B. LA GARANTIE D'UNE RETRAITE MINIMUM

1. Un objectif ambitieux pour 2008

L'article 4 du présent projet de loi dispose que la Nation se fixe pour objectif d'assurer, en 2008, à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein, un montant total de pension, lors de la liquidation, au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance (SMIC) net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance.

Votre rapporteur pour avis partage les propos du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, selon lesquels « face à la retraite, le sort réservé aux salariés les plus modestes a été délaissé ».

A ce titre, le relevé de décisions de la réunion du 15 mai 2003 tenue avec les partenaires sociaux au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, prévoyait qu'en 2008, aucune retraite nette d'un salarié ayant une carrière complète au SMIC ne sera inférieure à 85 % du SMIC net . Pour garantir cet objectif, le minimum contributif sera revalorisé, pour quarante années cotisées, sur la base suivante. Cette revalorisation du minimum contributif fait l'objet de l'article 18 du présent projet de loi.

Cet objectif devrait être réexaminé dans cinq ans en tenant compte des perspectives financières des réformes d'assurance vieillesse.

Le ministre a également apporté des précisions utiles à la compréhension de cet article lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale en indiquant que « le projet de loi définit un objectif, associant le régime de base et les régimes complémentaires, en faveur des salariés ayant toujours travaillé au SMIC : leur retraite s'élèvera, pour une carrière complète, à un minimum de 85 % du SMIC net en 2008, contre (...) 81 % aujourd'hui ».

Taux de remplacement net estimé sur des cas types en 2000 et en
projection, sous l'hypothèse de taux de cotisation inchangés

2000

2020

2040

CNAV (1)

CNAV (2)

CNAV (3)

CNAV (4)

CNAV (5)

56 %

52 %

55 %

26 %

26 %

49 %

49 %

49 %

25 %

25 %

49 %

49 %

49 %

24 %

25 %

ARRCO (1)

ARRCO (2)

ARRCO (3)

ARRCO (4) cadre

ARRCO (5) cadre

25 %

25 %

29 %

13 %

13 %

21 %

20 %

21 %

11 %

11 %

19 %

18 %

19 %

9 %

9 %

AGIRC (4)

AGIRC (5)

17 %

35 %

15 %

26 %

14 %

24 %

CNAV + ARRCO (1)

CNAV + ARRCO (2)

CNAV + ARRCO (3)

CNAV + ARRCO + AGIRC (4)

CNAV + ARRCO + AGIRC (5)

81 %

78 %

84 %

56 %

75 %

70 %

69 %

71 %

50 %

62 %

68 %

67 %

67 %

47 %

58 %

(1) Carrière toujours au SMIC.

(2) Carrière de 0,8 plafond au plafond en 20 ans (ce qui correspond, en projection, à une augmentation annuelle de 2,7 % les vingt premières années et de 1,6 % ensuite si le plafond progresse, comme le salaire moyen, de 1,6 % par an).

(3) Salaire moyen ARRCO.

(4) Du plafond à 2 plafonds en 40 ans, cadre.

(5) Salaire moyen de l'AGIRC par âge.

Source : COR 2001

2. Les modalités de garantie d'une retraite minimum

L'article 4 du présent projet de loi fixe à l'horizon 2008 pour un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein (au moins 160 trimestres), un objectif global relatif au montant de la pension servie, égal à 85 % du SMIC net lors de la liquidation de la pension totale (pensions de base et complémentaire). Cette garantie s'applique lorsqu'il a cotisé au moins 160 trimestres au cours de sa carrière sur la base d'une assiette correspondant au salaire minimum de croissance.

Cette garantie, reposant sur une référence exprimée en pourcentage du SMIC, reste indépendante de l'indexation utilisée pour la revalorisation ultérieure des pensions contributives et non contributives, définie à l'article 19 du présent projet de loi qui pose le principe d'un mode d'indexation sur les prix . En effet, cette garantie s'applique uniquement lors de la liquidation de la pension de retraite . Une fois la pension liquidée, le pouvoir d'achat des bénéficiaires de cette retraite minimale est donc censé être garanti par l'article 19 du présent projet de loi qui prévoit l'indexation des pensions sur les prix ainsi que par « la négociation tous les trois ans avec les partenaires sociaux » comme l'a indiqué M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale.

Evolutions indiciaires comparées, base 100 en 1990

et rapport pension minimum / SMIC.

* l'indice des prix est arrêté à mai 2003, dernière valeur publiée par l'INSEE.

Source : ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité

Votre rapporteur pour avis aurait souhaité voir préciser par le gouvernement le mode d'indexation de la garantie d'une retraite minimale sur les prix.

Cette garantie relève conjointement des régimes de base et des régimes complémentaires obligatoires. En effet, le calcul du montant total de la pension implique à la fois les deux catégories de régimes de retraite. C'est pourquoi la garantie d'une retraite minimale doit être présentée comme un « objectif », une partie de la pension versée étant constituée par la retraite complémentaire qui relève de la compétence des partenaires sociaux. A ce titre, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a indiqué, lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, « puisque dans la composition du montant de la retraite, il y a les régimes complémentaires, nous ne pouvons inscrire dans la loi, et notamment à cet article 4, qu'un « objectif », car sinon nous serions accusés de vouloir imposer aux partenaires sociaux des décisions qui leur reviennent ».

Il faut in fine comprendre des dispositions de l'article 4 que tout salarié ayant toujours travaillé au SMIC pourra prétendre, à partir de 2008, à bénéficier d'un montant total de pension, lors de la liquidation, au moins égal à 85 % du SMIC net, s'il dispose de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein . Seuls les trimestres cotisés feront donc l'objet d'une réévaluation. Ceux qui n'auront pas les 160 trimestres se verront appliquer une proratisation. Ce dispositif devrait concerner chaque année 180.000 personnes.

3. Le financement de cette mesure

L'article 18 du présent projet de loi prévoit notamment, pour contribuer à l'objectif d'une garantie de retraite minimale égale à 85 % du SMIC net, une revalorisation du minimum contributif selon l'échéancier suivant : + 3 % au 1 er janvier 2004, + 3 % au 1 er janvier 2006 et + 3 % au 1 er janvier 2008. Cette revalorisation du minimum contributif au titre des périodes cotisées constitue la contribution des régimes de base à la réalisation de cet objectif.

Le gouvernement a, en outre, précisé qu'il appartenait aux partenaires sociaux gérant les régimes complémentaires d'en tirer éventuellement les conséquences pour adapter les paramètres de leurs régimes.

Votre rapporteur pour avis tient toutefois à souligner que les l'autonomie de gestion des partenaires sociaux et la sécurité juridique et financière des régimes complémentaires doivent pouvoir être respectés .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, le complément nécessaire pour garantir une retraite minimale égale à 85 % du SMIC net en 2008 pourrait atteindre 6,6 % du salaire minimum de croissance pour une carrière complète cotisée au taux minimum ARRCO de 4 %, qui existait avant l'instauration d'un taux unique de 6 % en 1999. Dès lors, la seule revalorisation du minimum contributif ne permettrait pas de couvrir les besoins nécessaires à l'obtention de cette garantie de retraite minimale.

Force est donc de constater que l'objectif d'une garantie de retraite minimale fixée à 85 % du SMIC net lors de la liquidation de la pension est aujourd'hui fortement tributaire de la participation ou non des régimes de retraite complémentaire à la réussite de cet objectif et au financement de cette mesure . Votre rapporteur pour avis ne peut qu'inciter le gouvernement à engager rapidement une concertation avec les gestionnaires de ces régimes sur ce thème.

A ce titre, votre rapporteur pour avis souhaite voir inscrit dans le présent projet de loi le principe selon lequel le gouvernement remettra au Parlement en 2008 un rapport sur l'état d'avancement de l'application des dispositions de l'article 4 et notamment sur l'existence de négociations entre partenaires sociaux chargés de la gestion des régimes complémentaires de retraite en vue d'adapter le dispositif des retraites complémentaires de manière à assurer à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension, lors de la liquidation, au moins égal à 85 % du SMIC net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance.

De même, il regrette que le gouvernement ne donne pas d'indication chiffrée précise quant à l'incidence financière de cette mesure.

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