de la commission des finances au titre de l'article 40 sont motivées.

La commission des finances propose parfois une solution pour éviter l'irrecevabilité, mais ce n'est pas toujours possible. Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Soit je ne comprends pas ce que j'ai écrit, soit, madame la rapporteure, nous ne nous comprenons pas.

Certes, la décision d'irrecevabilité reçue par mail est motivée. Mais ce qui serait intéressant, ce serait de comprendre pourquoi tel ou tel amendement est supposé engendrer des dépenses publiques. Il faudrait une vraie expertise. Il y a dix ans, siégeaient encore en séance des membres de la commission des finances capables d'expliquer les raisons de l'irrecevabilité. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

Rendre obligatoire la motivation des décisions d'irrecevabilité les limiterait peut-être. (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Depuis 2014, le rapport du président de la commission des finances expose la jurisprudence en la matière et apporte des réponses aux questions sur l'application de l'article 40.

L'amendement n°63 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°64 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voulons une argumentation par courrier justifiant la décision d'irrecevabilité au titre de l'article 41.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La décision sur l'irrecevabilité au titre de l'article 41 de la Constitution est prise par le président du Sénat. Je ne vois pas comment cela peut être compatible avec ce qui est proposé. Avis défavorable.

L'amendement n°64 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°66 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Pour réduire le temps de parole en séance, il existe plusieurs moyens -  nous venons d'en voir quelques-uns.

L'organisation du débat sur les amendements a été modifiée depuis quelques années. On a sorti de la discussion commune les amendements relatifs à la suppression d'un article ou à sa réécriture globale. Ainsi, des amendements deviennent sans objet sans même avoir été discutés. C'est une arme assez puissante à la main de la majorité, quelle qu'elle soit.

Je ne rappellerai pas les facilités utilisées pour accélérer les débats lors de la réforme des retraites...

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous discutons d'abord des amendements de suppression, puis de ceux de réécriture globale, et enfin de ceux qui modifient l'article. Cela donne une clarté aux débats, qui doit être préservée. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Lors de l'examen de la loi de finances, il a fallu une suspension de séance pour vérifier les amendements et reclasser celui de la présidente Vermeillet à la bonne place.

L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 8

Mme la présidente.  - Amendement n°23 de Mme Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement de simplification. Lorsque les signataires d'une proposition de loi perdent leur mandat, celle-ci devient caduque. Je propose qu'il en soit ainsi dès que le premier signataire perd son mandat.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Cela porterait atteinte aux droits des parlementaires, singulièrement ceux des cosignataires. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je le retire. Tous les signataires qui perdent leur mandat en même temps, c'est un strike au bowling ! (Sourires)

L'amendement n°23 est retiré.

L'article 8 est adopté.

Après l'article 8

Mme la présidente.  - Amendement n°26 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Les comptes rendus de la conférence des présidents doivent être rendus publics. Les comptes rendus du Bureau sont mis en ligne ; faisons de même pour la conférence des présidents.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est difficile de le faire au détour d'une modification du règlement. (Rires à gauche) Ces réunions ne sont pas publiques. Avis défavorable.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Après l'article 9

Mme la présidente.  - Amendement n°11 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Nous en venons au calcul des espaces réservés. Ils sont attribués par tranche de quatre heures, mais sans prendre en compte le temps de la séance du soir. Nous proposons de la prendre en compte, car elle est parfois très longue. À défaut d'accepter cet amendement, car vous n'êtes pas d'humeur partageuse, madame la rapporteure, pouvez-vous prendre l'engagement de faire réaliser une simulation du temps qui serait alloué aux groupes minoritaires et d'opposition dans une telle configuration ? À votre bon coeur !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je ne suis pas d'humeur partageuse, vous n'êtes pas d'humeur consensuelle... C'est ainsi ! (Sourires) La majorité doit conserver un temps prépondérant, et les niches deviendraient trop importantes. Avis défavorable.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Après l'article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°32 de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Le RDSE est attaché à la laïcité, valeur inscrite dans la Constitution. Dans la vie civile, le Parlement doit être mis à l'abri de toute atteinte. Pour éviter toute lecture de texte religieux en séance, et sans porter atteinte à la liberté d'expression, donnons la possibilité au président de séance d'intervenir en cas de besoin.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le règlement prévoit déjà que les sénateurs sont tenus de respecter la laïcité dans leur mandat.

Lorsque le règlement a été soumis au Conseil constitutionnel, ce dernier a émis une réserve d'interprétation. La laïcité ne peut porter atteinte à la liberté d'expression des sénateurs. C'est en réalité le prosélytisme qui est prohibé.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°57 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Pourquoi supprimer du règlement ce qui ne se fait pas, s'il n'est pas utile d'y inscrire ce qui se fait déjà ? Nous ne savons pas de quoi demain sera fait... En 2027, nous serons peut-être plusieurs présidents à faire des rappels au règlement à la tribune.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le toilettage consiste à supprimer ce qui ne sert à personne. Toutefois, la commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement.

L'amendement n°57 est adopté et l'article 12 est supprimé.

(« Ah ! » et « bravos » ironiques à droite)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Champagne !

Mme Cécile Cukierman.  - Et un rappel au règlement à la tribune, direct !

L'article 13 est adopté.

Article 14

Mme la présidente.  - Amendement n°70 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement supprime la simplification de la procédure de validation du procès-verbal.

Alors que, selon la procédure actuelle, le Bureau se réunit immédiatement après l'ouverture de la séance suivante, la nouvelle procédure prévoit d'attendre la prochaine réunion du Bureau. Une contestation pourrait donc rester en suspens pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

De plus, la nouvelle procédure laisse au Bureau la faculté de refuser de soumettre en séance publique une demande de rectification, alors que la procédure actuelle prévoit que le Sénat se prononce systématiquement sur la décision du Bureau.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Soit on réunit le Bureau en urgence, soit on attend sa prochaine réunion. L'article est pleinement justifié.

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°58 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Réunir le Bureau pour délibérer d'une contestation au procès-verbal est une bonne chose, mais laissons à la séance publique la spontanéité des décisions.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

L'article 15 et adopté.

Article 16

Mme la présidente.  - Amendement n°59 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - On peut avoir des avis différents sur le Cese. Restreindre ses interventions devant le Sénat est dommage. À l'heure où les députés ont trop simplifié et où le Premier ministre prône le dialogue social, évitons que le Sénat ne tombe dans l'autosatisfaction. Même si nous sommes des gens exceptionnels, écoutons les autres.

M. Antoine Lefèvre.  - C'est vrai que nous le sommes !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est curieux comme on s'attache à des choses qui n'arrivent jamais...

Nous souhaiterions clarifier ce point. Il est proposé que le Cese ne donne pas son avis sur chaque amendement, mais s'exprime uniquement dans le cadre de la discussion générale - c'est arrivé une fois en quinze ans. Mais ce n'est pas non plus une affaire d'État. Sagesse.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n° 13 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Cet amendement maintient en vigueur la possibilité pour un représentant du Cese de s'exprimer devant le Sénat.

Vous nous aviez dit qu'il fallait mettre le règlement en accord avec la pratique. Pourquoi ne pas l'avoir fait tout à l'heure pour la commission des finances ? Je regrette cette argumentation variable.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°71 de M. Benarroche.

M. Thomas Dossus.  - Défendu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Ne confondons pas la mise en cohérence avec la pratique avec le fait qu'il n'y ait pas de pratique du tout. (Exclamations à gauche) Avis défavorable.

Les amendements identiques nos13 et 71 ne sont pas adoptés.

L'article 16 est adopté.

Après l'article 16

Mme la présidente.  - Amendement n°60 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Afin de renforcer l'intelligence de nos débats, la discussion générale pourrait être allongée, sur demande de deux présidents de groupe, et passer d'une heure à deux. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je ne suis pas sûre que ce soit souhaitable. En pratique, lorsque les groupes le demandent en conférence des présidents, cette demande est généralement accordée. Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - La conférence des présidents ne se réunit pas facilement. En outre, elle n'est pas exempte de rapports de force.

Lorsque le temps de parole sur les articles était fixé à cinq minutes, il y avait beaucoup moins d'amendements, et l'on siégeait de la même façon, ni plus ni moins. Mais une chose ne peut être supprimée : le droit d'amendement. La majorité restera toujours majoritaire et l'opposition aura toujours le droit de s'exprimer.

Réfléchissez bien, lorsque le groupe Les Républicains d'alors, déjà majoritaire, parlait cinq minutes sur un article, nous réglions bien des problèmes et évitions des amendements identiques.

M. Olivier Paccaud.  - Avant chaque article, chacun peut prendre la parole, en complément de la discussion générale.

Mme Cécile Cukierman.  - Avant, c'était cinq minutes !

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°35 de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement facilite les conditions d'examen des projets ou propositions de loi au cours de la navette. Que les lectures des conclusions de CMP interviennent en séance deux à trois jours après, et parfois le lendemain de la réunion, n'est pas favorable aux petits groupes.

L'amendement prévoit un minimum d'une semaine entre la réunion de la CMP et la lecture de ses conclusions.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Un tel délai s'oppose à la volonté du Gouvernement : cette faculté lui est offerte par l'article 48 de la Constitution ; le règlement du Sénat ne saurait s'y opposer. Avis défavorable.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Lorsque le Gouvernement recourt au vote bloqué, le Sénat doit se prononcer par un seul vote sur l'ensemble des textes. Depuis 2015, un orateur d'opinion contraire ne peut plus intervenir juste après la présentation d'un amendement : c'est une régression.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Soyons clairs : nous recourons au vote bloqué quand il y a suffisamment d'amendements pour faire obstruction. Si nous autorisions une expression sur chaque amendement, nous l'encouragerions.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°61 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Certaines dispositions nous étonnent, comme la volonté de supprimer la possibilité de déposer des motions de procédure sur les propositions de résolution. Combien de fois ces démarches ont-elles été utilisées ? Si ce n'était pas régulier, pourquoi vouloir les supprimer ?

Nous assistons en outre à une nouvelle pratique parlementaire : l'ajout en CMP de dispositions non débattues en séance. Je pense au texte sur le droit du sol à Mayotte.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Petit rappel sur les motions qui peuvent être déposées : question préalable, motion préjudicielle ou incidente, renvoi en commission et exception d'irrecevabilité.

En l'espèce, nous parlons de la possibilité de s'opposer aux conclusions d'une CMP. Or, en CMP, nous ne pouvons qu'accepter ou rejeter les conclusions par un vote unique.

Dès lors, l'exception d'irrecevabilité est la seule motion qui ait du sens. Je propose que nous en restions là. Avis défavorable.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°69 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Certains textes ont une trajectoire parlementaire complexe. Ainsi du projet de loi de simplification de la vie économique, dont l'examen commencera en séance à l'Assemblée nationale demain, avec un festival d'amendements fourre-tout. Il s'est passé plus d'un an depuis son examen au Sénat. La situation politique a fortement évolué depuis lors.

Si nous parvenons à un accord en CMP, nous risquons d'avoir devant nous un texte très différent. Il faut conserver des motions pour pouvoir en parler.

Mme la présidente.  - Amendement n°15 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Nous admettons qu'une motion de renvoi en commission n'est pas pertinente lors des lectures de conclusions de CMP. En revanche, ce n'est pas le cas de la question préalable ou des motions préjudicielles ou incidentes.

C'est une réduction inutile des droits des parlementaires. Nous parlons ici de dix minutes !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Même esprit, même réponse : avis défavorable.

L'amendement n°69 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°15.

L'article 17 est adopté.

Après l'article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°39 de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Le règlement du Sénat prévoit des dérogations à la retenue sur l'indemnité de fonction en cas de mission officielle. Il faut étendre cette dérogation aux sénateurs chargés par le Gouvernement d'une mission temporaire. (Mme Nathalie Goulet renchérit.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Lorsque les sénateurs sont en mission pour le Gouvernement, ils perdent leur mandat au bout de six mois. Pas de confusion : nous sommes le pouvoir législatif, non le pouvoir exécutif. Avis défavorable.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Prévoyons 45 minutes de débat pour la discussion générale lors des conclusions de CMP.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - En l'espèce, la durée de la discussion générale est aujourd'hui de trente minutes. Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - La question n'est pas seulement drôle. Nous ne parlons pas d'un quart d'heure de plus ou de moins. À force de réduire le temps de parole, bientôt, nous ne pourrons plus nous gargariser : nous sombrerons dans la caricature réciproque de nos propos.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Très bien !

M. Antoine Lefèvre.  - Il y a encore de la marge.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Lors de la lecture des conclusions de CMP, tous les groupes disposent du même temps de parole.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié Mme de La Gontrie et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous voulons supprimer toute mention stigmatisante du règlement du Sénat, notamment les mentions « assis et levé ».

La loi, depuis 2005, prévoit l'accessibilité des personnes handicapées aux fonctions électives. Sur l'initiative de Sébastien Peytavie et de Yaël Braun-Pivet, l'Assemblée nationale s'est saisie du sujet : elle a supprimé à l'unanimité le vote par assis et levé.

Évitons de stigmatiser ces personnes et ces élus.

Mme la présidente.  - Amendement n°72 rectifié de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Mme de La Gontrie l'a bien dit : il s'agit de remplacer le vote par assis et levé par un vote électronique.

Mettons à jour nos procédures pour améliorer l'accessibilité des personnes handicapées. Autoriser le vote électronique par l'intermédiaire du boîtier ne rigidifierait pas les choses.

Mme la présidente.  - Amendement n°90 de Mme Muriel Jourda, au nom de la commission des lois.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je demande le retrait de ces amendements au profit de celui de la commission.

Il y a une confusion entre les buts et les moyens. Le but, c'est de permettre à chaque parlementaire de pouvoir voter. On ne peut pas supprimer chaque moyen en fonction telle ou telle incapacité, temporaire ou non. Supprimer le assis et levé, car un sénateur ne peut plus se lever, très bien ; mais si un sénateur a les deux bras cassés, supprimerait-on le vote à main levée ?

Le but est de pouvoir voter, les moyens sont divers : assis et levé, scrutins à la tribune, scrutins publics...

Il ne faut pas se fixer sur l'incapacité de nos collègues pour déterminer nos procédures. Supprimer le assis et levé serait stigmatisant. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.)

Je travaille depuis des années avec un collègue handicapé. Jamais je ne l'ai entendu demander que l'on ne puisse pas faire quelque chose au motif qu'il ne le pouvait pas.

Revenons-en au but premier : comment un sénateur peut-il exprimer son vote alors qu'il est physiquement empêché ? Sur invitation du président de séance, il pourrait voter de la façon qui lui semblerait la plus appropriée, comme le prévoit mon amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Kerrouche.  - Madame la rapporteure, je suis accablé par votre position. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud.  - Cela faisait longtemps !

M. Éric Kerrouche.  - Si vous ne vous rendez pas compte que vous créez une nouvelle stigmatisation, je vous le dis tranquillement, c'est assez triste. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Je ne comprends pas pourquoi, à l'Assemblée nationale, on vote à l'unanimité et ici cela pose problème.

La solution proposée par la rapporteure ne met pas tout le monde au même niveau. Ce n'est pas tolérable ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Antoine Lefèvre.  - Et à la tribune ?

M. Guillaume Gontard.  - Nous fêtons les 25 ans de la loi de 2005.

M. Olivier Paccaud.  - Les 20 ans !

M. Guillaume Gontard.  - Oui, les 20 ans.

À l'époque, l'enjeu était l'accessibilité pour tous. Ne stigmatisons pas les personnes, quel que soit leur handicap, à rebours du processus d'inclusion. Nous connaissons les problèmes d'accessibilité de notre hémicycle.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Forcément !

M. Guillaume Gontard.  - Nous devrions pouvoir voter au Sénat une évolution semblable à celle adoptée par l'Assemblée nationale.

En cas de doute, faire voter de manière électronique résout totalement le problème. En revanche, la solution proposée par Mme la rapporteure n'est pas acceptable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je m'exprime en tant que vice-président. Quand on préside la séance, la procédure par assis et levé est très utile pour réveiller l'hémicycle. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Quand plus personne ne lève la main, elle permet de rappeler aux collègues qu'il faut faire un geste pour manifester son vote.

Pourquoi ne pas utiliser une formule simple, en disant que « ceux qui peuvent se lever se lèvent ». Telle est la formule adoptée lors des matchs de rugby. Ceux qui ne le peuvent pas pourront exprimer leur vote de la façon qu'ils souhaitent. Je ne vois pas ce que cela aurait de stigmatisant, ou alors le rugby, où une semblable pratique existe, est stigmatisant ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Une voix à droite.  - C'est du bon sens !

M. Michaël Weber.  - Non, ce n'est pas du bon sens !

Nous avons bien compris que la rapporteure ne faisait pas montre d'ouverture d'esprit.

M. Olivier Paccaud.  - Cessez de donner des leçons de morale, c'est insupportable !

M. Michaël Weber.  - Puisque vous m'interpellez directement, monsieur Paccaud, je précise que la moindre des choses serait de se tourner vers la personne qui a déposé l'amendement pour lui répondre, ce qui n'est pas le cas depuis le début de la séance.

M. Cédric Perrin.  - C'est stigmatisant !

M. Michaël Weber.  - Il y a eu unanimité à l'Assemblée nationale sur ce sujet. Nous devrions donner le même exemple aujourd'hui.

Madame la rapporteure, s'appuyer sur une personne en situation de handicap de votre connaissance, c'est un peu court.

Vous proposez une stigmatisation accrue. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut que les personnes concernées manifestent leur handicap pour pouvoir voter. Ce n'est pas acceptable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tous, nous avons présidé des assemblées.

M. Cédric Perrin.  - Elle va nous donner des leçons !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je ne suis pas sûre que, vous concernant, vu le succès de vos amendements dans l'hémicycle, vous puissiez donner des leçons ! Vous savez très bien de quoi je parle.

Je remercie Pierre Ouzoulias pour son soutien. (On ironise à droite.)

À deux reprises, alors que les votes n'étaient pas visibles, vous n'avez pas, madame la présidente, demandé d'assis et levé ; vous avez simplement demandé que les doigts se lèvent de manière plus prononcée. Je vous en remercie.

Nous saurons ce soir que la droite du Sénat ne veut pas supprimer une mesure discriminante dans son règlement, là où l'Assemblée nationale, pourtant peu unanime en ce moment, a su se prononcer. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Je vois que votre nombre vous donne du courage... Assumez ce que vous êtes en train de faire !

Mme Sylvie Vermeillet.  - J'ai procédé à six mois d'audition : cette question n'a jamais été abordée.

M. Mathieu Darnaud.  - Ce sont des amendements de dernière minute !

Mme Sylvie Vermeillet.  - Je remercie Mme la rapporteure pour son amendement. Vous parlez beaucoup de stigmatisation. Ne stigmatisons pas le seul handicap qui consiste à ne pas pouvoir se lever.

Il s'agit d'essayer de s'adapter à tout type de handicap, permanent ou temporaire. Un collègue de notre groupe, blessé au ski, ne pouvait bouger ses bras et donc voter à main levée. Aucun handicap n'empêche quelqu'un d'être parlementaire : demain, un parlementaire pourra être sourd ou muet, et nous devrons bien nous adapter.

Tel est le sens de l'amendement de Mme la rapporteure : adaptons-nous à tout type de handicap. L'esprit de l'amendement, c'est de trouver une solution, et c'est la bonne mesure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

À la demande du groupe SER, l'amendement n°12 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°255 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 114
Contre 206

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°72 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°90 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Lorsque plusieurs membres d'un même groupe présentent des amendements identiques, la parole serait donnée à un seul d'entre eux. Ainsi, nous gagnerions en efficacité sans sacrifier la richesse des échanges. Nous voulons non pas restreindre le droit constitutionnel d'amendement, mais éviter les répétitions.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Sagesse.

Mme Cécile Cukierman.  - Je m'étonne : le droit d'amendement, constitutionnel, est individuel.

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission.  - Il est question de la défense d'un amendement, non de son dépôt.

Mme Cécile Cukierman.  - Voter cet amendement reviendrait à remettre en cause ce principe. La commission, si prudente d'habitude sur les questions constitutionnelles, émet un avis de sagesse. Si j'étais impertinente, je dirais que l'objectif est de réduire le temps de parole.

Nombre de collectivités locales s'y sont essayées : elles se sont cassé les dents.

La commission aurait dû émettre un avis défavorable.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je ne crois pas. Il s'agit de la défense de l'amendement, non de son dépôt.

Mme Cécile Cukierman.  - Mais si on ne peut pas le défendre...

M. Guillaume Gontard.  - Depuis le début de la soirée, la rapporteure n'a donné aucun avis favorable. Et ses avis de sagesse visent à restreindre le temps de parole : je le regrette.

Grâce au travail de Sylvie Vermeillet, nous sommes parvenus à une proposition de résolution consensuelle : les dispositions visant à réduire le temps de parole avaient été laissées de côté.

Faisons confiance au travail parlementaire !

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Souvent, les groupes demandent un retour à la procédure normale lors de la ratification ou de l'approbation d'une convention internationale. Leur demande est légitime ; toutefois, limitons la discussion générale à trente minutes.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est intéressant : sagesse.

L'amendement n°37 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°40 rectifié de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - La procédure de législature en commission (LEC) vise à alléger nos débats en séance publique. Réduisons légèrement le temps de parole alloué au rapporteur et aux groupes lors de la discussion générale, car l'essentiel a déjà été dit en commission.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Sagesse.

L'amendement n°40 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié ter de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Nulle explication de vote lors de l'examen de conventions fiscales internationales, qui abordent pourtant des sujets complexes : cet amendement y remédie.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Depuis la session 2017-2018, les conventions fiscales sont adoptées selon la procédure normale : il y a donc bien une discussion générale.

L'amendement n°18 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°54 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Lorsque je suis devenue sénatrice, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'une seule personne votait pour l'ensemble de son groupe lors des scrutins publics ordinaires !

Novice, je me suis alors plongée dans le règlement du Sénat : rien. Je me suis alors reportée à la Constitution : son article 27 précise que le droit de vote est personnel. Notre amendement vise simplement à mettre en conformité le règlement du Sénat avec la Constitution.

Cette étrange pratique du scrutin public était aussi en vigueur à l'Assemblée nationale, jusqu'à ce que Philippe Séguin y mette un terme en 1993.

Ce point recueillera sans doute toute l'attention du Conseil constitutionnel...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°84 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - J'ai eu le même étonnement lorsque j'ai découvert cette pratique saugrenue, à mon arrivée au Sénat.

Nous avons empêché nos collaborateurs d'assister aux réunions. Mais qui a assisté à un espace réservé le jeudi matin sait combien la procédure du scrutin public, pourtant contraire à la Constitution, est utile, surtout à la majorité sénatoriale, qui brille par son absence ce jour-là. (MM. Loïc Hervé et Stéphane Piednoir protestent.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous aimons bien parler de la conformité à la Constitution ; nous avons tous un avis en la matière.

Notre règlement passe toujours sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel : il a donc été validé par ce dernier.

M. Loïc Hervé.  - Fin du débat !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je comprends votre étonnement sur le scrutin public. Mais je remarque que l'on s'y fait tous rapidement : vous en avez déjà demandé deux ce soir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Cette procédure, utile à tous, majorité comme opposition, permet de pallier une présence parfois fluctuante et de trancher des enjeux politiques. Avis défavorable. (« Très bien ! » à droite)

M. Michel Masset.  - Peut-être pouvons-nous demander à réfléchir à un système de report ?

M. Thomas Dossus.  - Si nous demandons un scrutin public, c'est parce que nous n'avons pas d'autre moyen de connaître les votes de chacun. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous voulons savoir qui vote quoi. Ce soir, des absents ont voté, sans donner de délégation de vote : nous le contestons.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voterons contre ces deux amendements. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Certes, cette procédure surprend, mais le scrutin public a un avantage, non pas pour changer le rapport de force, mais pour clarifier les votes : chacun doit assumer sa position.

Je comprends les réserves, mais je ne veux pas arriver à la situation qui prévaut à l'Assemblée nationale.

Mme Audrey Linkenheld.  - Nous ne remettons pas en cause le principe du scrutin public, mais bien ses modalités. C'est pourquoi nous avons eu recours au scrutin public tout à l'heure.

À l'avenir, nous souhaitons que les règles soient les mêmes au Sénat qu'à l'Assemblée nationale depuis 1993 : chacun est averti de l'imminence d'un scrutin public et chaque présent vote pour lui-même. On sait alors qui a voté quoi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Madame la rapporteure, vos propos sont inexacts : le Conseil constitutionnel n'a jamais validé cette modalité, puisqu'elle ne figure pas dans notre règlement. Le Conseil aura à se prononcer.

Lorsqu'il décide de modifier cette pratique à l'Assemblée nationale, le 28 septembre 1993, Philippe Séguin insiste sur le fait que cette procédure n'existe dans aucun autre Parlement.

Souvenez-vous de la proposition de résolution de Jean-Louis Masson et des propos de Jacqueline Gourault en date du 15 décembre 2009. Réfléchissez-y !

M. Laurent Somon.  - C'est tout réfléchi !

Mme Pascale Gruny.  - Chers collègues de gauche, il me semble que Jean-Pierre Bel a présidé le Sénat après 1993 : pourquoi n'a-t-il pas introduit une telle modification ? (Protestations sur les travées du groupe SER ; on renchérit à droite.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je n'étais pas encore élue !

À la demande du groupe SER, les amendements identiques nos54 et 84 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°256 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption   84
Contre 245

Les amendements identiques nos54 et 84 ne sont pas adoptés.

L'article 17 bis est adopté.

L'article 18 est adopté.

Article 19

M. Jean-François Rapin .  - Merci à Mmes Sylvie Vermeillet et Muriel Jourda pour leur écoute à l'égard des demandes du président de la commission des affaires européennes que je suis.

L'article 19 vise à renforcer la commission des affaires européennes, consacrée dans la Constitution lors de la révision constitutionnelle de 2008. Sa force réside dans sa composition transversale, qui lui permet de bénéficier de l'expertise de tous.

L'article propose un compromis satisfaisant pour les propositions de résolutions européennes déposées par un sénateur : celles-ci ne devront plus être examinées automatiquement par la commission des affaires européennes sous un mois - c'était une demande de ma part. Et nous accélérons la procédure d'adoption d'une position du Sénat. Enfin, la commission des affaires européennes pourra désormais être consultée sur les textes de loi visant à adapter le droit national au droit européen.

M. Didier Marie .  - Nous nous interrogeons sur les finalités et la valeur ajoutée de cet article : s'agit-il vraiment de renforcer la commission des affaires européennes ?

Alors que les enjeux et les textes européens jouent un rôle croissant, l'article introduit un glissement de la priorité accordée à la commission des affaires européennes vers la commission compétente au fond. La première ne serait plus saisie que par défaut.

En outre, la réécriture proposée fait plus de neuf pages, ce qui ne va guère dans le sens de la simplification...

Notre commission des affaires européennes est une instance écoutée, y compris au niveau européen. Elle a su s'imposer par son travail et a acquis de nouveaux droits dans la procédure européenne, droits qu'il faut renforcer : c'est le sens de nos amendements.

Mme la présidente.  - Amendement n°91 de Mme Muriel Jourda, au nom de la commission des lois.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Précision rédactionnelle.

Mme la présidente.  - Amendement n°67 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous alertons sur le poids excessif accordé à la commission des affaires européennes, non dotée du pouvoir législatif.

Mme la présidente.  - Amendement n°42 de M. Marie et du groupe SER.

M. Didier Marie.  - Nous affirmons la place de la commission des affaires européennes dans la procédure d'examen des propositions de résolution européenne.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Les amendements nos67 et 42 vont en sens contraires. Restons-en à la faculté actuellement prévue. Avis défavorable.

M. Jean-François Rapin.  - Conservons, en effet, l'équilibre actuel.

M. Didier Marie.  - Nous voterons l'amendement de la commission, dont le II va dans le bon sens.

L'amendement n°91 est adopté et l'amendement n°67 n'a plus d'objet.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°47 rectifié de M. Marie et du groupe SER.

M. Didier Marie.  - Nous voulons lever toute ambiguïté sur les droits de la commission des affaires européennes de se saisir des projets de textes européens au titre de l'article 88-4 de la Constitution.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'amendement a été largement remanié : à titre personnel, j'émets un avis favorable. Si une commission permanente ne peut se saisir d'un texte européen, il me paraît logique que la commission des affaires européennes puisse le faire.

L'amendement n°47 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°44 de M. Marie et du groupe SER.

M. Didier Marie.  - Il s'agit de préciser que c'est le bureau de la commission des affaires européennes qui décide du mode d'examen d'une proposition de résolution européenne déposée par un sénateur, parmi les trois régimes possibles.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il appartient au président de cette commission de fixer son ordre du jour. Avis défavorable.

M. Didier Marie.  - Il s'agit de décider si la proposition de résolution européenne déposée à titre personnel sera ou non examinée par la commission. Nous considérons que c'est au bureau de cette dernière de se prononcer.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°68 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous proposons que chaque groupe puisse inscrire à l'ordre du jour une proposition de résolution européenne par année parlementaire.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait. Chaque groupe peut inscrire une telle proposition dans le cadre de son espace réservé. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Un peu de respect ! Je ne suis pas idiote : je sais bien que je peux inscrire les textes de mon choix dans les deux niches de quatre heures que j'ai chaque année.

J'aimerais qu'on nous oppose de véritables arguments, malgré l'heure avancée. Il est vrai que, si nous avions débuté l'examen de ce texte à 14 h 30 et non dans la soirée, les choses se passeraient probablement mieux...

Le président de la commission des affaires européennes fait preuve de mesure. Nous proposons d'ajouter des dispositions. Vous avez tout à fait le droit d'être en désaccord, mais répondez-nous sur le fond !

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 de M. Marie et du groupe SER.

M. Didier Marie.  - La commission des affaires européennes devrait pouvoir se saisir pour avis des projets ou propositions de loi comportant une dimension européenne.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Cela conduirait à une intervention de la commission des affaires européennes sur une grande partie des textes, ce qui ne me paraît pas souhaitable.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°45 de M. Marie et du groupe SER.

M. Didier Marie.  - Nous voulons supprimer la possibilité pour le Gouvernement, introduite par ce texte, de demander l'inscription en séance publique d'une proposition de résolution portant avis motivé au titre du principe de subsidiarité. Ce sont les parlements nationaux qui veillent au respect du principe de subsidiarité, en vertu du traité de Lisbonne. Cette procédure serait donc source de confusion.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il me semble que le Conseil constitutionnel reconnaît au Gouvernement la possibilité de demander à une assemblée de se prononcer sur une proposition de résolution européenne. Avis défavorable.

M. Didier Marie.  - Conformément aux traités, il appartient aux parlements nationaux de veiller à l'application du principe de subsidiarité.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°46 de M. Marie et du groupe SER.

M. Didier Marie.  - C'est un amendement de cohérence avec l'amendement à l'alinéa 12, qui donne à la commission des affaires européennes les mêmes compétences que les commissions saisies pour avis lorsqu'une proposition de résolution portant avis motivé est examinée en séance.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - En l'état, cette faculté est prévue par le règlement. Il n'est pas ressorti de mes travaux qu'elle devait se transformer en obligation. Avis défavorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

L'article 19, modifié, est adopté.

Après l'article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°24 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Cet amendement abaisse le nombre du seuil de signatures imposé pour les pétitions à 50 000. Depuis le dernier renouvellement, seule une pétition a atteint ce niveau de signature. Depuis 2020, il n'y en a eu que cinq, ce qui fait bien peu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Ces précisions figurent dans l'instruction générale du Bureau et non le règlement. Avis défavorable.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Article 20

Mme la présidente.  - Amendement n°41 M. Bazin et Mme Harribey.

M. Arnaud Bazin.  - Conformément aux préconisations du comité de déontologie, l'article 20 interdit aux sénateurs d'accepter les cadeaux supérieurs à 150 euros provenant d'un représentant d'intérêt, par cohérence avec le code de conduite applicable à ces derniers.

La loi du 25 juillet 2024 contre les ingérences étrangères introduit un encadrement spécifique des activités d'influence pour le compte d'un mandant étranger. Par cohérence, nous proposons d'étendre l'interdiction aux cadeaux de plus de 150 euros provenant d'un représentant d'un mandant étranger.

Mme la présidente.  - Amendement n°53 rectifié de M. Arnaud et alii.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Il s'agit de renvoyer au Bureau le soin de définir la notion de déplacement en lien avec l'exercice du mandat, afin d'éviter toute insécurité juridique.

Mme la présidente.  - Amendement n°83 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - L'alinéa 3 est fragile juridiquement. La notion de représentant d'intérêt est large. Le lien avec l'activité parlementaire doit être apprécié par le comité de déontologie.

L'amendement n°48 est retiré.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n° 41.

Les amendements nos 53 rectifié et 83 sont de clarification. J'ai une préférence pour celui de M. Arnaud (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'en amuse) qui renvoie au Bureau, à la différence de celui de Mme Cukierman. Le mécanisme semble plus cohérent.

Avis favorable à l'amendement n° 53 rectifié. Retrait de l'amendement n° 83 au profit de ce dernier.

M. Arnaud Bazin.  - Il est toujours positif de renvoyer des demandes de précision vers le Bureau. Je m'interroge toutefois sur l'utilité de l'amendement n° 53 rectifié. La jurisprudence constante et ancienne du comité de déontologie a toujours distingué ce qui relève de l'exercice du mandat de ce qui relève de l'agrément personnel. Je doute que le Bureau s'en écarte.

L'éthique nous donne de grands principes, la déontologie des règles générales, mais elles se déclinent in concreto en fonction du contexte. Les dispositions prévues par le Bureau ne sauraient échapper à cette réalité de terrain. Je m'abstiendrai sur l'amendement n°53 rectifié.

Mme Cécile Cukierman.  - Au regard des arguments sérieux de Mme la rapporteure, je retire mon amendement au profit de celui de Jean-Michel Arnaud.

L'amendement n°83 est retiré.

L'amendement n°41 est adopté, ainsi que l'amendement n°53 rectifié.

L'article 20, modifié, est adopté.

Après l'article 20

Mme la présidente.  - Amendement n°77 de M. Benarroche et du GEST.

L'amendement n°77 est retiré.

Article 21

Mme la présidente.  - Amendement n°25 de M. Kerrouche et du groupe SER.

M. Éric Kerrouche.  - Selon cet article, ce ne sera plus le président du Sénat mais le Bureau qui proposera les sanctions contre un sénateur. Nous souhaitons que les résultats du vote du Bureau soient publiés.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Le principe de confidentialité doit demeurer.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

L'article 21 est adopté.

L'article 22 est adopté.

Après l'article 22

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié de M. Kerrouche et alii.

M. Éric Kerrouche.  - Depuis 2020, le salaire moyen des collaborateurs n'a augmenté que de 6 % quand l'inflation a progressé de 13,2 %. Faisons en sorte que l'enveloppe dédiée aux crédits des collaborateurs soit au minimum indexée sur l'inflation. Nous avons besoin d'offrir les meilleures conditions à nos collaborateurs.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°78 de M. Benarroche et du GEST.

M. Thomas Dossus.  - Depuis 2020, le salaire moyen des collaborateurs n'a augmenté que de 6 %. Nous avons besoin de collaborateurs performants et donc mieux payés.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°86 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je pense que c'est un amendement d'appel qui sera retiré. Avis défavorable. Ce sont les questeurs qui décident des arbitrages budgétaires.

M. Antoine Lefèvre.  - La démocratie parlementaire nécessite des moyens. Les collaborateurs sont des rouages essentiels et doivent être correctement rémunérés.

Depuis 2018, leur rémunération a progressé de 12,8 %, contre une inflation à 13,9 %, soit un différentiel d'un point seulement et non de sept comme les auteurs des amendements l'ont affirmé.

Le Sénat n'a pas laissé le pouvoir d'achat des collaborateurs se dégrader sans intervenir. Les collaborateurs ont bénéficié en 2022 et 2023 des revalorisations du point d'indice, comme les fonctionnaires. Au total, pas moins de 7,5 millions d'euros ont été investis depuis 2018 dans l'amélioration de leurs conditions de travail.

Nous avons aussi amélioré la prise en charge de leurs frais de transport et avons pris sur la part employeur les augmentations de cotisation décidées ces dernières années par la mutuelle et par la prévoyance.

À l'Assemblée nationale, nos collègues financent sur leurs crédits des dispositifs qui sont pris en charge collectivement chez nous. En outre, certains mécanismes n'y existent pas, comme le plan épargne entreprise.

Nous dépensons 82 000 euros par an et par collaborateur, contre 59 000 euros à l'Assemblée nationale.

À la demande du groupe SER, les amendements identiques nos1 rectifié, 78 et 86 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°257 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 112
Contre 225

Les amendements identiques nos1 rectifié, 78 et 86 ne sont pas adoptés.

Vote sur l'ensemble

M. Éric Kerrouche .  - Nous avions abordé cette proposition de résolution dans une logique constructive.

L'attitude de la rapporteure a consisté à dire que, quelles que soient les propositions, il était impossible d'évoluer.

Nous le regrettons et nous nous abstiendrons.

M. Guillaume Gontard .  - C'est dommage : un travail intéressant de compromis avait été mené et avait abouti à une base plutôt correcte. Toutefois, la teneur des débats de ce soir ne me semble pas aller dans le bon sens.

Les seuls amendements ayant reçu des avis de sagesse de la rapporteure réduisent le temps de parole et le droit d'amendement, contrairement à la voie que nous nous étions fixée.

Nous étions partis pour voter ce texte, mais nous nous abstiendrons.

Mme Sylvie Vermeillet .  - Je remercie toutes les personnes qui ont contribué au résultat de ce soir, à commencer par le président Larcher, tous les groupes politiques, les services de la séance, les vice-présidents et vous tous, chers collègues. Nous aurons un outil plus efficace au service de notre Haute Assemblée. Il y aura d'autres évolutions à venir, puisque le règlement s'adapte en permanence, et je resterai à votre écoute.

L'enjeu est que notre Assemblée puisse continuer à travailler le mieux possible. Le Sénat est un outil admirable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°258 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 241
Pour l'adoption 241
Contre     0

La proposition de résolution, modifiée, est adoptée.

Mme la présidente.  - En application du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, la résolution que le Sénat vient d'adopter sera soumise avant sa mise en application au Conseil constitutionnel.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 9 avril 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 2 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 9 avril 2025

Séance publique

À 15 heures, de 16 h 30 à 20 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Loïc Hervé, vice-président, M. Xavier Iacovelli, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, M. Guy Benarroche

1Questions d'actualité

2Proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone, présentée par M. Dominique Théophile (n°27, 2024-2025)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés (texte de la commission, n°490, 2024-2025)

4. Débat sur la santé mentale, grande cause du Gouvernement pour l'année 2025 : quels moyens pour en faire une priorité ? (Demande du groupe SER)