D. LA RÉFORME DE LA POLITIQUE DE L'EAU
1. Le cadre général
a) La mise en oeuvre de la directive « nitrates »
L'aggravation, depuis de nombreuses années, de la
pollution
des eaux par les nitrates est incontestable et préoccupante. Due
à des pratiques de fertilisation inadaptées, elle entraîne
une dégradation de la qualité des eaux souterraines et
superficielles. La teneur de ces dernières en azote dépasse
parfois le seuil de potabilisation, ce qui peut conduire à abandonner le
point de prélèvement, et entraîne systématiquement
un renchérissement du prix de l'eau. Certaines eaux deviennent
eutrophes
4(
*
)
, et la flore et la
faune peuvent y être modifiées.
Ceci a conduit les Etats membres de l'Union européenne à adopter
la
directive du 12 décembre 1991
concernant la protection des
eaux contre les pollutions par les nitrates à partir de sources
agricoles
5(
*
)
, dite directive
« nitrates ».
Cette directive fixe aux Etats membres des
obligations de moyens
. Il
s'agit
d'inciter les agriculteurs
à adopter des pratiques de
fertilisation et de gestion des terres plus respectueuses de l'environnement et
réduisant le risque de lessivage des nitrates. Pour cela, des zones
vulnérables, c'est-à-dire des zones où la teneur de l'eau
en nitrates dépasse ou risque de dépasser 50 mg par litre,
ou bien où les risques d'eutrophisation sont importants, doivent
être délimitées. Des mesures adaptées,
définies dans la directive, doivent être appliquées dans
ces zones vulnérables et en dehors.
Tous les quatre ans, une campagne de surveillance de la teneur des eaux en
nitrates doit être menée. Elle donne lieu à un bilan de
l'amélioration par les agriculteurs de leurs pratiques de fertilisation
azotée et de gestion des terres, ainsi qu'un rapport de mise en oeuvre
de la directive. Ce rapport est transmis aux autorités communautaires.
b) Les premiers programmes d'action (1996-2000)
En
France, l'application de la directive «nitrates» s'est traduite par
un décret du 27 août 1993
6(
*
)
, qui a conduit à une
première délimitation des zones vulnérables à la
pollution par les nitrates, ainsi qu'à la définition
d'un code
des bonnes pratiques agricoles
. Ce code est
d'application volontaire
hors des zones vulnérables
. Il constitue la base des programmes
d'action à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables.
Ainsi, en application du décret du 4 mars 1996
7(
*
)
, les premiers programmes d'action ont
été mis en place dans les zones vulnérables pour une
période de quatre ans. Ils comportaient les mesures d'application
obligatoire en zone vulnérable, nécessaires à une bonne
maîtrise de la fertilisation et à une gestion adaptée des
terres agricoles, en vue de limiter à un niveau admissible les fuites de
composés azotés dans les eaux superficielles et souterraines. Il
s'agissait principalement de sensibiliser les agriculteurs aux risques encourus
par l'environnement du fait de pratiques inadaptées de fertilisation,
à leur faire connaître les bonnes pratiques, et à les aider
à corriger les plus grossières erreurs.
c) Les deuxième (2000-2003) et troisième phases (2004-2007)
La
campagne de surveillance de la teneur des eaux en nitrates menée en 1999
et 2000 n'a pas montré une amélioration de la situation des
eaux
s'agissant de leur concentration en des nitrates. Elle a conduit
à
modifier la délimitation des zones vulnérables et
à les étendre
, en particulier à
toute la
région d'Ile-de-France
, notamment pour prendre en compte les risques
d'eutrophisation des eaux.
A la suite du décret du 10 janvier 2001
8(
*
)
et de l'arrêté du 6 mars
2001, les deuxièmes programmes d'action ont commencé à
être appliqués en juillet 2001 ; ils se termineront en
décembre 2003 et laisseront la place aux troisièmes programmes,
qui s'étendront du 1
er
janvier 2004 au 31
décembre 2007. Ces
nouveaux textes, plus contraignants que les
précédents
, prévoient notamment, pour l'ensemble des
zones vulnérables, que les arrêtés préfectoraux
fixent
des objectifs quantitatifs d'amélioration
des pratiques
d'épandages des fertilisants azotés, et que les agriculteurs, en
tenant des documents d'enregistrement des pratiques, montrent que
l'équilibre entre les besoins azotés des plantes et les apports
est respecté. Dans les parties de zones vulnérables où la
situation de l'eau est plus critique, des actions renforcées seront
prévues par les arrêtés préfectoraux.
Des
zones en excédent structurel (ZES) pour l'azote
ont
été définies : il s'agit des
zones où la
quantité d'azote issue des effluents d'élevages est
supérieure à 170 kg par hectare
de surface épandable.
Y sont prévues des actions renforcées, notamment
l'interdiction d'augmenter les effectifs animaux
9(
*
)
et l'obligation de traitement ou
de transfert des excédents d'azote d'origine animale.
Une attention particulière est portée aux bassins versants, en
amont des prises d'eau destinée à la consommation humaine,
où la norme de 50 mg de nitrate par litre est dépassée. La
couverture totale des sols pendant les périodes de risque important de
drainage des nitrates y est obligatoire. La France a obtenu des
autorités communautaires l'autorisation
d'indemniser les agriculteurs
concernés
. Cette indemnité est destinée à
compenser pour partie le surcoût entraîné par l'implantation
d'une culture intermédiaire, qui sert de piège à nitrates.
Elle est temporaire (de 2001 à 2006) et dégressive.
Le
coût de cette indemnisation est supporté à parité
par les ministères chargés de l'agriculture
10(
*
)
et de l'environnement
11(
*
)
.
Quatre M€ ont
été prévus en 2002 et 2003 pour cette mesure
.
d) La condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE)
Par un
arrêt du 27 juin 2002, la Cour de justice des
communautés européenne (CJCE) a condamnée la France en
raison de son insuffisante application de la directive
« nitrates » :
- pour mauvaise interprétation du critère relatif à
l'eutrophisation ;
- pour insuffisance de délimitation des zones vulnérables au
vu de ce critère ;
- pour avoir contribué à l'eutrophisation des eaux de la
Manche et de la Mer du Nord.
Compte tenu de cette condamnation, les zones vulnérables ont
été à nouveau élargies en 2002, mais
essentiellement dans les départements côtiers de la Manche et de
la Mer du Nord. En effet, les résultats des dernières campagnes
de mesures n'ont pas montré la nécessité d'une nouvelle
délimitation des zones vulnérables dans les autres
départements.
La durée des deuxièmes programmes d'action a été
réduite afin qu'ils viennent à échéance le 31
décembre 2003 et que les troisièmes programmes concordent avec
les échéances de la directive « nitrates ».
Une circulaire du 11 septembre 2003 a fixé la procédure
d'élaboration de cette troisième phase. Rappelant les principales
dispositions du décret n° 2001-34, qui demeure en vigueur pour
l'essentiel, elle ouvre la possibilité aux préfets de reconduire
à l'identique les deuxièmes programmes d'action. Elle souligne
également la nécessité de contrôles pour assurer le
respect des principales obligations de programme. En outre, il est prévu
d'adapter la partie de ce décret relative aux ZES. Afin
d'accélérer la résorption des excédents en
améliorant la situation économique des exploitations qui sont
soumises à cette obligation, les restructurations d'élevages qui
ne contribuent pas à augmenter la production d'azote issue des
effluents, antérieurement proscrites, devraient être
facilitées.
e) L'effort de réduction des pollutions par les pesticides
Le
bilan des pesticides dans les eaux publié en septembre 2003 par
l'Institut français de l'environnement montre une présence des
pesticides dans 73 % des points d'eau surveillés en rivière
et 57 % des eaux souterraines
.
Votre rapporteur pour avis exprime
sa vive préoccupation devant ces chiffres
. Face à cette
situation, le Gouvernement mène une politique globale d'intervention
alliant des actions réglementaires et des actions incitatives. Ainsi,
plus de 110 matières actives ont été ou seront
retirées du marché en 2003
, conformément aux
dispositions prévues par la directive 91/414/CEE concernant la mise sur
le marché des produits phytopharmaceutiques. D'autres molécules
telles que
l'atrazine,
qui posent régulièrement des
problèmes par leur présence en quantité excessive dans les
eaux destinées à la consommation humaine, font déjà
l'objet de décisions de retrait du marché ou de restrictions
d'usage au niveau national.
En ce qui concerne la pratique des mélanges de produits
phytopharmaceutiques
, le MAAPAR a engagé courant 2002 une action
visant à
recenser les pratiques
, à
définir une
procédure d'autorisation
, puis à
mettre en oeuvre cette
procédure en partenariat
avec les instituts techniques, les
syndicats agricoles, les distributeurs et les firmes. Cette action devrait
permettre une meilleure sécurisation de ces pratiques.
Parallèlement, en application du code rural qui confère aux
agents des services de la protection des végétaux la
possibilité de procéder à la recherche et à la
constatation d'infractions,
le contrôle de l'utilisation des produits
phytosanitaires est renforcé
. Enfin, un dispositif de contrôle
obligatoire des pulvérisateurs est en cours d'élaboration.
Au travers des groupes régionaux associant l'ensemble des partenaires
concernés et animés par les directions régionales de
l'agriculture et de la forêt et les directions régionales de
l'environnement, sont mises en place au niveau de bassins prioritaires des
actions adaptées au contexte local en vue de réduire la
présence des produits phytosanitaires dans l'eau. A ce jour, plus de
200 bassins versants prioritaires ont déjà été
identifiés. Il couvrent plus de 4,5 millions d'hectares et
concernent les ressources en eau potable de plus de 7,5 millions d'habitants.
Les actions préventives engagées, basées sur le
volontariat, seront poursuivies, et renforcées. Dans les territoires
où l'enjeu territorial « eau et produits
phytosanitaires » sera retenu, la mise en place des contrats
d'agriculture durable (CAD) devrait contribuer au développement de
pratiques agricoles limitant les risques de pollution par ces produits. En
outre, le développement de l'agriculture raisonnée devrait
contribuer à limiter les problèmes environnementaux liés
aux pesticides.
2. La budgétisation du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE)
a) L'origine du fonds
Le Fonds
national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE) est un
compte spécial du Trésor géré par le
ministère chargé de l'Agriculture (compte 902-00). En application
de l'article 58 de la loi de finances pour 2000, l'intitulé de ce compte
est devenu « Fonds national de l'eau » et le FNDAE en
constitue la première section. Conçu, dès son origine en
1954, comme un instrument financier de solidarité nationale, il est
destiné à aider les communes rurales à mettre en place
leurs services publics de distribution d'eau. Son domaine d'intervention a
été étendu à l'assainissement en 1979, puis
à la lutte contre les pollutions d'origine agricole en 1997.
Prélevées sur l'ensemble des contribuables, les ressources du
Fonds sont redistribuées aux seules communes rurales
. Elles
provenaient en 2002 :
- pour 52 % du produit d'une redevance sur les consommations d'eau
distribuée dans toutes les communes urbaines et rurales
bénéficiant d'une distribution publique d'eau potable, dont le
taux de base est actuellement fixé à 14 centimes par mètre
cube depuis le 1
er
janvier 1996 ;
- pour 48 % d'un prélèvement sur les sommes
engagées au Pari mutuel urbain (PMU).
Pour 2003, la loi de finances n'a pas affecté au Fonds le
prélèvement sur le PMU, ses seules ressources étant
constituées par la recette de la redevance
, soit près de
40 M€
.
b) Son fonctionnement
Les
aides du FNDAE sont réparties par département sous forme de
dotations affectées à l'eau et à l'assainissement. La
répartition de ces enveloppes budgétaires entre les
départements est proposée au ministère de l'Agriculture
par le comité consultatif du Fonds. Les agences de l'eau participent
à ce comité. Les départements règlent ensuite, sur
la base des propositions présentées par les collectivités
locales concernées, la répartition de ces aides entre les
communes rurales et leurs groupements qui réalisent des travaux d'eau
potable et d'assainissement
12(
*
)
.
Le FNDAE contribue au financement
d'équipements indispensables aux
communes rurales
. Les principaux besoins ont trait :
- à l'alimentation en eau potable et de qualité ;
- à la collecte et au traitement des eaux usées.
Parallèlement, le FNDAE finance également le programme de
maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). S'agissant de la
dotation du Fonds réservée au financement du PMPOA, la
répartition se fait en fonction du nombre de déclarations
d'intention éligibles par région en complément des
crédits du chapitre 61-40. Les crédits FNDAE sont
attribués aux régions prioritaires, c'est-à-dire celles
dont la majeure partie du territoire est en zone vulnérable.
c) La budgétisation
Le projet de loi de finances propose, en son article 21, la suppression du Fonds national de l'eau (FNE), dont le FNDAE composait la première section. Les dépenses seront donc dorénavant couvertes par le budget de l'agriculture 13( * ) .
3. Le deuxième programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA)
a) L'origine du programme
Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) vise à accorder des aides pour mieux utiliser la fertilisation azotée, en particulier quand elle s'appuie sur l'épandage des effluents d'élevage. Ces aides financent les études (diagnostic de l'élevage, projet agronomique) et les investissements nécessaires à l'amélioration des épandages (ouvrages de stockage, matériels assurant une meilleure répartition des effluents...), et à la prévention contre des risques de pollutions ponctuelles (imperméabilisation d'aires bétonnées, séparation des eaux pluviales et des eaux souillées...). Mis en oeuvre depuis 1994, le premier PMPOA a permis de traiter plus de 40.000 élevages, soit plus de 5 millions d'équivalents animaux, ou 365.000 tonnes d'azote.
b) La réforme de 2002
Le
programme a été suspendu en décembre 2000, suite à
une mission d'évaluation demandée en 1999 par les ministres
chargés des finances, de l'agriculture et de l'environnement, et
à une demande d'information cette même année de la
Commission européenne. Il a été réorienté
pour en améliorer l'efficacité environnementale et mieux
maîtriser les coûts.
Les textes réglementaires nécessaires au redémarrage du
programme sont parus en 2002. La
liste des investissements
qui peuvent
être aidés a été
révisée
, afin
de ne prendre en compte
que ceux qui sont strictement nécessaires
au point de vue de leur efficacité environnementale. Un
coût
plafond
a également été
fixé pour l'ensemble des travaux éligibles, en tenant compte des
coûts réels observés depuis le début du programme.
Les taux de subvention ont été maintenus
. Ainsi, pour tous
les éleveurs ayant respecté la réglementation applicable
au moment de la construction de leurs bâtiments, ce nouveau dispositif
est aussi favorable que le précédent. Les modalités de
calcul des aides, qui variaient parfois fortement selon les financeurs, y
compris d'une agence de l'eau à une autre, ont par ailleurs
été harmonisées. Pour répondre à la
nécessité de renforcer le volet agronomique du programme et
parvenir à améliorer les pratiques d'épandage, une
étude agronomique approfondie est désormais exigée avant
de pouvoir bénéficier de l'aide.
La réforme du PMPOA a été approuvée par la
Commission européenne
sous condition qu'il contribue à
accélérer l'application de la directive
« nitrates ». Il est donc mis en oeuvre en priorité
dans les zones vulnérables, où il devra être achevé
au 1
er
décembre 2006. En dehors de ces zones, les
élevages dont les effectifs dépassent 90 unités de
gros bétail (UGB)
14(
*
)
et certains élevages multi-espèces demeurent cependant
éligibles au vu de leurs effectifs.
Des zones prioritaires peuvent
être délimitées, hors des zones vulnérables
,
selon des critères stricts de pollution (taux de nitrate,
eutrophisation, bactériologie). Dans ces zones ainsi que dans les zones
vulnérables,
le programme est désormais accessible à
des exploitations de petite taille
. Toutefois, conformément aux
accords passés avec la commission européenne,
20 %
seulement des crédits peuvent être affectés au traitement
d'élevages situés hors des zones vulnérables
.
c) Les perspectives du nouveau programme
Près de 105.000 élevages sont susceptibles de
bénéficier de ce programme, baptisé PMPOA 2, pour la
période 2003-2006. Les financements devraient s'élever, au total
à 1,3 milliard d'euros. Les engagements de l'Etat sont de l'ordre 80
M€ par an. Les principales nouveautés du programme PMPOA sont
les suivantes :
- l'intégration des élevages se fait dans une logique
d'approche géographique, par zones d'actions prioritaires ;
- un projet agronomique est obligatoire et sa réalisation
conditionne le versement du solde ;
- la déclaration d'intention de s'engager (DIE) dans le programme
devait se faire avant le 31 décembre 2002 ;
- au niveau national, 80 % des aides seront attribuées aux
éleveurs situés en zone vulnérable.