III. LA POLITIQUE DE TRAÇABILITÉ DES PRODUITS AGRICOLES

Définie comme l' « Aptitude à retrouver l'historique, la mise en oeuvre ou l'emplacement de ce qui est examiné » 10 ( * ) , la traçabilité visait initialement à renforcer la maîtrise des risques sanitaires en élevage 11 ( * ) .

Le concept s'est ensuite développé dans le cadre de la filière agroalimentaire , en particulier lors des crises sanitaires des années 90 (encéphalopathie spongiforme bovine, listeria, salmonelle ...) pour renforcer l'efficacité des mesures sanitaires et permettre le retrait rapide et ciblé des produits impropres à la consommation humaine.

Ce concept de traçabilité est aussi utilisé depuis les années 80 pour garantir au consommateur le respect de certaines pratiques de fabrication (agriculture biologique) ou de cahiers des charges incluant des valeurs intrinsèques (qualité organoleptique des produits) ou extrinsèques (protection de l'environnement ou du bien-être animal). Il est également central dans le dossier des aliments issus des biotechnologies modernes , notamment des organismes génétiquement modifiés 12 ( * ) , dont il conditionne en grande partie l'acceptabilité sociale.

A. LA RÈGLEMENTATION DE BASE

1. Au niveau international

Une définition de la traçabilité devrait voir le jour à l'issue des discussions qui ont eu lieu au sein du Comité sur les principes généraux de la Commission OAA 13 ( * ) /OMS 14 ( * ) du Codex alimentarius , dont la France assure la présidence et l'organisation des sessions bisannuelles.

Celle-ci vient en effet d'adopter des principes d'analyse des risques pour les aliments issus des biotechnologies modernes, reconnaissant le traçage des produits comme un outil de gestion des risques sanitaires.

2. Au niveau européen

L'étiquetage de la viande bovine est réglementé au niveau communautaire depuis l'entrée en application en 1997 du règlement (CE) n°820/97 , très novateur et ambitieux 15 ( * ) .

Tout en conservant les mêmes principes, le règlement (CE) n° 1760/2000 du 17 juillet 2000 le remplace afin d'établir plus précisément les règles d'indication des viandes. Il impose ainsi la mention sur les viandes bovines d'un numéro de lot, du pays d'abattage et du numéro d'agrément de l'abattoir, du pays de découpe et du numéro d'agrément de l'atelier de découpe.

Depuis le 1 er janvier 2002, la mention de l'origine complète des viandes est obligatoire , les pays de naissance et d'élevage des animaux venant donc compléter les mentions relatives aux lieux d'abattage et de découpe.

Les viandes importées de pays tiers dans l'Union européenne doivent quant à elles porter la mention « origine : non CE » et le nom du pays d'abattage 16 ( * ) .

Dernière étape en date : le règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002 , qui définit très précisément la traçabilité, étend les obligations communautaires en matière d'étiquetage à l'ensemble des denrées alimentaires, qu'elles soient d'origine bovine ou non, et prévoit que ses dispositions seront applicables à compter du 1 er janvier 2005 .

Il reviendra alors aux opérateurs de la filière agroalimentaire de démontrer leur capacité à acquérir et conserver les informations relatives aux fournisseurs des matières premières agricoles, additifs, arômes et auxiliaires de fabrication, ainsi qu'aux destinataires des produits semi-transformés ou transformés. Ils pourront pour ce faire recourir à l'étiquetage, à l'identification des aliments et à la fourniture de documents d'accompagnement.

3. Au niveau français

La France a mis en place un système d'identification bovine dès le décret n° 69-442 du 6 mai 1969 relatif à l'identification des animaux et aux enregistrements zootechniques. Mais la survenue d'importantes crises sanitaires concernant les produits carnés dans les années 90 a poussé les pouvoirs publics à renforcer et étendre le dispositif.

La filière bovine française, tout particulièrement exposée, s'est organisée depuis 1998 pour assurer le suivi des animaux dès leur naissance (bagues d'identification), à leur sortie de l'abattoir (numéros d'identification des lots) et jusqu'aux rayons des supermarchés et restaurants. L'identification de ces viandes est ainsi rendue obligatoire par deux textes réglementaires complétant la législation communautaire :

- le décret n° 99-260 du 2 avril 1999 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des viandes bovines, qui impose aux opérateurs des obligations propres à assurer la traçabilité et permet de sanctionner tout défaut de mise en oeuvre des moyens appropriés ;

- le décret en Conseil d'Etat n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l'étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration.

Les filières ovines, caprines et porcines ne font pas l'objet d'une réglementation aussi développée que le secteur de la viande bovine . S'agissant des deux premières, on notera toutefois la publication récente du décret n° 2002-1544 du 20 décembre 2002 relatif à l'identification des ovins et des caprins, prévoyant la création d'une base nationale d'identification alimentée par les détenteurs d'animaux appartenant à l'une de ces deux espèces.

Par ailleurs, et en ce qui concerne les seules viandes ovines, deux projets de décrets sont en cours d'élaboration :

- l'un relatif à la traçabilité de ces viandes, largement inspiré des dispositions du décret n° 99-260 du 2 avril 1999 précité ;

- l'autre relatif à leur étiquetage, prévoyant l'indication de la catégorie d'animal (agneau pour moins de 12 mois, mouton au-delà) et l'indication de l'origine de l'animal (pays de naissance, d'élevage et d'abattage).

Ces textes ont été notifiés à la Commission européenne. Celle-ci en a reporté l'adoption en raison de son souhait d'élaborer un règlement communautaire qui prévoirait un marquage systématique des élevages européens de moutons et de chèvres. Son projet a lui-même été retardé par son Comité économique et social, qui a demandé le 14 mai 2003 une étude de faisabilité.

B. L'INCITATION ET L'ACCOMPAGNEMENT DE DÉMARCHES PROFESSIONNELLES

1. Au niveau international

Outre la réglementation du secteur agroalimentaire par les pouvoirs publics, les mesures prises en matière de traçabilité proviennent également de travaux d'organismes privés :

- sociétés de normalisation comme l'ISO, où est née la première définition générique de la traçabilité ;

- multinationales de la grande distribution, comme l'Initiative mondiale de sécurité sanitaire de la CIES-Food business forum ;

Par ailleurs, un forum d'échanges entre la France et le Québec a été instauré en 2003. Créé grâce aux fonds alloués par la commission permanente de coopération franco-québécoise et coordonné par la direction générale de l'alimentation, il vise à développer des partenariats bilatéraux en matière de traçabilité dans le secteur de la viande bovine et dans le secteur végétal.

2. Au niveau national

Les autorités françaises soutiennent le développement d'initiatives du secteur agroalimentaire privé ou coopératif par le biais de la normalisation, tout spécialement dans les secteurs ne disposant pas de règles spécifiques d'étiquetage à destination du consommateur, comme c'est notamment le cas dans les secteurs porcins et ovins.

C'est dans ce cadre que les filières concernées se sont mobilisées pour établir des accords interprofessionnels . Visant à l'origine à promouvoir la provenance française des viandes, ils sont aujourd'hui un moyen d'assurer la sécurité sanitaire du secteur et de mieux informer le consommateur.

Ainsi, l'Interprofession bétail et viandes (INTERBEV) a travaillé dans le cadre de l'Association française de normalisation (AFNOR) à la rédaction de deux normes relatives à la traçabilité dans son secteur d'activité 17 ( * ) .

Les pouvoirs publics favorisent également le développement de systèmes intégrés de gestion de la qualité qui mettent en oeuvre la traçabilité de façon rationalisée. Développée par la Confédération française de la coopération agricole (CFCA) dans les années 90, la démarche Agriconfiance, devenue une norme AFNOR depuis juillet 2000, en est une parfaite illustration.

Les initiatives peuvent aussi provenir de la grande distribution . Celle-ci, sous l'impulsion du groupe Carrefour, a mis en place une rationalisation de la traçabilité à l'aide d'outils informatiques perfectionnées permettant, via une banque de données centralisées, de regrouper l'ensemble des cahiers des charges et des informations concernant les produits vendus en moyennes et grandes surfaces afin d'assurer suivi, contrôle et éventuellement alerte.

Enfin, le ministère de l'agriculture, seul ou en partenariat avec le ministère en charge de la consommation, a initié des groupes d'études et opérations pilotes sur le sujet : groupe de travail monté en partenariat avec l'AFNOR et ayant abouti, en attendant d'éventuelles suites normatives, à la rédaction d'un guide méthodologique précisant les types de traçabilité à mettre en place pour chaque objectif visé ; ou bien opération pilote de mise en place de la traçabilité collective dans la filière porcine (incluant les produits de charcuterie) en 2003.

* 10 Définition ressortant de la norme NF EN ISO 9000:2000.

* 11 C'est dans cette optique que la loi n° 66-1005 du 28 décembre 1968 et ses textes d'application portaient sur l'identification des animaux, première étape de la traçabilité.

* 12 Voir supra.

* 13 Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture.

* 14 Organisation mondiale de la santé.

* 15 Ce règlement couvre la totalité du cycle du produit, de la naissance de l'animal jusqu'à la remise de la viande au consommateur ; traite à la fois des mentions d'étiquetage et de traçabilité ; prévoit l'obligation d'indiquer les origines nationales et pose le principe de l'agrément et du contrôle obligatoire par les pouvoirs publics de toute mention indiquée de façon volontaire (système facultatif).

* 16 Ces indications peuvent toute fois être remplacées par celles qui sont obligatoires pour les viandes communautaires si le pays tiers a justifié auprès de la Commission européenne son aptitude à procéder à un tel étiquetage.

* 17 La première (NF V 46-007) traite de la traçabilité depuis l'arrivée de l'animal à l'abattoir jusqu'à la mise en quartiers, tandis que la seconde (NF V 46-010) s'applique entre la sortie des quartiers de l'abattoir et la remise du produit au client final.

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