2. L'indispensable réaffirmation des spécificités de la protection sociale agricole

a) La Mutualité sociale agricole : des services de proximité organisés dans le cadre d'une gestion responsable

La suppression annoncée du BAPSA doit fournir l'occasion de conforter, et de développer, les nombreux atouts de la Mutualité sociale agricole, et notamment :

- la proximité et la qualité du service fourni aux assurés

La plupart des 78 caisses décentralisées ont ainsi mis en place des agences locales et des points d'accueil dans lesquels les assurés peuvent trouver des informations et accomplir les démarches relatives à la couverture de l'ensemble des risques. Néanmoins, et pour éviter un « émiettement » trop important des tâches et des responsabilités, ces caisses ont également constitué des unités plus larges, sous la forme de caisses fusionnées ou de fédérations de caisses.

C'est également au niveau local que les assurés élisent leurs 76.000 délégués, lesquels désignent en assemblée générale les administrateurs des caisses de base, dont les représentants élisent le conseil central. Le réseau de délégués permet de bien connaître les difficultés rencontrées par les assurés et de leur apporter une réponse adaptée. Forte de cette légitimité, la MSA est ainsi l'interlocuteur incontournable des pouvoirs publics sur toutes les questions afférentes à la protection sociale agricole.

- une gestion responsable

Le mode de financement des prestations tient compte des cotisations émises et non des cotisations encaissées. Les gestionnaires de la MSA, qui ne peuvent compter sur un financement extérieur pour combler la différence entre les deux, doivent donc assurer le meilleur taux d'encaissement des cotisations.

Leurs coûts de gestion, rapportés à la prestation moyenne équivalente à celle du régime général, sont inférieurs à ceux des autres régimes. Ils sont couverts par une allocation de gestion versée en fonction du volume d'activité de chaque caisse et non du coût réel. Ce principe de responsabilité conduit les caisses, dont les frais de gestion sont les plus élevés, à les réduire, tandis que celles qui ont un coût de gestion inférieur à la norme peuvent affecter la différence à leur action sanitaire et sociale.

Enfin, les modalités de recouvrement décentralisées permettent de tenir compte des spécificités locales : les dates et taux d'appel des cotisations d'exploitants agricoles sont fixés pour correspondre aux recettes des agriculteurs et obtenir le meilleur taux d'encaissement.

b) La Mutualité sociale agricole : une action sanitaire et sociale d'une grande richesse

L'action de la MSA se caractérise, également, par sa grande richesse dans le domaine sanitaire et social.

En application de l'article L. 726-1 du code rural, le conseil d'administration de chaque caisse de MSA fixe les principes généraux et les moyens de la politique d'action sanitaire et sociale menée après avis d'un comité composé paritairement de non-salariés et de salariés, désignés en son sein.

Ce comité est appelé également à instruire les demandes de subventions et attribuer les prêts et toutes aides à caractère individuel et collectif, dans le cadre de la politique fixée par le conseil.

En application de l'article L. 723-11 7°, la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) est chargée de promouvoir et animer l'action sanitaire et sociale de la MSA.

Le partage des rôles, fixé par la loi entre les caisses locales et la caisse centrale, est donc clair : il appartient à l'échelon national de définir la politique d'action sanitaire sociale et aux conseils d'administration des caisses de fixer les principes généraux et les moyens de la politique d'action sanitaire et sociale qui doivent être cohérents avec le plan d'action social institutionnel.

L'action sanitaire et sociale des caisses

L'article 9 du décret du 11 février 1985 fixe le périmètre opérationnel de l'action sanitaire et sociale des organismes de mutualité sociale agricole.

Cette action a pour but, dans les limites des moyens budgétaires autorisés :

- d'apporter une aide aux ressortissants des professions agricoles en ce qui concerne l'application des législations sociales, ainsi que l'amélioration de leurs conditions d'existence ;

- de consentir auxdits ressortissants l'attribution éventuelle de prestations non prévues par les législations sociales ou destinées à les compléter et, en cas de nécessité, l'attribution d'avances remboursables ;

- de créer, de développer des oeuvres, établissements ou institutions, destinés à améliorer l'état sanitaire et social des ressortissants ou de participer à leur création ou développement.

L'article 10 du même décret précise que le conseil d'administration définit la politique et assure la gestion administrative et financière de l'action sanitaire et sociale. Le conseil d'administration vote le budget de l'action sanitaire et sociale et, s'il y a lieu, celui des oeuvres, établissements ou institutions qu'il gère directement.

L'article L. 723-7 II du code rural dispose que les caisses de mutualité sociale agricole peuvent constituer avec des tiers des services communs en matière de gestion et d'action sanitaire et sociale ou participer à des services préexistants.

Elles peuvent également conclure des conventions avec des tiers en vue de la gestion partielle d'une activité en relation directe ou complémentaire avec la mission de service public dont elles sont chargées.

Evolution des dépenses d'action sanitaire et sociale des caisses de la MSA
(1995-2001)

Fonctionnement

Dépenses

Techniques

Subventions

Autres
charges

TOTAL

1995

728 173 712 F 53,9 %

454 500 235 F 33,7 %

36 392 538 F 2,4 %

130 195 670 F 9 %

1 349 262 155 F

1996

704 877 316 F 50,9 %

473 454 260 F 34,2 %

34 162 266 F 2,4 %

171 223 271 F 12,3 %

1 383 717 113 F

1997

744 256 204 F 51 %

504 678 832 F 34,5 %

33 246 005 F 2,27 %

176 773 829 F 12,1 %

1 458 954 870 F

1998

704 380 865 F 47,9 %

520 782 369 F 35,4 %

35 918 196 F 2,4 %

207 573 742 F 14,2 %

1 468 655 172 F

1999

778 806 460 F 53,1 %

561 199 782 F 38,3 %

37 529 642 F 2,5 %

86 792 675 F 5,9 %

1 464 328 559 F

2000

824 578 291 F 51,5 %

639 588 924 F 40 %

38 486 874 F 2,4 %

95 638 636 F 5,9 %

1 598 292 725 F

2001

840 375 573 F 50,1 %

707 762 230 F 42,2 %

41 805 568 F 2,5 %

86 171 475 F 5,1 %

1 676 114 846 F

Commentaires :

Les charges de fonctionnement correspondent aux dépenses de personnels spécifiquement attachés à l'ASS ainsi qu'aux charges communes mises en répartition.

Les dépenses techniques correspondent aux prestations extra légales individuelles accordées par les caisses aux ressortissants.

Les subventions concernent l'appui à des structures (établissements, services), à des associations ou à des projets à caractère collectif.

Les autres charges représentent notamment les charges financières, charges mises en répartition ; leur variation au fil des six années vient de la manière dont elles ont été affectées par les caisses dans la nomenclature proposée.

Source : ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

L'observation de l'évolution des dépenses d'action sanitaire et sociale confirme la poursuite d'un rééquilibrage entre actions de terrain et interventions financières.

Traditionnellement, l'action sanitaire et sociale de la MSA repose sur la présence d'un important réseau de travailleurs sociaux intervenant auprès des ressortissants, dans leur milieu de vie.

Toutefois, la progression des ressources d'action sanitaire et sociale, qui a eu une traduction concrète en termes d'évolution des dépenses (comme le montre le tableau ci-dessus), a été surtout utilisée pour compléter l'offre de prestations financières individuelles des caisses, afin de mieux répondre à certaines attentes des ressortissants qui souhaitent une solvabilisation pour accéder à des services.

Ce choix délibéré, qui ne remet pas en cause la volonté des caisses de MSA de conserver une présence forte de travailleurs sociaux sur le terrain, est confirmé dans le tableau ci-dessus ; la progression des « dépenses techniques » est sensiblement supérieure en effet à celle des dépenses globales : + 13,96 % entre 2000 et 1999 pour cette rubrique, contre + 9,14 % en global ; + 10,65 % sur 2001/2000, contre + 4,86 % en global.

Il convient, par ailleurs, de souligner que les dépenses de subvention du régime agricole demeurent à un niveau extrêmement modeste (2,5 %) d'année en année ; la plupart correspondent au soutien à des partenariats locaux, indispensable pour la MSA compte tenu du caractère très minoritaire et géographiquement dispersé de la population ressortissante.

Pour l'année 2001, on remarque que :

- 62,1 % de ces prestations sont allés aux retraités et personnes âgées : aide à domicile, aide à la dépendance ;

- 23,9 % ont concerné les familles avec un poste en croissance, la garde du jeune enfant, et l'apparition d'une aide soutenue aux jeunes (poursuite d'études, aide au premier emploi) ;

- le solde concerne les aides, sous forme de secours, aux populations fragiles : conséquences des difficultés socio-économiques, handicap, etc.

Depuis quelques années, la caisse centrale incite le réseau MSA à développer sa politique d'action sociale en direction des jeunes et des familles. L'année 2001, qui montre une progression significative de la part des prestations extra-légales consacrée à cette catégorie de ressortissants (23,9 %, contre 19,8 % en 2000), marque à cet égard une étape significative.

Cette inflexion concerne aussi les actions de terrain, qui font de plus en plus une place au soutien à des projets des jeunes et des familles, même si, globalement, les interventions des travailleurs sociaux demeurent majoritairement axées sur l'accompagnement des personnes âgées et la lutte contre les exclusions.

L'action sanitaire et sociale de la caisse centrale de la MSA

Pour ce qui concerne la seule caisse centrale de la mutualité sociale agricole et sur la seule base des actions entreprises, qui sont d'ailleurs quasi exclusivement des subventions à des organismes ou en soutien à des programmes d'action sociale proposés aux caisses par la caisse centrale, les dépenses, dites techniques ou de subventions (hors dépenses de fonctionnement), ont été les suivantes depuis 1995 :

- 1995 : 27,885 millions de francs

- 1996 : 20,499 millions de francs

- 1997 : 23,161 millions de francs

- 1998 : 20,370 millions de francs

- 1999 : 16,890 millions de francs

- 2000 : 15,991 millions de francs

- 2001 : 11,579 millions de francs

Ces dépenses d'intervention de la caisse centrale ont baissé régulièrement depuis 1998, l'échelon central ayant entrepris une réflexion visant à redéfinir les orientations prioritaires d'action sanitaire et sociale. Cette réflexion s'est traduite, en 1999, par une remise en cause progressive à la fois des partenariats nationaux et de l'offre de plans ou programmes thématiques d'action sociale proposés aux caisses.

Ce repositionnement conduit à présent à des partenariats nouveaux ou à une rénovation de partenariats anciens et ceci va entraîner une montée en charge progressive des engagements financiers de soutien de la caisse centrale.

De même, de nouveaux plans et programmes ont été lancés depuis 2001 auprès des caisses (jeunes, personnes handicapées, notamment), alors que la précédente génération arrivait à expiration ; d'autres le seront dans un avenir proche (famille) et l'engagement progressif des caisses dans ces dispositifs va se traduire par une progression régulière des dépenses de la caisse centrale en soutien des caisses qui les mettront en oeuvre.

c) L'avenir du régime de protection sociale des exploitants agricoles : diverses solutions envisageables qui devront nécessairement être analysées en concertation avec les organisations professionnelles agricoles et la MSA

Par quelle structure le BAPSA devra-t-il être remplacé ?

Deux solutions peuvent être envisagées :

- soit la gestion du régime des non-salariés agricoles est confiée à la MSA ;

- soit elle est partagée entre la MSA et un fonds créé à cet effet sous forme d'établissement public à caractère administratif (tel le fonds de solidarité vieillesse). Ce fonds peut avoir un champ plus ou moins large en regroupant uniquement les recettes provenant de l'Etat, ou toutes les recettes, ou, encore, en regroupant toutes les recettes et toutes les dépenses du régime.

Quelle que soit la solution de remplacement du BAPSA, celle-ci doit répondre à deux exigences :

- d'une part, respecter les présentations faites en loi de financement de la sécurité sociale,

- et, d'autre part, garantir l'équilibre du régime.

On ne peut, en effet, envisager une modification du statut juridique du BAPSA sans prévoir les moyens d'assurer l'équilibre financier du régime des non-salariés agricoles.

En toute hypothèse, il convient de réaffirmer l'attachement aux principes et à la philosophie qui guident l'ensemble de la Mutualité sociale agricole.

Il s'agit, en conséquence, de mener une réflexion et de proposer une évolution du BAPSA du point de vue juridique et financier afin de pérenniser le système mutualiste dans une dynamique de développement des affaires rurales.

Il paraît donc indispensable qu'une concertation soit engagée rapidement avec la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, les départements ministériels concernés et les organisations professionnelles agricoles.

Selon les informations communiquées à votre commission, le Gouvernement envisage de travailler par étapes successives sur une période comprenant deux exercices (2004 et 2005) de telle sorte que le nouveau système soit complètement opérationnel pour l'exercice 2006.

La première étape doit concerner un état des lieux précis du BAPSA, envisagé sous l'angle technique (les modalités de fonctionnement, les différents acteurs, les relations avec les autres régimes, la gestion de l'action sanitaire et sociale, la mise en évidence des enjeux, une première liste de points sur lesquels il y a lieu de travailler).

Au vu des résultats de cet état des lieux, seront déterminées les étapes suivantes qui prendront en compte les priorités dans l'examen des questions, les consultations à prévoir auprès des organisations professionnelles agricoles et des autres départements ministériels, les niveaux de validation des réflexions et le calendrier correspondant.

Les résultats de ces travaux, menés dans la plus large concertation, devront permettre de proposer un nouveau système de financement et de gestion de la protection sociale des non-salariés agricoles, tout en pérennisant le système mutualiste existant.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption du projet de BAPSA pour 2003 .

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