SÉANCE
du mardi 20 mai 2025
92e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Catherine Di Folco.
La séance est ouverte à 09 h 30.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Revalorisation des astreintes hospitalières
Mme Anne Souyris . - Le 11 avril, l'ensemble des organisations syndicales représentatives des praticiens hospitaliers et hospitalo-universitaires a déposé un préavis de grève illimité de la permanence des soins à partir du 1er mai.
Le Gouvernement s'était engagé à revaloriser ces astreintes il y a six mois ; des crédits avaient été inscrits dans les dernières LFSS. Alors que les hospitaliers assurent 80 % de la permanence des soins, les syndicats exigeaient une majoration immédiate et rétroactive à compter du 1er janvier 2024 de 100 % de l'ensemble des forfaits liés aux astreintes.
Mi-avril, un protocole d'accord a finalement été signé ; les syndicats ont obtenu des avancées. Cependant, des questions demeurent. Comment réguler les astreintes sans créer de nouvelles inégalités ? Les actes de télémédecine et les déplacements seront-ils décomptés du temps de travail ? Les forfaits liés aux astreintes très pénibles seront-ils définis au niveau régional ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il autant attendu ? Comment répondre à ces attentes légitimes ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - À la suite du rapport de l'Igas, le ministère de la santé a mené une concertation avec les acteurs.
Conformément aux engagements pris, la revalorisation entrera en vigueur le 1er novembre prochain. Les textes réglementaires, qui seront publiés prochainement, visent trois objectifs : la simplification du régime d'indemnisation ; la prise en compte de l'intensité des astreintes ; une forfaitisation plus fine, avec des marges de souplesse laissées aux établissements dans une fourchette allant de 70 à 280 euros.
Le Gouvernement est conscient de l'urgence exprimée par les professionnels de santé. Après le dépôt du préavis de grève, Yannick Neuder a signé un protocole d'accord prévoyant une mesure transitoire du 1er juillet au 31 octobre prochain : celui-ci prévoit une revalorisation de 50 % de l'indemnité forfaitaire de base et une revalorisation totale de 30 % des astreintes déjà forfaitisées. L'arrêté d'application sera publié en juin, afin que cette mesure soit effective dès cet été.
Gestion des Dasri
M. Jean-Pierre Corbisez . - Les déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) bénéficient du statut de déchets dangereux ; le principe de précaution s'applique lors de leur traitement. Les règles applicables et les bonnes pratiques sont recensées dans un guide, en cours de mise à jour.
Avant même le changement de réglementation, de nombreux professionnels constatent le déclassement d'un grand nombre de ces déchets et leur réorientation vers la filière des déchets non dangereux. D'où une complexification du geste de tri pour les professionnels de santé, déjà particulièrement sous pression, et un risque important pour les opérateurs chargés de la collecte et du tri.
Des accidents ont déjà été recensés ; le déclassement en cours pourrait multiplier leur nombre à l'avenir.
La responsabilité des professionnels de santé pourrait-elle être engagée ? Quelles mesures compte prendre le Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Il s'agit d'un enjeu crucial de santé publique, tant pour la sécurité des professionnels de santé que pour celle des opérateurs de collecte, mais aussi la population et l'environnement.
En 2022, la direction générale de la santé (DGS) a engagé une révision complète du guide national, qui datait de 2009.
Ce nouveau guide, fruit d'un travail collaboratif, se veut à la fois pédagogique et rigoureux ; il sera publié très prochainement.
Conformément au code de la santé publique et au code de l'environnement, l'évaluation du risque infectieux repose sur le producteur du déchet. Ce principe, ancien, ne sera pas remis en cause, car celui-ci est le plus apte à apprécier sa dangerosité, en fonction du contexte.
Les professionnels de santé ne sont pas pour autant isolés. Le guide fournit des critères objectifs et des exemples. En cas de doute, la règle est claire : le déchet doit être orienté vers la filière Dasri. Des formations de terrain seront organisées avec l'appui des ARS. La gestion des Dasri reste donc une priorité de santé et de sécurité publiques.
Aide au financement du permis de conduire
Mme Marie-Lise Housseau . - Depuis le 1er janvier 2024, les jeunes peuvent passer leur permis de conduire à 17 ans, afin de faciliter leur insertion professionnelle.
Toutefois, l'aide de 500 euros allouée aux apprentis pour financer leur permis de conduire n'a pas été adaptée : lorsqu'un jeune dépose sa demande auprès de l'Agence de services et de paiement (ASP), celle-ci est systématiquement rejetée.
Quand le Gouvernement compte-t-il résoudre cette incohérence ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Je sais que ce dispositif est important pour de nombreux jeunes, notamment dans votre département, le Tarn.
Cette aide vise à faciliter les déplacements des apprentis et à favoriser leur insertion professionnelle. Elle intervient en complément d'autres mesures prises par plusieurs régions ou départements. Les dispositifs foisonnent, d'où la demande de Matignon de cartographier, département par département, l'ensemble des aides prévues pour les jeunes de 17 et 18 ans.
L'aide à destination des jeunes de 17 ans est en suspens. Nous pourrons de nouveau aborder le sujet lors du prochain PLF, une fois la cartographie réalisée, car les régimes sont très différents selon les collectivités territoriales.
Je suis très engagée sur ce dossier, car les freins à la mobilité sont source de difficultés pour la formation et l'insertion professionnelle de nos jeunes.
Mme Marie-Lise Housseau. - Merci pour votre réponse, qui ne me satisfait que partiellement. Dans nos départements ruraux, il est difficile de se déplacer en transports en commun, c'est une question de justice sociale. Tout ce que vous pourrez faire sera le bienvenu, madame la ministre.
Prépa-apprentissage
Mme Laure Darcos . - La prépa-apprentissage, supprimée depuis le 31 décembre 2024, permettait aux jeunes de 16 à 29 ans et aux personnes en situation de handicap sans qualification de réussir leur entrée en apprentissage grâce à un accompagnement d'une durée de quelques jours à plusieurs mois. Les jeunes pouvaient ainsi acquérir des compétences de base et découvrir le monde du travail.
Le centre de formation d'apprentis (CFA) de la faculté des métiers de l'Essonne accompagnait chaque année 150 personnes vers la formation, l'apprentissage et l'emploi. Le bilan était excellent, avec un taux de sortie positif de 80 % - que ce soit en apprentissage, en CDD ou en CDI.
N'aurait-il pas fallu faire évoluer le dispositif, en le recentrant sur les acteurs les plus pertinents et en ciblant les financements, plutôt que le supprimer purement et simplement ?
Le Gouvernement compte-t-il le réactiver ? L'expertise acquise par les CFA risque d'être perdue, d'où un coût plus important pour les finances publiques, car ces personnes, qui se battent souvent plus que les autres pour s'en sortir, seront à la charge de la solidarité nationale.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - La prépa-apprentissage a fait l'objet d'un appel à projets de 2019 à 2023, avec une prolongation des financements jusqu'à la fin 2024. Elle constituait un sas d'entrée dans l'apprentissage pour 20 000 jeunes par an.
Les actions menées étaient très hétérogènes selon les départements. Surtout, les résultats étaient peu probants : le taux d'entrée en alternance s'élevait à seulement 35 % au niveau national, bien loin des 80 % que vous évoquez. Le dispositif fonctionnait peut-être en Essonne, mais ce n'était pas le cas pour d'autres départements.
Le réseau pour l'emploi, composé, entre autres, de France Travail, des missions locales et des collectivités locales, assurera un meilleur fléchage et une meilleure orientation des jeunes.
Plutôt que d'empiler les politiques, mieux vaut se concentrer sur les dispositifs de droit commun, à l'instar de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), proposée par France Travail. Il faut investir massivement dans ces mesures utiles pour l'emploi de nos jeunes.
Transport des élèves handicapés
M. Hervé Reynaud . - Les départements rencontrent de plus en plus de difficultés pour assurer le transport des élèves handicapés, qui relève de leurs compétences.
Dans mon département, la Loire, le nombre d'élèves à prendre en charge a doublé en moins de dix ans, avec 1 200 élèves et un budget de 8,5 millions d'euros sans compensation financière d'aucune sorte.
Or l'inclusion scolaire et les nouveaux dispositifs intégrés, tels que les stages ou les horaires aménagés, nécessitent une adaptation constante des moyens à mobiliser. Il faut aussi former de nouveaux conducteurs et les fidéliser afin d'assurer un transport en toute sécurité : ces contraintes augmentent le coût du service. Même chose pour les aides attribuées aux particuliers utilisant leur véhicule, lorsque les trajets collectifs ne sont pas pertinents.
Que compte faire le Gouvernement pour permettre aux départements d'assurer pleinement cette compétence ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - L'organisation et le financement des transports scolaires sont une compétence des collectivités territoriales, en premier lieu des régions. Les frais de déplacement des élèves handicapés fréquentant un établissement d'enseignement général, agricole ou professionnel, public ou privé, relèvent de la compétence des conseils départementaux, dont on connaît aujourd'hui les difficultés financières.
Le Gouvernement s'engage à conduire des travaux avec les différents acteurs afin d'identifier les leviers d'optimisation, de financement adapté et de recrutement.
La filière fait en effet face à des difficultés de recrutement ; elle pourrait s'appuyer sur les travailleurs de plus de 55 ans ou ceux déjà à la retraite.
Le Gouvernement s'appuiera sur les récentes recommandations de l'Igas relatives à la transformation de l'offre médico-sociale, ainsi que sur un soutien technique financé par la Commission européenne pour s'inspirer de solutions trouvées ailleurs en Europe.
M. Hervé Reynaud. - J'insiste : les départements rencontrent de nombreuses difficultés pour exercer ces politiques de solidarité empreintes d'humanité. L'inclusion de ces enfants est importante pour eux, mais aussi pour leur famille. Ma question est un appel à l'aide pour que les départements puissent travailler dans de meilleures conditions.
Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés par les organisateurs de festivals
M. Damien Michallet . - Chaque année en France, comme en Isère, les festivals ou les concerts suscitent de plus en plus de plaintes des riverains, en raison des potentiels dépassements des valeurs limites des émissions sonores. L'application du code de la santé publique, du code de l'environnement et du code général des collectivités territoriales conduit à des fragilités juridiques qui exposent ces événements à des annulations.
Or ils sont indispensables pour faire vivre l'économie, créer du lien social et amener la culture au coeur des territoires. En l'état de la réglementation, il n'existe pas de dérogation formelle assurant le maintien de l'événement : un seul requérant peut obtenir son annulation jusqu'à la dernière minute ou pendant son déroulement. Les élus et les organisateurs doivent pouvoir dépasser ponctuellement les valeurs limites en accord avec la préfecture et l'ARS.
De quels moyens les élus locaux disposent-ils pour sécuriser de tels événements ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Comme d'autres activités potentiellement bruyantes, les festivals doivent respecter des valeurs limites d'émergence sonores globales. Les services de l'État encouragent la concertation avec les riverains afin qu'ils tiennent compte de la bonne volonté des organisateurs et des progrès enregistrés.
Selon les conclusions de l'expérimentation, pilotée par l'association AGI-SON avec le festival Marsatac à Marseille, présentées aux ministères de la culture, de l'environnement et de la santé, il est difficile pour certains festivals de respecter les seuils définis dans le code de la santé publique. Un groupe de travail, constitué sous l'égide de la direction générale de la création artistique en associant la direction générale de la santé et celle de la prévention des risques, oeuvre actuellement à des évolutions concrètes de la réglementation. Ses propositions sont attendues pour octobre 2025.
Coût de l'archéologie préventive pour les collectivités territoriales
M. Fabien Genet . - L'archéologie préventive représente une charge croissante pour de nombreuses collectivités territoriales ; les tarifs en vigueur freinent la réalisation de nombreux projets d'aménagement.
Quelques exemples concrets dans mon département de Saône-et-Loire : dans une commune, une étude préalable aux travaux d'aménagement d'un espace public de 1 000 m2 a été évaluée à 252 000 euros pour 10 % de la superficie totale, alors que l'entreprise bénéficiait de la mise à disposition gratuite du matériel nécessaire par la municipalité ; dans une autre commune, le prix proposé atteignait 690 000 euros TTC pour 1 400 m2 de fouilles et une estimation initiale inférieure de moitié.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Je réponds en l'absence de la ministre de la culture. Les fouilles d'archéologie préventive sont réalisées par l'Institut national de recherches archéologiques préventives, par des opérateurs ou des services des collectivités territoriales. Les fouilles constituant une activité concurrentielle, l'État ne peut pas réguler les prix.
Leur financement repose sur les maîtres d'ouvrage. Les aménageurs peuvent bénéficier d'aides du Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap) : entre 2016 et 2024, 44 % des fouilles préventives ont reçu un soutien financier de l'État ; en 2024, 44 millions d'euros d'aides ont été accordés. En juillet 2021, le périmètre du Fnap a été élargi : les communes situées en ZRR peuvent donner mandat à l'opérateur de fouilles, ce qui leur assure une moindre sortie de trésorerie.
En tant que ministre du travail et de l'emploi, j'ajoute que cette réponse mérite d'être étayée au vu des charges des collectivités et des retards pris par des projets de développement économique.
M. Fabien Genet. - Interroger la ministre de la culture en plein festival de Cannes n'était peut-être pas opportun. Je salue l'écoute du Gouvernement. La meilleure façon d'aider les collectivités à faire des économies, c'est de réduire leurs charges.
Créole et ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
M. Frédéric Buval . - La France n'a toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée par le Conseil de l'Europe en 1992, qu'elle a pourtant signée en 1999, ce qui empêche sa mise en oeuvre. Cette ratification suscite beaucoup d'attentes pour la valorisation du créole.
Langue régionale française parlée par des millions de personnes des territoires d'outre-mer, le créole est essentiel pour la diversité culturelle de notre pays et a été inscrit sur la liste de l'Unesco en 2010.
Certains soulèvent un obstacle constitutionnel à cette ratification, lié au principe d'indivisibilité de la République. Mais si l'article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français », l'article 75-1 reconnaît que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
Quelles solutions sont envisagées pour surmonter les obstacles à cette ratification ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Si la France n'a pas ratifié la Charte, elle s'efforce d'appliquer pleinement ses trente-neuf engagements.
La décision du Conseil constitutionnel portait sur les principes d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi, d'unicité du peuple français et d'usage officiel de la langue française et non sur l'ensemble du texte. Le Gouvernement met donc tout en oeuvre pour que nos politiques publiques soient au service de la diversité culturelle et linguistique.
On peut citer ainsi l'adoption de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion en 2021, la création du Conseil national des langues et cultures régionales en 2022, la tenue régulière des états généraux du multilinguisme dans les outre-mer. En outre, pas moins de 900 000 euros en 2022 et 2 millions d'euros depuis ont été consacrés à la promotion des langues régionales.
Nous faisons vivre ce plurilinguisme dans le respect de l'unicité de la nation française.
Désinformation relative au sida chez les jeunes
M. Stéphane Demilly . - Selon l'étude de l'association Sidaction, la désinformation des jeunes sur le VIH progresse. Ainsi, 42 % des personnes interrogées pensent encore que le virus se transmet par un baiser et, pour un tiers d'entre eux, en partageant son assiette avec une personne séropositive. C'est un véritable échec collectif !
Depuis la loi du 4 juillet 2001, une information et une éducation à la sexualité doivent être dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles, mais moins de 15 % des élèves en avaient bénéficié ces dernières années selon le Cese.
Selon l'étude de Sidaction, seul un tiers des jeunes de 15 à 24 ans interrogés s'étaient fait dépister dans les douze mois précédents, alors que le dépistage est gratuit, sans rendez-vous et sans ordonnance, dans tous les laboratoires d'analyses médicales de France depuis le 1er janvier 2022.
Comment renforcer la prévention et la sensibilisation de nos jeunes concernant le VIH ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Les chiffres cités sont édifiants et nous partageons le constat.
La lutte contre les infections sexuellement transmissibles (IST), a fortiori contre le VIH, passe par la sensibilisation, la lutte contre les fausses informations et le dépistage.
La semaine dernière, lors des Assises de la santé scolaire, la ministre de l'éducation nationale, Mme Élisabeth Borne, et le ministre de la santé, M. Yannick Neuder, ont annoncé des mesures pour promouvoir la santé de manière globale.
Le 30 janvier dernier, le Conseil supérieur de l'éducation a adopté le nouveau programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui inclut la prévention contre le VIH et les IST dès la classe de quatrième. Appliqué dès la rentrée prochaine, il sera obligatoire avec au moins trois séances par an. Une page de ressources en ligne a été publiée pour fournir des informations aux personnels de l'éducation nationale.
Compensation de la suppression du FSDAP
M. Michel Masset . - Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) prendra fin le 1er septembre prochain. Nombre de communes du Lot-et-Garonne, comme Cancon, Monbahus, Villeréal, ont opté pour la semaine de quatre jours et demi qui offre aux élèves un rythme d'apprentissage plus adapté à leurs besoins.
Supprimer ce fonds de manière abrupte et sans concertation n'est pas satisfaisant pour nos élus locaux. Il faudrait a minima prévoir une compensation pour assurer le maintien et la gratuité des activités périscolaires. Le 8 avril dernier, un protocole a été signé entre le Gouvernement et l'AMF, mais aucune information ni solution concrète n'a été transmise aux collectivités.
Quelles mesures et quels moyens prévoyez-vous de mobiliser pour accompagner les communes qui ont fait ce choix courageux voilà bientôt dix ans pour le bien de leurs élèves et leurs familles ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Le FSDAP avait une durée limitée ; la loi de 2013 qui l'a institué était très claire. Depuis un décret de 2017, la plupart des communes concernées sont passées à une organisation du temps scolaire sur quatre jours et ne bénéficient donc plus de ce fonds.
Pour l'année scolaire 2016-2017, 20 000 communes en bénéficiaient contre 1 200 communes désormais, dont une quinzaine dans le Lot-et-Garonne.
Sur les 37 millions d'euros du dispositif, 50 % sont dévolus à quinze communes, dont Paris à hauteur de 5 millions d'euros. Le fonds bénéficiant à quelques grosses communes, son extinction a été programmée pour la rentrée 2023, puis reportée pour répondre à l'inquiétude des élus, sans remettre en cause sa suppression à la rentrée 2025, décidée par la loi de finances pour 2024.
Un nouveau report ne peut être envisagé. Dans un contexte budgétaire contraint, Élisabeth Borne a recentré ses crédits sur d'autres priorités, notamment la refondation de Mayotte.
Nous sommes à l'écoute de vos propositions pour le budget 2026.
M. Michel Masset. - Je suis prêt à travailler avec vous pour trouver une issue heureuse dans le futur budget 2026 afin de protéger nos communes rurales.
Balisage des zones de baignade
Mme Béatrice Gosselin . - De nombreuses collectivités littorales, notamment dans mon département de la Manche, ont des difficultés à organiser la sécurisation des zones de baignade à cause de la superposition de deux cadres techniques : l'arrêté du 27 mars 1991, qui impose un balisage flottant par des bouées spécifiques dans la bande littorale des 300 mètres, et la norme Afnor Spec X50-001, qui recommande des dispositifs terrestres comme les drapeaux de baignade et les panneaux d'information. Ces deux dispositifs sont parfois imposés simultanément par les autorités préfectorales, engendrant des charges logistiques et financières considérables pour les communes, sans toujours améliorer la sécurité.
La situation est préoccupante, notamment dans les territoires à fort marnage comme la côte ouest de la Manche et la baie du Mont-Saint-Michel, où un balisage flottant permanent est souvent irréalisable. Cela expose les collectivités à un risque juridique accru en cas d'accident. Comment comptez-vous clarifier et adapter les règles aux réalités géographiques locales ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Les deux dispositifs cités ne sont pas contradictoires ni redondants, mais complémentaires et constituent des outils à la disposition du maire qui, aux termes du code général des collectivités territoriales, décide si les zones de sa commune nécessitent des mesures réglementaires pour la pratique des activités nautiques, en fonction de la fréquentation, de la typologie des activités et de la configuration des lieux. Dans ce cas, il doit en informer le public par une publicité adaptée sur les lieux, dont les deux dispositifs cités visent à faciliter la lisibilité sur l'ensemble du territoire national.
L'arrêté de 1991 définit la forme du balisage maritime s'il doit être mis en place, tandis que la norme Afnor-Spec définit le format des signalisations à terre. L'articulation de ces deux outils dépend du dispositif réglementaire établi localement et des nécessités de publicité, qui peuvent varier d'un site à l'autre en fonction de la configuration des lieux et des pratiques observées sur place.
Mme Béatrice Gosselin. - C'est complexe pour les zones où le marnage est important : les bouées sont parfois malmenées. Cela ajoute des coûts supplémentaires. Je comprends la volonté d'informer le public, mais il faut également s'adapter au territoire. Les préfets devraient pouvoir autoriser les communes à pouvoir s'adapter selon leurs capacités et leurs configurations géographiques.
REP des emballages professionnels
M. Guislain Cambier . - Parler de simplification, c'est bien. En faire, c'est mieux. On en est loin concernant la responsabilité élargie du producteur (REP) des emballages professionnels. Le ministère a en effet annoncé la publication de textes réglementaires « à l'été » pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2026. Six mois, c'est court si l'on veut être efficace. Les processus d'agrément par l'État des éco-organismes ou des systèmes individuels prendront entre trois et six mois. Comment voulez-vous que les entreprises s'organisent pour un processus long et complexe : choix de l'éco-organisme, identification en interne des emballages concernés, mise à jour des outils informatiques, révision des contrats et réorganisation logistique, intégration des nouvelles consignes de tri, formation des équipes... ?
Un moratoire est-il envisageable ? Il ne faudrait pas reproduire ce qui se passe actuellement pour la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - La filière REP pour les emballages professionnels aurait dû entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier de cette année selon le droit européen. C'est le cas chez nos voisins : nous sommes déjà en retard.
Le projet de décret a fait l'objet d'une large concertation en fin d'année dernière et sera prochainement examiné par le Conseil d'État. Un arrêté portant cahier des charges est en cours de finalisation et fera l'objet d'une large concertation.
Un quart seulement des emballages en plastique, qui représentent un gisement d'environ 1 million de tonnes, sont aujourd'hui recyclés. La France est le pays qui paye le plus à l'Union européenne - 1,5 milliard d'euros chaque année - à cause de cela. Il y a urgence.
Un moratoire n'est donc pas envisageable. Vous pouvez compter sur Agnès Pannier-Runacher pour que le dispositif retenu soit équilibré et performant, notamment dans le cadre de la deuxième concertation.
M. Guislain Cambier. - Nous allons donc continuer à faire de la surtransposition : il n'y avait que cinq filières REP dans la réglementation européenne et nous allons passer à vingt-cinq. Nos entreprises se verront imposer des délais très contraints et des contraintes que d'autres n'ont pas : c'est un désavantage compétitif, d'autant plus dommageable que les entreprises sont volontaires. Mais encore faut-il ne pas leur mettre des bâtons dans les roues !
Cétacés du parc Marineland
Mme Mathilde Ollivier . - L'ONG TideBreakers a récemment diffusé des images saisissantes de deux orques, Wikie et son fils Keijo, tournant en rond dans un bassin couvert d'algues au parc Marineland d'Antibes.
L'urgence pour ces cétacés détenus est connue de tous : les scientifiques, les ONG et une majorité croissante de Français dénoncent ces conditions de captivité indignes pour les orques et les dauphins. Les travaux scientifiques ont largement documenté les besoins complexes de ces espèces qui rendent leur maintien en bassin particulièrement problématique au regard de leur bien-être.
La loi de novembre 2021 est un tournant, mais elle laisse un angle mort inquiétant : que deviennent ces animaux encore captifs ? À Marineland, deux orques et douze dauphins sont quasi à l'abandon. Récemment, l'Espagne a refusé leur transfert. Rien n'est clair : pas de solution concrète, ni même un plan de transition.
Des sanctuaires marins, zones côtières fermées et protégées semi-naturelles mais restant sous supervision humaine, pourraient être une solution. Des projets existent, notamment en Grèce, où j'ai pu aborder le sujet lors d'un de mes déplacements.
La situation avance-t-elle ou enterre-t-on le dossier en silence ? Nous ne pouvons pas laisser ces animaux finir leur vie dans l'oubli parce que cela dérange ou coûte trop cher. Je vous demande un engagement clair : allons-nous offrir à ces cétacés une fin de vie digne dans un environnement adapté ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Le ministère a exploré les possibilités de relocalisation des orques dans des enclos marins. Un appel à manifestation d'intérêt (AMI) a été lancé au printemps 2024, mais aucun projet n'a présenté des garanties suffisantes en matière de bien-être animal à court terme.
Concernant les dauphins, le ministère a réuni les parties prenantes au premier trimestre 2025. Bien que prometteurs, les projets d'enclos prévus en Italie et en Grèce ne sont pas encore opérationnels. Agnès Pannier-Runacher réunira un groupe de travail dans les prochains jours avec ses homologues italiens, grecs et espagnols pour en améliorer la faisabilité.
Marineland a sollicité un transfert à l'étranger, notamment des orques vers le Japon, mais la ministre a refusé au vu des risques d'un transfert de longue durée. Un transfert vers l'Espagne a été rejeté par les autorités espagnoles. Les animaux restent sous la responsabilité de Marineland qui veille à les maintenir en bonne santé en l'attente d'une nouvelle solution. Le Gouvernement reste pleinement mobilisé.
Régime fiscal du HVO100
M. Simon Uzenat . - Le HVO100, huile végétale hydrotraitée, ne bénéficie d'aucun régime fiscal incitatif dans les usages maritimes et fluviaux professionnels.
La décarbonation du transport maritime est un levier stratégique. Issu principalement de la valorisation de déchets, de graisses animales et d'huiles usagées, le HVO100 peut être utilisé directement dans les moteurs diesel des navires, des bateaux de pêche ou des engins fluviaux. Il permet une réduction des émissions de CO2 pouvant dépasser les 80 %. Déjà produit en France et en Europe, il contribue à sécuriser l'approvisionnement énergétique et à réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Il est pourtant traité comme un carburant fossile sur le plan fiscal, ce qui limite son attractivité économique pour les professionnels. Ceux engagés dans une démarche de verdissement de leur flotte craignent que le HVO100 soit progressivement écarté du mix énergétique du fait de son coût élevé par rapport à d'autres biocarburants et d'un arbitrage défavorable de la part des opérateurs pétroliers.
Un cadre fiscal spécifique dans les usages maritimes et fluviaux professionnels permettrait de soutenir les acteurs économiques dans leur transition énergétique, de renforcer la souveraineté énergétique française et d'aligner la fiscalité sur nos objectifs climatiques nationaux. Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Les principaux leviers identifiés pour la décarbonation du secteur maritime sont le changement d'énergie et la sobriété, principalement liés à la réduction de vitesse des navires.
Le HVO100, utilisé dans les moteurs diesel, permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants traditionnels, mais une baisse des accises ne serait pas le levier adapté et ne suffirait pas à compenser les écarts de prix avec les carburants traditionnels, car les taux sont déjà nuls pour ces secteurs.
Des incitations ciblées sont plus adaptées, comme la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports pour le transport routier que nous souhaitons faire évoluer vers un mécanisme de réduction de l'intensité carbone dans les transports, qui pourrait inclure le secteur maritime et fluvial. Nous avons lancé une consultation sur ce projet de mécanisme ; celle-ci, qui a débuté le 12 mai, se terminera le 10 juin.
Extractions judiciaires
M. Cédric Chevalier . - Alors que le Président de la République a récemment honoré la mémoire de Fabrice Moello et d'Arnaud Garcia, tués à Incarville en mai 2024, une réforme en profondeur des extractions judiciaires - qui sont au nombre de plus de 300 000 par an, parfois pour des audiences très brèves - est urgente.
Le protocole d'accord signé l'an dernier pour améliorer l'équipement et l'armement des agents, ainsi que la prise en charge des détenus, n'est pas une solution pérenne. Les extractions se font au détriment d'autres missions essentielles comme la sécurité des établissements. La tendance en Europe est clairement à leur réduction grâce à la visioconférence, désormais jugée fiable et légitime ; le Royaume-Uni l'utilise massivement depuis 2020. L'Italie, pays référence en la matière, organise des audiences pour les détenus les plus dangereux dans les établissements pénitentiaires, soit par visioconférence, soit par le déplacement des magistrats.
La France reste très en retrait. Le garde des sceaux a récemment annoncé une accélération de la numérisation des procédures pénales et un investissement dans les équipements de visioconférence, mais il faut passer aux actes. Le Gouvernement entend-il prendre les mesures pour que celle-ci devienne la norme et l'extraction physique une exception motivée par le juge ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - La loi Narcotrafic, qui illustre la détermination collective à renforcer la sécurité des personnels pénitentiaires, est en cours d'examen par le Conseil constitutionnel. Une circulaire d'août dernier rappelle aux juridictions la nécessité de délocaliser certains actes juridictionnels au sein des établissements pénitentiaires et recommande le recours à la visioconférence pour les détenus présentant un risque d'évasion ou de troubles à l'ordre public grave.
Cette loi mettra de terme définitif aux activités criminelles menées depuis la détention. La visioconférence pendant l'instruction devient le principe pour les personnes détenues dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée et la comparution physique l'exception. Nous travaillons aux dispositions d'application nécessaires au respect des droits de la défense et de l'accès aux juges.
M. Cédric Chevalier. - Il faudra que cela soit suivi d'investissements importants ; cela permet d'assurer la sécurité du personnel, de faire des économies et - même si Agnès Pannier-Runacher n'est pas là - de décarboner la justice.
Centres éducatifs fermés
Mme Marion Canalès . - En 2017, Emmanuel Macron promettait de doubler le nombre de centres éducatifs fermés (CEF). En 2018, la Commission nationale consultative des droits de l'homme considérait qu'ils étaient l'antichambre de la prison, et non de la réinsertion. En 2022, une mission sénatoriale sur la délinquance des mineurs recommandait une pause dans leur création. En octobre 2023, la Cour des comptes en faisait le bilan : absence d'étude d'impact et coût élevé de la création de ces 22 nouveaux centres - 6 millions d'euros pièce. Malgré cela, leur construction se poursuit, dans le droit fil de la proposition de loi ultra répressive sur la justice des mineurs récemment adoptée. Une étude a été récemment diligentée par le ministère de la Justice : pouvez-vous m'en dire plus ? Elle est confidentielle, mais le sujet est d'intérêt général.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - La Cour des comptes recommande de produire des données de suivi et d'évaluation des jeunes qui sortent d'une prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, et notamment des CEF, pour effectuer des comparaisons entre dispositifs. Malheureusement, nous ne disposons pas de suffisamment de données, même si cela s'améliore avec le déploiement du système d'information de la justice des mineurs. Le ministère de la justice réalise des études régulières, mais sur des cohortes réduites et insuffisamment représentatives. Nous devons mieux apparier les différents systèmes d'information - justice, éducation nationale, emploi - car la réitération et la récidive ne sauraient être les seuls indicateurs d'efficacité.
Mme Marion Canalès. - Les cohortes seraient insuffisantes, dites-vous ? Mais 600 jeunes sont accueillis dans les 52 centres existants !
Vaccination contre les épizooties
M. Daniel Gremillet . - Une grave épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO), avec différents variants, frappe tous nos élevages - caprins, ovins, bovins. Les pertes de production et les taux de mortalité sont énormes. La région Grand Est est particulièrement touchée, notamment le département des Vosges qui compte 13,5 millions d'euros de pertes indirectes en 2024. Avons-nous assez de vaccins adaptés aux variants ? Je plaide aussi pour une politique européenne plus offensive. Et qu'en est-il du fonds d'indemnisation ? Car les pertes de certains éleveurs sont terribles et cela crée du mal-être dans les familles.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Dès mon arrivée au ministère, mon obsession a été de gérer cette crise sanitaire qui frappe nos filières ovine, bovine et caprine.
Les vaccins contre la FCO 3 sont disponibles, les vétérinaires peuvent les commander et j'invite les éleveurs à faire vacciner leurs troupeaux : c'est la meilleure prévention. L'État a commandé 14 millions de doses contre la FCO 8, pour 37 millions d'euros, qui seront mises gratuitement à la disposition des filières ovine et bovine - même s'il y a beaucoup moins de pertes directes en FCO 8 sur les bovins que sur les ovins. Nous avons également réussi à obtenir un vaccin contre la FCO 1 auprès d'un laboratoire étranger - car hélas, nous ne sommes pas souverains sur le plan sanitaire - afin de créer une barrière sanitaire.
Dès mon arrivée, j'ai mis en place un fonds d'indemnisation de 75 millions d'euros. C'est le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), financé à 65 % par l'État, qui prendra en charge les pertes indirectes.
M. Daniel Gremillet. - Les taux de mortalité sont importants, y compris dans les élevages bovins. (Mme Annie Genevard le conteste.) Regardez les chiffres de l'équarrissage !
Mme Annie Genevard, ministre. - Je les ai.
M. Daniel Gremillet. - C'est un éleveur qui vous parle !
Le fonds d'indemnisation n'est pas à la hauteur. Ne faudrait-il pas une politique européenne plus offensive ?
Compostage de la laine
M. Jean-Claude Anglars . - Les exigences sanitaires relatives au compostage de la laine en suint sont plus strictes que pour d'autres sous-produits animaux, comme le lisier. La classification de la laine, matière naturelle aux multiples propriétés agronomiques et environnementales, en sous-produit animal de catégorie 3 entraîne de fortes contraintes en matière de collecte et de traitement. En l'absence de filière structurée, le co-compostage avec du fumier constitue, en dehors de l'incinération, la seule solution viable.
Or, pour composter de la laine en ferme, les exploitants doivent disposer d'un agrément sanitaire identique à celui exigé pour les plateformes industrielles, avec des exigences techniques difficilement atteignables. Certaines dérogations et souplesses existent, mais elles ne concernent jamais la laine. Allez-vous alléger la réglementation et prévoir une simple procédure d'enregistrement en lieu et place de l'agrément sanitaire, comme c'est déjà le cas pour le lisier ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Les difficultés de valorisation de la laine sont bien connues de mes services, qui accompagnent le secteur ovin dans la structuration d'une filière laine. Ils travaillent à l'élaboration d'un dossier type de demande d'agrément sanitaire. Une expérimentation, lancée en juin 2024, est en cours dans deux exploitations agricoles pilotes, pour déterminer le processus de compostage à la ferme le plus adapté. Mes services ont également saisi l'Anses afin d'identifier les risques pour la santé humaine, la santé animale et pour l'environnement et faire des recommandations d'ici à octobre 2025.
M. Jean-Claude Anglars. - Je vois que vous êtes engagée sur ce sujet crucial pour le département de l'Aveyron, qui compte près d'un million de brebis.
Installation des jeunes agriculteurs
M. Bruno Rojouan . - Notre tissu agricole s'érode, menaçant la vitalité de nos territoires ruraux. En cinquante ans, le nombre d'agriculteurs est passé de 1,6 million à moins de 500 000 et la moitié des chefs d'exploitation ont plus de 55 ans. Alors que le renouvellement générationnel est urgent, les jeunes peinent à s'installer, notamment dans l'Allier où seuls deux départs sur trois sont remplacés.
L'accès au foncier reste un frein majeur : rareté des terres disponibles, prix élevé, procédures administratives complexes, difficile accès au crédit, etc. Il est pourtant crucial de soutenir toutes les initiatives qui participent à la relocalisation de l'alimentation, à la préservation de l'environnement, à la résilience des territoires et à la souveraineté alimentaire. Comment allez-vous lever ces freins et faciliter l'installation des jeunes agriculteurs ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Oui, les jeunes doivent accéder au foncier ; c'est indispensable pour le renouvellement des générations. Nos outils sont tournés vers l'installation des jeunes. Ainsi, en 2023, les Safer ont soutenu 2 800 installations, correspondant au tiers des surfaces rétrocédées. La loi Sempastous a permis de libérer du foncier sous forme de bail ou de cession, quasi exclusivement à destination des jeunes. Je salue également le bon démarrage du fonds Entrepreneurs du vivant, doté de 400 millions d'euros. Les jeunes agriculteurs peuvent ainsi consacrer l'essentiel de leurs investissements au démarrage de leur entreprise et acquérir le foncier quelques années plus tard.
L'initiative nationale pour l'agriculture française (Inaf), instrument de garantie innovant, a permis de financer des projets d'investissement, dont 70 % de jeunes agriculteurs. Le lancement de la phase 2 est imminent, avec 2 milliards d'euros de prêts distribués par quatre partenaires bancaires.
Enfin, le réseau France Services Agriculture, créé par la loi d'orientation agricole, accompagnera tous les porteurs de projet à compter du 1er janvier 2027.
Préemption
M. Daniel Gueret . - Il existe une contradiction juridique entre le droit de préemption des communes, prioritaire sur celui de la Safer en zone agricole, et la limitation du droit de préemption communale aux seules zones urbaines ou à urbaniser. De nombreuses petites parcelles à proximité des zones urbanisées n'étant pas préemptées par les Safer, les communes doivent les acquérir au prix proposé par le vendeur - et non à celui évalué par les domaines. La jurisprudence reconnaît toutefois l'existence d'un droit de préemption de la commune quelle que soit la nature de la zone concernée. Pourquoi ne pas autoriser les Safer à déléguer leur droit de préemption à la commune ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Son droit de préemption permet à la Safer d'acquérir des terrains pour y maintenir l'activité agricole, c'est important. En cas de préemption d'un même bien, la commune - comme l'État et toutes les collectivités publiques - est prioritaire sur la Safer. La commune a toujours la possibilité de proposer une autre offre en révision de prix ; à défaut d'acceptation, elle peut faire fixer le prix par la juridiction compétente.
L'exercice de cette préemption doit néanmoins répondre à des motifs d'intérêt général et ne saurait donc se substituer à celui des Safer que dans des cas bien identifiés, faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique. De plus, l'État et les collectivités usent parfois de leur droit de préemption au profit de projets agricoles.
Je souhaite qu'un rapport soit remis au Parlement afin de préciser l'articulation entre ces différents droits de préemption et de faire des propositions d'amélioration.
M. Daniel Gueret. - Ce rapport est une excellente initiative pour clarifier une situation ambiguë et délicate pour les maires. J'y serai attentif.
Sécuriser la procédure de démission d'un élu
M. Aymeric Durox . - C'est avec satisfaction que j'ai appris, hier, la suspension par le tribunal administratif de Strasbourg de la démission forcée de M. Julien Ruaro, conseiller municipal de Coin-lès-Cuvry en Moselle. Voilà enfin son honneur restauré, la veille de ma question au Gouvernement ! Quel heureux hasard qui fait si bien les choses. Je salue également l'extrême célérité du préfet de Moselle qui l'a prévenu dans l'heure. Je suis ravi d'avoir accéléré, par ma question, la restauration dans ses droits d'un citoyen privé injustement de son mandat d'élu.
Néanmoins, avec le développement des nouvelles technologies, il pourrait y avoir de nouveaux Julien Ruaro, démissionnaires involontaires, victimes de personnes mal intentionnées.
Je vous demande de sécuriser urgemment les mandats des conseillers municipaux, par une vérification systématique de l'authenticité des démissions par un organisme indépendant, l'obligation d'informer l'élu concerné avant toute prise d'acte définitive et la mise en place d'une procédure de contestation rapide en cas de doute.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Nous sommes ravis de la décision rendue.
La démission d'un conseiller municipal doit être adressée au maire, dans un document écrit sans équivoque, daté et signé librement. Si un maire a connaissance d'éléments de pression sur le démissionnaire, il doit demander à ce dernier de confirmer sa décision. S'assurer de la validité matérielle de la lettre relève de sa responsabilité, et le juge administratif veille au respect de cette exigence.
La loi prévoit que la démission est définitive dès réception du document par le maire, qui n'a aucun pouvoir d'appréciation, sauf en cas de suspicion de pression.
Saluons, en l'espèce, la rapidité du tribunal administratif et de la préfecture.
Nous pourrions examiner comment sécuriser davantage cette procédure lors de l'examen du texte sur le statut de l'élu.
M. Aymeric Durox. - Alors que le maire peut se révéler complice, la vérification de la lettre par une autorité indépendante me paraît nécessaire.
Projet d'implantation d'une brigade de gendarmerie à Aincourt
M. Daniel Fargeot . - Le 2 octobre 2023, le Président de la République annonçait le déploiement de 283 nouvelles brigades de gendarmerie d'ici à 2027, dont une à Aincourt, dans le sud-ouest du Vexin, un secteur rural du Val-d'Oise particulièrement exposé. Cette implantation très attendue répond à un besoin objectif de sécurité dans un territoire à la fois touristique, proche de grands pôles urbains et éloigné de toute présence opérationnelle.
Malgré l'identification du terrain et la possibilité d'une installation rapide dans des bâtiments modulaires, le projet semble au point mort depuis plus d'un an. Alors qu'une révision du PLU est nécessaire, aucune information concrète n'a été transmise, ni aux élus, ni aux services concernés.
L'incompréhension grandit, d'autant que ce territoire a déjà perdu une brigade en 2009. Les discours actuels sur la maîtrise de la dépense publique font craindre un abandon du projet.
Où en est-on ? Quelles sont les prochaines étapes et selon quel calendrier ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Déjà 80 des 239 nouvelles brigades ont été installées dans 64 départements de l'Hexagone et 8 en outre-mer, en 2024. Le Gouvernement souhaite poursuivre ce déploiement. Dans le Val-d'Oise, une brigade mobile a été créée à Domont et est opérationnelle depuis juillet dernier. En effet, une brigade fixe doit être implantée à Aincourt. Le projet n'est aucunement remis en cause mais il reste un arbitrage financier à rendre avant de pouvoir engager définitivement la création de cette brigade.
M. Daniel Fargeot. - Je transmettrai vos propos rassurants à tous les acteurs du territoire.
Déplacement du commissariat de Gap
M. Jean-Michel Arnaud . - Le 13 mars dernier, le Gouvernement a confirmé le principe d'un déplacement du commissariat de Gap, actuellement hébergé dans la cité administrative Desmichels, vers le bâtiment occupé par la Banque de France.
Dès le 13 juillet 2021, j'avais interpellé le Gouvernement sur la baisse des effectifs ainsi que sur la vétusté des locaux du commissariat. Je me réjouis donc de cette annonce. Néanmoins se pose la question de la création d'un hôtel des polices mutualisé, réunissant la direction interdépartementale de la police nationale, les douanes et la police municipale, ainsi que le centre de surveillance urbaine de Gap. Quand la police nationale déménagera-t-elle ? Le Gouvernement soutient-il le regroupement des services, qui a reçu l'approbation du maire de Gap ?
Alors qu'un programme de modernisation de la cité administrative Desmichels a été engagé depuis plusieurs années, et qu'en 2021, il m'avait été indiqué que la création du secrétariat général commun départemental au sein de la préfecture devrait conduire à des modifications dans l'occupation de la cité administrative, quelles mesures seront prises pour valoriser la cité administrative ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Le Parlement a préservé les crédits du ministère de l'intérieur pour 2025, ce qui permet de continuer à aménager et construire des commissariats de police et des brigades de gendarmerie.
Le projet de regroupement dans la cité administrative Desmichels n'est pas remis en cause, mais les surfaces disponibles ne répondent pas aux besoins totaux. Le bâtiment occupé actuellement par la Banque de France, qui devrait se libérer courant 2026, sera examiné pour reloger les services de police, car il répond à ses besoins. Néanmoins, le budget ne permet pas de mener cette année les études de faisabilité, auxquelles l'éventuelle création d'un hôtel de police regroupant les différents services sera intégrée.
Dans l'attente, les locaux actuels font l'objet de travaux réguliers : l'accueil a été rénové en 2017 ; en 2020 et au cours des cinq premiers mois de 2021, plus de 50 000 euros ont été engagés.
M. Jean-Michel Arnaud. - Je remercie le ministre de ces précisions. Il est important d'engager rapidement ces études. Le maire de Gap est particulièrement attaché à la sécurité de sa ville. Nous avons le souvenir de l'abandon d'un projet sur le parc de la Commanderie, il y a plusieurs années. Les Gapençais ne doivent pas pâtir d'une sécurité à demi-prix.
Reconnaissance de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires
Mme Elsa Schalck . - Maillons essentiels de la sécurité et de la protection des citoyens, les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % des effectifs de pompiers et réalisent 67 % du temps d'intervention globale. Leur caractère indispensable n'est plus à démontrer.
En 2023, nous avons voté une bonification de trimestres de retraite en leur faveur, afin de reconnaître leur engagement. Or nous attendons toujours le décret d'application. Ce retard empêche les sapeurs-pompiers volontaires de bénéficier de leurs nouveaux droits. Ce serait pourtant déterminant, alors qu'il en manque 50 000 dans notre pays.
À l'heure où ils subissent des violences totalement inacceptables, il est essentiel de les soutenir, alors qu'ils s'engagent et sacrifient leur temps pour aider, secourir et protéger, parfois au péril de leur vie.
Quand les sapeurs-pompiers volontaires pourront-ils enfin bénéficier de cette bonification ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Quelque 200 000 sapeurs-pompiers volontaires s'engagent au quotidien, aux côtés de 42 000 professionnels. Il faut leur rendre hommage. Souvenons-nous de l'agression de Niccolo Scardi à Évian, il y a quinze jours.
Nous souhaitons protéger notre modèle. La loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2023 prévoit que les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli plus de dix ans de service bénéficient de trimestres de retraite, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. C'est ce décret que nous attendons.
Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, nous avons repris ce dossier. Nous sommes favorables à ce que l'attribution de trimestres soit progressive et s'ajoute à des années complètes de cotisation. La concertation nécessite du temps.
En pratique, deux réunions interministérielles auront lieu cette semaine et la semaine prochaine pour trouver un accord sur la rédaction définitive du décret. L'objectif est une publication avant la fin juin, car les choses ont sans doute trop duré.
Mme Elsa Schalck. - Merci de cette réponse. Je ne doutais pas de la détermination du ministère de l'intérieur. Il est temps se mettre en adéquation avec ce que nous votons.
Projet de base aérienne de sécurité civile à Mont-de-Marsan
M. Hervé Gillé . - Une seconde base aérienne de sécurité civile à Mont-de-Marsan avait été annoncée à la suite des incendies dramatiques de l'été 2022 - c'était un souhait du président de la République, confirmé le 2 août 2023 par Gérald Darmanin. Cette annonce avait suscité une attente très forte dans les Landes et en Gironde, où s'étend le plus vaste massif de résineux d'Europe.
Or, nous avons récemment appris par courrier que ce projet n'était plus prévu. Ce désengagement soudain est incompréhensible. Pourquoi un tel changement, alors même que le dérèglement climatique accroît la fréquence et la violence des feux de forêt ?
Certes, la Gironde bénéficie du déploiement saisonnier de quatre avions Air Tractor et d'un hélicoptère bombardier d'eau, mais rien ne garantit leur maintien.
Pourquoi ce revirement ? Les moyens actuellement déployés seront-ils pérennisés ? Réévaluerez-vous l'opportunité de doter durablement le Sud-Ouest d'une implantation renforcée des moyens de la sécurité civile ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Lors des deux dernières saisons, des moyens aériens de la flotte de sécurité civile - un Dash, six Air-Tractor et un hélicoptère bombardier d'eau loués - ont été prépositionnés sur des aérodromes militaires de la zone concernée, accompagnés de toute la chaîne logistique nécessaire.
Ce prépositionnement estival, entre le 16 juillet et le 30 septembre 2024, a donné des résultats opérationnels très satisfaisants. Au total, ces moyens ont été engagés sur dix feux de forêt et de nombreux guets aériens. Le coût s'est élevé à 6,5 millions d'euros.
Ces détachements saisonniers seront reconduits pour 2025 et les années à venir. Ils pourront être complétés par d'autres moyens aériens. Ce dispositif agile et adaptable est piloté par un centre national de coordination avancé de sécurité civile.
Dans le contexte budgétaire actuel, les crédits d'investissement de la sécurité civile sont prioritairement orientés vers le renouvellement de la flotte d'aéronefs. La flotte d'hélicoptères est en cours de renouvellement pour 450 millions d'euros ; la flotte d'avions doit également faire l'objet d'une programmation budgétaire pluriannuelle pour être remplacée et renforcée.
Au-delà, le Beauvau de la sécurité civile est l'occasion de réfléchir à l'ambition capacitaire de nos moyens nationaux de sécurité civile et leur maillage territorial.
M. Hervé Gillé. - Vous confirmez donc l'abandon de la seconde base aérienne à Mont-de-Marsan. C'était pourtant une promesse du Président de la République et du ministre Darmanin.
Brigade de gendarmerie de Vivonne
M. Bruno Belin . - Je veux saluer le travail du colonel Assou, patron de la gendarmerie dans la Vienne, et les 550 gendarmes sous sa responsabilité.
Les sujets de préoccupation sont nombreux. La Vienne accueille notamment le centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne. Conçu pour 600 détenus, il en accueille 976... Cela implique des allers-retours, et fait peser sur la brigade de Vivonne la charge des enquêtes judiciaires. Ne faudrait-il pas créer une unité particulière chargée des questions de police judiciaire pour décharger la brigade de Vivonne ?
Les travaux dans les gendarmeries de Loudun et de Civray supposent de maintenir les ressources humaines sur le territoire et de dégager des moyens nouveaux. Une brigade nouvelle a été créée à Scorbé-Clairvaux l'année dernière ; quid de celle de Fontaine-le-Comte ? Aurons-nous les effectifs pour les faire fonctionner ?
Il y a besoin de ressources humaines et de nouveaux postes dans le département de la Vienne, monsieur le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Pour recentrer l'action des gendarmes et des policiers sur leur coeur de métier, un plan de transfert à l'administration pénitentiaire des missions de transfèrement et d'extraction judiciaires a été engagé en 2011. Il s'est accompagné du transfert de plus d'un millier d'ETP. La circulaire de juin 2024 réaffirme la volonté de limiter le recours aux gendarmes et aux policiers. Nous poursuivons l'optimisation des ressources en systématisant le recours aux visioconférences avec les magistrats.
Le surcroît d'activité induit par la présence d'un centre pénitentiaire est pris en compte dans le calibrage des effectifs. Depuis début 2025, la gendarmerie de Vivonne a assuré 62 transfèrements judiciaires ; elle assume également une activité de police judiciaire en lien avec le centre pénitentiaire. Outre la création de dix-sept postes depuis 2007, la brigade bénéficie d'un groupe d'appui judiciaire dédié, tenu par des réservistes opérationnels.
Dans ce contexte, il n'est pas envisagé de créer de brigade spécifiquement dédiée aux extractions judiciaires, mission qui n'est plus de la compétence du ministère de l'intérieur. De plus, dans le cadre du plan 239 brigades, les dix militaires de la future brigade de Fontaine-le-Comte pourront appuyer la brigade limitrophe de Vivonne.
M. Bruno Belin. - Dernièrement, un détenu de Vivonne a été transféré à la demande d'un magistrat pour une audition de quelques minutes à Toulouse, ce qui a nécessité quinze gendarmes. Facilitons donc les visioconférences ! J'ai pris note des dix postes créés à Fontaine-le-Comte : nous avons besoin d'unités supplémentaires autour de la maison d'arrêt de Vivonne.
Privatisation des lignes de bus de petite couronne
M. Fabien Gay . - Le processus de privatisation de la RATP s'est accompagné, sans surprise, d'une dégradation de la qualité du service et des conditions de travail. Pourtant, le conseil d'administration d'IDF Mobilités a voté le 10 avril une nouvelle vague de privatisation de 37 lignes de bus, au profit de Transdev et d'ATM ; en tout, 350 lignes sont concernées. À Paris et dans mon département, Transdev gérera, dès mai 2026, deux dépôts de bus et 19 lignes.
L'observatoire sur les impacts de ce processus, promis par Jean Castex, est resté lettre morte. Le projet avance sans évaluation sérieuse et sans égard pour les 70 000 signataires de la pétition Stop Galère ; il coûtera au bas mot 5 milliards d'euros aux usagers et usagères.
Rien n'oblige pourtant à cette privatisation fondée sur le moins-disant social. Cette logique imposée par IDF Mobilités, sourde aux revendications des élus locaux, des salariés et des usagers, n'a qu'un but : brader nos services publics d'intérêt général. Le pire reste à venir.
Avez-vous évalué les effets de la première vague de privatisation ? Allez-vous écouter ceux qui dénoncent la dégradation des conditions de travail et de l'offre de transport ? Comptez-vous mettre un terme à la vente à la découpe de la RATP et réaffirmer son statut public ? Bref, allez-vous suspendre ou cesser cette privatisation qui pénalise les villes et les quartiers les plus populaires, là où le service public garantit l'égalité en matière de desserte ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Veuillez excuser Philippe Tabarot, retenu par la conférence Ambition France Transports.
L'ouverture à la concurrence des transports collectifs franciliens découle des engagements européens de la France. Des opérateurs privés de transport collectif sont déjà présents depuis des années dans de grandes métropoles françaises. L'ouverture à la concurrence a permis aux opérateurs français de conquérir de nouveaux marchés à l'international, ce qui implique un principe de réciprocité.
En Île-de-France, l'organisation des transports urbains relève non de l'État, mais d'Île-de-France Mobilités, qui s'est appuyée sur la première vague d'ouverture à la concurrence en grande couronne, le réseau Optile, pour préparer celle du réseau historique des bus parisiens.
L'attribution des lots mis en concurrence se fait sur la base de critères techniques, économiques et sociaux ambitieux, afin de garantir la qualité de service pour les usagers.
Les salariés de la RATP transférés aux nouveaux attributaires bénéficient d'un cadre social de haut niveau : la loi garantit le maintien de la rémunération nette, de la garantie d'emploi et du régime spécial de retraite de la RATP.
État des ponts
Mme Mireille Conte Jaubert . - En 2019, à la suite du drame de Gênes, une mission d'information du Sénat rendait un rapport alarmant sur nos ponts : plus de 25 000 étaient dans un mauvais état structurel, d'où un risque sécuritaire fort.
Le programme national Ponts Travaux, lancé en 2024, prolongé jusqu'en 2026 et doté de 55 millions d'euros, devait permettre aux collectivités d'engager les travaux nécessaires. Toutefois, les règles pour y prétendre s'avèrent toujours trop restrictives, interdisant à nombre de communes d'en bénéficier.
C'est le cas de la commune d'Hure, en Gironde, dont deux des quatre ponts nécessitent des travaux de consolidation. Le Cerema considère qu'elle est éligible, mais elle se heurte au critère financier : son devis, estimé à 12 200 euros, est inférieur au montant minimum des travaux, qui est de 40 000 euros. Selon l'Association des maires de France (AMF), les critères relatifs à la largeur des ponts, ou encore la complexité des montages des dossiers, empêchent également nos communes de recourir à ce dispositif.
Allez-vous assouplir les critères d'éligibilité et renforcer le soutien financier et humain pour nos communes ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Le travail du Sénat sur la sécurité des ponts a mis en lumière le besoin d'accompagnement des petites communes. Le Gouvernement en a pris acte et a mis en place, en 2020, un programme national qui a permis à 14 800 communes de bénéficier d'une évaluation gratuite de leurs ouvrages, puis, en 2023, un guichet de subventions doté de 55 millions d'euros. Le montant des subventions accordées est à ce jour de 26,8 millions. Aucun dossier n'est donc bloqué faute de moyens.
La commune d'Hure n'a pas encore déposé de demande de subvention. Je l'incite à le faire : le Cerema peut l'aider grâce au dispositif SOS Ponts.
La constitution des dossiers et les critères d'éligibilité ont été assouplis, en lien avec l'AMF, pour être plus adaptés aux petites communes. Les demandes peuvent être déposées directement sur le site http://www.demarches-simplifiees.fr. Le seuil d'éligibilité a été réduit à 20 000 euros pour les murs de soutènement. Pour les ponts, il apparaît que les dossiers inférieurs à 40 000 euros sont parfois sous-estimés, ou ne relèvent pas de réparations structurelles, mais plutôt de réparations d'urgence. Néanmoins, le montant des travaux d'urgence peut être intégré au coût total de l'opération si des travaux de remise en état structurels sont engagés ensuite.
Sécurisation de la RN 248
M. Philippe Mouiller . - La portion de la RN 248 entre les communes deux-sévriennes de Granzay-Gript et Frontenay-Rohan-Rohan est très dangereuse : sur dix kilomètres, en ligne droite, quatre carrefours et deux intersections avec des départementales. Or les habitants sont amenés à traverser quotidiennement cet axe sur lequel le trafic est très dense.
Malgré 23 accidents, 13 décès, 31 blessés graves et 15 blessés légers au cours de la dernière décennie, rien n'a été fait. Pourtant, vos prédécesseurs ont reconnu le caractère prioritaire de cet axe, et le contrat de plan État-région (CPER) 2015-2020 préconise la sécurisation de la RN248 à hauteur de Frontenay-Rohan-Rohan, pour 16 millions d'euros - mais aucun aménagement n'a été entrepris.
À ma question orale du 22 février 2017, le ministre des transports de l'époque avait répondu être conscient de la nécessité d'un aménagement améliorant la gestion des flux des réseaux secondaires en organisant l'échange en un seul point avec la RN248 par un carrefour dénivelé. En 2018, Élisabeth Borne, à la tête du même ministère, disait avoir conscience des enjeux de sécurité et identifier deux carrefours avec le réseau secondaire départemental nécessitant des aménagements de sécurité.
Concrètement, que compte faire le Gouvernement pour faire avancer ce dossier ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Vous connaissez l'attention que porte le ministre Philippe Tabarot à la sécurité des transports : c'est une priorité des services de l'État, gestionnaire des routes nationales. Des études sont régulièrement conduites pour décider d'éventuels aménagements en fonction des diagnostics et des priorités.
On déplore neuf accidents graves, dont trois mortels, sur la RN 248 au cours de la dernière décennie. Ils sont liés au comportement des conducteurs, non à l'infrastructure. Une étude de sécurité a néanmoins été réalisée et n'a pas identifié de besoin d'aménagement de sécurité majeur.
Le CPER 2015-2020 prévoyait en effet une opération d'aménagement de la RN248 sur la section comprise entre Granzay-Gript et Frontenay-Rohan-Rohan. Toutefois, dans le cadre d'un avenant à ce CPER, ce financement a été redéployé, en accord avec l'ensemble des partenaires, au profit d'autres opérations. Lors des discussions sur le CPER 2023-2027, cet axe n'a pas été jugé prioritaire, en accord avec la région Nouvelle-Aquitaine.
Néanmoins, l'État a réalisé depuis 2020 plusieurs travaux d'amélioration de sécurité : îlots, reprofilage de chaussée, renforcement de la signalisation, dispositifs de retenue, rénovation de chaussée, dispositifs d'alerte sonore. Le renouvellement de la signalisation directionnelle est également prévu. Soyez assurés de l'écoute du ministre Tabarot et de ses équipes.
Faits de violences sexistes et sexuelles au sein d'Air France
Mme Sophie Briante Guillemont . - Il y a trois mois, une enquête de Radio France révélait de graves faits de violences sexistes et sexuelles au sein de la compagnie Air France - des faits déjà connus de la direction d'Air France, des syndicats et de nombreux acteurs. Alors que l'État est actionnaire d'Air France à hauteur de 28 %, quelles mesures ont été prises ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Le Gouvernement prend toute la mesure de la gravité des faits dénoncés. Dès le mois de février 2025, la direction d'Air France a été reçue au ministère des transports pour rendre compte de la situation et détailler les mesures correctrices qu'elle entendait mettre en oeuvre.
À l'issue de cette rencontre, la compagnie a annoncé un plan d'action renforcé : création d'une cellule d'écoute externe, confidentielle et accessible à tout moment ; rattachement direct à la direction des ressources humaines d'un service dédié à la lutte contre les discriminations, le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles ; renforcement des dispositifs existants de prévention, d'accompagnement des victimes, mais aussi des sanctions disciplinaires ; enfin, généralisation d'actions de formation et de sensibilisation.
Ces mesures font l'objet d'un suivi. L'État, en tant qu'actionnaire, est très attentif au traitement des faits de violences sexistes et sexuelles, mais la responsabilité première incombe à l'employeur qui doit, conformément à la législation du travail, assurer la protection des victimes et prendre les mesures disciplinaires. Le contrôle du respect de ces obligations relève de l'inspection du travail.
Le Gouvernement est déterminé à garantir un environnement de travail respectueux et sûr pour l'ensemble des personnels d'Air France, comme pour les salariés de toute entreprise.
Mme Sophie Briante Guillemont. - Si l'on peut se féliciter de ces mesures, j'espère qu'il ne s'agira pas de pure communication. Les victimes, nombreuses à me contacter depuis ma question écrite - restée sans réponse, d'où cette question orale - n'ont pas été valorisées mais plutôt incitées à se taire ; certaines sont en arrêt maladie, ou ont quitté la compagnie.
C'est aussi un sujet de sécurité aérienne. L'absence de protocole en cas d'agression sexuelle ou sexiste, en vol ou en escale, met aussi en péril les passagers.
Enfin, j'invite l'État et Air France à s'inspirer des pratiques d'EasyJet : le signalement de cas de harcèlement, dans le cadre du mécanisme Speak-Up, Speak-Out, provoque une mise au sol immédiate et une enquête interne.
J'aurai peut-être l'occasion de réinterroger le ministre des transports sur ce sujet.
Ligne nouvelle Paris-Normandie
M. Sébastien Fagnen . - Alors que se profile la fermeture complète, en 2028 ou 2029, de la ligne ferroviaire Paris-Évreux-Caen-Cherbourg, pour des travaux sur le remblai d'Apremont, symbole d'un sous-investissement ferroviaire chronique en Normandie, il est urgent de soutenir la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN).
Ce projet d'intérêt national est vital. Le vieillissement des infrastructures et la densité du trafic entre les lignes normandes et franciliennes à partir de Mantes-la-Jolie rendent la liaison entre la Normandie et la capitale aléatoire, ce qui affecte les milliers d'usagers quotidiens.
La LNPN doit améliorer fréquence, régularité, ponctualité et temps de parcours. Elle permettra le désenclavement réel de la région et renforcera son dynamisme économique, notamment dans la vallée de la Seine, avec Haropa, et dans le Cotentin, avec le programme Aval du futur d'Orano.
Le projet revêt également un intérêt écologique majeur en favorisant le report modal vers des solutions décarbonées, tant pour les voyageurs que les marchandises. L'Île-de-France en bénéficierait également : les Yvelines dépendent déjà des trains normands. La libération du sillon ferroviaire améliorera la logistique et l'approvisionnement de la région.
Ce projet, soutenu par tous les gouvernements depuis quinze ans, a déjà mobilisé plus de 100 millions d'euros. Le 30 octobre 2024, le ministre François Durovray annonçait la nomination d'un nouveau préfet coordonnateur pour l'aménagement de la vallée de la Seine. Quelle impulsion le Gouvernement entend-il donner à ce projet structurant ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Le Gouvernement reste pleinement engagé. La LNPN doit améliorer la desserte entre Paris, la vallée de la Seine et les grandes villes normandes, tant pour les voyageurs que pour le fret.
Les voies nouvelles libéreront de la capacité sur les lignes existantes, au bénéfice des mobilités du quotidien. Les préoccupations exprimées par la région Île-de-France sont légitimes et feront l'objet de réponses précises, conciliant besoins des usagers et qualité de vie des riverains.
La nomination par le Premier ministre de M. Serge Castel, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, a relancé la dynamique. Il a rencontré les élus concernés et présidera prochainement un comité de pilotage en présence du ministre des transports : ce sera un nouveau point de départ pour la LNPN.
Programme Petites villes de demain
M. Patrice Joly . - Le programme Petites villes de demain, lancé en 2020, a renforcé l'ingénierie territoriale des petites centralités et consolidé leur rôle structurant dans les territoires ruraux. Plus de 1 600 communes et intercommunalités, représentant 7 millions d'habitants, en ont bénéficié. Dans la Nièvre, près de 500 études ont été financées et 14 postes de chefs de projet créés grâce à un partenariat entre l'État, la Banque des territoires et le conseil départemental.
Pourtant, à l'heure où les collectivités rurales affrontent une crise financière aiguë - épargne brute en chute, endettement croissant, charges de centralité accrues -, l'avenir de ce programme reste incertain. Son arrêt est annoncé pour mars 2026, sans garantie de prolongation. Cette absence de perspective inquiète les élus locaux, car une interruption brutale compromettrait les avancées obtenues et fragiliserait durablement le dynamisme des petites villes.
Dans ce contexte de fortes contraintes budgétaires, le Gouvernement entend-il prolonger Petites villes de demain au-delà de 2026, et à quelles conditions ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Le programme a été pensé dès l'origine pour s'achever en 2026, mais son utilité est reconnue. Il apporte un soutien essentiel en ingénierie, avec des chefs de projet financés à 76 % par l'État, des mesures thématiques cofinancées, un réseau d'échanges entre communes, et une dynamique de revitalisation locale. Plus de 353 000 logements ont ainsi été rénovés, pour un engagement de 3,7 milliards d'euros.
L'avenir du programme doit être construit collectivement. Une évaluation est en cours, menée par les sous-préfets à la ruralité et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Elle s'inscrit dans le cadre de mon tour de France de la ruralité. J'ai déjà rencontré les élus de 34 départements, dont le vôtre, pour nourrir cette réflexion.
M. Patrice Joly. - L'efficacité d'un programme repose sur la continuité de son financement. L'État doit éviter des économies de bouts de chandelle aux lourdes conséquences locales. La ruralité ne peut être une variable d'ajustement budgétaire. Elle incarne un pilier de la République et l'égalité des chances, que l'on vive en ville ou à la campagne.
Tombes abandonnées
Mme Else Joseph . - Ma question porte sur un sujet sensible : le respect dû aux morts, principe fondamental de notre civilisation, qui se traduit par l'entretien des lieux funéraires. C'est une mission obligatoire des communes, souvent lourde de contraintes, notamment lorsqu'il s'agit de reprendre des tombes abandonnées, faute de place dans les cimetières.
Ces reprises impliquent la construction d'ossuaires et des opérations d'exhumation. Or un flou juridique entoure les procédés admis pour le traitement des restes humains. Des entreprises utilisent des sacs à ossements, moins coûteux et moins encombrants que les reliquaires en bois, entièrement à la charge des communes. Cependant, un doute persiste sur la légalité de cette pratique, en raison de la confusion entre exhumations civiles, sur l'initiative des familles, et exhumations administratives, menées par les communes pour récupérer des concessions abandonnées.
Les élus souhaitent des instructions claires : ils veulent non pas cracher sur nos tombes, mais agir en conformité avec la loi, dans le respect des défunts, sans risquer ni irrégularités ni surcoûts ! Que prévoit le Gouvernement pour encadrer cette démarche essentielle, mais délicate ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Vous évoquez un sujet à la fois sacré et complexe. Le droit en vigueur ne définit pas précisément les équipements autorisés lors des exhumations. Le code général des collectivités territoriales mentionne la possibilité de placer les corps dans un cercueil ou une boîte à ossements de dimensions appropriées lorsque le cercueil initial est détérioré. Aucune norme juridique ne régit spécifiquement les contenants utilisés.
Ainsi, les sacs à ossements, couramment employés par les opérateurs funéraires et certaines communes, ne sont pas interdits. Le Conseil national des opérations funéraires a estimé qu'ils peuvent être utilisés, à condition que la manipulation des restes se fasse dans le respect, la dignité et la décence.
Le dispositif n'est donc pas incompatible avec le droit. Nous pourrons envisager une communication plus claire à destination des maires.
Mme Else Joseph. - Merci pour ces précisions. Les contraintes pesant sur les maires ne cessent d'augmenter. Dans les Ardennes, la reprise de 17 sépultures a coûté 40 000 euros ; ailleurs, 50 tombes sont concernées. Votre soutien est indispensable.
Contrats d'assurances des collectivités territoriales
M. Pascal Martin . - Les collectivités territoriales et leurs syndicats rencontrent des difficultés croissantes pour assurer leurs bâtiments et flottes de véhicules. De nombreuses communes ne parviennent plus à souscrire de contrats d'assurance pour leurs biens publics, en raison de la montée des aléas climatiques, de la vétusté des infrastructures et de la hausse brutale des primes. Les bâtiments scolaires, infrastructures administratives ou techniques, véhicules de service ne sont parfois plus couverts. Des dizaines, voire des centaines de communes se trouvent plongées dans une précarité assurantielle préoccupante, remettant en cause leur fonctionnement quotidien et leur capacité à protéger leurs administrés.
Confrontées à cette situation ubuesque, les collectivités doivent être accompagnées, au moyen d'un fonds de soutien ou de réassurance publique, d'un assouplissement des règles de passation des marchés, ou d'une refonte des politiques tarifaires de l'assurance publique.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet qui affecte directement le coeur de l'action locale ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Le 14 avril dernier, le Roquelaure de l'assurabilité des territoires s'est tenu sur l'initiative du Premier ministre, en présence d'élus locaux et d'assureurs, sur la base du rapport de MM. Dagès et Chrétien et du rapport d'information de M. Jean-François Husson.
Plusieurs facteurs expliquent les blocages : sous-tarification chronique du marché, faible culture du risque dans les collectivités, rigidité des appels d'offres, et hausse des sinistres liés aux événements climatiques.
Un décret et un arrêté limiteront prochainement les franchises en cas de catastrophe naturelle. Un guide d'achat d'assurances destiné aux collectivités sera publié avant l'été. Un réseau de référents locaux et des formations viendront renforcer la culture du risque. Enfin, une cellule d'accompagnement, présidée par le médiateur de l'assurance, sera mise en place dès cet été.
Des discussions sont également engagées sur un dispositif de partage du risque, afin de restaurer l'assurabilité des collectivités, renforcer l'attractivité du marché et contenir les coûts grâce à un retour de la concurrence.
M. Pascal Martin. - Il y a urgence. Les maires, sous contrainte budgétaire, attendent des dispositifs rapidement opérationnels.
Troisième programmation pluriannuelle de l'énergie
M. Jean-Gérard Paumier . - En février 2022, le Président de la République annonçait, à Belfort, une reprise en main de notre destin énergétique par la relance du nucléaire civil. La troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), attendue pour 2023, devait concrétiser cet engagement. Pourtant, deux ans plus tard, le Gouvernement présente un texte par voie réglementaire, sans vote au Parlement.
Initialement, deux paliers étaient prévus : la construction de six, puis de huit nouveaux réacteurs. La PPE ne confirme aujourd'hui que le premier et reporte le second à une étude ultérieure, sans calendrier clair. Le Gouvernement souhaite-t-il vraiment relancer la filière nucléaire ?
Des territoires, comme la communauté de communes Chinon Vienne et Loire en Indre-et-Loire, attendaient avec impatience la publication de la liste des sites retenus, initialement prévue pour 2026. Ils déplorent le retard accumulé, source d'inquiétude pour la préparation des chantiers à venir.
Qu'est-ce qui motive ce recul ? Quelles sont les modalités de l'étude annoncée ? À quelle date sera publiée la liste des sites retenus ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - La stratégie énergétique du Gouvernement repose sur la relance du nucléaire civil. L'objectif reste la construction de six réacteurs, sur les sites de Penly, Gravelines et Bugey, et l'étude de huit réacteurs supplémentaires.
Sur les trois premiers sites, les débats publics sont achevés, les travaux préparatoires ont débuté à Penly en juillet 2024, et la décision finale d'investissement par EDF est attendue en 2026. Le soutien financier de l'État est en cours de finalisation et fera l'objet d'une notification à la Commission européenne.
La seconde phase est soumise à des études approfondies. Aucun site n'a encore été arrêté. Les critères retenus incluent l'acceptabilité locale, la faisabilité technique, la compatibilité avec le réseau électrique et la résilience au changement climatique. Ces études permettront de prendre une décision d'ici à 2026, sur la base d'une vision claire et soutenable.
M. Jean-Gérard Paumier. - L'annonce rapide des sites est essentielle. Les territoires concernés doivent pouvoir anticiper et se préparer, pour répondre à l'enjeu majeur de notre souveraineté énergétique.
Remise en cause des crédits de l'économie sociale et solidaire
M. Jean-Jacques Michau . - L'inquiétude est vive parmi les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS). De 19,2 millions d'euros l'année dernière, les crédits destinés au soutien de ce mode de développement économique devaient augmenter de 30 %. Mais cette enveloppe, déjà sous-dimensionnée par rapport aux besoins des 200 000 entreprises du secteur, vient d'être remise en cause par le Gouvernement devant le Conseil supérieur de l'ESS, provoquant la colère des acteurs.
Ces crédits financent des structures de proximité qui soutiennent l'ESS : chambres régionales, dispositifs locaux d'accompagnement. Les collectivités territoriales sont aussi contraintes de réduire leurs financements. Résultat : les acteurs de l'ESS sont plongés dans l'incertitude, et 186 000 emplois sont menacés d'après l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire. Un choc social est à craindre dès le second semestre de cette année.
Comment le Gouvernement entend-il répondre aux inquiétudes des acteurs de l'ESS devant ce qui s'apparente à un non-respect par l'État de ses engagements ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Ma collègue Véronique Louwagie est très attachée à l'ESS, qui conjugue utilité sociale, ancrage local et innovation. Le 3 mars dernier, le Gouvernement a présenté une feuille de route sur neuf mois pour soutenir cette autre manière de faire de l'économie.
Dans un contexte budgétaire contraint, marqué par des gels importants sur tous les programmes, nous pouvons nous réjouir de la stabilisation des crédits de l'ESS pour 2025. Le projet de loi de finances initial prévoyait une baisse de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 16,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Le texte issu de la CMP prévoyait une hausse de 10 millions d'euros, mais 7 millions d'euros de crédits gagés n'ont pu être levés.
Grâce à une gestion rigoureuse, le montant stabilisé pour cette année s'établit à 17,6 millions d'euros en AE et 20,5 millions d'euros en CP ; il permet de préserver des moyens d'action essentiels, dont le dispositif local d'accompagnement, qui soutient gratuitement 6 000 structures chaque année. Nous maintenons également les crédits des chambres régionales, qui jouent un rôle clé pour le secteur. La ligne budgétaire consacrée aux pôles territoriaux de coopération économique sera ajustée légèrement à la baisse, compte tenu de la sous-consommation historiquement constatée.
Malgré les contraintes, nous avons ainsi protégé les moyens de l'ESS. Mme Louwagie est à votre disposition pour approfondir avec vous la réflexion sur l'avenir du secteur.
Intégration des chambres d'hôtes dans le régime fiscal des meublés de tourisme
Mme Dominique Vérien . - La loi de 2024 relative aux meublés de tourisme soumet les chambres d'hôtes au régime fiscal des meublés de tourisme. Or cette assimilation ne tient pas compte des spécificités des chambres d'hôtes : elles ne proposent pas un logement entier, mais quelques chambres avec des prestations obligatoires, dans un cadre réglementaire strict.
L'abattement fiscal est abaissé de 71 à 50 % et le seuil de revenu annuel de 188 700 à 77 700 euros, ce qui menace la viabilité de nombreuses structures. C'est un frein pour le développement économique, l'attractivité et le désenclavement des zones rurales.
Une révision de ce dispositif est souhaitable, et le décret d'application à venir devrait introduire une distinction claire entre meublés de tourisme et chambres d'hôtes, permettant aux secondes de bénéficier d'un régime fiscal adapté à leurs spécificités économiques et réglementaires.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Par la loi du 19 novembre 2024, le législateur a souhaité mieux réguler l'offre de meublés de tourisme tout en permettant aux propriétaires de continuer à valoriser leur bien à travers des services spécifiques, grâce à une incitation au classement et à une reconnaissance du caractère particulier des activités de chambre d'hôtes.
Sur le plan fiscal, ces dernières bénéficient du régime micro-BIC dans la limite d'un chiffre d'affaires de 77 700 euros, avec un abattement de 50 %. Les gîtes ruraux, non définis en droit, sont considérés comme des meublés de tourisme ; ils bénéficient du même régime que les chambres d'hôtes lorsqu'ils sont classés. Les meublés de tourisme non classés bénéficient d'un abattement ramené de 50 à 30 % dans la limite d'un chiffre d'affaires de 15 000 euros.
Le Gouvernement a soutenu ce compromis trouvé en CMP, dans la mesure où il maintenait un abattement différencié pour inciter au classement. Le seuil de 77 700 euros paraît suffisamment élevé pour tenir compte de la situation des petits propriétaires de chambres d'hôtes ou de gîtes.
Les propriétaires de chambres d'hôtes ou de gîtes ruraux dont l'activité relève de la para-hôtellerie et qui supportent des charges supérieures à l'abattement de 50 % peuvent opter pour le régime réel.
Soucieuse de renforcer l'offre touristique, notamment en zone rurale, ma collègue Nathalie Delattre a lancé un groupe de travail sur le sujet. Par ailleurs, une mission parlementaire plus large sur l'agritourisme devrait être lancée.
Mme Dominique Vérien. - Je conteste l'assimilation des chambres d'hôtes aux gîtes. Dans les premières, un service hôtelier est rendu : ménage, petit-déjeuner. Les charges y sont très différentes de celles d'un gîte. Appliquer le même seul d'abattement me paraît donc injustifié. Quant au régime réel, il est beaucoup plus complexe, et les propriétaires de chambres d'hôtes rurales, qui s'occupent déjà de tout, n'ont pas besoin en plus de ce travail administratif.
Redevances liées aux concessions hydroélectriques
M. Stéphane Sautarel . - Nos 340 concessions hydroélectriques sont essentielles à notre mix énergétique.
Alors que des difficultés anciennes liées à la réglementation européenne se posent, le ministre Le Maire s'était engagé à trouver une issue avant la fin 2024. Il n'en a rien été. Un récent rapport parlementaire envisage trois orientations, le régime d'autorisation et la révision de la directive étant les plus prometteuses. Nous attendons avec impatience la position du Gouvernement.
S'agissant plus précisément des redevances, un système de délai glissant impose aux concessions échues, depuis 2020, de verser 40 % de leur bénéfice après impôt. Cette solution présente de nombreux inconvénients, notamment pour les investissements nécessaires sur les ouvrages, dont la programmation est perturbée et le financement rendu plus incertain. La disparition des délais glissants entraînerait celle de cette redevance spécifique, ce qui représenterait une perte directe non négligeable pour les collectivités territoriales. En 2023, le Gouvernement a modifié le calcul de la redevance, entraînant un manque à gagner et une imprévisibilité pour des collectivités déjà en proie à des difficultés financières croissantes.
Quel nouveau modèle de redevances et de répartition de leur produit allez-vous mettre en place et comment comptez-vous les valoriser au titre des aménités rurales ?
M. le président. - C'est une excellente question, qui se pose en Aveyron comme dans le Cantal...
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Le code de l'énergie prévoit en effet une redevance spécifique pour ces concessions. Elle est calculée de façon forfaitaire, par rapport à un prix de marché.
La crise de l'énergie, en 2022, a entraîné plusieurs difficultés. Les prix sur le marché de l'électricité ont atteint des niveaux inédits, en sorte que les redevances dues ont été parfois décorrélées des revenus des producteurs. Des aménagements ont été mis en oeuvre par un arrêté du 3 août 2023.
L'État a mis en place un bouclier tarifaire pour protéger les consommateurs, dont les collectivités territoriales. La loi de finances pour 2023 a instauré un plafond pour la part reversée aux collectivités, fixé à 100 euros par mégawattheure, et les recettes supplémentaires ont été reversées au budget général pour participer à la protection de tous les consommateurs. Ce plafond a été calculé pour garantir aux collectivités un niveau de recettes stable à hydrologie constante, même dans les situations de marché les plus défavorables. Le manque à gagner reste donc théorique. Au reste, les prix de marché étant actuellement inférieurs au prix plafond, ce plafonnement ne joue plus.
S'agissant du renouvellement des installations, le code de l'énergie prévoit une affectation à hauteur d'un tiers pour les départements, un douzième pour les communes et un douzième pour leurs groupements. Il n'est donc pas exact de parler de perte directe non négligeable pour les collectivités.
M. Stéphane Sautarel. - Merci pour vos réponses. Selon les chiffres dont je dispose, les redevances versées aux collectivités ont baissé en 2023. Nous avons besoin de lisibilité et de prévisibilité.
Coordination régionale des classes de défense
Mme Gisèle Jourda . - Une coordination régionale des classes de défense paraît nécessaire. Ces classes sont des projets interdisciplinaires et pluriannuels menés à l'initiative d'une équipe enseignante en partenariat avec une unité militaire marraine. Elles sont une expression essentielle du lien armée-jeunesse. Dans l'Aude, la classe de défense du collège La Nadière de Port-La-Nouvelle est rattachée à la Marine nationale.
Le principal atout de telles classes est leur dimension citoyenne. Elles permettent aux élèves de mesurer l'importance des questions de défense et de sécurité nationale pour notre pays. Elles suscitent également des vocations.
Quelque 475 classes de défense regroupent 11 875 élèves et plus de 200 entités militaires. Mais il n'existe aucune coordination régionale entre ces structures. Or une telle coordination permettrait de créer un réseau territorial favorisant l'organisation d'événements, les retours d'expérience, l'échange de bonnes pratiques. Par ailleurs, il existe peu, voire pas, de données sur les classes de défense dans les lycées.
Comment pensez-vous favoriser la mise en place d'une coordination régionale de ces classes ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Les classes de défense et de sécurité globale (CDSG) sont marrainées chacune par une unité militaire ou un corps en uniforme : c'est un dispositif emblématique de l'éducation à la défense.
Leur coordination est assurée par des trinômes académiques composés d'un représentant du rectorat, un de l'autorité militaire et un de l'IHEDN. Ce pilotage garantit la qualité du projet pédagogique et valorise les différentes unités qui maillent notre territoire et mènent par ailleurs bien d'autres actions d'animation territoriale - rallyes citoyens, formation d'enseignants à la défense.
Il existe donc bien une coordination à différentes échelles, et ces outils de pilotage peuvent encore être perfectionnés pour mieux accompagner les CDSG, en particulier dans la perspective de 2026, année des 400 ans de la Marine et du centenaire du Bleuet de France. Des réflexions sont en cours autour des synergies possibles.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.