III. UNE PRISE EN COMPTE TARDIVE DE LA CONDITION MILITAIRE

Entièrement mobilisée par la mise en oeuvre de la professionnalisation, l'attention ne s'est pas suffisamment portée, au cours des dernières années, sur l'évolution des conditions de vie et de rémunération des militaires. Les mesures d'économie sévères prises en début de programmation sur les dépenses de fonctionnement ont provoqué une dégradation de l'environnement des forces qui n'a été pris en compte qu'à partir du budget 2000, sous la forme d'un redressement, au demeurant assez lent, des dotations. Parallèlement, la nécessité de faire face, dans une période délicate de transition marquée par un sous-effectif persistant, à un accroissement des missions intérieures et extérieures, a entraîné une accélération du rythme d'activité en décalage avec les évolutions en cours dans la société civile.

Tous ces éléments méritent désormais une attention beaucoup plus soutenue, car un bon équilibre entre les contraintes du métier militaire et des conditions de vie comparables à celles des autres catégories conditionne en grande partie le bon fonctionnement, dans la durée, de l'armée professionnelle.

A. LE CONSTAT : UN SENTIMENT DE DÉGRADATION RELATIVE DE LA CONDITION MILITAIRE

A l'automne dernier, lors de l'examen du budget pour 2001, votre rapporteur soulignait l'importance d'une meilleure prise en compte des différents éléments concourant à la condition militaire, au regard, notamment, des évolutions en cours dans la société civile.

Depuis lors, au travers de visites d'unités, de rencontres avec des responsables de l'armée de terre, mais aussi de la participation à une réunion régionale de préparation du Conseil de la fonction militaire Terre (CFMT), votre rapporteur a pu compléter son information et en rendre compte au mois de juin lors d'une communication devant la commission.

Le temps d'activité, mais aussi bien d'autres éléments qui concourent aux conditions de vie, figure désormais au centre des préoccupations de la communauté militaire.

1. Le temps d'activité des militaires

L'armée de terre est devenue une armée d'emploi au rythme d'activité particulièrement élevé .

Selon une enquête récente de l'observatoire social de la défense (OSD) :

- 60% des militaires de l'armée de terre ont eu des activités extérieures à la garnison pour une durée moyenne annuelle de 89 jours;

- 32% des militaires de l'armée de terre ont participé à une opération extérieure ou une mission de courte durée pour une durée moyenne de quatre mois.

Cette enquête décompose ainsi le temps d'activité des militaires:

- le temps de service en garnison, évalué à 42 heures 30 par semaine ;

- le temps de préparation opérationnelle (entraînement), représentant 70 jours d'activité par an;

- le temps opérationnel, représentant 120 jours par an.

Le tableau ci-après présente, à partir de l'enquête de l'OSD, la comparaison de la durée annuelle de travail en garnison entre les différentes armées et la gendarmerie (hors opérations extérieures, entraînement, astreintes):


 

TERRE

AIR

MER

GENDARMERIE

départementale

mobile

Nombre moyen de jours de repos

130 j

155 j

138 j

151 j

141 j

Nombre de jours travaillés

235 j

210 j

227 j

214 j

224 j

Sur un total théorique de 208 jours d'activité 1( * ) , l'armée de terre travaille en moyenne 235 jours, soit 27 jours supplémentaires. Le temps de travail s'élève à 246 jours pour les militaires (60 % de l'effectif) ayant une activité extérieure à la garnison.

Alors que la loi sur l'aménagement et la réduction du travail fixe pour référence un temps de travail annuel de 1 600 heures, le temps de travail dans l'armée de terre s'élève actuellement en moyenne à 2 184 heures (+ 36,5 %), et même à 2 296 heures (+ 43,5 %) pour les 60 % de militaires ayant des activités extérieures à la garnison.

Si la durée des permissions a longtemps constitué pour les militaires, comparativement au milieu civil, un avantage de nature à compenser la plus forte exigence de disponibilité, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La durée des congés payés dans le secteur civil a « rattrapé », du fait de la réduction du temps de travail, celle des militaires qui se trouvent confrontés pour leur part à une réelle difficulté pour bénéficier de l'intégralité de leurs jours de permission (les militaires de l'armée de terre n'ont pris en moyenne que 38 jours de permissions en 2000 sur les 45 auxquels ils ont droit).

2. Les autres éléments de la condition militaire

En dehors des questions liées directement au temps de travail, votre rapporteur avait souligné au mois de juin dernier plusieurs autres motifs de préoccupation , pour la plupart liés au contexte nouveau créé par l'armée professionnelle.

Tout d'abord, malgré l'effort important consenti avec le plan Vivien, beaucoup reste à réaliser pour les conditions de logement des engagés . D'une part, l'enveloppe relativement contrainte dévolue aux crédits d'infrastructure, de même que la caractère parfois assez lourd des opérations à mener, n'ont pas permis à ce plan de se réaliser au même rythme que le logement des engagés. Il est alors difficile de justifier auprès de ceux qui arrivent dans des unités qui n'ont pas encore été mises aux normes qu'ils ne bénéficieront pas avant plusieurs années des conditions de logement décrites lors de leur engagement. D'autre part, il existe pour les EVAT, et notamment les chefs de famille, une demande de logements hors des quartiers qui n'est pas suffisamment prise en compte par les dispositifs d'aide au logement.

Les questions la garde des jeunes enfants , jusqu'à présent peu évoquée, prend une importance accrue dans l'armée professionnelle, du fait de la féminisation et de l'augmentation du nombre de couples de militaires. Un effort est envisagé pour constituer, dans les garnisons, des réseaux d'assistantes maternelles agréées exerçant à domicile.

Bien qu'une majorité de conjoints féminins de militaires n'exerce pas d'activité professionnelle (45% seulement exercent une activité salariée alors que 82% des ménages français disposent d'un double revenu) le « célibat géographique » tend à se développer dans l'armée de terre, engendrant des difficultés familiales et matérielles. Sans doute faudra-t-il, à l'avenir, réduire quelque peu les obligations de mobilité, en particulier pour les sous-officiers.

Autre conséquence de la forte mobilité, les frais de déménagement pèsent d'autant plus sur les budgets des familles que les barèmes de prise en charge ont peu évolué. Votre rapporteur a ainsi été très surpris d'apprendre, lors d'échanges des personnels, que les volumes servant de référence pour les remboursements n'avaient pas été révisés depuis 1954, c'est à dire depuis une époque où l'équipement mobilier familial était des plus réduits.

Ces quelques exemples illustrent combien, à travers quelques points qui peuvent sembler de détail, des améliorations substantielles sont nécessaires pour conserver à la carrière militaire son attractivité.

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