B. UN PROJET DE RÉFORME DU FONCTIONNEMENT DE L'OMC À POURSUIVRE

L'OMC est vivement critiquée par les militants anti-mondialisation, qui relayent et amplifient les reproches que les pays les moins avancés ont adressés à cette organisation à l'issue de la conférence de Seattle. Les contestations persistantes portant sur l'OMC appellent une révision de son mode de fonctionnement.

Pourtant, même parmi les critiques les plus radicaux, l'idée fait son chemin qu'une OMC réformée pourrait être une institution indispensable. Supprimer l'OMC ou revenir à l'ancien GATT ne résoudrait aucun des problèmes soulevés par la mondialisation. L'OMC, pierre angulaire du système commercial international, en garantit la cohérence, en contenant les risques de fractionnement et de discriminations. L'augmentation progressive du nombre de ses membres (142 à ce jour) et l'entrée de la Chine et prochainement d'une vingtaine d'autres pays candidats, dont la Russie, rapprochent désormais l'OMC de l'universalité.

L'OMC est une organisation mixte. Elle est à la fois une enceinte de négociation et une juridiction internationale . Les critiques dont elle fait l'objet portent sur ces deux fonctions.

En tant qu'enceinte de négociation, l'OMC n'a pas de pouvoirs propres, analogues à ceux du FMI ou de la Banque Mondiale. Contrairement à la réputation qui lui est parfois faite, ce n'est pas l'organisation elle-même qui promeut une idéologie particulière. Elle n'en a ni les moyens, ni la mission, car elle reste contrôlée étroitement par les Etats membres qui sont tous sur un pied d'égalité, les décisions se prenant par consensus alors qu'une dizaine d'Etats membres représentent 80 % des échanges mondiaux. Sa mission, aux termes des Accords de Marrakech de 1994, est d'organiser la mise en oeuvre des négociations commerciales selon le principe de libéralisation des échanges arrêté dans l'accord initial du GATT de 1947.

En revanche, l'organe de règlement des différends de l'OMC a des compétences sans équivalent . Ce sont essentiellement les décisions de cet organe qui fondent les critiques les plus radicales adressées à l'OMC.

1. Le projet de réforme de l'organe de règlement des différends en souffrance

Le caractère quasi juridictionnel des mécanismes de règlement des différends accroît l'égalité entre les Etats et renforce l'assise du droit international. Sa création a permis de lutter utilement contre l'unilatéralisme et d'éviter que le jeu croisé des sanctions et des rétorsions ne dégénère en guerre commerciale.

Le mémorandum sur les règles et procédures de règlement des différends (MRD) constitue donc l'un des mécanismes les plus efficaces du système commercial multilatéral. Depuis sa création jusqu'à fin mai 2002, l'organe de règlement des différends (ORD - qui est une formation spécifique du Conseil général de l'OMC), a eu à connaître de 239 demandes de consultations (dont 29 au titre de la seule année 2001).

Les Etats-Unis et l'Union européenne demeurent les plus gros utilisateurs du mécanisme de règlement des litiges, ce qui est logique compte tenu de leur poids respectif dans les échanges commerciaux internationaux. Les pays en développement y ont toutefois de plus en plus recours, d'une manière tant offensive que défensive, et autant vis à vis des pays développés qu'à l'égard des autres pays en développement. Les PED ont eu gain de cause au titre de 21 affaires (dont 17 en qualité de plaignant et 4 en qualité de défendeur)  et ont été condamnés dans 19 cas (dont 16 en qualité de défendeur et 3 en qualité de plaignant). Les Etats-Unis ont gagné 17 affaires et en ont perdu 3, en qualité de plaignant. L'Union européenne a gagné 20 affaires et en a perdu une, chaque fois comme plaignant. On peut donc dire que les PED ont initié autant de cas offensifs que les Etats-Unis.

Les Etats membres reconnaissent donc la crédibilité d'un mécanisme qui a su donner les preuves de son efficacité depuis sa création en 1995. A cet égard, les travaux de l'organe d'appel contribuent à renforcer la cohérence des décisions. Ils estiment toutefois que ce système mériterait d'être amélioré au bénéfice en particulier des pays en développement, soucieux de recevoir une assistance technique soutenue face à des procédures de plus en plus longues et coûteuses.

La déclaration de Doha prévoit donc une négociation portant sur l'amélioration et la clarification du mémorandum d'accord sur le règlement des différends, devant prendre fin en mai 2003 , afin de permettre une entrée en vigueur dès que possible. Compte tenu du caractère spécifique de cette négociation, elle est soustraite du champ de l'engagement unique qui couvre les autres sujets.

En dépit de l'attitude volontariste de l'Union européenne, et le dépôt de quelques propositions ponctuelles, les débats sont marqués par un grand attentisme, notamment de la part des Etats-Unis . L'Union a déposé en mars 2002 une contribution sur ce thème.

Cette continuation met en avant cinq points importants : la professionnalisation des membres des groupes spéciaux afin de mieux garantir l'indépendance des « panels » ; une meilleure articulation entre les procédures de vérification de la conformité d'une mesure avec les accords de l'OMC (dites article 21.5) et celles conduisant à la suspension de concessions (dites article 22) ; l'encouragement à un règlement des litiges par octroi de compensations de préférence à la suspension des concessions ; l'interdiction des modifications des concessions suspendues, selon la méthode dite du « carrousel » 3 ( * ) ; le renforcement de la transparence et du recours à l'expertise externe. Cette contribution comporte, en annexe, des propositions de rédaction pour les articles pertinents du mémorandum d'accord sur le règlement des différends.

Faute de contribution alternative de même ampleur, les débats se sont d'abord portés sur cette proposition, qui a reçu un accueil certes favorable mais sans enthousiasme. D'autres propositions ont été déposées depuis. Les débats n'arrivent toutefois pas à démarrer réellement , faute d'un document global des Etats-Unis qui devrait être déposé à la rentrée (suivi sans doute du Canada), et du manque d'intérêt de la plupart des membres. Il est cependant peu probable que le président parvienne à l'automne, au vu des contributions présentes, à entamer le processus de rédaction qui permettrait de tenir l'échéance de mai 2003.

* 3 Stratégie consistant à modifier fréquemment les concessions suspendues en représailles : le roulement des sanctions prive ainsi « l'adversaire » du temps lui permettant de s'adapter tant bien que mal à la suspension des concessions.

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