Améliorer l'accès aux soins dans les territoires (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Jean-Luc Fichet . - (Mme Annie Le Houerou applaudit.) Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne de plusieurs législations adoptées ces dernières années qui ont abordé l'accès aux soins de manière parcellaire, alors qu'il faudrait un projet de loi ambitieux et global.
Depuis mon arrivée au Sénat en 2008, je travaille à améliorer cet accès. En 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) ambitionnait déjà de résoudre le problème, en vain. En 2013, j'ai commis avec Hervé Maurey le rapport « Déserts médicaux, agir vraiment », resté lettre morte.
Depuis des décennies, les organisations professionnelles de médecins se battent contre toute coercition et toute régulation, ne suggérant que des mesures incitatives - soutien financier, défiscalisation, etc. S'y sont ajoutées les aides des collectivités territoriales, conduisant à une mise en concurrence parfois délétère.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai.
M. Jean-Luc Fichet. - En 2007, la Cour des comptes avait dénoncé une fuite en avant sans évaluation et estimé que de telles incitations essentiellement financières n'étaient pas à la hauteur des enjeux.
C'est un échec collectif : la désertification médicale progresse, la colère de nos concitoyens aussi. En 2022, 6,7 millions d'entre eux n'avaient pas de médecin traitant, 30 % de la population française vivait dans un désert médical et l'espérance de vie en bonne santé est inférieure de deux ans en moyenne en zone rurale.
Mais les dispositions de cette proposition de loi ne sont pas opérantes. Ainsi du comité de pilotage de l'accès aux soins, dont la mission est déjà assurée par l'ARS.
Autre disposition inadéquate : l'activité à temps partiel des médecins généralistes en zones sous-denses. Avec quels contrôles, quels moyens et quel impact ? Quid du remplacement des médecins dans leurs cabinets primaires ? Quel coût pour la collectivité s'il faut payer pour les transports, les locaux, etc. ? Le dépassement d'honoraires en zone sous-dense constituerait une barrière financière à l'accès aux soins.
Les dispositions sur les Padhue sont contestées par les intéressés. S'ils sont recalés après avoir exercé pendant des années, des patients mal soignés ne risquent-ils pas de porter plainte ? L'obligation d'installation des Padhue en zone sous-dense est injuste et discriminatoire.
Cette proposition de loi est sortie du chapeau de nos collègues de droite pour concurrencer la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot. Le texte de la majorité sénatoriale est imprécis et inefficace : le groupe SER s'y opposera.
M. Joshua Hochart . - La fracture sanitaire divise nos territoires et pénalise des millions de nos compatriotes. L'accès aux soins se dégrade inexorablement : près de 12 % des Français n'ont pas de médecin traitant. Il est de notre devoir d'y remédier.
Mais certaines mesures de cette proposition de loi risquent d'aggraver la situation, comme celles qui attentent à la liberté d'exercice. Conditionner l'installation à un temps partiel en zone sous-dotée ou au départ d'un confrère risque de décourager nombre de jeunes praticiens.
Le foisonnement d'instances et de comités ajoute une complexité technocratique dont nos territoires n'ont pas besoin.
Nous aurions préféré des incitations franches : valorisation des actes médicaux en zone sous-dotée, allègements fiscaux, simplification drastique des charges administratives, notamment. Le recours aux Padhue, sans garantie suffisante sur leurs compétences, interroge.
Concentrons plutôt nos efforts sur la formation, l'installation et le maintien des médecins français dans les zones qui en ont le plus besoin.
Pour toutes ces raisons, en dépit de l'effort de diagnostic, nous ne pouvons voter ce texte en l'état. Nous espérons des améliorations sur la liberté d'exercice et l'accès aux soins.
M. Daniel Chasseing . - Près de sept millions de Français n'ont pas de médecin traitant, et 17 % des habitants des zones rurales déclarent avoir des difficultés d'accès aux soins - ils sont 4 % dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. L'accès est donc très inégal d'un territoire à l'autre.
Les députés ont voté l'interdiction d'installation en zone surdense, sauf remplacement d'un confrère. En déplacement dans le Cantal, le Premier ministre a proposé un principe de solidarité : deux jours par mois dans les déserts médicaux.
Cette proposition de loi conforte la compétence des départements dans l'accès aux soins. C'est l'échelon le mieux placé pour évaluer les besoins, en collaboration avec l'ARS et l'assurance maladie et en associant collectivités territoriales et professionnels de santé. Le ministère pourra s'appuyer sur les futurs offices départementaux pour prendre en compte les besoins de chaque territoire.
L'article 3 conditionne l'installation de tout médecin généraliste en zone surdotée à l'autorisation de l'ARS et du conseil départemental de l'ordre, à condition de réaliser un temps partiel en zone sous-dotée. J'ai déposé un amendement pour fixer ce temps partiel à deux jours hebdomadaires au moins, à 60 kilomètres au plus. Cette proposition de loi est moins contraignante que celle du député Garot qui interdit l'installation en zone surdense, sauf remplacement d'un confrère. Notre texte ne semble pas rejeté par les médecins et étudiants. J'espère qu'il sera efficace.
Je regrette la réécriture de l'article 9 en commission. La rédaction initiale, pragmatique, prévoyait l'avis du chef de service, du chef de pôle et du président de la commission médicale d'établissement (CME). En cas d'avis défavorable, la commission nationale intervenait.
Je suis favorable à l'article 12 sur la prise en compte par l'assurance maladie du rôle du pharmacien, qui peut vacciner et traiter les angines ou les cystites du week-end. C'est le seul professionnel présent du lundi au samedi, avec garde le dimanche. C'est justice qu'il soit reconnu.
L'article 13 encourage la formation des infirmiers en pratique avancée (IPA) : c'est nécessaire. L'article 14 concerne leur rémunération en libéral. Les forfaits doivent être revalorisés et il faut des paiements à l'acte. Le médecin pourra prendre plus de patients, puisque l'IPA en coordination pourra prescrire.
Dès novembre 2026, les docteurs juniors interviendront, mais nous risquons de manquer de maîtres de stages.
Oui, les médecins devront faire des efforts pour aller dans les zones sous-denses, mais ils ne seront pas empêchés de s'installer : la médecine conserve son caractère libéral. Les médecins sont responsables et comprennent que les parlementaires doivent répondre à la demande d'accès aux soins des Français. S'il n'y a plus de médecin dans une commune, c'est la mort de la pharmacie, du médico-social, etc.
Cette proposition de loi est un complément de la quatrième année d'internat, pour que les maisons de santé aient un médecin. Je la voterai. Le groupe Les Indépendants sera attentif à l'évolution du texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) La difficulté d'accès aux soins est vécue comme une injustice par les six millions de Français sans médecin traitant. C'est le résultat de choix comptables pour dépenser moins. Avec des dépenses de santé supérieures d'environ un tiers à la moyenne de l'OCDE, nous connaissons une pénurie de médecins. Rappelons qu'entre 1980 et 1982, le numerus clausus a été réduit. (M. Alain Milon le confirme.) De surcroît, les pouvoirs publics ont tout misé sur l'hôpital, fragilisant encore plus la médecine libérale. Les Français en subissent les conséquences.
Ce texte propose de mieux évaluer les besoins de santé des territoires, en s'appuyant sur les conseils départementaux. Des plans santé sont déjà en place.
Nous renforçons l'offre de soins en zone sous-dotée, tout en préservant la liberté d'installation des médecins : ceux qui s'installent dans les territoires surdotés devront réaliser des consultations avancées.
La proposition de loi renforce le partage des compétences entre professionnels pour libérer du temps médical au profit des patients.
Le 25 avril, le Gouvernement a présenté un pacte contre les déserts médicaux, qui s'inspire de nos travaux. L'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi régulant l'installation, mais réguler une pénurie n'a pas de sens. Ce texte est préférable, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Plus de six millions de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant, 87 % du territoire national est classé désert médical. Ces chiffres sont vertigineux. Cela concerne les territoires ruraux, mais aussi certaines agglomérations. Je pense aussi aux outre-mer, où la double insularité et la discontinuité territoriale limitent l'accès aux soins.
Je salue cette proposition de loi. L'actualité législative sur ce sujet est dense, au risque de la confusion. La semaine dernière, nous examinions une proposition de loi sur la profession d'infirmier, pendant que l'Assemblée nationale en adoptait une sur les déserts médicaux.
Quant au Gouvernement, il a présenté son pacte contre les déserts médicaux, autour de quatre priorités : diversifier l'origine géographique et sociale des étudiants ; développer la solidarité avec jusqu'à deux jours par mois dans les zones en difficulté ; moderniser et simplifier l'organisation entre professionnels de santé ; et créer avec les élus locaux de bonnes conditions d'accueil pour étudiants et médecins.
Ce pacte amplifie les effets des mesures prises par la majorité présidentielle depuis 2017 : suppression du numerus clausus ; déploiement des maisons de santé pluridisciplinaires, des centres de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ; revalorisation de la consultation à 30 euros.
Mais nous devons aller plus loin, d'où ce texte qui permet une évaluation des besoins et renforce le rôle des élus locaux. Il crée notamment un comité de pilotage. Le rôle du nouvel office qui succédera à l'ONDPS devra être précisé. La proposition de loi conditionne aussi l'installation en zone dense à un exercice partiel en zone sous-dense. Ici aussi, des précisions seront nécessaires.
Ces dispositions sont plus mesurées que celles de la proposition de loi Garot. Le débat sur la liberté d'installation des médecins est ancien et vif. Nous défendons le libre choix des patients, mais il ne doit pas être absolu, afin que chaque Français ait accès à des soins de qualité, quel que soit son lieu de vie.
C'est un bon compromis, malgré des réserves sur certaines dispositions, comme à l'article 5 sur les dépassements d'honoraires en zones sous-denses ou aux articles qui orientent prioritairement les Padhue vers les zones sous-denses - une inégalité de traitement qui risque de décourager les médecins étrangers de s'installer en France !
Ce texte libère du temps médical en développant les coopérations entre professionnels de santé, en accroissant le rôle des pharmaciens et en renforçant l'attractivité de la pratique avancée pour les infirmiers. Le RDPI le votera. En 2025, l'accès aux soins ne devrait plus relever du parcours du combattant. Nous devons agir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis Mark Twain, on sait qu'il est plus facile de s'arranger avec les statistiques qu'avec les faits, qui sont têtus.
En matière d'accès aux soins dans les territoires, les faits, en plus d'être têtus, sont inquiétants. Comme le Sénat, le Premier ministre, le Gouvernement et l'Assemblée nationale s'en préoccupent. Si les approches sont parfois différentes, le diagnostic et les propositions nous rappellent l'urgence de la situation.
Un consensus autour de chiffres accablants nous incite à agir sérieusement et rapidement. Quand sept millions de nos concitoyens sont sans médecin traitant, qu'il faut deux mois pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie ou en dermatologie, quand les urgences sont saturées faute d'alternative, nous devons tout faire pour lutter contre la désertification médicale. Dans les Bouches-du-Rhône, les banderoles « cherche médecin » fleurissent sur les ronds-points. La pénurie creuse le fossé entre ceux qui réussissent à se faire soigner et les autres.
Une majorité du groupe RDSE considère que les dix-huit articles de ce texte sont cohérents et constructifs.
La mission particulière confiée aux départements, en lien avec l'ARS et l'assurance maladie, permettra de mieux définir les besoins ; gare toutefois à ce que cela ne devienne pas une charge supplémentaire.
Je soutiens les articles 3 et suivants qui renforcent l'offre de soins en territoire sous-doté. La régulation de l'installation est bien moins contraignante que celle votée par l'Assemblée nationale.
Certains médecins crient avant d'avoir mal. Les Français savent que devenir médecin n'est pas un jeu d'enfant, mais une année de médecine coûte 20 000 euros, largement financée par l'impôt !
M. Alain Milon. - Toutes les études sont financées !
Mme Mireille Jouve. - N'oublions pas que les études médicales sont financées par l'argent public et que la rémunération des médecins libéraux est assurée par l'assurance maladie : il faut un équilibre entre droits et devoirs, que certains oublient.
La pénurie de médecins résulte aussi du numerus clausus, appliqué pendant des années avec le soutien conjoint des autorités sanitaires, qui en attendaient des économies, et des organisations de médecins, qui défendaient leur corporation. Mettons un terme à ce jeu de dupes. Un consensus est possible pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Je voterai ce texte, à l'instar de certains de mes collègues du RDSE, espérant une rapide mise en oeuvre. (M. Philippe Mouiller applaudit.)
Mme Élisabeth Doineau . - Nous sommes tous préoccupés par l'accès aux soins dans nos territoires. Je salue Philippe Mouiller qui entend apporter une réponse à des inégalités inacceptables. Je remercie aussi la rapporteure.
Si j'approuve une grande partie des avancées, je n'ai pas souhaité cosigner cette proposition de loi pour deux raisons.
D'abord, la confusion : faute d'un projet de loi structurant, les propositions de loi se succèdent depuis dix ans, sans stratégie. Entre propositions de loi et plan du Gouvernement, nous sommes perdus.
Ensuite, la pression : les mesures de régulation à l'installation se feraient sans l'accord des médecins. Il est délicat de faire porter à la nouvelle génération les conséquences des erreurs politiques du passé. Les études de médecine sont éprouvantes. Exiger la performance pendant les études, puis l'engagement jusqu'à l'épuisement pendant l'internat, c'est rédhibitoire.
Comment sortir par le haut de tout cela ? Les auditions de Yannick Neuder ont été appréciées par nombre d'entre nous : médecins juniors, intégration des Padhue et des étudiants français formés à l'étranger... J'ai senti une volonté ferme et prometteuse.
Comment tisser cette proposition de loi avec le plan gouvernemental ? Avec quelle majorité ? Il faudrait une proposition suffisamment solide et consensuelle pour éviter les errements législatifs et les surenchères démagogiques.
L'article 1er va dans le bon sens, en confortant les conseils départementaux sur l'évaluation des besoins de santé. Dès 2018, avec Thomas Mesnier, nous avions proposé ce chef de filat.
Je me réjouis aussi des articles 13 et 14 sur les IPA et des articles 15, 16 et 17 qui permettront de gagner du temps médical.
Bien qu'érigée en spécialité désormais, la médecine générale attire de moins en moins. Attention à ne pas aggraver cette tendance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous le savons tous : l'accès aux soins est de plus en plus difficile et inégalitaire.
Les textes - législatifs, réglementaires - se succèdent, sans répondre à la détresse grandissante de nos concitoyens. Cette proposition de loi ne fera pas exception.
Malgré quelques bonnes idées comme le recours aux IPA, la suppression des certificats médicaux pour enfant malade, la facilitation de l'exercice en cabinet secondaire, ce texte est insuffisant, sans cohérence. Manque un projet de loi pour définir une stratégie nationale.
Il faudrait un pilotage sur l'activité et la taille de la patientèle. Deux médecins ayant des files actives allant du simple au triple ne doivent pas avoir la même rémunération par patient...
L'article 11 vise à favoriser la coopération entre professionnels de santé, mais il reste timide et est peu effectif. Pourquoi les professionnels de santé se regroupent-ils, si ce n'est pour mieux coopérer ? Il y a pourtant tant à faire pour favoriser le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles ! Il faudrait un projet de santé coconstruit et pluriprofessionnel, et leur donner un statut de maître de stage pour la quatrième année d'internat. En l'état, le dispositif proposé relève de l'incantation. Nous proposerons une réécriture de l'article pour organiser l'intégration des médecins libéraux dans des équipes de premier recours.
Le texte propose à l'article 12 un énième transfert de compétences, en direction des pharmaciens. Nous y sommes défavorables : ce n'est pas ainsi que nous améliorerons l'accès aux soins.
Les certificats pour le sport sont l'occasion de faire un bilan de santé et de la prévention. Oui, il faut lutter contre les certificats médicaux inutiles, mais ce ne sont pas eux qui entravent l'accès aux soins.
Une nouvelle participation de la Cnam est demandée à l'article 15 pour des équipements innovants, qui s'ajoute aux mille-feuilles de tout ce qui est déjà financé par l'État, les ARS, l'assurance maladie...
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Émilienne Poumirol. - Le système devient insoutenable. Il est temps de changer de méthode. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tout a été dit sur la désertification médicale. Vingt ans que les élus locaux alertent, investissent des millions d'euros dans des cabinets ou maisons de santé pluriprofessionnelles, que les maires rivalisent de séduction. Vingt ans aussi que la complexité administrative va de pair avec la dématérialisation. Vingt ans, c'est le temps de former deux générations de médecins - mais point de diagnostic précoce pour les oubliés d'Esculape dans nos territoires.
Cette proposition de loi n'est pas la panacée mais apporte quelques réponses - même si la création d'un office national d'évaluation et d'un énième comité de pilotage me laisse dubitative.
Au risque de susciter les protestations indignées, je rappellerai que, nonobstant le respect et l'admiration que nous avons pour nos médecins, on peut s'interroger sur le caractère libéral d'une profession largement financée par le contribuable. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.) Or l'augmentation du prix de la consultation a eu pour corollaire d'en faire diminuer le nombre. Les médecins remplaçants n'exercent en moyenne que vingt-six semaines par an, alors qu'ils souhaiteraient travailler plus.
Ce texte a le mérite de faire bouger la profession, les syndicats d'internes deviennent force de proposition. Monsieur le ministre, que les actes succèdent aux mots et nous permettent de soigner enfin les maux ! Levons les blocages, simplifions, accompagnons cette initiative et remercions nos collègues auteurs et rapporteurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) « Quand le désert avance, c'est la vie qui s'en va », chantait France Gall. Quand les commerces, les services publics et les professionnels de santé disparaissent de nos territoires, oui, le désert avance et la vie s'en va. Plus de 12 % des Français n'ont pas de médecin traitant, et l'accès aux soins est très inégal d'un territoire à l'autre.
Vous êtes donc saisis de cet épineux problème, tout en réaffirmant deux principes déontologiques fondamentaux : le caractère libéral de la médecine, et la liberté de choix des patients.
La première raison de la pénurie de médecins, c'est le numerus clausus, auquel personne n'a touché depuis 1971, sauf Agnès Buzyn.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Exact !
M. Alain Milon. - Les jeunes médecins embrassent une profession et non plus un sacerdoce, ils se tournent de plus en plus vers le salariat ou l'exercice coordonné. Citons aussi les agressions, qui dissuadent de s'installer seul, la judiciarisation de la société, la bureaucratisation.
Face à ces évolutions, ce texte propose des axes intéressants. D'abord, une meilleure connaissance des besoins - c'est un changement de paradigme, d'autant que l'on place le département au coeur. La libération de temps médical et le partage des compétences constituent également une petite révolution.
Sur l'offre de soins, je suis plus circonspect. Cela revient à changer le pansement. La désertification médicale est multifactorielle et résulte de la disparition de services publics, des commerces de proximité. Oblige-t-on des entreprises publiques, des écoles ou La Poste à rester ? Contraindrait-on des boulangers ou des bouchers à ouvrir dans des zones déficitaires ? Pourquoi le faire pour les médecins ?
L'incitation confine à la coercition. Fermer un cabinet principal pour aller exercer à temps partiel dans un cabinet secondaire ? Qui va assumer le financement ? Le médecin ? La collectivité ? Je crains une financiarisation accrue du système de santé.
Monsieur Rojouan, les médecins ne sont pas des salariés de la sécurité sociale : la sécurité sociale paye les médecins en remplacement des patients. Plus ils travaillent, plus ils gagnent. Nous, sénateurs, sommes payés autant, que nous soyons présents en séance ou non.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Alain Milon. - Comme le disait Francis Blanche, « il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Belin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Oui, cela fait vingt ans que nous alertons sur les déserts médicaux. Ce texte marque une espérance. Il faut s'en saisir.
Trois enjeux. D'abord, gagner du temps médical. Arrêtons la paperasse inutile. Déléguons des tâches, aux infirmières en pratique avancée, aux pharmacies - dernier endroit où l'on peut obtenir une réponse gratuitement et sans rendez-vous. Utilisons la polyvalence de ces professionnels ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) Gardons en activité les professionnels de santé tentés de partir à la retraite, facilitons le cumul activité-retraite.
Deuxième enjeu : continuer à former. Je salue les étudiants en tribune. Il est faux de penser que la baisse de la natalité signifie qu'on aura besoin de moins de professionnels de santé à l'avenir.
Troisième enjeu : rendre la santé accessible sur les territoires. Les Padhue doivent pouvoir y participer. Je m'oppose à la coercition, contreproductive, mais une liberté peut être encadrée. Oui au maillage départemental, c'est le bon niveau.
Ce texte apporte un début de réponse. Peut-être parlerons-nous ensuite des déserts pharmaceutiques.
Mme Élisabeth Doineau. - Il faut de la régulation !
M. Bruno Belin. - Votez ce texte indispensable ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDPI)
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°90 rectifié bis de Mme Le Houerou et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Cet article renforce à juste titre l'échelon départemental dans l'évaluation des besoins de santé. L'échelon régional, trop éloigné, ne permet pas d'adapter l'offre de soins. Nous proposons de conserver l'ONDPS tout en créant un échelon départemental. Les finances des départements sont déjà exsangues, ils ne peuvent supporter de nouvelles charges non compensées. Inutile de créer de nouveaux organismes avec les mêmes missions que celles confiées au nouvel Office national d'évaluation.
Ajoutons simplement un échelon départemental et n'accumulons pas les dispositifs redondants. Le Gouvernement dénonce la comitologie mais double les institutions nationales !
Considérons non pas le nombre de praticiens par habitant mais le temps médical par habitant. L'heure est aux réponses efficaces.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'un des objectifs de ce texte est de rapprocher l'identification des besoins de santé des territoires : le département est le bon niveau.
Les conseils départementaux sont réactifs. Il faut inverser la logique et rompre avec l'approche descendante - chacun sait combien il est difficile pour le conseil territorial de santé (CTS) de modifier le zonage proposé par l'ARS. Nous voulons que les propositions montent des territoires.
L'ONDPS, dont nous mesurons les limites, est sous-dimensionné, selon la Cour des comptes, car il n'existe pas dans la loi. Donnons une base légale à cette mission d'évaluation. Avis défavorable.
Un office départemental n'est pas forcément une structure lourde : il s'agit simplement de mettre autour de la table le conseil départemental, la délégation départementale de l'ARS, la CPAM et l'ordre départemental des médecins.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous privilégions les remontées du terrain, l'esprit bottom up. J'ai souhaité une territorialisation des actions, pour tenir compte des différences. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Jean-Luc Fichet. - Je comprends mal comment fonctionneront ces offices départementaux. C'est la mission de l'ARS ! Tout le monde se réunit pour identifier les besoins du territoire - et ensuite, que se passe-t-il ? On envoie les Padhue ou les médecins juniors pour assurer une offre sur tout le territoire ? On aura évalué les besoins mais on n'aura toujours pas de réponse !
Mme Émilienne Poumirol. - Oui, le département est le bon échelon pour évaluer les besoins, mais l'ARS a déjà des délégations départementales. Les CPTS ont une connaissance fine de la situation - nombre de temps partiels, exercice mixte, départs en retraite programmés - et participent à l'élaboration de la cartographie des moyens. Mieux vaudrait renforcer les moyens de l'échelon départemental de l'ARS.
Le président du conseil départemental aura-t-il une compétence supplémentaire ? Est-ce à lui d'organiser ? Si oui, avec quels moyens ? Ce n'est pas clair.
L'amendement n°90 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°55 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - On comprend bien la logique de l'article 1er. Oui, le maillage départemental est pertinent. Trop souvent, l'ARS nous sort des chiffres de présence médicale sans rapport avec la réalité. Son zonage, qui repose sur la logique comptable, est surréaliste : pour reconnaître qu'un territoire est sous-doté, il faut qu'un autre soit considéré comme mieux doté - même si rien n'a évolué !
CPTS, CTS, les instances se sont multipliées. Il faudrait savoir quelle est la plus pertinente. Il faut aussi disposer d'indicateurs objectifs et pertinents pour juger de la démographie médicale. Notre amendement propose de créer un indicateur territorial de l'offre de soins qui prenne aussi en compte la situation sociale, la pyramide des âges, par exemple, au-delà du seul nombre de praticiens.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Retrait, sinon avis défavorable. Certes, il faut plusieurs indicateurs. Pour certains départements, les indicateurs seront différents de ceux du département voisin, pour apprécier la réalité du terrain.
M. Yannick Neuder, ministre. - Pour les mêmes raisons, même avis.
M. Bernard Jomier. - L'amendement n°55 rappelle que toute politique publique qui agit sur 3 à 5 % du territoire pour compenser ce qui manque sur 85 % du territoire est vouée à l'échec.
On ne peut en rester à l'état actuel de l'analyse de l'offre.
Les services du ministère préparent une nouvelle cartographie qui identifiera des zones rouges sur lesquelles intervenir. L'indicateur territorial de l'offre de soins (Itos) montre bien que la situation actuelle ne permet pas de déployer les politiques publiques. Comment le ministère compte-t-il redécouper le zonage actuel ?
Certaines dispositions sont intéressantes, mais le texte ne changera pas radicalement le problème de l'offre de soins. La solution passe par l'année de professionnalisation et le nombre d'étudiants formés, dont la hausse a débuté avant qu'Agnès Buzyn soit ministre.
M. Hervé Gillé. - Le préfet de région Nouvelle-Aquitaine a lancé, avec le directeur général de l'ARS, la phase de consultation autour du pacte pour sensibiliser les parlementaires et les parties prenantes. Le zonage s'appuiera sur les EPCI, avec des critères comme l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL), la proportion de médecins généralistes de moins de 65 ans, d'affections de longue durée (ALD), le temps d'accès aux urgences les plus proches, le niveau de vie sur la base du revenu disponible, pour établir l'indice de vulnérabilité.
Monsieur le ministre, comment articulerez-vous ce texte et le pacte ?
L'amendement n°55 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°117 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Il y a un mois, j'ai réuni les ARS régionales et leurs antennes départementales, les préfets de région et de départements pour parler santé. Les préfectures le font au titre de l'aménagement du territoire. L'attractivité passe par le logement, la voirie, les commerces de proximité, l'offre de soins.
L'offre de soins, mission régalienne au plus proche de nos territoires, est prise en charge par les ARS.
Les critères que vous évoquez doivent permettre d'identifier, dès septembre, des zones particulièrement sous-dotées pour permettre cet « aller vers », deux jours par mois, dans le cadre de cette obligation collective.
L'amendement du Gouvernement répond à des besoins à terme, lorsqu'on aura supprimé définitivement le numerus apertus pour former davantage - car il y aura de plus en plus de maladies chroniques.
Parmi les causes de la pénurie, il y a aussi l'évolution du rapport au travail des jeunes générations : désormais, il faut 2,3 généralistes pour remplacer un départ en retraite.
L'ONDPS intégrera le prisme départemental pour identifier les besoins et, à terme, augmenter la capacité de nos universités. Nous voulons une première année de médecine dans chaque département. En Ardèche, à Aubenas, on adosse à l'hôpital, qui se restructure, une formation de quarante places, qui ouvrira en septembre. C'est toute une dynamique qui se crée.
L'échelon de l'intercommunalité est le bon échelon. C'est désormais la maison médicale qui rayonne, et non le généraliste à l'ancienne.
Nous visons la simplification : un office, plutôt qu'une centaine !
Mme la présidente. - Amendement n°120 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Nous prévoyons que les offices départementaux formulent un avis conforme sur le zonage d'installation des médecins. Cela renforce le rôle des départements. Nous renvoyons au décret les modalités permettant de faire face à d'éventuels blocages.
Mme la présidente. - Amendement n°14 rectifié ter de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - L'article 1er consacre le rôle actif et structurant des départements, mais il faudrait associer les professionnels de santé, au travers de leurs unions régionales.
Mme la présidente. - Amendement identique n°19 rectifié bis de Mme Lassarade et alii.
Mme Florence Lassarade. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°29 rectifié ter de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement ajoute des représentants des associations de maires à la composition des offices départementaux. Il propose aussi que des représentants des structures territorialement compétentes des ordres et CTS entrent dans leur composition.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous proposons d'associer les parlementaires, qui ont une vue globale.
Mme la présidente. - Amendement n°78 rectifié bis de Mme Romagny et alii.
M. Hervé Maurey. - Il s'agit de prendre en compte le temps médical disponible, selon que les médecins sont à temps plein ou à temps partiel, l'âge des médecins et la notion de bassin de vie.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je comprends les réticences à la création d'un nouveau « comité Théodule ». Ce n'est pas l'esprit de ce texte : nous voulons créer une structure souple associant les différents acteurs. La commission a renforcé le rôle des offices départementaux en prévoyant qu'ils rendent un avis conforme sur le zonage établi par l'ARS. Toutefois, j'entends les inquiétudes : je vous propose d'y travailler au cours de la navette, afin d'éviter toute suradministration qui emboliserait les acteurs. Nous voulons apprécier les besoins réels au plus près des territoires, en privilégiant la réactivité.
Avis défavorable à l'amendement n°117.
Les amendements nos14 rectifié ter, 19 rectifié bis et 29 rectifié ter ont été rectifiés à la demande de la commission : avis favorable.
Prévoir la consultation des parlementaires rigidifierait trop la mise en oeuvre : avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié.
Avis favorable à l'amendement n°78 rectifié bis, qui améliorera l'efficacité de l'évaluation de l'offre sur les territoires.
Les offices doivent rester souples : retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°28 rectifié.
M. Yannick Neuder, ministre. - Défavorable à l'amendement n°120 ; demande de retrait, sinon avis défavorable, pour les amendements nos19 rectifié bis, 29 rectifié ter, 28 rectifié, 7 rectifié et 78 rectifié bis, satisfaits : l'exercice à temps partiel est bien pris en compte dans l'APL.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - L'amendement n°117 est lacunaire par rapport à la rédaction de la commission. Les élus deviennent la cinquième roue du carrosse ! L'Office national consulte les ARS, qui rendent un avis en concertation avec les présidents du conseil départemental ? Cela finira en échange de courrier... L'Observatoire départemental présidé par le président du conseil départemental, cela a une autre allure, et une autre efficacité !
L'amendement du Gouvernement est aussi moins exhaustif sur les objectifs de l'office national. Vous oubliez les objectifs quantitatifs d'admission des candidats aux épreuves anonymes, notamment des médecins étrangers. Les délais sont parfois très longs, sans raison valable. La rédaction de la commission est meilleure. Je ne voterai pas l'amendement n°117.
L'organe régional départemental se prononce sur les zones sous-denses et surdenses ; il faudra toiletter l'article du schéma régional de santé, car les dispositions ne sont pas opposables aux professionnels libéraux en l'état.
M. Bernard Jomier. - Je rejoins Jean-Baptiste Lemoyne : l'amendement n°117 n'est pas d'une verticalité très ascendante. L'amendement n°78 rectifié bis est intéressant.
C'est bien de savoir combien de médecins exercent à temps plein ; mais que font-ils ? Il y a une hausse des pathologies chroniques, nous avons besoin des généralistes. Or à Paris, la moitié des généralistes s'installent pour faire de l'esthétique : ils singent les dermatologues. Nous mourrons d'un mélanome, mais nous aurons la peau lisse ! (Sourires) Cela change radicalement la qualité de l'offre de soins !
Il faut plus de régulation : on ne peut continuer à former des professionnels dont l'activité est orthogonale avec les besoins de la population ! Penchons-nous sur le contenu du soin, sinon nous raterons complètement la cible.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Quel est l'avis sur l'amendement n°7 rectifié ?
Mme la présidente. - Défavorable.
M. Hervé Maurey. - J'ai découvert, en m'entretenant avec le directeur départemental de l'ARS, que dans l'Eure, pourtant l'un des départements les moins dotés en médecins, il n'y avait aucune zone prioritaire au regard des nouveaux critères - qui incluent le revenu par habitant. Mon interlocuteur, gêné, a fini par me répondre qu'avec des revenus plus élevés, il est plus facile de se déplacer... Comment est-on arrivé à une telle aberration ? Je n'ai pu m'empêcher de saisir la perche que vous m'avez tendue, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Lemoyne, notre idée est bien d'associer les élus locaux. Si la rédaction de mon amendement est à améliorer pour atteindre cet objectif, soit.
Monsieur Jomier, nous avons des critères sur l'âge des médecins, le nombre de patients en ALD... Mais l'exemple que vous donnez appelle une autre réaction ; je vais réguler cela, en lien avec le Conseil de l'ordre, d'abord pour protéger les patients.
M. Bernard Jomier. - Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre. - Il y a beaucoup d'exercice illégal de la médecine, avec 130 dépôts de plainte par an. Certains généralistes exercent de la médecine esthétique sans avoir la formation requise : il faudra vérifier les acquis ou les diplômes universitaires. Enfin, nous devrons envisager de limiter cette activité (Mme Émilienne Poumirol marque son approbation) à un certain nombre de demi-journées. Nous y travaillons avec le conseil de l'ordre.
J'entends qu'au bout d'un certain nombre d'années de pratique, on veuille pratiquer la médecine esthétique, et il faut différencier esthétique et chirurgie reconstructrice. Mais il faut mettre un terme à tout ce contexte des réseaux sociaux, des influenceurs qui promeuvent des injections de botox chèrement rémunérées : 300 euros, contre 30 euros pour une consultation de généraliste...
Nous pourrons aussi évoquer le sujet avec les dermatologues. Je ne peux accepter qu'on attende un an pour une suspicion de mélanome, et une semaine pour une injection de botox.
M. Bernard Jomier. - C'est exactement cela !
Mme Émilienne Poumirol. - Il faut réguler !
M. Yannick Neuder, ministre. - Remettons l'église au milieu du village. (Mme Emilienne Poumirol acquiesce.) Nous le ferons avec le Conseil national de l'ordre. (Mme Frédérique Puissat et M. Bernard Jomier applaudissent.)
Quant aux critères, ils commencent à s'appliquer. Il faut différencier les zones extrêmement tendues qui bénéficieront des deux jours par mois de solidarité, et les zones comme l'Eure, qui ont un problème plus diffus. Nous avons un premier lissage, mais considérer que l'Eure n'est pas un désert médical n'est effectivement pas crédible. Si le département n'est pas en zone rouge, cela signifie qu'il y a des médecins généralistes : ils pourront être maîtres de stage pour des docteurs juniors, il pourra y avoir des remplaçants...
Nous n'avons jamais fait ce travail.
M. Hervé Maurey. - Changez les critères !
M. Yannick Neuder, ministre. - C'est pour cela que nous impliquons les parlementaires : un député ou un sénateur connaît très bien son département.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Surtout un sénateur !
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous allons examiner ces cartes.
L'amendement n°117 n'est pas adopté.
L'amendement n°120 est adopté.
Les amendements identiques nos14 rectifié ter, 19 rectifié bis et 29 rectifié ter sont adoptés.
L'amendement n°28 rectifié est retiré.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°78 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°83 rectifié de M. Jomier et alii.
M. Bernard Jomier. - Les ARS sont responsables des autorisations de création des établissements de santé et d'installation d'équipements de matériel lourd selon des critères figurant dans le code de la santé publique. Nous voulons y ajouter le bilan introduit à l'article 1er par la rapporteure, car certains offreurs de soins ne tiennent pas compte des besoins de soins, suivant une logique financière. Ces stratégies peuvent déséquilibrer l'offre de soins et aggraver les déséquilibres territoriaux.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement améliore la cohérence des politiques de santé : il est important que l'ARS bénéficie de toutes les informations, notamment les besoins identifiés sur le territoire. Notre rapport sur la financiarisation de l'offre de soins soulève effectivement le risque de déséquilibre entre territoires. Les autorisations d'activité sont un des leviers pour les compenser. Avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Jomier, je suis partagé. Je souscris à votre objectif de lutter contre la financiarisation. Sur les équipements lourds, je suis favorable à un avis émis le plus près possible du territoire. Cela limitera le recours aux urgences.
Mais avec votre rédaction, cela toucherait toutes les autorisations, et pas uniquement les équipements lourds. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) s'apprêtent à rendre leur rapport sur la financiarisation. Je préfère attendre leur avis. Aussi, sagesse.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Très bien !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est cohérent !
L'amendement n°83 rectifié est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Cet amendement met en oeuvre un schéma départemental d'organisation des soins pour que le département puisse mieux coordonner les soins sur son territoire. Une expérimentation sur trois d'entre eux aurait lieu. C'est une demande de Départements de France.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement reprend une proposition de Départements de France qui ne l'a pas émise en audition. Même si je suis départementaliste, un tel schéma rigidifierait les choses et augmenterait le coût pour les départements. Restons agiles : retrait, sinon avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°91 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Cet amendement vise à associer les représentants des collectivités territoriales auprès des délégations départementales des ARS.
Monsieur le ministre, nous attendons les décrets d'application de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique (3DS) de 2022 pour conforter les projets locaux. Cette nouvelle architecture s'articule difficilement avec l'existant.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement réécrit l'article 2 : avis défavorable. Il remplace le pilotage de la politique d'accès aux soins par une simple association des collectivités territoriales. Nous attendons aussi le décret d'application de la loi 3DS.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis. Nous allons vérifier, mais il me semble que le décret est confié au ministère de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Ce que je comprends de la position de la rapporteure, c'est que le fond de la proposition de nos collègues est intéressant, mais que sa rédaction a l'inconvénient de se substituer à l?article 2 actuel. Je propose de remplacer « rédiger ainsi cet article » par « compléter ainsi cet article ».
Mme la présidente. - Madame Le Houerou, acceptez-vous de rectifier votre amendement ?
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Cela ne changera pas l'avis...
Mme Annie Le Houerou. - Il me semble que c'est déjà le cas. Mais j'accepte.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cela reste un avis défavorable. Les élus locaux sont déjà associés au comité de pilotage national.
M. Hervé Gillé. - Nous sommes tout à fait d'accord avec la proposition de M. Lemoyne.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - La question de la compétence et des moyens à l'échelle départementale des ARS est pertinente. Mais nous ne l'avons pas étudiée. Par cohérence, restons sur cette rédaction.
Mme Céline Brulin. - Ce débat qui vient de s'engager mériterait d'être approfondi. Cet article renforcerait le pilotage à l'échelon départemental. Mais des points de vue un peu différents émergent. Certains souhaitent le renforcement des prérogatives départementales des ARS et d'autres que les élus locaux aient plus de compétences.
Je réitère mes critiques sur les ARS ; une maille plus proche comme le département serait préférable. Mais la santé est un domaine régalien. Si nous allions vers un modèle qui repose sur les collectivités territoriales, nous irions au-devant de graves problèmes, car les départements n'ont ni les moyens ni les outils pour piloter la santé.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ce débat mélange deux sujets. L'article 2 a trait au pilotage national, tout en associant les élus locaux. Là, vous remettez en selle l'ARS. J'avais cru comprendre que nous étions d'accord pour un maillage départemental avec un avis conforme des élus locaux - dont se nourrit le comité national.
On peut considérer que les délégations départementales des ARS ont été inopportunément affaiblies dans le passé, mais ce n'est pas le sujet de cet article.
L'amendement n°91 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°36 rectifié de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Je voulais aussi renforcer l'échelon départemental en supprimant le comité de pilotage de l'accès aux soins prévu par l'article 2. Le ministre peut s'appuyer sur l'office national, émanation des offices départementaux.
N'y a-t-il pas un doublon entre le comité de pilotage et l'office national d'évaluation ?
Mme la présidente. - Amendement n°15 rectifié bis de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Cet amendement inclut au sein du comité de pilotage une représentation du Conseil national de l'ordre des médecins : c'est un acteur engagé qui connaît le terrain, et qui est de plus en plus impliqué dans les enjeux de la territorialisation.
Mme la présidente. - Amendement identique n°46 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Il faut une représentation du Conseil national de l'ordre des médecins dans le comité de pilotage.
Mme la présidente. - Amendement n°49 rectifié de M. Louault et alii.
M. Daniel Chasseing. - Défendu.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
L'amendement n°36 rectifié revient sur le comité de pilotage ; même s'il faudra peut-être mûrir le dispositif, il permet d'éviter un fonctionnement un peu trop descendant.
Même avis défavorable sur les amendements nos15 rectifié bis et 46 rectifié ter : le Conseil de l'ordre est déjà associé.
Je vous propose d'adopter plutôt mon amendement n°121, qui prévoit un décret, gage de flexibilité.
M. Yannick Neuder, ministre. - Mêmes avis.
L'amendement n°36 rectifié est retiré.
Les amendements identiques nos15 rectifié bis et 46 rectifié ter ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°49 rectifié.
Mme la présidente. - Amendement n°121 de Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cet amendement vise à préciser par décret les règles de composition et de fonctionnement du comité de pilotage. J'espère qu'il satisfera tout le monde.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable.
M. Bernard Jomier. - On a l'impression que cet article 2 est un miroir de l'article 1er, car il traite de la déclinaison départementale de la stratégie nationale de santé. J'ai un doute sur cette logique descendante. J'ai l'impression que notre hémicycle est partagé entre la conviction que la maille départementale est le bon niveau et l'attachement au caractère régalien de la santé.
Nous critiquons cette logique descendante notamment en matière d'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) qui n'est pas défini en partant des besoins des territoires. Ce texte pourrait être l'occasion de construire nos politiques de santé en partant des territoires.
M. Yannick Neuder, ministre. - Vous êtes presque dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Seriez-vous favorable à un objectif régional de dépenses d'assurance maladie (Ordam) ?
M. Bernard Jomier. - Je ne peux répondre, je n'en ai pas le droit...
L'amendement n°121 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Avant l'article 3
Mme la présidente. - Amendement n°103 rectifié bis de M. Fichet et du groupe SER.
M. Jean-Luc Fichet. - Cet amendement rétablit l'obligation de garde des médecins libéraux, limitée aux médecins de moins de 55 ans. Depuis sa suppression par Jean-François Mattei en 2002, le volontariat ne suffit plus pour assurer la permanence des soins, ce qui engorge les urgences.
La revalorisation de la consultation n'a rien résolu ; les patients se tournent alors vers l'hôpital. Certes, les maisons médicales de garde apportent un début de réponse, mais ne suffisent pas.
Il est temps de revenir sur cette erreur et de réaffirmer qu'elle fait partie intégrante des missions de la médecine de ville.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Selon les derniers chiffres de l'Ordre, le taux de couverture territoriale serait de 97 % en 2024 - un taux très élevé. L'amendement ne concerne que les médecins généralistes et les médecins libéraux de premier recours. Nous demandons déjà beaucoup aux médecins, cela alimenterait encore davantage les tensions.
Cet après-midi, j'échangeais avec une jeune femme médecin du cas de celles qui ont de jeunes enfants...
Mme Céline Brulin. - Les hommes aussi ont de jeunes enfants !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - C'est aussi valable pour eux. Un jeune parent qui serait confronté à cette obligation de garde aurait des contraintes nouvelles. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je suis très défavorable à cet amendement. Je suis d'accord avec vous : la médecine de ville doit organiser la continuité des soins. Or vous excluez les médecins de plus de 55 ans, alors que nous évoquons la possibilité pour les médecins retraités de poursuivre ou reprendre une activité médicale. À Mayotte ou à La Réunion, dans les Sdis ou à la Croix-Rouge, nombre de volontaires sont de jeunes retraités. Je serai favorable à la création d'une réserve de jeunes retraités médicaux et paramédicaux.
Je ne veux pas citer d'âge exact pour ne pas relancer le débat sur les retraites (sourires), mais quand ils atteignent 65 ans plus ou moins deux... (sourires), les confrères sont très contents au départ de faire des choses qu'ils n'avaient pas le temps de faire ; mais après plusieurs mois, certains seraient contents de reprendre une activité - sans la même charge mentale, bien sûr.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Corinne Imbert parle des médecins avec de jeunes enfants... Ayant des parents âgés, je vois beaucoup d'infirmières mères de jeunes enfants intervenir le samedi et le dimanche...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La nuit !
Mme Laurence Muller-Bronn. - Mais on ne se pose pas la question pour elles. De nombreuses professions sont concernées par le travail de nuit et le week-end. Les infirmières aussi ont des enfants. (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
Mme Émilienne Poumirol. - Madame la rapporteure, vous dites que 97 % des gardes sont assurées : ce n'est pas 100 %, ce n'est donc pas satisfaisant.
Nous ne demandons pas des gardes permanentes, mais simplement d'organiser la répartition des gardes. Il ne s'agit pas d'imposer à chacun d'être là tous les week-ends, mais de répartir les semaines de nuit et les week-ends. Ce n'est pas insurmontable ! Être médecin généraliste et ne jamais faire de gardes - seuls 38 % des médecins en assurent - me semble incohérent avec la nature de la profession. Rétablissons une permanence des soins ambulatoires (PDSA). Ce n'est pas si compliqué, il suffit que quelques confrères se parlent.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°103 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°269 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 196 |
L'amendement n°103 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°68 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je crains que mon amendement ne connaisse le même sort que le précédent, mais je le défendrai pourtant...
Pas moins de 11,6 % de la population française vit dans une zone sous-dotée et 10 millions de citoyens habitent à plus de 30 minutes d'un service d'urgence. Les déserts médicaux ne sont pas seulement des zones rurales, et le coeur des métropoles est aussi concerné. Seuls 39,3 % des généralistes ont exercé une garde en 2020 !
Par ailleurs, de nombreux métiers du soin font des nuits, comme les infirmiers et les aides-soignants.
Il n'y a plus de médecin de garde après minuit dans 29 départements. Dans le Pas-de-Calais, le nombre de secteurs de garde est passé de 52 à 27.
Ce rétablissement des permanences médicales doit aller de pair avec une réévaluation des tarifs des gardes.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avis défavorable. Cet amendement rétablit le tour de garde obligatoire. Certes, les infirmières font des gardes dans les hôpitaux, mais nous parlons ici de médecins libéraux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et alors ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les infirmières libérales ne travaillent pas de nuit. On ne peut pas comparer la situation.
Enfin, 97 % est un chiffre important : même si elle n'est pas parfaite, la permanence des soins est assurée.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis défavorable.
M. Bernard Jomier. - Je comprends le sens de l'amendement. Cependant, le problème vient du fait que ses auteurs mentionnent la nuit profonde, c'est-à-dire les gardes après minuit. La demande est alors très faible et doit relever des établissements de soins. Un médecin réveillé la nuit ne va pas travailler le lendemain : on perd alors du temps médical, au détriment de l'offre de soins en journée. Cela n'a pas d'intérêt. Je voterai contre. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable au principe de la garde, mais pas après minuit - j'ai fait cela pendant trente-cinq ans tous les deux jours... Désormais, les gens appellent le 15, le Samu existe en cas d'urgence.
Les gardes sont utiles jusqu'à minuit, au cabinet. Ce système devrait s'organiser avec les CPTS, en lien avec les médecins.
M. Jean-Luc Fichet. - Organisons les gardes ! Je pense aux nombreux Ehpad, qui n'ont pas de médecins la nuit. Si une personne âgée tombe de son lit, comme l'on a aucun moyen de vérifier la gravité de la chute, on l'envoie aux urgences. Le coût est faramineux. La présence d'un médecin pourrait régler le problème. (M. Yannick Neuder le conteste.)
Il faut penser du côté des administrés, qui doivent se rendre aux urgences pour de la bobologie.
Mme Céline Brulin. - Ce débat sur les gardes est légitime ; ne le caricaturons pas. Nous voulons assurer la continuité des soins le week-end, la nuit et les jours fériés. Nous pourrions toujours sous-amender notre amendement pour exclure la nuit profonde.
Les citoyens ne comprennent pas que 60 % des médecins refusent de faire des gardes. De nombreuses professions travaillent la nuit, les jours fériés et les week-ends et cela ne pose de difficulté à personne. Pourquoi une profession, je dirai une corporation, y échapperait-elle ?
Je suis la première à défendre de meilleures conditions de travail ; chacun doit pouvoir vivre à côté de son travail. Mais j'espère que tous nos concitoyens entendront ce débat, très éclairant sur l'idée que chacun se fait de l'accès à la santé.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Autant le précédent amendement posait une question légitime, autant, ici, vous faites référence à la responsabilité individuelle de chaque médecin à l'égard de la continuité du système de soins. Ce n'est pas raisonnable.
Mme Solanges Nadille. - Je ne comprends pas vos propos. Le pacte du Gouvernement évoque la solidarité. Celle-ci doit s'appliquer à tout le monde.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°68 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°270 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 117 |
Contre | 222 |
L'amendement n°68 n'est pas adopté.
Article 3
Mme Céline Brulin . - Cet article 3 renforce l'offre de soins dans les territoires et renvoie au décret précisant les modalités de mise en oeuvre. Nous souhaiterions que les auteurs du texte, les rapporteurs et le ministre nous éclairent sur ces modalités.
Certains collègues estiment que ce dispositif dotera les territoires de médecins effectuant des journées de solidarité. Les médecins estiment que ce dispositif sera moins contraignant que d'autres propositions actuellement débattues.
Des médecins installés dans le 6e arrondissement de Paris devront-ils exercer dans le 18e, en Seine-Saint-Denis ou dans l'Eure ? (Rires) Même si je suis inquiète des propos de M. Maurey, à quoi servira ce dispositif ? Il pourrait s'avérer in fine plus contraignant que d'autres propositions qui se trouvent actuellement au coeur du débat public.
M. Daniel Chasseing . - Cet article 3 vise à réduire la fracture médicale en conditionnant l'installation des médecins libéraux en zone surdense à une cessation d'activité ou à un exercice à temps partiel.
Les généralistes sont essentiels pour la santé des populations, mais aussi pour d'autres professions : pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, médecins juniors... Il n'y a pas de maîtres de stage partout.
Cette proposition de loi est complémentaire : de nombreux spécialistes font des consultations avancées dans certains territoires.
Je voterai cet article. Les maires demandent aux parlementaires d'agir pour améliorer l'accès aux soins.
Cet article ne remet pas en cause l'exercice libéral de la médecine. De plus, dans de nombreux cas, il n'y aura pas d'investissement à faire, car des cabinets ou des maisons de santé manquent de médecins.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée . - Nous sommes confrontés à une insupportable pénurie de médecins : des malades en détresse, des pertes de chance et des morts. Cela vaut partout en France, sans exception, et peut se mesurer en kilomètres à parcourir pour voir un médecin ou en kilomètres de file d'attente... Je remercie Philippe Mouiller de sa proposition efficace, à la différence des solutions inappropriées proposées ailleurs.
Mais le Gouvernement soumet après l'article 3 une autre proposition, sans faire payer aux étudiants en médecine les frais de la pénurie et sans inscrire dans le code de la santé publique le principe d'une installation sous autorisation. L'amendement n°111 du Gouvernement me semble donc préférable à l'article 3.
M. Hervé Maurey . - Je me réjouis que pour la première fois, la commission des affaires sociales soutienne un texte préconisant une certaine régulation de l'installation des médecins. Jusqu'à présent, la commission opposait un veto.
Il y a dix ans, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait voté à l'unanimité des amendements régulant l'installation, balayés en séance à la demande de la commission des affaires sociales.
Le dispositif proposé ne correspond pas totalement à mes souhaits, mais je vois le verre à moitié plein.
Soyons prudents : l'article 3 renvoie pour l'essentiel à un décret. Or parfois, les décrets viennent tard ou en contradiction avec la volonté du législateur. Très vite, la ministre Bachelot a mis de côté le dispositif de la loi HPST pour la permanence des soins en zone sous-dense. Ne renvoyons pas trop de choses au décret, et veillons à ce qu'il arrive rapidement, sans être dénaturé par des pressions qui ne manquent pas de se faire sentir.
M. Simon Uzenat . - Un point frappant : nous parlons en premier lieu des médecins, non des besoins de santé de nos concitoyens, qui désespèrent d'être suivis par un médecin.
Nos collègues de droite estiment que, comme il y a pénurie, on ne peut réguler. Nous pensons l'inverse : puisqu'il y a pénurie, il faut réguler.
À côté des zones rouges bretonnes, il n'y a que des zones moins mal dotées. Les pertes de chances et d'espérance de vie sont des réalités.
Un cabinet secondaire n'est pas une perspective réjouissante pour ces territoires ruraux. Nous devons proposer pour les médecins généralistes ce que nous proposons pour les spécialistes. De nombreuses professions de santé sont déjà régulées.
Arrêtons de tourner autour du pot.
M. Hervé Gillé . - Je reprends la proposition phare du pacte telle qu'elle a été mise en perspective par le préfet de région : la solidarité du pacte a vocation à devenir obligatoire. Enfin, le pacte s'impose à tous les médecins. Chacun doit prendre sa part.
Cette position diffère beaucoup de ce qui est prévu par la commission des affaires sociales à l'article 3.
Tout cela demande une clarification, et je vais écouter très attentivement les précisions du ministre comme de la commission.
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Nous faisons enfin un premier pas. J'ai le souvenir des débats sur la loi HPST, en 2009. Déjà, les organisations étudiantes et des professionnels de santé menaçaient de descendre dans la rue.
Pour la première fois, on crée un chapitre « Conditions d'installation » dans le code de la santé publique. L'écrire ainsi noir sur blanc est une excellente chose.
Aucune solution unique ne permettra de répondre aux besoins croissants en santé. Il y a une palette de solutions : stages, maisons de santé... L'article 3 conditionne l'exercice dans une zone surdense à l'exercice partiel en zone sous-dense, enrichissant cette palette. Enclenchons ce premier pas.
Mme Élisabeth Doineau . - Contrairement à ce que disent certains, on ne peut distribuer ce qu'on n'a pas. On met en avant les autres professions de santé régulées : mais ne manque-t-on pas d'infirmières, de pharmaciens ? Les professeurs de l'éducation nationale ont des contraintes de localisation : mais ne manque-t-on pas de professeurs ?
Il y a plein d'exemples en France où nous avons su construire, avec l'ensemble des parties prenantes, des réponses pour améliorer l'offre de santé. Vous avez tous bénéficié de moyens considérables pour favoriser l'implantation des IPA ou de maisons de santé pluriprofessionnelles.
Certains pays reviennent sur la régulation de l'installation, car infraterritorialement les besoins ne sont pas couverts.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales . - Il est question de la coordination avec l'amendement n°111 du Gouvernement.
Initialement, la proposition de loi n'intégrait pas la proposition du Gouvernement sur les deux jours de solidarité.
Le texte de la commission partait des zones surdenses, d'où la logique d'avoir un office d'évaluation pour disposer de données fiables. La question était : à partir de ces territoires, comment irriguer les territoires voisins qui ont des besoins ? D'où le principe d'une conditionnalité pour s'installer. Nous nous sommes appuyés sur des définitions juridiques : cabinet secondaire pour les généralistes, consultations avancées pour les spécialistes.
S'y ajoute la mesure du Gouvernement. Les directeurs d'ARS répondent à la commande rapide de définir des zones urgentes d'intervention et croisent les avis de tous les acteurs. (M. Hervé Gillé en doute.)
Il faut trouver une cohérence entre les deux. Il y a bien deux mesures, mais nous les coordonnons.
Mme Frédérique Puissat. - Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je souscris aux propos de Philippe Mouiller ; les deux dispositifs sont complémentaires. (M. Hervé Gillé fait non de la tête.)
Il convient d'encourager la solidarité collective. Cependant, comme le dit Mme Doineau, ce n'est pas par la contrainte que l'on résoudra le problème de la pénurie de médecins. Lorsque j'organisais le planning de garde en cardiologie, l'objectif était d'assurer la continuité de la permanence des soins 365 jours par an. Si la communauté s'organisait différemment pour que les jeunes fassent plus de gardes, très bien !
Les installations dans les zones denses ne seront pas interdites, mais un principe de solidarité imposera d'ouvrir un cabinet secondaire. Il s'agit de deux temporalités différentes. (M. Hervé Gillé brandit un document.) Les ARS doivent travailler à un dispositif mis en place dès septembre.
La proposition de loi vise à redéfinir les indicateurs et les zonages pour savoir quels sont les territoires les moins dotés. Quant à la proposition de loi qui sera examinée dans quelques semaines, elle supprimera le numerus apertus, favorisera les passerelles et traitera la question des étudiants formés à l'étranger.
Depuis dix ans, je demandais à tous les médecins embauchés dans mon pôle, au CHU, de travailler un ou deux jours par semaine dans un hôpital périphérique. C'est entré dans les moeurs.
Il n'est pas normal que les jeunes paient le prix fort en n'ayant plus cette liberté d'installation. Il faut trouver un point d'équilibre pour ne pas décourager des générations entières de s'engager dans ces métiers.
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 13 mai 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante-cinq.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 13 mai 2025
Séance publique
À 14 h 30, le soir et la nuit
Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Didier Mandelli, vice-président, M. Xavier Iacovelli, vice-président M. Pierre Ouzoulias, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, M. Mickaël Vallet
1. Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°563, 2024-2025)
2. Suite de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°577, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)