B. L'AN I DE LA COMPENSATION DU HANDICAP

Trois ans après la reconnaissance légale du droit à compensation, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, donne enfin un contenu concret à ce principe, à travers la création d'une prestation de compensation du handicap qui entre en vigueur au 1 er janvier 2006.

La mise en place de cette nouvelle prestation s'accompagne d'une modification en profondeur de l'architecture institutionnelle de la politique du handicap, avec la création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) placées sous la responsabilité des conseils généraux et l'intervention de la CNSA, à la fois comme financeur complémentaire, comme responsable de la programmation du développement de l'offre de compensation collective que sont les établissements et comme animateur de la politique du handicap.

1. Des débuts très lents pour la compensation individuelle

a) Les incertitudes liées à la montée en charge de la prestation de compensation

A compter du 1 er janvier 2006, l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) sera remplacée par la prestation de compensation du handicap (PCH). Les crédits consacrés à son financement s'élèvent à 1,1 milliard d'euros en 2006, répartis entre les départements qui apportent 590 millions d'euros, correspondant aux sommes qu'ils consacrent aujourd'hui à l'ACTP - et la CNSA pour un montant de 500 millions d'euros.

Contrairement à celle qui la précédait, la PCH est versée sans condition de ressources et son montant n'est plus forfaitaire mais fonction du besoin réel de compensation du demandeur. Son objet est également plus large que l'ancienne ACTP, puisqu'elle vise à prendre en charge non seulement les frais relatifs aux aides humaines mais également ceux concernant les aides techniques, l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, les éventuels surcoûts résultant de son transport, les dépenses d'aides spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap, ou celles relatives aux aides animalières.

Si l'effort des départements doit rester inchangé, l'apport de la CNSA doit donc permettre de financer les différences de périmètre entre l'ancienne ACTP et la prestation de compensation, c'est-à-dire la suppression de la condition de ressources, qui augmente le nombre de bénéficiaires potentiels de la prestation, l'amélioration de la prise en charge pour le volet aide humaine et l'élargissement de la nature des dépenses susceptibles d'être financées par la nouvelle prestation.

• L'impact de la suppression de la condition de ressources

Aujourd'hui, l'ACTP est versée à 130.000 personnes, mais environ 40.000 autres ont un droit théorique ouvert à cette allocation mais ne la reçoivent pas, du fait de ressources trop importantes. A l'avenir, ces personnes seront donc susceptibles de bénéficier de la PCH puisque celle-ci est versée sans condition de ressources. Dans cette hypothèse qui est la plus extensive, le nombre de bénéficiaires serait donc augmenté d'un tiers par rapport à l'ACTP.

Dans les faits, le Gouvernement table sur un nombre de bénéficiaires situé entre 87.000 et 112.000 personnes, s'agissant des personnes nécessitant une assistance continue pour les actes essentiels de l'existence, ce chiffre étant augmenté de 30.000 bénéficiaires réclamant une surveillance constante, ce volet de la prestation concernant spécifiquement les personnes se mettant en danger du fait d'un handicap mental ou psychique. Il convient également d'ajouter environ 10.000 personnes susceptibles de bénéficier du dispositif spécifique prévu pour les personnes aveugles. Au total, le nombre de bénéficiaires serait compris entre 127.000 et 152.000 personnes.

Si l'on retient cette hypothèse moyenne de nombre de bénéficiaires, le coût de la suppression de la condition de ressources par rapport à l'ACTP, toute chose égale par ailleurs - c'est-à-dire sans changement du montant moyen versé aux personnes handicapées - s'élèverait à 165 millions d'euros, ce qui représente le tiers des financements supplémentaires apportés par la CNSA pour le financement de la PCH.

• L'amélioration de la prise en charge des aides humaines

Le Gouvernement prévoit de consacrer 950 millions d'euros au financement de l'élément « aides humaines » de la prestation de compensation : ce budget correspond en fait aux sommes actuellement consacrées par les départements au financement de l'ACTP, complétées par un apport compris entre 300 et 350 millions d'euros de la CNSA.

Compte tenu du coût de la suppression de la condition de ressources par rapport à l'ACTP, les crédits disponibles pour une amélioration des montants versés aux personnes handicapées s'élèvent à 185 millions d'euros, ce qui correspond - sur la base d'un taux horaire moyen de 12 euros 14 ( * ) - à une hausse de 40 % du nombre d'heures d'auxiliaires de vie susceptibles d'être financées, soit en moyenne une heure supplémentaire par jour et par bénéficiaire par rapport à l'ACTP.

Ce chiffre doit toutefois être analysé avec prudence car l'effort sera certainement concentré sur les personnes les plus lourdement handicapées : en 2005, la CNSA a précisément consacré 180 millions d'euros au financement d'un dispositif de préfiguration de la prestation de compensation au profit des personnes très lourdement handicapées, permettant de porter à environ douze heures par jour la prise en charge de leurs aides humaines. La reconduction de l'aide d'ores et déjà attribuée aux 3.000 personnes concernées par ce dispositif transitoire absorberait donc le solde des crédits apportés par la CNSA.

Dans ces conditions, le respect des prévisions budgétaires supposerait que le niveau d'aide moyen pour le reste de la population handicapée reste inchangé. Dans la mesure où la prestation est attribuée sur la base des besoins réels de la personne handicapée et compte tenu de la faible solvabilisation permise à l'heure actuelle par l'ACTP, il est peu vraisemblable que la somme de ces besoins conduise à ouvrir des droits équivalant justement aux dépenses actuelles d'ACTP. Par conséquent, un effort supplémentaire des départements est inévitable.

• L'élargissement de la nature des dépenses prises en charge

Le solde de l'apport de la CNSA doit permettre le financement des autres éléments de la prestation de compensation :

- s'agissant des aides techniques, le Gouvernement prévoit un nombre de bénéficiaires de l'ordre de 126.000 personnes, la dépense correspondante s'élevant à 110 millions d'euros ;

- le nombre de personnes susceptibles de bénéficier d'un aménagement du logement ou du véhicule s'élèverait à 132.000. Mais ces investissements étant par définition ponctuels, l'ensemble de ces bénéficiaires ne sera pas concerné chaque année. La charge financière de ces aides sera donc répartie sur plusieurs années. Pour 2006, une enveloppe de 20 millions d'euros est prévue à ce titre ;

- les aides spécifiques ou exceptionnelles, pour lesquelles les estimations sont plus aléatoires, se voient consacrer 50 millions d'euros dans le budget de la CNSA ;

- le nombre de bénéficiaires potentiels des aides animalières se monterait 2.500, pour une dépense évaluée à 1,5 million d'euros.

A terme, le système d'information partagé qui doit se mettre en place entre les maisons départementales, les financeurs, l'Etat et la CNSA devrait progressivement permettre d'avoir une vision plus précise des effectifs de bénéficiaires et des dépenses entraînées par la création de la prestation de compensation.

Toutefois, compte tenu de la fragilité des hypothèses retenues pour 2006, votre commission estime qu'il sera sans doute nécessaire de réajuster dès cette année le concours de la CNSA aux départements au titre de la PCH. Il ne serait pas illégitime de concentrer davantage les ressources de la caisse sur cette prestation, quitte à ce que son apport en matière de financement des établissements soit revu à la baisse : dans ce domaine en effet, la CNSA n'intervient que pour majorer les efforts préalables et nécessaires de l'Etat et de l'assurance maladie, alors que pour la prestation de compensation, elle est un financeur indispensable, à parité avec les départements.

b) Les fonds départementaux de compensation du handicap : un investissement bien timide de l'Etat

La prise en charge des aides techniques et de l'aménagement du logement des personnes handicapées n'est pas une problématique entièrement nouvelle. Depuis 1997, des « sites pour la vie autonome » (SVA) - d'abord expérimentaux puis généralisés à compter de 2000 - sont chargés de développer l'accès aux solutions de compensation en fédérant l'ensemble des acteurs qui, au niveau départemental, sont susceptibles de contribuer, au titre de leur action sociale extralégale, au financement des aides techniques.

Dans ce cadre, un fonds départemental de compensation avait été mis en place au sein de chaque site, abondé par ces différents financeurs et par l'Etat. Ce dernier y a consacré 14 millions d'euros en 2005, chaque site ayant bénéficié d'une enveloppe déterminée en fonction de critères démographiques. Les fonds de compensation des SVA ont en outre été abondés de façon exceptionnelle en 2005 par une contribution de 110 millions d'euros de la CNSA, de façon à leur permettre d'attribuer des aides préfigurant la prestation de compensation. Malheureusement, le rattachement tardif de ce fonds de concours n'a pas encore permis la mobilisation de ces crédits au niveau local.

Lors du vote de la loi du 11 février 2005, le législateur a tenu à éviter que la mise en place de la prestation de compensation se traduise par un retrait de ces financeurs extralégaux, estimant que, compte tenu de l'ampleur des besoins, la nouvelle prestation devait s'ajouter aux financements existants et non s'y substituer.

C'est la raison pour laquelle les fonds départementaux de compensation du handicap ont été pérennisés, leur mission consistant à aider les personnes handicapées à financer les aides restant à leur charge après déduction de la PCH. Bien qu'ils soient alimentés par des contributions de nature extralégale, la loi a fixé une obligation de résultat à ces fonds : ainsi, les sommes restant à la charge de la personne handicapée après intervention du fonds ne peuvent être supérieures à 10 % de ses ressources.

En 2006, la dotation prévue par le présent projet de loi de finances pour abonder les fonds de compensation du handicap est une simple reconduction des crédits jusqu'ici consacrés aux fonds d'aide des SVA. Par ailleurs, aucune contribution exceptionnelle de la CNSA n'est à attendre cette année, dans la mesure où les crédits attribués aux SVA l'an passé sont mobilisés pour le financement de la prestation de compensation.

Votre commission regrette la faiblesse de l'engagement de l'Etat dans les fonds départementaux de compensation du handicap. Elle craint en effet que ce manque de mobilisation ne vienne décourager les efforts des autres financeurs extralégaux, et ce alors même que la mise en place de la PCH risquait déjà de les détourner du dispositif.

c) L'assurance maladie au secours du développement de l'offre de service à domicile

Si la nouvelle prestation de compensation du handicap permet de mieux solvabiliser la demande d'aide des personnes handicapées, votre commission estime qu'un soutien à l'offre de service à domicile reste nécessaire, dans un contexte de difficulté de recrutement dans ce secteur et d'explosion attendue de la demande.

• Une pause dans l'effort de création de postes d'auxiliaire de vie

Le développement des services d'auxiliaires de vie a été la première réponse apportée par l'Etat à la demande des personnes handicapées souhaitant vivre à domicile.

Le soutien de l'Etat à ces services prend la forme d'un forfait poste de 9.650 euros qui couvre environ un tiers du coût annuel d'un auxiliaire de vie, le solde étant donc normalement à la charge des usagers qui disposent dans la plupart des cas pour y faire face de l'ACTP ou d'une majoration pour tierce personne servie par la sécurité sociale. A l'avenir, la PCH, dans son volet « aides humaines » pourra être mobilisée pour financer le recours à ces services. Certaines collectivités locales subventionnent toutefois également ces organismes, ce qui permet de réduire à due concurrence la participation demandée aux personnes handicapées.

En 2005, l'Etat finançait 5.764 forfaits postes, ce nombre ayant augmenté de plus de 50 % depuis 2002, attestant de l'effort de rattrapage important accompli en faveur de ces services indispensables au maintien à domicile. Il est en revanche impossible de déterminer le nombre de personnes handicapées bénéficiaires de l'intervention de ces auxiliaires de vie car, depuis 2003, les directions départementales de l'action sanitaire et sociale ont la possibilité d'accorder jusqu'à trois forfaits pour la prise en charge d'une même personne dans le cas de personnes très lourdement handicapées nécessitant une assistance continue dans la vie quotidienne.

Pour la première fois depuis 2001, la loi de finances initiale pour 2005 n'avait prévu aucune création de poste d'auxiliaire de vie. Si l'Etat restait en retrait, une enveloppe de 180 millions d'euros a, en revanche, été ouverte au budget de la CNSA pour le financement d'une aide spécifique destinée aux personnes très lourdement handicapées et visant à permettre la rémunération d'une aide à domicile, soit sous la forme d'un emploi direct, soit en ayant recours à un service prestataire ou mandataire. Cette aide pouvait être versée, selon le souhait de la personne handicapée, en espèces ou sous la forme de forfaits d'auxiliaire de vie venant compléter les forfaits déjà attribués à cette personne dans le cadre des forfaits postes de droit commun.

Pour la deuxième année consécutive, le projet de loi finances pour 2006 ne prévoit aucune création de postes d'auxiliaire de vie. Les 56 millions d'euros prévus sont la simple reconduction des crédits permettant le financement des forfaits postes créés les années passées. Il convient également de souligner que la couverture des charges assurée par le forfait poste se dégrade d'année en année, car son montant est inchangé depuis 2001, alors que le coût du travail augmente.

Votre commission regrette cette situation car l'Etat donne prise à la critique selon laquelle la création de la prestation de compensation, placée sous la responsabilité des départements, lui a permis de se désengager de la politique du handicap.

• L'assurance maladie poursuit en revanche le développement des services médicalisés intervenant à domicile

Dans le cadre des différents plans mis en oeuvre depuis 1999 en faveur des personnes lourdement handicapées, l'assurance maladie a consenti un effort important en faveur des créations de places au sein des structures médicalisées intervenant à domicile :

- les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), désormais ouverts aux personnes handicapées, ont vu leurs capacités augmenter de 300 places en 2003, puis de 1.018 places en 2004 et enfin de 625 places en 2005, pour un montant total de près de 20 millions d'euros sur trois ans ;

- les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapées (Samsah) constituent un nouveau dispositif d'assistance pour les personnes handicapées à domicile. Ils s'adressent plus spécifiquement aux personnes handicapées mentales qui ont besoin d'un encadrement important pour vivre de façon autonome. En 2005, l'assurance maladie a financé 617 places dans ces nouveaux services, dont 214 étaient déjà installées au 30 avril 2005 ;

- enfin, des services ambulatoires annexés soit à des maisons d'accueil spécialisées (Mas), soit à des foyers d'accueil médicalisés (Fam) sont financés depuis 2002, permettant une intervention au domicile de personnes lourdement handicapées nécessitant un recours massif aux aides humaines. Dix-huit services, accueillant 219 personnes, sont à ce jour financés, pour un montant total de 6 millions d'euros.

En 2006, conformément aux objectifs fixés par le programme de création de places 2005-2007 annoncé à l'occasion de la présentation du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, les crédits ouverts cette année au sein de l'Ondam devraient permettre le financement de 1.250 places nouvelles en services pour adultes handicapés. Une enveloppe supplémentaire a en outre été prévue dans le cadre du plan « Santé mentale » pour le financement de 750 places de Samsah spécifiquement dédiées aux personnes handicapées psychiques.

* 14 A ce stade de l'élaboration des décrets d'application, les tarifs horaires proposés pour les aides humaines varient de 11,02 euros à 12,12 euros et 13,92 euros selon que la personne recourt au gré à gré, à un service mandataire ou à un prestataire de service. Le tarif du dédommagement de l'aidant familial est encore en cours de concertation.

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