1. De la tarification à la pathologie à la tarification à l'activité : histoire d'une expérimentation tâtonnante
La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) a rendu possible l'expérimentation par le gouvernement, à compter du 1 er janvier 2000, et pour une période n'excédant pas cinq ans, de nouveaux modes de financement des établissements de santé publics ou privés, fondés sur une tarification à la pathologie. Cette possibilité fait l'objet des dispositions de l'article L. 6122-19 du code de la santé publique introduit par la loi du 27 juillet précitée.
a) Principes et objectifs d'une tarification à la pathologie
La
possibilité de l'expérimentation d'une tarification à la
pathologie a pour objectif de tester un nouveau mode d'allocation des moyens
aux établissements de santé, publics ou privés,
fondé sur une meilleure connaissance des coûts des pathologies.
Le système de tarification et de financement de droit commun
présente de multiples défauts, analysés notamment par la
Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de
septembre 2002.
Ces faiblesses consistent notamment dans :
- la relative déconnexion entre l'évolution de la dotation
globale de fonctionnement et l'évolution de l'activité
réelle des établissements qu'elle finance : d'après
l'analyse de la Cour des comptes, «
les rentes de situation, qui
existaient au profit de certains établissements avant sa mise en oeuvre
en 1983, n'ont sans doute pas été apurées, malgré
l'apport du PMSI
13(
*
)
. Les
établissements dont l'activité décroît peuvent
connaître une relative aisance financière ; à
l'inverse, les établissements dont l'activité croît,
souvent en raison de meilleures pratiques, peuvent être
pénalisés financièrement
» ;
- la complexité et les effets pervers de la tarification des
établissements privés à but lucratif : les
établissements privés sous OQN reçoivent des forfaits par
journée et prestation délivrée, ce qui assure un
financement en fonction des actes réalisés mais les
données issues de leur comptabilité analytique ne permettent pas
aux agences régionales d'hospitalisation (ARH) de déterminer
précisément le coût de chacun de ces actes. En outre, les
tarifs pratiqués ne reflètent qu'imparfaitement la
réalité des coûts des établissements et peuvent
conduire les établissements à se spécialiser dans les
domaines les plus rémunérateurs, ce qui peut induire des choix de
spécialisation inadaptés aux besoins ;
- la coexistence de deux tarifications distinctes pour les secteurs publics et
privés : il est aujourd'hui difficile de justifier l'existence de
deux modes de tarification différents entre les établissements
publics et privés à but non lucratif d'une part, et les
établissements privés à but lucratif d'autre part, cette
double tarification engendrant en effet de fortes inégalités dans
les moyens de fonctionnement des établissements ainsi que dans l'offre
de soins proposée aux patients.
L'existence de ces nombreux effets pervers liés au mode de tarification
actuel des établissements de santé a abouti à une
réflexion sur la réforme du système de tarification ayant
pour objet de tenir compte de l'activité réelle des
établissements au moment de l'allocation des ressources et d'inciter
à une optimisation des coûts.
Ce mode de financement, déjà appliqué dans plusieurs pays
européens (Allemagne, Espagne, Suède, Grande-Bretagne) consiste
à rémunérer les soins dispensés par les
établissements par application d'un prix forfaitaire, fixé
à l'avance, pour chaque pathologie traitée, en principe
égal pour tous les établissements.
Les objectifs que l'on peut fixer à un tel système sont
multiples :
- fonder les financements des établissements sur leur
activité de soin ;
- rapprocher les modes de financement et de régulation des deux secteurs
de l'hospitalisation ;
- permettre l'application de nouveaux modes de régulation, plus
efficaces que ceux de la dotation globale ou de l'OQN, car mieux
acceptés par les médecins.
L'expérimentation et la mise en oeuvre d'une telle réforme
supposent toutefois de réunir de nombreux préalables techniques
et, en premier lieu, de disposer d'un dispositif de description de
l'activité de soins suffisamment précis et détaillé
pour refléter la diversité de l'activité médicale
tout en permettant un traitement statistique et financier de l'information
recueillie. En France, le PMSI - et la classification de l'activité de
soins de courts séjours en groupes homogènes de malades (GHM)
à laquelle il aboutit - constitue l'instrument essentiel sur lequel peut
être bâti un tel système de financement. Les GHM ne formant
pas réellement une classification des
« pathologies » mais plutôt des séjours
hospitaliers (peuvent être regroupés dans une même classe
des séjours relevant de pathologies différentes), le terme de
« tarification à l'activité » doit être
préféré à celui de « tarification
à la pathologie ».
Par ailleurs, le système à élaborer ne peut se limiter au
financement de l'activité de soins de court séjour mais doit
également couvrir les autres activités de soins (moyen
séjour, psychiatrie) et aussi les autres missions d'intérêt
général (accueil des urgences, formation, recherche, accueil
social, permanence des soins, activités de support, etc.) non ou mal
prises en compte par le PMSI. Il doit en outre comporter des dispositifs
propres à éviter tout effet non désiré, telle
l'éviction des patients les plus lourdement atteints ou
l'externalisation d'une partie des coûts.
L'objet de l'expérimentation est, précisément,
d'étudier les préalables techniques et les conditions
d'application d'un système de tarification à la pathologie
via
:
- l'amélioration du modèle de description de l'activité
médicale : avant d'utiliser le PMSI à des fins de tarification,
il est nécessaire de perfectionner le modèle des GHM pour mieux
prendre en compte les séjours s'écartant de la moyenne
(poly-pathologies, prises en charges non programmées, etc.) ou
certaines activités médicales telles les activités de
pointe ;
- l'élaboration des principes de tarification des séjours : la
détermination d'un tarif par séjour - notamment dans
l'hypothèse d'une tarification commune aux établissements publics
et privés - suppose de traiter les différences structurelles
entre les deux secteurs (écarts de rémunération
liés aux différences de statut des personnels,
rémunération à l'acte des professionnels de santé
exerçant en clinique) ;
- le financement des activités d'intérêt
général : des modalités de financement
particulières doivent être trouvées pour les
activités liées aux exigences de service public ou à des
missions d'intérêt général.
Les bénéfices attendus de la tarification à la
pathologie sont nombreux et résident notamment dans :
- une plus grande équité entre les établissements,
rémunérés en fonction de leur activité
réelle et des prestations qu'ils fournissent sur la base d'un tarif
fixé au plan national ;
- une incitation à la bonne gestion ;
- la suppression des disparités tarifaires actuelles non
justifiées entre l'hospitalisation publique et privée.