C. L'ABSENCE DE PROJET ET DE MOYENS BUDGÉTAIRES POUR L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

Selon le ministère des affaires étrangères, « renforcer l'attractivité de la France auprès des étudiants et des chercheurs étrangers est une priorité politique que le Premier ministre a rappelée lors du lancement du plan Attractivité de la France et du discours qu'il a prononcé à la Baule en juin 2003 ».

Force est malheureusement de constater que notre pays n'accueille que 9 % des étudiants faisant leurs études supérieures hors de leur pays, ce qui le place loin derrière les Etats-Unis (30 %), mais également derrière le Royaume-Uni(14 %), l'Allemagne (12 %) et, depuis peu, derrière l'Australie (10 %). Le budget pour 2006 ne contient pas d'éléments concrets permettant d'améliorer cette situation. Pourtant plusieurs solutions pourraient être envisagées.


Remédier à la faible attractivité internationale de nos universités.

Deux documents récemment parus ne donnent malheureusement pas une idée très positive de l'offre universitaire française.

L'université de Shangaï publie chaque année le classement des 500 premières universités du monde. Cette année encore la place assignée aux universités françaises est bien peu satisfaisante : sur les cent premières, quatre seulement sont françaises : Paris VI (46 ème ), Paris IX (61 ème ), Strasbourg I (92 ème ) et l'Ecole Normale supérieure de la rue d'Ulm (93 ème ). Viennent ensuite le Collège de France, Grenoble I, Paris V, Paris VII et l'Ecole Polytechnique, relégués au-delà de la centième place. Seules 22 universités françaises sont classées parmi les 500 meilleures mondiales.

Par ailleurs, le rapport annuel sur l'éducation de l'OCDE souligne encore cette tendance en situant la France au 19 ème rang sur 26 en matière d'enseignement supérieur (insistant particulièrement sur l'insuffisance des investissements consacrés à l'université).

Certes, les critères de classement retenus ne sont pas tous pertinents. « Comme tous les classements, celui de l'université de Shangaï est discutable. Il fait la part trop belle aux Prix Nobel, tend à ignorer les publications des chercheurs rattachés à des organismes de recherche extérieurs et donne une prime aux grands établissements sur les petits. La puissance intellectuelle et financière des universités américaines est pourtant patente ». Toutefois, « ignorer ce classement au motif qu'il est imparfait tiendrait de la politique de l'autruche » 8 ( * ) . Il convient de tenir compte de son impact sur les étudiants étrangers qui choisissent une université en fonction de son prestige. Or la place des universités françaises est significative de la baisse de notre compétitivité et détourne les meilleurs étudiants du choix de la France.

Afin de lutter contre ce déficit d'attractivité, il serait indispensable d'encourager nos postes à l'étranger (et leur en donner les moyens financiers) à organiser des rencontres, forums, expositions... destinés à promouvoir nos établissements supérieurs et à fournir une présentation lisible de leurs offres respectives en collaboration avec les grandes conférences des établissements d'enseignement supérieur (CPU, CDEFI, CGE).

Les SCAC devraient aussi pouvoir proposer l'accès à un ordinateur permettant aux étudiants étrangers de disposer d'informations et de poser leur candidature « en ligne » via les sites Internet des universités.

Une orientation en ligne est en effet une première étape indispensable. Des pays « concurrents » l'ont mise en oeuvre et EduFrance, après avoir mené des projets sectoriels de ce type (Sciences de l'Ingénieur, Edudroit) a commencé à généraliser cette offre en 2005 (cette orientation conduit toujours vers les universités qui sont souveraines pour l'examen des candidatures).

• La participation des ambassades à l'information, l'orientation et l'évaluation des étudiants.

- l'exemple du Bureau d'information des études en France (BIEF) de Bamako, directement rattaché à l'ambassade de France et pour lequel les crédits viennent d'être supprimés est très significatif.

Cette expérience montre combien il est important d'informer les étudiants qui souhaitent s'inscrire dans les universités françaises sur les difficultés matérielles que cela présente, sur les exigences en matière de niveau d'études, et de leur permettre d'évaluer leurs chances afin qu'ils limitent les risques d'échecs.

Le BIEF est un espace d'information sur les études supérieures françaises, basé au Centre culturel français de Bamako, ouvert depuis septembre 2001 (le BIEF dispose aussi d'un bureau à l'ambassade de France pour gérer le travail administratif). Il a pour fonction de donner un avis sur les demandes de préinscription universitaire, d'exercer un premier contrôle « d'opportunité » lors de la distribution des dossiers de préinscription et de vérifier les niveaux linguistiques.

A titre d'exemple, lors de la campagne de préinscription dans le premier cycle universitaire pour l'année 2005-2006, à la suite des demandes de dossiers et des premiers entretiens au BIEF, on a relevé les éléments chiffrés suivants : sur 819 dossiers délivrés, 656 ont été retournés au BIEF. De plus, sur les 300 dossiers supplémentaires téléchargés sur Internet, 25 seulement étaient recevables. Sur le total de ces 681 dossiers analysés, 25 %, soit 158, ont reçu un avis favorable du SCAC. On constate ainsi l'utile rôle joué par le BIEF en examinant attentivement et en donnant son avis sur chaque dossier de préinscription.

Même si cette structure, faute de moyens en personnels, reste insuffisante, un tel système est indispensable. Il est préjudiciable aux relations franco-maliennes de contraindre l'ambassade à le supprimer.

- l'évaluation par le CELA et les CEF

Le Centre d'évaluation linguistique et académique instauré en Chine est la première expérience de ce type. Ce modèle a donné naissance aux Centres pour les Etudes en France (CEF) qui travaillent avec les SCAC.

Sources : Journées de la Coopération Internationale et du Développement 2005

Ces centres sont indispensables mais il ne faut pas négliger les problèmes que pourraient soulever les représentants de l'Education nationale qui sont réticents à l'idée d'une « co-tutelle » du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de l'Education nationale dans cette procédure d'examen préliminaire des candidats étrangers. La volonté des universités de garder la maîtrise de leurs inscriptions est justifiée, mais un pré-examen des candidatures dans le pays d'origine des étudiants donnerait des garanties à toutes les parties : université, étudiants et services de visas.

L'objectif est de diminuer de moitié les frais de dossier (qui devraient atteindre 75 € maximum) et accompagner cette mesure d'une exonération de 50 % (49,50 € au lieu de 99 €) des frais de visa.

L'extension des CEF à 13 nouveaux pays (Canada, Etats-Unis, Mexique, Colombie, Brésil, Cameroun, Gabon, Madagascar, Turquie, Russie, Liban, Syrie, Corée du Sud) est prévue pour décembre 2006. A cette occasion, les conditions dans lesquelles le marché a été attribué à une société sans faire jouer la concurrence devront être revues : ce marché génère des profits élevés au détriment de l'Etat qui doit, en conséquence, diminuer le coût des droits de visa pour que le coût total ne devienne pas dissuasif pour l'étudiant. Le système des CEF est séduisant parce qu'il rationalise la prise de décision mais tout dépendra du climat qui règnera dans les services (accent mis sur l'accueil et l'information ou sélection trop sévère).

• Le problème des visas

Ce sujet mériterait une étude spécifique et nécessiterait de très nombreuses enquêtes de terrain. Que se passe-t-il exactement dans les services des visas des postes diplomatiques français ? Quelles sont les instructions réellement données aux chefs de poste et aux agents ? Quelles sont les procédures réellement mises en oeuvre ? Des observations réalisées ponctuellement et des cas de refus sur lesquels l'intervention des parlementaires est sollicitée, il ressort que le hasard, l'arbitraire et le jeu des influences parasitent le processus au détriment des étudiants et de l'image de notre pays.

La mise en place des Centres d'Etudes Français (CEF), vise à rationaliser le dispositif de telle manière que les étudiants aptes à réussir en France obtiennent leur visa facilement. D'une façon plus générale, des procédures télématiques de transmission des documents tels que le certificat de préinscription et un travail rationalisé en amont, lors de la constitution du dépôt de pré-candidature au service culturel de l'ambassade, pourrait permettre le contrôle préalable des documents, ce qui réduirait les délais de délivrance des visas.

Toutefois il existe un problème de fond que résume bien la formulation utilisée par le ministère des affaires étrangères dans le « bleu » budgétaire : « Il s'agit donc de créer, en France, dans le cadre de la politique d'immigration définie avec les autres ministères compétents, les conditions propices à l'accueil des futurs étudiants étrangers ».

La politique de la France en la matière est soumise à deux impératifs contradictoires : limiter l'immigration en provenance des pays pauvres d'Afrique et d'Asie et, simultanément, attirer des étudiants de valeur originaires de ces mêmes pays pour former leurs futurs cadres « à la française ». La pratique des services de visa prouve que le premier objectif a sans doute trop souvent priorité sur le second. C'est ainsi que des bacheliers issus des écoles françaises de l'étranger peuvent encore essuyer des refus, ou que des étudiants, qui offrent la garantie de la prise en charge de leurs frais et de leur encadrement par leur gouvernement, doivent renoncer à venir étudier en France.

• Connaissance du français : la participation des centres culturels, Alliances françaises et SCAC

On constate malheureusement que le niveau des étudiants étrangers est souvent trop faible, même dans certains pays historiquement francophones. Par ailleurs, si étonnant que cela paraisse, seuls les étudiants qui veulent entreprendre un premier cycle sont soumis à un test de français alors que ceux qui commencent en deuxième ou troisième cycle n'ont aucune obligation en la matière : on n'exige pas qu'ils soient titulaires du DELF (diplôme d'étude en langue française) ou du DALF (diplôme approfondi de langue française) et on ne leur fait passer aucun autre test. Alors même que ce sont ces étudiants que l'on souhaite attirer en priorité.

L'enseignement du français aux étudiants étrangers désirant venir en France pourrait être ainsi organisé :

- un télé-enseignement sur support numérique renforcé de stages en enseignement direct, pendant l'année précédant leur départ en France, que notre réseau de centres culturels et des Alliances françaises pourrait assurer ;

- un test linguistique passé dans le pays d'origine pour les étudiants dits « primo-arrivants » quel que soit leur cycle d'étude. En effet, il existe un arrêté de novembre 2003 permettant d'évaluer le niveau des étudiants étrangers. Le CIEP (Centre international d'études pédagogiques) peut faire passer des TCF (tests de connaissance du français), le traitement des dossiers étant confié aux SCAC (services de coopération et d'action culturelle).

Toutefois, les crédits actuellement disponibles dans les postes ne leur permettent pas de jouer ce rôle qu'eux-mêmes jugent indispensables.

* 8 Daniel Cohen. Le Monde 15/09/2005.

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