2. Les remèdes relatifs aux moyens d'équipement et de fonctionnement des forces de sécurité intérieure

a) Le « rebasage » des crédits de la gendarmerie

Comme votre rapporteur pour avis l'a relevé ( cf . infra ) le budget de la gendarmerie pour 2002 était insincère, et faisait apparaître un certain nombre d'impasses.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 propose ainsi d'apurer les dettes de loyer de la gendarmerie (à hauteur de 68 millions d'euros), d'ouvrir les crédits nécessaires au financement du plan immobilier d'urgence décidé en décembre 2001 pour améliorer les conditions de vie et de travail des personnels, enfin de combler les insuffisances de crédits de fonctionnement pour 2002.

L'apurement des arriérés de loyers et le financement du plan immobilier d'urgence décidé en décembre 2001 ne constituent pas des besoins récurrents. En revanche les crédits de fonctionnement nécessitent une remise à niveau pérenne .

Le présent projet de loi prévoit pour ce faire le « rebasage » des crédits de fonctionnement de la gendarmerie à hauteur de 140 millions d'euros supplémentaires par an en moyenne par rapport aux crédits ouverts dans la loi de finances initiale pour 2002, soit au total 700 millions d'euros sur la période 2003-2007.

Ces crédits devraient notamment permettre :

- le financement (à hauteur de 41,1 millions d'euros par an) des mesures de rachat de journées d'ARTT décidées par le précédent gouvernement ;

- le recrutement effectif (pour un coût de 23,7 millions d'euros par an) des 1.400 gendarmes adjoints volontaires dont les emplois avaient été « gelés » pour financer les mesures annoncées en décembre 2001 en faveur des gendarmes ;

- la remise à niveau des crédits consacrés aux locations (à hauteur de 51,3 millions d'euros), ainsi que des autres crédits de fonctionnement courant de la gendarmerie (à hauteur de 23,9 millions d'euros par an), ces dernières mesures correspondant à une augmentation de 11 % des crédits de fonctionnement de la gendarmerie nationale .

b) La priorité nouvelle accordée aux crédits de fonctionnement et d'investissement

Au delà du seul « rebasage » des crédits de fonctionnement de la gendarmerie, le présent projet de loi marque une rupture par rapport à la priorité accordée lors de la précédente législature aux crédits de rémunération des personnels de la police et de la gendarmerie, au détriment de leurs crédits de fonctionnement et surtout de leurs crédits d'investissement, ces derniers constituant d'ailleurs la variable d'ajustement de leurs budgets 21 ( * ) .

En effet, outre les 376 millions d'euros 22 ( * ) de crédits de fonctionnement supplémentaires prévus pour la gendarmerie dans le cadre du « rebasage » des crédits de la gendarmerie, le présent projet de loi prévoit de consacrer sur cinq ans 2,2 milliards d'euros de dotations ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires à l'équipement de nos forces de sécurité intérieure (dont 1,18 milliards d'euros pour la police et 1,02 milliard d'euros pour la gendarmerie).

Pour la police , ces crédits supplémentaires (236 millions d'euros par an en moyenne), correspondent à une augmentation de 29 % par rapport aux crédits de fonctionnement et d'équipement inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002 (soit 812,51 millions d'euros).

Pour la gendarmerie , ces crédits supplémentaires (204 millions d'euros en moyenne) correspondent à une augmentation de 62 % par rapport aux crédits d'équipement inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002 (soit 329 millions d'euros).

Il convient toutefois de souligner que ces augmentations ne sont pas comparables , puisqu'elle n'ont pas la même base. En effet, les nomenclatures des budgets respectifs de la police et de la gendarmerie diffèrent sur un point essentiel : le chapitre de fonctionnement 34-41 du budget de la police nationale recouvre des dépenses, comme l'achat d'armement, de munitions ou de tenues, qui sont retracées dans les chapitres d'investissement 53-71 et 55-11 du budget de la gendarmerie nationale.

Pour comparer de manière plus appropriée les efforts réalisés respectivement pour la police et pour la gendarmerie, il faudrait donc rapporter pour cette dernière le cumul des crédits de fonctionnement supplémentaires prévus dans le cadre du « rebasage » des crédits de la gendarmerie (71,2 millions d'euros en moyenne) et des crédits d'investissement supplémentaires (soit 204 millions d'euros par an), au total des crédits de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie ouverts dans la loi de finances initiale pour 2002 (soit 1.003 millions d'euros).

L'effort prévu pour la gendarmerie (+ 27,4 %) apparaît alors du même ordre de grandeur que celui prévu pour la police (+ 29 %).

Quoi qu'il en soit, les crédits de fonctionnement et d'équipement représentent 46 % des crédits supplémentaires prévus par le présent projet de loi sur la période 2003-2007, alors qu'ils ne représentent respectivement que 15,8 % et 25,5 % des budgets de la police et de la gendarmerie (l'écart s'expliquant notamment par le fait que les gendarmes sont logés).

Cela traduit bien la priorité nouvelle accordée aux conditions matérielles de travail de nos forces de sécurité intérieure.

Tableau récapitulatif des crédits supplémentaires proposés sur la période 2003-2007 23 ( * )

(en millions d'euros)

LFI 2002

Crédits supplémentaires (en moyenne annuelle)

ratio 24 ( * )

Police

5 149

550

+ 13 %

dont rémunérations

4 337

314

+ 7 %

dont fonctionnement et équipement

812

236

+ 29 %

Gendarmerie

3 927

570

+ 15 %

dont rémunérations

2 924

295

+ 10 %

dont fonctionnement

674

71

+ 11 %

dont équipement

329

204

+ 62 %

TOTAL

9 076

1 120

+ 12 %

dont rémunérations

7 261

609

+ 8 %

dont fonctionnement et équipement

1 815

511

+ 28 %

Source : budget voté, ministère de l'intérieur, calculs de votre rapporteur

Enfin, l'annexe II propose une répartition fonctionnelle des crédits « d'équipement » supplémentaires prévus pour la police et pour la gendarmerie sur la période 2003-2007.

Répartition fonctionnelle indicative des crédits d'équipement supplémentaires prévus sur la période 2003-2007

(dotations ordinaires et crédits de paiement, en millions d'euros par an en moyenne)

Police

Gendarmerie

Programme immobilier

75

95

Programme « Acropol »

45

-

Modernisation des services et NTIC

40

30

Véhicules

20

40

Equipement et protection individuelle des personnels

55

40

Total

235

205

Source : ministère de l'intérieur

Il convient toutefois de souligner que cette répartition n'est qu'indicative : l'annexe II fait d'ailleurs parfois précéder ces montants de la mention « environ ».

En outre, cette répartition fonctionnelle ne recoupe aucunement la nomenclature budgétaire, de sorte qu'il sera bien difficile au Parlement de démêler, lors de l'examen des projets de lois de finances, dans quelle mesure elle sera respectée.

Sous ces réserves, les développements qui suivent détaillent les projets associés à cette répartition.

c) L'accélération de la rénovation du parc immobilier

En premier lieu, l'annexe II du présent projet de loi prévoit d'allouer en moyenne annuelle environ 170 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires aux programmes immobiliers de la police et de la gendarmerie (75 millions d'euros pour la police et 95 millions d'euros pour la gendarmerie).

Cela correspond à un quasi-doublement des efforts d'investissement immobilier par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002 (+ 94 % pour la police et + 81 % pour la gendarmerie), ce qui démontre que l'Etat ne cherche pas à se défausser de ses responsabilités au travers des dispositions de l'article 3 du présent projet de loi tendant à faciliter le financement de bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie par les collectivités locales.

Les priorités associées sont :

- pour la police , la mise en oeuvre du plan de rénovation, de réhabilitation et de « désimbrication » du parc immobilier de la préfecture de police de Paris, l'intensification de l'effort de réservation de logements pour les agents en zone urbaine, la rénovation et l'augmentation des capacités des écoles de formation (aujourd'hui saturées et parfois en mauvais état), l'amélioration des conditions d'hébergement des CRS en Ile-de-France et la mise à niveau des crédits de maintenance. Au total, grâce aux efforts conjugués de l'Etat et des collectivités locales, comme aux mesures tendant à l'accélération des procédures proposées par l'article 3 du présent projet de loi, le ministère de l'intérieur prévoit de porter progressivement les surfaces mises en chantier de 45.000 m2 en 2002 à 100.000 m2 par an ;

- pour la gendarmerie , améliorer la maintenance, rénover les unités de formation et fournir à tous les gendarmes et à leurs familles des conditions de logement conformes aux normes actuelles, 3.500 logements devant être remis à niveau et 4.000 autres construits ou acquis d'ici 2007.

d) La remise à niveau du parc automobile

L'annexe II du présent projet de loi prévoit également d'allouer en moyenne annuelle environ 60 millions d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires pour remettre à niveau et pour améliorer la gestion des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie (dont 20 millions d'euros pour la police et 40 millions d'euros pour la gendarmerie), avec pour objectifs de réduire le taux d'indisponibilité des véhicules, d'en respecter les critères de réforme et surtout de moderniser le parc de véhicules lourds des CRS et des escadrons de gendarmerie mobile (ce dernier objectif devant mobiliser plus des deux-tiers des crédits supplémentaires prévus).

e) L'adaptation de l'équipement et de la protection individuelle des personnels

L'annexe II du présent projet de loi prévoit en outre d'allouer en moyenne annuelle environ 95 millions d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires pour adapter l'équipement des personnels à l'évolution des conditions d'exécution de leurs missions.

Les dépenses ordinaires supplémentaires prévues pour la police (à hauteur de 55 millions d'euros par an) permettront notamment l'achat de 60.000 gilets pare-balles à port discret supplémentaires, l'achat de casques de maintien de l'ordre pare-balles, le renouvellement de l'armement le plus ancien, l'achat d'étuis sécurisés pour l'armement non-renouvelé, la constitution d'une dotation de tenues de protection contre les risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et l'acquisition de matériels, comme les « flash-balls », permettant aux fonctionnaires de se désengager en cas de danger, sans pour autant faire usage de leur arme de service.

Les crédits de paiement supplémentaires prévus pour la gendarmerie (à hauteur de 40 millions d'euros par an) permettront notamment l'achat de 84.000 gilets pare-balles à port discret supplémentaires, l'acquisition de 1.000 « flash-balls », et la mise en place pour toutes les unités de la gendarmerie départementale et de la gendarmerie mobile d'une tenue de service courant mieux adaptée à l'exécution des missions de sécurité publique.

f) La modernisation des services et des systèmes de communication

L'annexe II du présent projet de loi prévoit aussi d'augmenter d'environ 45 millions d'euros par an les crédits de paiement consacrés au déploiement du programme Acropol de communication de la police , avec pour objectif d'achever ce déploiement d'ici 2008 tout en répondant aux nouveaux besoins identifiés : couverture des lieux souterrains, densité accrue des relais en zone densément peuplée, hausse du nombre de postes mobiles et portatifs et développement des passerelles locales permettant l'interconnexion du réseau Acropol avec le réseau Rubis de la gendarmerie.

Enfin, l'annexe II du présent projet de loi prévoit d'allouer en moyenne annuelle environ 70 millions d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires pour « moderniser les services et mieux utiliser les technologies de traitement de l'information ».

Il s'agit là en fait d'une rubrique un peu « fourre-tout », qui regroupe principalement :

- pour la police , le développement des missions de coopération internationale, la modernisation des câblages, des équipements et des fichiers informatiques, la mise en réseau des postes de travail, la modernisation des centres d'information et de commandement (généralisation de la radiolocation des unités engagées dans des opérations, acquisition de logiciels de traitement des appels d'urgence et de cartographie informatisée de la délinquance, etc.), la modernisation des laboratoires de police technique et scientifique, enfin la diffusion de dispositifs de lecture automatique de passeports et de cartes nationales d'identité, voire de dispositifs de biométrie ;

- pour la gendarmerie (à hauteur de 30 millions d'euros de crédits de paiement par an), la refonte des systèmes d'information et de commandement (SIC) et la mise en réseau des unités par Internet (d'ici 2003) puis par un Intranet (d'ici 2007).

* 21 Les amendements proposés par le gouvernement au projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2002 illustrent d'ailleurs bien ce phénomène : ces amendements ont en effet accru les crédits de rémunération de 135 millions d'euros (+4,8 %), tout en réduisant les crédits de fonctionnement et d'investissement de 14 millions d'euros (-1,4 %).

* 22 Soit 51,3 x 5 ans + 23,9 x 5 ans

* 23 En toute rigueur, ce tableau établi à partir des données transmises par le ministère de l'intérieur est légèrement inexact, car les crédits de « rémunérations » supplémentaires prévus par le présent projet de loi sur la période 2003-2007 comprennent également le premier équipement des emplois supplémentaires créés, qui est retracé en lois de finances dans le chapitre de fonctionnement 34-41 du budget de la police et dans les chapitres d'investissement du budget de la gendarmerie.

* 24 Pour les raisons exposées dans la note de bas de page ci-dessus, ce ratio ne reflète qu'imparfaitement la progression des masses budgétaires correspondantes. En outre, les crédits prévus sur la période 2003-2007 auront, en raison de l'érosion monétaire due à l'inflation, des valeurs réelles différentes selon leur année de consommation.

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