Exposition aux pesticides de synthèse
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse, présentée par M. Guillaume Gontard et plusieurs de ses collègues, à la demande du GEST.
Discussion générale
M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.) Depuis plusieurs années, notre modèle agricole est en crise, en raison de la concurrence déloyale du libre-échange. Le traité avec le Mercosur en est le dernier avatar. Effondrement des prix, chute des revenus des exploitants, endettement insurmontable des exploitations...
À cela s'ajoute une crise écologique produite par le réchauffement climatique : les sécheresses s'accumulent, les catastrophes naturelles, le gel tardif, la grêle, les épizooties ; une crise écologique renforcée par le modèle agricole intensif qui appauvrit les sols. Sans parler de l'effondrement de la biodiversité et des pollinisateurs.
Tous, nous avons le coeur noué devant la souffrance et la colère des éleveurs face à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), lors des abattages de troupeaux, certes nécessaires, mais peut-être un peu trop systématiques. Nous leur apportons notre soutien et invitons le Gouvernement au dialogue : il faut généraliser les vaccinations et indemniser convenablement les pertes.
La crise de l'hiver 2024 témoigne de la souffrance d'une profession où le taux de suicide est de 46 % supérieur à la moyenne.
Des réponses différentes peuvent être apportées.
La majorité sénatoriale a choisi la verticalité avec une loi de programmation agricole et la loi Duplomb, véritable tract politique, fuite en avant dans un modèle qui ne fonctionne plus, récoltant l'opposition de 2 millions de Français. Ces deux lois n'apportent aucune réponse à la crise économique et écologique de l'agriculture. Pis, elles ont renforcé l'incompréhension entre les citoyens et les agriculteurs.
La crise agricole est une crise de sens, une crise globale, une crise de modèle. Le système actuel est à l'origine de 20 % des gaz à effet de serre. Et ses conséquences sur l'environnement sont majeures : disparition du quart des oiseaux et de 25 à 80 % de la population d'insectes, dégradation de la qualité de l'eau - 17 millions de Français exposés à de l'eau non conforme -, développement des cancers et leucémies. Le dire, ce n'est pas s'opposer aux agriculteurs, mais admettre la réalité pour la faire évoluer.
Les études menées ne laissent plus de place au doute. PestiRiv a relevé que 56 substances différentes sont présentes dans les urines et cheveux des riverains des zones viticoles.
Il faut donc abandonner progressivement les pesticides.
La plupart des agriculteurs sont conscients des dangers et essaient de réduire l'usage des intrants. Ils attendent beaucoup de la recherche, en particulier de l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement).
Pour éviter les frictions avec le voisinage, cette proposition de loi propose de repartir de la base, de faire de la concertation en mettant tout le monde autour de la table. Nous n'avons pas choisi de faire une loi nationale, mais nous parions sur l'intelligence collective. Chacun doit faire un pas vers l'autre pour aboutir au compromis.
Nous pensons pouvoir nous appuyer sur les élus locaux, comme ces soixante édiles qui ont voulu réguler l'usage des pesticides sur leur territoire en 2019. Les maires sont capables d'identifier les zones les plus vulnérables, et savent proposer des espaces de concertation.
Comment protéger nos écoles, alors que 1,7 million d'élèves sont soumis à des expositions aux pesticides, comme le révèle Le Monde de ce jour ? Le maire de Villenave-d'Ornon a par exemple organisé des rencontres entre la population et les propriétaires viticoles, pour rassurer et trouver des solutions. C'est exactement la méthode que nous proposons.
Je pense à la charte de bon voisinage de 2019 entre professionnels de la noix de Grenoble et les riverains. Ce fut une réussite, mais elle a été remplacée en 2021 par la Charte départementale d'engagement (CDE), moins-disante et peu ou pas appliquée. Ces chartes bancales juridiquement et source de contentieux ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Le Conseil d'État estime qu'elles n'assurent pas une protection suffisante - un comble !
Nous proposons que les maires puissent engager la concertation à l'échelle de la commune pour ensuite apporter leurs propositions au conseil départemental. C'est une proposition défendue par de nombreux élus. Il s'agit d'une possibilité, non d'une obligation. Les maires agiront comme des facilitateurs.
Nous avons intégré les préconisations du Conseil constitutionnel. Ces chartes devront aussi s'articuler avec les projets alimentaires territoriaux (PAT) et les schémas de cohérence territoriaux (Scot), entre autres. Pour plus d'efficacité, nous proposons aussi la création d'un comité de suivi sous l'autorité du préfet.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit une exigence renforcée d'information et de transparence. Nos agriculteurs n'ont rien à cacher. Ces chartes devront donc inclure, comme la charte de bon voisinage de la région de Grenoble, des mécanismes d'information des riverains au moment des périodes d'épandage.
C'est ainsi que nous apaiserons les relations de voisinage et contribuerons à combattre les idées reçues. Comme le disait Arnaud Rivière, la charte a remis les idées en place. Quand un agriculteur sort son atomiseur, ce n'est pas forcément pour déverser des produits chimiques.
Nos concitoyens comprennent les défis du monde agricole. Leurs demandes ne sont pas déraisonnables : ils veulent savoir ce qui est pulvérisé sur leur lieu de vie, quand, et avec quel impact sur leur santé. Tel est l'objet de l'article 2, qui instaure le registre national des épandages demandé par l'Anses. Il s'agit de garantir le droit d'accès à l'information sur une temporalité suffisamment longue pour les besoins de la recherche.
Il faut accompagner les agriculteurs et les agricultrices dans une indispensable transition, et pacifier nos campagnes. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Jean-Claude Tissot et Éric Jeansannetas applaudissent également.)
M. Pierre Cuypers, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit.) Ce texte contient deux articles relatifs à l'information et à la concertation en matière de produits phytosanitaires.
L'article 1er donne un encadrement législatif aux CDE, créées par l'article 83 de la loi Égalim. La rédaction initiale de cette disposition a été censurée largement par une décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2021. Désormais, seule perdure la mention de la charte.
Un contentieux nourri a porté sur le contenu réglementaire des chartes. Toutefois, presque tous les départements en sont dotés. Leur contenu varie selon les enjeux locaux, mais l'articulation est globalement similaire.
Les CDE rappellent et explicitent la réglementation - souvent complexe - relative à l'utilisation des produits phytosanitaires. Elles instaurent un comité de suivi et présentent les conditions d'information des résidents, notamment concernant les périodes de traitement. Elles rappellent enfin les conditions réglementaires de réduction possible des distances par rapport aux lieux d'épandage.
Ce n'est pas un outil magique, mais elles permettent de se parler et de mieux se comprendre. Les maires sont naturellement associés à ces initiatives, notamment aux comités de suivi. Pour les agriculteurs, ces chartes sont le moyen de mieux faire connaître la réalité de leur travail et de leurs contraintes, et de faire un travail de pédagogie.
De plus, les chartes permettent de réduire parfois des distances de sécurité, notamment quand un exploitant est équipé de buses antidérive particulièrement performantes.
Si les contentieux relatifs à l'encadrement administratif des chartes ont été purgés, il n'en va pas de même pour les contentieux sur les chartes elles-mêmes. Une décision du Conseil d'État est attendue en 2026 sur la soixantaine de contentieux en cours, portant surtout sur l'information préalable des résidents.
Une clarification du droit est donc à venir, ce qui invite à ne pas adopter le présent texte.
L'article 1er pose problème, car les chartes sont déjà en place dans presque tous les départements de France. Un encadrement réglementaire semble suffire. Pourquoi rigidifier le système et le complexifier en passant par la loi ?
Je vous invite à ne pas retenir le dispositif proposé, pour trois raisons. D'abord, certaines dispositions du texte semblent superfétatoires, comme la procédure de participation du public.
Ensuite, le dispositif est trop complexe. Le texte prévoit que chaque commune concernée puisse recommander par délibération des zones de protection renforcée. Potentiellement, des dizaines, voire des centaines de communes pourraient adopter des orientations très diverses dans un même département, rendant l'application de la charte quasi impossible. Et que dire du travail des agriculteurs qui y seraient soumis ? Le rapport de compatibilité est trop complexe. On peine à identifier la logique d'ensemble.
Enfin, la charte ne viserait pas tant à améliorer le dialogue entre les agriculteurs et les riverains qu'à instaurer des contraintes supplémentaires à l'exercice du métier d'agriculteur. Elle ne pourrait contenir que des mesures de protection renforcée, donc un élargissement des mesures de non-traitement.
L'article 2 vise à créer un registre national d'utilisation des produits phytosanitaires, géré par l'Anses, communicable à toute personne qui en ferait la demande. Attention à l'image de notre agriculture que cet article véhicule en creux. L'agriculture est l'une des activités les plus contrôlées : contrôle sanitaire et phytosanitaire, PAC...
Notre agriculture autorise des produits doublement autorisés : le produit, par l'Anses, et les substances actives qui le composent, par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), Efsa en anglais. L'étude PestiRiv, longue et coûteuse, n'a conduit à aucune modification des autorisations. Preuve de l'efficacité de nos normes !
La réglementation européenne impose aux agriculteurs de conserver au moins trois ans les registres d'utilisation de produits phytosanitaires. La France, diligente, a prévu cinq ans. Et nos agriculteurs s'y tiennent ! (M. Vincent Louault renchérit.) Les registres devront être numériques en 2027, conformément à la réglementation européenne.
Le règlement européen amplifiera les obligations de transmission à la Commission européenne des données d'utilisation des produits phytosanitaires par les États membres. N'anticipons donc pas la réglementation européenne. Contentons-nous de nous y conformer.
Depuis la loi sur l'eau de 2006, il existe une banque nationale des ventes des distributeurs (BNVD) centralisant de nombreuses données à l'échelle de la commune, voire à une échelle plus fine, aux fins de recherche. Le suivi de l'évolution des ventes est réalisé annuellement dans le cadre du plan Écophyto.
L'article 2, superfétatoire, véhicule une image dévalorisante pour notre agriculture.
Je vous invite à ne pas adopter ce texte, pour partie déjà satisfait et pour partie susceptible d'accroître les contraintes pesant sur nos agriculteurs, alors que nous n'avons pas ménagé notre peine ces dernières années pour tenter de les alléger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique . - Je vous prie d'excuser la ministre de l'agriculture, retenue au ministère en raison de la crise agricole.
La réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires est un objectif largement partagé dans cet hémicycle. La question touche à plusieurs domaines et suscite des attentes fortes et légitimes dans notre société. Elle sous-tend l'engagement du Gouvernement pour soutenir les agriculteurs dans une nécessaire transition. Le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) en est l'une des manifestations.
Cet objectif partagé doit être poursuivi avec méthode. Il doit prendre en compte une autre réalité tout aussi légitime, celle de nos agriculteurs. Je leur redis tout notre soutien et toute notre admiration. C'est à l'aune de cet équilibre que le Gouvernement aborde ce texte.
Les CDE ont été pensées comme un outil de dialogue et de concertation à l'échelle des territoires. Elles visent une meilleure compréhension entre utilisateurs de produits phytosanitaires, riverains et élus locaux. Ce dispositif est largement déployé dans les territoires ruraux. Il repose sur un cadre juridique en voie de stabilisation. Les chartes constituent un espace de discussion qui a contribué à apaiser plusieurs situations locales.
Le Gouvernement est attaché à ce cadre souple qui laisse la place à l'intelligence collective. Inscrire un contenu détaillé et uniformisé dans la loi rigidifierait le dispositif, qui repose sur la confiance en la capacité des acteurs locaux à trouver des solutions adaptées.
Complexifier ainsi les choses au moment où les acteurs de terrain aspirent à la lisibilité et à la stabilité ne semble pas pertinent.
La concertation ne se décrète pas, elle se construit dans le temps.
La protection des riverains est déjà assurée par un ensemble de dispositions robustes, qu'il s'agisse des produits phytosanitaires eux-mêmes - qui font l'objet d'évaluations scientifiques approfondies avant leur autorisation - ou des distances de sécurité. Notre cadre protecteur est l'un des plus exigeants d'Europe. Le Gouvernement ne souhaite donc pas ajouter de nouvelles contraintes, au risque d'éloigner notre droit de celui de nos partenaires européens, sans bénéfice clairement établi.
Pour autant, tout n'est pas figé et des aménagements, proportionnés, peuvent être envisagés. Mais ces évolutions relèvent plus du domaine réglementaire et doivent s'inscrire dans une logique d'amélioration continue, non de remise à plat législative.
S'agissant des registres, la transparence est une exigence légitime, mais partons de l'existant. (M. Vincent Louault renchérit.) Les agriculteurs sont déjà soumis à des obligations de traçabilité précises et leurs registres sont contrôlés. Ce dispositif évolue, notamment sous l'impulsion du droit européen qui harmonise les formats et renforce les exigences de transmission des données. Le passage au numérique constituera une évolution importante pour de nombreuses exploitations.
Un registre national centralisé assorti d'une communicabilité systématique soulève plus d'interrogations qu'il n'apporte de solutions. La transparence doit être maîtrisée et servir la connaissance et la confiance. N'alimentons pas la défiance.
Le texte poursuit une intention que le Gouvernement partage, mais ses modalités risquent de fragiliser, d'alourdir et de rigidifier des dispositifs efficaces. Protéger, informer, concerter : évidemment, mais sans surenchère normative, et sans perdre de vue la réalité de ceux qui nous nourrissent et qui font la fierté de la France.
Plusieurs recours ont été portés devant les tribunaux administratifs, avec une décision du Conseil d'État attendue pour le printemps 2026. Bien entendu, le Gouvernement s'y conformera.
Avis défavorable à cette proposition de loi.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.) Les deux textes sur l'agriculture examinés en 2025 n'ont pas amené de sérénité dans le débat - c'est peu de le dire. Résultat : nos concitoyens demandent davantage de transparence dans l'usage des pesticides de synthèse et nombre d'agriculteurs ont le sentiment d'être incompris.
Le texte s'inscrit dans une démarche d'apaisement. Nous souhaitons avancer vers des politiques publiques qui laissent la place au dialogue entre riverains, agriculteurs et élus, pour trouver des solutions ensemble.
Nous nous appuyons sur les CDE. Leur objectif est louable, mais elles sont inconstitutionnelles, fonctionnent mal, ne prévoient aucun mécanisme de suivi ni de contrôle - contrairement à ce que dit le rapporteur - et ont été élaborées sans guère de concertation.
L'article premier prévoit donc de les renforcer et de les adapter, via un processus d'élaboration renouvelé. Il serait superfétatoire ? Nullement ! La procédure de participation du public est obligatoire en vertu de l'article 7 de la Charte de l'environnement. D'où la nécessité constitutionnelle de changer la loi.
Ce que nous proposons ne relève pas du pouvoir de police du maire. Les communes doivent pouvoir recommander des zones de protection renforcée, sous l'autorité du préfet.
Le rapporteur estime que l'article 2 est lui aussi inutile, car satisfait par la BNVD, avec un suivi dans le cadre du plan Écophyto - dont je rappelle qu'il vient d'être réduit à néant par un vote du Sénat ! Ce n'est pas aux industriels de faire le suivi, mais bien à l'État. Et surtout, seules les données d'épandage sont vraiment exploitables. Le suivi écophyto n'a rien à voir avec la recherche scientifique.
Vous nous invitez à ne pas anticiper la réglementation européenne, mais le règlement 2023/564 de la Commission oblige les utilisateurs de produits phytosanitaires à transmettre les registres, uniquement sur la demande des autorités. Nous, nous proposons une transmission systématique, pour que les chercheurs disposent de données précises et établir ou non les liens entre ces épandages et certaines maladies, car l'absence de données entretient le flou et alimente la suspicion. L'obligation de subir nous donne le droit de savoir, disait Jean Rostand. Nos concitoyens sont conscients des contraintes des agriculteurs, mais ils veulent savoir ce qui est épandu près de chez eux. Serait-ce trop demander ?
Face à l'inertie de l'État, ce texte est une première étape bienvenue. Je suis sûr que vous y adhérerez en masse ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également ; M. Vincent Louault ironise.)
M. Henri Cabanel . - Santé publique et biodiversité : je comprends le sens de cette proposition de loi. Mais nous légiférons trop, trop vite, trop en silo. (M. Vincent Louault renchérit.)
Avec ce texte, nous infantilisons les agriculteurs, qui sont les premières victimes, car ils sont directement exposés.
Je ne cautionne pas la méthode : pourquoi une loi de plus, alors qu'il existe déjà toute une batterie de dispositifs pour protéger les riverains ? Plan Écophyto 2030, module de la loi d'orientation agricole (LOA), CDE... Certes, il reste des trous dans la raquette. Mais plutôt qu'une loi de plus, des contraintes en plus, de la bureaucratie en plus, pourquoi ne pas ajouter ce maillon manquant dans les chartes ?
Autre redondance : les registres. Conformément à la réglementation européenne, chaque agriculteur est tenu de tenir un registre d'utilisation de ses produits phytopharmaceutiques. La réglementation nationale prévoit une durée de conservation de cinq ans. Faisons confiance à nos agriculteurs !
Traiter un samedi ou un dimanche n'est pas respectable. Mais, pour quelques imprudents, nous légiférerions ? Tous les produits utilisés en France ont reçu l'agrément de l'Anses. Arrêtons la surenchère ! Les distances réglementaires de sécurité entre zones traitées et bâtiments habités ont été instaurées par l'arrêté du 27 décembre 2019.
Ce ne sont pas les agriculteurs qui sont allés vers les habitations, c'est l'inverse. Face à l'afflux démographique, les maires ont viabilisé les parcelles agricoles - le début des problèmes. C'est aux agriculteurs maintenant qu'il revient de gérer une situation qu'ils n'ont pas choisie.
Je suis convaincu que le dialogue et la coconstruction locale seront plus adaptés qu'un texte venu d'en haut, sans concertation.
Le RDSE, dans sa très grande majorité, votera contre ce texte.
Mme Sylvie Vermeillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault et Mme Anne Chain-Larché applaudissent également.) Cette proposition de loi défend un objectif noble et légitime : protéger la santé des riverains des parcelles agricoles.
Mais le mieux est l'ennemi du bien ! À trop vouloir la perfection, on s'éloigne de l'objectif. Trop de normes, de détails, de rigidités finissent par décourager ceux qui doivent les appliquent.
Les CDE ne sont pas parfaites, certes, mais elles ont le mérite d'exister et d'offrir un cadre de dialogue dans plus de 88 départements. Elles permettent l'émergence de compromis adaptés aux réalités locales. Les faire évoluer est peut-être une louable intention, mais regardons plutôt les effets concrets des dispositions que nous votons. (M. Vincent Louault renchérit.) En effet, nous risquerions d'aboutir à une forme de paralysie, en figeant des règles uniformes, inadaptées aux réalités locales et en décourageant les acteurs de terrain.
Gardons-nous de la tentation de préciser le moindre détail dans la loi et évitons toute surtransposition. Nos agriculteurs, déjà soumis à la pression réglementaire, aux exigences environnementales et à la concurrence internationale n'ont pas besoin de ça ! La commission a donc rejeté cette proposition de loi.
Légiférons moins et mieux, faisons confiance aux acteurs de terrain, les chambres d'agriculture, notamment. Laissons ces chartes vivre et évoluer, plutôt que de prendre le risque de s'en priver, d'autant que des décisions de justice sont attendues. Pourquoi se précipiter quand l'autorité judiciaire s'apprête à nous apporter des réponses claires ?
Et quid de la centralisation des données, alors que la loi française est déjà plus stricte que la réglementation européenne ? Créer un énième registre, c'est céder à la facilité administrative.
Le vrai débat est ailleurs : permettre aux agriculteurs de produire durablement en France. Pour cela, il faut investir dans la recherche pour trouver des alternatives crédibles aux produits phytosanitaires et aider nos agriculteurs à rester compétitifs.
Le groupe Union centriste ne votera pas cette proposition de loi (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et au banc des commissions)
M. Vincent Louault . - (MM. Daniel Canévet et Thierry Cozic applaudissent.) Que d'émotions ! Alors que les agriculteurs sont dehors, le GEST s'occupe d'eux. À vous tous seuls, vous êtes la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Le Mercosur est le poison, vous êtes le virus ! (Protestations sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot proteste également.)
M. Daniel Salmon. - Merci !
Une voix sur les travées du GEST. - C'est fin...
M. Vincent Louault. - Vous exacerbez les tensions avec les normes que vous créez ! (Exclamations sur les travées du GEST) Alors que nous avons déjà parlé des dizaines de fois des difficultés de la ferme France, jamais vous n'arrêtez ! Durant toute la LOA, vous n'avez voté aucun amendement constructif avec nous ! (Marques d'ironie sur les travées du GEST)
Vous voulez dévitaliser notre agriculture et la mettre sous cloche : vous y arrivez parfaitement, petit à petit ! Nous, les agriculteurs, nous nous en rendons compte. Cessez les stigmatisations, la désinformation, les fake news, dont vous êtes les spécialistes.
M. Daniel Salmon. - La science !
M. Vincent Louault. - Les agriculteurs en ont ras le bol : ils veulent exercer tranquillement leur métier.
Vous en rajoutez une petite couche, tout en prétendant que c'est un texte d'apaisement... Mais on ne crée pas le dialogue avec de l'encadrement rigide et de la suspicion. Vous voulez rigidifier les procédures. Nous, nous défendons la simplification, pour tout le monde. Vous avez attaqué toutes les chartes. Vous donnez le pouvoir aux conseils municipaux de prévoir des exceptions. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Thomas Dossus. - Bienvenue au Sénat !
M. Vincent Louault. - Vous augmentez le climat de défiance, à l'heure où les agriculteurs font tant d'efforts : tous les ans, nous subissons des dizaines de contrôles, que la ministre s'est engagée à réduire à un seul. Les produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) ont été réduits de 97 % en dix ans.
M. Daniel Salmon. - C'est faux !
M. Vincent Louault. - Mais cela ne vous suffit jamais !
Vous voulez anticiper la réglementation européenne, qui n'est jamais en retard pour alourdir le poids des normes en agriculture. Nous sommes la seule profession contrôlée tous les trois jours par satellite.
Vous préférez la surtransposition à la compétitivité et à la survie de nos exploitations. Ce texte, c'est davantage de complexité, comme d'habitude.
Notre groupe ne le votera pas. Nous espérons que nos deux amendements seront adoptés.
Mme Anne Chain-Larché . - (Applaudissements au banc des commissions) Cette proposition de loi est déroutante. Pas étonnant, vu ses auteurs.
Depuis deux ans, les agriculteurs tirent la sonnette d'alarme : ils interrompent leurs récoltes, s'éloignent de leurs troupeaux et se rassemblent pour réclamer que la France arrête de marcher sur la tête. Depuis l'hiver 2023, ils nous demandent de simplifier leur quotidien, de lever les entraves à la production et d'en finir avec les contraintes qui tuent à petit feu notre puissance agricole. (M. Daniel Salmon s'exclame.)
L'an dernier, le Sénat a voté plusieurs textes de soutien aux agriculteurs : LOA, loi sur la reconquête de la haie, loi sur la démocratie agricole, loi sur l'utilisation des drones en agriculture et, enfin, loi Duplomb-Menonville, très attendue. Monsieur le ministre, les dispositions votées au Parlement doivent être pleinement appliquées par les préfets.
C'est dans ce contexte que le GEST soumet au Sénat une proposition de loi pour plus de contraintes et de suspicion. Mais sans jamais apporter de solutions aux agriculteurs.
L'article 1er complexifie un outil plutôt efficace, les CDE. Il prévoit aussi une information téléphonique des riverains. L'article 2 permet à quiconque de consulter les registres, sur simple demande. Cette proposition de loi n'est qu'une incitation pour toutes les associations d'agribashing à épier et à invectiver nos agriculteurs sur les réseaux sociaux.
L'utilisation des produits phytopharmaceutiques est parfaitement encadrée et contrôlée. Les agriculteurs font beaucoup d'efforts, au prix d'une concurrence déloyale. Les CDE sont un outil original de la démocratie locale, qu'il convient de préserver. La proposition de loi prévoit aussi la participation du public, alors que la consultation est déjà prévue par le droit en vigueur.
Pourquoi contraindre nos agriculteurs avec des propositions qui ne s'appuient sur aucune étude ni retour de terrain ? Où sont vos propositions pour sauver les filières betterave et noisette ?
M. Vincent Louault. - Ils n'en ont pas !
Mme Anne Chain-Larché. - Votre seul geste en faveur de l'agriculture, est-ce ce catalogue de nouvelles normes, alors que 2025 sera catastrophique pour les exportations agricoles ?
Un autre chemin est possible pour la ferme France : un chemin de liberté, de confiance, de respect et d'encouragement. Le groupe Les Républicains s'opposera à cette proposition de loi au goût amer. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme Solanges Nadille . - Après la LOA, la loi Duplomb et plusieurs textes sur les haies, les vignes non cultivées, les drones, nous débattons d'un texte dont nous partageons tous l'intention : mieux informer, concerter et protéger.
Mais, en l'état, ce texte risque de faire peser des contraintes supplémentaires sur les agriculteurs. Alors que les CDE couvrent déjà la quasi-totalité du territoire, grâce au travail des chambres d'agriculture, la participation obligatoire du public est déjà satisfaite par le droit existant. Nous risquons de voir apparaître des règles différentes, voire contradictoires, dans les communes. Quant au registre national d'utilisation des produits phytosanitaires, les agriculteurs tiennent déjà des registres.
Or notre pays dispose déjà de l'un des systèmes de suivi les plus complets d'Europe. Ce texte, qui suggère que les pratiques sont opaques et les contrôles insuffisants, ne stigmatiserait-il pas les agriculteurs ? Les chiffres montrent pourtant une baisse nette de l'utilisation des produits les plus dangereux... Et les agriculteurs utilisent ces produits non par choix, mais par nécessité, faute d'alternative.
La situation dans les outre-mer est spécifique. Chlordécone, glyphosate, pesticides utilisés en Polynésie française malgré une interdiction européenne : les enjeux environnementaux, sanitaires et économiques sont majeurs pour nos populations, mais trop souvent invisibles depuis l'Hexagone.
Le RDPI se réserve une liberté de vote sur ce texte.
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) La question des pesticides est d'une brûlante actualité. Ces derniers mois ont été marqués par des initiatives pour prolonger l'autorisation ou réautoriser diverses substances : la désormais fameuse loi visant à lever les prétendues contraintes au métier d'agriculteur et son lobby en faveur de l'acétamipride, la loi réautorisant l'épandage aérien de pesticides, le paquet omnibus de la Commission européenne adopté cette semaine qui accorde des autorisations illimitées aux substances actives... Le législateur use et abuse de son pouvoir, pour satisfaire les ambitions de l'agrochimie.
Je me réjouis donc du texte déposé par le GEST. Visiblement, la régulation des pesticides de synthèse hérisse la majorité sénatoriale. Pourtant, nulle interdiction ici. Qui peut être contre la concertation, l'information ou la protection de nos concitoyens ?
La loi Égalim de 2018 était une première étape, avec la création des CDE, qui doivent être validées par le préfet, après consultation des riverains. Mais le dispositif présente encore des limites. En particulier, il est difficile de connaître le nombre précis de chartes réellement en vigueur et donc de les suivre, ce qui rend le système opaque. D'où notre amendement demandant un rapport au Gouvernement.
Plusieurs associations environnementales ont dénoncé certaines chartes illégales, car non concertées. Résultat : à la suite de 49 recours contentieux, plusieurs chartes ont été annulées.
Deux décisions récentes, l'une du Conseil constitutionnel, l'autre du Conseil d'État, ont mis en évidence les insuffisances de ces chartes. La présente proposition de loi est nécessaire pour améliorer l'existant.
L'article 1er prévoit un renforcement des chartes. La coconstruction est indispensable pour éviter les cas de consultations insuffisantes ou biaisées. La place des élus locaux est également renforcée. Je note un principe proche de celui de la non-régression environnementale : il serait impossible d'appliquer des normes moins protectrices que le droit en vigueur.
L'article 2 crée un registre national, conformément à la recommandation de l'étude PestiRiv de l'Anses et de Santé publique France. Leurs constats sur l'impact des pesticides sont éloquents...
Mon groupe votera résolument ce texte.
Monsieur le rapporteur, en commission, vous avez balayé le texte avec peu de nuances, alors que les 2 millions de signatures de la pétition contre la loi Duplomb appelaient à plus de mesure. Je peine à comprendre votre hermétisme et votre refus de satisfaire l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Gérard Lahellec . - (M. Michel Canévet et Mme Sylvie Vermeillet applaudissent.) La loi Duplomb a focalisé le débat sur l'utilisation de l'acétamipride et le Conseil constitutionnel n'a pas dû être totalement insensible aux 2 millions de signatures de la pétition citoyenne...
En ne parlant plus que l'acétamipride, et plus largement, des pesticides, on aggrave le clivage entre les agriculteurs et leur voisinage résidentiel et on s'éloigne de la question centrale : la souveraineté alimentaire.
Cette proposition de loi a le mérite de faire le pari de la transparence et de la concertation, pour retrouver la confiance de l'opinion. Nulle stigmatisation des agriculteurs, donc.
C'est en proximité des vignes que la situation est la plus délicate. Pourtant, c'est bien la filière vitivinicole, en crise, qui a fourni les plus gros efforts pour se conformer aux recommandations de Santé publique France et de l'Anses avec la réduction des pesticides et l'information des riverains. Les pesticides ne sont utilisés dans cette filière que lorsqu'ils sont strictement nécessaires. Les viticulteurs, leurs salariés et leurs voisins sont protégés. Le dialogue avec les riverains est constant. N'est-ce pas ce que prévoit la proposition de loi ?
Mais l'encouragement au retour à certains néonicotinoïdes suscite inquiétude et colère. Espérons que notre débat donne un nouveau souffle au conflit entre agriculture et riverains.
Alors que les décisions de justice ont étayé la précarité des procédures existantes ; l'article 1er entend combler l'insuffisance de concertation. Quant à l'article 2, il adapte le droit national aux exigences du droit communautaire.
Nous soutiendrons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
Mme la présidente. - Amendement n°3 de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Claude Tissot. - Cet amendement part d'un constat : le manque criant de suivi global de la mise en oeuvre des CDE.
Même si la Haute Assemblée est hostile aux rapports, il serait utile que le Gouvernement dresse un état des lieux, analyse le contenu des chartes, les freins existants. Nous pourrions en tirer des pistes réglementaires d'amélioration. Il s'agit de respecter l'esprit de concertation de la loi de 2018.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - De façon très apaisée, vous demandez un rapport, et le Sénat préfère limiter leur nombre. Le ministère de l'agriculture a d'autres choses à faire en ce moment. Avis défavorable.
M. Yannick Jadot. - (Écartant les bras) Ce ne sont pas ses fonctionnaires qui vaccinent !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Même avis. Ce rapport produirait des effets dans un an, alors que l'avis du Conseil d'État interviendrait avant.
À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°133 :
| Nombre de votants | 342 |
| Nombre de suffrages exprimés | 340 |
| Pour l'adoption | 100 |
| Contre | 240 |
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié bis de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - La surenchère législative n'est pas utile : supprimons cet article.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable : ne rigidifions pas le système.
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Même avis - mais ce n'est pas pour cela que je suis contre la concertation. (On ironise sur les travées du GEST.)
M. Yannick Jadot. - Eh bien si ! C'est binaire !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Nous risquerions de rigidifier et de générer du contentieux, sans parler de l'incompréhension, si les règles différaient d'un département à l'autre.
M. Yannick Jadot. - Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que les contentieux vont se multiplier avec l'explosion des cas de cancers à proximité des champs, avec les effets du chlordécone, lorsqu'un article du Monde d'aujourd'hui évoque 1,7 million d'enfants menacés, lorsqu'on voit les cancers pédiatriques exploser à Saint-Rogatien et à Sainte-Pazanne, lorsqu'on voit les agriculteurs se protéger lors des épandages dans des tracteurs hermétiques ? Il ne faut pas mettre la poussière sous le tapis. Lorsque l'Académie des sciences et l'Ordre des médecins contestent la loi Duplomb, cela devrait vous alerter !
Oui, nous allons au-devant de lourds contentieux, de tensions extraordinaires dans les campagnes. Cette proposition de loi associe les élus et les habitants pour les éviter. Vous construisez l'agribashing alors que nous essayons de le déminer ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)
M. Guillaume Gontard. - Très sincèrement, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que les CDE remplissent leur objectif. L'avis du Conseil d'État et la décision du Conseil constitutionnel les ont vidés de toute réalité juridique. Ces outils nous semblent intéressants, vous sembliez en convenir : rendons-leur une force législative. Le Conseil constitutionnel soulignait le manque de concertation : mettons-la en place. Je ne vois pas en quoi les agriculteurs devraient avoir peur, bien au contraire ! Mais on ne peut pas mettre la santé de côté.
Monsieur le rapporteur, pensez-vous que lorsque des drones tourneront autour des habitations, cela ne va pas générer des tensions ? (Applaudissements sur les travées du GEST.)
M. Daniel Salmon. - Je suis assez surpris du ton employé dans certaines interventions en discussion générale. On confine à une quasi-hystérie dès que l'on prononce le mot pesticide - c'est incroyable.
Tout irait bien dans le meilleur des mondes ? Le 10 décembre dernier, nous avons eu le résultat des études sur la qualité de l'eau : dans le bassin Loire-Bretagne, seules 23,7 % des eaux de surface étaient de bonne qualité en 2017, elles ne sont plus que 21,7 % en 2025. Et c'est encore pire pour les lacs et étangs, où elles sont passées de 85 à 45 % !
La pollution est partout ! Elle se diffuse et imprègne nos corps.
Mme Kristina Pluchet. - Oh là là ! (On ironise sur les travées du GEST.)
M. Daniel Salmon. - C'est la science qui parle. Nous voulons de la concertation, du dialogue, mais cela vous fait peur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Il y en a déjà.
M. Daniel Salmon. - Qui protégez-vous ? Pas les agriculteurs, car ils se conforment à la législation. Mais nous avons besoin d'études pour mieux comprendre l'effet des molécules.
Mme Kristina Pluchet. - Monsieur Jadot, ces agriculteurs sont en possession de Certiphytos ; ils sont donc tout à fait en capacité de les épandre dans les meilleures conditions possibles.
Depuis cinq ans que je suis élue, les seuls qui s'attaquent aux agriculteurs, c'est vous ! (Protestations sur les travées du GEST) Avec un sens de l'imagination incroyable, vous enquiquinez les agriculteurs et les collectivités territoriales. Vous êtes des « faiseux » de normes, comme on dit dans le Nord.
Mme Antoinette Guhl. - Il s'agit de notre santé !
Mme Kristina Pluchet. - Changez de cible ! Laissez tranquille l'agriculture française, la plus propre du monde et allez dans les ports vous attaquez aux produits importés grâce au Mercosur. J'aurais aimé vous voir auprès de nos agriculteurs à Bruxelles...
M. Yannick Jadot. - C'est la droite européenne qui défend le Mercosur !
Mme Kristina Pluchet. - Vous êtes la honte de cet hémicycle et le poison des agriculteurs ! (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - La grandiloquence de votre discours, monsieur Jadot, contraste avec la portée de cette proposition de loi.
Mme Antoinette Guhl. - Eh bien, votons-la, déjà !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Si j'étais taquin, je rappellerais que votre groupe n'a pas voté la loi Égalim...
M. Yannick Jadot. - Terriblement efficace pour le revenu des agriculteurs !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Par définition, ce qui n'est pas légal n'est pas autorisé, et les agriculteurs ne peuvent pas l'utiliser, sous peine de sanction. Certes, il faut améliorer le dialogue. Mais je ne crois pas que cette proposition de loi permettrait d'atteindre cet objectif. On rigidifierait les rapports entre les différents acteurs. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Guillaume Gontard. - Rappel au règlement sur le fondement de l'article 94 : madame Pluchet, je ne comprends pas pourquoi vous êtes aussi énervée. Peut-être n'avez-vous pas d'argument ?
Mme Kristina Pluchet. - Je suis agricultrice ! Vous, vous êtes des amateurs !
M. Guillaume Gontard. - L'article 94 prévoit des sanctions contre les insultes. M. Louault nous a traités de virus. C'est inacceptable. Madame Pluchet, vous avez dit que nous étions la honte de cet hémicycle. Je ne vois pas ce qu'il y a de honteux à présenter ce texte, qui offre des solutions. Si, pour vous, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes... Moi aussi, j'habite un territoire agricole. Les agriculteurs sont dans la rue, non à cause des écologistes mais d'une épidémie (M. Pierre Cuypers et Mme Dominique Estrosi Sassone le contestent) due au réchauffement climatique. Vous voyez, ce n'est pas simple. Il faut parler posément de cette question. Je demande des sanctions contre ces injures.
Mme la présidente. - Acte en est donné. Vous pouvez écrire au président du Sénat si vous le souhaitez.
M. Ronan Dantec. - Cette semaine, la commission locale de l'eau n'a pas pu se réunir car certains agriculteurs ont bloqué le lieu de concertation. Les eaux du bassin Nord-Loire Atlantique se dégradent rapidement en raison de l'utilisation des pesticides. (M. Michel Canévet le nie.) Certains captages ne sont plus utilisables à cause des pesticides. Les élus de Loire Atlantique, qui ne votent pas pour moi, soutiennent qu'il faut protéger les périmètres de captage.
Madame Pluchet, je siège depuis plus longtemps que vous et j'ai observé la dégradation des conditions du débat. Il y a quinze ans, on n'entendait pas ce type d'invectives. Nous portons une proposition d'apaisement. Si l'on va vers la confrontation, comment cela finira-t-il ? Il faut de la transparence et du débat. Il faut un accord, mais vous n'en voulez pas. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Jean-Claude Tissot. - Cela me fait rire d'entendre certains collègues dire qu'ils détiennent la science sur ces sujets au motif qu'ils sont agriculteurs. J'ai été agriculteur pendant vingt-cinq ans. Je n'ai pas la prétention de donner des leçons à qui que ce soit dans ce domaine. Ici, nous faisons de la politique, pour améliorer la vie des gens. (Applaudissements sur les travées du GEST)
À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°1 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°134 :
| Nombre de votants | 342 |
| Nombre de suffrages exprimés | 338 |
| Pour l'adoption | 233 |
| Contre | 105 |
L'amendement n°1 rectifié bis est adopté, et l'article 1er est supprimé.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié bis de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable. Je le dis calmement : il faut ouvrir les yeux sur la situation du monde agricole depuis des années. Il est en train d'être détruit, ruiné. Arrêtons de le montrer du doigt.
N'ajoutons pas des normes aux normes. Nous avons tant besoin des agriculteurs.
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Même avis.
M. Daniel Salmon. - Une précision pour ceux qui auraient mal lu l'article... Celui-ci se contente de prévoir l'enregistrement des épandages de pesticides effectués près de chez nous dans les champs. Actuellement, les agriculteurs les inscrivent sur un registre qui reste chez eux. (Mme Kristina Pluchet proteste.) Nous demandons simplement la remontée systématique de ces informations à l'Anses. Cela s'appelle la méthodologie scientifique ! Il peut y avoir un lien entre les pesticides et certaines maladies : pour le savoir, il est essentiel de disposer de ces données.
On ne veut pas faire d'études, car on a peur de trouver quelque chose. Je salue le rapporteur Cuypers avec lequel nous arrivons à discuter, comme avec la présidente des affaires économiques. Or en séance publique, il est difficile de débattre avec certains collègues, qui tombent tout de suite dans l'anathème.
M. Yannick Jadot. - Le rapporteur nous a rappelé son attachement à la ferme France. Nous le sommes également. Chaque décennie, nous perdons 100 000 fermes. Il y a donc un enjeu de modèle.
Qui a choisi ce modèle ? Ce ne sont pas les écologistes. Qui a choisi de casser le protocole sucre ? Ce ne sont pas non plus les écologistes. Les betteraviers se sont félicités de la mondialisation en oubliant la concurrence. Qui a cassé le protocole lait et les quotas laitiers ? C'est la profession agricole, qui a choisi le grand large de la mobilisation !
Pour avoir été à l'initiative de la pétition des parlementaires contre le Mercosur, je sais qu'au Sénat, heureusement, nous combattons ce projet. Mais reconnaissez, madame Pluchet, que c'est la droite qui soutient ce modèle au Parlement européen !
Il faut réconcilier les paysans avec les habitants et les consommateurs. C'est ainsi qu'ils pourront vivre de leur travail. C'est le modèle que nous défendons. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme la présidente. - Si cet article était supprimé, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi. Venons-en donc aux explications de vote sur l'ensemble.
M. Guillaume Gontard. - Une fois encore, je m'étonne des propos tenus par le rapporteur, avec qui nous avons eu un dialogue ouvert. Il estime qu'il ne faut pas parler des produits phytosanitaires, car cela donne une mauvaise image du monde agricole. Il faudrait faire l'autruche, alors ? Pesticides, produits phytosanitaires, appelons-les comme on veut, mais il existe un lien de causalité entre leur utilisation et l'augmentation du nombre de cancers, notamment chez les moins de 50 ans. Bien sûr, l'agriculture n'est pas la seule responsable : les produits de synthèse sont en cause dans leur ensemble.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous refusez d'avancer sur le sujet. Les agriculteurs que je croise me disent qu'ils cesseront d'utiliser ces produits si on leur en donne les moyens ! (Applaudissements sur quelques travées du GEST)
À la demande de la commission, l'amendement n°2 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°135 :
| Nombre de votants | 342 |
| Nombre de suffrages exprimés | 338 |
| Pour l'adoption | 233 |
| Contre | 105 |
L'amendement n°2 rectifié bis est adopté et l'article 2 est supprimé. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.