3. Le fonds spécial d'invalidité : le grand oublié de la réforme du 11 février 2005

a) Une sous dotation chronique du fonds spécial d'invalidité

L'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité (FSI) est un minimum social qui complète les ressources des bénéficiaires de pensions d'invalidité de très faible montant. Elle est versée, pour le régime général, par la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et, pour les autres régimes, par un fonds spécial géré par la Caisse des dépôts et consignations. Les dépenses correspondantes leur sont ensuite remboursées par l'Etat.

Depuis 2000, la dotation ouverte en loi de finances a été presque systématiquement inférieure aux dépenses réelles, de sorte que la dette cumulée de l'Etat à l'égard des organismes débiteurs de la prestation s'élève aujourd'hui à 100 millions d'euros.

Dette cumulée de l'Etat au titre du FSI

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Crédits ouverts

243

243

259

264

272

300

Dépenses réelles

268

276

283

273

292

289

Solde

- 25

- 33

- 24

- 9

- 20

11

Dette cumulée

- 25

- 58

- 82

- 91

- 111

- 100

La sous-estimation chronique des dépenses liées au FSI a conduit à confier en 2004 à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF) une mission commune pour en analyser les causes. Cette mission a mis en lumière le manque de fiabilité des prévisions de croissance du nombre de bénéficiaires. Elle a également établi que ce taux de croissance s'élevait en réalité en moyenne annuelle à 0,6 %.

Un premier effort de rebasage de la dotation au FSI a été mené l'an passé : ainsi, les crédits ouverts sont excédentaires de l'ordre de 10 millions d'euros par rapport aux dépenses attendues en 2005, ce qui permet une première réduction de la dette cumulée de l'Etat à l'égard de l'assurance maladie. Cet effort est poursuivi en 2006 : la dotation prévue, qui s'élève à 305 millions d'euros, se base sur les dépenses réelles pour 2004, c'est-à-dire le dernier exercice clos pour lequel les dépenses sont connues avec certitude, elle tient compte de la revalorisation des prestations intervenue en 2005 (1,5 %) et prévue pour 2006 (1,8 %), ainsi que de l'évolution prévisionnelle des bénéficiaires, telle qu'elle ressort du rapport de la mission commune de l'Igas et de l'IGF.

Votre commission approuve cet effort de sincérité budgétaire mais elle engage le Gouvernement, conformément d'ailleurs aux conclusions de la mission menée par les deux inspections, à apurer également le solde de la dette cumulée à l'égard de la Cnam.

b) Un statut paradoxalement moins avantageux que celui de l'allocation aux adultes handicapés

Votre commission constate par ailleurs que les bénéficiaires de l'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité ont été les grands oubliés de la réforme de la politique du handicap intervenue en février dernier : alors que la situation des bénéficiaires de l'AAH a été considérablement améliorée, celle des bénéficiaires du « minimum invalidité » est inchangée et le fossé en termes de droits connexes entre les deux prestations s'est donc élargi : titulaires d'une prestation au moins partiellement contributive, les allocataires du FSI se voient reconnaître moins de droits que les bénéficiaires de l'AAH qui est un minimum social de solidarité.

Bien que son attribution soit normalement prioritaire sur l'AAH, l'accès à l'allocation supplémentaire du FSI est d'abord plus difficile car la base ressources utilisée pour évaluer les ressources du demandeur est moins favorable que celle de l'AAH : ainsi, alors que les plafonds de ressources sont identiques, les ressources retenues pour le FSI sont les ressources brutes, alors que celles prises en compte pour l'attribution de l'AAH sont les ressources nettes fiscales. Par ailleurs, il n'existe pas de majoration du plafond pour enfant à charge dans le cadre du FSI. Ces conditions plus restrictives conduisent donc les bénéficiaires à engager des démarches pour obtenir le bénéfice d'une AAH différentielle.

Il convient également de souligner que les sommes versées au titre du FSI sont récupérables sur succession et en cas de retour à meilleure fortune : ainsi, alors que cette allocation est, au moins pour partie, contributive, elle est désormais la seule prestation servie aux personnes handicapées qui demeure récupérable, puisque la loi du 11 février 2005 s'est attachée à supprimer l'ensemble des autres cas de recours sur succession.

Par ailleurs, contrairement à l'AAH, la pension d'invalidité entre dans la base ressources des allocations logement et des prestations familiales sous condition de ressources : cette règle conduit les bénéficiaires du minimum invalidité à percevoir des prestations de plus faible montant. Ils ne bénéficient pas non plus de l'exonération automatique de la taxe foncière.

Si cette inégalité n'est pas nouvelle, la loi du 11 février 2005 l'a encore creusée car, mis à part les cas où ils peuvent bénéficier d'une AAH différentielle, les bénéficiaires de l'allocation supplémentaire du FSI n'ont pas accès à la nouvelle majoration pour la vie autonome, ni au complément de ressources qui permet de garantir aux titulaires de l'AAH des ressources équivalentes à 80 % du Smic net ; ils ne bénéficient pas non plus du régime plus favorable de cumul de l'allocation avec un revenu d'activité.

Ces inégalités sont source d'un sentiment naturel d'injustice de la part des bénéficiaires du FSI qui ne comprennent pas pourquoi ils sont en quelque sorte pénalisés pour avoir travaillé. C'est également une source de fraude, certains bénéficiaires potentiels du FSI faisant semblant d'ignorer la règle de subsidiarité de l'AAH qui les oblige à demander d'abord le minimum invalidité, pour pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits attachés à la qualité de bénéficiaire de l'AAH.

C'est la raison pour laquelle la mission commune de l'Igas et l'IGF précitée avait préconisé la fusion de l'allocation supplémentaire du FSI avec l'AAH. Votre commission n'y est pas opposée mais elle estime que cette question est finalement secondaire par rapport à celle de l'harmonisation des droits connexes.

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