Avertissement : Cette étude correspond à l'état de la législation en décembre 1996, elle a été remplacée par l'étude LC 133 de mars 2004.

NOTE DE SYNTHESE

La présente étude analyse les dispositions législatives régissant les abus sexuels sur les mineurs. Par abus sexuel, on entend, selon la définition adoptée par les associations de sauvegarde de l'enfance, " toute utilisation du corps d'un enfant pour le plaisir d'une personne plus âgée que lui, quelles que soient les relations entre eux, et même sans contrainte ni violence ".

L'étude s'efforce donc d'examiner deux aspects du problème : d'une part la définition que donnent les différentes législations de ces abus et les sanctions qu'elles y apportent, et d'autre part les moyens qu'elles mettent en oeuvre pour prévenir la récidive.

Pour définir les différents abus, on s'est appuyé sur les distinctions faites par le code pénal français entre :

- les agressions sexuelles , qui supposent l'emploi de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise ;

- les atteintes sexuelles , qui sont exercées sur des mineurs, sans violence, contrainte, menace, ni surprise. On a inclus dans les atteintes sexuelles dont sont victimes les mineurs les exhibitions qui leur sont imposées.

En revanche, les infractions liées à la pornographie ou à la prostitution enfantine n'ont pas été étudiées.

Par ailleurs, le cas du viol a été examiné à part. En effet, même si le viol de mineur n'est pas explicitement prévu par toutes les lois des pays sous revue, on peut toujours l'assimiler à une infraction punie plus sévèrement que les autres.

Dans la mesure où, dans un pays donné, la loi ne qualifie pas de " sexuelle " une infraction, celle-ci tombe alors sous le coup des dispositions générales du droit pénal et n'a donc pas été prise en compte.

Enfin, on a essayé de recenser les principaux moyens utilisés pour prévenir la récidive, qu'il s'agisse ou non de dispositions pénales.

Les pays dont la législation a été analysée sont les suivants : l' Allemagne, l' Angleterre et le Pays de Galles, l' Autriche, la Belgique, le Danemark, l' Espagne, l' Italie, la Suisse et les Etats-Unis . En ce qui concerne les Etats-Unis, seule la législation fédérale a été examinée.

I - LE VIOL DE MINEUR EST TRES DIVERSEMENT PUNI.

1) La notion de viol varie d'un pays à l'autre.

a) En Autriche, en Belgique, en Espagne, en Italie et aux Etats-Unis, tout acte de pénétration commis sur une personne qui n'y consent pas constitue un viol.

Même si les lois des pays énumérés ci-dessus n'adoptent pas cette définition, les formulations retenues lui sont équivalentes.

Ainsi, le code pénal autrichien évoque, à propos du viol, " l'acte sexuel ou un acte analogue ", le nouveau code pénal italien condamne tous les actes de " violence sexuelle " sans faire de distinction entre les différentes agressions, et le code fédéral américain englobe le viol dans la notion plus générale d'" abus sexuel ", lui-même compris comme le fait de contraindre une personne à accomplir un " acte sexuel ", de quelque nature qu'il soit.

Dans ces pays, où le viol est défini de façon large, l'infraction ainsi définie couvre le cas du viol réalisé sur la personne d'un enfant. Ceci n'empêche cependant pas que le viol de mineur puisse également être condamné sur la base de dispositions spécifiques aux mineurs, qui réprouvent toute relation sexuelle d'un adulte et d'un enfant.

b) Les autres pays ont une conception plus restrictive de la notion de viol, mais condamnent tout acte de pénétration commis sur un enfant.



• Le code pénal danois ne qualifie pas de viol tout acte de pénétration, mais il punit de la même façon toutes les infractions sexuelles, quelle que soit leur nature.



• L'Allemagne et la Suisse considèrent que le viol ne peut être pratiqué que sur une femme. Cependant, le code pénal allemand condamne tous les " actes sexuels " commis sur des enfants en considérant comme particulièrement grave le fait d'avoir un rapport sexuel avec un enfant de moins de 14 ans. Quant au code pénal suisse, il condamne tout " acte d'ordre sexuel " commis sur un mineur de moins de 16 ans.

• En Angleterre et au Pays de Galles, le viol ne peut être réalisé que par une personne de sexe masculin. En revanche, les autres agressions sexuelles peuvent être aussi bien le fait d'une femme que d'un homme. Or, dans l'hypothèse d'une telle agression, lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans, son consentement ne peut être invoqué comme moyen de défense.

2) Dans la plupart des pays, le jeune âge de la victime est un élément constitutif de l'infraction.

a) Le jeune âge de la victime constitue un élément constitutif de l'infraction dans tous les pays étudiés sauf l'Italie.

En Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Suisse et aux Etats-Unis, tout acte de pénétration commis sur un mineur constitue une infraction si le mineur n'a pas atteint un certain âge en-dessous duquel il y a présomption d'absence de consentement. La limite est fixée à 12 ans en Espagne et aux Etats-Unis, à 14 ans en Allemagne, en Autriche et en Belgique, à 15 ans au Danemark et à 16 ans en Angleterre et au Pays de Galles et en Suisse.

b) Le jeune âge de la victime constitue seulement une circonstance aggravante en Italie.

En effet, la sanction du viol est aggravée lorsque la victime a moins de 14 ans. Elle l'est encore davantage lorsqu'elle a moins de 10 ans.

3) L'échelle des peines est très variable.

Sauf aux Etats-Unis où le juge peut décider de n'appliquer qu'une amende, le viol est toujours sanctionné par une peine privative de liberté. Sa durée varie beaucoup d'un pays à l'autre.

Le pays qui sanctionne le moins sévèrement le viol est l'Allemagne où la durée de la peine est comprise entre un et dix ans. A l'opposé, en Belgique, la peine infligée peut être la réclusion à perpétuité lorsque la victime a moins de 10 ans.

Dans plusieurs pays, la durée de la peine varie avec l'âge de la victime. Ainsi, au Danemark la durée de la peine de prison est généralement de 6 ans lorsque la victime a entre 12 et 15 ans et de 10 ans lorsqu'elle a moins de 12 ans.

II - LES SANCTIONS APPLIQUEES AUX AUTRES INFRACTIONS SEXUELLES SONT ENCORE PLUS DIVERSES.

Parmi les abus autres que le viol, on a, selon la typologie adoptée par le code pénal français, essayé de distinguer les agressions des atteintes.

1) La distinction entre atteintes et agressions existe seulement en Belgique, en Espagne et en Italie.

Cette opposition existe en Belgique, où l'on établit une différence entre les " attentats à la pudeur " selon qu'ils sont commis avec ou sans " violences ou menaces ", en Espagne, où les délits contre la liberté sexuelle se subdivisent en " agressions " et en " abus ", et en Italie, où les délits contre la liberté sexuelle comprennent les " violences sexuelles " et les autres infractions sexuelles.

Dans ces trois pays, les atteintes sont sanctionnées moins lourdement que les agressions, celles-ci étant, en règle générale, punies moins sévèrement que le viol.

2) Les atteintes et les agressions forment des catégories d'infractions particulièrement hétérogènes dans les autres pays.

Bien que les autres pays étudiés n'aient pas retenu la distinction entre agressions et atteintes, il est possible de la reconstituer, mais on obtient alors des groupes d'infractions particulièrement hétérogènes. Ainsi, en Angleterre par exemple, le rapport sexuel avec un enfant de moins de 13 ans constitue une atteinte lorsqu'il est réalisé sans emploi de la contrainte, mais il peut être puni de la prison à perpétuité.

Il est cependant possible de dégager quelques caractéristiques de ces infractions. Dans certains pays, elles peuvent ne pas être punies si la différence d'âge entre le coupable et la victime est faible : 2 ans en Autriche, 3 en Suisse et 4 aux Etats-Unis.

L'Allemagne, l'Autriche et le Danemark portent à 18 ans la limite d'âge en deçà de laquelle les actes sexuels commis sur des mineurs sont répréhensibles dans une hypothèse : lorsque leurs auteurs sont des adultes à qui ces jeunes ont été confiés à des fins de formation, d'éducation ou de surveillance.

III - LA PREVENTION JURIDIQUE DE LA RECIDIVE DEMEURE LIMITEE.

On a cherché à inventorier les moyens visant explicitement à prévenir la récidive des délinquants sexuels, sachant que, dans chaque pays, la récidive constitue de manière générale une circonstance aggravante qui justifie une sanction plus importante.

Les principaux moyens mis en oeuvre pour prévenir la récidive dans le domaine des abus sexuels sur les mineurs sont les suivants : l'adoption de clauses pénales d'extra-territorialité permettant de poursuivre les ressortissants qui se sont rendus coupables d'abus à l'étranger, l'interdiction d'exercer certaines fonctions ou professions et la castration chimique. Ces trois dispositions existent en effet dans plusieurs pays tandis que chacune des autres mesures préventives recensées n'a été mise en oeuvre que dans un pays.

1) De nombreux pays ont, depuis le début des années 90, adopté des clauses d'extraterritorialité.

C'est le cas de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique et de l'Italie, qui peuvent poursuivre leurs ressortissants qui se sont rendus coupables d'abus sur des mineurs à l'étranger, quel que soit le pays où l'infraction a été commise.

En revanche, au Danemark, en Espagne et en Suisse, la clause d'extraterritorialité ne s'applique que lorsque le pays où l'infraction a été commise la sanctionne également.

L'Angleterre et le Pays de Galles ainsi que le Danemark et la Suisse envisagent également d'insérer dans leur législation une clause générale d'extraterritorialité à l'encontre des délinquants sexuels.

2) L'interdiction d'exercer certaines fonctions ou professions, ou d'apparaître dans certains lieux, est prévue par plusieurs pays.

Ces interdictions peuvent recouvrir plusieurs formes : elles peuvent être obligatoires ou facultatives, concerner une profession (enseignant par exemple) ou une fonction officielle (juré), être prononcées pour une durée fixée à l'avance ou non. La Belgique, l'Espagne, l'Italie et la Suisse ont institué de telles interdictions, qui ne concernent d'ailleurs pas toujours les seuls délinquants sexuels.

En Angleterre, le livre blanc sur la lutte contre la récidive des délinquants sexuels, présenté en avril 1996 par le gouvernement, envisage notamment d'interdire la recherche un emploi supposant un contact avec des mineurs.

Quant au code pénal danois, il prévoit qu'une personne qui s'est rendue coupable d'un abus sexuel puisse être condamnée, après l'exécution de sa peine, à ne pas apparaître dans certains lieux fréquentés surtout par des enfants (jardins publics, piscines...).

3) La castration chimique volontaire est possible en Allemagne et au Danemark.

En Allemagne, elle est réalisée sur la base d'une loi de 1969. Au Danemark en revanche, elle ne repose sur aucun fondement juridique.

4) L'obligation juridique de suivi thérapeutique existe seulement en Belgique.

La loi belge de 1995 sur les abus sexuels à l'égard des mineurs a instauré une obligation de suivi thérapeutique pour les condamnés qui bénéficient d'une libération conditionnelle. Malgré la multitude des propositions allant dans ce sens, aucun des autres pays étudiés n'a institué une telle obligation.

5) Depuis la fin de l'année 1994, le code fédéral américain prévoit le doublement des sanctions infligées aux récidivistes.

Cette règle s'applique non seulement lorsque la première condamnation a été prononcée par un tribunal fédéral, mais également lorsqu'elle émane d'un tribunal d'Etat.

Le projet de loi anglais sur les peines, déposé à la fin du mois d'octobre 1996 et actuellement examiné par le Parlement, prévoit la peine de prison à vie pour les personnes reconnues coupables pour la seconde fois de certaines infractions graves, parmi lesquelles le viol, la tentative de viol et le rapport sexuel avec un enfant de moins de 13 ans.

6) Le projet de loi et le livre blanc anglais prévoient de nombreuses autres mesures.

Parmi les mesures envisagées, figurent notamment l'obligation pour les tribunaux de soumettre les délinquants sexuels à une surveillance accrue à leur sortie de prison, la création d'un fichier des délinquants sexuels et l'enregistrement des résultats des tests d'A.D.N. qui devront être pratiqués sur toutes les personnes incarcérées pour infraction sexuelle.

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Plusieurs des pays étudiés, l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Autriche, le Danemark, la Suisse se proposent de modifier peu ou prou la législation applicable aux abus sexuels sur les mineurs.

En Allemagne, un nouveau code pénal est en cours d'élaboration. La réforme doit notamment concerner les dispositions applicables aux infractions sexuelles. En Autriche, une commission interdisciplinaire doit être constituée avant la fin de l'année 1996 et doit proposer une nouvelle version de la section du code pénal relative aux " délits contre les moeurs ".

En revanche, dans les autres pays, la prévention de la récidive constitue la préoccupation principale.

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