AVANT-PROPOS

La présente note illustre d'une part les principales caractéristiques des politiques de régulation de l'immigration légale et, d'autre part, les modalités de lutte contre l'immigration clandestine dans cinq États de l'Union européenne : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas.

Compte tenu de l'ampleur du sujet, la présente note évoque les principales questions mises en avant par chacun des gouvernements intéressés.

En revanche, pour présenter le propos dans son contexte, elle fait de façon systématique pour chacun de ces pays avant de présenter le régime qui réprime l'immigration illégale référence :

- aux principales données statistiques relatives à l'immigration ;

- aux déclarations de chaque gouvernement qui donnent les lignes générales de sa politique en la matière ;

- et aux modifications législatives essentielles intervenues au cours de ces dernières années.

IMMIGRATION LÉGALE
ET RÉPRESSION DE L'IMMIGRATION ILLÉGALE

ALLEMAGNE

I. POLITIQUE DE L'IMMIGRATION LÉGALE

1. Orientations générales
a) Les éléments chiffrés

Depuis le milieu des années 1990, l'immigration est orientée à la baisse.

L'immigration au titre du regroupement familial en provenance des pays situés hors Union européenne a diminué de moitié entre 2002 et 2008 et représentait, à cette date, environ 50 000 personnes.

Entre 1998 et 2007, on a assisté à une baisse continuelle du nombre de demandeurs d'asile. La moyenne annuelle était inférieure à 100 000 personnes pour l'ensemble de la période. En 2008, 22 085 personnes ont bénéficié du droit d'asile 1 ( * ) .

Le nombre des rapatriés de souche allemande ne cesse également de diminuer. Entre 1950 et 2008, environ 4,5 millions de personnes sont venues en Allemagne de ce fait dont 4 362 en 2008.

Le nombre d'étrangers (hors Union européenne) travaillant en Allemagne est relativement stable. Il est passé de 1,901 à 1,937 million entre 2004 et 2009.

b) La réglementation

La principale réforme récente en matière d'immigration résulte de la loi du 30 juillet 2004 sur l'immigration qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 2005. Cette loi traite à la fois :

- du séjour, le travail et l'intégration des étrangers en Allemagne ;

- et de la liberté de circulation des citoyens européens.

Elle a également modifié la plupart des dispositions législatives sur des sujets connexes comme la procédure d'asile et la nationalité.

Parmi les sujets évoqués dans ces textes, deux retiennent spécialement l'attention : le régime du permis de séjour et la politique d'accueil des travailleurs qualifiés.


• Régime du permis de séjour

La loi sur le séjour, le travail et l'intégration des étrangers en Allemagne a simplifié le régime d'autorisation des séjours de longue durée et a fusionné le titre de séjour et l'autorisation de travail en un seul document administratif délivré par l'administration chargée localement de la mise en oeuvre de la réglementation relative aux étrangers. Toutefois, cette administration ne délivre le document valant à la fois titre de séjour et autorisation de travailler que si une offre concrète d'emploi figure dans le dossier et si cette offre ne relève pas d'un secteur professionnel soumis à l'agrément de l'administration du travail compte tenu de la situation économique et du marché de l'emploi.

L'étranger peut obtenir :

- un titre de séjour limité d'une durée d'au plus trois ans qui est accordé sous des conditions variant en fonction de l'objet du séjour : formation, travail, regroupement familial, raisons humanitaires et politiques ;

- et un titre de séjour illimité délivré aux étrangers vivant en Allemagne avec un titre de séjour régulier depuis au moins cinq ans et qui remplissent un certain nombre de conditions comme la capacité à subvenir à leurs besoins, l'absence de condamnation et une connaissance suffisante de la langue allemande.


• Accueil de travailleurs qualifiés

La même loi favorise la venue de personnes très qualifiées accompagnées, le cas échéant, de leurs familles. Elle permet d'accorder d'emblée un titre de séjour illimité aux scientifiques compétents dans des spécialités particulières, aux enseignants de haut niveau, aux spécialistes et personnels dirigeants disposant de compétences professionnelles spécifiques et qui perçoivent un revenu minimum fixé à 86 400 euros en 2008. Depuis 2005, le nombre de personnes hautement qualifiées qui entrent en Allemagne au moyen d'une autorisation de séjour illimité est passé de 71 à 169.

L'Allemagne facilite la venue de personnes qui viennent y travailler à leur compte en leur accordant également un titre de séjour permanent si elles font un investissement minimal et créent un certain nombre d'emplois. Le montant de l'investissement requis a diminué de 1 000 000 euros à 500 000 euros de 2005 à 2008 tandis que le nombre d'emplois minimum passait de dix à cinq au cours de la même période. Le nombre de ces personnes entrées en Allemagne à ce titre s'est élevé à 891 en 2007 et à 1 024 en 2009.

Depuis août 2000, le pays essaie d'attirer des étrangers spécialisés dans l'informatique et les nouvelles technologies de communication en leur octroyant plus facilement un titre de séjour de durée limitée. Du reste, depuis 2005, on observe une progression du nombre de personnes qualifiées dans ces secteurs. Elles étaient 3 906 en 2008. Il en va de même en ce qui concerne les personnes occupant des fonctions de direction et les spécialistes qui étaient au nombre de 2 252 en 2008.

En revanche, depuis 2005, le nombre de travailleurs saisonniers diminue.


• Intégration des étrangers

La loi précitée contient également des dispositions relatives à l'intégration des étrangers en situation régulière. Elle prévoit leur participation à un cours d'intégration qui porte sur la langue et la connaissance de l'histoire, la culture et la société allemandes. Il s'agit d'une formation de 645 heures sanctionnée par un examen qui se déroule en Allemagne. Elle s'adresse aussi bien aux nouveaux arrivants qu'aux étrangers vivant déjà sur place.


• Mesures diverses

La loi du 30 juillet 2004 sur l'immigration a été modifiée à compter du 28 août 2007 par la transposition de onze directives européennes dans le but de lutter contre les mariages blancs et les mariages forcés, de renforcer la sécurité intérieure, de faciliter l'immigration pour les besoins des entreprises et de promouvoir l'intégration des immigrés légaux.

2. Les développements récents


• La question de l'immigration des travailleurs qualifiés

L'Allemagne s'est fixé pour objectif de rendre son territoire encore plus attractif et de « piloter » l'immigration liée au travail pour la diriger vers les secteurs professionnels demandeurs.

En 2009, elle a modifié sa loi sur le séjour, le travail et l'intégration des étrangers pour renforcer la politique d'encouragement de l'immigration de travailleurs hautement qualifiés. Elle a également prolongé la durée maximale des contrats de travailleurs saisonniers de 4 à 6 mois.

Elle a adopté de nouvelles dispositions afin de faciliter la venue d'étrangers issus de pays situés hors de l'Union européenne titulaires de diplômes universitaires ou de diplômes de fin d'études supérieures reconnus équivalents ou comparables à ceux délivrés en Allemagne, en particulier dans le secteur des technologies de l'information et de la communication.

Dans le même sens, le pays entend faciliter la reconnaissance des diplômes des étrangers (ce qui concernerait 300 000 personnes) déjà présents sur son territoire afin que ceux-ci occupent les emplois vacants. Les pouvoirs publics souhaitent également améliorer la formation de ces étrangers.

Il est significatif que les autorités aient abaissé aussi bien :

- le montant minimal de revenu exigé pour accorder un titre de séjour permanent aux étrangers hautement qualifiés, soit 64 800 euros en 2009 ;

- que l'investissement minimal exigé pour accorder un titre de séjour permanent à l'étranger qui vient s'installer à son compte soit 250 000 euros en 2009.

Autre signe de l'intérêt des autorités allemandes pour la question de l'entrée en Allemagne de travailleurs qualifiés, l'Office fédéral pour les migrations et les réfugiés a publié, en juin 2010, un rapport intitulé « La couverture des besoins en force de travail par l'immigration ».


• La lancinante question de l'intégration

L'Allemagne poursuit également ses efforts en matière d'intégration tant en ce qui concerne les étrangers qui vivent déjà sur son territoire que pour ce qui est des nouveaux arrivants.

Depuis 2006, se sont tenus quatre sommets de l'intégration auxquels Mme Angela Merkel a invité tous les acteurs sociaux. Le 12 juillet 2007, la chancelière fédérale a présenté un Plan national d'intégration, réalisé en concertation avec les organisations d'immigrants, les Länder et les communes. Il contient plus de 150 mesures concrètes et 250 engagements des Länder , communes et autres organismes dans les domaines clés tels que : la maîtrise de la langue, la formation scolaire, la formation continue et le marché du travail.

Figurent parmi ces thèmes : l'amélioration de la situation des femmes et des jeunes filles, l'intégration par le sport et l'intégration par des engagements citoyens.

Le débat sur l'intégration a rebondi cet automne avec la parution du livre de Thilo Sarrazin, membre du SPD (Parti social démocrate) intitulé L'Allemagne court à sa perte , et avec le discours du Président de la République Christian Wulff, le 3 octobre 2010, dans lequel le chef de l'État allemand a déclaré : « le christianisme appartient sans aucun doute possible à l'Allemagne. Le judaïsme appartient sans aucun doute possible à l'Allemagne. C'est notre histoire judéo-chrétienne. Mais entre temps, l'islam appartient également à l'Allemagne » . Il a également rebondi à la suite des déclarations de la chancelière fédérale devant le congrès des jeunes de la CDU (Union Chrétienne-Démocrate) dans lequel celle-ci a constaté : « La société multiculturelle a échoué ».


* 1 Dernier rapport publié par le Ministère fédéral de l'Intérieur et l'Office fédéral pour les Migrations et les réfugiés : Rapport sur l'immigration 2008 du 3 février 2010.

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