Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

LA REPRÉSENTATION INSTITUTIONNELLE DES CITOYENS ÉTABLIS HORS DE LEUR PAYS

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note a été réalisée à la demande de Mme Kalliopi ANGO ELA, sénatrice

Cette note expose le régime applicable à la représentation institutionnelle des citoyens établis hors de leur pays.

Elle examine les dispositions qui régissent la représentation de ces citoyens :

- au Parlement, d'une part ;

- et par l'intermédiaire d'organismes publics ad hoc , d'autre part.

Elle n'évoque pas le régime du droit de vote aux élections territoriales des citoyens établis hors de leur pays d'origine.

1. La représentation des Français établis hors de France

Si l'on estime à 2,5 millions les Français résidant hors de France au 1 er janvier 2013, 1,61 million sont enregistrés 1 ( * ) au registre mondial des Français établis hors de France tenu par les services du ministère des Affaires étrangères. Ceux d'entre eux qui sont inscrits sur les listes électorales consulaires participent à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), des députés et des sénateurs (au suffrage indirect pour ceux-ci, cf. p. 6).

Avant de présenter les observations qui résultent de l'étude des législations étrangères, on évoquera brièvement, en ce qui concerne la France :

- la représentation au Parlement ;

- la représentation à l'AFE ;

- et la nature des instances « de terrain » auxquelles participent des Français établis hors de France.

• Représentation au Parlement

En vertu de l'article 24 de la Constitution « Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

Au Sénat, 12 sénateurs sont élus à la représentation proportionnelle par un collège électoral constitué des membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger 2 ( * ) .

A l'Assemblée nationale, 11 députés sont élus au suffrage universel, direct uninominal majoritaire à deux tours, dans le cadre de 11 circonscriptions électorales 3 ( * ) .

• Représentation à l'Assemblée des Français de l'étranger

Aux termes de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 modifiée, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) « est l'assemblée représentative des Français établis hors de France ».

Présidée par le ministre des Affaires étrangères, elle donne au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l'étranger.

Elle est composée de 191 membres investis d'un mandat de 6 ans à savoir :

- 155 membres élus au suffrage universel 4 ( * ) qui appartiennent à 4 circonscriptions électorales :

Amérique (32 membres),

Afrique (47 membres),

Europe (52 membres),

enfin Asie et Levant (24 membres) ;

- 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France, membres de droit ;

- 11 députés représentant les Français établis hors de France, également membres de droit ;

- 12 personnalités qualifiées nommées par le ministre des Affaires étrangères en raison de leurs compétences concernant les intérêts généraux de la France à l'étranger et des Français établis hors de France.

L'AFE se réunit en session plénière au moins deux fois par an, outre les deux réunions de bureau qui se déroulent par ailleurs 5 ( * ) .

Ses 5 commissions permanentes ont pour champ de compétences :

- les affaires sociales ;

- la culture, l'enseignement et l'audiovisuel ;

- les finances et les affaires économiques ;

- les lois et règlements ;

- et l'Union européenne.

Ses 2 commissions temporaires ont pour champ de compétences :

- les anciens combattants ;

- et la sécurité des Français de l'étranger.

• Les instances « de terrain » auxquelles participent des Français établis hors de France

A côté des services diplomatiques et consulaires, plusieurs types d'instances existent qui associent, sur le terrain, des représentants des Français établis hors de France : les comités de sécurité , les commissions locales des bourses et les comités pour les anciens combattants , les comités consulaires pour la protection et l'action sociale et les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle .

Aux termes de l'arrêté du 14 février 1984 modifié, un comité consulaire pour la protection et l'action sociale (CCPAS) est créé dans chaque circonscription consulaire. Il existe 205 CCPAS.

Chaque comité est consulté sur les questions concernant la protection sociale des Français résidant dans le ressort de cette circonscription.

Il donne notamment son avis sur :

- l'attribution aux Français âgés, indigents ou handicapés régulièrement immatriculés, d'allocations qui peuvent être versées au titre des crédits d'assistance du ministère des Affaires étrangères ;

- et les demandes de subventions des sociétés de bienfaisance.

Le CCPAS est informé de l'activité des sociétés françaises de bienfaisance locales, notamment de celles qui reçoivent une aide financière de l'État.

Présidé par le chef du poste diplomatique doté d'une circonscription consulaire ou le chef de poste consulaire, le CCPAS comprend, d'une part, en qualité de membres de droit :

- le conseiller ou l'attaché social du poste, le médecin et l'assistante sociale du poste lorsque ces emplois existent ;

- le ou les délégués à l'AFE 6 ( * ) dans la circonscription électorale concernée ;

- les représentants des associations représentatives des Français de l'étranger ;

- les organisations françaises exerçant des activités à caractère social envers les Français, actives au niveau local, notamment les sociétés locales de bienfaisance, d'entraide ou d'assistance, les maisons de retraite et les foyers.

S'y adjoignent, d'autre part, des membres désignés par le chef de poste diplomatique ou consulaire en raison de leur compétence et de leur action en matière sociale.

Ce comité se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président qui peut, en tant que de besoin, consulter par écrit ses membres sur des situations urgentes.

En vertu de l'arrêté du 5 février 1986, un comité consulaire pour l'emploi et la formation professionnelle (CCPEFP) doit être créé dans les circonscriptions consulaires comptant au moins 5 000 immatriculés. Il peut être créé dans les autres circonscriptions consulaires. Il existe 32 CCPEFP.

Le CCPEFP :

- est consulté sur les questions relatives au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle des Français résidant dans son ressort ;

- est informé de l'implantation et de l'activité des entreprises françaises dans la circonscription ;

- est informé, notamment par la direction des Français à l'étranger, des prestations attribuées et des droits reconnus par la législation et la règlementation françaises en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle ;

- donne son avis sur la situation professionnelle au plan local des ressortissants français de la circonscription et peut émettre toute proposition tendant à améliorer leur situation professionnelle et leur réinsertion en France.

Présidé par le chef du poste diplomatique doté d'une circonscription consulaire ou le chef de poste consulaire, le CCPEFP comprend, d'une part, en qualité de membres de droit :

- le conseiller ou l'attaché commercial ;

- le conseiller ou l'attaché social lorsque ces emplois existent ;

- le ou les délégués à l'AFE 1 dans la circonscription électorale concernée ;

- le président de la chambre de commerce française lorsqu'elle existe.

S'y adjoignent, d'autre part, des membres désignés par le chef de poste :

- 3 représentants proposés par les principales associations d'intérêt général des Français établis hors de France présentes au niveau local ;

- 2 représentants des employeurs français, de préférence l'un parmi les dirigeants des grandes entreprises françaises et l'autre parmi ceux des PME françaises implantées localement ;

- s'il y a lieu, deux représentants au plus, proposés par les syndicats français les plus représentatifs parmi les salariés des entreprises de la circonscription consulaire ou par les associations professionnelles françaises présentes au niveau local.

- au plus 3 personnalités qualifiées désignées par le chef de poste en raison de leur compétence dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle

Ce comité se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président qui peut, en tant que de besoin, consulter par écrit ses membres sur des situations urgentes.

Rappelons, pour mémoire, qu'une expérimentation lancée en 2005 a été réalisée dans sept postes pour constituer des comités consulaires unifiant CCPAS et CCPEFP. Son fondement juridique résultait d'un arrêté du 29 mars 2005 relatif aux « comités consulaires » 7 ( * ) . Ceux-ci devaient réunir, dans des circonscriptions consulaires dont la liste avait été fixée par un second arrêté du ministre des Affaires étrangères 8 ( * ) du même jour, le CCPAS et le CCPEFP.

L'arrêté prévoyait que le comité consulaire :

- orienterait les interventions du poste consulaire ou du poste diplomatique dans les affaires relatives à la protection sociale, médicale et sanitaire, à l'emploi et à la formation professionnelle des Français ;

- délibérerait des aides, allocations et secours aux Français, ainsi que des subventions aux sociétés françaises de bienfaisance locales, qui peuvent être demandées au titre des crédits d'assistance accordés par le ministre des Affaires étrangères ;

- délibérerait des services de nature sociale, médicale et sanitaire rendus aux Français, ainsi que des actions de nature à faciliter leur accès à l'emploi et à la formation professionnelle ;

- établirait son budget prévisionnel 9 ( * ) - qui devait être présenté en équilibre - pour l'année suivante au plus tard le 1 er décembre de chaque année ;

- adopterait son budget définitif dans le mois suivant la notification au poste des subventions accordées par le ministre des Affaires étrangères.

Le chef du poste où serait institué un comité consulaire exécuterait le budget de celui-ci.

Présidé par le chef de poste, le comité consulaire devait comprendre en qualité de membres de droit :

- le ou les membres de l'AFE représentant le pays ou la circonscription concernée ;

- dans les circonscriptions où les membres sont élus au scrutin majoritaire, le suppléant du membre élu, résidant dans la circonscription du poste où siège le comité consulaire ;

- dans les circonscriptions où les membres sont élus au scrutin proportionnel, le ou les suivants de liste résidant dans la circonscription du poste où siège le comité consulaire, figurant immédiatement après le dernier élu sur la liste des candidats à l'Assemblée, dans la limite du nombre de membres élus de cette liste 10 ( * ) ;

- et le responsable local des associations représentatives des Français de l'étranger reconnues d'utilité publique.

Devaient appartenir au comité consulaire en qualité de membres désignés par le chef de poste et les membres de l'AFE représentant le pays ou la circonscription concernée, des personnalités, choisies en raison de leur engagement au service de la communauté française, de leur compétence et de leur action dans les associations, institutions et entreprises locales.

Le président, les membres de droit et les membres désignés visés supra avaient voix délibérative.

Les membres de droit et les membres désignés pouvaient également inviter à siéger, avec voix consultative, les experts dont ils jugeaient la participation nécessaire aux travaux du comité.

Le comité consulaire aurait été réuni au moins deux fois par an sur convocation de son président ou à la demande de la majorité des membres de droit et désignés.

Un trésorier et un secrétaire auraient été nommés par le chef de poste et les membres de l'AFE représentant le pays ou la circonscription concernés.

L'expérience a été abandonnée mais ces arrêtés n'ont pas été explicitement abrogés.

2. Observations issues de l'analyse comparative

L'étude des 11 exemples présentés fait apparaître :

• Une représentation au Parlement non systématique qui peut revêtir des formes diverses

En matière de représentation au Parlement des citoyens établis hors de leur pays, on distingue les États qui :

- posent des conditions restrictives aux élections au Parlement (Allemagne, Danemark et Irlande) ou plus souples (Royaume-Uni) ou

- permettent de participer (pour l'élection à l'une ou l'autre chambre) aux élections au Parlement (Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède).

Il convient, du reste, de distinguer, dans cette seconde catégorie d'États, ceux qui permettent à leurs citoyens de participer aux élections au Parlement sans désigner de parlementaires qui les représentent de façon spécifique (Autriche, Belgique, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) de ceux qui (comme l'Italie et le Portugal) ont constitué une ou des circonscriptions pour l'élection de représentants bien identifiés de ces citoyens qui vivent hors de leur pays.

• Une instance spécifique, présidée par le ministre des Affaires étrangères pour représenter les citoyens établis à l'étranger, a été créée dans trois États

L'Espagne, l'Italie et le Portugal ont recours à une instance spécifique, présidée par le ministre des Affaires étrangères, pour représenter les citoyens établis à l'étranger.

Dans ces trois cas, cette instance :

- a un caractère consultatif et un champ de compétences limité ;

- est composée pour partie de membres :

élus au suffrage universel direct (Portugal),

élus par les membres des comités créés dans les divers pays ou nommés par le ministre des Affaires étrangères (Espagne),

élus par les membres de ces comités ou nommés par le président du Conseil des ministres (Italie).

• La représentation des citoyens dans les pays étrangers où ils résident et leur collaboration avec les services diplomatiques et consulaires

Plusieurs pays n'ont pas institué de représentation spécifique de leurs ressortissants auprès de leurs autorités diplomatiques et consulaires (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède).

En revanche, l'Espagne, l'Italie et le Portugal ont également institué des instances spécifiques « sur le terrain », pour faire entendre la voix de leurs ressortissants auprès des représentations diplomatiques et consulaires.

Le nombre de membres de ces comités, qui varie en fonction de la population, s'établit de 4 à 14 pour le Portugal, de 7 à 15 pour l'Espagne et de 12 à 18 pour l'Italie.

Ces comités ont pour fonction de :

- représenter les intérêts spécifiques des citoyens établis à l'étranger et faire entendre leur voix ;

- désigner les membres de l'instance présidée par le ministre des Affaires étrangères et chargée de représenter les citoyens établis à l'étranger (Espagne et Italie).

Les États où existe une réalité migratoire consistante et récente permettent aux ressortissants établis hors de leur pays de continuer à s'impliquer dans la vie politique de leur pays d'origine.

LA REPRÉSENTATION INSTITUTIONNELLE DES CITOYENS ÉTABLIS HORS DE LEUR PAYS


* 1 Bien que conseillé, cet enregistrement est facultatif. Voir le décret n° 2013-161 du 22 février 2013 authentifiant la population des Français établis hors de France au 1 er janvier 2013.

* 2 L'ordonnance n° 58-1097 du 15 novembre 1958 portant loi organique relative à la composition du Sénat et à la durée du mandat des sénateurs fixait à six le nombre de sénateurs représentant les Français établis hors de France, nombre porté à douze par la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France. La loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) a, quant à elle, instauré l'élection au suffrage universel des délégués au CSFE. Les douze sénateurs ont été élus par tiers à compter du renouvellement de 1983.

* 3 Depuis juin 2012, à la suite de la réforme de la Constitution de 2008 qui a modifié l'article 24 de la Constitution.

* 4 La liste électorale consulaire compte 1 147 401 inscrits en 2012, cf. Rapport du Directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, XVIIe session de l'AFE , 3 au 8 septembre 2012, p. 142.

* 5 Entre les sessions, les conseillers AFE parcourent leurs circonscriptions à la rencontre de leurs compatriotes (permanences, participation à des réunions diverses...).

* 6 Le texte du décret vise le Conseil supérieur des Français de l'étranger.

* 7 NOR. MAEF051027A.

* 8 V. l'arrêté du 29 mars 2005 (MAEF 0510028A) relatif à la création des comités consulaires dans les circonscriptions consulaires de Bangkok, Barcelone, Dakar, Francfort, Montréal, Tel-Aviv et Tunis.

* 9 L'arrêté prévoyait qu'en ressources, le comité inscrirait les subventions d'intervention qu'il solliciterait du ministre des Affaires étrangères ; l'éventuel excédent des années antérieures, les remboursements des prêts consentis au titre des secours occasionnels ou d'aides exceptionnelles, le produit de la vente des médicaments dans les postes pourvus d'un cabinet médical, les dons divers ainsi que les contreparties de services rendus. En emplois, le comité inscrivait les dépenses liées à ses interventions dans ses domaines de compétence. Il pouvait prévoir des réserves.

* 10 A défaut de suppléant ou de suivant de liste, on choisissait les personnes désignées par l'AFE ou son bureau dans l'intervalle des sessions sur proposition de chaque membre n'ayant pas de suppléant ou de suivant de liste résidant dans la circonscription du poste ou siège le comité.

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