Janvier - Juin 2015

- LÉGISLATION COMPARÉE -

Les mesures destinées à favoriser
la participation parlementaire

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Allemagne - Autriche - Belgique - Espagne - Italie - Lituanie
Parlement européen - Pays-Bas - Pologne - Royaume-Uni

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Cette note a été réalisée à la demande de

Monsieur Bruno RETAILLEAU,
Président du Groupe Les Républicains

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des Délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note concerne les dispositifs tendant à faciliter, encourager ou renforcer la participation des parlementaires appartenant à des assemblées de niveau national ou fédéral aux travaux de ces assemblées. Elle prend pour base des exemples relatifs à 9 États : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, outre le Parlement européen, soit 15 assemblées parlementaires d'Europe occidentale.

Outre les textes originaux dont la liste figure en annexe, elle intègre des éléments obtenus dans le cadre du Centre européen de Recherche et de Documentation parlementaire (CERDP).

Après avoir rappelé le dispositif récemment adopté au Sénat, elle présente la synthèse tirée de l'observation de ces législations, puis les notices monographiques consacrées à chacun de ces exemples et enfin la liste des documents utilisés pour sa rédaction.

A. UN NOUVEAU DISPOSITIF AU SÉNAT FRANÇAIS : L'ARTICLE 23 BIS DU RÈGLEMENT

Le Sénat a adopté, le 13 mai 2015, une proposition de résolution déposée par son Président, M. Gérard Larcher, le 31 mars précédent, tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace .

Ce texte faisait suite aux travaux du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, constitué en novembre 2014, qui a mené une réflexion sur l'application de la révision constitutionnelle de 2008 et la réforme du Règlement du Sénat de 2009.

Le nouvel article 23 bis au Règlement du Sénat dispose que :

« 1. - Les sénateurs s'obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat.

« 2. - Les groupes se réunissent, en principe, le mardi matin à partir de 10 heures 30.

« 3. - Le Sénat consacre, en principe, aux travaux des commissions permanentes ou spéciales le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions des groupes et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l'ordre du jour des travaux en séance publique .

« 4. - La commission des affaires européennes et les délégations se réunissent, en principe, le jeudi, de 8 heures 30 à 10 heures 30 en dehors des semaines mentionnées au quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution, toute la matinée durant lesdites semaines, et de 13 heures 30 à 15 heures .

« 5. - Les autres réunions des différentes instances du Sénat se tiennent, en principe, en dehors des heures où le Sénat tient séance et des horaires mentionnés aux alinéas 2, 3 et 4 .

« 6. - La Conférence des présidents est informée de la décision d'une instance d'inviter l'ensemble des sénateurs à l'une de ses réunions ».

À compter du 1 er octobre 2015 entreront en vigueur les alinéas 7 à 10 de cet article, aux termes desquels :

« 7. - Une retenue égale à la moitié du montant trimestriel de l'indemnité de fonction est effectuée en cas d'absence, au cours d'un même trimestre de la session ordinaire :

« 1° Soit à plus de la moitié des votes ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers des votes, y compris les explications de vote, sur les projets de loi et propositions de loi ou de résolution déterminés par la Conférence des présidents 1 ( * ) ;

« 2° Soit à plus de la moitié ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers de l'ensemble des réunions des commissions permanentes ou spéciales convoquées le mercredi matin et consacrées à l'examen de projets de loi ou de propositions de loi ou de résolution ;

« 3° Soit à plus de la moitié ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers des séances de questions d'actualité au Gouvernement .

« 8. - La retenue mentionnée à l'alinéa 7 est égale à la totalité du montant trimestriel de l'indemnité de fonction et à la moitié du montant trimestriel de l'indemnité représentative de frais de mandat en cas d'absence, au cours d'un même trimestre de la session ordinaire, à plus de la moitié de l'ensemble de ces votes, réunions et séances .

« 9. - Pour l'application des alinéas 7 et 8, la participation d'un sénateur aux travaux d'une assemblée internationale en vertu d'une désignation faite par le Sénat ou à une mission outre-mer ou à l'étranger au nom de la commission permanente dont il est membre est prise en compte comme une présence en séance ou en commission .

« 10. - La retenue mentionnée aux alinéas 7 et 8 est pratiquée, sur décision des questeurs, sur les montants mensuels des indemnités versées au sénateur au cours du trimestre suivant celui au cours duquel les absences ont été constatées. Cette retenue n'est pas appliquée lorsque l'absence d'un sénateur résulte d'une maternité ou d'une longue maladie . »

B. OBSERVATIONS TIRÉES DES EXEMPLES ÉTRANGERS

Les mesures constituant le « nuancier » des solutions retenues dans les exemples étudiés peuvent être divisées en trois grandes catégories, selon qu'elles sont destinées à :

- faciliter matériellement la participation aux séances plénières ;

- encourager le « présentéisme », notamment par des mécanismes procéduraux ;

- ou sanctionner le non-respect des règles posées en la matière.

S'y ajoutent quelques initiatives spécifiques concernant les modalités de communication mises en oeuvre par certains Parlements afin de démontrer une réalité méconnue, à savoir que le travail parlementaire ne se résume pas, loin de là, à la séance plénière.

1. Faciliter matériellement la participation aux séances plénières

La participation aux séances plénières peut être facilitée en :

- évitant les chevauchements entre séance plénière et autres réunions (proposition du groupe de travail du Parlement européen) ;

- renforçant les règles existantes sur la tenue de réunions parallèlement aux séances plénières (idem) ;

- permettant aux parlementaires de faire de courtes interventions éventuellement suivies d'un débat ou de prononcer des interventions durant un temps de parole suffisant pour améliorer la qualité et la cohérence du débat (idem) ;

- permettant au président de séance d'accorder la parole, par priorité, aux députés qui ont assisté à l'ensemble du débat (idem) ;

- limitant le nombre de séances solennelles (idem) ;

- envisageant le dépôt par les députés de déclarations écrites (idem) ;

- et en diminuant le nombre de jours de séance plénière afin d'accroître l'affluence de l'auditoire au cours de celles-ci (Autriche).

2. Favoriser le « présentéisme », notamment par l'emploi de mécanismes procéduraux

Il peut s'agir de :

- renforcer l'intérêt pour la séance publique aussi bien dans l'opinion publique que parmi les parlementaires en permettant à ceux-ci d'interroger, ex abrupto , le Gouvernement sur un sujet urgent ou d'actualité (« questions urgentes » posées à la Chambre des Communes britannique) ;

- proposer d'accroître le temps de parole des parlementaires sur des sujets de portée législative et de réduire le temps consacré aux débats généraux qui suscitent moins d'intérêt (Royaume-Uni, Communes) ;

- dresser une liste des présents au début de chaque séance, laquelle est annexée au procès-verbal (Belgique, Conseil national autrichien, Pays-Bas) ;

- prévoir la signature d'une feuille d'émargement ( Bundestag allemand) ;

- fixer des règles de quorum qui limitent la possibilité de siéger lorsque celui-ci n'est pas atteint ( Bundestag allemand, Première et Seconde chambres des États-Généraux des Pays-Bas, Belgique) ;

- proposer d'affecter une seconde salle à des débats généraux et aux secondes lectures de projets de loi consensuels (Royaume-Uni, Communes).

On notera également que la répartition du travail entre séance plénière et commissions a une incidence sur la fréquentation des séances : à preuve l'exemple de la Belgique, où l'essentiel du débat parlementaire a lieu en commission depuis que certaines réunions ont été rendues publiques.

3. Sanctionner le non-respect des règles posées en la matière

Une fois l'obligation de participer aux travaux instituée, on distingue quelques « points de passage obligés » du régime qui en découle, à savoir :

- l'étendue de cette obligation ;

- l'existence de sanctions financières ;

- le mode de contrôle du respect du principe de participation ;

- et la portée de la sanction éventuelle.

• Obligation explicite de participation aux travaux

Une telle obligation existe : en Autriche, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Italie, en Lituanie, au Sénat Polonais (où le vote, obligatoire, ne peut être délégué) et au Seijmas lituanien (où le parlementaire qui ne s'y conforme pas se voit renvoyé devant la commission chargée des questions de déontologie) ainsi qu'au Parlement européen.

Elle n'est pas formalisée par un texte à la Chambre des Communes où les groupes politiques s'assurent cependant de la participation d'un nombre suffisant de leurs membres.

Elle n'existe ni au Sénat de Belgique (où les parlementaires sont cependant tenus de s'excuser), ni aux Pays-Bas.

• Étendue de l'obligation

La présence est requise :

- aux travaux de tous les organes sénatoriaux auxquels participe le parlementaire en Autriche et au Sénat polonais ;

- durant les jours de session, dont la liste est établie par le président et le comité des doyens au Bundestag allemand ;

- à au moins 30 % des scrutins en séance plénière qui ont lieu au cours d'une journée (Sénat italien) ;

- à au moins la moitié des votes par appel nominal les jours de scrutin en séance plénière (Parlement européen, Chambre des représentants de Belgique) ;

- et enfin à au moins la moitié des scrutins en séance plénière relatifs à l'adoption d'un projet de loi qui sont inscrits à l'ordre du jour, le parlementaire devant en outre être enregistré comme présent à toutes les séances de la journée (Lituanie).

La possibilité de se faire excuser pour un juste motif est ouverte : en Autriche, au Bundestag , en Lituanie, au Sénat polonais et au Parlement européen.

• Existence de sanctions financières

Des sanctions financières sont prévues : au Bundestag allemand, à la Chambre des représentants de Belgique, en Espagne, en Italie, en Lituanie, au Sénat polonais et au Parlement européen.

D'aucuns n'ont pas institué de sanction de la non-participation car :

- la présence de tous les parlementaires en même temps n'est considérée ni comme nécessaire ni comme possible, à l'instar de la Chambre des Communes britannique où la salle des séances ne permet pas de réunir ensemble et simultanément tous les membres de l'Assemblée ;

- ou que l'on considère une telle sanction comme inutile (Pays-Bas).

• Mode de contrôle du respect du principe de participation

Le contrôle s'effectue par :

- la signature d'une feuille d'émargement ou la participation à un vote au Bundestag et au Sénat polonais ;

- le contrôle de la participation aux scrutins par appel nominal les jours de vote en séance plénière (Parlement européen) ;

- et le contrôle lors de la participation aux scrutins en Belgique et en Italie.

• Portée de la sanction

La sanction consiste en :

- une diminution de l'indemnité forfaitaire de 100 euros pour un jour de session « ordinaire » à 200 euros pour un jour de séance plénière ( Bundestag ) ;

- une diminution de 1/15 e de l'indemnité journalière si le sénateur ne participe pas à au moins 30% des scrutins en séance publique qui ont lieu au cours d'une journée (Italie) ;

- une diminution de 1/30 e de l'indemnité parlementaire pour chaque jour d'absence injustifiée (Sénat polonais) ;

- une diminution d'un tiers de l'indemnité parlementaire (Lituanie) ;

- une diminution de moitié de l'indemnité journalière et de l'indemnité de frais généraux (Parlement européen).

4. Montrer que le travail parlementaire ne se résume pas, loin de là, à la séance plénière

En la matière, le Bundestag allemand s'appuie sur une décision de la Cour constitutionnelle fédérale, qui a explicitement reconnu, dès 1977, qu'« une part considérable du travail parlementaire est traditionnellement effectuée en dehors de l'hémicycle », pour assumer pleinement le fait que l'hémicycle destiné à la séance plénière ne soit pas toujours occupé par l'ensemble des parlementaires. On y met au contraire en évidence le travail accompli hors de l'hémicycle.


* 1 Dans sa décision n° 2015-712 DC du 11 juin 2015, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation en considérant qu' « un sénateur votant par délégation exerce son mandat ; que, par suite, pour le calcul des retenues [financières] , un sénateur votant par délégation ne saurait être regardé comme absent lors d'un vote ». Il a toutefois également précisé « que cette réserve ne vaut pas pour les explications de vote ».

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